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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 107ème jour de séance, 273ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 15 JUIN 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    KOSOVO 1

    KOSOVO 2

    RÉFORME DES TRIBUNAUX DE COMMERCE 3

    POLITIQUE ÉCONOMIQUE 3

    ALLOCATION DE RENTRÉE SCOLAIRE 4

    ELM LEBLANC 4

    MODALITÉS D'APPLICATION DES 35 HEURES 5

    FICHIER GÉNÉTIQUE 5

    CRISE TEXTILE 6

    RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 6

    AIDES AU MAINTIEN À DOMICILE 7

    ENLÈVEMENT DES ORDURES MÉNAGÈRES 7

    TRAVAIL DES ENFANTS 8

PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ -nouvelle lecture- (suite) 8

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (lecture définitive) 13

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE 26

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

KOSOVO

M. Pierre Lequiller - Monsieur le Premier ministre, après l'euphorie suscitée par la signature des accords de Kumanovo, la fin des bombardements, l'entrée des troupes britanniques et françaises au Kosovo, les alliés de l'OTAN sont confrontés aux réalités dramatiques d'un conflit aux multiples facettes. Le Conseil de sécurité de l'ONU a prévu une division en cinq zones militaires, sous la responsabilité de la Grande-Bretagne, de la France, des Etats-Unis, de l'Allemagne et de l'Italie. Or au mépris de ces accords, des troupes russes venues de Bosnie sont entrées en Kosovo et occupent l'aéroport de Pristina. La réintégration des Russes dans le dispositif diplomatique ayant été à juste titre soutenue par la France, il est impératif qu'une issue rapide soit trouvée à cette situation. Que va donc proposer la France pour sortir de cet imbroglio ?

Par ailleurs, le plan de paix prévoit d'une part le retrait du Kosovo des forces militaires, de police et paramilitaires, d'autre part le désarmement de l'armée de libération du Kosovo et de tous les autres groupes armés. Mais la découverte de charniers et les preuves de la monstruosité de la purification ethnique pratiquée par Milosevic ne peuvent qu'attiser les haines. Il faut donc que la KFOR se déploie rapidement. Hier, à Prizren, de graves incidents se sont produits avec l'UCK, qui a occupé de force plusieurs quartiers de la ville, et samedi, à Pristina, avec des policiers serbes qui ont tiré sur des soldats britanniques. Quelles mesures la France, avec ses alliés, compte-t-elle prendre pour faire totalement respecter la résolution de l'ONU ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, sur plusieurs bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Depuis des semaines, nous avons agi pour que les Russes puissent jouer leur rôle légitime. Cela s'est conclu par une réussite sur le plan diplomatique : le vote d'une résolution du Conseil de sécurité. Sur le plan militaire, les négociations qui avaient été entamées n'ont pas abouti dans le détail en temps utile, car nous avons voulu éviter que se reproduisent les mêmes erreurs qu'en Bosnie. C'est-à-dire qu'il faut éviter de générer au Kosovo des différences entre les secteurs. Il doit en effet y avoir au Kosovo une seule politique de sécurité. Nous ne voulons pas d'une implantation géographique des forces russes qui puisse préfigurer en quoi que ce soit une partition, car la partition représenterait la même erreur tragique que l'indépendance du Kosovo, que, pour des raisons symétriques, nous avons refusée. Des négociations sont en cours et je pense que dans les jours qui viennent, nous allons trouver une solution pour insérer les Russes, tout en évitant les dangers dont je viens de parler.

Vous faites par ailleurs référence aux difficultés rencontrées par la KFOR, du côté des Serbes comme de l'UCK. Il ne faut pas s'en étonner car la tâche de la KFOR est très difficile. Mais face aux uns comme aux autres, elle est mandatée par le Conseil de sécurité pour agir et j'ai pleine confiance en elle pour mener sa tâche à bien (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe DL).

KOSOVO

M. Pierre Brana - Depuis quelques jours, nous sommes dans l'après-guerre. Une force multinationale est entrée au Kosovo, quelques dizaines de soldats russes aussi. J'espère que ce coup n'aura pas de conséquence sur les accords signés, ni sur les engagements pris par la partie serbe. Quoi qu'il en soit, il nous faut maintenant gagner la paix. Pour cela, il faut que nous les Alliés nous injections massivement de la confiance, ainsi que de l'argent, au Kosovo et sans doute aussi dans le reste de la Fédération yougoslave -je pense en particulier au Monténégro.

La France a fait des propositions pour la reconstruction. Où en est-on ? Comment notre pays et la communauté internationale envisagent-ils d'aider à la recomposition de cet ensemble de pays, brisés humainement, économiquement et politiquement ? Comment va-t-on, en particulier, aider les Kosovars d'origine serbe et ceux d'origine albanaise à vivre ensemble ? Enfin, comment se présente la reconstruction de cet ensemble régional, les Balkans, qui a vocation, ne l'oublions pas, à rejoindre l'Union européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Nous avons en effet entamé un nouveau chapitre puisque nous voici maintenant à l'oeuvre en tant que bâtisseurs de la paix, au Kosovo comme dans les Balkans. Les difficultés sont identifiées depuis des semaines et nous travaillons aussi depuis des semaines sur la façon dont la KFOR doit faire régner la sécurité. Mais il faudra que le retrait serbe soit terminé pour que nous ayons une vue complète de la situation.

D'ores et déjà, le secrétaire général de l'ONU a nommé son représentant pour cette région. Il sera donc le premier responsable de l'administration civile internationale prévue à titre transitoire puisqu'un jour il faudra mettre en place les institutions de l'autonomie. Ce n'est que petit à petit que tout ce que nous avons prévu se mettra en oeuvre. La sécurité, le retour des réfugiés, la reconstruction, les perspectives... Nous travaillons sur tous ces points. Je ne puis aujourd'hui vous détailler les choses, mais nous nous efforçons de tout préparer de façon que, petit à petit, les difficultés soient surmontées et que nous arrivions à un Kosovo véritablement pacifique, où les communautés puissent cohabiter. A cet égard, je pense que les Serbes du Kosovo eux-mêmes comprendront que la KFOR est là pour assurer la sécurité de tous. Et nous saurons organiser dans les meilleures conditions possibles, c'est-à-dire le plus vite possible, le retour des Kosovars qui, en Albanie, en Macédoine ou ailleurs, attendent de pouvoir rentrer chez eux. Car ce que nous avons fait, nous l'avons fait essentiellement pour eux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

RÉFORME DES TRIBUNAUX DE COMMERCE

M. Jean Codognès - Comme l'a montré le rapport de la commission d'enquête, la justice commerciale n'offre plus les conditions d'impartialité suffisantes pour garantir l'égalité devant les juges. Or les problèmes de la juridiction consulaire intéressent des milliers de salariés. Par ailleurs, la loi de 1984 sur la prévention des difficultés des entreprises et celles de 1985 sur le règlement judiciaire et la liquidation des biens des entreprises ne répondent plus à la nécessité de la vie économique. Aussi un sociologue a-t-il pu récemment déclarer, au vu de la carte judiciaire, que la justice était le miroir des archaïsmes de la société française.

La modernisation de la vie des entreprises passe par celle des juridictions consulaires. Le 31 mai dernier, Madame la Garde des Sceaux, vous nous avez confirmé la détermination du Gouvernement à réformer la justice commerciale. Où en est cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Une réforme s'impose en effet car les tribunaux de commerce, créés en 1563 par Michel de l'Hospital, n'ont guère été modifiés depuis. Nous avons besoin de les adapter aux nécessités de l'économie moderne. Une réforme s'impose aussi parce que des dérives se sont hélas produites, certes peu nombreuses mais qui portent atteinte à la crédibilité de la justice commerciale.

La nécessité d'une réforme est soulignée par les entreprises elles-mêmes et par votre Assemblée -voyez le rapport de MM. Colcombet et Montebourg.

Le Gouvernement a donc décidé d'engager une réforme de grande ampleur. Il s'agira de mieux contrôler l'activité des administrateurs judiciaires et des greffiers des tribunaux de commerce ; de réviser les lois de 1985 sur les difficultés des entreprises, notamment pour favoriser le règlement amiable ; d'introduire des magistrats professionnels dans les juridictions consulaires, de façon à conjuguer l'expérience du droit et celle des entreprises.

D'ores et déjà, un décret visant à renforcer le contrôle sur les administrateurs judiciaires est paru en décembre. Deux autres vont paraître prochainement sur les tarifs des greffiers et des administrateurs judiciaires.

Ce qui reste à faire est de nature législative : révision des lois de 1985, introduction de juges professionnels. Les tribunaux de commerce resteront présidés par des magistrats consulaires mais les chambres de jugement le seront par des magistrats professionnels, assistés de deux magistrats consulaires.

En revanche, les créances commerciales seront toujours jugées par des formations présidées par des magistrats consulaires. Cela paraît un équilibre satisfaisant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

POLITIQUE ÉCONOMIQUE

M. Bernard Roman - Depuis deux ans, le Gouvernement a engagé une politique économique volontariste et ambitieuse pour la croissance et l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR). Ces bons résultats expliquent en partie la confiance que le peuple français a exprimée envers son gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Les résultats révisés qu'a publiés l'INSEE la semaine dernière démontrent que la croissance française est aujourd'hui la plus forte parmi les quatre grands pays européens, et la plus créatrice d'emplois.

La croissance ne suffit pas, cependant, la répartition de ses fruits est essentielle. Le partage de la valeur ajoutée, qui a été très défavorable aux salariés depuis vingt ans, semble s'inverser aujourd'hui. Cela signifie plus d'emploi, plus de pouvoir d'achat. Alors que le libéralisme et la droite donnent la priorité aux intérêts financiers, nous disons qu'il ne peut y avoir de progrès économique sans progrès social. Les chiffres semblent valider notre démarche. Pouvez-vous le confirmer, Monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, exclamations sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Comme chacun l'a reconnu en l'écoutant, M. Roman a raison (nouvelles exclamations sur les mêmes bancs). La croissance française est aujourd'hui supérieure à celle des dix dernières années, elle est aussi supérieure à celle de nos principaux partenaires. Nous mettons fin de la sorte à une double exception française. Mais cela n'est pas suffisant. Il faut aussi répartir différemment les fruits de la croissance. 80 000 emplois ont déjà été créés au premier trimestre alors que la croissance était moins forte que l'an dernier -plus de 300 000 emplois avaient déjà été créés dans le secteur marchand en 1998.

Le pouvoir d'achat est aussi au rendez-vous. L'ensemble des revenus du travail s'est accru de 3,4 % en 1998 et le SMIC a progressé de 5 % en deux ans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) -depuis vingt ans on n'avait pas assisté à une telle progression ! Le partage de la valeur ajoutée, qui se dégradait depuis vingt ans aux dépens des salariés, s'est à présent stabilisé, grâce à la volonté du Gouvernement d'étendre la CSG aux revenus du capital et grâce à la majoration du SMIC.

Nous sommes ainsi dans la ligne de ce qu'annonçait le Premier ministre : "nous voulons une société du travail". L'idée que le chômage puisse baisser durablement et massivement est devenue à présent crédible. Certains ont paru croire tout à l'heure que la question était concertée (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). C'est que vous avez cessé de croire qu'on puisse s'entendre au sein d'un groupe, et non se chamailler ! Le Gouvernement et la majorité font la même politique, et celle-ci donne des résultats que je suis heureux de saluer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV).

ALLOCATION DE RENTRÉE SCOLAIRE

Mme Muguette Jacquaint - Fin juin aura lieu la conférence sur la famille. Or les familles s'interrogent sur le montant de l'allocation de rentrée scolaire. L'an passé, nous avons appuyé la décision du Gouvernement d'élargir le nombre des bénéficiaires et de porter le montant de l'allocation à 1 600 F, à titre exceptionnel. Nous proposons de pérenniser ce montant, car cette allocation est essentielle pour permettre aux familles de faire face aux achats de la rentrée. La majoration de l'an dernier sera-t-elle reconduite cette année et à l'avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le Gouvernement a pris d'autres mesures pour aider les parents : le fonds de cantine -250 millions- les fonds sociaux pour les lycéens et les collégiens. Mais il mesure particulièrement le poids financier que représente la rentrée pour les familles. Le bénéfice de l'allocation a déjà été étendu à 350 000 familles d'un enfant. Par ailleurs, son montant a été quadruplé depuis deux ans -de 420 à 1 600 F. Le Premier ministre annoncera le 7 juillet, lors de la conférence sur la famille, le montant retenu pour la prochaine rentrée. Nous essaierons d'aller ensuite vers une pérennisation à un niveau élevé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

ELM LEBLANC

M. Bernard Birsinger - Il faut que le Gouvernement agisse plus énergiquement pour défendre l'emploi contre certains grands patrons. Le groupe Bosch, propriétaire de l'entreprise ELM-Leblanc de Bobigny et Drancy ne vient-il pas d'annoncer sa délocalisation en Turquie, où le coût de l'emploi est six fois moindre ? Résultat, 657 suppressions d'emplois annoncées ! C'est d'autant plus scandaleux que le groupe Bosch a réalisé l'an dernier 2,5 milliards de bénéfices, et qu'il sollicite l'aide de l'Etat pour sa restructuration, en utilisant le volet défensif de la loi sur la réduction du temps de travail (Exclamations sur les bancs du groupe UDF).

Que fera le Gouvernement pour empêcher cette délocalisation ? Le groupe communiste a plusieurs fois proposé un moratoire sur les licenciements économiques, et il vient de déposer une proposition de loi à ce sujet. Je rappelle que le Premier ministre avait pris un engagement sur ce point en juin 1997 : quand sera-t-il mis en oeuvre ?

L'exemple de ma circonscription montre qu'il faut améliorer la deuxième loi sur les 35 heures. Il faut en finir avec le volet défensif de la loi, qui permet aux entreprises de toucher des fonds publics pour licencier, décourager les heures supplémentaires, subordonner l'octroi des aides de l'Etat à la création d'emplois. Il y a urgence. Quelles sont les intentions du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Je comprends l'inquiétude des salariés et des élus de Drancy et Bobigny, et en particulier celle des travailleurs d'ELM-Leblanc. La politique du Gouvernement est tout entière tournée vers le maintien de l'emploi. Par des mesures sociales d'abord : le nombre des plans sociaux est passé de 1 530 en 1997 à 1 200 en 1998 ; les charges sociales ont été transférées en partie vers la CSG ; la loi sur l'aménagement et la réduction du temps de travail a été votée ; une nouvelle réduction des charges sociales a été décidée jusqu'à 1,8 fois le SMIC. Ensuite, nous avons agi sur le terrain économique, par une politique de croissance -la France est le premier pays d'accueil des investissements étrangers.

Néanmoins, on ne peut se passer de mesures défensives. Mais les aides publiques doivent être toujours accompagnées d'engagements en matière d'emploi. Comme l'a souligné la commission constituée à l'Assemblée nationale sur les délocalisations, présidée par M. Paul, "la puissance des groupes économiques justifie pleinement que la puissance publique se donne les moyens de vérifier l'adéquation entre les aides et les raisons qui motivent leur attribution" : un suivi des aides est nécessaire, afin qu'elles soient bien au service de l'emploi (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

MODALITÉS D'APPLICATION DES 35 HEURES

Mme Nicole Catala - Madame le ministre de l'emploi et de la solidarité, vous avez fait voter en 1998 la réduction de la durée hebdomadaire de travail à 35 heures, sans en préciser les modalités. Les questions que nous vous avions posées sont restées sans réponse.

A un peu plus de six mois de l'entrée en vigueur de cette réforme pour les entreprises de plus de 20 salariés, nous sommes encore dans l'obscurité la plus totale. Nous avons cru comprendre à travers la presse que vous envisagiez une période de transition ; qu'en est-il ? Quel sera le régime des heures supplémentaires -contingent autorisé, majoration- ? Le temps de travail des cadres sera-t-il décompté en jours ou en heures ? Y aura-t-il plusieurs SMIC, avec des distorsions entre les entreprises de plus de 20 salariés et les autres, entre les anciens et les nouveaux embauchés ?

Ces questions sont fondamentales. Les salariés ont le droit de savoir quelles seront leurs conditions de travail l'année prochaine, les entreprises ont besoin de faire des plans à moyen terme. Vous les invitez à négocier, mais c'est un peu leur demander de sauter dans le vide puisqu'elles ne savent pas dans quel cadre juridique elles vont se trouver... Nous attendons de vous des précisions (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et sur de nombreux bancs du groupe UDF).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je vous remercie de m'offrir l'occasion de redonner ici le calendrier des consultations que nous menons sur la deuxième loi.

Le Gouvernement a souhaité fixer le cap des 35 heures, considérant qu'on ne pouvait pas se passer de cet instrument -parmi d'autres- pour réduire le chômage ; mais il a voulu s'appuyer sur la négociation. Il a bien fait : les accords qui ont été signés montrent la grande maturité des syndicats et des chefs d'entreprise ; tablant sur 3 à 3,5 % de progrès de productivité, 2 à 2,5 % de modération salariale, ils prévoient plus de 6 % d'emplois créés.

Les sujets que vous avez évoqués -cadres, SMIC...- ont trouvé dans les accords d'entreprise des réponses que nous reprendrons dans la deuxième loi.

Une loi aussi importante ne se prépare pas dans un bureau, mais en étroite concertation avec les organisations patronales et syndicales : nous sommes en train de la pratiquer, et si nous agissions autrement, vous nous le reprocheriez avec raison.

Le projet de loi sera envoyé aux partenaires sociaux la semaine prochaine et au Conseil d'Etat le 8 juillet, pour être présenté sans doute au conseil des ministres début août.

Je terminerai sur une bonne nouvelle : le rythme de conclusion des accords s'accélère. Une entreprise sur deux négocie, 300 accords ont été déposés la semaine dernière -contre 100 en moyenne depuis le mois de janvier-, 425 cette semaine ; nous en sommes donc à plus de 5 400 accords, à plus de 71 000 emplois créés et nous en prévoyons 40 000 cette année. Bref, nous avons bien fait de réduire la durée du travail et nous avons raison de continuer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste)

FICHIER GÉNÉTIQUE

M. Lucien Degauchy - Un an après la promulgation de la loi relative à la répression des infractions sexuelles, le fichier génétique, destiné à centraliser les empreintes génétiques des personnes condamnées pour l'une des infractions visées à l'article 706-47 du code de procédure pénale, n'est toujours pas en place. Pourtant, un tel outil permettrait d'éclaircir de nombreuses affaires.

Pourquoi ce retard ? Un délai peut-il être fixé ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du RPR, sur plusieurs bancs du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Ce fichier, prévu dans la loi, doit être élaboré avec soin. Le travail est en cours ; il mérite des consultations. Toutes les précautions doivent être prises pour respecter les libertés individuelles, tout en assurant l'efficacité du système. Je pense que nous pourrons très bientôt aboutir (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

CRISE TEXTILE

M. François Vannson - La crise qui frappe actuellement les entreprises textiles françaises inquiète profondément les chefs d'entreprise et les salariés, en particulier dans ma circonscription. Elle ne résulte pas seulement de la concurrence internationale. A l'arrêt du plan Borotra et aux hypothèques qui pèsent sur les aides s'ajoute la mise en place de la réduction du temps de travail. Le Nouveau Tissage de Poncées, implanté à Saint-Etienne-lès-Remiremont, vient ainsi de fermer ses portes. Ce drame social, qui risque d'être le premier d'une longue série, appelle de la part des pouvoirs publics des mesures d'accompagnement fortes.

Plus généralement, quelles mesures entendez-vous prendre pour sauvegarder le textile ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - On sait que la concurrence internationale entraîne dans le secteur textile une baisse sans précédent des prix. Dans les entreprises des diverses régions de production françaises, les carnets de commande sont souvent inférieurs de 20 à 30 % à ceux de l'année dernière. L'Union des industries textiles réclame qu'on fasse jouer les clauses de sauvegarde prévues en cas de déstabilisation de l'ensemble du marché communautaire par les importations. Certains pays européens y sont hostiles ; toutefois un premier dossier a été évoqué à Bruxelles et d'autres sont à l'étude.

Par ailleurs, nous nous efforçons d'améliorer en France les relations entre la grande distribution et le secteur textile-habillement. Avec ma collègue Marylise Lebranchu, nous avons organisé un groupe de travail (Exclamations sur les bancs du groupe DL) qui débouchera au mois de septembre sur des mesures précises.

Enfin, une politique de modernisation est nécessaire. Elle passe par des investissements, par le développement des nouvelles technologies et par celui de la formation professionnelle. La mesure fiscale prise en faveur du stylisme montre la détermination du Gouvernement à faire triompher ce secteur des difficultés qu'il rencontre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

M. Jacques Rebillard - La loi du 13 juin 1998 relative à la réduction du temps de travail a donné une nouvelle impulsion à la négociation collective, au niveau des branches professionnelles et surtout des entreprises. Comme l'a mis en évidence le bilan d'étape, la négociation d'un bon accord prend du temps. Nous savons, par nos contacts sur le terrain, que beaucoup de négociations sont en cours mais n'ont pas abouti, notamment dans les petites entreprises, pour lesquelles l'accès à l'aide dépend d'un accord de branche et de son extension par le ministère du travail. Le barème des aides sera modifié le 1er juillet. Beaucoup d'entreprises qui ont déposé leur dossier de demande sont inquiètes car, compte tenu des délais d'instruction, elles se demandent si elles pourront bénéficier de l'aide au taux actuel. D'autres se demandent s'il n'est pas trop tard pour déposer un dossier.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour que les entreprises qui dépendent d'un accord de branche et ont manifesté la volonté de réduire le temps de travail pour créer des emplois ne soient pas pénalisées ?

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Un vaste mouvement de négociation a lieu actuellement en France et il est vrai que le nombre important d'accords déposés les dernières semaines entraîne un surcroît de travail pour les directions départementales du travail et donc des retards pour la signature des conventions avec les entreprises. C'est particulièrement vrai pour les entreprises de moins de 50 salariés dépendant d'un accord de branche puisque c'est la date de la signature de l'accord de branche ou, en cas d'extension, de la convention signée par la direction départementale du travail qui est retenue par les textes actuellement en vigueur. Ainsi avons-nous décidé de publier dans les heures à venir un décret qui règlera ces deux problèmes : c'est la date du dépôt de l'accord par l'entreprise qui sera retenue pour le calcul des aides et quand l'extension n'aura pas encore eu lieu, les entreprises auront un délai de trois mois après l'extension pour déposer leur accord (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

AIDES AU MAINTIEN À DOMICILE

Mme Christine Boutin - Madame la ministre de la solidarité, le problème du maintien à domicile, dans des conditions décentes, des personnes malades, âgées ou handicapées est crucial. Seule l'addition de la prestation spécifique dépendance et de l'aide ménagère permettrait ce maintien à domicile. La politique de la CNAVTS en ce domaine est catastrophique et vous avez vous-même refusé d'agréer ses propositions.

La réduction des crédits pour le personnel entraîne une diminution des possibilités de formation comme des rémunérations. Or vous savez que la situation va s'aggraver avec le vieillissement de la population. Quand allez-vous prendre les mesures nécessaires pour permettre aux personnes âgées et à leurs familles un véritable choix respectant la dignité des personnes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe DL)

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Vous avez raison de vous préoccuper de cette question, comme nous le faisons nous-mêmes. La prestation spécifique dépendance, même si elle est inégale selon les départements, marque un souci de prendre en compte le parcours de chaque personne et c'est une avancée.

Vous avez évoqué la proposition de la CNAVTS de rembourser les aides ménagères au taux de 73,40 F, mais nous n'avons pas accepté ces délibérations et finalement le taux horaire a été fixé à 75,75 F, ce qui satisfait les associations d'aide à domicile.

Mais, bien sûr, ce n'est pas suffisant. Nous sommes bien d'accord pour favoriser le maintien à domicile des personnes âgées dans de bonnes conditions. Le problème de formation du personnel demeure essentiel ; des expérimentations ont été menées, des subventions accordées à des associations, il faut continuer en ce sens.

Mais certaines personnes ne peuvent rester dans leur domicile, elles doivent pouvoir bénéficier, elles aussi, d'une prise en charge adaptée.

Nous attendons donc avec impatience le rapport de Mme Paulette Guinchard-Kunstler (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) qui va nous être remis dans quelques jours et servira de base au débat. Je vous rappelle que nous avons exonéré de cotisations patronales les associations d'aide à domicile, mais il faut évidemment aller plus loin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

ENLÈVEMENT DES ORDURES MÉNAGÈRES

M. Jean-Jacques Jegou - Madame la ministre de l'environnement, l'indignation est grande chez tous les élus qui ont cru dans le budget 1999, qui devait marquer, selon vous, l'an I de la fiscalité écologique.

L'ADEME, qui est chargée de redistribuer le produit des taxes payées par les contribuables pour l'enlèvement des ordures ménagères, réduit brusquement et de façon drastique ses subventions aux collectivités locales qui développent le tri et la valorisation des ordures ménagères. Pour l'acquisition des bacs de collecte sélective, la subvention est passée ainsi cette année de 50 à 20 %, soit un manque à gagner de 1,3 million pour un syndicat de 80 000 habitants ayant investi 5 millions dans cet achat, et ceci alors que le budget local est déjà voté.

Pour les constructions d'usines de traitement en cours, la perte est encore plus considérable -80 millions sur un investissement de 700 millions pour l'usine de Créteil !

La taxe d'enlèvement des ordures ménagères de l'ADEME est passée cette année de 40 à 60 F. Que faites-vous de l'argent des contribuables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Vous avez fourni une information hâtive et erronée (Exclamations sur les bancs du groupe UDF). En effet le coût par habitant de la collecte et de l'élimination des déchets a beaucoup augmenté dans la dernière décennie, du fait de la quantité et de la complexité croissantes des déchets, qu'il faut éliminer tout en respectant l'environnement, et de la mise en oeuvre progressive de la loi de 1992.

Un dispositif important a été mis en place : dans chaque département des plans ont été élaborés ("Ce n'est pas la question" ! sur les bancs du groupe UDF) pour identifier les flux et les filières les plus économiques. Les mesures adoptées l'an dernier comportaient la fusion des diverses taxes collectées par l'ADEME, dont le budget a été renforcé, l'augmentation de la taxe pour l'enlèvement des ordures ménagères et la baisse de la TVA sur la collecte, le tri et la valorisation des ordures ménagères. Au cours de l'année passée, le coût du traitement des déchets a baissé de plus de 100 F par tonne (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR), la baisse de la TVA représentant une aide indirecte de plus d'1,5 milliard de francs.

Logiquement, nous avons été amenés à revoir à la baisse les barèmes d'aide de l'ADEME en fonction de la hausse des barèmes d'Eco-emballages : globalement le coût du traitement à la tonne est en baisse (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

TRAVAIL DES ENFANTS

M. Gérard Revol - Monsieur le ministre des affaires étrangères, les consommateurs français ont pris conscience, ces dernières années, des conditions inacceptables dans lesquelles travaillent des enfants, souvent très jeunes, pour fabriquer certains produits que nous importons.

Nous avons récemment adopté une proposition de loi émanant du Parlement des enfants et visant à exclure les fournitures scolaires de ces importations. Au cours du débat, nous avons constaté combien il était difficile de légiférer sur ce sujet sans aller à l'encontre de nos engagements internationaux. D'importantes discussions ont lieu actuellement dans le cadre de l'OMC ; un groupe de travail se consacre à l'élaboration d'éventuelles clauses sociales.

Pouvez-vous nous préciser l'état d'avancement de ces discussions ? Quand, pensez-vous, pourra être interdit le travail des enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Notre politique est d'exercer des pressions sur le plus grand nombre possible de pays pour mettre fin, dans un premier temps, aux formes les plus odieuses d'exploitation des enfants, tout en faisant preuve de réalisme et de pragmatisme pour ne pas livrer ces enfants à la rue, ce qui serait contraire au but recherché.

Le 16 juin l'OIT devrait adopter une convention qui définit les pires formes de travail -travail forcé, esclavage, prostitution, travaux dangereux, etc.- et met en place à la fois des mesures incitatives et des mesures coercitives. Il faut procéder par étape.

Il faut aussi que l'OMC, trop indifférente jusqu'ici se préoccupe de la question. Nous avons pris l'initiative de créer un "groupe des amis des normes sociales" composé de pays qui n'accepteraient pas que cette question soit absente des négociations commerciales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

M. Paecht remplace M. Fabius au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président


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PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ -nouvelle lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, en nouvelle lecture.

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement - L'Assemblée va procéder au vote solennel sur ce texte en nouvelle lecture. La semaine dernière, les débats ont porté sur des questions déjà amplement discutées. Tout a été dit sur l'absence d'incidence de Pacs sur le droit de la famille, le mariage, la filiation et l'adoption.

Mme Christine Boutin - Comment pouvez-vous encore !

M. le Ministre - On ne peut reprocher aux rapporteurs ni au Gouvernement de ne pas s'être expliqués. Je ne m'adresserai pas une fois de plus à ceux qui ne veulent pas entendre, mais à ceux qui ont témoigné leur confiance dans ces dispositions qui visent simplement à apporter des solutions aux difficultés quotidiennes de couples non mariés.

Le droit ne peut ignorer la réalité. C'est pourquoi la majorité a soutenu le dispositif. La navette parlementaire l'a clarifié, l'a simplifié sur certains points, en conservant les garanties propres à éviter toute utilisation frauduleuse.

Ce texte répond pleinement aux attentes de nombre de nos concitoyens sans porter atteinte au mariage. Il respecte la vie privée de chacun. C'est un texte pragmatique, équilibré et de cohésion sociale (Rires sur les bancs du groupe UDF) que le Gouvernement vous demande d'adopter. A MM. Bloche et Michel, ainsi qu'à Mme Tasca je renouvelle nos remerciements. En votant ce texte l'Assemblée manifestera sa capacité à tenir compte de l'évolution de notre société (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Patrick Bloche - Les heures supplémentaires que nous avons consacrées au Pacs la semaine dernière n'ont rien apporté. Nous avons examiné de nouveau 300 amendements dont deux seulement avaient l'apparence de la nouveauté. C'est finalement sur le même texte que le 7 avril dernier que nous nous prononçons.

L'opposition a choisi de tenir un discours centré sur la famille vainement récupérateur -on l'a vu dimanche- dont les références historiques sont bien connues. Le thème de la famille sera sans nul doute au coeur de la recomposition idéologique de la droite et donnera lieu à de belles surenchères conservatrices.

Mme Christine Boutin - Vous reniez le Front populaire ?

M. Patrick Bloche - La majorité a défendu sa vision des familles. Selon l'UNAF, la famille est une unité de personnes fondées sur le mariage ou la filiation ou l'exercice de l'autorité parentale, ce qui englobe des situations diversifiées.

M. Pierre Albertini - On le sait !

M. Patrick Bloche - Vous le savez peut-être, mais on ne s'en est pas aperçu la semaine dernière.

Mme Christine Boutin - Vous nous traitiez de ringards !

M. Patrick Bloche - L'opposition a rivalisé d'imagination sur les conséquences du Pacs et, par ses excès, a donné une bien curieuse image de la société française. A l'entendre, nos concitoyens seraient pervers, intéressés, fraudeurs et auraient le tort d'être cosmopolites.

Ainsi, l'imposition commune -en attendant l'imposition séparée même pour les couples mariés- pour vous c'est la recherche frénétique du partenaire fiscal idéal.

Mme Christine Boutin - C'est indigne !

M. Patrick Bloche - Le régime spécifique des successions, c'est la porte ouverte aux détournements les plus sordides (Interruptions sur les bancs du groupe UDF). Le transfert de bail pour protéger les plus faibles, c'est la légalisation de la sous-location (Mêmes mouvements).

M. Dominique Dord - Vous ne pouvez pas dire ça !

M. Patrick Bloche - A vous entendre, l'argent et le patrimoine sont les seules motivations de nos concitoyens ! Quelle place faites-vous à la quête du bonheur individuel, à la relation amoureuse qui se prolonge en une communauté de vie, au lien affectif du couple dans le choix d'avoir des enfants ? (Protestations sur les bancs du groupe UDF et du groupe DL) Comme l'a bien dit Mme Collange, nous préférons un Pacs d'amour à un mariage d'intérêt.

De plus, pour ceux qui se sont exprimés à droite, on ne peut qu'aimer français. Que n'avons-nous entendu sur la prise en compte du Pacs pour l'attribution d'une carte de séjour ! Là non plus, pas de place pour les sentiments ! Tomber amoureux d'un étranger, c'est être acteur de l'immigration illégale. Dans votre logique absurde, il ne reste dans ce cas qu'à s'expatrier. Pour nous l'altérité ne connaît pas les frontières.

Accrochés à vos préjugés, tétanisés par votre conservatisme, vous êtes incapables de nous accompagner pour modifier la situation juridique de millions de nos concitoyens qui s'aiment et vivent en dehors de l'institution matrimoniale.

Le groupe socialiste réaffirme son soutien au Pacs dont la création renforcera le pacte républicain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Claude Goasguen - M. Bloche n'a pas défendu le texte.

M. Dominique Dord - Il débloche !

M. Claude Goasguen - Il a attaqué l'opposition. On n'est pas obligé de caricaturer les autres au prétexte qu'ils ne sont pas d'accord. Le monopole du coeur et de la défense des opprimés ne lui appartient pas (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Nous vivons une première politique et juridique. Il était de tradition que sur des sujets de société -la contraception, l'IVG, la peine de mort, la bioéthique- qu'on procède à des consultations contradictoires, on organise un large débat public, au terme duquel bien souvent les traditionnels clivages droite-gauche se trouvent dépassés.

Sur les sujets de société, jusqu'à présent, chaque parlementaire votait en conscience. Vous avez préféré sur le Pacs imposer une position commune aux députés de la majorité. Vous avez refusé tout débat avec l'opposition. Vous avez choisi la rupture radicale avec le Sénat, si bien que la navette parlementaire aura été vidée de son sens alors même que les sénateurs avaient montré leur souci en première lecture de trouver une solution aux difficultés rencontrées par les couples homosexuels. Vous avez retrouvé vos accents les plus sectaires, n'hésitant pas à dire de nouveau à l'opposition qu'elle avait tort juridiquement, parce qu'elle était politiquement minoritaire.

Cette stratégie est mauvaise, qui fait tourner court le débat et conduit au blocage de la démocratie. Vous avez caricaturé à outrance ceux qui sont hostiles à votre texte, qui pourtant, j'en suis convaincu, sont majoritaires dans le pays. Il serait préférable d'interrompre la discussion de ce texte et de le retirer, comme le Gouvernement en a la faculté de par la Constitution.

Ce texte est mauvais en effet. Vous transformez un choix individuel de vie privée en un lien social ayant des conséquences fiscales et patrimoniales. Vous l'érigez de surcroît en statut contractuel quasi-matrimonial, ce qui est pour nous inacceptable. De plus, vous l'avez, par hypocrisie, élargi à tous, postulant l'égalité entre couples homosexuels et couples hétérosexuels. Tout le droit de la famille en sera déstabilisé. Vous avez "pacsé" le mariage qui perdra de son attrait du fait de l'existence du Pacs, qui ouvre les mêmes droits sans les assortir des mêmes devoirs. Vous avez "pacsé" le divorce en instaurant une nouvelle forme de rupture, sans respect d'obligations réciproques. Vous avez "pacsé" le droit de la filiation en refusant d'admettre que le Pacs aura bien des conséquences sur le droit de l'adoption, notamment par les couples homosexuels. Ce choix hypothèque d'ailleurs gravement le débat à venir sur la réforme du droit de la famille qui requerrait pourtant un large consensus. En passant en force sur le Pacs, vous souhaitez forcer la main à la représentation nationale.

Notre société manque de repères. Elle souffre d'insécurité et de précarité. Vous choisissez pourtant d'aggraver celles-ci quand il faudrait au contraire consolider les familles.

Votre texte est mauvais sur le plan technique, sur le plan politique et sur le plan philosophique. Nous avons donc le devoir d'utiliser toutes les ressources du droit et de la Constitution pour en retarder puis en empêcher l'application. C'est l'intérêt de notre société et de notre pays. Le groupe Démocratie libérale votera donc résolument contre (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Georges Sarre - Je souhaite en premier lieu remercier la présidente de la commission des lois et les deux rapporteurs, dont le travail remarquable permet aujourd'hui un heureux aboutissement.

En adoptant la proposition de loi créant le Pacs, l'Assemblée nationale apportera une pierre à l'édifice de l'égalité républicaine. Elle permettra de vaincre les préjugés et à tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent se marier, de construire une vie commune, d'être reconnus et de ne plus être confrontés à mille tracas.

C'est une loi pour l'égalité, Monsieur Goasguen. L'Assemblée nationale va en effet abolir les obstacles qui, jusqu'à ce jour, faisaient que certains couples n'avaient pas d'existence légale. L'égalité des droits s'accompagnerait de l'égalité des devoirs, qu'il s'agisse du devoir d'assistance et de solidarité ou du régime fiscal.

Comme toutes les grandes réformes, ce projet a dû affronter les préjugés et les caricatures. Il est néanmoins parvenu, malgré les outrances, à se montrer sous son vrai jour. Le Pacs ne s'adresse pas seulement aux homosexuels, même si ceux-ci avaient besoin d'un régime légal de vie en commun. C'est un dispositif ouvert à tous les citoyens qui entendent vivre ensemble sans pouvoir ou vouloir se marier. C'est d'abord un ensemble de dispositions pratiques qui permettront de résoudre les difficultés éprouvées jusqu'alors pour signer un bail ensemble, acheter un logement à deux, répondre en commun des dettes, disposer de son héritage ou partager la protection sociale.

Loin d'affaiblir le mariage, le pacte civil de solidarité apportera la stabilité aux couples non mariés et la sécurité aux centaines de milliers d'enfants qui en naissent.

La famille, les modes de vie, comme l'ensemble de la société, évoluent. Ces évolutions sont autant de défis pour des esprits républicains modernes qui ne confondent pas l'idée républicaine avec le statu quo, mais nourrissent l'ambition qu'elle puisse répondre avec son génie propre aux questions d'aujourd'hui. C'est ce que fait le Pacs. Loin de toute inspiration communautariste, il n'enferme pas les homosexuels dans un ghetto, mais cherche à résoudre leurs difficultés concrètes, qui sont aussi celles de tous les couples non mariés.

Ses adversaires, tout au long de ce débat, n'ont pas su choisir leur angle d'attaque. Leurs outrances avaient peu à voir avec le contenu du texte. On vit même ceux qui prétendaient affermir le mariage vanter soudain le concubinage. Au milieu de ces discordes et de ces contradictions, la majorité a tenu bon le cap de la cohérence.

Nous voterons donc ce texte, pleinement satisfaits de voir la France capable de trouver, dans sa tradition républicaine, les moyens de répondre aux défis contemporains, capable de donner un contenu neuf au beau mot d'égalité (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Henri Plagnol - Le débat en troisième lecture a malheureusement confirmé que la majorité ne voulait en aucun cas d'un dialogue raisonnable avec l'opposition, lequel aurait pourtant permis d'aboutir à un large consensus. Car nous pensons nous aussi qu'il faut tenir compte des nouveaux modes de vie et répondre aux revendications légitimes des couples homosexuels.

La majorité a préféré agiter un porte-drapeau idéologique afin de diviser durablement les Français sur la conception de la famille. Comme vous ne pouvez plus réformer l'économie, vous avez l'ambition de changer brutalement la société. Aucun des amendements de l'opposition, même les plus raisonnables et les plus modestes...

Plusieurs députés socialistes et communistes - Il n'y en avait pas !

M. Henri Plagnol - ...n'ont été repris.

Nous n'avons pas la même conception de la famille que vous.

Plusieurs députés socialistes - Pour sûr !

M. Henri Plagnol - Pour nous, le droit civil doit d'abord conforter la famille, premier cercle de la solidarité et premier lieu d'intégration des jeunes en difficulté. Vous préférez, vous, privilégier le bon plaisir des adultes et promouvoir une famille à géométrie variable, au risque d'atomiser encore davantage la société et de déresponsabiliser les parents.

Il y aura malheureusement un avant-Pacs et un après-Pacs. Avant, la législation de la famille tendait à trois objectifs : encourager la stabilité des unions, protéger le plus faible et favoriser l'accueil de l'enfant. Vous avez choisi une tout autre voie. Vous allez renforcer la précarité des familles en créant un statut qui ouvre de nouveaux droits, sans instituer de devoirs en contrepartie. Vous acceptez le règne de la loi du plus fort puisqu'il sera possible à tout moment de rompre unilatéralement le Pacs avec un préavis de trois mois : le Pacs risque donc bien de se retourner contre les partenaires les plus faibles. Enfin, vous avez fait bon marché des millions d'enfants nés de couples non mariés. Pas une seule fois votre texte ne cite les enfants, qui en sont bien les grands oubliés.

En réalité, vous créez un véritable supermarché de la famille où il sera possible de choisir entre le mariage, le Pacs et le concubinage. Il est d'ailleurs surprenant que vous refusiez tout libéralisme dans le domaine économique quand vous développez une conception ultra-libertaire du droit de la famille (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Les socialistes ont voulu opposer Pacs d'amour et mariage d'intérêt. Je crois pour ma part qu'il y aura de nombreux Pacs d'intérêt, mais heureusement encore beaucoup de mariages d'amour et de familles croyant à la transmission des valeurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Bernard Birsinger - Le Pacs aura décidément marqué la session. Avec lui, il s'agit de mettre nos lois en adéquation avec les mutations profondes de la famille et de la société ; de doter des millions d'individus de droits nouveaux ; de faire un nouveau pas vers la fin des discriminations et vers l'égalité des droits.

Lorsqu'on entend M. Plagnol évoquer le risque d'atomisation de la société, on croit rêver ! Le Pacs ouvrira au contraire à des millions de gens des droits nouveaux -au logement, à la santé, à la succession. En fait, dès qu'il est question de droits nouveaux, la droite montre son vrai visage : antisocial.

Outre l'obstruction de la droite, les citoyens retiendront de ces travaux parlementaires la démonstration que la gauche plurielle est capable, quand elle veut, d'aller au bout de sa volonté transformatrice. La qualité du travail et de l'écoute qui a prévalu au sein de cette majorité plurielle pour construire le Pacs constitue un exemple dont le Gouvernement devrait s'inspirer dans bien d'autres domaines -par exemple l'emploi, les 35 heures et la lutte contre les licenciements économiques.

Les députés communistes sont convaincus que notre société ne pourra aller de l'avant qu'en octroyant aux citoyens des droits nouveaux. De ce point de vue, nous aurions pu aller plus loin. Je pense à l'ouverture immédiate du droit à l'imposition commune, en particulier pour les couples ayant des enfants et pour ceux qui vivent déjà ensemble de longue date. Je pense aussi aux étrangers pacsés qui demeurent soumis à l'interprétation préfectorale pour la délivrance de leur titre de séjour. Je pense enfin au bénéfice de différentes prestations sociales comme la pension de reversion. Mais l'amendement communiste en ce sens a été rejeté au titre de l'article 40 de la Constitution.

Par ailleurs, l'Assemblée aurait fait preuve de courage et de bon sens en se prononçant pour la signature du Pacs en mairie.

Mais je suis convaincu que des améliorations seront apportées à la loi lorsque le Pacs sera devenu le bien commun de centaines de milliers de personnes. Pour cela, je compte aussi sur l'action des citoyens, dont la patiente détermination a déjà permis que le Pacs soit enfin mis à l'ordre du jour. Je salue en particulier l'action des homosexuels et de leurs associations. Pour obtenir une application rapide et efficace des droits ouverts par le Pacs, pour en conquérir de nouveaux, il faut continuer d'agir. Aussi, je me permets d'évoquer la Gay Pride du samedi 26 juin qui défilera sous le slogan "contre l'homophobie et pour le Pacs". Cette manifestation constituera un précieux point d'appui pour réussir définitivement le Pacte civil de solidarité.

Les députés communistes s'emploieront de leur côté à doter notre législation d'outils nouveaux contre l'homophobie. Ils restent lucides sur les efforts à accomplir pour assurer l'égalité des droits et, aujourd'hui, voteront pour ce texte qui constitue une avancée significative (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Patrick Devedjian - Les hasards de la procédure me font parler après M. Birsinger, ce qui m'amène à lui rappeler le temps où il était écrit dans L'Humanité, sous la signature de Roland Leroy, que l'homosexualité était une forme de la pourriture capitaliste. Les choses ont changé chez les communistes, et tant mieux, mais cela ne vous autorise pas, Monsieur Birsinger, à invectiver l'opposition -car sur nos bancs, personne n'a jamais dit de telles horreurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

La troisième lecture du texte sur le Pacs n'a pas amélioré les versions précédentes, au contraire. La caractéristique législative du socialisme semble décidément être que les mesures les plus simples se transforment en usines à gaz ! Les modifications permanentes que la gauche a apportées à son propre texte -en refusant systématiquement celles proposées par l'opposition- ne l'ont pas empêchée d'être toujours plus satisfaite d'elle-même. La voici donc très fière d'une troisième version qui institue six statuts différents et qui organise juridiquement la bigamie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Par ailleurs, ce texte interfère avec le réexamen global du droit de la famille que l'on nous annonce. En effet, quoi qu'en dise la majorité, le Pacs concerne les enfants. Nier cette évidence constitue une des hypocrisies majeures de ce débat.

La France sera le seul pays du monde occidental à doter d'un même statut des situations très différentes.

M. Bloche a cru devoir opposer Pacs d'amour et mariage d'intérêt. Qu'il se rassure : étant donné ce à quoi va se réduire le mariage, il n'y aura plus que l'amour pour le justifier !

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera contre le texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

A la majorité de 300 voix contre 243, sur 543 votants et 543 suffrages exprimés, la proposition de loi est adoptée.

La séance, suspendue à 16 heures 45, est reprise à 16 heures 55.


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AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (lecture définitive)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre demandant à l'Assemblée de statuer définitivement, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de ce projet de loi en lecture définitive.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Les deux lectures de ce projet par votre Assemblée, ont permis de préciser les intentions du Gouvernement et de prendre en compte vos préoccupations, au terme d'un débat particulièrement riche. Mais le Sénat a adopté un texte très différent du vôtre sur des points essentiels. Après le rejet systématique des propositions du Gouvernement par la majorité sénatoriale, malgré une grande ouverture de ma part, la CMP ne pouvait qu'échouer.

Le Gouvernement souhaite donc réaffirmer les principes posés en nouvelle lecture par l'Assemblée : un aménagement du territoire conduit dans la perspective d'un développement durable ; l'emploi comme objectif prioritaire ; une société plus juste et plus solidaire, grâce à des mesures de discrimination positives pour les territoires urbains et ruraux les plus en difficulté, tout en affirmant la place et l'importance des villes dans notre pays ; la mise en valeur des ressources des territoires ; la prise en considération des enjeux européens, notamment ceux figurant au schéma de développement de l'espace européen adopté le 10 mai dernier.

L'adoption de ce projet de loi doit permettre d'abord de fixer le cadre des exercices de planification et de programmation. Les neuf schémas de services collectifs, dont celui consacré au sport, assureront outre la classique offre d'équipement, la satisfaction des besoins en termes de service intégré combinant structures, moyens de mise en oeuvre et fonctionnement. Ils n'excluent nullement la création de nouveaux équipements, mais privilégient l'utilisation de l'existant. L'articulation de ces schémas, avec les schémas régionaux privilégie le principe du contrat, la correction des inégalités spatiales, la coopération interrégionale et transfrontalière.

Les modalités de l'association des collectivités territoriales -notamment les départements et groupements intercommunaux- sont précisées à l'échelle nationale et à l'échelle régionale. Il est urgent d'élargir et de renforcer le conseil national et les conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire. Les pays, territoires de projets, et agglomérations suscitent des projets. Le projet précise, enfin, les objectifs et modalités de desserte des territoires par les services publics, insuffisants dans certaines zones urbaines ou rurales. Il précise les relations conventionnelles entre l'Etat et les collectivités pour la modernisation des services publics. Votre commission propose des dispositions complémentaires en cas de fermetures simultanées au sein d'un territoire urbain ou rural en difficulté.

Cette préoccupation de justice territoriale guide également le Gouvernement pour la carte des zonages. La carte de la prime d'aménagement du territoire transmise à la Commission européenne a retenu comme critères principaux les paramètres d'aménagement du territoire, conformément à l'avis du conseil national d'aménagement du territoire, à savoir les bassins d'emploi ayant un revenu inférieur à la moyenne nationale et un taux de chômage ou un rythme de dépeuplement important -ce qui inclut à la fois des zones urbaines et industrielles et des secteurs ruraux.

Le prochain CIADT devrait fixer les principes de zonage au titre des fonds structurels et de modulation des enveloppes régionales des contrats de plan Etat-Région sur ces mêmes principes, en prenant en compte le niveau de richesse de ces territoires, les problèmes de cohésion sociale et les difficultés auxquels ils sont confrontés. Ce cadre connu, nous examinerons, en fin d'année, la révision des zonages nationaux.

Ce projet constitue donc un élément important pour les exercices pratiques de planification et de programmation qui nous attendent dans les prochains mois. Il pose les bases d'une approche renouvelée, responsable et solidaire de l'aménagement du territoire dans notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production - Le Gouvernement et sa majorité parlementaire ont atteint les objectifs qu'ils s'étaient fixés : le cadre législatif dans lequel se négocieront les nouveaux contrats de plan Etat-Régions a été rénové, les principes qui fondent l'aménagement du territoire ont été modernisés. Il fallait en effet tirer les conséquences de l'ouverture de notre pays sur le monde, des progrès de l'intégration européenne et de la décentralisation.

Le présent projet met notre politique nationale d'aménagement du territoire en phase avec les orientations européennes contenues dans le schéma de développement de l'espace communautaire, adopté à Potsdam le 11 mai dernier. Les principaux objectifs sont comparables : développement des infrastructures en fonction des besoins réels des territoires et de leurs populations ; gestion de notre territoire fondée sur la notion de développement durable ; construction d'un système urbain polycentrique et diversifié et renforcement de la solidarité entre la ville et la campagne.

Enfin, la loi d'orientation permet de s'adapter à des situations démographiques, économiques et sociales qui peuvent évoluer de manière importante, comme le laissent présager les premiers chiffres du dernier recensement.

De nombreux élus s'inquiètent de la pérennité des aides au développement régional, la Commission européenne ayant imposé une réduction de la population éligible à la PAT et aux fonds structurels européens. S'agissant de la PAT, le Gouvernement a décidé d'établir un zonage fondé sur des critères objectifs, qui ont été débattus à plusieurs reprises au sein du CNADT.

Les délégations parlementaires à l'aménagement du territoire, introduites dans le projet par un amendement de la commission, permettront aux deux Assemblées d'être mieux associées à ces choix. Le souhait des parlementaires est qu'à la fin de cette année, avec le vote de la LOADDT, la signature de la nouvelle génération de contrats de plan, la réforme des fonds structurels européens et celle des zonages nationaux d'aide au développement local, aucun territoire ne soit oublié. Outre les aides nationales et européennes, c'est grâce à des projets de pays et d'agglomération que se construira l'avenir de nos territoires.

Le Sénat a, en nouvelle lecture, confirmé que sa philosophie n'était pas la nôtre. Les 90 amendements qu'il a adoptés rétablissent presque tous le texte qu'il avait voté en première lecture. Seuls trois articles du texte de l'Assemblée nationale ont été adoptés conformes ; encore s'agit-il d'articles introduits par le Sénat en première lecture, que nous avions repris en les modifiant.

Votre commission a décidé de retenir quatre amendements du Sénat. Les deux premiers concernent le fonctionnement des délégations parlementaires, le troisième porte sur la présence des services publics dans les zones urbaines sensibles et dans les zones de revitalisation rurale et le quatrième vise à prolonger de six mois le délai accordé aux agglomérations de plus de 100 000 habitants pour l'élaboration de leurs plans de déplacement urbains. Pour le reste, elle est restée fidèle au texte que nous avions adopté en nouvelle lecture le 11 mai dernier. Je vous invite à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Yves Coussain - L'adoption de ce texte en lecture définitive ne sera pas une bonne nouvelle.

Nous avons déjà souligné qu'il manquait de cohérence avec les projets relatifs à l'intercommunalité et aux interventions financières des collectivités locales ; nous verrons apparaître les contradictions dans les textes d'application. Le mauvais calage de ce texte est sans doute l'une des raisons de l'absence totale de concertation qui a marqué son élaboration. Ce déficit de démocratie fort regrettable est aggravé par la mise à l'écart du Parlement que réalise ce projet. Le sommet du mépris à l'égard des élus vient d'être atteint avec la publication de la carte des zones éligibles à la PAT, que nous, responsables locaux, avons découverte dans la presse. Il est grave que le maniement de quelques chiffres et ratios tienne lieu de politique...

Les concentrations urbaines ne sont pas inéluctables ; les nouvelles technologies vont permettre aux Français de faire d'autres choix de vie. 48 % d'entre eux considèrent que dans dix ans, la vie moderne sera à la campagne et 44 % préféreraient vivre dans une petite commune rurale.

Le projet de zonage de la PAT exclut, semble-t-il, divers bassins du Massif Central parce que les taux de chômage y sont moins mauvais que la moyenne nationale. Or cela vient du fait que les jeunes ont été obligés de partir !

Par ailleurs, le texte dont nous débattons est dépourvu d'ambition et de moyens. Rien pour simplifier la vie des responsables locaux ni des entrepreneurs, rien pour clarifier les compétences des collectivités, rien sur la péréquation financière... En matière de voies de communication, vous gommez les objectifs fixés par la loi de 1995.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Michel Marchand - Les deux lectures précédentes nous ont permis d'avoir un débat riche. Certaines dispositions de la loi de 1995 ne sont pas remises en cause, ce qui prouve que le pragmatisme l'emporte sur l'idéologie.

Ce texte donne la priorité à l'emploi, tend à renforcer les solidarités sociale et territoriale et veut créer les conditions d'un développement durable.

Nous avons toujours cru à la nécessité de fonder l'action politique sur une mobilisation de tous les acteurs sociaux ; tel est bien le cas avec ce texte. L'Etat joue pleinement son rôle, en fixant les objectifs et les orientations de l'aménagement et du développement durable du territoire et en étant le garant de la réduction des inégalités et du renforcement de la solidarité, mais il n'est plus le seul acteur. Les citoyens souhaitent être associés aux décisions qui les concernent.

Schéma multimodal de transports de marchandises, schéma de transports de voyageurs, schéma sur l'énergie, schéma sur les espaces naturels et ruraux, tous seront définis sur le long terme, mais évalués et révisés périodiquement en fonction des résultats constatés et les parlementaires, grâce aux amendements votés par notre Assemblée, tiendront toute leur place dans ce processus.

On sait combien les services publics participent à l'aménagement du territoire et les députés Verts y sont attachés. Le Gouvernement s'est engagé à garantir un accès de tous à des services modernes et performants : les maisons de services publics sont un moyen particulièrement intéressant pour satisfaire les besoins, notamment en milieu rural, ainsi que les zones de revitalisation rurale.

Les Verts privilégient un modèle de croissance qui économise les ressources naturelles, veille à l'équité sociale et se met au service du développement local et de l'emploi : c'est la notion de développement durable que la France s'est engagée à promouvoir suite aux sommets de Rio, de New York et de Kyoto.

Il s'agit là d'un projet mondial englobant les questions économiques, sociales et culturelles autant que la protection de l'environnement. L'environnement ne doit plus être un critère d'ajustement du développement économique. On sait bien que la réalisation d'infrastructures lourdes n'induit pas forcément un développement économique en l'absence de projet collectif.

Le développement durable est l'affaire de tous et implique une participation citoyenne au service du progrès social, économique et culturel dans des espaces dont les ressources seraient mieux utilisées et les milieux naturels mieux préservés.

Votre texte, Madame la ministre, préconise une nouvelle structuration de notre territoire avec les pays, les communautés d'agglomération et les communautés urbaines, sans oublier la place importante que tiennent les parcs naturels régionaux. Cette articulation permettra d'exprimer la complémentarité et la solidarité entre le monde urbain et le monde rural.

La réflexion sur l'aménagement du territoire sera la rôle des conseils de développement associant les acteurs locaux.

Ce texte ambitieux et novateur assure la cohérence entre les actions nationales et les politiques communautaires. Il affirme la solidarité nationale à l'égard des parties du territoire les plus défavorisées et le rôle régulateur de l'Etat. Il exprime la volonté d'une politique de projets s'appuyant sur les acteurs locaux et renforce la décentralisation en reconnaissant à la région la compétence en matière d'aménagement du territoire, au sein d'une Europe que nous voulons sociale, solidaire et politique.

Votre projet est une loi d'orientation : l'important, ce sont donc les directions que vous tracez et les outils que vous donnez pour les atteindre (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Lenoir - Au terme de ces six mois de discussions, c'est peu de dire que nous sommes profondément déçus par le résultat. Très peu de modifications ont été apportées au texte initial et le choix de la procédure d'urgence a privé de son rôle normal le Sénat, qui est pourtant représentatif des collectivités territoriales.

Les conditions dans lesquelles a travaillé la CMP nous laissent également perplexes : il était clair qu'on ne voulait pas aboutir à un texte commun aux deux assemblées.

Sur le fond, ce texte se caractérise par son absence de cohérence. Le Gouvernement a choisi de répartir la matière entre trois textes successifs et en outre il a privé le Parlement de la possibilité d'intervenir dans l'élaboration d'une politique nationale : le schéma national a été supprimé, le Parlement n'en discute plus et je ne reviendrai pas sur le revirement des membres de la commission de la production, qui ont accepté de finalement supprimer un amendement permettant au Parlement de débattre régulièrement de l'aménagement du territoire. Les délégations parlementaires ne sont qu'un échappatoire.

Ce texte comporte des lacunes, notamment sur le plan économique -M. Jacques Blanc, à qui j'ai cédé cinq minutes de mon temps de parole, y reviendra.

Il y a eu des initiatives un peu désordonnées, notamment sur le service postal. Vous avez à la hâte glissé dans ce texte des dispositions transposant la directive européenne sur le service postal, sous prétexte d'urgence. Pourtant une directive analogue sur le service de l'électricité avait fait l'objet d'un projet de loi distinct -pourquoi alourdir votre texte par un article qui n'a strictement rien à voir avec son objet ?

Enfin, en tant que représentant d'une zone rurale, je regrette la fracture qui est créée entre le monde rural et le monde urbain. Vous avez choisi de privilégier les agglomérations au détriment des zones rurales, les privant de moyens d'intervention qui permettaient de rééquilibrer les chances. Vous avez ainsi freiné l'élan qui s'était manifesté les dernières années dans les territoires ruraux en vue du développement. Le rôle accru de l'Etat suscite des inquiétudes : il interviendra dans des domaines où les collectivités locales auraient pu le faire. Surtout les moyens vont leur manquer pour mener une politique dynamique : en ce qui concerne la carte des primes d'aménagement du territoire, nous avons compris que la messe était dite et la carte définitive. Vous nous dites qu'il y a eu une procédure de concertation très démocratique, mais c'est grâce à des journaux bien informés plus qu'aux documents fournis par vous que nous avons suivi l'évolution de cette carte ! Est-il normal que Les Echos se substituent au Journal officiel ? Ne serait-il pas possible d'informer de façon plus suivie les parlementaires de tous les bancs ?

En ce qui concerne les zonages européens, vous nous avez donné une carte des départements éligibles.

Mme la Ministre - Admissibles.

M. Jean-Claude Lenoir - Elle a beaucoup intéressé la commission. Mais je constate que le Gouvernement est bien résigné devant les autorités européennes. La proportion de population concernée par les zonages va diminuer. Je n'ai pas entendu Mme Voynet dire qu'elle s'était battue bec et ongles face à la technocratie de Bruxelles.

Plusieurs députés socialistes - Elle l'a fait !

M. Jean-Claude Lenoir - Pour la PAT on passe de 40 à 34 %, pour les fonds européens de 24,7 à 18,7 % de la population. Que serait-ce si elle ne s'était pas battue !

De plus les territoires ruraux seront les parents pauvres de l'aménagement du territoire.

M. Patrick Ollier - Surtout la montagne.

M. Jean-Claude Lenoir - Nous regrettons ce texte malgré les espoirs que nous placions en lui, car il tourne le dos aux principes de solidarité et d'égalité. J'écarte mon propos pour laisser un temps de parole à M. Blanc. Mais ce que je ne vous dis pas s'inspire de ces paroles de Paul Valéry. "Patience, patience, patience d'agir. Chaque atome de silence est la chance d'un fruit mûr." (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Jean-Claude Daniel - Aujourd'hui l'écart s'est encore creusé entre le discours de ceux qui s'arc-boutent sur la loi Pasqua et ceux qui, au quotidien et toutes tendances confondues, préparent l'avenir.

La loi de 1995 proposait un schéma national de services. Le Sénat propose de transformer les schémas de services collectifs en schémas directeurs d'équipement et de service. Derrière ces différences d'appellation, il y a des logiques différentes. Mais le travail déjà effectué sur le terrain par tous les acteurs pour définir le contenu des schémas de service transforme ces différences en querelles byzantines.

La loi de 1995 serait destinée au monde rural, celle de 1999 ferait la part belle à la ville. La réalité est tout autre. Prenons l'exemple du plateau de Langres, fortement marqué par la déprise rurale avec ses 5 habitants au kilomètre carré. Ce texte donne un nouvel élan à ceux qui, grâce au programme Leader II et aux groupes d'action locale ont créé une université rurale, des brigades vertes, des écluses gourmandes... et qui réaliseront leurs projets dans le cadre des pays. Le monde rural progresse donc. Ce sont les gens qui font les pays.

En ce qui concerne le développement économique, on ne peut ajouter à la loi des cavaliers comme le souhaite M. Raffarin. Les initiatives prises par Mme Lebranchu et la loi Zuccarelli complèteront utilement ce texte.

Artisans et commerçants avaient certaines craintes sur la pluractivité des agriculteurs. La loi amendée doit les rassurer. Nous serons vigilants.

Dans le prolongement de cette loi, nous plaçons maintenant nos espoirs dans les systèmes productifs locaux et dans un nouveau statut des entreprises innovantes.

Sur les zonages, nous vous soutenons pour que l'on respecte des ensembles de critères objectifs afin d'effectuer des choix dans la transparence et de limiter les dérives que l'on a connues en particulier en raison du poids de certains hommes politiques. D'autre part, il faut absolument préparer la sortie d'un dispositif d'aide. Quand il s'arrête brutalement, elle peut être périlleuse.

Enfin le recensement pourra avoir des conséquences dramatiques sur l'aménagement du territoire. La population rurale part, les villes se paupérisent. Retenir le taux de chômage comme critère peut alors devenir un leurre. Il est forcément faible lorsque la population est résiduelle. Il faut donc l'utiliser avec précaution et peut-être envisager à l'avenir des effets liés aux résultats du recensement.

Cette loi offre toutes les conditions pour gagner le pari de la ville comme celui des champs. C'est la base de l'équité territoriale et du développement durable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Patrick Ollier - On nous parle encore de dialogue et de consensus. Pourtant c'est le texte voté par l'Assemblée en deuxième lecture qu'on nous soumet aujourd'hui. Depuis le débat, vous avez choisi une logique différente de celle de la loi de 1995. Vous n'en supprimez que 20 articles sur 88, dites-vous, et prétendez l'améliorer. Mais ce sont les 20 articles fondamentaux ; il s'agit donc bien d'une rupture. Le rapporteur a essayé sincèrement d'opérer un rapprochement : à sa demande la commission avait voté des modifications importantes pour redonner un rôle au Parlement dans la définition de la politique d'aménagement du territoire et du schéma de services collectifs. Mais vous avez dû revenir aux positions sur lesquelles le Gouvernement s'est arc-bouté.

Monsieur Daniel, vous ne pouvez pas sérieusement prétendre qu'une juxtaposition de schémas de services collectifs sectoriels reviendrait au même que le schéma national d'aménagement du territoire, approuvé par le Parlement que nous appelions de nos voeux ("Très bien !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Vous avez également essayé de nous convaincre que ce texte était bon car il aurait déjà produit des effets positifs sur le plateau de Langres qui vous est cher. Mais ce sont les mérites de la loi Pasqua que vous vantez, mon cher collègue.

M. Jean-Claude Lenoir - Tout à fait.

M. Patrick Ollier - C'est nous qui avons créé les zones de revitalisation rurale, dispositif qui vous a notamment permis de créer votre université. Fort heureusement, le Gouvernement ne les supprime pas mais leurs effets positifs ne peuvent pas être imputés à cette loi d'orientation, qui n'est d'ailleurs pas encore voté, soit dit au passage ! De même, le programme Leader II et les GAL, que vous avez cités, n'ont rien à voir avec elle. Je préside moi aussi un GAL, je connais donc ce dont je parle. Loi Voynet ou non, il sera toujours possible d'utiliser les fonds européens pour financer le développement local.

Madame le ministre, si votre texte avait répondu à certaines questions essentielles, nous aurions pu le soutenir, et je suis sincère disant cela.

Malheureusement, il ne permettra pas de compenser les handicaps des territoires défavorisés. Il ne permettra pas non plus de rétablir l'équilibre entre tous les territoires, notamment parce qu'il ne crée aucun instrument pour mener des politiques différenciées. Vous auriez dû au contraire vous engouffrer dans la brèche ouverte par les ZRR et les ZRU, dans lesquelles il est possible de bénéficier d'une fiscalité dérogatoire. L'égalité des chances entre tous les territoires passe en effet par une inégalité de traitement, tel était le principe fondateur de la loi de 1995. Votre texte ne prévoit pas de moyens particuliers pour les territoires -il a d'ailleurs été fort peu question de moyens tout au long de ce débat. Il ne créera pas non plus les conditions d'un véritable développement local.

En réalité, derrière les grands principes qu'il affiche, séduisants au premier abord, le Gouvernement a une vision uniforme du territoire, l'examen plus approfondi de votre texte le confirme. De surcroît, celui-ci favorisera les zones urbaines au détriment des zones rurales. Vous considériez en effet que la loi Pasqua penchait en sens inverse. Or, il convient aujourd'hui de donner à tous les territoires défavorisés, ruraux ou urbains, les mêmes moyens de développement.

Enfin, le groupe RPR aurait apprécié que le Gouvernement, à l'occasion de ce texte ou d'autres, annoncés ou en cours d'examen, s'engage plus résolument dans la voie de la péréquation. Or, à l'exception d'une timide avancée dans le projet de loi de M. Chevènement, rien n'est proposé, qu'il s'agisse de la fiscalité des collectivités ou de la clarification de leurs compétences, pourtant indispensable. En effet, les difficultés que nous rencontrons dans nos territoires sont le plus souvent liées à la foire d'empoigne que se livrent les collectivités pour piloter un projet.

Enfin, à votre texte, qui pèche par manque de dynamisme, risquent de se superposer des décisions européennes très inquiétantes. Les mesures envisagées concernant l'éligibilité à la PAT ne serviront pas un aménagement équilibré du territoire. Vous assurez, Madame la ministre, que vous ferez tout pour empêcher qu'elles soient adoptées. Je vous crois et je vous fais confiance. Mais je crains bien qu'il ne soit trop tard pour empêcher par exemple que certains territoires ne soient plus éligibles à l'objectif 5 b. Quant à l'objectif 2, véritable fourre-tout, il ne permettra pas de conduire les politiques de développement dont auraient besoin les territoires défavorisés ; je pense en particulier à la montagne.

Je regrette l'absence d'une politique volontariste d'aménagement du territoire dans ce texte. Pour M. Chirac, là où il y a une volonté, il y a un chemin. Si vous aviez fait vôtre cette maxime, nous aurions pu suivre. Comme ce n'est pas le cas, le groupe RPR votera contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Félix Leyzour - La commission mixte paritaire du 6 avril dernier a échoué. En effet, le Sénat s'en est tenu à l'attitude qu'il avait adoptée, en première et en deuxième lecture, revenant à l'esprit de la loi du 4 février 1995.

Ainsi a-t-il adopté 90 amendements, en dernière lecture, ne votant conformes que trois articles du texte adopté par l'Assemblée. Nous examinons donc aujourd'hui ce texte, modifié, éventuellement, par des amendements du Sénat.

Notre rapporteur nous a demandé d'examiner ces derniers dans un esprit d'ouverture en faisant abstraction de l'intransigeance du Sénat. C'est ainsi que le groupe communiste aborde cette lecture définitive. Il souhaite toutefois rappeler sa position.

Il faut modifier la loi du 4 février 1995, qui n'a jamais pu être vraiment appliquée, y compris au temps où ses inspirateurs étaient au pouvoir. Comment s'en étonner : un libéralisme à tout crin ne peut aller de pair avec un aménagement équilibré du territoire.

Votre projet de loi, Madame la ministre, qui vise notamment à réduire les inégalités, répondait à une partie de nos préoccupations. Nous avions toutefois tenu à l'améliorer sur certains points et avions présenté des amendements lors des deux précédentes lectures.

Selon nous, un aménagement équilibré du territoire doit tendre à réduire les inégalités sociales et territoriales.

La région sera le pivot de cet aménagement, échelon le plus pertinent pour traiter les difficultés et conduire les politiques de développement en liaison avec la politique nationale et les politiques européennes. Les départements tiendront aussi leur place car ils jouent un rôle déterminant, en matière sociale notamment. Enfin, les pays, espaces de projet, sont confirmés comme territoire pertinent de développement.

Nous avions adopté le projet de loi tel qu'amendé au terme des deux premières lectures. Aujourd'hui, nous tenons à rappeler que ce texte doit viser le progrès économique et social. Il doit instaurer plus de démocratie, plus de justice, et plus d'équité entre nos territoires.

Les amendements adoptés par le Sénat concernant l'article 8 bis visent à lever une ambiguïté et à préciser le texte d'un alinéa. Nous y sommes donc favorables. L'article 22 a également été amendé de façon à résoudre en partie le problème du maintien des services publics dans les zones les plus en difficulté, problème auquel le groupe communiste est particulièrement attentif dans les zones urbaines sensibles et celles de revitalisation rurale, étant entendu aussi que, partout, les services publics jouent un rôle structurant.

L'article additionnel après l'article 33 permettrait aux autorités locales compétentes en matière de transports d'achever l'élaboration des plans de déplacements urbains des agglomérations de plus de 100 000 habitants à un rythme préservant l'association de tous les acteurs à ce travail. Dans la mesure où cet amendement vise à améliorer la participation de tous, nous y sommes favorables.

Alors que le texte n'est pas encore définitivement adopté, nous sommes déjà dans les exercices pratiques d'aménagement du territoire : mise au point de la carte de la PAT, premières discussions à Bruxelles sur les zonages pour l'application des fonds structurels, préparation des contrats de plan Etat-Régions. Je pense aussi aux efforts actuels pour donner corps à un pacte européen pour l'emploi. L'Union européenne doit selon nous être le cadre où les entreprises se verraient accorder des crédits à long terme d'autant plus intéressants que les investissements prévus seraient créateurs d'emplois stables ou de contrats de formation débouchant sur l'emploi. Au niveau européen, il faut aussi oser prendre des mesures fiscales hardies pour pénaliser les placements et les mouvements spéculatifs.

Sur tous ces terrains, le projet ouvre des possibilités d'action. C'est pourquoi le groupe communiste le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Léonce Deprez - Plutôt que de faire un nouveau commentaire de texte, je voudrais, Madame la ministre, que vous nous apportiez un ultime éclairage en répondant aux questions suivantes. Saisissez, Madame, cette ultime chance de nous convaincre !

Est-il possible d'appeler schéma national -au moins, entre nous- l'ensemble des schémas de services collectifs dont il s'agira d'assurer la cohérence et la coordination ? Est-il possible de considérer que les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire devront être cohérents avec ce schéma national ? Nous confirmez-vous que ces schémas régionaux devront inspirer les contrats de plan Etat-Région 2000-2006, ces derniers devant être considérés comme la première tranche de schémas régionaux portant eux sur 20 à 30 ans ? Ces contrats de plan comporteront-ils bien deux volets, l'un régional, l'autre territorial ? Est-il sûr que ce volet territorial sera composé de contrats de pays et de contrats d'agglomération et représentera 20 % des crédits d'Etat affectés aux contrats de plan ? La politique d'aménagement du territoire définie dans ce projet sera-t-elle vraiment en cohérence avec la politique européenne d'action régionale et de rééquilibrage des territoires ? Les zonages officialisés par l'Europe et par l'Etat obéiront-ils bien à une architecture fondée sur les bassins d'emploi-formation dans chaque région. Je ne voudrais pas que l'on "charcute" les territoires à l'intérieur des bassins d'emploi... Les projets de développement local partiront-ils bien des contrats de pays et des contrats d'agglomération dans chaque pays ? Les maîtres d'ouvrage au sein des pays et des agglomérations seront-ils bien, prioritairement, les structures intercommunales à vocation multiple existantes ? Enfin, Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que développement et environnement ne sont plus systématiquement opposés mais au contraire considérés comme complémentaires et indissociables ?

C'est parce que les élus locaux ont besoin d'y voir plus clair que je vous pose toutes ces questions. Une loi traitant de l'aménagement du territoire doit avoir une forte dimension pédagogique, elle doit être à même de susciter un consensus au-delà des clivages droite-gauche. Cette loi d'aménagement du territoire devait être un point de départ pour une reconquête du territoire, reconquête que la loi Pasqua avait fait espérer. Cette reconquête du territoire est un sujet qui peut passionner les Français. Je veux donc croire, Madame la ministre, que vos réponses à mes questions démontreront votre volonté de nous rejoindre dans le souci de rééquilibrer la vie économique et sociale sur le territoire français (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. François Huwart - En deuxième lecture, Madame la ministre, je vous avais confirmé l'intention des députés radicaux de gauche de voter votre texte.

Nous voici dans l'ultime lecture, et le texte qui vient une dernière fois en discussion est donc très largement celui qui a été voté par l'Assemblée, à quelques modifications sénatoriales près, qui ne remettent pas en cause son architecture générale.

Sa cohérence ayant été préservée, nous le voterons car il nous paraît à la fois innovant et réaliste. Innovant parce qu'il prend en compte la dimension européenne des problèmes d'aménagement du territoire, affirme le rôle des pays et des agglomérations, s'appuie sur la contractualisation, enfin consacre la notion de développement durable. Réaliste parce qu'il réforme ce qui dans la loi Pasqua était très vite apparu comme inapplicable, parce qu'il est respectueux des structures souples et progressives, enfin parce qu'il pose les conditions d'un aménagement du territoire plus solidaire et plus tourné vers l'avenir.

S'agissant d'une loi d'orientation, le principal souci est celui de l'applicabilité. De ce point de vue, la méthode qui est la vôtre ainsi que les objectifs affirmés sont de bon augure. Votre texte est réellement réformateur et associe de façon satisfaisante les collectivités décentralisées.

En même temps, les responsabilités de chacun sont plus clairement définies et si, comme il est normal, les régions apparaissent comme principalement en charge de l'aménagement du territoire, les conseils généraux n'en sont pas pour autant écartés, tandis que l'articulation entre les parcs régionaux, les pays et les agglomérations est infiniment mieux organisée qu'auparavant.

Madame la ministre, vous avez vous-même estimé que la confection d'une loi d'aménagement du territoire n'était pas facile et ce d'autant moins que l'implication de l'ensemble des élus est forte sur tous ces sujets, qui au fond touchent à la vie quotidienne de nos concitoyens.

Les différentes étapes de l'élaboration de cette loi nous ont progressivement convaincus, nous radicaux, que l'équilibre ville-campagne serait finalement trouvé. Si la loi Pasqua était trop ruraliste, votre loi, elle, prend mieux en compte les problèmes de la ville tout en apaisant les craintes des ruraux.

Permettez-moi d'exprimer ici le point de vue des petites villes de France qui sont regroupées en une association présidée par M. Martin Malvy. J'insiste sur l'importance du rôle de ces petites villes et du réseau qu'elles constituent.

Ces petites villes doivent constituer autant de points d'appui pour le développement des pays et du monde rural. Elles sont un facteur-clé pour le développement de proximité, là où le lien démocratique est fort. Elles sont un atout pour un aménagement équilibré du territoire, l'Etat doit répondre à leurs projets, qui sont nombreux, en y maintenant des équipements structurants tels que les équipements scolaires, culturels et sportifs, mais aussi hospitaliers de proximité.

La mobilisation des accords locaux dans le cadre rénové de votre loi dépendra de la mobilisation des moyens de l'Etat dans tous ces domaines.

Les députés radicaux de gauche soutiennent sans ambiguïté votre texte qui doit être l'occasion d'une politique d'aménagement du territoire plus volontariste, capable de mettre en oeuvre un pacte républicain et de réduire les inégalités sociales et territoriales. "Là où il y a une volonté, il y a un chemin", nous a rappelé M. Ollier. En tout cas, le chemin qu'ouvre ce projet ne sera pas un chemin de croix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Ainsi arrivons-nous au terme de nos longs travaux avec un texte fortement amendé, grâce à l'ouverture d'esprit du rapporteur et de Mme la ministre.

Cette loi définit le cadre de l'aménagement de notre territoire pour les prochaines années. Elle procède d'une vision de l'architecture territoriale qui vise à réconcilier rural et urbain en structurant notre pays autour des "pays" et "agglomérations", notions que nos nombreux débats ont permis de préciser. Pays et agglomérations seront le fruit de volontés locales, qui s'engageront à développer ensemble des projets, sur la base de contrats clairs, librement passés entre elles et l'Etat, en tenant compte des coopérations et collaborations existantes, et non la conséquence de découpages administratifs contraignants établis sur des bases statistiques. L'objectif n'est pas de créer de nouveaux échelons administratifs et une fiscalité nouvelle, ni d'instaurer la tutelle d'une collectivité sur une autre.

Ces hypothèques étant levées, nous voterons à l'évidence ce texte qui offre des outils pour lutter contre des disparités territoriales de plus en plus criantes.

Cela dit, la présente loi est bien une loi d'orientation, et elle ne sera qu'un des éléments de la politique d'aménagement du territoire, car celle-ci relève aussi des initiatives d'acteurs privés.

M. Patrick Ollier - C'est vrai.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Aussi sommes-nous fondés à nous interroger sur l'évolution de certains dispositifs d'accompagnement, telle la prime à l'aménagement du territoire.

Le cadre excessivement contraignant défini par la Commission européenne pour l'établissement de la nouvelle carte des zones éligibles à la PAT laisse certes peu de marge au Gouvernement. Néanmoins on peut être inquiet devant les informations qui font état d'une condensation drastique des zones éligibles.

Si nous sommes unanimes à constater une sous-consommation des crédits et à reconnaître que la PAT n'est pas déterminante pour inciter les créateurs d'entreprise, il reste qu'elle constitue un levier psychologique important et qu'elle autorise des accompagnements substantiels (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Or, la réforme des fonds structurels européens conduira par ailleurs à priver certaines zones de ces aides pourtant essentielles pour lutter contre les disparités territoriales.

Le critère de taux de chômage préconisé par la Commission pour la définition des zones éligibles ne suffit pas, car il est des taux de chômage particulièrement bas qui sont le fait d'une hémorragie des demandeurs d'emplois vers des bassins plus dynamiques.

M. Patrick Ollier - D'une population vieillissante !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Aussi est-il impératif que cet indicateur soit fortement modulé par l'évolution démographique, ce qui suppose qu'on ne fasse pas abstraction des résultats du recensement qui s'achève !

De même faut-il prendre en compte les sinistres économiques antérieurs ou prévisibles. Mon département de la Haute-Vienne a dû supporter en quelques années la cessation des activités de la COGEMA, du secteur militaire de l'usine RVI, la disparition de plusieurs centaines d'emploi dans le textile, sans parler des effets désastreux de la PAC qui a privilégié l'intensification ou le hors-sol.

Les fonds structurels sont l'expression de la solidarité européenne. Ils doivent continuer à être le signe tangible d'une volonté politique de péréquation territoriale. Exclure certaines régions du bénéfice de la PAT et, en même temps, des fonds structurels attribués au titre de l'objectif 2 reviendrait à hypothéquer définitivement leur avenir. Je vous remercie de nous avoir rassurés à ce sujet, Madame la ministre.

A tout le moins, peut-ont souhaiter que la Commission européenne essaie d'interpréter l'abstention massive de dimanche dernier et les résultats sortis des urnes, et qu'elle ne contribue pas à l'émergence d'une Europe en "peau de léopard" ! Notre soutien à la LOADDT s'accompagne de certaines inquiétudes, et nous serons très attentifs aux propositions de zonage à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Serge Poignant - Nous voici arrivés au stade de l'adoption définitive. Mais que de semaines écoulées, malgré l'urgence, depuis le 19 janvier, début de notre discussion. Que de mois depuis la déclaration de politique générale du Premier ministre. Tout cela pour un texte sans âme.

En première lecture, nous vous avions dit que ce projet était malvenu, car la loi Pasqua de 1995 pouvait être complétée. Notre commission de la production et son rapporteur ont dû faire un gros travail.

En seconde lecture, j'ai regretté votre refus des propositions du Sénat, qui n'avait pourtant pas cherché à revenir au texte de 1995.

Aujourd'hui je ne puis que constater le maintien d'une position dogmatique. Nous ne pouvons nous satisfaire d'un projet qui ne comporte pas de schéma national, pas de volet économique et ne manifeste pas de volonté de corriger véritablement les inégalités territoriales.

Comment pouvez-vous affirmer que vos schémas de services collectifs seront réalisés dans la concertation, quand on découvre dans la presse la carte des futurs zonages, sans que les élus en aient été informés, sans concertation préalable ? Vous avez déterminé des critères d'éligibilité comme le taux de chômage ou le revenu net moyen par foyer fiscal. Mais certains territoires ruraux ont un taux de chômage faible à cause du départ de nombreux actifs vers les villes. Il faudrait prendre en compte d'autres critères, tels que le caractère périphérique de certaines régions comme l'Ouest, ou le vieillissement de la population. Pourquoi n'avons-nous pas attendu les résultats du recensement ? Intégrer ses résultats en 2003, n'est-ce pas trop tardif ?

La cohérence est la première exigence d'une véritable politique d'aménagement du territoire. Je souhaiterais, Madame le ministre, que vous puissiez lever les craintes légitimes des élus sur vos objectifs de révision des zonages. La PAT et les fonds structurels s'accompagnent d'un effet de levier. Or, vous avez informé la commission de la production des nouveaux chiffres de la PAT et des fonds structurels. Comment comptez-vous soutenir les territoires qui, hier, relevaient de l'une ou l'autre des aides, et qui n'en relèveront plus demain ?

Pour ce qui concerne les fonds structurels Objectif 2, vous avez expliqué la première attribution sur critères définis par la Commission européenne.

Je souhaite que l'autre moitié des territoires concernés fasse l'objet d'un examen sur des critères moins stricts.

Et qu'en est-il de la cohérence avec les projets de loi Chevènement et Zuccarelli ? L'un est en cours de discussion, et nous en connaissons les contours, l'autre est contesté par les associations d'élus, sans que la représentation nationale en connaisse les termes, alors que les aides au développement économique des collectivités vont de pair avec les projets d'aménagement du territoire.

Vous avez profondément transformé la loi Pasqua, fruit d'un gros travail et d'une large concertation, et vous refusez le rééquilibrage proposé par le Sénat, pour vous en tenir à un texte qui manque d'ambition et pose de nombreux problèmes. Avec mon groupe, je le regrette (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. François Brottes - N'en déplaise à certains, il y aura bien un "avant" et un "après" la loi Voynet.

La première différence concerne la méthode.

Celle qui avait été retenue pour la loi Pasqua était la suivante : on discute avant, on ficelle un texte inapplicable après. Chacun se souvient des "états généraux", qui consistaient le plus souvent à poser une boite à idées au milieu des petits fours... Ce type de mobilisation peut porter ses fruits quelques années plus tard, mais là n'est pas mon propos !

A l'inverse, le texte que nous allons voter est le résultat d'un vrai débat entre le Gouvernement et le Parlement, pendant lequel, Madame la ministre, vous avez fait preuve d'esprit d'ouverture.

La mise en place des conseils de développement, seule contrainte imposée par ce texte, oblige à se concerter avant de décider, c'est-à-dire à renforcer la démocratie.

Quant à votre conception des pays, elle mérite mieux que la caricature que certains en font -une réponse du "rural" à l'"urbain". Ces "territoires de projets" constituent une nouvelle chance de redynamisation, loin d'une pratique parfois clientéliste ou paternaliste de l'aménagement du territoire.

Voilà pour la méthode. Par ailleurs, ce projet répond à un souci de cohérence : vous avez eu la bonne idée de proposer des schémas de services collectifs.

En matière de poste et télécommunications, par exemple, ce texte, amélioré par les amendements parlementaires, tend à renforcer la qualité des services, sans aller vers une dérégulation qui déstructure le territoire et accentue les inégalités. De plus, il transpose dans notre droit nos engagements européens ; à cet égard, j'ai bien noté l'engagement du Gouvernement de proposer rapidement au Parlement la dernière partie de la transposition de la directive postale.

S'agissant de l'exercice des missions de service public sur l'ensemble du territoire, ce texte a le mérite de sortir des moratoires, qui donnent bonne conscience mais ne sont jamais respectés : il exprime la volonté de toujours trouver une solution concertée pour maintenir les services de proximité, grâce notamment aux maisons de service public.

Madame la ministre, votre attachement à la transparence, votre capacité à prendre en considération les propositions constructives, votre pugnacité, bientôt légendaire (Sourires), nous engagent à vous faire confiance pour appliquer ce texte : ce qui compte le plus, pour nous, c'est le "service après vote" ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jacques Blanc - Madame la ministre, je voudrais vous poser trois questions précises.

Vous voulez renforcer le rôle du CNADT comme lieu de concertation et de partenariat. Les textes prévoient que les membres de ce conseil sont nommés par arrêté du Premier ministre pour cinq ans. Avez-vous le droit d'éliminer un élu avant cette échéance, parce qu'il ne vous plaît pas ?

Vous avez privé certains territoires de l'accès à la PAT. Quel avenir réservez-vous aux zones de revitalisation rurale ?

Vous avez communiqué une carte provisoire des départements admissibles à l'objectif 2. Selon les textes qui doivent être soumis au prochain conseil des ministres des affaires générales de l'Union européenne, la première condition d'admissibilité est d'avoir une densité de population inférieure à 100 habitants au kilomètre carré, ou un pourcentage d'emplois agricoles égal ou supérieur au double de la moyenne communautaire : la Lozère répond aux deux critères. La deuxième condition est d'avoir eu un taux moyen de chômage supérieur à la moyenne communautaire au cours des trois dernières années, ou d'avoir connu une diminution de population depuis 1985 : la Lozère en a malheureusement connu une. J'espère donc que vous reconnaîtrez l'erreur commise dans la carte, qui exclut la Lozère !

Par ailleurs, j'attends toujours la réponse au dossier que je vous ai envoyé à la suite d'un vote unanime du conseil régional du Languedoc-Roussillon, pour demander à bénéficier de l'objectif 1.

Enfin, je constate que vous avez déclaré l'urgence sur ce projet pour empêcher le dialogue avec le Sénat. Nous ne pouvons que le regretter, s'agissant d'un sujet qui dépasse les clivages politiciens.

Ecoutez, Madame le ministre, l'appel angoissé des élus de la montagne et des espaces ruraux ! J'espère qu'il n'est pas trop tard (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme la Ministre - Je ne répondrai pas dans le détail à chacune de vos interventions car nous avons déjà, au cours des débats qui ont précédé, mis en évidence la logique de ce texte, qui privilégie les initiatives des territoires, le dialogue entre les acteurs de ceux-ci, la vitalité des services publics, et qui sera suivi d'un "service après vote", c'est-à-dire de la mobilisation des moyens pour assurer sa mise en oeuvre concrète.

Je voudrais surtout vous donner quelques éléments complémentaires sur la PAT et sur les fonds structurels européens puisque vous portez une attention particulière à ce sujet.

La PAT n'est pas une aide au développement régional, mais une aide au développement économique et la Commission n'intervient que pour éviter des distorsions de concurrence. Les critères sont élaborés au niveau national.

Contrairement à ce qu'a dit M. Lenoir, une concertation importante a eu lieu sur ces critères, dans le cadre du CNADT et aussi dans mes services, qui ont reçu des centaines d'élus, seuls ou en délégations. Nous avons cherché à établir des critères aussi objectifs et transparents que possible, mais ils n'ont de valeur qu'en les combinant. Je rejoins les remarques de M. Daniel sur la signification très différente que peut revêtir le même taux de chômage. Une approche fine du territoire demande donc autre chose que des critères quantitatifs, mais ceux-ci sont inévitables car il faut pouvoir justifier de la solidité statistique de la carte nationale.

Nous avons retenu trois critères principaux -le revenu fiscal moyen, le taux de chômage et la dépopulation- et ajouté des critères complémentaires tels que la sortie d'une zone de l'objectif 1, la perspective de suppressions d'emplois dans une région sensible, la situation particulière de certaines communes périphériques de grandes villes.

Paradoxalement, notre projet de carte ne privilégie pas les villes, bien au contraire, car nous avons choisi de ne pas inclure des zones urbaines où la densité de population rendait peu probable l'installation d'entreprises.

Quant aux fonds structurels européens, ils sont conçus pour aider au rééquilibrage des régions. M. Lenoir a dit qu'à Berlin la ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire aurait dû les défendre bec et ongles. Vous savez bien que c'est pure rhétorique car à Berlin ce sont le Président de la République et le Premier ministre qui ont défendu la position française, qui visait un triple objectif : la stabilisation des dépenses des fonds structurels, des bons "retours" sur la PAC et la préparation de l'élargissement de l'Union européenne.

Pour ma part, je trouve qu'on a un peu sacrifié les fonds structurels aux bons "retours" sur la PAC, mais c'est parce que celle-ci est défendue par un lobby très actif, qui n'a pas d'équivalent en ce qui concerne les fonds structurels. Mais je me réjouis, bien sûr, du renfort de M. Lenoir ce soir ! (Sourires)

Il y a donc une réduction drastique de la population couverte par les fonds territorialisés mais le résultat final est plutôt moins douloureux pour la France, où le pourcentage de population concernée est passé de 41 à 31 %, que pour certains de nos partenaires : pour l'ensemble de l'Union, la proportion de population concernée est en effet tombée de 25 à 18 %. La France ne s'en sort pas si mal...

Vous avez compris la différence entre les départements admissibles et les zones éligibles. Les départements admissibles sont ceux qui remplissent les principaux critères quantitatifs, imposés par la Commission : ils doivent représenter au moins 50 % des zones éligibles. Pour les autres 50 %, nous pourrons appliquer les critères complémentaires, dont certains sont d'ordre plus qualitatif : le vieillissement de la population, par exemple, n'a pas le même sens sur la Côte d'Azur et dans le Massif Central.

Je ne peux vous donner de réponses plus précises pour l'instant : le règlement communautaire a été adopté le 31 mai, il y a quelques jours seulement. C'est au cours du CIAT du 23 juillet que nous arrêterons les critères qui guideront la concertation sur le terrain, concertation animée par les préfets de région et au cours de laquelle vous pourrez faire valoir les arguments en faveur de vos régions.

En ce qui concerne la composition du CNADT, je me suis contentée de reprendre les propositions transmises par les grandes associations d'élus locaux et les deux assemblées.

Je suis évidemment très attachée, Monsieur Deprez, à la cohérence entre schémas régionaux et schémas de services collectifs. J'ai pu constater que ma demande aux régions de contribuer à la réflexion sur les schémas nationaux avait été très utile en les obligeant à prévoir une bonne articulation entre les deux.

Si je souhaite que les priorités retenues par les schémas de services collectifs se traduisent dans les contrats de plan, l'Etat ne cherchera pas à les imposer et il est même prévu une enveloppe importante pour financer les priorités propres aux régions.

L'essentiel est encore devant nous. C'est la mise en oeuvre de cette loi qui dessinera l'aménagement du territoire de demain (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

La discussion générale est close.

M. le Président - La CMP n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte qu'elle a voté.


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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Jacques Blanc - Rappel au Règlement !

Je trouve scandaleux que la ministre ne réponde pas aux questions précises que je lui ai posées. Reconnaissez-vous qu'il y a eu erreur dans les cartes excluant la Lozère ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre - C'est le genre de question à poser lors de la séance des questions orales sans débat !

M. Jacques Blanc - Je demande une réponse maintenant ! On n'a pas le droit de traiter un département comme cela ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Acte vous est donné de votre Rappel au Règlement.

Je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.

Ces amendements, conformément aux articles 45, alinéa 4, de la Constitution, et 114, alinéa 3, du Règlement reprennent des amendements adoptés par le Sénat au cours de la nouvelle lecture à laquelle il a procédé.

M. le Rapporteur - L'amendement 1 vise à supprimer deux alinéas concernant les délégations parlementaires à l'aménagement du territoire. Le premier précisait que le mandat des délégués prenait fin avec le mandat parlementaire, ceci afin de prévenir toute difficulté juridique en cas de fin anticipée du mandat, par exemple à la suite d'une démission d'office ou en cas de déchéance du mandat.

Le second alinéa disposait que des suppléants étaient désignés dans les mêmes conditions que les titulaires, afin de les remplacer en cas, précisément, de fin anticipée du mandat.

Le Sénat a souhaité supprimer ces dispositions, les estimant incompatibles avec le mécanisme spécifique de désignation de la délégation du Sénat : le mandat des délégués du Sénat ne prend pas fin avec le mandat parlementaire, mais à chaque renouvellement partiel.

Après un examen attentif, il est apparu que ces dispositions n'étaient pas indispensables. En effet, elles n'existent pas pour les autres organes internes des assemblées, comme les commissions ou le Bureau.

Aussi, la commission vous propose d'adopter l'amendement de suppression.

Mme la Ministre - Comme je l'ai dit lors de la précédente lecture et au Sénat, le Gouvernement n'a pas à se prononcer sur le fonctionnement des délégations parlementaires et s'en remet à votre sagesse, ainsi d'ailleurs que sur l'amendement 2.

M. Jean-Claude Lenoir - Mme la ministre m'a répondu sur le résultat de la négociation de Berlin. En quelques sorte, ce que l'on a obtenu c'est grâce à vous, ce que l'on n'a pas obtenu, c'est à cause du Président de la République. Or la responsabilité de la délégation française est partagée. C'est là un discours que l'on peut admettre sur une estrade en campagne électorale, pas à l'Assemblée nationale. Nous le désapprouvons. Il y eut des cohabitations plus respectueuses de la vérité.

Mme la Ministre - Je ne suis pas adepte du double langage et je pense qu'on a intérêt à tenir toujours le même discours en tout lieu. Faites de même, vos électeurs vous en sauront gré.

Je vous laisse libre de votre interprétation, mais le Président de la République et le Premier ministre ont fait le choix, ensemble, de privilégier les critères les plus intéressants. Il n'y a pas eu de longue discussion sur la PAC ou la stabilisation des dépenses communautaires.

D'autre part, il est dommage de discuter exclusivement des fonds territoriaux. Le fonds social européen et les crédits de développement rural augmentent et peuvent être utilisés dans des zones retenues. Enfin, la sortie de l'objectif 2 se fait progressivement sur six ans.

M. Léonce Deprez - Je regrette que l'on ait débattu de la PAC et des fonds structurels dans la même réunion de Berlin.

Dans ces négociations, votre meilleur soutien est la représentation nationale. Aussi mon groupe souhaite-t-il que chaque année ait lieu à l'Assemblée un débat sur l'évolution de la politique d'aménagement du territoire, afin de nous y associer.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Le texte voté par l'Assemblée parle de la désignation des premiers membres de la délégation. On pourrait imaginer qu'il s'agit d'une délégation partielle. La rédaction du Sénat, plus explicite, assure mieux la désignation à titre transitoire des premières délégations. Il vous est donc proposé par l'amendement 2 de rédiger comme suit le II de l'article 8 bis : II - Les délégations parlementaires à l'aménagement et au développement durable du territoire sont constituées dans chaque assemblée dans le délai d'un mois à compter du début de la prochaine session ordinaire du Parlement.

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - A l'initiative de M. Bellanger et des membres du groupe socialiste le Sénat avait adopté en première lecture un amendement imposant la mise en oeuvre de la procédure d'étude d'impact et de concertation en cas de suppression de plusieurs services publics dans une même commune ou dans des communes voisines ou appartenant à un même groupement.

Nous avions en nouvelle lecture supprimé cette disposition qui, mise en oeuvre de façon systématique, était trop lourde.

En nouvelle lecture, le Sénat a restreint le dispositif aux zones de revitalisation rurale et aux zones urbaines sensibles.

Dès lors la commission vous propose d'adopter l'amendement 3 qui va en ce sens.

Mme la Ministre - Favorable.

M. Jean-Claude Lenoir - Je regrette que l'on écrive, "dès lors qu'il est envisagé simultanément, la suppression de plus d'un service public sur le territoire d'une même commune,..."

Si un service public ferme, un autre se gardera d'annoncer qu'il veut en faire autant simultanément. S'agit-il du même mois, de la même année ? La disposition risque de ne jamais s'appliquer.

M. le Rapporteur - On ne peut modifier un amendement en dernière lecture. Il reste le décret et la circulaire.

M. Jean-Claude Lenoir - Dans votre esprit, que signifie simultanément ?

M. le Rapporteur - Dans la même période, disons la même année.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Aux termes de la loi, les seize plans de déplacements urbains obligatoires dans les villes de plus de 100 000 habitants devaient être rédigés pour la fin de 1999. Ce n'est pas le cas. L'amendement 4 prolonge le délai de six mois afin de les encourager à en accélérer l'élaboration.

Mme la Ministre - Sauf Lyon qui a adopté son PDU, une minorité de grandes villes auront élaboré le leur d'ici la fin de l'année. Ce n'est pas mauvaise volonté de la part des autres : l'enjeu est important. M. Gayssot et moi-même avions envisagé cette prolongation. Je préfère des PDU de qualité à des documents adoptés dans la précipitation pour respecter une réglementation. Avis favorable.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - La Conférence des présidents a décidé, conformément à l'article 65-1 du Règlement, que les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à l'aménagement du territoire auraient lieu demain après-midi, après les questions au Gouvernement.


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COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

M. le Président - J'ai reçu du Premier ministre une lettre m'informant que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle, le Gouvernement demande à l'Assemblée de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution à une nouvelle lecture de ce texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Inutile de rappeler l'attachement du Gouvernement à la création d'une couverture maladie universelle, avancée sociale majeure qui permettra à six millions de nos concitoyens de pouvoir accéder effectivement aux soins, ce qui est un droit. Le sujet ne laisse personne indifférent, et je m'en félicite.

Instituer la CMU, c'est d'abord refuser le laisser-faire actuel qui aboutit à des inégalités sur le territoire. C'est aussi refuser des demi-mesures qui, insuffisantes, maintiendraient certains de nos concitoyens dans le non-droit. Nous avons choisi d'engager une profonde réforme, ne laissant personne sur le chemin, permettant à six millions de personnes de bénéficier d'une couverture complémentaire gratuite mais aussi à 700 000, qui n'y ont pas droit aujourd'hui d'être affiliées au régime de base.

Personne n'a remis en cause ni le diagnostic ni les objectifs. Tous se sont accordés, ici comme au Sénat, pour reconnaître la nécessité de garantir le droit des plus modestes à la santé. Plus personne ne considère que la CMU est inutile. Plus personne, je l'espère, ne la tient pour trop coûteuse. Cette prise de conscience générale doit beaucoup au travail effectué par les associations sur le terrain, qui, sans relâche, ont alerté sur la gravité des situations qu'elles y rencontraient.

Pour atteindre notre objectif, nous ne pouvions pas nous cantonner à généraliser l'accès au régime de base, comme l'avait proposé le précédent gouvernement. Nous devions aussi prévoir une couverture complémentaire gratuite pour ceux de nos concitoyens qui n'ont pas les moyens de se la payer.

C'est sur les moyens d'atteindre cet objectif que nous avons divergé, avec l'opposition à l'Assemblée, avec la majorité au Sénat qui a proposé un contre-projet dont je regrette que le coût n'ait pas été évalué -il ne pouvait d'ailleurs l'être puisque, aucun barème n'ayant été fixé, on ignore le nombre de personnes qu'il concernerait. La majorité sénatoriale a seulement précisé qu'il avait été élaboré à enveloppe constante. Comme plus de personnes seront couvertes, cela signifie donc nécessairement que chacune recevra moins. Cette majorité a également prévu une contribution des bénéficiaires de la CMU, ce qui risquerait d'exclure certains du droit aux soins. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont fait un autre choix avec une couverture intégrale jusqu'à un seuil de ressources de 3 500 F par mois, s'inspirant d'ailleurs du dispositif créé par certains départements, toutes tendances politiques confondues. Pour un droit aussi fondamental que le droit à la santé, on ne peut s'en remettre en effet à la générosité ou à la richesse des départements. Ce droit doit être garanti de la même façon, où que l'on habite, quels que soient ses revenus.

Le Gouvernement est en désaccord avec le Sénat sur d'autres points. Nous souhaitons, contrairement à ce que proposent les sénateurs, que les bénéficiaires de la CMU puissent choisir librement entre les caisses de sécurité sociale et les organismes complémentaires pour leur couverture complémentaire, au moins tant que ces derniers n'auront pas montré une réelle volonté d'appliquer la CMU -les associations avaient insisté, à juste titre, sur ce point. La majorité sénatoriale a de surcroît prévu que les RMistes ne puissent s'adresser qu'aux caisses primaires d'assurance maladie. Une telle stigmatisation ne serait pas acceptable.

De même, nous considérons qu'il appartient à l'Etat de définir les prestations entrant dans le champ de la CMU. Celles-ci ne peuvent être fixées par une simple convention entre l'Etat, l'assurance maladie et les organismes de couverture complémentaire, comme le propose le Sénat.

Nous souhaitons de même le développement des négociations dans les entreprises sur la prévoyance maladie. Nous avons d'ailleurs accepté un amendement du groupe communiste en ce sens. Le Sénat n'a pas fait droit à cette proposition.

Nous sommes de même attachés à ce que les bénéficiaires de la CMU puissent accéder aux mêmes soins que tous. C'est pourquoi nous avions souhaité que les médecins libéraux du secteur II ne leur appliquent pas de dépassement d'honoraires. Le Sénat l'a refusé, ce qui est d'autant moins compréhensible que les médecins eux-mêmes ne s'y étaient pas opposés.

Je compte donc sur nos débats pour redonner à ce texte sa portée initiale qui était de garantir l'égalité effective de tous nos concitoyens en matière de droit à la santé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les titres Ier, II, III, III bis et V - Pourquoi faut-il revenir au texte adopté par l'Assemblée en première lecture ? Tout simplement parce que le Sénat a fait un tout autre choix que le nôtre. L'allocation santé personnalisée qu'il propose n'eût été envisageable qu'à trois conditions.

Le première aurait été que les organismes complémentaires s'engagent, immédiatement et de façon résolue, en faveur de la CMU. Or, tel n'a pas été le cas. Ils ont manifesté beaucoup d'hésitation, pour ne pas dire plus.

La deuxième aurait été qu'il existe une réelle confiance entre le monde associatif et les responsables de ces organismes. Tel n'est pas le cas, ces derniers étant restés indifférents au combat assuré depuis des années par les associations sur le terrain pour permettre aux personnes les plus en difficulté de se soigner.

Enfin, le dispositif préconisé par le Sénat, qui comporte une contribution sur l'opportunité de laquelle on pourra ultérieurement s'interroger, aurait pu apparaître comme un recul par rapport au dispositif actuel de l'aide médicale gratuite. Nous avons fixé un barème de ressources en-deçà duquel une couverture intégrale gratuite sera acquise. Au-delà de ce seuil, où inévitablement continueront de se poser des problèmes, il appartiendra aux différents partenaires de trouver au cas par cas des solutions. A cet égard, les organismes de couverture complémentaire pourront prendre toute leur place.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à revenir, pour l'essentiel, au texte voté en première lecture, enrichi toutefois de quelques amendements du Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - M. Alfred Recours, rapporteur pour le titre IV, renonce à intervenir.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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