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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 104ème jour de séance, 266ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 8 JUIN 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT SUR LA SITUATION AU KOSOVO 1

PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ (nouvelle lecture) 23

    EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 26

La séance est ouverte à quinze heures.


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DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT SUR LA SITUATION AU KOSOVO

L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur la situation au Kosovo et un débat sur cette déclaration.

M. le Président - Conformément aux décisions de la Conférence des présidents, je vais d'abord donner la parole à M. le Premier ministre, après quoi nous entendrons un représentant de chaque groupe, puis le président de la commission des affaires étrangères et le président de la commission de la défense. Le Premier ministre reprendra ensuite la parole s'il le juge utile. La télévision retransmettant nos débats jusqu'à 18 heures, il serait bon que nous finissions à cette même heure.

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Le 26 mars dernier, je vous avais exposé les raisons qui déterminaient l'engagement de la France, aux côtés de ses alliés, dans des opérations militaires aériennes contre les forces de répression serbes.

Je vous avais décrit la logique de la décision prise par les autorités françaises. Il fallait réagir au refus obstiné de M. Milosevic de remplir les obligations fixées par les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il nous fallait tirer les conséquences du rejet par Belgrade de l'issue politique proposée à Rambouillet -laquelle dessinait pourtant, après quinze mois de négociation, un avenir pour le Kosovo. Il nous fallait signifier au régime serbe que nous n'accepterions pas qu'il poursuive impunément au Kosovo, comme en Croatie et en Bosnie, un cycle de violence barbare. Il nous fallait enfin le contraindre à accepter une solution conforme au droit international et respectueuse des droits fondamentaux de la personne humaine.

A chacune de mes interventions au Parlement, comme lors des rencontres que j'ai eues à Matignon avec les présidents des groupes politiques et des commissions concernées, j'ai rappelé les objectifs et les modalités de l'intervention de nos forces armées et j'ai toujours insisté sur le fait que cette crise devait se terminer selon les termes fixés par la communauté internationale, et non ceux voulus par M. Milosevic.

Avec satisfaction, mais avec prudence, nous avons accueilli, la semaine dernière, l'annonce par les autorités de Belgrade qu'elles renonçaient à l'usage de la force au Kosovo et acceptaient les principes et les conditions que le G 8 et le secrétaire général de l'ONU, au nom de la communauté des nations, avaient posés pour trouver une issue à la crise. Il restait à s'assurer que les engagements serbes se concrétiseraient. C'est là l'enjeu des discussions en cours au plan diplomatique et militaire. Les ministres des affaires étrangères du G 8 viennent de se mettre d'accord, il y a une heure, sur un projet de résolution qui sera soumis au Conseil de sécurité des Nations Unies (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe RCV). Les discussions militaires vont reprendre. Je me réjouis avec vous de ce pas décisif accompli sur le chemin de la paix. Je suis heureux que notre diplomatie, et en particulier le ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine, aient contribué activement à cette dernière avancée (Mêmes mouvements).

La stratégie poursuivie avec constance depuis dix semaines -dont je voudrais vous rappeler les fondements- permet donc aujourd'hui d'envisager une sortie de crise.

Parce que M. Milosevic ne laissait pas d'autre issue, nous avons été conduits à exercer une logique de coercition. Parce que le régime de Belgrade avait systématiquement opposé une fin de non-recevoir aux efforts des négociateurs de Rambouillet comme à toutes les autres formes d'intervention diplomatique, notre stratégie devait employer des moyens militaires. Le décalage entre les forces de répression serbes et les populations kosovares sans défense exigeait le recours aux capacités militaires de l'OTAN. Parce que Belgrade a ensuite persisté dans son refus de composer, nous avons décidé la montée en puissance des bombardements aériens. Il a fallu poursuivre pendant plusieurs semaines la même stratégie sur un mode élargi : aux objectifs de la phase 1, touchant des centres de commandement et de défense aérienne, sont venus s'ajouter des objectifs militaires au Kosovo -sur les instruments mêmes de la répression- puis des objectifs de nature politique et économique -c'est-à-dire les instruments de la propagande et du soutien des forces.

Mais, parce que la perspective politique de cette stratégie était l'arrêt de la répression au Kosovo, il ne s'agissait pas de faire la guerre aux Serbes. La pression sur le pouvoir de Belgrade fut croissante, mais toujours maîtrisée. Nous avons refusé l'emballement et l'escalade.

Cette stratégie est aujourd'hui validée par les faits. Elle vient au bout de l'obstination de Milosevic, qui doit accepter ce qu'il avait toujours refusé : le déploiement d'une force alliée au Kosovo pour assurer le retour des réfugiés et pour garantir l'existence, dans la République fédérale de Yougoslavie, d'un Kosovo autonome et démocratique.

Frappe après frappe, notre stratégie a déstabilisé le potentiel serbe. Les dégâts infligés aux forces de répression, la désorganisation de leurs approvisionnements et de leurs soutiens logistiques, la coupure des axes de communication ont permis d'atteindre le point de rupture attendu. L'affaiblissement du moral des troupes serbes, les premiers signes de désertion et les premières manifestations de contestation ont montré au régime de M. Milosevic qu'il était dans une impasse.

Certes, cette stratégie a mis du temps à produire tous ses effets. Mais vous savez bien qu'afin de réduire les risques encourus par nos soldats et de minimiser les dommages aux populations civiles, l'action militaire ne pouvait être totale. Elle devait être contrôlée et progressive. Cependant, malgré toutes les précautions, des erreurs graves se sont produites, probablement inévitables dans un conflit de cette nature. Mais c'est un fait que nous avons à déplorer des victimes civiles.

Les résultats déjà obtenus montrent combien il convenait d'être constant dans notre stratégie. Je tiens à rendre hommage au courage, à la compétence et au professionnalisme de nos forces armées et je me réjouis qu'il n'y ait eu aucune victime dans nos rangs.

Nous avons aujourd'hui l'espoir d'atteindre nos objectifs. Mais nous mesurons les conséquences dramatiques qu'a eues, pour les Balkans, l'obstination de M. Milosevic. Nous savons les souffrances endurées par le peuple kosovar et nous tiendrons nos engagements de voir les réfugiés rentrer dans leur pays. Nous ne voulons pas humilier le peuple serbe, entraîné par ses dirigeants dans une meurtrière dérive nationaliste. Nous souhaitons au contraire que cette épreuve libère ce pays d'une politique barbare qui l'a mis au ban de la communauté internationale.

Le retour de la paix est désormais possible. Jeudi dernier, les autorités fédérales yougoslaves ont accepté les bases d'un règlement du conflit dégagées par le président finlandais M. Ahtisaari, s'exprimant au nom de l'Union européenne, l'émissaire russe, M. Tchernomyrdine, et l'envoyé américain, M. Talbott.

M. Milosevic s'est ainsi engagé à mettre fin à la violence au Kosovo, à retirer rapidement l'ensemble de ses forces militaires et de répression, à accepter -sous les auspices des Nations Unies- le déploiement de forces de sécurité permettant le retour, chez deux, des réfugiés et des personnes déplacées, enfin à accepter qu'une administration provisoire s'assure que le Kosovo bénéficiera d'un statut d'autonomie substantielle au sein de la République fédérale yougoslave.

Ce matin, en Allemagne, les ministres des affaires étrangères du G8 ont mis au point un projet de résolution conforme à ces orientations. En attendant son adoption par le Conseil de sécurité de l'ONU, l'Alliance s'attache à obtenir un début de retrait effectif et vérifiable des forces serbes, conduisant au déploiement au Kosovo de la force internationale de sécurisation. Les dernières discussions, provoquées par les autorités serbes, n'ont en rien entamé notre détermination d'aboutir au plus vite à une résolution au Conseil de sécurité.

Nous travaillerons jusqu'au bout pour que la paix revienne au Kosovo et que les réfugiés puissent y rentrer. Nous savons que de nombreuses difficultés entraveront leur retour, notamment du fait des terribles destructions auxquelles se sont livrées les forces serbes et des milliers de mines antipersonnel qu'elles ont posées. Il est néanmoins essentiel de s'engager dans cette voie, qui traduira concrètement la victoire du droit sur la force. Tant que l'ensemble des réfugiés ne seront pas rentrés chez eux, nous resterons à leur côtés, où qu'ils se trouvent.

Sur le plan humanitaire, la France s'est portée au premier rang pour secourir et protéger les réfugiés dans les camps de Macédoine et d'Albanie. Elle a par ailleurs accueilli plus de 10 000 Kosovars sur son sol depuis sept semaines. Elle maintiendra son effort humanitaire, tout en accélérant la mobilisation de ses ressources en faveur de la reconstruction économique du Kosovo.

Dans la crise au Kosovo, la France a joué et continuera de jouer un rôle de premier plan.

Elle a pris toute sa part des actions militaires. Au cours des trois derniers mois, sa position a été, à tout moment, en cohérence avec la ligne définie au sein de l'OTAN. La France a pleinement participé, au sein de l'Alliance, à toutes les phases des opérations militaires. Elle a été loyale et solidaire. Mais dans le processus de décision, la France s'est appliquée à faire valoir fermement ses points de vue. Autant notre détermination a été sans faille pour expliquer les décisions prises en commun au sein de l'Alliance, autant j'estime normal que notre pays, étant donné son statut, ses responsabilités internationales et ses capacités militaires, ait toujours voulu peser aux moments décisifs. Les autorités françaises y ont constamment veillé. Je veux ici rendre hommage au ministre de la défense, Alain Richard, et au chef d'Etat-major des armées, pour la mise en oeuvre de ces orientations (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Notre souci d'assurer, dans ce qu'on appelle "la phase 2 élargie", des mécanismes de contrôle adaptés, notre vigilance à éviter une déstabilisation du Monténégro, notre exigence de voir les frappes, après les trois premières semaines, se concentrer en priorité sur les forces déployées au Kosovo, notre souci de conserver une logique de maîtrise et de retenue pour ménager les populations civiles : toutes ces orientations ont été prises en compte (Mouvements sur divers bancs).

M. le Président - Je vous prie de mettre fin à ce brouhaha.

M. le Premier ministre - Le Parlement a été informé par le Gouvernement dès le début. J'ai regretté que le sommet de Berlin nous ait empêchés d'être présents au moment des frappes. Nous sommes aujourd'hui à un moment décisif, et je crois que la date du présent débat a été bien choisie. Je souhaite donc pouvoir m'exprimer, sans que les conversations se multiplient d'un côté de l'Assemblée.

La France prépare désormais sa participation aux opérations de paix. Le Parlement a été associé et informé à chaque étape du processus diplomatique. Alors que s'ébauche une nouvelle phase de l'engagement français dans les Balkans, je veux informer la représentation nationale des conditions de la participation française aux efforts de paix.

Ceux-ci reposent notamment sur la mise en place d'une force de sécurisation au Kosovo, appelée K-FOR. Son état-major central aura une responsabilité de coordination importante. Sa structure est en cours de négociation entre Alliés et Russes. Cette force de près de 52 000 hommes comportera pour l'essentiel des contingents de l'OTAN, mais aussi un important détachement russe -dont le volume reste à préciser- et d'autres contributions de pays amis. La France y participera à hauteur de 7 000 hommes. Notre effort devrait reposer sur une brigade, incluant en particulier un bataillon blindé mécanisé doté de chars Leclerc, et deux bataillons du génie pour le déminage et la reconstruction. Des bataillons étrangers pourraient se joindre à cette brigade. Dans l'état actuel des discussions, nous devrions nous déployer au Nord du Kosovo, autour de Kosovska-Mitrovica. Nos forces devront sécuriser cet espace, aider au retour des personnes réfugiées et déplacées et favoriser le rétablissement d'une vie normale.

Cette mission sera difficile. Nos forces interviendront dans un environnement dangereux, surtout au début, en raison des mines antipersonnel, des provocations possibles, et de la tentation qu'éprouveront certains de recourir à la violence. Le retour à la normale prendra du temps. Notre objectif est de garantir une solution politique stable au Kosovo. Cette force sera déployée pour une longue durée. Le Gouvernement y est prêt.

Pour l'Europe politique, pour l'Europe de la défense, la crise kosovare a constitué un tournant, dont nous devions tirer toutes les leçons. Si l'Europe, dans son action politique, a fait preuve d'une volonté cohérente, en particulier en défendant sa conception des négociations diplomatiques, chacun a pu mesurer le chemin qu'il nous reste à parcourir pour construire l'Europe de la défense.

L'Europe a montré sa résolution. Du conseil européen de Berlin le 24 mars à celui de Cologne les 3 et 4 juin, en passant par le Conseil extraordinaire le Bruxelles le 14 avril, l'Union a toujours pris ses responsabilités dans la gestion de la crise. Elle l'a fait au nom des valeurs communes qui fondent précisément sa construction : le respect des droits de l'homme, la démocratie, la liberté, le droit international. L'Europe ne pouvait accepter sans réagir que ces valeurs soient violées au Kosovo.

L'inculpation de M. Milosevic et de quatre autres responsables serbes, pour crimes contre l'humanité, par le procureur général du tribunal pénal international, a souligné, si besoin était, combien notre réaction à cette barbarie était justifiée. Les termes de l'acte d'inculpation donnent raison aux pays qui se sont coalisés pour arrêter la force par la force, au nom du droit. La décision du Tribunal montre également la voie pour l'avenir de cette région. Il n'y aura pas de paix sans justice, pas de développement économique et de stabilité politique sans l'établissement préalable d'un Etat de droit qui protège toutes les populations et leur permette, quelle que soit leur origine ou leur religion, de participer à l'épanouissement de la démocratie.

La solidarité des Quinze s'est traduite par leur engagement commun dans les opérations de l'Alliance -pour ceux qui en sont membres- et par la participation active de tous aux efforts diplomatiques. La France, par la voix du Président de la République et du Gouvernement, a joué, au sein de l'Union, un rôle moteur. Contrairement à ce qu'on dit certains, les Européens n'ont pas suivi les Etats-Unis ; ils ont participé pleinement à la prise des décisions militaires et à leur mise en oeuvre parce qu'ils étaient convaincus que le recours à la force était devenu inévitable face à l'intransigeance de M. Milosevic. Si les Etats-Unis ont fourni la plus grande part des moyens aériens, la participation des Européens a été importante. Ce sont eux qui assurent, à partir des éléments de la force d'extraction mise en place en Macédoine lors du déploiement des observateurs de l'OSCE, l'essentiel de la présence de l'Alliance en Macédoine et en Albanie, et qui ont organisé la majeure partie de l'effort humanitaire dans ce pays. Et les Européens fourniront plus de la moitié des forces de paix qui entreront bientôt au Kosovo, pour assurer la mise en oeuvre des décisions du Conseil de sécurité.

Forte d'une diplomatie active, l'Europe a défendu sa conception de la négociation. C'est sous son impulsion, et plus particulièrement celle de la France et du Royaume-Uni, que les négociations de Rambouillet et de l'avenue Kléber se sont tenues. Les Européens n'ont pas cessé d'agir ensuite pour qu'au-delà des opérations militaires, soient dessinées des perspectives de règlement pacifique. Je veux à cet égard rendre hommage au travail de nos diplomates.

C'est l'Europe -et singulièrement la France- qui a promu le retour de la Russie dans le jeu diplomatique, parce qu'elle était convaincue que celle-ci est un partenaire majeur pour la paix et la sécurité sur le continent. Nous ne pouvons que nous réjouir du dialogue confiant qui s'est établi entre M. Tchernomyrdine et M. Ahtisaari, et qui a donné une dynamique nouvelle à la recherche d'une issue politique. C'est également l'Europe qui a réclamé la première que les Nations Unies retrouvent leur place dans la recherche d'un règlement. C'est pourquoi nous avons appuyé sans hésiter la déclaration faite le 9 avril par le Secrétaire général de l'ONU pour proposer les conditions d'une solution politique. Nous sommes très satisfaits que le Conseil de sécurité doit jouer tout son rôle dans la phase qui vient de s'ouvrir, car nous sommes convaincus que son rôle est primordial en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationale.

Dès le 14 avril, à Bruxelles, l'Europe a proposé un ensemble de mesures susceptibles d'aider les pays de la région à surmonter les conséquences de la crise, et à progresser, ensemble et dans le dialogue avec l'Union européenne, sur la voie du développement et de la démocratie. En incluant la Yougoslavie dans le projet de "Pacte de stabilité pour l'Europe du sud-est" proposé par la présidence allemande, l'Union atteste sa volonté de contribuer à un règlement à long terme des tensions dans les Balkans. De la même façon, à l'initiative du Président de la République, l'Union européenne a proposé de prendre en charge, sitôt obtenu un accord de paix, l'administration provisoire du Kosovo. J'y vois le signe de la détermination des Européens à agir ensemble, alors que l'Union entre dans une nouvelle phase de sa construction politique.

Cette construction doit désormais faire sa place à la perspective d'une véritable Europe de la défense. L'épreuve des Balkans a permis de cristalliser une conscience européenne dans ce domaine. Nous devons en tirer toutes les conclusions en termes de commandement, de conduite des opérations militaires, de performance comme de compatibilité des matériels et des équipements, de procédures de recueil et d'échange de renseignements, de planification et de suivi des actions militaires. Il faut donc se réjouir des résultats positifs du sommet de Cologne, préparés par la déclaration franco-britannique de Saint-Malo et le communiqué franco-allemand de Toulouse. C'est un accord politique majeur, obtenu à quinze, qui conforte la légitimité de l'Union européenne à traiter les questions de défense et de sécurité.

Trois points essentiels ont en effet été acquis. Tout d'abord l'Europe doit se doter des moyens propres pour la préparation et le suivi des décisions, qu'il s'agisse du renseignement, de la planification stratégique ou de l'analyse des situations de crise. Ensuite elle doit pouvoir librement disposer de capacités militaires, que ce soit au travers du pilier européen de l'OTAN ou grâce à la mobilisation de moyens européens autonomes. Sur ce point, il faut saluer le projet de transformation du corps européen en corps européen de réaction rapide. Enfin, l'Europe a besoin d'une réforme institutionnelle incluant la création d'instances décisionnelles -le comité politique et de sécurité, le comité militaire, l'Etat-major européen- et l'intégration prévue, à terme, de l'UEO dans l'Union européenne.

A l'heure où je m'exprime, le processus de paix est en cours. La voie vers la paix est ouverte. Pour les Kosovars, pour tous les peuples des Balkans, pour l'Europe et pour la communauté internationale, nous nous devons de réussir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste).

M. Jacques Brunhes - "Nous y sommes à 99 %", a déclaré hier soir M. Robin Cook, qui n'est pas connu pour son optimisme. Nous approchons donc d'une issue politique. Un accord vient d'être trouvé au G8, une résolution va être proposée au Conseil de sécurité (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Même si tout n'est pas réglé, nous nous réjouissons de l'espoir qui s'est enfin levé au Kosovo avec l'acceptation par le Parlement yougoslave des conditions fixées par le G8 (Mêmes mouvements).

M. le Président - Est-ce trop vous demander que d'écouter dans le silence ?

M. Jacques Brunhes - Comment ne pas apprécier cette décision en songeant à la répression, à l'épuration ethnique, à la déportation de la population kosovare, qui a la perspective du retour, de la démilitarisation et de l'autonomie de la province ?

En pensant aussi à la population serbe traumatisée par cette guerre qui a pendant trop longtemps conforté Milosevic dans sa tyrannie, et que les bavures "collatérales" comme disent cyniquement les militaires, ont fait des dégâts incalculables.

Comment ne pas penser aux pays environnants, entraînés dans un cycle de déstabilisation qui pouvait s'étendre à l'ensemble des Balkans, à tous les pays de la région qui ont suivi les événements avec angoisse, de la Hongrie à la Turquie ?

L'urgence, c'est d'enrayer cette logique de guerre qui pourrait nous entraîner dans un engrenage épouvantable.

M. Maxime Gremetz - Très bien !

M. Jacques Brunhes - N'aurait-on pas pu faire l'économie de cette guerre meurtrière. Non pas par une simple négociation, mais par une bataille politique misant sur les opinions publiques, offrant au peuple serbe une perspective positive ?

Ce qui frappe aujourd'hui, ce sont les différences essentielles entre le volet militaire de Rambouillet et les dix points du G8.

A Rambouillet, les deux parties étaient parvenues à un accord sur une autonomie substantielle du Kosovo et le respect des libertés des Kosovars.

L'échec, sous la pression hégémonique des Etats-Unis, est venue de la partie militaire de Rambouillet, de l'entêtement à imposer l'OTAN pour une application de l'accord dans des conditions inacceptables.

Depuis le début nous n'avons cessé de dire que la solution ne pouvait être que politique, que l'Union européenne, la Russie, les Nations Unies devaient jouer un rôle positif.

Or, à Rambouillet, rien n'a été fait pour rouvrir le volet militaire. La preuve que tous les efforts en faveur d'un accord politique n'ont pas été tentés, c'est qu'entre temps le contenu des dispositions militaires a changé.

En effet, à la différence du texte de Rambouillet, le document de paix en dix points accepté le 3 juin par la Yougoslavie se réfère à l'ONU et au rôle de la Russie, interlocuteur incontournable dans les Balkans.

Que n'a-t-on à Rambouillet, poussé les négociations dans ce sens, alors qu'après 74 jours de frappes, nous aboutissons, avec ces dix propositions, à ce qui semble aujourd'hui nécessaire, à l'exception de "la participation substantielle" de l'OTAN.

Sur ce point, a été désigné à Cologne, en application du traité d'Amsterdam, un M. PESC, ce qui offrait à l'Europe une occasion de se démarquer de l'OTAN. De fait, un ministre interrogé par un de nos collègues a répondu que ce devait être une personnalité "non otanienne" (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Or, c'est M. Solana, secrétaire général de l'OTAN, qui a été désigné, celui-là même qui a déclaré le 25 mars que les frappes de l'OTAN dureraient deux ou trois jours au plus. Vous comprendrez notre scepticisme et notre inquiétude ("Très bien !" sur les bancs du groupe communiste).

Il s'agit maintenant de garantir une paix solide et durable. On parle actuellement de séquences. Faut-il d'abord arrêter les frappes puis voter la résolution du Conseil de sécurité, ou l'inverse ? Les Serbes demandent onze jours pour retirer leurs troupes et non pas sept.

Ce sont bien des problèmes ultimes. Mais, de grâce, ne faisons pas la guerre pour ça ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

La relance des frappes alors que nous sommes arrivés à ce point d'accord diplomatique, peut encore tout bloquer si l'on en juge par les déclarations de la Russie. Il faut, Monsieur le Premier ministre, arrêter les bombardements, pas par faiblesse mais pour lever tout prétexte venant retarder le retrait serbe.

La meilleure façon de faire pression sur le régime serbe n'est-elle pas de donner un signal fort à une population qui peut très vite relever la tête et obliger Milosevic à respecter sa parole ?

Répression féroce, épuration ethnique, déportation commencée bien avant mais accélérée par les frappes aériennes qui, depuis sept semaines, ont fait 10 000 morts militaires selon l'OTAN et un nombre inconnu de victimes civiles, voilà le prix terrible de la guerre !

Des infrastructures militaires ont été détruites mais aussi le tissu économique et industriel. On parle, pour la reconstruction, de 130 à 200 milliards d'euros !

Il est urgent d'en finir avec ce fantastique gâchis. L'Europe, stimulée par la France, doit prendre une part décisive à l'édification d'une paix solide et durable. Nous soutenons donc tout ce qui va dans le bon sens dans votre politique.

Nous demandons, depuis le 2 mai 1993, la réunion d'une conférence européenne sur les Balkans, qui offrirait un cadre impartial pour traiter des questions de minorités, de frontières et d'institutions.

Toutes les nations d'Europe, et pas seulement les Etats, devraient être impliquées, de manière à contribuer sur un pied d'égalité et au développement de l'ex-Yougoslavie, cela suppose que la guerre laisse place à la négociation. L'objectif serait d'aboutir à la constitution d'Etats de tous les citoyens, respectant mutuellement leur souveraineté et préservant en leur sein l'identité nationale de chaque communauté et les droits de chaque individu. La tâche serait difficile et de longue haleine. Mais un tel cadre offrirait aux populations une autre alternative que celle d'une guerre meurtrière ou d'une capitulation humiliante.

Pour promouvoir une organisation et une conception européennes de la sécurité du continent, il faut commencer par couper le cordon ombilical avec l'OTAN (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste). Il ne faut pas fabriquer un clone européen de l'OTAN (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il nous faut au contraire privilégier de façon absolue la prévention, et pour ce faire, revaloriser le rôle de l'OSCE. Nous avons d'ailleurs avancé l'idée d'une coordination des moyens militaires européens sous l'égide de l'ONU.

Il conviendrait également de renforcer et de démocratiser le rôle de l'ONU. Un règlement politique négocié devrait systématiquement être recherché en cas de risque de conflit. En cas de crise, les pays européens, sous mandat strict de l'ONU, peuvent intervenir, si cela est jugé nécessaire, pour maintenir la paix et la sécurité ou pour des raisons humanitaires.

Pour leur part, les communistes considèrent qu'après la dissolution du pacte de Varsovie, l'OTAN n'a plus de raison d'être (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement et vous-même avez répondu aux questions que vous pose le groupe communiste, chaque semaine, depuis le début du conflit. Vous avez réuni les responsables des groupes du Sénat et de l'Assemblée à Matignon. Les commissions ont entendu et interrogé les ministres compétents. Trois débats ont eu lieu ici même.

Et pourtant, nous avons le sentiment que l'Assemblée est mise devant le fait accompli.

Plusieurs députés RPR, UDF, DL - Eh oui !

M. Jacques Brunhes - Les bombardements sont décidés sans l'avis du Parlement. Nos dirigeants entérinent à Washington des décisions stratégiques d'une gravité exceptionnelle sans que nous ayons à en débattre, encore moins à en décider par un vote.

Nous apprenons par la presse le coût de l'engagement de la France sans que les conséquences sur le budget national n'en aient été précisément évaluées. Ce n'est pas acceptable.

La commission sur la révision de la Constitution, présidée par M. Vedel, notait déjà en 1993 que le Parlement devait pouvoir exercer plus largement son droit d'initiative et son pouvoir de décision. Pouvoir de décision, j'y insiste, et pas seulement de contrôle ("Tout-à-fait" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Didier Boulaud - Silence, les champions du 49-3 !

M. Jacques Brunhes - Une réponse institutionnelle devra être apportée à ce problème fondamental.

Une part déterminante de notre avenir se joue dans la façon dont nous, Européens, saurons ouvrir la voie après la mise en oeuvre d'une solution pacifique dans les Balkans.

Nous ne méconnaissons pas la complexité des problèmes, mais nous sommes convaincus que la France a, à cet instant, un rôle pilote à jouer pour mettre fin définitivement au conflit et pour garantir l'édification d'une paix solide et durable (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe RCV).

Mme Nicole Ameline - En vous écoutant, Monsieur le Premier ministre et en prenant acte de l'imminence du règlement du conflit au Kosovo, grâce aux efforts conduits par notre pays, et tout particulièrement par le Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), c'est aux larmes silencieuses des enfants kosovars, aux visages tristes de leurs mères, et à la douleur muette des plus âgés, que j'ai rencontrés dans les camps d'Albanie, que je pense en premier lieu. Je pense à cette femme à qui je demandais ce que la France pouvait faire de plus pour l'aider. "Aidez-moi simplement à rentrer chez moi", me répondit-elle.

L'humanité perdue d'un peuple européen victime d'une épuration ethnique planifiée et d'une volonté d'anéantissement, appuyées sur une violence extrême, appelait la mobilisation des consciences et le courage des démocraties. Une conception nouvelle du droit du juste et du politique en naîtra.

Les Européens auraient perdu leur âme et l'Europe son sens si nous avions assisté dans l'impuissance ou dans l'indifférence à la renaissance de l'inacceptable. L'émotion bouleversante ressentie dans les camps de réfugiés, la reconnaissance exprimée à la France, à ses forces militaires et humanitaires, pour leur travail remarquable, renforcent notre conviction, qu'en cette fin du XXème siècle, tout doit être fait pour éviter que cette dernière expression de la barbarie ne devienne le premier conflit du siècle prochain.

Liberté retrouvée, nous l'espérons, dans les heures qui viennent au Kosovo, liberté commémorée le 6 juin dernier sur les plages de Normandie avec les survivants des forces alliées de l'époque qui libérèrent l'Europe, il y a juste 55 ans, et en éradiquèrent le nazisme. Sans cette mobilisation des démocraties, à quoi ressemblerait l'Europe aujourd'hui ? Que signifierait le mot liberté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Le combat pour le droit et les valeurs de la démocratie est une cause juste. Elle est celle du courage et de la modernité. Face à l'épuration ethnique, les démocraties occidentales n'ont pas été faibles. Nous avons eu raison de démontrer que la force est légitime dès qu'elle sert le droit.

L'utilisation de la force contre Milosevic aura porté ses fruits. Il faut certes rester très prudent. Nous n'en sommes pas encore à la conclusion de la paix, mais chaque jour nous en rapproche.

Le groupe Démocratie libérale a toujours été partisan de l'intervention, en plein accord avec la stratégie définie par le Président de la République...

Plusieurs députés socialistes - Et le Gouvernement.

Mme Nicole Ameline - ...dont il faut souligner la détermination sans faille dans la gestion de ce conflit.

Nous avons eu raison d'intervenir pour mettre fin à la déstabilisation de la région et à l'épuration ethnique conduite par un dictateur passé directement du communisme au nationalisme (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Aujourd'hui, il s'agit moins de négocier que d'imposer une paix à Milosevic.

L'histoire donne, aujourd'hui, raison à ceux qui ont refusé la conception de la souveraineté étroite et dépassée de ceux qui ont pris position contre les frappes aériennes.

Face à la détermination des Etats membres de l'OTAN, on ne peut que déplorer les déclarations contradictoires de certains membres du gouvernement français qui, à ce point ultime des négociations, pourraient jeter le trouble sur la position française. Alors que depuis onze semaines la France a montré son unité politique, il est regrettable qu'en cette période de contact difficile avec les militaires yougoslaves, certains contestent l'action française. Ainsi la déclaration du ministre de l'intérieur selon laquelle une "suspension des frappes favoriserait une issue" est-elle totalement déplacée, sachant que nous avons affaire à un dictateur qui n'a jamais honoré ni sa parole ni sa signature.

Bien au contraire, nous devons plus que jamais rester fermes sur nos principes, sur notre méthode et sur nos conditions. Les exigences de Rambouillet forment un tout qui ne tolère aucune concession. L'impatience ne doit toutefois pas conduire à compromettre le processus de paix. La chronologie en est simple : tout d'abord, assurer la mise en place d'une force de paix internationale, ensuite organiser le retour des réfugiés, enfin, assurer l'autonomie du Kosovo.

Le conflit au Kosovo s'inscrit dans l'évolution du droit et des mentalités consacrée par la création de tribunaux pénaux internationaux, pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, et celle, récente, de la Cour pénale internationale.

Pour la première fois, une intervention militaire et politique a été fondée sur un principe moral : la défense des droits de l'homme. "Toute défense efficace de la paix passe avant tout par la défense des valeurs morales", écrivait Alexandre Soljenitsyne (Murmures sur les bancs du groupe communiste). Le droit a prévalu sur la force, et la démocratie sur la barbarie.

Certes, la France et l'Europe n'ont pas vocation à intervenir partout où naissent des conflits. Il n'est pas question d'exalter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, sachant qu'il existe quelques 5 000 peuples et ethnies sur terre. Mais il s'agit, tout aussi fermement, de refuser le droits des Etats de disposer des peuples. C'est dire l'importance du rôle de l'ONU.

La pensée libérale se fonde sur les droits fondamentaux de l'homme, hérités de l'humanisme grec, en particulier sur le droit du plus faible. Elle replace l'homme au coeur de l'action et du projet politique.

Le destin de l'Europe se joue au Kosovo.

L'Union européenne a l'occasion se s'imposer, à la fin de ce conflit, comme puissance militaire et puissance économique sur le vieux continent.

Ce conflit a démontré la nécessité pour les Européens de concrétiser la politique extérieure et de sécurité commune prévue par le traité de Maastricht. Seuls, les Etats membres ne disposent plus de l'influence diplomatique ni de la puissance militaire pour venir à bout des conflits qui ont surgi ou peuvent encore surgir en Europe. Ensemble, ils n'ont pas su le faire, faute des structures adéquates.

Ce sont précisément ces structures qu'il nous faut aujourd'hui mettre en place.

Une défense européenne est une vieille ambition, un vieux rêve abandonné en 1954, qui est né à nouveau en 1998 à Saint-Malo.

De même, lors du dernier sommet franco-allemand en mai dernier, la France et l'Allemagne ont souhaité que l'Union européenne se dote "des moyens autonomes nécessaires pour décider et agir" en matière de défense et proposé de transformer l'actuel corps européen en un corps de réaction rapide, adapté au nouvel environnement stratégique.

Lors du dernier sommet européen de Cologne, les Quinze se sont accordés sur le nom de Javier Solana, actuel secrétaire général de l'OTAN, pour devenir le premier "Monsieur Politique extérieure et de sécurité commune" de l'Union européenne, tel qu'il est convenu dans le traité d'Amsterdam. M. Kissinger ne pourra plus dire "l'Europe, quel numéro de téléphone ?" : désormais, la diplomatie européenne a un nom et un visage ! Le chemin sera long et ardu tant les traditions politiques et historiques diffèrent ; certains Etats sont neutres, d'autres sont très atlantistes et la France a une position particulière. Mais je suis convaincue que la volonté politique existe de s'atteler à cette tâche, dont la nécessité s'impose de plus en plus clairement.

Cette ambition d'une défense européenne suppose aussi des moyens concrets : il est en particulier urgent de réfléchir à une restructuration de l'industrie de la défense, mais également de prendre conscience que cette défense européenne coûtera cher. Nous savons tous que le budget d'équipement des armées américaines est de 80 milliards de dollars, soit le double de celui de l'Union européenne, et que, sur ces 80 milliards, 35 sont consacrés à la recherche et au développment, contre 12 en Europe où les budgets militaires subissent une baisse structurelle. Que sera, Monsieur le Premier ministre, votre prochaine loi de programmation militaire ? Sur quelles armes stratégiques comptez-vous faire porter l'effort -quid notamment des satellites de renseignements ?- et entendez-vous coopérer effectivement avec nos partenaires européens ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Didier Boulaud - Pour le moment, c'est votre loi de programmation que nous appliquons !

Mme Nicole Ameline - Construire une Europe de la défense ne signifie pas tourner le dos à l'OTAN. L'avenir n'est pas dans la concurrence, mais dans une volonté d'affirmer l'identité européenne (Mêmes mouvements). Tout au long du conflit, le Président de la République a insisté sur deux principes qui fondent la position française. D'une part, il a obtenu lors du sommet de Washington que soit mentionné désormais le rôle essentiel de l'ONU dans le règlement des crises internationales. D'autre part, il a tenu à ramener à la table des négociations la Russie, puissance européenne sans laquelle il est illusoire d'essayer de rétablir la stabilité en Europe -ce rappel a d'ailleurs eu quelque effet !

L'Union européenne devra enfin utiliser sa puissance et sa volonté pour aider à la reconstruction des Balkans. A cet égard, on ne peut que se féliciter de l'engagement pris par les participants au Conseil de Cologne de mettre à la charge de l'Union la plus grande partie de la reconstruction du Kosovo. Cependant, il importera aussi de venir en aide à l'Albanie, qui a accueilli 500 000 réfugiés, et la Macédoine, qui en a reçu plus de 200 000 pour un coût évalué à 26 millions de dollars. N'oublions pas non plus la Bulgarie et la Roumanie, affectées par l'obstruction du Danube. Il ne suffira sans doute pas de promettre à ces Etats une association à l'Union européenne. Cette association doit au plus vite devenir une réalité politique et économique et la France a sur ce point un rôle primordial à jouer. L'histoire s'accélère en Europe ! Dans les toutes prochaines années, nous devrons relever le défi de l'élargissement, de la réunification politique du continent. Le groupe Démocratie libérale réaffirme son attachement à ce processus et ne peut que s'étonner de certaines réticences ou frilosités. La réussite de cet élargissement n'est-elle pas indispensable à la stabilité de l'Europe, à sa prospérité économique et au renforcement des valeurs communes ?

J'emprunterai ma conclusion à Alain Madelin (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : "Si le drame du Kosovo peut permettre aux Européens de retrouver la conscience de ce qui fait leur identité, leur génie et leur unité, alors le XXème siècle n'aura été qu'une parenthèse de l'histoire, alliant les découvertes scientifiques les plus fabuleuses aux expériences politiques les plus insensées, et l'effondrement du mur de Berlin aura bien été le signe qu'un nouveau monde allait en remplacer un autre !" (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Jean-Marc Ayrault - Le document de paix présenté aux autorités de Belgrade par le prochain président de l'Union européenne, M. Ahtisaari, par l'Américain Strobe Talbott et par le Russe Viktor Tchernomyrdine, et adopté par le Parlement yougoslave le 3 juin dernier, esquisse une solution pour le conflit du Kosovo. Depuis, l'évolution vers la paix n'est certes pas rectiligne ni évidente, mais elle est indéniable. La stratégie suivie, combinant recherche d'une solution négociée et pressions militaires, s'est révélée adaptée aux circonstances.

Ce document correspond au but qui était le nôtre depuis le début du processus de négociations qui s'est interrompu à Rambouillet. La décision prise alors par l'OTAN de procéder à des frappes aériennes ne visait pas à humilier le peuple serbe, mais bien à contraindre le gouvernement de Milosevic à renoncer à l'épuration ethnique.

Pendant les dix semaines de ces frappes, le gouvernement yougoslave, qui avait entamé cette épuration ethnique bien auparavant, l'a poursuivie jusqu'à un paroxysme, en jetant sur les routes plus d'un million de personnes.

En retardant l'application de ce qui avait été convenu en mars et en accentuant la répression jusqu'au délire, Milosevic a pris une lourde responsabilité devant l'histoire et devant son peuple. La justice internationale était donc fondée à lui demander des comptes.

C'est bien dans la reconstitution d'un Kosovo rendu à ses habitants que réside l'objectif -le seul objectif- de l'OTAN, de l'Union européenne et des Etats-Unis. Ce que d'aucuns ont appelé "les buts de guerre", n'a jamais été d'instaurer une hégémonie quelconque, de laisser de côté l'ONU ou d'exclure la Russie des affaires européennes.

Mais nous voulons aussi affirmer les droits de l'homme, sur lesquels s'est construite la démocratie, comme principe du développement de l'Union européenne et garante de la paix sur tout le continent. Il ne s'agit donc pas d'affirmer la puissance du fort contre le faible, de promouvoir un modèle, mais d'affirmer le droit des individus à une existence paisible chez eux et de récuser une idéologie qui ferait de l'ethnie la base de la construction des Etats (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Si donc nous voulons permettre aux Kosovars de vivre en paix chez eux, la première exigence, la plus urgente, est donc l'évacuation de ce territoire par les forces militaires serbes, armée, police et milices. La solution, c'est de garantir la sécurité du Kosovo par une force internationale puissante, commandée de la façon la plus simple possible, afin d'éviter les difficultés rencontrées en Bosnie -et l'indispensable résolution du Conseil de sécurité devra donc tenir compte de ce précédent.

Ne nous cachons pas cependant la difficulté centrale. Ce document de paix réaffirme la volonté de ne pas démanteler l'Etat yougoslave, dont le Kosovo ferait toujours partie. Quel Kosovar souhaite encore aujourd'hui appartenir à une entité étatique commune avec les Serbes ? Qu'allons-nous découvrir quand les forces internationales entreront au Kosovo ? Quelles horreurs ? Quels charniers ?

Le gouvernement Milosevic a été et demeure un gouvernement criminel (Approbations sur les bancs du groupe socialiste). Qui le conteste, même parmi ceux qui ont désapprouvé les frappes ? Et quel autre moyen a-t-on proposé pour faire céder une dictature de haine et de terreur ? Qui va encore parler de manipulation de l'opinion publique ?

Assurer la paix dans ce pays exsangue, permettre à des hommes et des femmes d'origines différentes de vivre ensemble implique donc un engagement durable des forces militaires internationales, sur place. Cela exige également un énorme effort financier et économique, pour reconstruire ce territoire. Seule en effet l'accession de cette région a des conditions de vie comparables à celles qui prévalent dans l'Union permettra d'y établir progressivement des relations non conflictuelles entre peuples. L'Union européenne a les capacités requises pour cette tâche, qui est aussi pour elle un devoir. Pour les députés socialistes en tout cas, il n'y aura de paix et de sécurité sur le continent tant que perdureront des inégalités fondamentales.

Il est évident que le document de paix, pour important qu'il soit, doit être précisé et accompagné de cet effort fraternel. Nous comprendrions mal des atermoiements du côté du gouvernement serbe et les calculs des chancelleries doivent s'effacer devant les détresses. La dignité qu'il faut redonner aux victimes de la barbarie fixe les limites du jeu diplomatique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe RCV).

Contrairement à ce qui s'était passé pour la Bosnie, l'Europe a su prendre ses responsabilités ; mais sans les Etats-Unis, elle aurait été sans armes. Au sommet de Cologne, elle a pris l'engagement de se doter d'un mécanisme de décision en matière de politique extérieure et de réunir ses forces militaires, bref de constituer les instruments de sa responsabilité.

Monsieur le Premier ministre, notre pays a su, avec les autres puissances européennes, faire preuve d'une détermination sans faille. Le Gouvernement, appuyé sur sa majorité parlementaire, compris et soutenu par l'immense majorité de l'opinion publique, s'est montré digne de l'exigence fondatrice de notre République, celle de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui a, faut-il le rappeler, valeur universelle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe RCV).

M. Didier Quentin - Comme l'a annoncé le Président de la République à Cologne le 3 juin, un espoir de paix est né. Celui-ci s'est renforcé avec l'annonce, au début de cette séance, d'un accord sur la chronologie d'un retour à la paix, qui sera soumis au Conseil de sécurité. Le droit et la dignité humaine sont en passe de l'emporter.

On voudrait maintenant accélérer le temps, mais il est long de construire la paix. Beaucoup de points doivent être précisés : le temps nécessaire au retrait de l'armée serbe ; la latitude laissée à l'UCK ; la place des Russes dans la force internationale de maintien de la paix, laquelle devra être déployée dès le début de l'évaluation des Serbes ; le délai nécessaire au retour des personnes déplacée.

Rien n'aurait été possible sans l'action déterminée et convergente des Européens, des Américains, des Russes, contrairement à l'idée reçue d'une soumission des Européens aux Américains. De bout en bout, l'Europe aura joué un rôle politique moteur, d'abord avec la France et la Grande-Bretagne, mais aussi avec l'Allemagne et l'Italie.

En engageant les forces de l'OTAN dans des opérations aériennes, les démocraties occidentales ont décidé que la barbarie ne passerait pas. L'Europe n'a pas accepté que les pires atrocités de ce siècle puissent se reproduire sur son sol, ni que par un engrenage maintes fois éprouvé dans les Balkans, tout le continent soit entraîné dans la guerre.

L'engagement de la France, décidé par le Président de la République et mis en oeuvre par le Gouvernement est conforme à nos valeurs fondamentales et à l'idée de l'homme qui est au coeur de notre projet européen.

Dès le mois de mars 1998, le groupe de contact sur la Yougoslavie, comprenant la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Allemagne et les Etats-Unis, s'était saisi de la crise du Kosovo ; toutes les voies non militaires ont été explorées en vain, jusqu'à la relance globale du processus diplomatique à Rambouillet, que le régime de Belgrade fit échouer. Notre crédibilité était en jeu ; courageusement, la France, sous l'impulsion du Président de la République, en liaison permanente avec les autres chefs d'Etat ou de gouvernement, a fait le choix de la fermeté, sans jamais fermer la porte de la négociation.

Il avait été dit à de nombreuses reprises par le Président Chirac lui-même que cette affaire demanderait du temps et de la détermination. La tournure prise par les événements désavoue tous ceux qui contestaient le cap fixé par le Président de la République, et dont le scepticisme confinait parfois au défaitisme. Ces voix de Cassandre...

M. Jacques Fleury - Pasqua ! Villiers !

M. Didier Quentin - ...n'étaient pas seulement celles d'intellectuels ou d'une prétendue géopoliticienne de retour de Belgrade, mais se faisaient entendre jusque sur certains bancs de la majorité plurielle...

L'acceptation du plan de MM. Tchernomyrdine et Ahtisaari est un grand soulagement. La fermeté a fait reculer le dernier dictateur stalinien d'Europe. Cette victoire ne pouvait être éclatante car, dans l'hypothèse d'une guerre éclair ou massive, le bilan en vies humaines, civiles ou militaires, aurait été beaucoup plus lourd que l'actuel décompte, déjà insupportable.

Cette guerre n'a pas été livrée contre un peuple, mais contre un dictateur et un régime. A cet égard, l'inculpation de Milosevic par le tribunal pénal international, quoi qu'en aient dit certains, aura eu un effet bénéfique.

Par ailleurs, notre diplomatie a le mérite d'avoir réintroduit la Russie, et par là même le Conseil de sécurité, dans le processus de paix. Le Président Chirac n'a pas fait son voyage à Moscou "pour rien", comme certains avaient cru pouvoir le dire.

Le groupe RPR souhaite pour l'avenir une solution respectueuse de l'histoire et du droit, c'est-à-dire tant des droits humains des Kosovars que des droits historiques des Serbes. Dans cet esprit, il faut se féliciter que, lors du sommet de Cologne, les chefs d'Etats et de gouvernements des Quinze aient confirmé leur volonté de participer à la reconstruction de la région et de jouer un rôle de premier plan au Kosovo.

Il sera sans doute nécessaire, comme l'a suggéré la France, dans le cadre de la solution politique, d'installer une véritable administration provisoire de la province qui pourrait être dirigée par l'Union européenne. Il serait également souhaitable de mettre sur pied avant l'été une agence chargée d'organiser les programmes de reconstruction.

Les réfugiés du Kosovo devront être réinstallés dans leur pays dans leurs droits et leur dignité. Et les diverses organisations internationales auront à guérir peu à peu cette honteuse blessure au flanc de l'Europe. Mais nous devons aussi songer aux civils serbes. Nous ne devons pas abandonner cette nation fière et patriote qui a été trahie par ses dirigeants et ruinée par une politique criminelle. Rien ne serait pire que d'abandonner les Serbes à leur désarroi en les diabolisant et leur faisant payer les crimes de Milosevic (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). Il faudra leur tendre la main. C'est aussi la Serbie qu'il s'agira de reconstruire et de réintégrer dans la famille européenne.

L'Union européenne devra par ailleurs affiner la préparation du pacte de stabilité pour l'Europe du sud-est qui concernera une dizaine de pays, de la Croatie à la Turquie, et dont l'évaluation budgétaire est menée sous la houlette commune de l'Union et de la Banque mondiale. Ce pacte devrait reprendre un modèle déjà utilisé pour les pays d'Europe centrale et orientale, et viser à l'établissement de relations de bon voisinage entre les pays des Balkans. Le désarmement, la démocratisation, le respect des minorités seraient ainsi accompagnés par une aide importante à la reconstruction et au développement.

Longtemps considérée comme un "nain politique", l'Europe s'est donc affirmée dans la crise du Kosovo. Et de bout en bout, elle aura joué un rôle politique moteur. Mais entre-temps, il a fallu faire la guerre et la guerre, même si je tiens à saluer le courage de nos soldats et de nos officiers, a été avant tout l'affaire des Américains pour la bonne raison qu'ils étaient les seuls à en avoir les moyens (Murmures sur les bancs du groupe communiste). Dès l'instant que l'on choisissait l'option aérienne, les Etats-Unis possédaient seuls les appareils requis. Sur le millier d'appareils mobilisés, plus de 800 étaient américains -et plus d'une centaine français, la France ayant fourni la plus grande participation européenne. La leçon est simple : l'Europe politique restera incomplète sans une identité européenne de défense. A cet égard, le groupe RPR se félicite que les Quinze réunis à Cologne aient donné officiellement naissance à l'Europe de la défense, en convenant que l'Europe doit disposer "d'une capacité d'action autonome soutenue par des forces armées crédibles". Mais il faudra bien sûr qu'elle s'en donne les moyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR) Après la déclaration franco-britannique de Saint-Malo, et les initiatives franco-allemandes de Toulouse, cette nouvelle étape est très positive.

Les nominations de Javier Solana, comme "Monsieur PESC", et de Pierre de Boissieu, comme adjoint, constituent également un progrès dans l'organisation d'une défense commune, à laquelle on sait que les gaullistes sont très attachés depuis la présentation du plan Fouchet de 1961 (Murmures sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste)

M. Pierre Albertini - C'est discutable.

M. Jean-Claude Lefort - Il n'y a plus d'applaudissements !

M. Didier Quentin - Ce conflit aura aussi consacré le droit d'ingérence au nom des droits de l'homme. Mais le devoir de s'ingérer devra obéir à des règles qu'il appartiendra à la communauté internationale de définir. Il faudra notamment définir les autorités à même de décider l'arrêt des massacres. Comment éviter que d'éventuelles ingérences ne déstabilisent la communauté mondiale ? En tout état de cause, il faudra à l'avenir que les Nations Unies jouent un rôle croissant dans la prévention et le règlement des conflits.

Dans la longue histoire des guerres, ce conflit du Kosovo restera sans doute comme la première guerre de légitime défense des droits de l'homme. C'est pourquoi il devait absolument être gagné.

Il marquera ainsi une étape essentielle dans le combat pour nos valeurs et pour la démocratie dans le combat contre la barbarie. Comme l'a dit le Président de la République : "Désormais sur notre continent, chacun aura compris que ne seront plus tolérées des politiques racistes, des pratiques de purification ethnique qui faisaient honte à notre conscience et à notre mémoire".

S'il est vrai, comme l'a écrit Paulhan, que "La France, c'est partout où l'on ne se résigne pas", la Représentation nationale peut être fière que notre pays ne se soit pas résigné et ait été à la pointe du combat contre la barbarie et pour la dignité humaine (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Yves Cochet - Il a fallu choisir -et nous avons choisi- entre deux valeurs devenues par la faute de Milosevic inconciliables : la non-violence et les droits humains.

La non-violence, nous sommes fondamentalement pour. C'est pourquoi nous avons soutenu dès le début -ici même, l'an dernier- les démarches de résistance d'Ibrahim Rugova, et ce à une époque où aucun gouvernement occidental n'était disposé à le recevoir. Dans le même temps, notre attachement tout aussi fondamental au droit des minorités et aux droits humains nous interdisait de rester passifs face à la résurgence en plein coeur de l'Europe d'une dictature sanguinaire et raciste.

Comment pactiser avec l'ultra-nationaliste Milosevic, inculpé pour crimes contre l'humanité par le TPI, sans tomber dans un compromis aux relents munichois ? En même temps, comment ne pas être révulsé par l'escalade de la guerre menée par l'OTAN ? Personne ne peut souhaiter transformer Belgrade en Dresde. Mais personne non plus ne peut se cantonner dans un angélisme qui entérinerait la perpétuation de massacres. Nous avons donc été déchirés. Car rien de cette guerre ne nous satisfait, ni la pluie des bombes avec leur cortège de désastres humains et écologiques, de tragédies intimes jamais rapportées par les médias, de traumatismes infligés aux mémoires du futur, ni la vertigineuse inadéquation entre les moyens et les fins, puisque nous pensons qu'il fallait depuis longtemps agir au plus près des plus faibles, c'est-à-dire à terre et au Kosovo même.

Nous nous méfions aussi de ce manichéisme de propagande qui tendrait à faire apparaître tous les Serbes comme des méchants, face à la puissance du bien incarnée par l'OTAN sous commandement "étasunien". Ce même manichéisme que les Etats-Unis avaient fait jouer pendant la guerre contre l'Irak, ce manichéisme de la pensée fruste qui fait toujours écrire l'Histoire par les vainqueurs. Ainsi, l'enjeu pour nous n'est pas que l'OTAN soit le vainqueur de cette guerre mais qu'il s'agisse bien, par son intervention, de défendre une minorité et des principes universels, de protéger les Kosovars et les Serbes eux-mêmes, d'instaurer une paix durable et juste dans les Balkans. Comme le disait Ghandi : "Là où le choix réside entre la lâcheté et la violence, il faut se décider pour la solution violente".

Or depuis dix ans, le rêve milosevien d'une grande Serbie, au nom, tantôt de l'histoire des vainqueurs, tantôt de la revanche des vaincus, a eu pour conséquence la mort violente de plus de 200 000 personnes et la déportation de deux millions d'hommes, de femmes et d'enfants. Sans doute, dans les Balkans, l'histoire se répète-t-elle... Mais nos pays aussi ont connu l'avatar nationaliste et sont encore traversés de réflexes délétères : qu'ils ne se posent donc pas en donneurs de leçons ! Reste que la violence de la régression historique orchestrée par Milosevic et son régime criminel est telle qu'il est impossible de la relativiser. C'est bien d'une épuration ethnique qu'il s'agit. Délibérée et planifiée.

Sans remonter à la bataille du champ des Merles, nous constatons que tout a commencé au Kosovo. Dès 1981, un an après la mort de Tito, les Albanais demandaient l'égalité des droits en Yougoslavie, c'est-à-dire la constitution d'une République autonome, au même titre que le Monténégro ou la Macédoine. De nombreux étudiants furent alors arrêtés et tués. En 1988, plus de 6 000 Serbes et Monténégrins résidant au Kosovo protestèrent contre le harcèlement des Kosovars albanais. En 1989, Milosevic abolit l'autonomie du Kosovo et priva de ses droits l'immense majorité de la population. En février 1990, la Serbie envoya des troupes, des chars, des avions et 2 000 policiers au Kosovo. La dissolution de l'assemblée kosovare fut prononcée dans un contexte de violence redoublée, tandis qu'en Bosnie les premiers massacres avaient pour but de détruire la mixité d'une société. Au Kosovo, les "purificateurs ethniques" se heurtaient à une majorité albanaise soudée pendant dix ans dans la résistance non violente incarnée par Ibrahim Rugova, lequel fut élu en 1992 président de la République auto-proclamée du Kosovo. Cette résistance exemplaire n'a pas bénéficié du soutien international. Le Kosovo a été oublié lors des accords de Dayton qui ont mis fin, à l'automne 1995, aux combats en Bosnie.

La répression, en septembre 1997, de la jeunesse albanaise, qui manifestait pacifiquement pour demander l'application de l'accord sur le partage des universités, marqua la fin de la résistance passive pour beaucoup de Kosovars. Les offensives serbes se heurtèrent à la résistance de l'armée de libération du Kosovo -l'UCK. L'exode forcé commença. Les pressions européennes et surtout américaines amenèrent Milosevic à feindre d'accepter les négociations de Rambouillet. Mais dans le même temps, il massait ses troupes dans la province.

En août 1998, la résolution 1 199 de l'ONU exige de Belgrade un cessez-le-feu immédiat, le retrait de ses forces, un dialogue politique avec les Kosovars et le retour des réfugiés. En septembre, l'OTAN lance un ultimatum à Milosevic : stopper la violence ou subir des frappes aériennes. En octobre, la résolution 1 203 du Conseil de sécurité exige que Belgrade se soumette aux demandes des Nations Unies énoncées dans la résolution 1 199. Pressions et navette diplomatique de Richard Holbrooke finissent par aboutir à la mission de vérification de l'OSCE. Et quelques semaines après le massacre de Raçak s'ouvre la conférence de Rambouillet. On connaît la suite : le 23 mars commencent les bombardements de l'OTAN. Kofi Annan déclare alors "légitime" le recours à la force. Nous aussi.

Cela ne signifie pas pour autant que nous n'ayons pas de réserves quant à la tactique suivie et quant aux bombardements. Nous en avons d'abord parce que c'est une opération de l'OTAN et non de l'ONU. M. Solana n'avait pas vocation à incarner à lui seul la PESC et il n'appartient pas à une machine de guerre d'inaugurer la politique européenne de sécurité commune.

Par ailleurs les Etats-Unis n'ont ni à jouer le rôle de gendarmes du monde, ni à utiliser une stratégie de guerre pour s'imposer à plus long terme dans des négociations commerciales où, au nom de leur hégémonie militaire, ils pourraient être encore plus tentés de faire prévaloir leur vision ultralibérale et unilatérale du commerce. En aucun cas la puissance militaire ne saurait tenir lieu de légitimité !

Nos réserves tiennent aussi à la méthode, car affaiblir la Serbie par des bombardements de longue durée en restant le plus loin possible du terrain ne protège pas les principales victimes, les Albanais du Kosovo. Ces bombardements et les vagues de réfugiés contribuent à déstabiliser les pays voisins -la Macédoine, l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, où la paix est fragile- et en fait toute la région jusqu'à la Russie.

Pendant dix ans de guerre yougoslave, les Européens ont toujours fait la même erreur : ne pas soutenir sérieusement les démocrates sur le terrain, ne voir comme interlocuteurs ou comme adversaires que les ultra-nationalistes comme Milosevic, et ne déterminer leur stratégie qu'en fonction des actes de ces criminels. Les Verts et d'autres ont appelé en vain à soutenir Rugova. On y pense maintenant que sa représentativité parmi les Kosovars semble affaiblie.

Nous critiquons l'OTAN et sa tactique. Mais cette critique n'est recevable que si nous prenons nos responsabilités, en affirmant la légitimité de la lutte contre Milosevic et l'idéologie qu'il incarne, et en mettant en pratique la solidarité avec ceux qui résistent. Il ne suffit pas d'exprimer des regrets au conditionnel passé : il faut assumer notre responsabilité commune à nous tous qui sommes unis par une conscience européenne. Que doit-on faire aujourd'hui ?

Tout d'abord, s'il faut employer la force, celle-ci doit s'exercer directement, de manière ciblée et proportionnée, contre les tueurs, et non à des centaines de kilomètres des lieux des crimes, sur les ponts du Danube ou les centrales électriques de Novi Sad, avec les catastrophes écologiques et sociales qui résultent de destructions, et leur cortège d'humiliations. Ensuite, il faut soutenir ceux qui, là-bas, s'opposent à Milosevic : le gouvernement du Monténégro, les forces démocratiques serbes, coincées entre la répression et les bombardements de l'OTAN, les déserteurs et réfractaires, qu'il faut encourager au lieu de leur refuser des visas. En clair, cela signifie aussi que Milosevic ne peut plus être un interlocuteur.

Enfin, nous avons le devoir d'aider les Albanais du Kosovo à faire entendre leur voix. Ils sont aujourd'hui réduits au statut de victimes, quand ils ne sont pas approchés comme des bêtes pestiférées, dans les avions macédoniens, par des hôtesses gantées de caoutchouc, ou bloqués pendant des semaines par les douaniers français dans les hangars de rétention du port de Calais ; au mieux, ils ont droit au cliché du guérillo historique de l'UCK. Mais ces hommes et ces femmes privés de leur identité, ces sans-papiers absolus, nous devons les aider à exister là où ils sont aujourd'hui, à s'organiser, avec leurs mouvements, leurs journaux, leurs associations, leurs écoles, à communiquer entre eux, à circuler d'un pays à l'autre.

Au-delà de la nécessaire aide humanitaire, cette solidarité politique avec les Albanais du Kosovo, comme avec les démocrates serbes et monténégrins, est la meilleure manière de lutter contre l'horreur de la purification ethnique de Milosevic et de son allié Seselj, l'ami serbe du Front national, et de préparer la paix. Cette solidarité, chacun de nous peut l'exprimer très concrètement, en aidant matériellement des associations qui travaillent avec les démocrates serbes et les Albanais du Kosovo. La réinstallation des Kosovars chez eux, en sécurité, est la seule issue possible. Un jour viendra où, les armes s'étant tues, ces populations auront besoin d'une aide à la reconstruction et à la réinstallation. C'est le sens des démarches de jumelage avec des villes ou villages du Kosovo, que nous avons déjà engagées. Dans l'immédiat, il faut garantir le retour de tous les Kosovars au Kosovo.

Plus généralement, la tournure de l'intervention, sous la forme exclusive de bombardements et sous couvert des Etats-Unis, nous conduit à réaffirmer notre volonté de rompre avec l'hégémonie américaine, qu'elle soit militaire, économique ou culturelle. Cela implique une profonde redéfinition de l'actuelle politique étrangère et de sécurité commune européenne. Celle-ci n'est à ce jour qu'une simple coopération intergouvernementale. Chaque pays conserve ses propres points de vue stratégiques en fonction de ses intérêts, et la politique de défense est confisquée par les exécutifs, voire par une partie de l'exécutif.

Or l'Europe doit faire preuve d'unité pour reconstruire les Balkans, de même que ceux-ci devront être intégrés à un espace démocratique européen. Leur reconstruction devra donc se faire sous l'égide de l'Europe : nous préférons un plan Prodi à un plan Marshall, et sa mise en oeuvre devra être subordonnée à l'instauration de la démocratie en Serbie même.

Les Verts ont de la sécurité des peuples un concept large, intégrant ses aspects humains, sociaux, environnementaux, démocratiques, économiques. La paix ne se résume pas à l'absence de guerre ou à la gestion des conflits. Cette sécurité commune doit reposer sur des relations plus justes entre les peuples. Elle doit être garantie par un service civil de paix européen formé à la médiation stratégique.

Cette politique européenne de sécurité commune suppose à terme un strict contrôle parlementaire des exportations d'armes et un débat européen sur les industries d'armements. Il faut démilitariser les consciences et les comportements, et permettre à l'enseignement d'intégrer l'éducation à la paix, à la non-violence, à la prévention des conflits et à la médiation.

La priorité doit être donnée aux mouvements démocratiques dans les pays totalitaires. En cas de conflit, la protection des populations civiles non armées par une force internationale d'intervention au sol est prioritaire. En l'occurrence, la couverture de l'OSCE serait plus efficace que celle de l'ONU, qui a légalisé la guerre du Golfe mais livré Srebrenica au génocide, de même que l'OSCE serait un meilleur cadre pour une future Conférence balkanique. En Yougoslavie, la stratégie de l'OTAN a fait l'impasse dès le début sur cet impératif d'intervention terrestre. Les frappes apparaissent dès lors comme une punition infligée à tous les Serbes, alors qu'il s'agit de mettre le régime de Milosevic hors d'état de nuire tout en protégeant la population kosovare. Aujourd'hui nous approuvons le plan Fischer-Cook-Védrine, qui préconise simultanément l'adoption d'une résolution au Conseil de sécurité, le retrait des forces serbes, une trêve des bombardements et la mise en place d'une force de police internationale associant notamment la Russie.

Parce que le modèle de l'Etat-nation se révèle une sanglante impasse dans une région où tant de peuples sont entremêlés, parce que tant de crimes ont été commis au nom de ce modèle qui conduit à nier toute existence aux peuples sans Etats -Kosovars, Palestiniens, Kurdes, Tibétains, Tsiganes- d'autres solutions devront être trouvées pour permettre la réconciliation des peuples et la coexistence multiculturelle. Il faudra rompre avec cette politique du "deux poids, deux mesures" qui intérine l'intervention de l'OTAN au Kosovo, mais laisse persécuter la minorité kurde : si l'OTAN intervient au Kosovo, et si la Turquie prétend en rester membre, elle doit reconnaître les droits de ses minorités. Bref, la conférence de paix dans les Balkans n'a de sens qu'accompagnée de son parallèle civil, économique, social et culturel.

Mme Catala remplace M. Fabius au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE Mme Nicole CATALA

vice-présidente

M. Dominique Baudis - L'accord donné vendredi dernier par les autorités yougoslaves au plan de paix présenté par l'émissaire de l'Union européenne a soulevé un espoir immense. Mais la prudence reste de rigueur devant les revirements de Milosevic et les hésitations des militaires yougoslaves à accepter le plan de retrait de leurs forces du Kosovo. Le conflit n'est pas fini, et ce serait une erreur stratégique et politique de le croire.

Nous sommes pourtant à un tournant. Après deux mois et demi de frappes aériennes et de déplacements massifs de populations, les signes de sortie de crise sont là. La fermeté des occidentaux, jointe à leurs efforts diplomatiques, ont permis d'aboutir à un projet d'accord. Malgré les incertitudes persistantes, on peut déjà tirer quelques conclusions pour l'avenir.

Premièrement, la stratégie de l'OTAN fondée sur la diplomatie et les frappes était la bonne, à condition de s'y tenir, malgré tous ceux qui réclamaient qu'on en change. Les démocraties ont montré qu'elles savaient s'engager ensemble pour défendre les droits de la personne humaine sur notre continent. Dans ce cadre, l'UDF a soutenu avec détermination la ligne adoptée par la diplomatie française dès le début du conflit, alors que certains partis politiques de la majorité témoignaient de leurs "états d'âme" ou même annonçaient qu'en cas de vote de notre assemblée, ils feraient défection (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Deuxièmement, à l'occasion de cette crise, nous avons assisté à la naissance d'une politique commune de l'Union européenne. C'est le représentant de l'Union qui est allé négocier l'accord avec les Russes, et qui l'a ensuite présenté aux autorités serbes. Pour la première fois, l'Europe a su agir pour défendre ses valeurs communes. Cette évolution doit préfigurer une véritable politique étrangère commune (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe du RPR).

Le conflit du Kosovo n'en révèle pas moins la faiblesse de l'Europe en matière de défense. Le conflit, sur le plan militaire, a été principalement l'affaire des Américains. Cette faiblesse s'aggravera si nous ne réagissons pas rapidement. C'est la leçon de ce conflit. Le groupe UDF réclame depuis longtemps une communauté européenne de défense, comprenant des moyens d'observation, un armement, la mise en commun des forces et l'intégration des commandements.

Troisièmement, la France a joué un rôle majeur. Elle a su réintroduire la Russie et les Nations Unies dans la recherche d'une solution de paix. Le Président de la République a su incarner la politique de fermeté de la France. Il a joué un rôle essentiel dans les efforts diplomatiques, avec le Gouvernement. Le groupe UDF se félicite à cet égard que, dans un moment aussi dramatique, la France ait su faire preuve d'unité derrière le chef de l'Etat, au-delà des divergences politiques. C'est l'intérêt national qui a primé, et c'était essentiel, même si cela a échappé à certains (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Dans de telles circonstances, la cohésion et l'unité de la nation autour de l'Etat républicain et de notre armée s'imposent. Elles ont contribué au moral de nos soldats et à notre crédibilité internationale. Je souhaite ici rendre hommage aux forces françaises. Leur courage et leur dévouement vis à vis des populations réfugiées ont été exemplaires. Grâce à elles, la France a tenu toute sa place sur la scène internationale. La paix tient maintenant à l'exécution précise des conditions de retrait des forces serbes. Tout retard peut relancer la guerre civile.

Plusieurs risques nous guettent, à commencer par celui de la partition du Kosovo. Des zones précises d'occupation seront-elles attribuées en fonction de la nationalité des contingents ? Y aura-t-il par exemple une zone contrôlée par les Russes ? Evitons de reproduire ce qui s'est passé en Allemagne en 1945 (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Vous avez indiqué le format de nos forces envoyées au Kosovo. Comme il s'agira d'une mission de longue haleine, quels seront la capacité et le rythme de leur renouvellement ?

Que prévoyez-vous pour secourir les populations restées à l'intérieur du Kosovo dans des conditions qu'on imagine dramatiques ? Les réfugiés pourront-ils rentrer avant l'hiver ? Sinon, la construction de camps en dur s'impose.

L'UCK ne va-t-elle pas chercher à tirer parti des circonstances pour tenter de réaliser son programme de grande Albanie ? Ses représentants avaient accepté les accords de Rambouillet sous promesse d'un referendum sur le statut du Kosovo. Or ce dernier ne figure plus dans le plan de paix, ce qui pourrait pousser l'UCK à ne pas rendre les armes. Quels seront les moyens de pression pour l'y contraindre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) Les troupes de l'OTAN, là encore, doivent intervenir rapidement.

Le retour des réfugiés impose de déminer la région. L'accord dispose que des militaires yougoslaves reviendront au Kosovo pour y participer. Comment la communauté internationale obtiendra-t-elle qu'ils le fassent ? Le plan de paix n'en dit rien. Or le déminage est essentiel pour le retour des réfugiés en toute sécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

A plus long terme, l'avenir politique du Kosovo est en question. Le plan de paix comporte un processus garantissant l'autonomie substantielle de la province, l'intégrité territoriale des Etats et la démilitarisation de l'UCK. Quel est l'avenir des principaux acteurs politiques du Kosovo ? Entre les Kosovars, le conflit a exacerbé les tensions internes. Comment favoriser un accord entre eux ?

L'exaspération des haines et des rancoeurs entre populations rend impossible un retour au statut d'avant la guerre. Cependant la communauté internationale ne peut pas soutenir les revendications indépendantistes du Kosovo, qui constitueraient un signal pour d'autres minorités et risqueraient d'entraîner une déstabilisation générale.

Dans la reconstruction européenne de la région, l'Europe a un rôle important à jouer. Le président Prodi estime le coût de la reconstruction dans les Balkans à 5 ou 6 milliards par an, pendant au moins 5 ans, soit 2 % du PNB européen. La Commission européenne et la Banque nationale ont créé un secrétariat commun à Bruxelles, et devraient tenir d'ici un mois une conférence ministérielle sur la reconstruction. Quelle sera la place des pays balkaniques, à côté ou à l'intérieur de l'Union européenne ?

La possibilité leur est ouverte de conclure des accords bilatéraux avec l'Union européenne. Cette démarche est indispensable pour garantir la paix dans la région.

Nous ne devons pas oublier les pays voisins du Kosovo, en particulier parce qu'ils ont accueilli un million de réfugiés Kosovars, ce qui représente une charge écrasante. Soulignons le cas du Montenegro qui, tout en appartenant à la République yougoslave, a su conserver sa neutralité.

Quel est l'avenir de Slobodan Milosevic ? Le 27 mai, le tribunal pénal international l'a inculpé de crimes contre l'humanité. Il s'agit d'un tournant puisque, comme l'a rappelé Philippe Douste-Blazy, c'est la première fois qu'un mandat international est lancé contre un chef d'Etat en exercice. La future force de sécurité du Kosovo aura-t-elle compétence pour arrêter des criminels de guerre présumés, comme la SFOR en Bosnie ?

Le groupe UDF soutient la position française et occidentale pour lier l'aide à la reconstruction en Serbie au départ de Milosevic (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Il ne serait pas concevable que l'aide financière renforce un homme et un système national-communistes qui sont depuis tant d'années responsables de ce drame (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe DL).

M. Jack Lang, président de la commission des affaires étrangères - Face à la dictature, une démocratie moderne est d'autant plus vigoureuse qu'elle parvient à mobiliser l'énergie populaire et à associer l'opinion au débat, à travers les parlementaires.

Même si certains ont regretté que le sommet de Berlin ait empêché le Parlement de se prononcer sur notre entrée dans le conflit, chacun se félicite du souci permanent du Premier ministre de consulter et d'informer l'Assemblée.

Depuis dix ans, Milosevic nous a accoutumés à ses volte-face et à ses ruses. Sa tactique imprévisible n'a empêché ni l'indépendance des républiques yougoslaves, ni la libération de la Krajina croate ni la signature des accords de Dayton. Elle n'a eu pour résultat que de prolonger inutilement les souffrances de ses compatriotes et des peuples environnants.

Ses ultimes manoeuvres dilatoires prouvent la justesse de notre stratégie : faire plier le régime de Belgrade, ne pas lâcher prise tant que n'apparaissent des signes concrets d'application des accords de paix. Interrompre trop tôt les frappes, comme certains l'ont proposé, serait faire preuve d'un angélisme qui se retournerait contre la paix. Notre vigilance doit être permanente.

Ceux qui ont douté de l'efficacité de notre action peuvent constater qu'elle porte ses fruits. L'adoption du plan de paix par le Parlement serbe confirme que les coups portés ont fait subir des dommages décisifs à l'appareil militaire serbe. La population serbe mesure de plus en plus les conséquences dramatiques de la politique suivie par ses dirigeants.

Nous avons eu raison aussi de parier sur une issue politique associant l'ONU et la Russie. L'inculpation de Milosevic n'a pas fait obstacle à cette solution.

Nous poursuivons un seul but : permettre aux Albanais du Kosovo de vivre paisiblement là où ils ont toujours vécu. Le territoire du Kosovo sera placé sous administration internationale, et bénéficiera d'un régime d'autonomie. Aucun de ces objectifs ne pourra être atteint si les forces serbes demeurent sur place, et ne sont pas remplacées par des forces inspirant confiance aux Kosovars.

La paix est à portée de la main. Nous le devons d'abord à l'Europe qui, en ces circonstances, aura bien défendu ses couleurs. Face à l'épreuve, une conscience européenne s'est forgée et les dirigeants de l'Union ont été à la hauteur des événements. Chaque Etat a consenti des sacrifices, bien sûr ceux qui ont été en première ligne des combats mais aussi ceux qui, comme la Grèce, avaient tout à redouter et ont fait preuve d'un remarquable sens des responsabilités.

Les Européens sont parvenus à définir une politique commune et à peser comme il convenait au sein de l'Alliance, plaidant notamment pour des frappes maîtrisées. Ils ont également pris conscience des failles de leur système d'armement qui les place dans une dépendance excessive vis-à-vis des Etats-Unis.

La France, en participant pleinement aux opérations, aura convaincu ses alliés européens que son souhait d'une plus grande autonomie par rapport aux Etats-Unis n'est pas nourrie par des préjugés anti-américains : elle est simplement convaincue que l'Europe doit, sur le plan militaire, se doter des moyens de son indépendance. Beaucoup de chemin reste à parcourir dans cette voie.

La paix au Kosovo ne sera juste que si nous acceptons de consentir des efforts importants pour la reconstruction des Balkans. Aucune fatalité ne condamne ces peuples à se combattre éternellement. Pour que cette guerre ne prépare pas une revanche, il nous faut travailler au développement de la démocratie, puissant antidote aux nationalismes dans les Balkans et à leur pleine association à l'édifice européen. Cette première guerre de l'Europe unie doit nous amener à redéfinir les contours de l'Union européenne qui devrait inclure tous les pays de cette région, y compris la Serbie.

Nous n'avons pas gagné contre le peuple serbe ; le peuple serbe a gagné contre lui-même et contre ses dirigeants. Le peuple serbe est un peuple ami, qui a été blessé dans sa chair et dans son âme. Nous avons le devoir de retisser avec lui les liens qui se sont brisés ou distendus. Une Serbie libre, pluraliste et démocratique trouvera la place qui lui revient dans l'Europe. A nous d'imaginer le statut original qui permettrait de l'associer à l'Union européenne.

Pour l'heure, nous devons veiller au respect de l'identité du Monténégro. Les opposants à Milosevic, nombreux à s'y être réfugiés, craignent aujourd'hui sa vengeance.

Nous devons associer les Etats de la région, trop longtemps abandonnés par l'Europe prospère. Je pense en premier lieu à l'Albanie, minée par des risques d'anarchie, à la Macédoine, modèle de cohabitation slavo-albanaise, menacée de déstabilisation, mais aussi à la Bulgarie et à la Roumanie qui ont consenti des sacrifices et méritent notre gratitude. Nous avons à l'égard de ces Etats, dont certains sont plus pauvres que des Etats du Tiers-monde, un devoir de mémoire, de réparation, de générosité et de solidarité. L'Europe et les Etats-Unis ont su dégager des milliards -et ils ont eu raison- pour les opérations militaires : ils devront aussi savoir en dégager pour la paix et la reconstruction. Alors nous pourrons tourner définitivement la page des nationalismes qui ont conduit à dévaster villes et villages, à décimer peuples et fratries. Alors nous pourrons écrire un nouveau chapitre de l'histoire européenne, plus heureux, plus créatif et plus pacifique. Cette ténacité, dont nos dirigeants, le Président de la République et vous-même, Monsieur le Premier ministre, ainsi que les ministres compétents, ont été capables tout au long de cette guerre, nous devrons en être capables aussi pour bâtir une civilisation de paix fondée sur le droit (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense - L'acceptation par les autorités de Belgrade du plan de paix proposé par les émissaires de l'Union européenne et de la Russie a suscité un grand espoir. Le texte adopté est d'autant plus réaliste qu'il associe la Russie au règlement du conflit et reconnaît l'autorité pleine et entière du Conseil de sécurité des Nations Unies, deux éléments dont j'avais souligné l'importance dès le début des bombardements.

Après 80 jours de frappes, après des mois d'exactions et de crimes perpétrés par les forces serbes, après l'expulsion du Kosovo de centaines de milliers de personnes, la paix paraît aujourd'hui à notre portée. Les autorités de Belgrade acceptent les principes du plan de paix et promettent de donner les garanties indispensables à leur application. En contrepartie, l'Alliance s'engage à suspendre les bombardements.

Les principes sont clairs : arrêt des violences, établissement par le Conseil de sécurité d'une administration provisoire dans la perspective de l'autonomie de la province, retour de tous les réfugiés sous la supervision du HCR. Les Serbes ont accepté de retirer toutes leurs forces militaires, paramilitaires et policières du Kosovo en sept jours, délai bref par rapport aux 180 jours prévus dans le plan de Rambouillet. Ce dernier prévoyait aussi d'ailleurs le maintien d'une présence de 2 800 hommes yougoslaves et un délai plus long pour la transition. Quant à la force internationale de garantie, elle doit être déployée à mesure que les forces serbes se retireront. Ces garanties paraissent suffisantes, d'autant qu'elles seront vérifiables. Il est donc étonnant que le texte soumis aux Yougoslaves prévoit que la suspension de frappes interviendra après le début du retrait, vérifiable, des troupes serbes sans ne rien dire des modes de vérification. C'est sans doute l'une des raisons des difficultés actuelles. Le contraste est grand entre la volonté américaine de poursuivre les frappes aussi longtemps qu'il le faudra pour que le retour à la paix apparaisse comme une reddition yougoslave et le souci européen de montrer que la guerre n'est pas menée contre le peuple serbe mais bien contre ses dirigeants et qu'elle s'inscrit dans le cadre du droit international (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste). Sans nous faire d'illusions sur les intentions de Belgrade, -les manoeuvres tentées par les militaires lors des pourparlers constituent sans doute une ultime tentative de remettre en cause certains éléments de paix et M. Milosevic cherche sans doute à se protéger des poursuites engagées contre lui- force est de constater que la fermeté de la stratégie alliée a payé. Nous sommes parvenus à faire plier un régime autoritaire adepte de l'épuration ethnique et de la négation des droits des minorités. Nous avons fait plier M. Milosevic par la force mais aussi par la diplomatie.

Cela ne doit pas faire oublier deux erreurs d'appréciation. Que l'action engagée par les alliés n'ait pas été autorisée par une résolution des Nations Unies a fait perdre du temps et affaibli la légitimité même de cette intervention (Approbations sur les bancs du groupe communiste). Il fallait réintroduire les Nations Unies dans le règlement du conflit, ce qui supposait d'associer la Russie au plan de paix. C'est maintenant chose faite. La France et l'Allemagne y ont beaucoup contribué.

Deuxième erreur : les atermoiements stratégiques des alliés, sans doute consécutifs à une analyse trop optimiste de l'efficacité des frappes. En s'interdisant d'emblée l'option terrestre, l'OTAN a fait une erreur tactique, puisque l'on signifiait ainsi aux Serbes que l'on n'utiliserait pas contre eux un moyen qu'ils redoutaient.

Quant aux bombardements, ils ont débuté de telle façon que M. Milosevic a pu penser qu'il atteindrait son objectif à un coût acceptable. Le renforcement du dispositif allié a certes été spectaculaire par la suite grâce aux Etats-Unis. Sans cela, les Européens n'auraient pu faire fléchir M. Milosevic. Il faudra en tirer les conséquences concernant notre ambition d'une défense européenne.

Malgré l'apport du savoir-faire américain tout au long de cette guerre, on ne peut que déplorer les récentes tergiversations des Etats-Unis. J'ai été choqué de voir M. Rubin refuser le 4 juin l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité comme un préalable au déploiement de la KFOR. La position des Etats-Unis a certes évolué sur ce point. C'est néanmoins le signe des différences réelles de perception et d'intérêts géo-stratégiques entre les deux rives de l'Atlantique. D'où l'urgence de faire naître une défense européenne digne de ce nom (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Autre attitude américaine préoccupante : le refus de prendre en considération les risques de représailles contre les 200 000 Serbes du Kosovo. A cet égard, le plan de paix parle de démilitarisation de l'UCK, non le désarmement. Quant à l'exode des Serbes du Kosovo, le porte-parole du Pentagone l'a jugé certes regrettable, mais inévitable. Il nous fait pourtant être attentif à ce risque. Tout parallélisme entre deux types d'exode risquerait d'encourager M. Milosevic dans ses falsifications de l'histoire. Il est regrettable également que les Etats-Unis aient refusé de tirer toutes les conséquences sur le plan politique du rôle-clé joué par les Russes pour isoler le pouvoir serbe.

En dépit de ces quelques difficultés, nous pouvons aujourd'hui espérer trouver une solution au conflit du Kosovo. Il importe pour cela que nous gardions présents à l'esprit nos objectifs.

Le premier est de veiller à ce que M. Milosevic ne puisse remettre en question la finalité du plan de paix. En particulier, le souhait émis par les Serbes de conserver au Kosovo une bonne partie de leurs troupes apparait incompatible avec une solution politique qui repose sur l'administration provisoire de ce territoire et, surtout, sur le désarmement des forces serbes comme de l'UCK. Si cette condition n'est pas remplie, les réfugiés kosovars ne regagneront pas leurs foyers et les Serbes du territoire ne resteront pas sur celui-ci.

Deuxième objectif : le "séquencement" des opérations doit être logique. L'arrêt des frappes est conditionné par un retrait vérifiable des troupes serbes ; les forces d'interposition doivent se déployer immédiatement après, ce qui implique le vote d'une résolution par le Conseil de sécurité. La demande russe tendant à repousser ce vote après l'arrêt des bombardements suppose au moins qu'un accord ait été trouvé sur le projet de résolution et l'assurance que celui-ci sera adopté.

Troisième objectif : les Russes doivent être partie prenante à l'application du plan de paix. Là est la clé de la stabilité régionale. Cela étant, on ne peut naturellement accepter que le contingent russe de la force d'interposition soit déployé dans une zone spécifique, par exemple au nord du Kosovo, car cela ressemblerait à un prélude de partition ; en revanche, des arrangements peuvent être imaginés pour le commandement, à condition de respecter le principe de l'unicité de direction.

Nous devons tirer les enseignements de ce conflit. J'ai pour ma part été frappé de l'impossibilité de s'en tenir à des stratégies préétablies, de la nécessité de les adapter aux situations politiques locales. La détermination de M. Milosevic s'est révélée plus forte que prévu, par exemple, tandis que son contrôle de la population et des grandes institutions du pays était plus faible que nous ne pensions. A l'avenir, il paraît donc essentiel de donner une place importante à une bonne connaissance de l'adversaire.

Nous devons aussi réfléchir à ce que doit être notre outil de défense dans ce genre de conflits. Il est manifeste, par exemple, qu'il nous a manqué certains types de munitions. De même, notre participation à l'ASFOR, puis à la KFOR doit nous inciter à réfléchir à la structuration de nos armées et au rôle éventuel des réserves.

S'agissant de l'Europe de la défense, le sommet de Cologne nous a permis de marcher de nouveau de l'avant alors même que le conflit du Kosovo révélait notre faiblesse globale par rapport aux Etats-Unis. Nous devons donc faire des progrès rapides en ce qui concerne la structuration de nos forces et leur capacité à s'intégrer à des opérations décidées et commandées à l'échelon européen, l'harmonisation des besoins opérationnel -ainsi la question du deuxième porte-avions devrait être traitée dans un cadre européen- et la restructuration des industries d'armement, qui appelle elle-même une harmonisation des procédures d'achat.

Enfin, même si l'on peut se féliciter de l'information fournie au Parlement par l'exécutif, je persiste à penser qu'une telle intervention armée nécessitera à l'avenir l'approbation de la Représentation nationale : nous devrons donc adapter notre Constitution à cet effet.

Un sérieux espoir existe de parvenir à un dénouement rapide -les dernières dépêches donnent même à penser que les frappes pourraient s'arrêter dans la soirée -mais nous ne devons pas oublier pour autant que le plus difficile est devant nous : nous allons devoir montrer notre capacité de faire une paix qui ne se réduise pas à la fin des actes de guerre. Il va falloir administrer la province du Kosovo, trouver les voies qui permettront aux peuples des Balkans de revivre ensemble. Sur ce point aussi, je souhaite que le Parlement soit étroitement associé au suivi des opérations, afin de maintenir l'intérêt de nos concitoyens. Cet hémicycle clairsemé devrait conduire tous les groupes à s'interroger sur notre capacité collective à prendre en charge les grands débats et à faire respecter la voix du Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe UDF). Chacun doit prendre conscience de l'ampleur des responsabilités que les Européens devront assumer au Kosovo et dans les Balkans pour de longues années ! Espérons que nous saurons relever ce défi, capital à bien des égards pour l'Europe que nous voulons bâtir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe UDF).

M. le Premier ministre - Je suis quelque peu surpris que certains aient laissé percer une sorte d'irritation à propos de l'organisation de ce débat aujourd'hui : comment imaginer pourtant, au moment où la paix se joue, où le conflit se dénoue, que le Gouvernement ne propose pas au Parlement d'en discuter ? Vous nous l'auriez reproché si nous ne l'avions pas fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) Nous le faisons et vous suggérez plus qu'à mots couverts que ce serait en rapport avec une échéance électorale ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Cela étant, je suis heureux que l'opposition soit présente pour entendre mes réponses...

Pouvait-on faire l'économie de ce conflit en s'appuyant sur les opinions publiques ? a demandé M. Brunhes. Honnêtement, je ne le crois pas : M. Milosevic a trop démontré qu'il ne faisait pas cas de sa propre opinion pour que la pression internationale ait eu des chances de réussir là où la coercition a longtemps échoué. Mais vous avez raison de noter, Monsieur Brunhes, que la Serbie se retrouve aujourd'hui au point où elle était à la fin des négociations de Rambouillet mais, s'il y a eu destructions, déportations et victimes civiles, qui ne croit que la responsabilité repose sur les épaules des seuls dirigeants serbes ?

Comme le président de la commission de la défense, vous vous êtes préoccupé de la façon dont on peut parvenir à une issue assurée. Les uns refusent de se retirer avant l'adoption d'une résolution, les autres refusent de mettre un terme aux frappes tant qu'il n'y aura pas retrait ou -les Russes- refusent une résolution qui précéderait l'interruption des frappes. Dans ce débat sur qui doit faire le premier pas, je pense que la diplomatie française a fait des propositions utiles, ces dernières heures, pour une bonne synchronisation du dispositif.

Vous avez soulevé la question de la consultation -ou plutôt de la non-consultation- du Parlement avant la décision de commencer les frappes. Je vous fais observer que, lors des questions d'actualité, j'avais clairement laissé entendre que ces frappes seraient déclenchées si M. Milosevic ne renonçait pas à sa politique.

M. Robert Pandraud - Nous aurions préféré un vote !

M. le Premier ministre - Surtout, je ne fais que me plier, en tant que chef de Gouvernement, à ce que veulent nos institutions. Je ne suis pas hostile à une évolution de celles-ci, mais c'est ainsi que la question se pose aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Madame Ameline, jusqu'en 2002, le Gouvernement doit appliquer la loi de programmation adoptée en 1996 par la précédente majorité et nous respectons l'engagement d'assurer au ministère de la défense des ressources stables. La prochaine loi de programmation, dont la préparation s'annonce dans les états-majors, devra cependant tirer, cela va de soi, les leçons du conflit du Kosovo et corriger certaines carences. Il est exact que nos armées ne disposent pas, comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, de missiles de croisière. Cette lacune sera réparée à partir de 2001 : l'armée de l'air disposera alors d'Apaches, en attendant d'avoir des Scap en 2003. Toutefois, dans le conflit, nos Mirage 2000, notamment, ont bénéficié de capacités importantes en matière d'armements guidés au laser et ils ont fait preuve d'une très grande dextérité dans les missions d'attaque directe. Nos avions étaient d'ailleurs les seuls à même de participer à toutes les missions décidées par la coalition. L'amélioration est sensible depuis la guerre du Golfe, en particulier pour les actions de nuit.

La France a par ailleurs acquis un avantage certain pour le renseignement sur le théâtre, grâce au recours conjoint aux satellites, aux avions de renseignement électronique, aux avions de reconnaissance, aux drones et au système héliporté Horizon.

Monsieur Ayrault, on ne peut très rapidement assurer le même niveau de vie à tous les Européens mais il est indispensable de rétablir des conditions d'existence minimales au Kosovo.

Il faudra aussi que l'Union européenne fasse des efforts en faveur des pays qui ont eu le plus à souffrir des conséquences de la guerre, sur le plan économique ou par l'accueil des réfugiés.

Enfin, nous n'avons pas fait la guerre au peuple serbe, lequel a été engagé dans une impasse par ses dirigeants ; nous pouvons donc envisager de participer à l'effort de reconstruction en Serbie. Il faudra, le moment venu, décider avec qui et pour qui.

M. Didier Quentin a posé plusieurs questions. D'abord, le temps du retrait. Celui-ci doit être aussi rapide que possible, mais maîtrisé : c'est l'objet des discussions techniques qui devraient reprendre, sinon aujourd'hui, du moins rapidement.

Ensuite, l'attitude vis-à-vis de l'UCK. Sur ce point, les choses sont claires : nous ne voulons pas qu'à la violence des Serbes se substitue celle d'autres forces. Notre but de guerre était le retour des réfugiés dans un Kosovo pluraliste, démocratique et pacifié. Nous ne faisons d'ailleurs pas partie des pays qui ont armé l'UCK. Pour éviter le recours à la violence, il faut que les premiers éléments de la KFOR arrivent aussi vite que possible après le retrait des premiers éléments serbes.

Enfin, la participation des Russes à la force, reste à discuter, non pas sur son principe, mais sur ses modalités.

Les zones seront multinationales et chacune d'entre elles sera placée sous la direction d'une nation cadre. Il devrait y en avoir cinq. A ce stade, les nations cadres désignées sont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et la France. Notre pays se verra attribuer la zone septentrionale. Le volume et la position des forces russes ne sont pas encore déterminés.

M. Yves Cochet s'est interrogé sur le choix de M. Solana, actuel secrétaire général de l'OTAN comme futur M. PESC. Le Président de la République et moi-même nous sommes posés la même question, non pas du tout en raison de la personnalité de M. Solana, pour lequel nous avons beaucoup d'estime et de respect et dont nous connaissons non seulement l'expérience, mais aussi la francophonie et la francophilie (Murmures sur certains bancs). J'entends dire "socialiste" : cela n'a pas paru choquer le Président de la République ; confidence pour confidence, cela ne m'a pas choqué non plus (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Les candidats présentés par l'Espagne étaient d'ailleurs tous les deux socialistes ; que voulez-vous, s'il y a des gens de talent parmi les socialistes, il faut l'accepter ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste).

Nos partenaires de l'Europe n'ont peut-être pas réagi avec la même sensibilité. En tout cas, nous pensons que les qualités personnelles de M. Solana feront de lui un très bon M. PESC soucieux de contribuer au développement d'une véritable politique de sécurité commune.

Je manquerai peut-être de temps pour répondre à toutes les questions qu'a posées M. Baudis ; je voudrais m'attarder sur les problèmes humanitaires.

A l'intérieur du Kosovo, dès l'arrivée des premiers éléments de la KFOR, nous devrons d'abord acheminer une aide alimentaire par voie terrestre et par largage à basse altitude. Ensuite, nous distribuerons aux réfugiés qui auront fait le choix de revenir très vite du matériel d'isolation et de protection, permettant de réoccuper les maisons qui ne sont que partiellement détruites. Par ailleurs, nous devrons fournir des matériaux et des outils pour la reconstruction, ainsi que des semences.

M. Charles de Courson - Pour les semences, c'est un peu tard...

M. le Premier ministre - Pour les réfugiés qui passeront l'hiver en Albanie et en Macédoine, nous procédons avec le HCR au repérage de structures disponibles, y compris d'anciennes casernes. D'ores et déjà, des dispositions sont prises pour améliorer l'isolation dans les camps.

Tout cela sera fait en coordination avec l'Europe. Naturellement, nous invitons les collectivités locales, les ONG et les entreprises françaises à se mobiliser.

Les hypothèses actuelles en matière de retour sont les suivantes : retour plus rapide des paysans, qui suppose de maîtriser le risque de mines antipersonnel ; retour plus lent des citadins, qui attendront sans doute que les services publics, les systèmes collectifs de chauffage et de distribution d'eau recommencent à fonctionner.

En ce qui concerne les relations entre les pays des Balkans et l'Union européenne, le pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, proposé par la présidence allemande et auquel nous avons nous-même contribué, l'action de la Banque mondiale qui fait suite à des propositions françaises sont importantes. Mais ces pays demeureront à côté de l'Union européenne ; les aider, les associer à celle-ci par des accords ne veut pas dire les faire adhérer à l'Union, dont il serait imprudent d'accélérer le processus d'élargissement.

En ce qui concerne M. Milosevic, M. Jack Lang a fait remarquer que l'annonce de son inculpation n'a pas été un obstacle sur la voie de la paix. Peut-être M. Milosevic s'est-il au contraire dit qu'être l'interlocuteur inévitable pour faire la paix pourrait personnellement lui servir... L'affirmation d'un droit au plan international ne s'est pas révélée incompatible avec le réalisme : ce constat est un progrès (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Le Gouvernement tiendra compte, bien sûr, des suggestions du président de la commission des affaires étrangères et du président de la commission de la défense car les responsabilités qu'ils exercent et le dialogue constant qu'ils mènent avec vous comme avec le Gouvernement leur confèrent un point de vue autorisé par l'expérience. Je ne sais si, comme l'a dit M. Quilès, ce fut une erreur que de ne pas demander, dès le début du conflit, une résolution des Nations Unies. Il est certain qu'il eût été souhaitable de pouvoir s'appuyer sur une telle résolution et que ce type de démarche doit prévaloir dans la quasi-totalité des cas, mais étant donné la manière dont les choses étaient engagées, nous ne l'aurions sans doute pas obtenue. Reste que la France a toujours cherché par la suite à réintroduire les Nations Unies dans le processus politique et diplomatique.

Fut-ce une erreur, par ailleurs, d'écarter d'emblée l'option terrestre ? Les événements font que la question restera ouverte (Sourires) mais, aujourd'hui en tout cas, cela apparaît comme une bonne chose qu'elle n'ait pas été retenue.

M. Jack Lang a parlé de volonté et d'entêtement. Oui, c'est avec volonté et même ténacité que nous devons faire voter une résolution aux Nations Unies, obtenir le retrait des forces serbes, arrêter les frappes, faire entrer la force de sécurisation internationale au Kosovo, préparer le retour des réfugiés, assurer la paix civile et mettre en place une administration provisoire dans un Kosovo reconstruit, bâtir une solution politique acceptable dans cette province, mettre en oeuvre un plan de développement pour les Balkans.

Nous venons de participer à une guerre tout à fait particulière, se situant à la fois sur un terrain international et intérieur, dans la mesure où elle mettait en cause des valeurs propres à nos nations, et puisqu'aussi bien l'Europe fait désormais partie du domaine de notre vie politique intérieure. Si nous réglons ce conflit selon nos principes et selon les conditions posées par la communauté internationale, l'Europe aura signifié qu'elle est un espace de civilisation, étant entendu que dans le monde tel qu'il est, un espace de civilisation doit affirmer sa capacité à se faire respecter sur la scène internationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV).

Le débat est clos.

La séance, suspendue à 18 heures 5, est reprise à 18 heures 20.


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PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ (nouvelle lecture)

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre par laquelle il m'informe que, la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, le Gouvernement demande à l'Assemblée de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture de ce texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de cette proposition de loi.

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement - Mme la Garde des Sceaux présentant au Sénat un autre texte de loi, c'est à moi qu'échoit l'honneur de soutenir ce texte devant vous. Cette troisième lecture est l'aboutissement d'un long travail, engagé depuis le début des années 90 et ponctué de nombreuses propositions. Le Gouvernement regrette l'échec de la CMP. Des millions de nos concitoyens, qui ne peuvent ou ne veulent pas se marier, attendent cette loi pour sortir de l'insécurité juridique. Je souligne la qualité du travail accompli depuis le dépôt de ce texte, notamment sous l'impulsion de Mme Tasca, présidente de votre commission des lois, et de vos rapporteurs MM. Michel et Bloche.

Le texte qui vous est soumis est donc celui que vous avez adopté en deuxième lecture. Faut-il une nouvelle fois en démontrer l'intérêt ? Mme la Garde des Sceaux s'en est expliquée à maintes reprises devant les deux assemblées, et un tel rappel pourrait paraître redondant. Trop de remarques manifestent pourtant l'incompréhension et la suspicion persistantes de certains députés devant ce texte. Je me fais à l'idée de ne pas les convaincre, mais je ne peux laisser passer certaines contre-vérités. Je vais donc rappeler brièvement ce qu'est le Pacs, ce que contient ce texte, et ce qu'il ne contient pas, en soulignant que sur de nombreux points le travail parlementaire a permis de le préciser et de l'enrichir.

Dès le début, les critiques se sont focalisées sur l'idée que le Pacs porterait atteinte au mariage et à la famille. C'est faux. La conviction du Gouvernement est que la famille est irremplaçable : elle est le lieu où s'apprennent les règles de la vie en société, où se tissent les rapports entre autorité et liberté, où se développe la solidarité entre les générations. Elle devrait assurément être défendue, si elle était attaquée dans ses fondements. Mais il faut aussi s'interroger sur la réalité contemporaine de la famille : elle a évolué, s'est diversifiée, et ses différentes configurations doivent être prises en compte par la société et par le droit. C'est à quoi réfléchit le groupe de travail sur le droit de la famille, installé l'été dernier à la Chancellerie, et qui rendra bientôt ses travaux. La Garde des Sceaux engagera alors une large concertation, et d'abord avec les parlementaires.

Mais le droit de la famille et le Pacs sont deux débats différents. Le Pacs ne comporte aucune disposition qui mette en cause la famille, même si pour effrayer on en a agité la menace. Il ne comporte aucune dimension parentale. Il n'ouvre pas droit à l'adoption commune d'un enfant par ses membres, et il n'affecte pas les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Il n'autorise pas la PMA des partenaires de même sexe. Que leurs parents aient ou non conclu un Pacs, les enfants de couples hétérosexuels non-mariés ne seront pas considérés différemment par les règles du code civil.

Le Pacs ne menace pas le mariage, dont il diffère absolument.

Mme Christine Boutin - C'est faux !

M. le Ministre - Ils se distinguent l'un de l'autre par les personnes qui peuvent y prétendre, par leurs modalités de conclusion et de rupture, par les obligations qui découlent de chacun d'eux. Il n'est donc pas sérieux d'affirmer que le Pacs s'attaque au mariage, pas plus que de soutenir que les difficultés juridiques que poserait le texte le rendraient inapplicable.

Les aménagements apportés au cours de la discussion, a conclu votre commission, permettent de le voter en l'état. C'est aussi la position du Gouvernement.

Le Pacs constitue désormais un contrat qui comporte obligation de résidence commune, qui génère une solidarité des dettes liées au logement, qui peut ouvrir, en cas de faute dans sa rupture, droit à une allocation de dommages-intérêts, qui n'est pas ouvert aux majeurs sous tutelle.

Il convient d'approuver la fin mise aux discriminations subies par les concubins homosexuels, qui bénéficieront des droits réservés jusqu'alors par certaines réglementations sectorielles aux couples hétérosexuels. Cette précision a été voulue par le Parlement. La lutte contre toute discrimination est au coeur des préoccupations du Gouvernement et de la majorité.

Au total, au-delà du concubinage et en-deça du mariage, le Pacs représente une avancée pour ceux qui veulent organiser leur vie à deux. Parce que ce texte est d'une utilité sociale évidente (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), je demande à l'Assemblée de l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois - En deuxième lecture, le Sénat a adopté la question préalable, si bien que la CMP ne pouvait pas aboutir. Je le regrette. En effet, outre que cette décision bafoue le bicamérisme, elle place dans une position inconfortable nos collègues de l'opposition, qui vont devoir se répéter. La commission des lois souhaite que vous adoptiez le texte issu de notre deuxième lecture, tel que l'avaient enrichi les apports du Sénat et les suggestions émanant de tous les bancs de l'Assemblée.

Aujourd'hui, la discussion devrait être dépassionnée, puisque le Pacs sera voté, et euphorique, car la fin de ce parcours approche. Notre loi républicaine va désormais reconnaître trois statuts : le concubinage ; le Pacs, contrat solennel comportant des engagements et des droits ; le mariage républicain, que devrait renforcer la réforme prochaine du droit de la famille.

Comme le disait le doyen Carbonnier, "à chacun son droit, à chacun sa famille". La famille, ce n'est pas seulement un homme et une femme, mariés si possible, et qui ont des enfants. Cette définition ne correspond à aucune réalité sociale aujourd'hui. La famille, c'est un homme et une femme mariés, si possible pour longtemps, et si possible ayant des enfants. Mais c'est aussi des couples vivant en union libre, longtemps, quelquefois davantage que les couples mariés, et qui élèvent des enfants ; c'est aussi des familles monoparentales, c'est aussi des couples homosexuels dont certains aujourd'hui élèvent des enfants nés d'un précédent mariage.

Mme Christine Boutin - Le Pacs est donc bien lié à la famille !

M. le Rapporteur - C'est pourquoi, chers collègues de l'opposition, nous ne pouvons pas vous entendre, ni partager votre vision rétrograde de la société. La majorité aura apporté sa pierre à une réforme importante, une réforme-phare ont dit certains journalistes. Je me réjouis qu'elle procède d'une initiative parlementaire, que je remercie le Gouvernement d'avoir laissé se développer.

Nous serons fiers d'avoir permis à de nombreux couples d'être réintégrés dans le champ social. Notre république en sortira renforcée (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Le 11 mai dernier, le Sénat décidait d'adopter la question préalable et la CMP, dans ces conditions, ne pouvait pas aboutir.

Notre assemblée se trouve donc dans le cas, assez peu fréquent, d'avoir à examiner le texte déjà adopté par elle en deuxième lecture.

Cette situation nous permet, à Jean-Pierre Michel et à moi, de ne pas présenter d'amendements de rétablissement. De plus, nous avons choisi de n'apporter aucune modification au Pacs issu de notre deuxième lecture. Nous nous trouvons donc confrontés au risque de la répétition.

Il revient au Gouvernement et à sa majorité d'avoir défendu le droit, pour des parlementaires, de proposer une construction juridique nouvelle, rompant avec une certaine habitude qui voudrait que la fonction législative n'ait plus comme objectif que l'adaptation ou la modernisation de modèles déjà existants. Voici donc un contrat d'un type nouveau pour le couple, qui s'oppose aux tentations de repli communautaire et renforce la conception républicaine d'écriture de nos lois.

Le Pacs est un lien social moderne car il contractualise la relation solidaire entre deux personnes choisissant d'organiser leur vie commune.

C'est pourquoi nous n'avons pas souhaité, en deuxième lecture, l'abandonner au profit du concubinage qui reste une union de fait.

Ce texte parachève ainsi un processus bi-séculaire qui fait de l'orientation sexuelle de chacun une affaire privée et donc conduit inéluctablement à mettre fin aux discriminations touchant les couples non mariés, qu'ils soient de même sexe ou de sexe différent.

L'homosexualité, sujet largement tabou jusqu'à peu, y compris dans cet hémicycle, est désormais présente dans le débat public.

Mme Christine Boutin - C'est vrai !

M. le Rapporteur pour avis - Vous avez contribué, Madame, à ce changement capital, qui permet de faire progresser l'égalité des droits et de rompre des silences souvent coupables et toujours discriminatoires.

L'homophobie n'est pas morte, mais la voilà battue en brèche. Sur ce point, nous avons adopté un amendement au projet relatif à la liberté de communication, conduisant le Conseil supérieur de l'audiovisuel à veiller désormais à ce que les programmes ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de moeurs.

En créant le Pacs, nous n'avons pas le sentiment d'avoir abaissé la loi en en faisant l'auxiliaire de tous les arrangements de la vie privée. Le mariage républicain reste un modèle social et une institution de référence. Nous ne divergeons pas sur ce point de la majorité sénatoriale. Tant d'un point de vue symbolique que juridique, le Pacs n'est pas équivalent au mariage. Faut-il rouvrir le débat sur les conditions de sa rupture, au moment où la législation du divorce fait l'objet de multiples critiques, jusque dans Le Figaro magazine ? (Exclamations sur les bancs du groupe communiste) De même, l'opposition entre le bonheur individuel et l'intérêt général est un excellent sujet de philosophie, mais qui oublie que près de cinq millions de nos concitoyens vivent aujourd'hui en couple hors mariage.

A cet instant, j'invite la représentation nationale à porter le regard au-delà des frontières de l'hexagone, outre-Atlantique, sans pour autant aller chercher des références anglo-saxonnes. Ma francophonie militante m'amène à suivre tout particulièrement ce qui se passe au Québec.

Mme Christine Boutin - Je l'attendais !

M. le Rapporteur pour avis - A l'initiative du député de Sainte-Marie - Saint-Jacques, André Boulerice, l'Assemblée nationale québecoise a adopté, le 19 mai dernier, un projet de loi dont l'objet est de rendre applicable la législation du Québec aux conjoints de fait de même sexe. 28 lois et 11 règlements sont concernés. Nos amis québécois ont donc choisi de proposer un texte global, rejetant comme la majorité de notre assemblée, la voie des petits amendements adoptés au fil du débat parlementaire.

A cette occasion, Mme Linda Goupil, ministre de la justice, a souligné que la reconnaissance des couples de même sexe faisait l'objet d'un large consensus et reflétait des valeurs actuellement acceptées par une grande partie de la population. "Les Québécois seront sans doute fiers d'appartenir à une société qui témoigne une fois de plus de son ouverture, de sa solidarité et du respect de ses minorités, qui mise sur la cohésion sociale et non sur les différences entre citoyens", a-t-elle ajouté.

M. François Ouimet, député de Marquette et porte-parole de l'opposition en matière de justice, a d'emblée assuré le ministre du soutien de l'opposition sur ce texte qu'il serait heureux de voir adopté avant la fin de la session. Son voeu a été exaucé, puisque l'Assemblée nationale québecoise l'a adopté à l'unanimité.

M. Michel Meylan - Les Québécois font comme ils veulent !

M. le Rapporteur pour avis - Il me faut maintenant retourner du rêve à la réalité.

L'opposition française est divisée sur le Pacs, cela était visible lors de la seconde lecture. Certes, les initiatives sénatoriales, même non abouties, ont contribué à creuser le fossé entre ceux qui s'opposent au Pacs au nom d'un âge d'or où il n'existait point de salut hors du mariage et ceux qui ont bien du mal à refuser la liberté en matière de choix de vie privée quand ils vantent par ailleurs la liberté du marché.

La première de ces oppositions va sans doute lasser, le dépôt d'amendements déjà examinés en deuxième lecture sur un texte resté identique risquant de donner l'impression d'une pièce déjà jouée. A la seconde, je rappellerai que l'action politique a pour conséquence, pour une majorité, d'assumer ses responsabilités, notamment lorsqu'elle a pris des engagements électoraux.

Le débat est ouvert depuis huit ans, la première proposition de loi ayant été déposée en 1992. Il ne s'est naturellement rien passé entre 1993 et 1997. Et nous abordons aujourd'hui la troisième lecture de ce texte alors que le gouvernement de Lionel Jospin vient seulement de fêter son deuxième anniversaire. Pendant toute cette période, les juges ont continué à juger en indiquant toutefois que la loi devait prendre le relais d'une jurisprudence qui ne pouvait plus évoluer. Parallèlement, les "experts", assez discrets jusqu'à l'automne dernier, ont certes rattrapé leur retard, sans pour autant contribuer à clarifier le débat, témoignant trop souvent qu'on pouvait être un intellectuel et être gêné par l'homosexualité.

Nous ne pouvions donc plus que légiférer, avec la seule légitimité qui vaille, celle du suffrage universel.

Sans que personne sur ces bancs ait demandé, avant l'ouverture du débat parlementaire, la création d'une commission spéciale, sans que l'on ait jugé utile de mettre en place des groupes de travail, souvent source d'immobilisme, nous avons travaillé, comme le prévoit le Règlement, au sein des deux commissions saisies. La commission des affaires culturelles a joué pleinement son rôle, notamment en adoptant des amendements renforçant la dimension sociale du Pacs. Elle vous propose d'adopter sans modification la proposition de loi rejetée en deuxième lecture par le Sénat.

Pour la première fois sans doute dans l'histoire de la Vème République, l'initiative parlementaire aura permis d'aborder complètement un sujet de société. La majorité de notre assemblée a ainsi ouvert un chemin qu'il faudra à nouveau emprunter pour persuader nos concitoyens que les représentants qu'ils se sont choisis sont, tout simplement, dans la vie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Douste-Blazy et des députés du groupe UDF une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91 alinéa 4 du Règlement.

M. Charles de Courson - En 1981, la défunte union de la gauche s'est fait élire sur le slogan : changer la vie. L'échec fut retentissant (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). La gauche veut aujourd'hui changer de société en devenant libertaire.

M. Charles Cova - Liberticide !

M. Charles de Courson - Ce texte, qui substitue la paire au couple (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), menace la cellule familiale. Il crée un monstre protéiforme, une chimère juridique qu'il est impossible d'articuler avec le droit existant et qui nie les droits fondamentaux des êtres humains. Même une partie de la majorité reconnaît en privé le caractère monstrueux du Pacs (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). C'est d'ailleurs pourquoi vos rangs étaient clairsemés le 9 octobre dernier lorsque nous avons voté l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Le Pacs est un contrat déséquilibré, qui privilégie les droits de certains citoyens au détriment de ceux d'autres citoyens et accentue les inégalités sociales. Mais le Gouvernement ne fait là que poursuivre la logique à l'oeuvre en matière économique.

En l'état, ce texte est anticonstitutionnel pour deux raisons de forme et quatre raisons de fond.

Je reprendrai brièvement les arguments excellemment développés par mes collègues de l'opposition lors des précédentes lectures. L'élaboration de ce texte aura été marquée par l'incohérence et la promenade sémantique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) autour du nom à donner à ce monstre est significative : CUC, CUCS, PIC, enfin Pacs ! La chronologie témoigne d'ailleurs du malaise de la majorité à élaborer un texte répondant aux aspirations de minorités qu'elle croit composer sa clientèle électorale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Huit ans de gestation puis soudain une nécessité impérieuse, imposant un examen au pas de charge en un an : voilà qui est savoureux !

Cette absence de projet politiquement clair se double d'une lâcheté originelle : le Gouvernement a fait traduire ses promesses électorales dans une proposition de loi au lieu d'assumer lui-même ce texte (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Ce texte n'a pas fait l'objet d'un travail préalable suffisant. Un calendrier incohérent a notamment conduit à saucissonner les débats. Ce déficit démocratique patent constitue une atteinte à la dignité de la représentation nationale (Mêmes mouvements).

Ce texte, pourtant jugé capital par le Gouvernement, n'a pas été examiné comme il l'aurait dû en commission. Les associations familiales, les représentants des églises non plus que des différents courants de pensée, n'ont pas été auditionnés. Il aurait fallu s'intéresser à toutes les conséquences, sociales, fiscales, juridiques, voire psychologiques de ce texte. Enfin, le contrôle du Conseil d'Etat a été contourné par le biais du dépôt d'une proposition de loi.

Le premier motif d'inconstitutionnalité sur la forme tient au camouflet infligé à la représentation nationale. Est-il tolérable que l'Assemblée, en violation de l'article 91-4 du Règlement, examine aujourd'hui une proposition de loi quasiment identique à celle rejetée le 9 octobre après l'adoption de l'exception d'irrecevabilité ?

Mme Odette Grzegrzulka - Parlez-nous plutôt d'amour, Monsieur de Courson !

M. Charles de Courson - L'adoption de ce texte créerait un redoutable précédent, vidant de leur substance l'effet de l'exception d'irrecevabilité et certaines dispositions du Règlement de l'Assemblée, notamment l'article 84-3 qui dispose que les propositions repoussées par l'Assemblée ne peuvent être reproduites avant un délai d'un an.

Or le texte proposé le 14 octobre 1997 reprenait pour l'essentiel les dispositions précédemment rejetées, à un tour de passe-passe -un changement de leur ordre- et à deux ajouts près. Mais ces deux dispositions nouvelles, l'enregistrement à la préfecture et l'extension du Pacs aux fratries n'ont donné que très passagèrement le change : elles furent supprimées au cours du débat même.

L'exposé des motifs faisait d'ailleurs explicitement référence au vote du 5 octobre, dû à "un rapport numérique momentanément favorable à l'opposition" -on appréciera l'humour !

M. Maurice Leroy - C'était très élégant !

M. Charles de Courson - Est-ce à dire que les motions de procédure n'ont pas vocation à être adoptées si elles émanent de la minorité ? Etrange conception de la démocratie !

Le Pacs ressemble donc à l'hydre de Lerne, dont les sept têtes repoussaient à mesure qu'elles étaient tranchées... Mais Hercule -je veux dire le Conseil constitutionnel en viendra à bout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Deuxième argument de forme : cette proposition viole également l'article 40 de la Constitution aux termes duquel les propositions de loi ne sont pas recevables "lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique". En effet, l'article premier entraînera une diminution des recettes de l'Etat puisque le ministre de l'économie et des finances a estimé à 6 milliards le coût du Pacs pour l'Etat -en fait, il sera bien supérieur.

Il est curieux qu'aucune évaluation n'ait été faite par l'Assemblée. J'ai donc été contraint d'essayer de calculer ce coût, à tout le moins de déterminer un ordre de grandeur. Voici les résultats de ces travaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le manque à gagner pour le Trésor public, au titre de l'impôt sur le revenu, se situera entre 1 et 3 milliards, selon la proportion des personnes qui, remplissant les conditions pour ce faire, signeront un Pacs (Mêmes mouvements), sachant d'ailleurs que, plus le revenu sera élevé, plus l'avantage le sera aussi.

L'abattement sur les droits de succession aura, lui, un coût de 4 milliards, mais probablement bien supérieur -jusqu'à 9 ou 10 milliards- si de bons conseillers fiscaux l'utilisent pour contourner le droit actuel.

A cela, il faut ajouter les coûts indirects qui pèseront lourdement sur les contribuables, mais surtout sur les cotisants sociaux, et qui seront de 15 à 20 milliards par an : je parle ici du versement des prestations de retraite. Vous avez beau dire, en effet, que ce texte n'ouvre aucun droit supplémentaire en la matière aux pacsés, je maintiens qu'il sera impossible de refuser au pacsé survivant avec enfant la pension de réversion qui est versée à une veuve avec enfant ! Ce serait anti-social ! Mais vous n'avez pas compensé cette perte de recettes par un gage -c'est d'ailleurs le cas de nombreuses dispositions de ce texte-, de sorte qu'il y a bien atteinte au principe posé par l'article 40.

Cependant, l'irrecevabilité tient aussi à l'aggravation des charges publiques que vous organisez ici. L'article premier prévoit par exemple un enregistrement des Pacs au greffe du tribunal d'instance sans prévoir les moyens correspondants. L'article 9 autorise un transfert de bail mais rien n'est dit de la façon dont la dépense pourrait être compensée pour les OPAC et les offices d'HLM. Or selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, la notion de dépenses publiques s'étend à l'ensemble des organismes publics.

J'en viens aux quatre raisons de fond qui rendent cette proposition contraire à la Constitution.

En premier lieu, ce texte porte atteinte au droit de propriété tel que l'a consacré comme principe constitutionnel le Conseil dans sa décision du 16 janvier 1992. Tous les praticiens du droit se sont déclarés choqués que les biens des personnes pacsées soient soumis au régime de l'indivision, source de nombreux conflits familiaux, parfois ubuesques, parfois dramatiques. Supposons un couple marié qui divorce : il faudra des mois, des années pour liquider la communauté de biens. Si l'un des ex-conjoints décide de se pacser comme votre proposition le permet : les biens non encore liquidés tomberont dans l'indivision du Pacs alors même que l'autre épouse peut légitimement prétendre à leur propriété. L'indivision est par nature un régime transitoire et inorganisé, dont l'article 815 du code civil dispose que nul ne peut être contraint d'y demeurer. Il aurait donc fallu limiter la présomption d'indivision à certains biens et, accessoirement, interdire toute demande de partage judiciaire et toute liquidation de cette indivision pendant toute la durée du Pacs.

Celui-ci porte également atteinte aux droits des créanciers. Les effets de l'indivision sur les relations avec les tiers sont totalement passés sous silence, cependant : quid des pacsés qui auront emprunté pour acheter un logement, par exemple ?

Le droit de propriété est l'un des droits fondamentaux consacrés par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dans son article 2. Et l'article 17 du même texte fait de la propriété un droit inviolable et sacré dont nul ne peut être privé "sauf si la nécessité publique l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité". Or l'insécurité juridique dans laquelle sont laissés les co-contractants d'un Pacs s'étend à leurs créanciers, qui peuvent ignorer que le pacte a été dissous, par exemple du fait du mariage d'un des pacsés.

Mais il y a plus grave : le Pacs porte aussi atteinte à la liberté individuelle -à commencer par le respect de la vie privée qui en est une composante essentielle, selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel. M. Mattei a dénoncé à juste titre la confusion entre la liberté individuelle et l'organisation sociale : chacun a le droit de choisir librement son mode de vie mais ce n'est pas à l'Etat ni à la loi d'entériner ces choix, par exemple en accordant une légitimation sociale au couple homosexuel ! Une de vos collègues s'est écriée tout à l'heure : "Monsieur de Courson, parlez-nous d'amour !" (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Mais l'amour ne relève pas de la loi. Les sphères privée et publique doivent demeurer distinctes et c'est même cette séparation qui, garantissant le respect de la vie privée, doit être protégée par l'Etat. Or le caractère sexuel du Pacs comme ses modalités de déclaration et d'enregistrement vont contre ce principe.

Le caractère sexuel de ce pacte est clair : si la proposition maintient les tabous tels que la prohibition de l'inceste, n'est-ce pas parce que la raison première de ce contrat réside dans la relation sexuelle entre deux personnes, même si la déclaration ne vaut pas en l'occurrence obligation, mais seulement présomption ? Or, ressortissant à la vie privée, la relation sexuelle ne doit pas constituer un objet juridique, sauf volonté totalitaire.

Le Pacs porte en outre atteinte à la liberté de se marier, dans la mesure où le mariage sera interdit pendant les trois mois suivant la signification de la décision de rupture unilatérale. Or le Conseil constitutionnel a consacré le principe de liberté matrimoniale comme principe de valeur constitutionnelle, composante de la liberté individuelle, dans sa décision du 13 août 1993.

Le Pacs porte en troisième lieu atteinte au principe d'égalité posé par l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme. Sous prétexte de lutter contre les exclusions, on va en fait générer de nouvelles discriminations.

Tout d'abord, le pacte rompt le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), consacré par le Conseil constitutionnel comme un corollaire du principe d'égalité dans sa décision du 12 juillet 1979. Le critère de différenciation qui justifierait l'octroi d'avantages fiscaux à une catégorie de citoyens, doit être en rapport avec le but que le législateur s'assigne, a rappelé le Conseil le 30 décembre 1981. Or l'article 2, deuxième alinéa, de la proposition, rompt l'égalité des citoyens devant les charges publiques puisque le même Conseil a précisé, dans sa décision sur la loi de finances pour 1999, que "les dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 impliquent la mise en oeuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur de la famille" et que le Pacs sera d'autant plus avantageux que les pacsés auront des revenus et un patrimoine plus élevés. Quel paradoxe, pour une majorité de gauche, que de proposer un texte qui profite avant tout aux plus riches !

La charge du Pacs, qui la supportera ? Les couples mariés, les couples vivant en concubinage et les célibataires... Les 7 millions de personnes vivant seules se trouveront reléguées encore plus loin sur l'échelle des inégalités fiscales et sociales ; les couples concubins se retrouveront dans une situation fiscale beaucoup plus défavorable que les pacsés, lesquels pourront par exemple bénéficier de la demi-part supplémentaire attribuée aux célibataires qui élèvent seuls un enfant.

Enfin, il y a rupture d'égalité entre les pacsés parce que le Pacs est un produit à géométrie variable : a minima, il ne comporte quasiment aucune obligation ; mais par l'adjonction de dispositions par voie conventionnelle, il peut devenir un quasi-mariage. A l'inverse, comment justifier qu'on donne les mêmes avantages à deux vieilles dames veuves qui habitent sous le même toit et à un couple hétérosexuel élevant trois enfants ?

La contradiction du Pacs avec le principe d'égalité devant la loi se manifeste dès le premier alinéa de l'article premier, qui interdit l'accès au Pacs aux mineurs et aux majeurs sous tutelle, lesquels peuvent pourtant se marier dès l'âge nubile...

Par ailleurs, ce texte entend donner aux personnes pacsées tout ou partie des avantages fiscaux et sociaux des couples mariés, alors qu'ils ne remplissent pas les mêmes fonctions sociales de transmission de la vie et d'éducation. Le Conseil constitutionnel affirme dans sa jurisprudence que "le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général", mais en l'occurrence, on ne peut discerner l'intérêt général qui justifierait les dispositions proposées. Les droits accordés par le mariage ne sont pas des cadeaux, mais constituent la contrepartie de devoirs. Les dispositions relatives aux successions visent la transmission verticale aux enfants, voire aux petits-enfants, et non la transmission horizontale...

Le Pacs légitime l'irresponsabilité. Il peut être rompu par décision non motivée d'un des deux cocontractants, ce qui est contraire au principe général de révocation par consentement mutuel des conventions, posé par l'article 1134 du code civil. Ce texte relève d'une philosophie libertaire, et donc liberticide ; le Pacs consacre la loi du marché, sous sa forme la plus extrême, c'est-à-dire la loi du plus fort, la loi de la jungle. Il permet la répudiation, contraire au respect de la dignité de la personne humaine, principe consacré par le Conseil constitutionnel.

Enfin, le Pacs porte atteinte au principe constitutionnel de protection de la famille et de l'enfant.

La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 affirme dans son article 16 que "La famille est l'élément naturel et fondamental de la société, et a droit à la protection de la société et de l'Etat". En faisant du mariage une forme de conjugalité parmi d'autres, le Pacs affaiblit l'utilité sociale de cette institution et dénie son rôle de cohésion sociale à la famille. Ce "mariage jetable", ce "mariage kleenex", qui donne des droits sans imposer les devoirs correspondants, risque d'être choisi par certains couples hétérosexuels ; pourtant le législateur doit réserver les principaux avantages fiscaux aux unions pérennes, gages de cohésion sociale.

Aucune condition n'étant posée, il pourra y avoir des récidivistes du Pacs, le délai de trois mois ne s'appliquant qu'en cas de rupture unilatérale. On pourrait envisager un concours, dont le gagnant serait celui qui conclurait le plus grand nombre de Pacs en une année ! Eddie Barclay pourrait en assurer la présidence... Peut-être verra-t-on se développer les agences de publicité proposant des Pacs en fonction des revenus, selon les avantages fiscaux à en retirer. Enfin, le Pacs sera certainement une cause d'augmentation des divorces (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Je peux vous fournir un excellent exemple de l'incidence de la fiscalité sur la nuptialité. En 1995, l'amendement que j'avais déposé visant à rétablir l'égalité fiscale entre les couples concubins et les couples mariés a été adopté. Aussitôt, le nombre de mariages, jusqu'alors en diminution, s'est redressé, en passant de 255 651 en 1995 à 284 500 en 1997. Le 27ème rapport sur la situation démographie de la France attribue très clairement cette hausse au changement de la législation fiscale. Il est donc clair que l'éventuelle adoption de la proposition de loi sur le Pacs portera un coup au mariage. La dévaluation de celui-ci et des solidarités fondées sur la famille accentuera la montée des inégalités. Vous qui prétendez lutter contre les exclusions, vous allez en générer d'autres, en plus grand nombre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

En deux ans, votre majorité a fait perdre aux familles plus de 15 milliards (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Mais pourquoi en voulez-vous aux familles ? Feriez-vous vôtre ce triste slogan de l'entre-deux guerres : "Familles je vous hais" (Mêmes mouvements). Comme l'a dit Mme Catala, "le mariage est une institution, et non le simple carrefour aléatoire de volontés individuelles qui, engagées un jour, peuvent se délier le lendemain, parce que nos sociétés ont besoin de la stabilité qu'il apporte".

Le Pacs, lui, est un contrat antisocial car la société ne se construit pas sur la quête de la similitude mais bien sur celle de la différence, sur la recherche de l'altérité.

Rappelez-vous ces mots de Renan : "Notre histoire n'est pas écrite avec des personnes seules nées de parents inconnus et morts célibataires sans enfants" (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

La proposition de loi sur le Pacs porte atteinte au principe constitutionnel de protection de l'enfant.

Le Pacs ne concernerait pas l'enfant, selon les affirmations répétées de Mme la ministre de la justice. Est-ce à dire qu'aucun enfant ne sera admis dans le cadre du Pacs ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Il est évident que l'enfant est la personne la plus menacée par le Pacs, à la fois par les dangers inhérents au risque de répudiation (Mêmes mouvements) et du fait de l'absence de protection de la cellule familiale (Mêmes mouvements).

Mme la Présidente - Laissez terminer M. de Courson !

M. Charles de Courson - Prenons l'exemple d'une femme enceinte, pacsée. Elle se "dépacse" au cours de sa grossesse, puis se repacse avec un autre homme, en étant toujours enceinte : quelles seront les règles juridiques quant à la paternité ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Le Pacs ignorant l'enfant, le père ne voit peser sur lui aucune obligation à l'égard de celui-ci. Nous risquons donc de voir apparaître des "géniteurs nomades", sur lesquels ne pourront peser aucune présomption de paternité. Au fond vous aggraverez par le Pacs ce que certains ont appelé la crise de la paternité.

Attention, un Pacs peut en cacher un autre ! La proposition actuelle passe certes sous silence l'existence même de l'enfant, mais M. Jean-Pierre Michel, qui a toujours été honnête et constant dans ses errements, a, lui, déclaré : "Je souhaite que les homosexuels puissent adopter un enfant".

De fait, je ne vois pas comment la majorité actuelle pourra refuser l'adoption -et la PMA- aux couples homosexuels si par ailleurs elle est accordée aux célibataires. Mme la Garde des Sceaux n'a jamais répondu clairement à ce sujet...

Plusieurs députés socialistes - Mais si !

M. Charles de Courson - Or il faut être cohérent : soit tout le monde peut adopter, c'est la thèse défendue par M. Michel, soit l'adoption est un droit réservé aux familles, c'est le choix de l'opposition.

Quoi qu'il en soit, l'enfant n'est pas un objet, ni un animal de compagnie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Le droit à l'enfant ne doit pas supplanter le droit de l'enfant ("Très bien !" sur les bancs du groupe UDF).

Le Pacs joue le couple sexuel contre la famille et, en cela, se révèle profondément passéiste car la réalité de demain, c'est la parentalité. En effet, le droit se préoccupe de plus en plus de garantir la double parentalité éducative et, grâce aux progrès de la génétique, l'homme ne peut plus se dérober à la paternité.

La cellule familiale doit être aidée et encouragée, parce que c'est elle qui permet d'accueillir l'enfant, de lui fournir une éducation et de lui transmettre des valeurs. Or le texte sur le Pacs renvoie à une conception atomistique de la société dans laquelle des individus isolés organisent contractuellement leur vie commune, sans que l'accueil de l'enfant constitue la raison centrale du dispositif juridique. Pourtant, tous les sociologues, psychanalystes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et historiens s'accordent à reconnaître que la violence des enfants est souvent liée à l'absence de stabilité et de repères familiaux : avec le Pacs, vous allez donc contribuer à la multiplication de ces "sauvageons" que votre collègue de l'Intérieur s'attache à combattre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Yann Galut - Lamentable !

Plusieurs députés communistes - Assez !

Mme la Présidente - Concluez, Monsieur de Courson !

M. Charles Cova - Non, encore !

M. Charles de Courson - Parce qu'il constitue une violation caractérisée du Règlement de l'Assemblée nationale ; parce qu'il enfreint les principes de recevabilité financière posés à l'article 40 de la Constitution ; parce qu'il porte atteinte au droit de propriété ; parce qu'il enfreint les règles constitutionnelles relatives au respect de la vie privée ; parce qu'il viole le principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques et devant la loi ; parce qu'enfin il remet profondément en cause les valeurs fondatrices de notre société, la famille et l'enfant, ce texte est inconstitutionnel (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Vous rêvez peut-être encore, Messieurs, d'établir la société rêvée par les socialistes utopistes de la fin du XIXème siècle... Mais le Pacs ne représente que les pires aspects des dérives de notre société vers l'individualisme, le narcissisme, l'hédonisme, (Rires sur les bancs du groupe socialiste), une société où la prétendue liberté de chacun prime sur le respect de celle des autres. Au fond, cette proposition de loi est un texte libertaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui nie la nécessité d'organiser la société et qui va en outre accroître les inégalités sociales dans notre pays. Au nom des principes républicains, je demande à l'Assemblée de voter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme la Présidente - Le Gouvernement souhaite-t-il intervenir ?

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement - Mme Guigou ayant déjà eu l'occasion de répondre à toute cette argumentation, je considère que l'Assemblée est parfaitement éclairée. Et le Gouvernement souhaite évidemment le rejet de cette exception d'irrecevabilité.

M. le Rapporteur - Je ne reviens pas sur les arguments déjà avancés par Mme Boutin et M. Mattei, mais puisque M. de Courson a bien voulu me citer et rendre hommage à mon honnêteté, je suis peiné de devoir lui reprocher d'avoir énoncé quelques contrevérités et d'avoir par moments fait preuve d'une certaine malhonnêteté intellectuelle.

Il est faux, Monsieur de Courson, de dire que les associations familiales n'ont pas été entendues. Elles l'ont été deux fois, en commission des lois et en commission des affaires sociales.

Mme Christine Boutin - Par les rapporteurs seulement !

M. le Rapporteur - Faux aussi de dire que l'article 40 n'a pas été respecté, à moins, Monsieur de Courson, que vous ne contestiez l'avis du président de la commission des finances qui, saisi du tous les articles, n'en a jugé qu'un seul irrecevable au titre de l'article 40, celui sur l'extension des droits de sécurité sociale, article que le Gouvernement a d'ailleurs repris à son compte.

Il est faux aussi de prétendre que les notaires s'inquiètent de l'indivision car c'est sur proposition expresse du président de la chambre des notaires que nous avons retenu ce régime. Et si vous aviez assisté au dernier congrès des notaires, qui s'est tenu à Marseille, dont le thème était la famille et où il a tous les jours été question du Pacs, vous sauriez que les notaires s'emploient actuellement à mettre au point toute une série de conventions, qui permettront...

Mme Christine Boutin - C'est faux.

M. le Rapporteur - C'est vous, Madame, qui en l'occurrence mentez, de même que M. de Courson (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). J'ai toujours essayé de donner un tour serein à nos débats, mais je n'admets pas le mensonge ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Christine Boutin - Mais moi non plus !

M. le Rapporteur - Il est faux aussi de dire que le Préambule de la Constitution de 1946 définit la famille. Ce texte dit simplement que la nation assure à l'individu et sa famille les conditions nécessaires à leur développement. Quant à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, elle définit bien la famille mais tous les juristes savent qu'elle ne fait pas partie de notre bloc de constitutionnalité.

M. Charles Nicolin - Ce sont des arguments de boutiquier !

M. le Rapporteur - Je préfère être un boutiquier honnête qu'un orateur malhonnête (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Quant aux droits de l'enfant, ils ne sont nullement bafoués par ce texte. Je rappelle que la majorité de 1972 a voté un texte sur le droit de la filiation beaucoup plus révolutionnaire que celui-ci, puisqu'il mettait sur le même plan enfants légitimes et adultérins, et permettait à un homme marié de reconnaître un enfant adultérin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Enfin j'ai un regret, Monsieur de Courson, Madame Boutin, et d'autres : c'est que sur ces bancs vous ayez remplacé Pierre Mazeaud, qui fut le rapporteur de ce texte sur la filiation (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Yann Galut - Votre discours, Monsieur de Courson, me surprend, car vous vous en êtes tenu aux aspects fiscaux et financiers du Pacs. On aurait pu avoir une analyse plus fine. Vous avez invoqué le règlement de l'Assemblée, mais il n'est pas inclus dans le bloc de constitutionnalité, et donc ce premier argument tombe (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Vous invoquez aussi l'article 40 de la Constitution, mais le président de la commission des finances s'est prononcé. Vous soutenez par ailleurs que le Pacs permet la répudiation. C'est faux. Le Pacs est en effet un contrat, qui se situe dans le cadre de l'article 1134 du code civil. Il peut y avoir rupture du contrat, mais nous avons prévu que les conditions de cette rupture pourraient être réglées par le juge. On ne peut donc parler de répudiation, car dans cette logique aucun contrat ne pourrait plus être remis en cause. Il pourra y avoir rupture du Pacs, comme il peut y avoir rupture du mariage.

Autre argument : la famille. Mais qu'est-ce que la famille ? Il me semble, à entendre nos débats, que nous ne mettons pas sous ce terme la même chose que vous, et avec nous la majorité des Français. Un homme et une femme mariés, mais qui ne peuvent avoir d'enfants, forment-ils une famille ? ("Absolument !" sur les bancs du groupe UDF) Et un homme et une femme qui ont des enfants sans être mariés ? (Mêmes mouvements) Je ne vois donc pas en quoi le Pacs remet en cause la famille. D'autre part le préambule de la Constitution mentionne non seulement la famille, mais l'individu. Or le Pacs apporte des réponses à des individus qui ne peuvent pas nécessairement former une famille. C'est le cas des couples homosexuels, et les socialistes sont fiers de l'avancée qui leur permet de se voir reconnus grâce à ce statut. J'appelle donc à repousser la motion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Claude Goasguen - J'appelle évidemment à voter l'exception d'irrecevabilité, pour de multiples raisons. Tout d'abord, comme l'a brillamment montré M. de Courson, c'est un problème de procédure parlementaire -et il est heureux, Monsieur le ministre, que vous soyez présent. Ce débat est une première. En effet, sur les grands sujets de société, sur les débats qui touchent aux droits des personnes et de la famille, il est de tradition -qu'il s'agisse de l'adoption, de la bioéthique, de l'avortement, de l'immigration...- de chercher des procédures, sinon consensuelles, du moins traduisant la volonté de parvenir ensemble à une situation sociétale plus ou moins admissible par tous. Ce n'est pas le cas sur le Pacs : mois après mois, loin de se combler, le fossé se creuse entre nous, tant la majorité campe sur ses positions. C'est le seul débat où, après des heures de discussion, nous ne soyons pas parvenus à faire adopter un seul amendement, pas même un amendement d'amélioration technique, et Dieu sait pourtant si votre texte en aurait besoin.

En outre vos dispositions seront irréversibles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), car, créant des droits acquis, elles rendront très difficile toute modification ultérieure par d'autres majorités. Nous avons donc le sentiment que vous nous forcez la main, en vous appuyant outrancièrement sur le fait majoritaire, et en opérant un coup de force permanent dans le domaine du droit des personnes. Nous ne parviendrons donc pas à débattre sereinement de ce texte. Vous avez mal commencé, par un coup de force parlementaire, et en refusant d'appliquer notre Règlement. Et vous continuez par une agression politique permanente, liée au caractère irréversible des mesures que vous votez. J'appelle donc l'Assemblée à voter l'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Maurice Leroy - Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, d'avoir rappelé la loi sur la filiation votée en 1972. Mais il y a une grande différence entre ce débat et celui d'aujourd'hui : au lieu d'adopter un texte à la sauvette, vous auriez dû prendre le temps de la concertation, des auditions, de la réflexion. Le 9 octobre, vous n'avez pas eu le courage d'aller jusqu'au bout : et depuis, vous voilà commis d'office, à chaque motion, de peur de vous retrouver à nouveau minoritaires ! Quant à l'article 40, il y a désormais deux poids et deux mesures. Et M. Galut m'apprend que le Règlement de l'Assemblée n'a plus de valeur constitutionnelle. Je croyais pourtant que, comme celui du Sénat, il était ratifié par le Conseil constitutionnel. Pour le reste, les dépenses qu'implique votre texte ne sont pas gagées, et à ce titre il n'est pas recevable. Enfin il introduit une rupture d'égalité devant la loi, entre les pacsés et les concubins. Désormais un couple en union libre ayant des enfants sera défavorisé par rapport à un couple pacsé qui pourra souscrire une déclaration fiscale unique, et bénéficier de demi-parts au titre des enfants. Est-ce cela le progrès ? Tournant le dos à la loi de 1972, vous oubliez l'essentiel, qui est avant tout de protéger l'enfant, et de l'aimer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Patrick Delnatte - Au fil des lectures, des motifs d'inconstitutionnalité sont successivement apparus. M. de Courson vient d'en présenter de nouveaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Le groupe RPR votera l'exception d'irrecevabilité. Mais je crains que les simplifications outrancières induites par la manière de légiférer que vous nous imposez éloignent encore davantage de la représentation nationale des forces vives de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Muguette Jacquaint - Monsieur Leroy, j'ai relu les débats qui ont eu lieu ici sur le droit de vote des femmes, sur l'IVG. Vous vous plaignez des délais trop courts. Mais vos discours sur les changements de société sont toujours les mêmes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Que l'on prenne deux mois, trois mois, six mois pour examiner un texte, toujours vous refusez d'accepter que la société évolue (Mêmes mouvements), et donc que la famille évolue aussi (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Yves Nicolin - Relisez Jeannette Thorez !

Mme Muguette Jacquaint - Depuis des mois, vous tentez de discréditer notre démarche, de diaboliser le Pacs, d'affoler l'opinion (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Vous avez du mal à admettre votre échec.

Vos propos outranciers, homophobes, que vient d'illustrer M. de Courson (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) révèlent votre idéologie rétrograde (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste), fortement imprégnée d'un ordre moral dépassé.

Tous les débats de société, depuis des décennies, sont toujours marqués par votre esprit retardataire.

Comment l'opinion pourrait-elle croire que la droite saurait faire preuve de bon sens et de courage face aux évolutions de la société, de la famille, de la notion de couple ? Pourtant des besoins nouveaux apparaissent, des aspirations nouvelles s'expriment, débouchant sur des droits nouveaux. En affirmant que la République n'a pas à s'immiscer dans la vie privée, on refuse l'obligation qui lui revient d'accorder à tous sa protection et de permettre à chacun de bénéficier du maximum de liberté.

Vous devriez vous référer aux principes fondateurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme ! Il est temps de prendre à bras le corps l'évolution des modes de vie. Loin de porter atteinte au mariage, le Pacs tend à renforcer l'égalité des droits, et à mettre fin aux discriminations civiles et pénales liées à l'orientation sexuelle, qui paraissent aujourd'hui d'un autre âge (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Christine Boutin - Parlez-nous de la sexualité au Goulag !

Mme Muguette Jacquaint - Le groupe communiste et apparenté soutiennent avec conviction le Pacs, qui constitue un pas vers plus d'égalité entre couples mariés et non mariés, hétérosexuels ou homosexuels. Comme pour les précédentes lectures, nous rejetons la tentative de la droite pour empêcher l'adoption du texte (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 45.

La séance est levée à 20 heures 10.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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