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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 109ème jour de séance, 280ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 17 JUIN 1999

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE (suite) 1

RÈGLEMENT DU BUDGET 1997 17

    APRÈS L'ART. 11 24

TAUX DE TVA RÉDUIT 26

    EXPLICATIONS DE VOTE 35

La séance est ouverte à vingt-deux heures.


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DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite du débat d'orientation budgétaire.

M. Georges Tron - J'ai entendu, tout à l'heure, le ministre remercier la majorité, bien sûr, mais aussi l'opposition. Cet apparent consensus serait-il un piège ? J'essayerai, pour ma part, de démontrer que la modération du ton n'empêche pas la précision des interrogations. Il est de fait, en effet, que nous n'avons pas la même approche de l'économie et que nous divergeons, aussi, sur les pistes à explorer pour élaborer le prochain budget.

On ne saurait dire, pour commencer, que le lancement de l'euro a signalé le début d'une période d'euphorie, puisque, face au dollar, la nouvelle monnaie a perdu de 10 à 12 % depuis le 1er janvier. De plus, l'Europe accuse un retard certain sur les Etats-Unis pour ce qui est des emplois qui, dans ce pays, se créent à raison de 200 000 par mois. Enfin, la croissance européenne, tant on sait qu'elle n'a rien de percutant, n'est pas, non plus, homogène. Comme le ministre l'a lui-même indiqué, la croissance française s'établit à un rang médian -derrière celle de l'Irlande et de l'Espagne, devant celle du Royaume-Uni, de l'Italie et de l'Allemagne. Elle est donc dans la moyenne, ce qui est honorable.

On notera toutefois que la diminution de 1,1 % de nos exportations constatée au premier trimestre a une incidence sur notre taux de croissance et sur l'équilibre de notre balance extérieure -et donc, de notre budget.

La croissance, qui n'est pas garantie chez nos partenaires, n'est pas davantage à l'abri d'un repli chez nous. Après avoir redémarré dès le premier trimestre 1997, quoiqu'en dise le Gouvernement, notre PIB n'a en effet augmenté que de 0,3 % au premier trimestre 1999 alors qu'il s'était accru de 0,7 % au dernier trimestre 1998. Quant à la consommation des ménages, qui avait augmenté de 0,97 % au quatrième trimestre 1998, elle ne s'accroissait plus que de 0,3 % au premier trimestre 1999. Aussi affirmatif que soit le ton du ministre, il y a dans ces chiffres matière à s'interroger, d'autant que l'investissement productif, qui était également reparti en 1997, a vu son rythme diminuer de moitié entre le premier et le second semestre 1998 et que diverses enquêtes d'opinion montrent des chefs d'entreprises pour le moins prudents au début de l'année 1999.

On peut donc dire, sans être excessif, que l'économie française subit une forme de ralentissement. Dans ce contexte, quelles sont les orientations retenues par le Gouvernement ? Je déplorerai en premier lieu la mauvaise foi évidente dont vous faites preuve à propos du déficit. Allons, l'histoire de France n'a pas commencé le 16 mars 1993 ! En 1993, le déficit était de 6,4 %, et il est passé à 3,7 % en 1997. Il sera de 1,7 % en 2000 : c'est bien, mais cela n'a rien d'exceptionnel au regard de ce qui a déjà été fait, et l'honnêteté commande de dire que les efforts des uns ont été poursuivis par les autres et que si, oui, le déficit se réduit, il le fait plus lentement qu'au cours des années précédentes.

Comment ignorer, d'autre part, que la dépense publique stagne en France alors qu'elle a baissé dans 21 pays de l'OCDE, et que la différence va, dans certains cas, jusqu'à 5 points ? On connaît, pourtant, la corrélation entre dépense publique et taux de chômage : elle est avérée aux Etats-Unis, en Allemagne et, bien sûr, en France. Toute réduction de la dépense publique a des conséquences positives sur l'emploi.

J'ajoute que, selon le rapport de la Cour des comptes, la structure de la dépense publique n'est pas bonne, car les dépenses de personnel ne cessent de croître, au détriment des dépenses d'investissement. Pour la Cour, le dépassement s'établit à 42 milliards, ce qui n'est pas négligeable.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Georges Tron - Je ne pourrai donc, comme je l'aurais voulu, parler de la Grande-Bretagne. Je ne saurais cependant passer sous silence le taux des prélèvements obligatoires, dont les ministres successifs nous ont dit par trois fois qu'ils allaient les réduire, et qui ne diminuent pas. C'est dire l'ampleur de notre scepticisme devant le pari que vous avez pris. La baisse des charges sociales envisagée serait plus crédible s'il était prévu de la financer autrement que par de nouveaux impôts. Je regrette que vous ne vous vous soyez pas inspirés du rapport Malinvaud.

Enfin, il conviendrait de réduire le taux de TVA dans divers secteurs sensibles, notamment dans la restauration. Cela est d'autant plus nécessaire que la concurrence s'est avivée avec l'étranger. D'ores et déjà, certaines régions, comme le Nord ou l'Ile-de-France ont perdu des emplois de ce fait.

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie. Nous risquons d'être encore là à 5 heures du matin.

M. Georges Tron - Comme de toute façon nous serons là au moins jusqu'à 3 heures !

Quoi qu'en dise le Gouvernement, les dépenses publiques continuent de dériver et les prélèvements obligatoires ne diminueront pas. C'est pourquoi, sans agressivité mais avec scepticisme, je vous demande comment vous comptez corriger ces dérives (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Georges Sarre - Notre économie a retrouvé des marges de manoeuvre : pour la première fois depuis longtemps, le budget présente un excédent primaire de l'ordre de 20 milliards. Si ce dernier point relève de la réalité comptable, l'utilisation des fruits de la croissance est affaire de choix politique. Il est temps de prendre du recul avec le pacte de stabilité. Grâce à une politique économique habile et plus sociale, il y a un mieux. Nous commettrions une erreur en ne rompant pas avec l'orthodoxie monétariste et budgétaire qui a nourri la souffrance sociale.

Selon l'INSEE, le moral des ménages, moteur de la demande, s'améliore. La relance liée aux exportations s'accompagne d'une relative baisse du chômage. Des mesures comme les emplois-jeunes ont conforté ce dynamisme. Hélas, 11,5 % de notre population active est toujours sans emploi.

Si la croissance dépasse 2,2 %, la question centrale sera de savoir à qui iront les recettes. Elles doivent aller en priorité à ceux qui en ont besoin, les gens modestes, les retraités, les jeunes en difficulté.

La réduction du chômage demeure l'objectif essentiel. Mais nos concitoyens exigent aussi que leur sécurité soit assurée. Il faut investir également dans la recherche, l'enseignement supérieur et la technologie, sans oublier le rayonnement international de la France. La stabilisation des effectifs de la fonction publique ne peut donc être érigée en dogme absolu. Il faudra recruter des fonctionnaires là où ce sera nécessaire, notamment à l'éducation nationale, dans la police et les hôpitaux.

Il y a deux ans, les Français ont sanctionné une politique qui avait tout sacrifié aux critères de Maastricht aggravés par les dispositions du pacte de stabilité. Aujourd'hui, ils soutiennent le gouvernement de Lionel Jospin. Il faut donc changer de raisonnement.

L'initiative du Gouvernement français d'inscrire des engagements chiffrés dans le pacte européen pour l'emploi lors du récent sommet de Cologne allait dans le bon sens : elle n'a malheureusement pas eu d'écho. L'orthodoxie libérale européenne ne doit pas faire oublier qu'aux Etats-Unis, l'excédent budgétaire est actuellement le fruit de la croissance et que l'on ne fait plus la chasse à la dépense publique, contrairement à ce que l'on a fait dans les années 1990 en Europe.

Quant aux déficits, ils doivent être contenus, c'est-à-dire ni réduits à n'importe quel prix, ni bien sûr aggravés.

La prochaine loi de finances sera l'occasion de donner un nouveau souffle à notre politique économique. Il faut encourager la demande intérieure et rééquilibrer le partage de la richesse nationale dans un sens plus favorable aux ménages. Le gouvernement Jospin a été le premier depuis longtemps à prendre des mesures fiscales qui ne les pénalisent pas. Il faut poursuivre dans cette voie avec encore plus de détermination.

L'objectif de justice fiscale exige de veiller à ce que les revenus du travail ne soient pas trop taxés par rapport à ceux de l'épargne.

La fiscalité des produits destinés aux gros épargnants doit empêcher les abus les plus graves.

Il faut réduire la TVA sur certaines activités à forte densité de main-d'oeuvre et sur les biens de consommation. D'une façon plus générale, la taxation à la valeur ajoutée des biens et services de proximité devrait être remise en question. Continuer d'appliquer une réglementation européenne sur des activités employant beaucoup de main d'oeuvre, qui échappent totalement à la concurrence entre pays de l'Union, est une absurdité.

En ce qui concerne la fiscalité locale, nous souhaiterions que le facteur travail soit totalement retiré de l'assiette de la taxe professionnelle, ce qui n'implique pas une baisse en volume des recettes de la taxe. Son assiette doit inclure la valeur ajoutée produite par l'entreprise.

La réactualisation des bases locatives de la taxe d'habitation doit, quant à elle, être menée à bien.

Le Mouvement des citoyens sera vigilant sur les régimes fiscaux des dirigeants d'entreprise. S'il est bon d'encourager la prise de risque et l'innovation, il faut prendre garde aux dérives possibles. Ainsi la conjonction des stock-options avec les effets de la loi portant DDOEF de juillet 1998 autorisant le rachat par une entreprise de ses propres actions dévoie le dispositif.

L'institution d'une taxe sur les industries polluantes, dont les modalités restent à définir, permettra de prendre en compte les préoccupations d'environnement. Enfin, face à la mondialisation libérale, à la menace permanente de déstabilisation des économies due aux mouvements erratiques de capitaux en quête du profit maximum à court terme, il faut créer une taxe européenne sur les mouvements de capitaux. Si cela se révélait impossible, la France devrait faire oeuvre pionnière et instituer la taxe Tobin.

Ces orientations doivent nous permettre de traduire dans le prochain budget le double impératif de la croissance et de la justice sociale (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Pierre Hériaud - Ce débat d'orientation budgétaire est l'occasion de confronter ce qui a été réalisé à ce qui était prévu, et ainsi de procéder aux inflexions souhaitables ou nécessaires.

L'année 1998 aura été particulièrement favorable avec 3,2 % de croissance et 0,7 % d'inflation. Le PIB aura progressé de 3,92 % pour atteindre 319 milliards, ce qui représente 62 milliards de marge de manoeuvre nette pour l'Etat.

Malgré l'autosatisfaction du Gouvernement et sa tendance à faire siens des résultats qui sont loin de ne dépendre que de lui, la conjoncture favorable cache la dégradation des finances publiques.

Ce débat doit permettre de débusquer ce qui se cache derrière une présentation trop triomphante.

Les dépenses brutes de fonctionnement ont augmenté de 4,54 % sur la seule année 1998, tandis que les dépenses d'investissement civiles et militaires ont diminué de 5,25 % entre 1997 et 1998 après l'avoir fait de 5,95 % l'année antérieure.

La chute de l'investissement, qui hypothèque l'avenir, masque dans le budget général l'évolution mal maîtrisée de la dépense publique.

Cela permet d'afficher des dépenses nettes en progression de 1,1 % seulement en 1998, alors que les dépenses civiles de fonctionnement augmentent de 3,7 %, c'est-à-dire 0,5 % de plus que le PIB en volume.

Je ne puis passer sous silence le rôle majeur des collectivités locales dans l'économie nationale.

Si les critères de Maastricht ont été remplis au 1er janvier 1998, c'est grâce à leur capacité de financement de 17 milliards qui a concouru pour 0,2 % du PIB à la réduction du déficit. Ce concours devrait s'établir à 0,3 % en 1999.

Cela passe par la maîtrise des charges, la modération de la pression fiscale et le désendettement, objectifs des collectivités locales depuis plusieurs années, ce qui ne les empêche pas d'investir environ 160 milliards par an, soit près de 70 % de l'investissement des administrations publiques, les communes investissant à elles seules trois fois plus que l'Etat pour l'aménagement du territoire.

Depuis 25 ans, leur endettement représente toujours environ 10 % du PIB alors que celui de l'Etat est passé de 20 % à 60 %.

Les collectivités locales sont tenues à présenter chaque année un solde primaire excédentaire. L'Etat ferait bien de s'en inspirer, en favorisant la décentralisation qu'attendent les citoyens et qui est souvent beaucoup plus efficace que la centralisation sur le plan économique. La forte activité du secteur du BTP en 1998 découle très directement de ces investissements des collectivités.

Nous voulons espérer que le Gouvernement entendra enfin nos remarques et qu'il choisira enfin de faire de la maîtrise de la dépense publique sa priorité, cette dépense devant tendre d'abord à l'efficacité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Daniel Feurtet - Le contrat de croissance et de solidarité, mis au point en 1999, quand nous sommes sortis du pacte de stabilité, vise à permettre aux collectivités locales de recueillir leur part des fruits de la croissance, ce qui est juste puisqu'elles sont à l'origine des trois quarts des investissements civils.

Mais l'enveloppe normée, dont vous avez annoncé la hausse en commission, Monsieur le Secrétaire d'Etat, risque de baisser d'un milliard. La stagnation des concours de l'Etat aura des répercussions sur l'équilibre des budgets, ce qui risque de se traduire par des hausses de la fiscalité locale, qui se feront surtout au détriment des ménages, compte tenu de la réforme en cours de la taxe professionnelle.

Nous sommes favorables à la disparition progressive de la part salariale de la taxe professionnelle. Plus une entreprise embauchait, plus elle était taxée. Il fallait mettre fin à cette absurdité.

Nous avions toutefois fait part au Gouvernement de nos inquiétudes lors du précédent débat budgétaire, sur les effets de cette mesure sur l'emploi et les ressources des collectivités locales. Un rapport d'étape doit en analyser les conséquences avant octobre 1999. Pouvez-vous nous indiquer à quelle date sera diffusé ce document ?

Dans de nombreuses communes, la taxe professionnelle ne sera assise que sur l'investissement, ce qui ralentira la progression des bases.

Indexée sur la DGF, la compensation prévue risque de n'augmenter que faiblement.

MM. Pierre Hériaud et Michel Bouvard - C'est vrai !

M. Daniel Feurtet - Il faudrait au moins retenir, pour cette indexation, le taux théorique et non le taux de progression réel après régularisation.

Le coût de cette compensation ne sera d'ailleurs que partiellement supporté par l'Etat, qui perçoit le produit de la cotisation de la taxe professionnelle et celui de la cotisation "valeur ajoutée". Aussi avions-nous demandé l'an passé que le produit de ces cotisations soit affecté au financement de la péréquation.

Il reste du chemin à parcourir pour faire bénéficier les communes d'un véritable pacte de croissance. Afin d'élargir l'assiette de la taxe professionnelle, le groupe communiste propose de taxer l'ensemble des actifs financiers.

Président de l'Association des maires de France, Jean-Paul Delevoye expliquait il y a deux ans les raisons de l'asphyxie financière des communes : "Lorsque notre économie était rurale, la richesse était foncière, la fiscalité aussi. Quand notre économie est devenue industrielle, la richesse était fondée sur la production et la fiscalité sur le travail et le capital. L'économie est devenue principalement une économie de services et la richesse essentielle est aujourd'hui financière. Or elle se trouve sous-fiscalisée."

Selon le rapport sur les comptes de la nation, les actifs financiers représentaient 26 000 milliards en 1997, alors qu'ils n'étaient que de 272 milliards en 1970. Au siège d'Alcatel, par exemple, les 25 salariés et les 2 millions de francs de machines n'échappent pas à la taxation, contrairement aux 81 milliards de placements financiers dont dispose l'entreprise... La taxation des actifs au taux faible de 0,3 % aurait un rendement annuel de 78 milliards. Elle mettrait fin, en outre, aux inégalités de taxation entre les différents secteurs économiques.

Il ne s'agit pas de prendre à l'un pour donner à l'autre, mais de dégager des recettes supplémentaires afin d'alimenter un fonds national de péréquation destiné aux collectivités locales, de façon à rendre plus harmonieux l'aménagement du territoire. C'est là une exigence de justice et de solidarité.

Il existe d'autres distorsions parmi les taxes locales : le prix de la vignette automobile n'est pas le même dans tous les départements et la taxe d'habitation varie selon les communes.

La taxe d'habitation, précisément, est assise sur des bases cadastrales datant de 1970, dans lesquelles sont considérés comme des biens de luxe des équipements devenus courants. La valeur cadastrale, qui ne correspond plus à aucune réalité économique, ne reflète en rien la richesse du contribuable.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Daniel Feurtet - Certes, les bases cadastrales locatives ont été révisées il y a une dizaine d'années, mais il n'est toujours pas tenu compte de cette révision dans l'assiette de la taxe d'habitation.

Il est devenu impératif d'asseoir cet impôt sur les revenus.

Les élus locaux se débattent dans de sérieuses difficultés financières et cherchent à coopérer entre eux.

Nous souhaitons que les collectivités locales disposent de moyens financiers supplémentaires, en rapport avec l'étendue de leurs compétences et l'importance de leur rôle économique.

De plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer des baisses ciblées de TVA. Ne pourrait-on aussi explorer quelques pistes du côté des collectivités locales ?

Celles-ci doivent pouvoir -tout comme leurs structures de coopération intercommunale- fixer les taux des quatre taxes locales, indépendamment les uns des autres. Une première étape a d'ailleurs été franchie avec l'adoption de l'article 52 de la loi relative à l'intercommunalité.

Il faut aussi donner aux collectivités locales la possibilité de contracter des prêts bonifiés, pour leur permettre d'effectuer des investissements de longue durée : je pense à l'eau, à l'assainissement, à l'élimination des déchets. S'il est nécessaire que les installations soient mises aux normes, les collectivités doivent disposer pour cela des moyens nécessaires.

Je souhaite le rétablissement de la DGE pour les communes de plus de 20 000 habitants. En outre, la taxe professionnelle de France Télécom et de La Poste revient de droit aux collectivités locales.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Daniel Feurtet - Le contrat de croissance et de solidarité doit instaurer des relations stables entre l'Etat et les collectivités locales, et entre les collectivités elles-mêmes. Il doit leur donner les moyens de faire face aux grands défis économiques, sociaux et institutionnels qu'elles doivent affronter, à l'aube du nouveau millénaire, à l'heure de l'euro et de l'élargissement de l'Union.

Originalité de notre paysage constitutionnel, les communes, départements et régions doivent être défendus par la France, qui présidera le Conseil européen à partir de juillet 2000.

Nous souhaitons que le débat budgétaire renforce la libre administration des collectivités locales et réponde aux attentes des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Gilbert Gantier - Il est bon que le Gouvernement organise un débat d'orientation budgétaire. Pendant vingt ans, j'ai participé à des débats budgétaires figés, car il était trop tard pour infléchir la politique menée. Mais un débat d'orientation doit être de bonne foi. Or nous avons entendu le ministre des finances nous expliquer, avec talent, que non seulement le Gouvernement avait tenu ses promesses, mais que tout allait bien et que le peuple des travailleurs était heureux (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Cette auto-glorification n'est pas justifiée. Il faut rétablir certaines vérités.

Ainsi, on ne peut prétendre que l'économie française se porte bien : selon le classement de l'IMD, la grande école de management de Lausanne, la France se situe au vingt et unième rang pour la compétitivité, loin derrière les Etats-Unis, la Finlande, les Pays-Bas ou l'Allemagne.

On ne peut dire non plus que la situation de l'emploi est bonne. Avec un taux de chômage de 11,5 %, la France figure parmi les mauvais élèves de l'OCDE. Les Etats-Unis connaissent une situation de plein emploi depuis plusieurs années, mais aussi les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou l'Allemagne. En outre, nos partenaires n'ont pas acheté à crédit la baisse de leur taux de chômage en créant, comme vous, des emplois publics. Les 196 000 emplois-jeunes ont permis d'abaisser de manière artificielle les statistiques de l'ANPE.

Vous considérez que la France socialiste constitue un modèle. Or, selon une étude de l'OCDE, le niveau de vie par habitant est dans notre pays inférieur de 40 % à celui des Américains.

La France se situe au quatorzième rang pour le pouvoir d'achat, loin derrière le Luxembourg, les Etats-Unis, la Norvège, le Danemark ou l'Autriche. Les emplois-jeunes et la croissance créent un effet d'optique. Il cessera dès que la conjoncture sera moins bonne et qu'il faudra payer la facture des 35 heures.

La réduction du temps de travail est d'ores et déjà un échec pour l'emploi. Moins de 57 000 emplois ont été créés ou sauvegardés en un an.

C'est un échec social. Les négociations provoquent un nombre important de grèves -à Air France par exemple.

C'est enfin un échec pour les finances publiques. La facture pourrait dépasser 100 milliards. Pour faire accepter les 35 heures à EDF, le Gouvernement a dû accorder une subvention de 500 millions de francs à l'entreprise publique.

Pris au dépourvu par le coût des 35 heures, vous avez créé de nouveaux impôts : écotaxe, contribution sur les bénéfices.

D'ici quelques mois, les entreprises devront ainsi faire face à une double durée légale du travail, à un double SMIC, à un double régime des charges, à un double système d'heures supplémentaires.

Le code du travail est déjà illisible. Il le deviendra plus encore.

Le Gouvernement prétend avoir baissé les prélèvements obligatoires depuis 1997. C'est faux. En valeur relative, ils sont restés stables. En valeur absolue, ils ont augmenté de plus de 60 milliards.

En deux ans, le Gouvernement a augmenté la CSG, la fiscalité de l'épargne, la TIPP, les impôts sur le patrimoine, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés.

Du fait de ce matraquage fiscal, les jeunes diplômés émigrent aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Depuis le mois de juin 1997, dit-on, plus de 350 milliards auraient quitté la France, entraînant des destructions d'emplois et d'importantes moins values fiscales.

M. Alain Barrau - L'esprit de Coblence revient !

M. Gilbert Gantier - Vous avez une fâcheuse tendance à réécrire l'histoire budgétaire à votre profit. En refusant de signer le manifeste de Tony Blair et Gerhard Schröder, le parti socialiste français rate, une fois de plus, le train de la modernité pour s'enfoncer dans le dogmatisme et l'archaïsme.

Il est isolé face à l'axe germano-britannique qui risque d'affaiblir la position de la France.

Contrairement aux engagements pris en 1997, le taux normal de TVA ne sera pas réduit, l'impôt sur le revenu qui pénalise l'initiative ne sera pas réformé ni les finances locales. Notre système de recouvrement des impôts demeurera un des plus chers de l'OCDE, trois fois plus coûteux que celui des Etats-Unis, de la Suède et peut-être de l'Espagne.

Contrairement aux idées reçues, les Français sont favorables aux fonds de pension et aux stocks-options. Tous les sondages l'attestent. On ne trouve rien à ce sujet.

Dès lors, je ne peux approuver les orientations relativement vagues que vous nous présentez.

M. Gérard Fuchs - Ces orientations sont celles que je défendais pendant la campagne de 1997, vous les avez mises en pratique, nous en récoltons les fruits.

M. Michel Bouvard - Tout va très bien, Madame la marquise !

M. Gérard Fuchs - Cette politique repose sur l'idée qu'il n'y a pas d'investissement sans demande ; c'est pourquoi nous soutenons la consommation. Tant qu'à favoriser la demande, nous soutenons celle des moins favorisés. Notre politique de croissance est aussi une politique de gauche.

Je souhaite vous interroger sur trois points importants pour la suite de cette politique.

D'abord, je suis convaincu que l'Europe nous apporterait plus de croissance si les politiques budgétaires des Etats donnaient lieu non pas seulement à une surveillance mutuelle mais à une véritable coopération. Cette approche progresse-t-elle ? Que fait la France pour la favoriser ? Je pense aussi que le budget de l'UE pourrait être utilisé de façon plus dynamique en faveur des nouvelles technologies. Agenda 2000 est passé un peu à côté du sujet.

Mme Nicole Bricq - Complètement.

M. Gérard Fuchs - Pour lancer des politiques innovantes je suis prêt à envisager le transfert de lignes budgétaires nationales vers le budget européen.

En second lieu j'ai reçu nombre de retraités dont les moyens sont modestes. Les soumettre à la CSG alors qu'ils sont non imposables a amputé de 10 % le pouvoir d'achat de leurs compléments de retraite -fonciers ou de placement par exemple. Ce n'est pas conforme à nos orientations sociales. La commission des finances a envisagé diverses solutions. Je serai heureux de constater que vous n'avez pas oublié cette préoccupation dans le budget.

Enfin la disparition de la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle va faire diminuer sensiblement les ressources du fond national de péréquation. Or nous souhaitons réduire les inégalités entre communes. Il faut donc au moins maintenir le produit des cotisations de péréquation. On peut modifier la part qui va au fonds de péréquation et celle qui va au budget général, ou imaginer d'autres moyens. J'aimerais en tout cas vous entendre affirmer que les ressources du fonds seront maintenues.

J'espère que vous nous apporterez de bonnes réponses, pour plus de croissance et de justice sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe communiste).

M. Gilles Carrez - Vos orientations budgétaires sont claires et constantes. Les impôts progressent, les dépenses ne sont pas maîtrisées, les déficits persistent.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Caricature !

M. Gilles Carrez - Vous nous parlez du "dynamisme des recettes fiscales". Qu'en termes pudiques cela est dit ! C'est vrai, jamais les impôts n'ont autant rapporté. Le produit de la CSG va dépasser 350 milliards, l'impôt sur les sociétés plus de 200 milliards, la TVA se maintient, l'impôt sur le revenu bat tous les records à 320 milliards. On est loin de la baisse votée par la précédente majorité.

Avec une telle envolée des impôts la part des prélèvements obligatoires dans le PIB augmente.

M. Auguste Bonrepaux, président de la commission des finances - Non !

M. Gilles Carrez - On l'a constaté, d'après Eurostat, fin 1997 et je parie qu'on le constatera fin 1999.

M. Jean-Louis Idiart - Le RPR devrait se garder de parier.

M. Gilles Carrez - Les recettes nouvelles sont consacrées essentiellement à des dépenses, un peu à la réduction du déficit et aucunement à des baisses d'impôt. Je salue votre performance fiscale ! Elle est due à des promesses non tenues. Vous aviez fait voter une surtaxe à l'impôt sur les sociétés de 15 % en 1998, et 10 % en 1999 avec disparition en 2000. Elle va devenir définitive.

En l'appelant contribution sociale sur les bénéfices -elle rapportera 12 milliards- vous avez l'audace de la présenter comme une contrepartie à la baisse des cotisations patronales. Mais celle-ci doit compenser, partiellement, l'augmentation de 11 % du coût de travail liée aux 35 heures... Mais, si toutes les entreprises sont appelées à payer, seules celles qui auront passé un accord sur les 35 heures percevront la "contrepartie". Il s'agit donc indéniablement d'un impôt supplémentaire !

Comme vous êtes maintenant un "budgétaire" avisé, Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez joué aux apprentis sorciers en branchant un tuyau entre les bénéficiaires des entreprises et le gouffre sans fond de la Sécurité sociale. L'envolée de la CSG aurait pourtant dû vous inciter à la réflexion ! En tout cas, les entreprises ont motif à s'inquiéter...

Deuxième exemple : vous avez annoncé une réduction "ciblée" de la TVA que nous attendons toujours. En effet, la baisse de 4 milliards sur les abonnements EDF est purement cosmétique : 10 F par mois ! En revanche, quand on en vient aux choses sérieuses : la baisse de la TVA sur les travaux dans les logements, vous vous bornez à de la mise en scène, à des gesticulations à l'adresse des groupes socialiste et communiste puis, au conseil ECOFIN, vous adoptez un profil bas. Je soupçonne même le ministre d'avoir écouté avec complaisance son collègue allemand qui ne veut pas entendre parler de la directive.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Procès d'intention !

M. Gilles Carrez - Non ! L'examen de la directive a été repoussé, contrairement à ce que vous-même, le président Bonrepaux et le rapporteur général aviez dit. Vous n'avez pas tenu vos engagements et cela devrait inciter la majorité de gauche à se remuer un petit peu...

M. Jean-Louis Idiart - Nous vous avons attendu !

M. le Secrétaire d'Etat - Vous lancez là des accusations sans fondement. Nous nous sommes battus pour que cette directive soit adoptée, nous avons perdu mais nous reviendrons à la charge. Déjà, nous faisons tout pour que ce texte soit examiné par le prochain conseil économique et financier. Ne cherchez pas à abuser les esprits par des affabulations !

M. Gilles Carrez - J'observe que, le soir même de ce jour funeste, M. Jospin invitait M. Schröder à une grande réunion à Paris !

Après les promesses oubliées, l'absurdité fiscale : elle est illustrée par l'écotaxe, ce nouvel impôt qui fait que, plus on polluera, plus on aura de chances de moins travailler.

La démarche est vraiment curieuse : comme les 35 heures vont accroître le coût du travail, vous inventez pour compenser cette hausse une aide spécifique destinée à réduire le coût des salaires payés moins de 1,5 fois le SMIC. Et pour obtenir les 25 milliards nécessaires, vous imaginez l'écotaxe ! Comme vous savez que celle-ci ne marchera pas toujours, vous réfléchissez de surcroît à des exonérations... Avec ces taxes, avec ces aides spécifiques, ces allégements et ces exonérations, vous m'évoquez le sapeur Camember, qui creusait des trous pour en reboucher d'autres !

M. Jean-Louis Idiart - Vous, vous avez creusé sans reboucher !

M. Gilles Carrez - Il faudrait aussi faire figurer dans ce florilège le tour qui a consisté à faire payer deux fois le droit de bail.

Si vous faites ainsi flèche de tout bois, c'est que les dépenses augmentent de 2,3 % - de 1,8 % en volume compte tenu de l'inflation. Record d'Europe battu !

En commission, vous avez dit hier que vous ne gèleriez aucun crédit. Soit, mais vous passerez des "contrats de gestion" avec les ministères dépensiers : autre glissement sémantique. Cependant, les dépenses de personnel, avec 675 milliards, représentent le deuxième budget de l'Etat et l'accord Zuccarelli a bel et bien été signé : demanderez-vous aux fonctionnaires de rembourser le trop-perçu en 2000 ?

L'année budgétaire prochaine se présente mal avec les effets des accords salariaux, le flou artistique des 35 heures et les promesses faites à Mme Voynet. Malgré la forte croissance des recettes fiscales, l'équilibre primaire ne sera pas davantage assuré qu'en 1998 et 1999. Cette année même, n'avez-vous pas continué d'emprunter, de sorte que la dette publique augmente, le déficit étant supérieur aux charges de la dette ?

Où pourriez-vous réaliser des économies, me suis-je demandé. La réponse est évidente : du côté des collectivités locales ! En 2000, avec votre régularisation négative d'un milliard, la DGF ne croîtra que de 500 à 600 millions. Est-ce avec cela que vous paierez les 200 à 300 millions que coûtera l'intercommunalité, le milliard du recensement et la revalorisation de la DSU ?

Quant à la taxe professionnelle, selon le ministre, elle ne coûterait à l'Etat que 2 milliards : autrement dit, ce que vous donnez d'une main, vous allez le reprendre de l'autre. M. Feurtet a eu raison d'appeler l'attention sur le vol par l'Etat de la cotisation de péréquation et de la cotisation nationale. Bravo Bercy, bravo l'artiste !

Enfin, l'ADEME a été dépouillée avec la substitution de la taxe générale sur les activités polluantes à la taxe qui lui était affectée. En conséquence, les élus voient les taux de subvention baisser de 38 % du jour au lendemain, de sorte qu'ils ne peuvent plus financer les installations d'élimination des ordures ménagères.

Voilà trois exemples très précis de la façon dont l'Etat va traiter les collectivités locales dans le budget pour 2000 !

Plus d'impôt, plus de dépenses : ce sera un budget socialiste, mais d'un socialisme à la française, bien loin de celui de MM. Blair et Schröder. Or on peut douter que l'Europe et le pacte de croissance et de stabilité fournissent la corde de rappel nécessaire. Le groupe RPR ne peut donc que désapprouver les orientations budgétaires (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Jacques Jegou - Jusqu'ici, Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ai pas entendu le Gouvernement exposer de véritables orientations. En revanche, j'ai noté avec intérêt et inquiétude, non seulement la diversité, mais également les graves contradictions de votre majorité. De M. Cochet à M. Cuvilliez en passant par M. Bonrepaux, elles sont patentes : vous n'aurez pas trop de deux mois pour élaborer votre projet de loi de finances !

Ce que personne ne contestera, c'est l'abondance des recettes qui dépassent même vos espérances et vous permettent de faire vos gammes, non sans virtuosité d'ailleurs !

Je ne me prêterai pas à une querelle de chiffres, car ni la majorité ni l'opposition -ni vous- ne sont à l'abri d'erreurs, qui devraient nous rendre les uns et les autres un peu plus modestes. Surtout ce qui intéresse les Français, c'est l'avenir et les politiques ont donc le devoir de leur indiquer la voie à suivre, en n'oubliant pas que tous ne marchent pas à la même cadence.

Or notre pays souffre de n'avoir pas accompli les réformes indispensables à sa modernisation et il peine donc à résoudre ses problèmes : augmentation inéluctable des dépenses de santé, financement des retraites, modernisation de nos administrations, réforme fiscale, etc. Tout cela est sans cesse remis, au gré des calendriers électoraux. La majorité, qui bénéficie de la reprise de la croissance, n'a donc pas à se vanter.

Les Français sont capables d'accepter l'impôt de bonne grâce ; encore faut-ils qu'ils soient persuadés que l'Etat et les collectivités dépensent utilement leur argent. En période de vaches grasses, ils aimeraient cependant payer moins, les entreprises aimeraient être plus compétitives et dépenser leur énergie à autre chose qu'à chercher un lieu de délocalisation, fût-il proche !

La France manque d'entreprises et, singulièrement, de PME structurées. Travers culturel, direz-vous. Certes, mais à l'aube de l'an 2000, vous ne faites toujours pas ce qu'il faut pour améliorer l'environnement social et fiscal. Après les errements de 1981-1982, vous aviez pourtant pris un virage à 180o en réhabilitant l'entreprise !

Il a été beaucoup question de croissance dans ce débat. Certes, je ne nie pas l'impact de la demande intérieure, mais dans une économie ouverte, il faut garder nos capacités de production, d'innovation et de recherche.

Vous avez des marges de manoeuvre, mais vous n'en faites pas le meilleur usage. Encombrés de vos promesses électorales, flanqués d'une majorité hétéroclite, vous laissez le vaisseau de la fonction publique aller à la dérive...

Il est grand temps de réfléchir aux missions d'un Etat moderne. Des réformes structurelles sont nécessaires. Il faut vivifier l'esprit d'entreprise, encourager les créatifs, réorienter l'argent public vers des dépenses actives et productives. Je regrette que ces orientations budgétaires ne permettent pas cette dynamisation de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Ernest Moutoussamy - Le 23 octobre dernier, le Gouvernement avait annoncé qu'un projet de loi d'orientation fixant le cadre du développement économique et social des DOM pour les prochaines années serait présenté à l'Assemblée nationale cet automne. Sans préjuger des dispositions qui seront votées, je veux insister sur la nécessité d'envoyer à l'outre-mer des signaux budgétaires forts dès l'an 2000, notamment en faveur de la cohésion sociale, du logement et de la santé. La dégradation de la situation de l'emploi, avec un chômage trois à quatre fois plus important qu'en métropole, la crise des productions traditionnelles, les incertitudes sur l'avenir de la banane, la violence des rapports sociaux, une instabilité préoccupante, notamment en Guadeloupe, imposent des mesures d'urgence.

Bien entendu, il ne s'agit pas de polémiquer sur l'outre-mer, comme ont tenté de le faire trois anciens ministres RPR des DOM-TOM. En Guadeloupe, l'institution régionale refuse de s'investir sérieusement dans le champ de ses compétences et pratique une gestion partisane et stérile...

Il s'agit, au contraire, d'afficher une ambition pour l'outre-mer, qui n'est la chasse gardée de personne. Le prochain budget devrait, par exemple, faire émerger quelques pôles d'activité autour des hautes technologies, afin d'attirer les investisseurs et d'asseoir l'autorité des DOM dans leur environnement régional. Il devrait aussi comporter quelques mesures fortes pour stimuler l'activité dans le secteur agro-alimentaire et dans les entreprises artisanales ; il faudrait notamment favoriser la diversification agricole.

De même, il convient d'accueillir, d'accompagner et de soutenir les créateurs d'entreprises, en leur offrant un environnement matériel, juridique, fiscal et financier plus sécurisant. Il est indispensable de créer un outil de financement spécifique. De plus, l'instauration d'un régime de défiscalisation adapté et contrôlé s'impose de toute urgence. Toutefois, de tels dispositifs ne peuvent se concevoir sans augmentation du nombre d'emplois aidés dans le cadre du FEDOM.

Une réflexion stratégique est nécessaire sur le développement du tourisme et sur les transports aériens.

Enfin, le Gouvernement doit proposer un dispositif adéquat pour la reconquête des centres villes, passant notamment par des prêts bonifiés.

Bref, dans l'attente du projet de loi d'orientation, l'affirmation dans le budget 2000 d'une plus grande solidarité à l'égard de l'outre-mer serait un message d'espoir pour ceux qui luttent contre les injustices et toutes les formes d'exclusion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Charles de Courson - Le Gouvernement prétend poursuivre trois objectifs.

Le premier est la stabilisation des dépenses de l'Etat. M. Strauss-Kahn s'est en effet rallié sur ce sujet aux thèses de l'opposition. Dans la réalité, qu'en est-il ?

En 1997, le budget général de l'Etat a augmenté de 1 %. En 1998, comme l'année précédente, les socialistes ont utilisé les recettes de privatisation pour financer des dépenses de fonctionnement. C'est ainsi qu'on a financé le déficit de RFF ou les intérêts accumulés par le Crédit lyonnais.

Plus grave encore, la non réforme des retraites -lisez le rapport Charpin- coûte 0,15 point du PIB chaque année. L'interruption des réformes que nous avions lancées en matière d'assurance maladie ajoute encore entre 0,05 et 0,10 point du PIB.

En deuxième lieu, vous vous étiez engagés à réduire les prélèvements obligatoires. Or, en 1997, vous les avez augmentés de 21 milliards, soit de 0,3 point. En 1998, vous nous avez dit qu'ils allaient baisser de 0,2 point ; en fait, il n'y a pas eu de baisse. Pour 1999, le Gouvernement avoue pour la première fois qu'il n'y aura pas de baisse, mais la promesse avait été faite d'une nouvelle réduction de 0,2 point...

Pour 2000, on nous promet à nouveau une baisse. Comment le croire ?

On accumule des impôts nouveaux, comme la taxe sur les entreprises polluantes pour financer les 35 heures...

Mme Nicole Bricq - Mais non ! Ne faites pas semblant de ne pas comprendre...

M. Charles de Courson - Troisième objectif : la réduction graduelle des besoins de financement du secteur public. Mais pourquoi, à cet égard, n'avoir pas davantage profité d'une conjoncture extrêmement favorable, dans laquelle vous n'étiez pour rien puisque le retournement conjoncturel est intervenu avant le changement de majorité- ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Strauss-Kahn a ironisé tout à l'heure sur l'augmentation de 1,8 point des prélèvements obligatoires entre mars 1993 et mars 1997 ; mais au cours de cette période, nous avons ramené le déficit des finances publiques de 6,3 % du PIB -niveau jamais atteint depuis la Libération- à 3,3 % ! En ce qui vous concerne, vous réduisez le déficit beaucoup moins vite que nos voisins.

Quant à la dette publique, elle représente 58,5 % du PIB. En réalité, et si l'on tient compte qu'ont été dissimulés plus de 300 milliards à RFF, à l'EPFR, aux Charbonnages de France, on en arrive en fait à 61 ou 62 % du PIB...

En conclusion, comment croire un gouvernement dont la pratique depuis deux ans est contraire aux objectifs qu'il affiche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Jacques Barrot - Mes questions, Monsieur le ministre, reflèteront mes inquiétudes. Nul n'ignore que les investissements sont un défi lancé au temps et une chance pour les générations à venir. Or, et cela ne date pas d'aujourd'hui, je le concède, la part des investissements ne cesse de baisser dans les dépenses publiques, et ils finiront par ne plus représenter qu'un pourcentage minime de notre PIB.

Une telle tendance est excusable lorsque la croissance est faible. Elle est de moins en moins acceptable à mesure que la croissance s'accélère, et surtout lorsque le ministre lui-même laisse entendre que la courbe ne s'inversera pas. Comment l'Etat peut-il jouer son rôle, qui est d'inciter à l'investissement, quand la proportions des dépenses d'infrastructure est en diminution dans un budget qui prévoit pourtant d'allouer 40 milliards supplémentaires au secteur public ? De plus, quand des dotations en capital sont effectivement prévues, que recouvrent-elles ? Comme M. de Courson l'a fort justement rappelé en citant RFF, elles serviront à consolider des ensembles qui, faute de réforme structurelle, demeureront déficitaires.

Pour autant que j'aie pu en juger, car les documents qui nous ont été transmis ne sont pas de lecture très facile, le budget global des routes diminuerait de 5 %. Comment alors le Gouvernement compte-t-il améliorer les infrastructures routières et ferroviaires ?

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Jacques Barrot - Si le Massif Central, dont je suis l'élu, doit d'une part perdre les fonds structurels et si, d'autre part, le budget national des dépenses d'infrastructures est en baisse très sensible, qu'adviendra-t-il du désenclavement ? Et que penser d'un contrat de plan Etat-région qui ne fait que reprendre les annuités du précédent, lequel n'a été exécuté qu'à 80 % Si c'est effectivement ce vers quoi nous nous dirigeons, les problèmes vont se multiplier. Je serais donc très intéressé de connaître les critères de calcul des crédits attribués dans le cadre de ces contrats de plan.

Je suis convaincu de la nécessité d'un investissement public ciblé et intelligent. Je suis tout aussi convaincu de la nécessité de réviser l'ordonnance de 1959, qui ne permet plus une bonne gestion de l'Etat.

J'en viens maintenant au financement du passage aux 35 heures et du maintien du SMIC. On sait que le Gouvernement s'en remet pour partie au financement par les régimes sociaux, appliquant la théorie du recyclage aux 185 000 emplois dont il affirme qu'ils seront créés en deux ans. Outre que cette estimation est fondée sur des données très contestables, l'approche retenue implique que l'on mette à contribution l'Unedic pour 50 % des sommes nécessaires, la Sécurité sociale pour un tiers et le budget de l'Etat pour un sixième environ.

Permettez-moi de vous mettre en garde contre l'erreur certaine qui consisterait à faire financer ces mesures par le budget de la Sécurité sociale : ce serait en effet le plus mauvais moyen de mobiliser les partenaires sociaux.

M. le Président - Concluez, je vous prie.

M. Jacques Barrot - Je n'aurai donc pas le temps de vous interroger sur le passage aux 35 heures dans la fonction publique, mais je vous le demande très sérieusement : l'engagement de fonds pour compenser cette mesure ne risque-t-il pas de déséquilibrer encore davantage les régimes sociaux ? Des mesures moins tapageuses et moins coûteuses n'auraient-elles pas épargné des ressources précieuses ? Prendrez-vous garde, enfin, à ce que des disparités par trop marquées entre le secteur public et le secteur privé ne finissent par exaspérer les salariés victimes de cette iniquité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

Mme Nicole Bricq - L'excellent rapport du Gouvernement évoque plusieurs hypothèses de croissance européenne, l'hypothèse haute misant sur un rythme de 3 % pendant la période 1999-2002, porté en particulier, par la diffusion des nouvelles technologies. Existe-t-il une volonté politique européenne réelle à ce sujet ? Il le faudrait, à la fois pour compenser le retard de l'Europe sur les Etats-Unis dans ce domaine et parce que ce secteur crée à la fois richesse et emplois, dont un très grand nombre d'emplois induits. Le Gouvernement et le Parlement ont déjà beaucoup fait en faveur de la recherche et du développement, notamment par le biais d'incitations fiscales, mais d'autres mesures devront être prises. Le seront-elles ?

Comment, par ailleurs, seront répartis les droits de la croissance attendue ? Quelle sera la part des salariés ? Le débat sur les bons de croissance sera d'un grand intérêt.

Certains s'étonnent, d'autre part, que l'on parle d'élargir l'assiette de la TGAP, dont l'institution, en 1998, marquait une rupture avec la fiscalité affectée et donc l'entrée dans une fiscalité moderne. Pourquoi cet étonnement ? Tout gouvernement a le droit de mener une politique conforme aux engagements qu'il a pris et l'on sait que le Gouvernement actuel s'est donné comme priorité la croissance et l'emploi. Il est bon que la France participe dès à présent au débat préparatoire à la directive sur l'écotaxe avec les pays qui l'appliquent déjà -Allemagne, Royaume-Uni, Italie. Il est bon, aussi, d'établir dès maintenant que le produit de ces taxes servira à alléger les prélèvements sur les salaires.

Ces taxes ont en réalité un double objectif : contribuer à réduire la pollution et permettre de dégager des sommes qui seront affectées à la croissance et l'emploi.

Dernier problème : la place de l'impôt sur le revenu dans notre régime fiscal. Bien qu'ayant fait campagne en 1997, en 1998 et encore récemment pour les européennes sur le thème de la baisse des impôts, la droite a perdu, ce qui prouve que la démagogie ne paie pas. Pour ma part, je défends l'impôt sur le revenu, le seul à avoir une vocation redistributive, même s'il a perdu au fil des ans cette caractéristique, sa progressivité étant plus forte au bas qu'au haut de l'échelle des revenus. Par ailleurs, il faudra s'interroger sur la concurrence entre la CSG et l'impôt sur le revenu, la déductibilité partielle de celle-là amputant d'ailleurs le produit de celui-ci : la CSG est un impôt plus large, de ce fait beaucoup mieux accepté que l'impôt sur le revenu qui pèse trop sur les classes moyennes. Il faut en tenir compte et réfléchir de nouveau au prélèvement fiscal à la source.

Comment redonner sa vocation redistributive à l'impôt sur le revenu ? Voilà la vraie question qui ne saurait être abandonnée au prétexte que certains utilisent ce thème de façon démagogique. A la gauche de s'en saisir et au Gouvernement de faire preuve d'audace (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Julien Dray - Une nouvelle fois, nos concitoyens ont dimanche dernier, comme d'une certaine manière en 1995 et en 1997, exprimé leur profond rejet d'un libéralisme économique débridé et leur profond attachement à un modèle social français. A l'échelle de l'Europe aussi, une certaine gauche sociale-libérale a été désavouée. L'exception française se trouve donc confirmée, sans doute parce que c'est le modèle le plus pertinent.

Les choix budgétaires devraient s'inscrire dans le prolongement de ceux exprimés dimanche. Or, les choix du Gouvernement ne rompent pas assez radicalement avec certains dogmes. Dès lors que nous avons retrouvé la croissance, même si elle reste à consolider, certains grands équilibres, imposés par le pacte de stabilité et qui limitent nos capacités de redistribution et d'investissement, devraient être remis en question. La priorité jusqu'alors donnée à la réduction drastique des déficits n'a peut-être plus lieu d'être. Le débat mérite en tout cas d'être rouvert. Certains investissements lourds sont nécessaires, qui permettraient d'enclencher une dynamique nouvelle.

Il faudrait dans le prochain budget décourager la spéculation financière et sur ce point, la taxe Tobin serait de nouveau d'actualité. Une taxe de 0,05 % sur les opérations de change rapporterait près de 50 milliards. Ce ne serait que justice. D'aucuns nous objecteront que si nous sommes seuls à la mettre en place, les capitaux fuiront notre pays. Mais n'ont-ils pas tenu le même discours sur les 35 heures, alors que l'on s'aperçoit que la France sert aujourd'hui d'exemple en Europe ? Leurs arguments contre la taxe Tobin n'ont pas plus de validité. La taxation des mouvements de change pourrait être complétée par celle des capitaux rapatriés en provenance des paradis fiscaux sur les grandes places financières.

L'impôt sur le revenu est un bon impôt. La priorité doit être donnée aujourd'hui à la baisse de la TVA, impôt particulièrement injuste. Des baisses ciblées dans certains secteurs non soumis à la concurrence internationale, comme la restauration...

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Julien Dray - ...les produits culturels, les droits d'entrée dans les clubs et les salles de sport... permettraient à la fois de créer des emplois et d'enclencher une nouvelle dynamique de consommation.

Enfin, dernier point : élu de banlieue, je sais l'importance de disposer dans nos quartiers en difficulté de fonctionnaires qualifiés et motivés, qu'il s'agisse d'enseignants, de policiers, d'assistantes sociales... Certains pensent que ces emplois coûtent cher mais le coût à payer ne serait-il pas bien supérieur si nous ne faisions rien, abandonnant ces quartiers à la loi des gangs ?

M. Georges Tron - Absolument.

M. Julien Dray - Si ces réflexions étaient prises en compte, elles permettraient, je le crois, de réorienter le futur budget dans le sens voulu par nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Alain Barrau - Je dois tout d'abord vous annoncer une bonne nouvelle. La proposition de résolution contre la libéralisation des chemins de fer communautaires, adoptée hier par tous les groupes, à l'exception de Démocratie libérale, a permis à notre ministre des transports d'obtenir que la mise en application des propositions de la Commission soit retardée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Alain Barrau - Nous avions tous convenu que cette libéralisation était très néfaste.

Nous pouvons obtenir un succès analogue sur les baisses ciblées de TVA.

M. Gilles Carrez - Je vous soutiendrai.

M. Alain Barrau - La proposition de résolution sur l'application d'un taux réduit de TVA à certaines activités que nous allons discuter tout à l'heure, mesure déterminante dans la lutte contre le chômage, sera défendue avec détermination par le Gouvernement français à Bruxelles.

La France, qui sans être isolée en ce domaine ne réunit pas encore une majorité de partenaires derrière elle, doit renforcer sa position pour réorienter le gros paquebot européen vers un cap plus soucieux de croissance et d'emploi. Baisses ciblées de TVA, lancement d'emprunts européens pour financer de grands travaux d'infrastructure -cette faculté n'est pas utilisée pour l'instant-, autant d'opportunités à saisir pour s'engager dans cette voie. Le Premier ministre a réaffirmé ce souci de la France lors du récent sommet de Cologne.

Autre point : il conviendra de veiller à ce que toutes les régions, tous les secteurs ruraux ou urbains bénéficient des fruits de la croissance retrouvée. Les villes moyennes notamment ne doivent pas être délaissées.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Alain Barrau - Il y va d'un aménagement du territoire équilibré. La responsabilité en ce domaine est collective.

Dernière question : comment le Gouvernement compte-t-il préparer les futures négociations de l'OMC, dont je crains le déroulement ? Il faudra que nous trouvions des alliés, ce qui n'est jamais simple : c'est un peu désarmés que nous allons nous présenter au sommet de Rio, les pays d'Amérique du Sud critiquant notre agriculture.

Nous devons préparer dès maintenant ces importantes négociations commerciales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Raymond Douyère - Je souhaite d'abord évoquer devant vous un sujet en apparence mineur : après la suppression du timbre fiscal sur la carte d'identité, ne pourrions-nous pas supprimer l'ensemble des droits d'examen ? Il s'agit de sommes faibles, dont le recouvrement coûte cher. Une telle mesure aurait un impact important.

M. Julien Dray - C'est une bonne idée.

M. Raymond Douyère - Par ailleurs, M. le ministre des finances a rappelé son intérêt pour la culture. Rapporteur de ce budget, je souhaite qu'il atteigne enfin l'objectif de 1 % des dépenses que nous nous sommes fixé. Les besoins étant multiples, il faudra même, dans cinq ou six ans, parvenir à 1,5 % des dépenses.

S'agissant de la fiscalité de l'épargne, j'aimerais savoir où en est le processus d'harmonisation européenne. Une directive, en effet, devait être publiée à ce sujet.

Mme Bricq a préconisé une réforme de l'impôt sur le revenu. On ne peut, en effet, modifier la fiscalité de l'épargne sans revoir cet impôt, insuffisamment redistributif. Je souhaite donc la mise en place du prélèvement à la source, même si ce n'était pas au programme du Gouvernement.

Le conseil des impôts vient de publier une étude intéressante, dans laquelle il montre les effets pernicieux de certains cumuls de dispositions en faveur de l'épargne qui, considérées isolément, ne sont pas critiquables. Comptez-vous en tenir compte dans la préparation de la loi de finances, de façon à interdire ces cumuls dès l'automne ?

Le conseil des impôts s'interroge aussi sur la pertinence des SOFICA et des SOFIPECHE mais nous avons eu ce débat en examinant le budget pour 1999.

Pour que la croissance soit durable, il faut favoriser le développement des entreprises innovantes. Des dispositions ont certes été prises en ce sens, mais la fiscalité française reste plus défavorable aux actions qu'aux obligations.

M. Jean-Jacques Jegou - Très juste.

M. Raymond Douyère - Il faut la rendre neutre de ce point de vue.

Actuellement, les fonds de pension anglo-saxons ont placé 500 milliards de dollars via les bourses européennes, si bien que nous sommes en train de payer les pensions des veuves américaines et écossaises. Il faut mettre au point des outils financiers qui favorisent la détention des entreprises françaises par des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. Michel Grégoire - Je veux évoquer le monde rural, dont on a peu parlé aujourd'hui.

M. Michel Bouvard - Bonne idée.

M. Michel Grégoire - En cinquante ans, nos territoires ruraux ont changé de paysage. Dans certaines régions, la désertification se poursuit, tandis que d'autres, plus dynamiques, diversifient leurs activités.

Les collectivités locales ont dû s'adapter. L'Etat aussi, les lois de décentralisation y ont contribué.

Aujourd'hui, le monde rural est confronté à de nouveaux défis, comme l'ont montré les résultats de certaines formations aux élections européennes. Il est temps de s'interroger sur son avenir, sans quoi nous irons vers une confrontation entre monde rural et monde urbain. Majoritaire, l'urbain risque de vouloir imposer une vision de l'espace rural incompatible avec les voeux de ceux qui y vivent. La concertation doit donc être renforcée.

Sur tous les bancs de cette assemblée, nous sommes nombreux à défendre la ruralité, garante de notre culture commune.

En quinze ans, la décentralisation a rendu possible la réalisation de nombreux projets associant différents acteurs : conseils généraux et régionaux, Etat, Europe. Elle a rapproché les centres de décision des citoyens. Les maires en sont globalement satisfaits. Il faut aller plus loin dans cette voie.

La loi de février 1992 sur l'intercommunalité a créé la coopération intercommunale fiscalisée. Les élus ont compris le message : ils ont investi, ce qui a appelé un effort soutenu de l'Etat, via les différentes dotations, passées de 234 millions en 1994 à 280 millions en 1999. Cet effort doit se poursuivre.

Nos engagements européens ont des incidences sur les ressources des collectivités locales. En matière d'assainissement par exemple, la nécessité de réaliser certains investissements est comprise des élus comme de leurs administrés : c'est une question de santé publique, mais aussi de préservation du cadre de vie, ce qui peut avoir un intérêt économique pour les zones touristiques. Or, beaucoup de petites communes ne peuvent financer la part de ces investissements qui est à leur charge. On retrouve ce problème pour le traitement des ordures ménagères ou l'aménagement des cours d'eau. Il faut donc revaloriser les dotations, accroître la participation des agences, déplafonner les concours de l'Etat, voire lancer de grands programmes d'équipement financés par un emprunt public.

Enfin, la création des pays va permettre à certains projets de trouver un financement, dans le cadre des contrats de plan. Mais le montant prévu pour ces contrats -105 milliards- reste insuffisant, puisqu'il s'agit de la reconduction des crédits ouverts pour les précédents.

On ne peut tenir un discours ambitieux sur l'aménagement du territoire sans se donner les moyens d'agir.

Ne décevons pas les maires, qui ont joué le jeu de la décentralisation et de l'intercommunalité. Vous connaissez par ailleurs le malaise de ces élus que le poids de plus en plus lourd de leurs responsabilités conduit à se désengager.

A propos du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, j'ai lu hier soir dans la presse que M. Guigou comptait verser un million par pays. J'avoue n'avoir pas bien compris : parlait-il de bonus ou de substitution ? (Sourires)

Le FNADT devra être géré, de toute façon, en liaison étroite avec les élus. Enfin la diminution des fonds structurels européens nous inquiète. Il faudra une compensation.

Beaucoup de territoires ruraux ont rénové avec dynamisme grâce aux PME-PMI autour du territoire, du commerce et de l'artisanat et aussi de l'agriculture. Derrière toutes ces activités, il y a l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Secrétaire d'Etat - J'essaierai de répondre sur un ton égal aux interventions, qu'elles aient été vindicatives ou plus modérées, ainsi de celle de M. Tron. Il nous a joué une sérénade américaine et recommandé en tous points le modèle d'outre-atlantique.

M. Georges Tron - Pas du tout.

M. le Secrétaire d'Etat - Nous sommes prêts à en prendre le meilleur, comme le soutien à l'innovation et nous savons que les activités à haute valeur ajoutée expliquent 1/2 point de notre croissance. Mais ce qui conduit aux inégalités et à la précarité ne peut attirer la majorité.

En 1998 et 1999 la croissance française a été supérieure à celle de la moyenne de l'UE. Elle a redémarré au début de 1997, puis a connu un trou d'air. Nous en somme sortis et les entreprises ont recommencé à investir. Quant à la dette, je n'aurai pas la cruauté de rappeler le jugement du premier ministre de 1995 sur la gestion de son prédécesseur.

M. Georges Tron - Cela ne change rien !

M. le Secrétaire d'Etat - M. Sarre a vanté les mérites du pacte européen pour l'emploi, lancé à l'initiative de la France. Nous sommes un peu déçus de ne pas aller assez loin, mais nous avançons. La réduction du déficit n'est pas une contrainte extérieure, c'est un impératif intérieur. Moins de dette, c'est plus de croissance et d'emploi. Nous reviendrons sur les allégements de TVA. Monsieur Hériaud, les dépenses d'investissement ont baissé de 20 % entre 1995 et 1997. Depuis lors nous avons fait progresser de 10 % les investissements civils, budget et comptes d'affectation spéciale compris, à l'exclusion du compte spécial des produits des privatisations. En même temps nous avons comprimé les dépenses de fonctionnement.

Monsieur Feurtet, le rapport promis sur la taxe professionnelle sera remis en temps utile avant le débat budgétaire. Comme vous le souhaitez nous avons pris l'an dernier des dispositions pour taxer davantage les actifs financiers des entreprises que les actifs productifs. Pour la taxe d'habitation nous avons déjà rétabli certains abattements. Dans la perspective du prochain budget nous pourrons travailler ensemble sur vos autres propositions.

M. Gantier a fêté son jubilé de 25 ans à la commission des finances par des propos quelque peu nostalgiques. La situation de l'emploi, sans être bonne, est infiniment meilleure qu'il y a deux ans. L'an dernier 400 000 emplois ont été créés, dont 300 000 par les entreprises. Les jeunes ont retrouvé l'espoir. Critiquer les emplois-jeunes et la réduction négociée du temps de travail relève d'une attitude un peu passive devant l'économie, qui est celle du libéralisme. Pour lutter contre le chômage, nous employons toutes les armes à notre disposition et continuerons résolument à agir pour la croissance et l'emploi.

M. Fuchs a d'ailleurs montré que nous récoltons les premiers fruits de nos efforts. C'est vrai, la croissance serait meilleure en Europe si les politiques budgétaires étaient mieux coordonnées. L'Euro Onze, à l'initiative de la France, agit en ce sens. Les crédits de la Banque européenne d'investissements en faveur des nouvelles technologies ont doublé récemment, et la France n'y est pas étrangère.

Le poids de la CSG sur les revenus du patrimoine des retraités modestes mérite réflexion. Mais il faut tenir compte du fait que les salariés paient la CSG au premier franc. Ce débat pourra avoir lieu à propos du financement de la Sécurité sociale.

S'agissant de la taxe professionnelle, nous travaillerons ensemble à assurer la péréquation entre collectivités locales.

M. Carrez m'a surpris en adoptant un ton vinaigré qui n'est pas dans son habitude -et pour dire tant de contre-vérités que je ne peux les réfuter toutes. En quelques mots, la hausse de la CSG est compensée par la diminution des cotisations sociales, d'où la hausse de 3 % du pouvoir d'achat des salariés en 1998, au profit de la consommation et de la croissance. La surtaxe de 10 % de l'impôt sur les sociétés va bien disparaître en l'an 2000. Nous tenons nos engagements, à la différence de M. Juppé dans un cas identique. La cotisation sociale sur les bénéfices augmentera à mesure de la diminution du coût du travail non qualifié. En 2000 les entreprises constateront une diminution manifeste du prélèvement sur les bénéfices.

Vous critiquez l'accord salarial dans la fonction publique. Nos conceptions diffèrent. Mais le coût de cet accord se répercute en 1999, non en 2000.

Par ailleurs Monsieur Carrez, avoir voté le pacte de stabilité Juppé qui gelait les concours aux collectivités locales, ne vous met guère en position de critiquer le contrat de croissance et de solidarité.

M. Georges Tron - Il ne parlait pas du contrat mais de la DGF !

M. le Secrétaire d'Etat - La DGF qui restait stable augmentera en fonction de l'inflation plus une fraction de la croissance du PIB.

Quant à l'ADEME, qui a augmenté son budget de 500 millions en 1999 ? Nous et pas vous. Avec la diminution de la TVA sur le tri sélectif, nous avons fait beaucoup plus pour les collectivités locales que ce ne fut le cas de 1995 à 1997.

M. Georges Tron - Non !

M. le Secrétaire d'Etat - Vos craintes sur la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle seront démenties. La compensation sera intégrale, indexée sur la DGF et intégrée dans celle-ci en 2004.

Monsieur Jegou, les entreprises ont bien compris, me semble-t-il, la politique du Gouvernement puisque l'investissement, stable entre 1990 et 1997, a redémarré, comme vous l'avez du reste reconnu. Or ce sont les entreprises qui ont créé 300 000 emplois l'an passé. Notre pari sur l'innovation est donc payant.

Il y a en effet, en Europe, deux pays -le Portugal et l'Irlande- qui accordent aux non-résidents des faveurs fiscales condamnables. Les Quinze travaillent actuellement à un code de conduite qui recense ces pratiques contraires à une bonne concurrence et le conseil européen a demandé que l'entreprise soit achevée d'ici à la fin de l'année.

L'outre-mer a toute sa place dans ce débat d'orientation, Monsieur Moutoussamy. Vous avez eu raison de souligner les problèmes qui s'y posent : emploi des jeunes, logement social... et je souscris à votre voeu de voir les nouvelles technologies favoriser un développement du tourisme et des industries agro-alimentaire. Cet automne, M. Queyranne a annoncé un projet de loi d'orientation. Deux missions le préparent : celle de M. Fragonard sur les instruments du développement et celle de MM. Lise et Tamaya sur l'évolution des institutions.

M. de Courson s'est livré avec son talent habituel à un numéro d'acrobaties comptables. Pour ne prendre qu'un exemple, il a soutenu qu'en 1997, nous avions accru les impôts...

M. Charles de Courson - De 21 milliards !

M. le Secrétaire d'Etat - Les impôts rentrés en 1997 sont exactement ceux qui avaient été inscrits en loi de finances. Si nous avons dû en appeler de supplémentaires, c'est qu'il y avait eu sous-estimation délibérée des recettes de TVA, comme l'a souligné le rapport Nasse-Bonnet. Mais nous allons en reparler dans un instant.

En 1998-1999, les prélèvements obligatoires ont été indéniablement stabilisés...

M. Charles de Courson - Vous aviez promis de les baisser !

M. le Secrétaire d'Etat - Je tiens le pari pour 2000 !

Comment croire le Gouvernement, demandez-vous ? Les Français viennent de vous montrer la voie !

Monsieur Barrot, j'ai déjà répondu à M. Hériaud en ce qui concerne la baisse prétendue des investissements. Pour les routes, entre 1993 et 1997, les autorisations de programme sont tombées de 3,8 à 3,1 milliards : nous avons dû rattraper le retard en 1998 et en 1999 en augmentant les crédits de paiement de plus de 4 milliards.

L'enveloppe des contrats de plan Etat-régions a été arrêtée par le Gouvernement à 90 milliards, soit une augmentation de 15 milliards. Les demandes sont actuellement de l'ordre de 150 milliards, mais l'écart ne me semble pas inquiétant à sept mois de la conclusion des négociations.

La réduction négociée du temps de travail va créer des emplois, qui susciteront un accroissement des impôts et des cotisations sociales. Je trouve dès lors normal qu'une part de ces nouvelles recettes aille aux entreprises qui auront signé des accords.

Madame Bricq, vous avez clairement décrit tout ce que nous avons fait et tout ce qui nous reste à faire pour développer l'innovation. Quant à votre rapport, étant donné sa richesse, il était naturel que nous ne puissions en mettre à profit toutes les suggestions en peu de temps. Et vous avez raison : l'écotaxe est un projet européen, qui fera prochainement l'objet d'une directive. Nous entendons bien anticiper sur ce texte en étendant la taxe générale sur les activités polluantes aux consommations d'énergie par les entreprises. Enfin, c'est certainement une bonne idée de déplacer les prélèvements, du travail peu qualifié vers les pollutions industrielles.

Monsieur Dray, M. Barrau vous a répondu quand il a observé que les ministres des transports avaient remis à plus tard la libéralisation incontrôlée du rail. Quant aux paradis fiscaux, vous vous rappellerez que la loi de finances pour 1999 a taxé les placements que les personnes physiques y effectuent.

Pour une réduction de la TVA sur la restauration et sur les produits culturels, nous rencontrons des difficultés à Bruxelles. Par ailleurs, les clubs et salles de sport sont des entreprises et il n'est peut-être pas anormal de ne pas leur réserver le même traitement qu'aux associations.

Dans un discours très dense, M. Barrau nous a livré des informations précieuses sur la construction européenne. Je lui sais gré de l'aide qu'il a offerte au Gouvernement en vue des négociations de l'OMC. Enfin, c'est à juste titre qu'il a souligné la contribution des villes moyennes à l'aménagement du territoire.

Nous ajouterons les réflexions émises par M. Douyère sur la fiscalité de l'épargne à celles qu'ont fournies le rapport Cahuzac et le rapport du Conseil des impôts. L'idée du prélèvement à la source mérite certainement d'être explorée. Enfin, je lui indique que le budget de la culture se rapprochera l'an prochain du fameux objectif du 1 %.

Monsieur Grégoire, nous avons pris des mesures importantes en faveur des communes bénéficiant de la dotation de solidarité rurale afin d'y développer l'emploi et, à l'instigation notamment du président Bonrepaux, nous avons renforcé notre soutien aux zones de revitalisation. Cet effort devrait bien augurer de l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Le débat est clos.


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RÈGLEMENT DU BUDGET 1997

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1997.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Nous allons donc clore ce soir la procédure relative à l'exercice 1997, le premier dont ce gouvernement aura assuré l'exécution, à partir du second semestre.

Chacun se souvient que les conditions d'exécution de ce budget s'annonçaient assez mauvaises, mais nous avons pris les mesures nécessaires pour remettre nos finances publiques sur les rails, en vue de nous qualifier pour l'euro.

L'objectif était de ramener à 3 % du PIB le déficit des administrations publiques. Or l'audit demandé à MM. Bonnet et Nasse avait évalué le déficit à 3,5 % au moins, à 3,7 % au plus du PIB. Pour l'Etat, les moins-values de recettes fiscales et les dépassements de dépenses constatées en juillet, conduisaient à un déficit de 312 à 322 milliards alors que la loi de finances initiale le fixait à 284,8 milliards. Selon l'audit, les pertes de recettes fiscales devaient se situer entre 15 et 17 milliards et les dérapages sur les dépenses entre 12 à 20 milliards.

La remise en ordre a permis de ramener le déficit à 270,7 milliards dans la loi de finances rectificative, soit une réduction de 14 milliards par rapport à la loi de finances initiale et de 40 à 50 par rapport aux estimations de juillet 1997.

Cet objectif a été tenu et même mieux que tenu : le déficit d'exécution s'est élevé à 267,7 milliards, soit 3 milliards de mieux que dans le collectif et 17 milliards de mieux que dans la loi de finances, alors que, les années précédents, le déficit réalisé dépassait toujours les prévisions initiales.

Au total, par rapport à 1996, le déficit a été réduit de 28 milliards. Ce bon résultat tient à plusieurs facteurs. Des mesures fiscales ciblées ont évité de "casser" la demande intérieure tout en finançant nos priorités. Par ailleurs, il a été décidé dès le mois de juillet de compenser les moins-values de recettes fiscales par un prélèvement exceptionnel sur les profits des entreprises réalisant plus de 50 millions de chiffre d'affaires et par l'assujettissement des plus-values à l'impôt sur les sociétés.

Les recettes fiscales nettes de l'Etat se sont ainsi établies à 1 416 milliards, contre 1 359 en 1996, soit une progression de 4,2 % -qui sans les mesures décidées aurait été de 2,6 %. L'ensemble des recettes de l'Etat hors recettes d'ordre a progressé de 3,2 %.

Toutes les dépenses nouvelles ont été financées par redéploiement, qu'il s'agisse des nouvelles priorités gouvernementales ou des dépenses sous-évaluées dans la loi de finances initiale. Ainsi, le décret d'avances de juillet 1997 a permis de dégager 10 milliards au profit notamment des premières mesures pour l'emploi des jeunes, du logement social et de l'allocation de rentrée scolaire.

Au total, l'évolution des charges du budget général a été limitée à 1 %.

Ces bons résultats résultent des mesures d'assainissement prises, lesquelles ont permis à la France de se qualifier pour l'euro. Ces efforts seront poursuivis dans le cadre de notre politique économique d'ensemble, visant à développer une croissance durable et solidaire.

Les modifications proposées dans le projet de loi de règlement concernent des régularisations traditionnelles sur des chapitres assortis de crédits évaluatifs. Aucun dépassement n'est constaté sur les chapitres dotés de crédits limitatifs ou provisionnels.

L'article 12 vise à reconnaître l'utilité publique de dépenses comprises dans deux gestions de fait, pour un total d'un peu plus de 2,6 millions. Il s'agit, d'une part, de l'association Nord Pas-de-Calais Développement, qui a utilisé des subventions pour financer des dépenses de personnel, lesquelles auraient dû relever du ministère de la ville et de l'aménagement du territoire de l'époque ; d'autre part, de l'Ecole nationale supérieure des techniques avancées, dont le directeur a encaissé des recettes et payé des dépenses alors que ces opérations auraient nécessité l'intervention d'un comptable public. Dans les deux cas, la nature publique des crédits ne fait aucun doute.

L'examen de la loi de règlement pour 1997 le jour du débat d'orientation budgétaire n'est pas une coïncidence. Cependant, pour que la discussion d'une loi de règlement ait quelque intérêt à l'avenir, elle ne doit pas se rapporter à des gestions trop anciennes. Il me paraît donc nécessaire d'accélérer le calendrier d'adoption des lois de règlement.

Un effort sera accompli dès cette année pour le budget de 1998, dont les comptes ont été arrêtés et remis à la Cour des comptes dès le 9 avril, avec près de quinze jours d'avance par rapport à l'an dernier. J'ai l'ambition de déposer le projet de loi de règlement sur le Bureau de votre assemblée dès le début de l'automne, alors qu'il était traditionnellement transmis au mois de décembre.

Telles sont les observations que je voulais formuler sur le projet que j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Toute personne qui connaît un peu nos travaux ne saurait douter de l'intérêt que nous portons aux lois de règlement. Néanmoins, pour donner toute sa portée à cet instrument de contrôle, le groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, présidé par le président Fabius et dont j'ai eu la charge d'être rapporteur, a proposé certaines réformes.

Le projet de loi de règlement pourrait être déposé peu de temps après la communication, par la Cour des comptes, de son rapport sur l'exécution des lois de finances, qui serait présenté en mai-juin de l'année n+1. Il est indispensable pour cela que les comptes définitifs des ministères soient remis beaucoup plus tôt à la Cour des comptes, comme elle le réclame régulièrement. Des progrès sont déjà intervenus pour l'arrêté des comptes de 1998.

Afin de nourrir les débats relatifs à la loi de finances de l'année à venir, le vote du projet de loi de règlement de l'exercice n pourrait à terme intervenir avant celui du projet de loi de finances de l'année n+2.

S'agissant du projet de loi de règlement pour 1997, je souligne que certaines remarques réitérées par moi-même et par nombre de mes prédécesseurs et de rapporteurs spéciaux ont fini par produire leur effet.

J'en prendrai pour exemple le constant rappel au respect du "caractère accessoire", selon les termes de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, de la procédure des fonds de concours. Le Gouvernement, à la fin de 1997, a pris l'engagement de corriger la pratique dite des "crédits d'articles" ; la correction effective a été réalisée dans la loi de finances pour 1999. Raison de plus pour mettre un terme définitif à l'ensemble des pratiques critiquées. Ainsi, dans son rapport en vue du règlement définitif du budget de 1997, la Cour des comptes souligne que le financement de rémunérations par voie de fonds de concours méconnaît les principes d'unité et d'universalité budgétaires.

L'exercice budgétaire 1997 n'est pas banal, avec au premier semestre des dérives budgétaires reconnues par l'ancien Premier ministre, une alternance politique et un changement de cap budgétaire. Il faut évidemment souligner l'effet des mesures de redressement prises par le Gouvernement issu des élections législatives.

Bien sûr, l'exécution d'un budget est étroitement tributaire de l'évolution de la croissance. Or, la croissance du PIB a été de 2,2 %, soit un peu moins que les 2,3 % prévus. Les évolutions infra-annuelles ont été particulièrement marquées : au premier semestre, le seul élément dynamique était constitué par les exportations ; à compter de l'automne, c'est la demande intérieure qui a stimulé la croissance. En ne faisant porter les prélèvements nécessaires pour financer les mesures d'urgence que sur les grandes entreprises, à un moment où leur taux d'autofinancement était élevé et les taux d'intérêt bas, la politique du nouveau gouvernement a permis, d'une part, le redémarrage de la consommation, et, d'autre part, la reprise de l'investissement, engendrée par l'augmentation des débouchés.

Les mesures de redressement avaient été rendues nécessaires par les dérives mises en évidence au premier semestre. En effet, à la mi-1997, l'estimation du déficit se situait entre 312 et 322 milliards, pour une prévision initiale de 284,8 milliards. Un décret d'avance a permis de financer, pour 10 milliards, des dépenses prioritaires et des insuffisances de crédits, en contrepartie d'un montant identique d'économies ciblées. D'autre part, la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier a majoré l'impôt sur les sociétés.

Les résultats définitifs sont dans l'ensemble très proches des prévisions révisées associées au projet de loi de finances rectificative, lesquelles prenaient en compte les effets de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier.

Les dépenses nettes du budget général ont été maîtrisées, ce qui n'a pas empêché le Gouvernement de financer ses priorités, avec la prise en charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire -6,4 milliards-, le préfinancement du programme en faveur de l'emploi des jeunes -2 milliards- et la revalorisation du barème des aides personnelles au logement -600 millions.

S'agissant des recettes du budget général, l'ensemble des ressources nettes constatées, y compris les fonds de concours, a progressé de 3 % par rapport à 1996, année où la progression avait été de 4 %.

Cette évolution est imputable aux recettes fiscales nettes, qui progressent de 21,3 milliards par rapport aux prévisions et qui traduisent l'effet des mesures urgentes à caractère fiscal et financier. On remarquera toutefois que les résultats définitifs sont supérieurs aux prévisions rectifiées. C'est que l'amélioration du taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu a permis l'encaissement de 3,45 milliards supplémentaires. Pour la TVA, les recettes nettes supplémentaires résultent à la fois d'une meilleure surveillance de la périodicité des versements et d'une sévérité plus grande pour les remboursements.

Enfin, le solde général d'exécution a été, au total, de 267,7 milliards, traduisant une amélioration de 27,7 milliards par rapport à 1996. Cet effort de maîtrise a permis de ramener le besoin de financement de l'Etat de près de 3,8 % à 3,3 % du PIB, contribuant ainsi à l'amélioration du besoin de financement de l'ensemble des administrations publiques. Ce dernier a, en effet, été réduit à 3 %, contre 4,1 % en 1996, permettant ainsi à la France de se "qualifier", dès le 1er janvier 1999, pour l'euro, en respectant les critères de convergence prévus par le traité de Maastricht, ce qui paraissait impossible au début de 1997.

L'objectif politique d'intégration à la zone euro, qu'on avait pu, un temps, croire compromis, a donc pu être atteint sans que le nouveau gouvernement, et c'est tout à son honneur, ne sacrifie ses priorités politiques.

La commission des finances a adopté sans modification le projet de loi de règlement du budget de 1997 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense - Depuis six ans maintenant, la commission de la défense rend chaque année, de sa propre initiative, un avis sur le projet de loi de règlement relatif aux mouvements de crédits intervenus au budget de la défense. C'est que le budget militaire est marqué de fortes particularités, comme le soulignent d'ailleurs les lois de finances qui distinguent crédits civils et crédits militaires.

De plus, la crise du Kosovo a fait comprendre qu'une réflexion devrait s'engager sur le volume des crédits de la défense et plus particulièrement les choix en matière d'équipements. Aussi, une étude régulière et approfondie de l'exécution du budget de la défense sur plusieurs années ne sera pas inutile.

L'importance des mouvements de crédits qui affectent le budget de la défense en cours de gestion n'est pas la moindre des particularités de ce budget et l'exercice 1997 ne fait pas exception : ouvertures de crédits au titre III du budget de la défense à hauteur de 2 milliards, annulations de 5 milliards de crédits de paiement sur le budget d'équipement militaire, augmentation de 1,5 milliard des reports de crédits sur 1998. Autant de mouvements par lesquels le budget de la défense a participé à la maîtrise des déficits publics et au redéploiement des dépenses publiques, en faveur de l'emploi notamment.

Au total, le budget de la défense, qui a atteint 182,25 milliards, a diminué de 1,7 % en 1997. Comme le montre la Cour des comptes, la baisse des dépenses ordinaires doit être fortement nuancée, du fait de l'utilisation de la procédure des fonds d'avance. Mais, au total, l'effort en faveur de la défense a été préservé en 1997.

Ce serait cependant avoir une vue partielle que de s'en tenir à ces chiffres. Il faut en effet s'intéresser aussi aux modalités de gestion de ce budget en 1997, après des exercices 1995 et 1996 chaotiques. On constate en premier lieu une plus grande sérénité au ministère de la défense, ce qui n'allait pas de soi. Par ailleurs, l'exercice 1997 s'est déroulé dans le cadre pluriannuel de la loi de programmation militaire 1997-2002.

Enfin, il convient de souligner que les errements constatés en 1995 et en 1996 ont eu des conséquences sur l'exécution du budget d'équipement 1997. Notamment, le très bas niveau des engagements en 1996 -61 milliards- explique en grande partie la diminution des dépenses nettes et l'augmentation des reports de crédits en 1997, exercice marqué par une régulation budgétaire beaucoup plus souple.

Les signes du retour à une gestion plus sereine des crédits d'équipement militaire sont multiples : ainsi, les annulations de crédits ont diminué de 3,5 milliards par rapport à 1996 ; un niveau d'engagement normal de 80 milliards a été retrouvé ; les reports de charges générateurs d'intérêts moratoires passent, sur les titres V et VI, de 5,8 milliards à 1,1 milliard ; les intérêts moratoires diminuent de 55 % pour s'établir à 361 millions contre 812 millions en 1996, année record.

J'insisterai également sur l'amélioration de l'efficacité de la dépense publique d'investissement. C'est en 1997 qu'ont été définies les bases de la réforme de la gestion des crédits d'équipement, appliquée dès 1998, avec l'installation d'une comptabilité spéciale des investissements. La passation des premières commandes globales pluriannuelles en 1997, pour 11 milliards, représente un autre progrès. On observe en revanche un important accroissement des reports de charges sur le titre III à l'issue de l'exercice 1997. Ils s'élèvent à 3,2 milliards dont 1,9 milliard au titre des rémunérations et des charges sociales. Le fait mérite d'autant plus d'être noté qu'au cours de l'exercice 1997, 2,2 milliards ont été débloqués pour financer les insuffisances de gestion constatées tant dans les dépenses de rémunération que dans celles de fonctionnement.

Ce constat me conduit à poser à nouveau la question du financement des opérations extérieures. Le système des fonds d'avance doit être maintenu, mais mieux contrôlé et une réforme est indispensable.

En conclusion, je soulignerai qu'une fois encore, l'analyse spécifique des dépenses militaires à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement, auquel la commission de la défense a donné un avis favorable, permet de mettre en lumière des questions de fond. Je prendrai pour seul exemple le financement des opérations extérieures, dont il est inutile de souligner l'actualité.

M. Jean-Claude Lefort - Nous ne pouvons que partager le point de vue du rapporteur général lorsqu'il estime que l'examen d'une loi de règlement est trop souvent considéré comme un exercice rituel et qu'il convient de s'interroger sur l'usage que font les parlementaires de ce qui demeure un instrument privilégié de contrôle du bon usage des fonds publics.

Tout ce qui peut favoriser la qualité de ce contrôle doit être encouragé. A cet égard, le fait que le pré-rapport de la Cour des comptes sur la loi de finances pour 1998 ait été mis à disposition des parlementaires quelques jours avant le débat d'orientation budgétaire est à saluer.

Dans le même esprit, la création d'une mission d'évaluation de la dépense publique est essentielle.

La loi de règlement permet de mesurer si les objectifs affichés dans le projet de loi de finances ont bien été atteints, et il est important que le Parlement puisse valider les annulations, mais aussi les ouvertures et les transferts de crédit décidés par le Gouvernement.

Si des adaptations sont inévitables, nous attirons une nouvelle fois l'attention sur les mesures dites de régulation budgétaire qui, si elles sont utilisées de manière abusive, peuvent dénaturer profondément le choix de la représentation nationale. Comment ne pas considérer comme hautement contestables les gels de crédits décidés, comme c'est souvent le cas, quelques jours seulement après l'adoption du budget !

La loi de finances pour 1997 n'a pas fait exception. La régulation budgétaire, comme le note le rapport, a même constitué la principale caractéristique de la gestion du Gouvernement de M. Juppé pendant les cinq premiers mois de 1997. Le gel a porté sur 9,9 milliards de francs dont 8,1 milliards de francs pour les budgets civils et 1,7 milliard de francs pour les services militaires. Ce sont des sommes considérables.

De telles mesures portent objectivement atteinte aux prérogatives budgétaires d'un Parlement dont les droits sont déjà si fortement restreints par le fameux article 40.

Nous ne pouvons donc que nous féliciter de la proposition faite par le groupe de travail sur l'efficacité et le contrôle parlementaire, de demander d'une part que le Gouvernement informe les commissions des finances des deux Assemblées préalablement à toute mesure de régulation budgétaire et, d'autre part, que le dépôt d'un projet de loi de finances rectificative soit rendu obligatoire au-delà d'un montant de modifications "très significatif" qui pourrait être fixé à 10 milliards de francs.

Le projet de loi de règlement donne une bonne image de la politique suivie de janvier à juin 1997 et des inflexions importantes apportées par la majorité nouvelle. La bonne tenue du budget 1997 n'est pas étrangère à la reprise de la croissance en France et en Europe, mais elle s'explique également par la politique conduite par le nouveau gouvernement à partir de juin.

Dès le 9 juillet 1997 un décret d'avance ouvrait un montant total de crédit de 9,966 milliards destiné à financer le quadruplement de la prime de rentrée scolaire, le programme en faveur des emplois-jeunes, et la revalorisation du barème des aides personnelles au logement.

Si ces ouvertures ont été gagées par un certain nombre d'annulations de crédit, l'adoption de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a permis de dégager 24 milliards, notamment par la surtaxe d'impôt sur les plus grosses entreprises.

Mais l'exercice budgétaire 1997 présente aussi des zones d'ombre. Si des mesures positives ont été prises dès le second semestre de 1997, l'obligation de contenir le déficit pour satisfaire aux critères de convergence n'est pas restée sans conséquences. Une relance plus affirmée, et notamment celle de la consommation populaire, aurait permis d'accélérer la dynamique de reprise. Le taux de croissance réalisé en 1997 s'établit à 2,2 %, soit à un niveau très légèrement en-deçà des hypothèses de croissance retenues par le gouvernement précédent.

Plus grave, l'équilibre budgétaire a été obtenu en poursuivant la réduction de dépenses d'investissements pourtant indispensables.

Le projet de loi de règlement en lui-même ne nous suggère aucune remarque particulière. L'examen de l'exercice budgétaire 1997 est par contre beaucoup plus stimulant ; il éclaire le bilan de la droite, mais confirme aussi la nécessité, si l'on veut gagner la bataille de la croissance et de l'emploi, d'approfondir le changement engagé en juin 1997.

Notre groupe votera bien entendu cette loi portant règlement définitif du budget 1997.

M. Gilles Carrez - Je pense, comme M. Migaud, qu'il faudrait pouvoir examiner la loi de règlement de l'année n avant le projet de loi de finances pour l'année n+2. La mission de réflexion sur l'efficacité de la dépense publique en a fait la proposition. J'ai bien noté les bonnes intentions du ministre en la matière : je souhaite qu'elles se traduisent rapidement en actes.

Ce qui est intéressant, c'est de mettre la loi de règlement de 1997 en perspective avec celle de 1993 car il a fallu quatre ans, précisément de 1993 à 1997, pour redresser la situation des finances publiques qui s'était beaucoup dégradée. L'année 1997 est aussi intéressante puisque le budget, préparé par l'ancien gouvernement, a été modifié puis exécuté par le nouveau gouvernement.

Le déficit prévisionnel s'élevait en 1997 à 284 milliards. C'est beaucoup. Encore faut-il se souvenir d'où nous étions partis. Le déficit que nous avions trouvé à notre arrivée en 1993 atteignait 340 milliards, sans parler de celui des comptes sociaux, de 100 milliards, et de celui de l'UNEDIC, de 50 milliards. Le redressement fut douloureux, d'autant plus douloureux que la gravité de la situation avait été mal appréciée au printemps 1993.

Le déficit de l'Etat, qui représentait 4,8 % du PIB en 1993, a été ramené à 4,6 % en 1994 puis progressivement à un peu plus de 3 % en 1997. Le déficit public total, quant à lui, est passé de 6 % du PIB en 1993 à 3,5 % en 1997 -je tiens compte dans ce dernier chiffre de la soulte de France Télécom. Cette performance est tout aussi remarquable, sinon plus, que celle de l'actuel gouvernement depuis 1997, dont se gargarisait tout à l'heure le ministre de l'économie.

En 1997, la situation des finances publiques avait été assainie, comme cela ressort d'ailleurs parfaitement du rapport Bonnet-Nasse. Ses auteurs notaient que la dérive constatée en cours d'exécution budgétaire pouvait être corrigée par des gels ou des annuités de crédit ne dépassant pas 10 à 20 milliards.

Messieurs, vous avez très habilement profité de cette situation (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur général - Il ne fallait pas dissoudre !

M. Gilles Carrez - Le gouvernement Juppé avait gelé, et non pas annulé, dix milliards de crédits, que vous avez donc pu utiliser qui à financer les emplois-jeunes, qui à revaloriser l'allocation de rentrée scolaire, qui à réviser le barème de l'APL... Vous avez eu en outre la chance de trouver dix milliards supplémentaires d'économies de constat, le précédent gouvernement ayant surestimé le service de la dette, n'ayant pas mesuré à leur juste valeur les effets de sa politique de réduction des taux.

Mme Béatrice Marre - La chance sourit aux audacieux !

M. Jean-Louis Idiart - C'est donc par pure générosité que vous nous avez laissé la place. Que c'est beau ! Nous sommes confus...

M. Gilles Carrez - Dans ces conditions, a quoi ont servi les mesures d'urgence à caractère financier et fiscal, les fameuses MUFF ? A accroître les dépenses budgétaires...

M. Michel Bouvard - Comme d'habitude !

M. Gilles Carrez - Si vous aviez été plus rigoureux, comme l'aurait été le précédent gouvernement, il aurait été possible de n'augmenter les impôts ni en 1997 ni en 1998. Vous les avez pourtant augmentés de 24 milliards, portant ainsi les prélèvements obligatoires à un niveau record. Mais vous avez été habiles en épargnant les entreprises réalisant moins de 50 millions de chiffres d'affaires. Les autres, quant à elles, se sont vues appliquer, pour prix de la qualification pour l'euro, une majoration de l'impôt sur les sociétés, alors présentée comme temporaire mais qui risque de durer. Les chefs d'entreprise n'ayant que peu protesté, vous avez pu engager le budget 1997 dans de bonnes conditions socialistes : dépenses publiques et impôts en augmentation, déficit public en légère diminution.

Au vu de cette loi de règlement 1997, j'éprouve quelques regrets (Rives et exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le budget 1997 ne valait pas une dissolution ! (Mêmes mouvements) La croissance était déjà de retour grâce à la conjoncture internationale et aux efforts réalisés par le précédent gouvernement. Et surtout, les déficits hérités de 1993 commençaient d'être apurés. Aussi si cette loi m'inspire quelque amertume, elle devrait vous inspirer reconnaissance.

Au nom du groupe RPR, je voterai contre pour une seule raison : l'augmentation massive d'impôts décidée à l'automne 1997 était vraiment inutile (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Louis Idiart - La préparation du budget 1997 avait donné lieu à de magnifiques leçons d'économie de la part de la droite, qui excelle en théorie, moins en pratique. Le professeur Arthuis, sous le contrôle du recteur Juppé, évoquait un budget de rigueur, rendu nécessaire par le laxisme des socialistes et la situation calamiteuse laissée par le gouvernement Balladur et M. Sarkozy.

Entre 1993 et 1997, la politique économique des gouvernements successifs a étouffé la consommation. La droite avait choisi d'aider massivement les ménages les plus aisés et les entreprises sans exiger d'elles des contreparties en emplois.

Malgré la reprise internationale, ni les comptes publics ne se sont améliorés, ni le chômage n'a diminué.

La crainte de mauvais résultats économiques à l'approche des élections législatives prévues en 1998 a conduit le Président de la République à dissoudre l'Assemblée nationale. Soit le gouvernement Juppé ne croyait pas en sa politique, soit il n'était pas très clairvoyant en matière économique, peut-être les deux. A moins que l'on ait redouté un débat national sur l'euro et l'Europe avant les élections.

L'actualité immédiate nous montre que les craintes de l'époque étaient fondées. La dissolution ratée n'a fait que les exacerber pour aboutir au désastre d'aujourd'hui.

L'élection d'une nouvelle majorité et l'avènement du gouvernement Jospin ont au contraire permis d'adopter de premières mesures qui ont accéléré la reprise de l'économie, la croissance étant au rendez-vous.

En juillet 1997, sans tenir compte de la soulte de France Télécom, la dérive par rapport aux prévisions s'établissait entre 35 et 50 milliards dont une trentaine sur le seul budget de l'Etat.

Au total, la loi de règlement fixe le déficit budgétaire à 267 milliards contre 284 en loi de finances initiale. La droite explique certes que le gouvernement Jospin n'a fait qu'engranger les bénéfices de la politique des deux gouvernements précédents. Dans ce cas, pourquoi avoir dissous ?

En réalité, c'est bien parce qu'une autre politique a été menée que la situation s'est améliorée. Le renforcement du pouvoir d'achat des ménages aux revenus moyens et modestes a permis d'enclencher un cercle vertueux de croissance. Une action équilibrée sur les dépenses et les recettes a permis de redresser les finances publiques. Les grandes entreprises qui réalisent des bénéfices et toutes celles qui réalisent des plus-values financières ont été mises à contribution. La majoration temporaire de l'IS n'a pas pénalisé les PME, tout en stoppant la dérive qui interdisait la qualification pour l'euro.

Parallèlement, le Gouvernement finançait les premiers emplois-jeunes, la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, un programme de réhabilitation de logements sociaux, la revalorisation des allocations logements. Autant de mesures à l'opposé de celles prises par le gouvernement Juppé en 1995 où les ménages ont subi de plein fouet la hausse de la TVA et les entreprises bénéficié d'allégements de charges sociales.

Le Gouvernement et sa majorité ont su combiner réduction des inégalités et relance économique.

Nous voterons cette loi de règlement, qui marque une nouvelle orientation et une nouvelle chance pour la France. Nous l'avons prouvé, efficacité économique et solidarité ne s'opposent pas, mais se complètent.

M. Gilbert Gantier - Le Gouvernement était tenu par l'article 38 de l'ordonnance du 2 janvier 1998 de nous présenter plus tôt ce projet de loi de règlement.

D'ailleurs, le premier président de la Cour des comptes nous a dit en commission qu'il souhaitait ramener à un an le délai d'examen de ces lois. Il nous a même fait rêver en nous révélant qu'à Singapour, le budget est exécuté en temps réel, si bien que la loi de règlement intervient le 31 décembre à minuit...

Elaboré par la précédente majorité, le budget pour 1997 a été exécuté à partir de juin par le gouvernement Jospin. L'examen de ce projet nous donne donc l'occasion de dresser un premier bilan.

Alors que le précédent gouvernement avait programmé une diminution de l'impôt sur le revenu et réduit les dépenses en vue de qualifier la France pour le passage à l'euro, les socialistes n'ont rien eu de plus pressé que d'annuler les baisses d'impôt prévues et d'augmenter l'impôt sur les sociétés au moyen de la surtaxe Jospin. Vous avez ainsi alourdi de 20 milliards les prélèvements obligatoires.

En 1996, quand a été élaboré le projet de budget pour 1997, la croissance était limitée, de l'ordre de 1,2 %. A la fin de 1997, la croissance observée s'élevait à 2,2 %. Qui peut s'attribuer la paternité du retour de la croissance ? C'est là tout l'enjeu de notre débat.

Suite au nécessaire assainissement des finances publiques auquel nous avions procédé depuis 1993, notre pays partait sur des bases saines pour 1997. Dans notre loi de finances initiale d'ailleurs, la prévision de croissance était de 3,3 %. Ce n'est donc pas le retour des socialistes qui a miraculeusement ramené la croissance.

Notre politique s'était traduite par une diminution du besoin de financement des administrations, le déficit passant de 4 % du PIB en 1993 à 3 % en 1997.

Comment s'est traduite l'arrivée du nouveau gouvernement sur la loi de finances en cours d'exécution ? Par des dépenses supplémentaires ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) En effet, votre loi de finances rectificative a autorisé 47,7 milliards de dépenses, soit une hausse de 4,8 % par rapport à la loi de finances initiale.

Vous avez beaucoup parlé du déficit, Monsieur le secrétaire d'Etat, mais vous avez oublié d'évoquer les dépenses.

Pour financer leur augmentation, vous êtes revenus sur la baisse de l'impôt sur le revenu, récupérant ainsi 3,5 milliards, et surtout vous avez créé la surtaxe Jospin, augmentant de la sorte l'impôt sur les sociétés de 20 %.

La répartition des dépenses elle-même est inquiétante : les crédits de fonctionnement ont augmenté inexorablement, avec une hausse de 2,5 % du poste "effectifs civils" et une hausse de 2 % du service de la dette. En revanche, les investissements ont reculé de 12 %. On peut donc parler d'une désépargne des administrations publiques.

L'examen de ce projet nous montre le caractère de plus en plus improductif de la dépense publique, ainsi que le gaspillage des acquis du précédent gouvernement. Il met en évidence votre gestion au fil de l'eau. Nous ne pouvons voter ce texte.

M. Charles de Courson - Ayant hérité d'un bon budget initial, vous l'avez mal exécuté, augmentant inutilement les prélèvements obligatoires de 21 milliards. Dans la loi de finances initiale, les prévisions de dépenses s'élevaient à 1 395 milliards. En exécution, le total est de 1 417 milliards. Contrairement à ce que vous avez déclaré, Monsieur le secrétaire d'Etat, nos prévisions étaient donc bonnes, car la différence de 21 milliards, correspond aux dépenses supplémentaires que vous avez financées par vos mesures d'urgence.

Mais 21 milliards, c'était 0,3 point de PIB. Le niveau des prélèvements obligatoire aurait pu rester stable si vous n'aviez pas pris ces mesures.

S'agissant des dépenses, vous êtes passé maître, Monsieur le secrétaire d'Etat, dans la manipulation des documents budgétaires. Selon le projet de loi de règlement en effet, les dépenses n'auraient augmenté que de 1 %, passant de 1 902 milliards en 1996 à 1921 milliards en 1997. C'est tout de même 1 %, alors qu'elles ne devaient pas augmenter, d'après la loi de finances initiale.

M. le Rapporteur général - Vous ne teniez jamais vos prévisions !

M. Charles de Courson - En réalité, les dépenses ont augmenté de 3,7 %, car il faut aussi prendre en considération celles des comptes d'affectation spéciale, passées de 34 milliards en 1996 à 87 milliards !

D'où vient cette hausse de 53 milliards ? Vous avez tout simplement profité des recettes des privatisations, ce qui est grave : vous avez vendu les bijoux de famille pour financer des dépenses de fonctionnement renouvelables ! Ce n'est pas moi qui l'affirme, mais la Cour des comptes.

Ainsi, vous avez versé 13,5 milliards à l'EPFR pour payer des intérêts de retard. Fin 1997, il vous restait à acquitter 8,5 milliards d'impayés à cet organisme.

S'agit-il d'une dotation en capital ? Non. C'est une dépense de fonctionnement, qui aurait dû être inscrite au titre premier de la loi de finances.

Quant aux 8 milliards de dotation en capital de RFF, ils n'ont pas servi à investir mais à combler en partie le déficit qui était supérieur à 10 milliards en 1997 et de 13 milliards en 1998 ! Ajoutons la dotation en capital de charbonnages de France dont la subvention baisse de 3,5 milliards au budget général, la "recapitalisation" de GIAT. Autant de dissimulations.

Les dépenses au titre du budget général et des comptes d'affectation spéciale sont passées de 1 936 milliards en 1996 à 2 008 milliards en 1997, soit une progression de 3,7 % alors que le PIB augmentait de 3,4 ou 3,5 %. Cette loi de règlement officialise la dérive de la dépense publique.

Les prélèvements obligatoires ont-ils augmenté de 0,3 % en 1997 ? Oui. Avez-vous promis de diminuer leur part dans le PIB de 0,2 % en 1998 ? Oui. Mais vous saviez dès octobre 1998 que ce ne serait pas possible car même si votre hypothèse d'un taux de croissance du PIB s'était vérifié, vous saviez alors que l'inflation ne serait pas de 1,3 %. Mécaniquement, les prélèvements obligatoires ne diminueront pas en 1999. Vous l'avez reconnu -discrètement- dans votre rapport.

Une augmentation de 0,3 % puis deux fausses annonces d'une diminution de 0,2 %. Vous n'êtes pas crédible ! Le groupe UDF ne votera pas cette loi de règlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. le Secrétaire d'Etat - C'est l'heure des comptes de fée !

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle les articles.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 et le tableau A annexé, l'article 3 et le tableau B annexé, l'article 4 et le tableau C annexé, l'article 5 et le tableau D annexé, l'article 6 et le tableau E annexé, l'article 7 et le tableau F annexé, l'article 8 et le tableau G annexé, l'article 9 et le tableau I annexé, les articles 10 et 11, successivement mis aux voix, sont adoptés.

APRÈS L'ART. 11

M. Charles de Courson - Nous en sommes tous d'accord, la loi de règlement devrait être l'occasion de contrôler l'exécution des dépenses et les rapporteurs spéciaux devraient pouvoir mieux s'appuyer sur les travaux de la Cour des comptes pour exercer un contrôle effectif. Dans cet esprit, j'avais fait adopter en 1997 par l'Assemblée unanime contre la volonté du Gouvernement cet amendement devenu l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 1997 : "Les communications visées à l'article L. 135-1 du code des juridictions financières sont transmises pour information aux présidents des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat dès lors qu'elles sont devenues définitives."

Le président Bonrepaux n'a pas réussi à le faire appliquer. Nous n'avons pas eu l'ensemble des notes du parquet, les référés, les lettres du président.

Le président Joxe m'a dit que cet article 45 était mal rédigé, parce qu'on y mentionne le caractère définitif des communications.

Je vous propose donc d'adopter l'amendement 1 rectifié suivant :

@LISTE = I - Dans l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 1997 (no 97-1239) du 29 décembre 1997, après le mot "information," sont insérés les mots "tous les six mois, accompagnées des réponses de leurs destinataires".
II - A la fin du même article, sont supprimés les mots ", dès lors qu'elles sont devenues définitives".

Les réponses des ministres constitueraient une véritable mine pour les rapporteurs spéciaux. Ils pourraient mettre le Gouvernement devant ses responsabilités. Si la démocratie meurt à petit feu, c'est aussi que le Parlement ne remplit pas sa mission de contrôle.

M. le Président de la commission - J'apprécie peu les leçons que M. de Courson vient nous donner à 2 heures du matin alors que tout à l'heure il n'était pas présent en commission. Y a-t-il un rapporteur spécial qui n'ait demandé, par mon intermédiaire, des documents de la Cour des comptes et qui ait essuyé un refus, dès lors que la Cour avait terminé ses investigations ? C'est un faux procès. Si vous voulez jouer au député irréprochable, Monsieur de Courson, commencez par être présent en commission.

M. le Rapporteur général - La commission des finances a émis un avis défavorable. Nous avons adopté votre amendement il y a deux ans, car nous partagions cette préoccupation. Aujourd'hui nous avons engagé une réflexion avec la Cour des comptes pour améliorer le contrôle du Parlement sur l'exécution de la loi de finances et des propositions seront présentées rapidement.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement part d'une intention louable : améliorer l'information du Parlement et renforcer ses pouvoirs de contrôle en lui facilitant l'accès aux documents de la Cour des comptes. Le Gouvernement est favorable aux démarches entreprises par le Président de l'Assemblée en ce sens et il a le plus grand respect pour les travaux de la Cour des comptes, mais il juge la précédente proposition inopportune. En effet, comme le sait d'ailleurs M. de Courson, il existe une disposition qui permet au Premier président de la Cour des comptes de porter à la connaissance des commissions des finances du Parlement les constatations et observations de la Cour. Cette transmission est de droit lorsqu'il n'a pas été répondu dans un délai de six mois aux observations faites par la Cour au ministre. En outre, une seconde disposition oblige la Cour à procéder aux enquêtes demandées par les commissions des finances sur la gestion des services et organismes qu'elle contrôle.

Enfin, M. Joxe, Premier président, lorsqu'il est intervenu devant le groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique, a fait valoir que les magistrats disposeraient d'une liberté de critique moindre si leurs observations devaient être systématiquement rendues publiques. Gardons-nous donc des excès de zèle.

M. Charles de Courson - Monsieur le Président de la commission des finances, vous ne m'aviez pas habitué à ce genre de propos : n'avez-vous pas déclaré à la commission que j'étais l'un de ses membres les plus assidus ? Et si j'étais absent à la dernière réunion, c'est que j'étais retenu dans ma circonscription par l'inauguration d'une usine que j'ai contribué à installer ! Vous feriez donc mieux de vous en prendre aux 565 députés qui ne participent pas à nos travaux ce soir...

Sur le fond, le problème n'est pas qu'on ne nous ait jamais refusé ce que nous demandions. L'article 45 pose l'automaticité de la transmission. Comment savoir qu'il existe un référé, une note du parquet ou un rapport, puisque nous n'avons pas accès à la base de données de la Cour des comptes ? Dès lors, la transmissions doit être systématique. Or l'article 45 n'est pas appliqué, ce qui me choque, moi. Nous devrions recevoir à peu près mille documents par an, ce qui nous permettrait de contrôler beaucoup mieux que nous ne pouvons le faire aujourd'hui !

Et contrairement à ce que vous dites, je n'ai pas critiqué les rapporteurs spéciaux : comment le pourrais-je puisqu'ils ignorent l'existence de cette mine d'informations. Moi-même, ce n'est que parce que je reçois le fascicule de la Cour comme ancien membre de celle-ci, que j'ai pu exiger communication d'un référé.

L'argument selon lequel une transmission systématique conduirait les rapporteurs de la Cour à se censurer est un argument éculé, utilisé par tous vos prédécesseurs et par tous les Premiers présidents : je m'étonne que vous y recouriez, d'autant qu'aux termes de l'article 47 de la Constitution, la Cour doit assister le Parlement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances !

M. Jean-Jacques Jegou - L'heure tardive a peut-être conduit MM. Bonrepaux et Migaud à tenir à l'endroit de M. de Courson des propos regrettables mais notre collègue n'avait pas bénéficié de la même sollicitude que les députés de la majorité, pour qui l'on a modifié l'ordre du jour ! Il nous arrive à tous d'être obligés d'être présents dans nos circonscriptions et l'attaque de MM. Bonrepaux et Migaud était donc tout à fait inopportune.

L'amendement 1 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Charles de Courson - Je défendrai ensemble tous mes autres amendements car ils ont trait au même problème, soulevé depuis plus de vingt ans par la Cour des comptes et par moi-même depuis six ans : celui des prélèvements sur recettes, présentés sous une forme contractée en violation du principe d'unité de la loi de finances.

L'amendement 2 concerne la DGF, dont la Cour rappelle cette année encore qu'il s'agit d'une dépense de l'Etat qui devrait être inscrite au budget du ministère de l'intérieur, et non d'un prélèvement sur les recettes de TVA comme sa présentation tend à le faire croire.

Le problème est le même avec la dotation spéciale pour le logement des instituteurs, dont traite l'amendement 4, avec la dotation "élu local", visée par l'amendement 9, et avec le prélèvement sur le produit forfaitaire des amendes de police, qui fait l'objet de l'amendement 3. Tout cela n'a rien à voir avec des prélèvements sur recettes !

L'amendement 10 concerne la dotation au profit de la collectivité territoriale et des départements de Corse, qui devrait être imputée sur le titre IV du budget de l'intérieur ; le 6 à la dotation de compensation de la taxe professionnelle, le 11 à la compensation de la suppression de la part salaire de cette même taxe, qui est sans conteste une charge permanente, et le 8 les compensations d'exonération, relatives à la fiscalité locale.

Cette présentation artificieuse, qui porte d'ailleurs sur des masses financières considérables, nuit à la clarté du budget : on a même vu des gouvernements transformer des dépenses du budget général en prélèvements pour donner l'illusion que le budget croissait moins qu'en réalité !

M. le Rapporteur général - Nous connaissons bien ces amendements, qui illustrent la continuité d'une conviction et d'un effort. Une fois n'est pas coutume, je reprendrai ici les propos de mon prédécesseur, M. Auberger qui, après avoir rendu hommage au travail de notre collègue, relevait que ces amendements visant à donner suite à des observations invariables de la Cour des comptes, concernaient des prélèvements sur recettes qui ne sont contraires ni à la Constitution ni à l'ordonnance organique. Surtout, ces prélèvements offrent aux parlementaires la possibilité de présenter des amendements dans les domaines concernés. En attendant une modification de l'ordonnance organique, que nous souhaitons et qui permettrait aux parlementaires d'opérer des compensations entre dépenses publiques, cette série d'amendements apparaît inopportune.

J'observe au passage que, par inadvertance peut-être, notre collègue a oublié cette fois le prélèvement au profit des Communautés européennes.

M. le Président de la commission - Si les amendements étaient adoptés, je serais obligé d'appliquer l'article 40 et nous serions empêchés de présenter le moindre amendement relatif à la DGF, par exemple ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF)

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable également.

M. Charles de Courson - C'est volontairement que je n'ai pas déposé d'amendement sur le prélèvement européen : c'est peut-être le seul qu'il faut laisser en l'état. Au reste, que vous votiez ce prélèvement à la hausse ou à la baisse, vous serez obligé de le payer, en application d'un traité.

M. Jean-Claude Lefort - En effet.

M. Charles de Courson - L'argument sur la DGF ne tient pas pour les neuf autres amendements. La seule question est de savoir si l'on veut ou non faire la clarté.

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 4, 9, 3, 10, 5, 6, 11, 7 et 8, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les articles 12 et 13, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 2 heures 15, le vendredi 18 juin, est reprise à 2 heures 25.


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TAUX DE TVA RÉDUIT

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Didier Migaud et plusieurs de ses collègues sur la proposition de directive du Conseil concernant la possibilité d'appliquer à titre expérimental un taux de TVA réduit sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances  - L'opposition, qui est toujours intéressée par la TVA, au point de l'avoir augmentée de 60 milliards quand elle était au pouvoir, a souhaité que nous parlions aujourd'hui, de notre volonté de la baisser. Soit !

La proposition de résolution que j'ai déposée le 8 avril avec l'ensemble des membres du groupe socialiste et apparentés, et que la commission des finances a adoptée le 11 mai, porte sur la proposition de directive de la Commission européenne du 17 février 1999 tendant à autoriser les Etats membres à soumettre au taux réduit de TVA certains services à forte intensité de main-d'oeuvre.

Cette proposition de directive était très attendue par la France. En effet, nous voulons diminuer la fiscalité qui pèse sur les ménages afin de soutenir la consommation et la croissance, et il nous parait normal de porter nos efforts sur un impôt dégressif, donc injuste.

Il nous a semblé, néanmoins que nos objectifs ne pourraient être atteints en revenant sur le relèvement du taux normal de 18,6 % à 20,6 %, décidé à l'été 1995. La mise en oeuvre de baisses ciblées nous paraît préférable ; en dix-huit mois, nous avons déjà consacré 13 milliards à cette politique.

La poursuite de celle-ci, son amplification, se sont cependant heurtées au droit communautaire, qui a singulièrement limité les marges de manoeuvre des Etats membres. Certes, des baisses de TVA restent possibles : je pense à certains produits alimentaires, au droit d'utilisation des installations sportives, aux protections pour incontinence adulte... Il me semble aussi, comme à notre collègue Jean-Louis Bianco, qu'il faudra revoir le régime de TVA du bois de chauffage et des abonnements d'énergie calorifique. Il reste que notre pays a déjà largement exploité la liste de biens et services pouvant être soumis, dans l'Union européenne, au taux réduit de la TVA. Il nous fallait donc oeuvrer en faveur d'un assouplissement des contraintes communautaires.

Nous demandons tout d'abord au Gouvernement de travailler pour l'adoption rapide de cette proposition de directive. Il a plaidé dans ce sens lors du conseil Ecofin du 25 mai et à l'occasion du conseil européen de Cologne.

En second lieu, nous lui suggérons quelques ajustements techniques. Il s'agit, comme le Parlement européen l'a lui-même demandé, de faire en sorte que l'autorisation donnée à un Etat de mettre en oeuvre une baisse de TVA soit décidée à la majorité qualifiée plutôt qu'à l'unanimité, et de préserver le droit pour l'Etat de revenir à tout moment sur cette mesure.

Enfin, nous indiquons au Gouvernement quel est, selon nous, le meilleur champ d'application pour une baisse de la TVA. Cependant, nous ne sommes pas totalement libres de nos propositions car les services éligibles doivent répondre à certaines conditions et les baisses de TVA ne doivent pas créer des distorsions de concurrence.

Il faut aussi rappeler que l'objet de cette directive est de mesurer, sur trois ans, les effets sur l'emploi de baisses ciblées de TVA. Avant le 1er septembre, les gouvernements devront indiquer à la Commission européenne quelles mesures ils entendent mettre en oeuvre le 1er janvier 2000. Il ne s'agit pas de présenter une liste de services dans laquelle nous pourrions piocher au cours des années à venir mais de dire ce que nous voulons faire dans quelques mois, de manière précise. Ceux qui prétendent que nous pourrons alors baisser la TVA d'un seul coup de 40 ou 50 milliards ne me semblent pas sérieux. Ils oublient, d'ailleurs, que si tel était le cas, nous pourrions alors réfléchir à une baisse du taux normal... Je ne pense pas que le Parlement se grandirait en formulant de propositions irréalistes.

Au nombre des propositions les plus fréquemment évoquées figurent les services rendus aux personnes sous forme d'aides à domicile, qui visent au développement du travail féminin et au maintien à domicile des personnes âgées, dépendantes ou handicapées.

L'on ne peut évoquer, année après année, les perspectives de développement du secteur des services aux personnes et refuser toute initiative destinée à donner corps à ce projet. Nous sommes donc favorables à cette mesure dont le coût serait pratiquement nul pour le finances publiques. Néanmoins, nous avons souhaité que soit prise en compte l'inquiétude réelle de certaines associations, très actives sur ce marché, qui redoutent des substitutions d'emplois sinon des évictions. Il nous paraît raisonnable de demander au Gouvernement de mesurer les effets de l'assujettissement au taux réduit de ces services sur l'offre associative, car il faut pouvoir encourager un nouveau secteur sans fragiliser celui qui existe.

Une autre proposition vise la restauration. Je comprends cette demande : les effets sur l'emploi et la croissance d'une telle baisse de TVA pourraient être sensibles et, de surcroît, la restauration traditionnelle, assujettie aux taux normal, souffre de la concurrence de la restauration rapide, spécialisée dans les ventes à emporter, qui bénéficie du taux réduit. Si nous n'avons pas fait le choix prioritaire de la restauration, c'est que des raisons juridiques, budgétaire et économiques s'y opposaient. J'ai d'ailleurs constaté qu'aucun amendement en ce sens n'avait été déposé à ce sujet.

M. Julien Dray et Michel Bouvard - Si ! En commission.

M. le Rapporteur général - En tout cas, ils n'ont pas été repris. Chacun connaît, en effet, les raisons qui s'y opposent. Elles sont d'abord juridiques, car la restauration ne figure pas sur la liste des biens et services qui peuvent être soumis au taux réduit de la TVA. Les Etats membres qui appliquent un taux réduit à la restauration, soit sept sur quinze, sont ceux qui le faisaient déjà au 1er janvier 1991, et la France ne peut les imiter.

On pourrait bien sûr considérer que la baisse de la TVA sur la restauration pourrait s'inscrire dans le cadre de l'expérimentation proposée sur les services à forte densité de main-d'oeuvre. Mais ce n'est pas certain du tout. Dans une lettre adressée, le 17 juillet 1998, au ministre français de l'économie, le commissaire européen Mario Monti estimait ainsi que le secteur de la restauration ne pourrait pas faire partie des activités concernées par l'expérimentation.

Il est vrai qu'entre-temps, le texte proposé par la Commission européenne a évolué et qu'il n'y a plus de liste limitative de services pouvant être soumis au taux réduit. Mais, sur le fond, les conditions d'éligibilité sont les mêmes.

Il existe donc un doute incontestable, ce qui ne plaidait pas en faveur de cette proposition, mais il faut être clair : d'autres raisons, au moins aussi importantes, nous ont conduits à ne pas faire le choix de la restauration. Ce sont, en premier lieu, des raisons budgétaires car le coût de la baisse de TVA serait de 22 milliards. Je sais que parmi ceux qui, hier, augmentaient massivement la TVA, nombreux sont ceux qui proposent aujourd'hui de la diminuer tout aussi massivement (Protestations sur les bancs du groupe DL). Mais ces propositions me semblent un peu faciles, et nous avons souhaité faire preuve de réalisme et d'esprit de responsabilité, et dire qu'une baisse de TVA sur la restauration et sur les travaux dans le bâtiment, ce n'est pas possible.

Il y a, aussi, des raisons économiques. Il apparaît en effet qu'à un coût moindre, certaines baisses de TVA auraient un effet supérieur sur l'emploi et l'activité.

Dans ces conditions, le secteur de la restauration reste une priorité, à moyen terme, dans le cadre d'une politique d'atténuation du poids de la TVA. Dans l'immédiat, chacun doit reconnaître que la suppression progressive de la part salariale de la taxe professionnelle ou les mesures annoncées sur l'allégement des cotisations sociales patronales auront des effets positifs pour les entreprises de restauration.

En fait, le choix des travaux de grosses réparations, d'amélioration et d'entretien dans l'habitat apparaît prioritaire.

Tout d'abord, il est cohérent avec les orientations passées de notre commission et de l'Assemblée, qui avaient désigné le secteur du bâtiment comme la cible privilégiée d'une baisse de la TVA lors du dernier débat budgétaire.

Ensuite, sur le plan juridique, il semble acquis que cette mesure entre dans le cadre des baisses de TVA autorisées puisqu'elle est citée, à titre d'exemple, dans l'exposé des motifs de la proposition de directive.

Par ailleurs, sur le plan budgétaire, le coût net de cette mesure, bien que significatif, sera inférieur à celui d'une baisse d'un point du taux normal de la TVA ou du passage de la restauration au taux réduit. On peut en évaluer le coût brut à 21 milliards, mais la suppression corrélative de certains avantages relatifs à l'impôt sur le revenu permettrait de réaliser, avec un décalage dans le temps d'une année, une économie de quelque 8 milliards. Il convient également de prendre en compte les rentrées fiscales supplémentaires qui résulteraient des effets de la mesure sur l'emploi.

Sur le plan économique, enfin, l'assujettissement au taux réduit des travaux dans l'habitat ancien serait sans doute la mesure susceptible de produire les effets les plus significatifs sur l'activité et l'emploi.

Je vous invite donc à adopter cette proposition de résolution qui marque notre volonté de réduire la TVA de manière ciblée et je réitère devant le ministre mon souhait que la baisse de la TVA sur les travaux dans l'habitat constitue l'une des mesures fiscales significatives du projet de loi de finances pour 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne - Je souhaite que M. le Président se fasse notre interprète à tous pour déplorer auprès de la Conférence des présidents qu'un débat d'une telle importance doive se dérouler à une heure aussi avancée de la nuit.

L'importance du débat tient à ce que si un accord se fait dans l'hémicycle, le Gouvernement pourra continuer de s'employer à obtenir du Conseil des ministres de l'Union une réduction du taux de TVA pour les activités de rénovation et d'entretien dans le bâtiment.

La démarche avait été engagée lors de la discussion de la loi de finances pour 1999. Le Gouvernement s'était alors engagé à obtenir une réponse de la Commission de Bruxelles et à défendre cette idée auprès des gouvernements des autres Etats membres. A quelques semaines du conseil européen du 12 juillet, il est important que le Gouvernement puisse faire état de l'accord, que j'espère unanime, de la représentation nationale.

D'autres secteurs que le bâtiment auraient certes pu prétendre à une telle mesure. mais, dans la discussion difficile qui va s'engager avec nos partenaires, il importait de concentrer l'effort sur un seul objectif. La délégation auprès de l'Union européenne en est convaincue, qui a soutenu la proposition de résolution à l'unanimité, persuadée que ce secteur doit être retenu en priorité car la réduction du taux de TVA, si elle était adoptée, permettrait à la fois la création d'emplois et la diminution du travail clandestin.

Je comprendrais très bien que certains d'entre vous puissent défendre l'intégration de tel ou tel autre secteur d'activité. J'appelle toutefois votre attention sur l'importance d'une position unanime de l'Assemblée sur cette proposition de résolution. Comme l'a souligné M. Migaud, si nous ratons le coche du prochain conseil Ecofin du 12 juillet, le mesure ne pourra pas entrer en vigueur dès la prochaine loi de finances. Le Parlement européen, à l'initiative de son groupe socialiste, s'est déjà prononcé. La position du gouvernement français a déjà été exposée deux fois au conseil des ministres. Dans la mesure où celle-ci suscite des réticences, même si nous ne sommes pas seuls à la défendre, un vote unanime de l'Assemblée renforcerait la position de la France dans les négociations communautaires.

La France a marqué un premier pas au sommet de Luxembourg, un deuxième au sommet de Cologne, sans doute moins important que nous l'aurions souhaité, pour réorienter la construction européenne vers l'emploi. Il faut poursuivre dans cette voie et permettre que le conseil du 12 juillet prochain adopte ces mesures. C'est pourquoi nous vous soumettons une proposition de compromis qui a reçu l'aval de tous les groupes de la Délégation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Julien Dray - Je demande la parole pour un rappel au Règlement.

J'ai, pour ma part, toujours combattu la hausse de la TVA et j'ai depuis longtemps demandé à la commission des finances, où je ne siège pas, d'intégrer le secteur de la restauration dans la directive.

Enfin, je souhaiterais connaître le coût de la mesure pour l'Etat. Un rapport commandé par le ministère l'évaluait pour le secteur de la restauration à 1,5 milliard.

M. le Président - Cela n'a rien à voir avec un rappel au Règlement.

M. Julien Dray - Cela permet d'éclairer la suite du débat ! (Sourires)

M. Jacques Barrot - J'ai toujours été favorable à l'idée de baisses ciblées de TVA que je tiens pour l'une des mesures les plus favorables à l'emploi.

S'agissant de cette proposition de résolution, j'approuve que la Délégation et la commission des finances aient souhaité substituer à l'unanimité requise par la directive le vote à la majorité qualifiée. J'approuve également la possibilité donnée aux Etats de revenir à tout moment sur leurs décisions.

Une baisse de TVA dans le secteur des services à la personne serait l'un des plus sûrs moyens d'enrichir la croissance en emplois. Dans le secteur du bâtiment, elle permettrait de faire disparaître le travail clandestin.

Elle devrait aussi pouvoir s'appliquer au secteur de la restauration. D'une part, il répond parfaitement aux critères fixés par la Commission. C'est un secteur à forte intensité de main-d'oeuvre, susceptible d'intégrer des personnes par ailleurs peu employables, qui fournit directement ses produits au consommateur final, et dans lequel cette baisse de TVA ne créerait pas de distorsions de concurrence. Vous-même, Monsieur le secrétaire d'Etat, reconnaissiez le 25 octobre dernier que le secteur de la restauration pourrait être intégré à la directive.

D'ailleurs, la Commission reconnaît elle-même dans un communiqué que les services du tourisme répondent aux exigences qu'elle a posées. Cette mesure, poursuit-elle, permettrait de mieux exploiter le formidable gisement d'emplois du secteur, notamment sur le plan local, mais aussi de réintégrer dans le circuit fiscal des entreprises tombées dans l'économie souterraine. Chacun sait que si les préfets ne fermaient pas les yeux sur le travail clandestin en saison sur les lieux touristiques, nombre d'établissements fermeraient, avec les conséquences que l'on sait sur l'emploi. Elu d'Auvergne, je sais que libérer la restauration des contraintes qui pèsent sur elle, et en premier lieu abaisser le taux de TVA qui s'y applique, donnerait, comme dans toutes les zones de montagne, des possibilités considérables de développement.

Par ailleurs, cette mesure contribuerait à réparer certaines injustices. Est-il normal que le salarié qui peut prendre son repas dans un restaurant d'entreprise paie une TVA moindre que le salarié d'une PME qui déjeune au bistrot du coin ?

En combinant diminution des charges et baisse de la TVA, on pourrait créer de nombreux emplois dans ce secteur - le rapport Picketty avait d'ailleurs montré qu'en l'état il était beaucoup plus facile de le faire aux Etats-Unis qu'en France.

Un taux moyen de 14 % n'exigerait pas des sommes considérables. Le Gouvernement pourrait, me semble-t-il, faire cet effort.

Sans souhaiter affaiblir la position de la France, le groupe UDF souhaite vivement que le secteur de la restauration soit intégré, fût-ce pour un palier intermédiaire.

M. Gilbert Gantier - M. Migaud a fait valoir que nous demandions aujourd'hui une baisse de TVA après avoir nous-mêmes augmenté cette taxe. Se souvient-il, et les députés de la majorité avec lui, que M. Barre diminua la TVA d'un point en 1979 et que deux ans après, le Gouvernement de M. Mauroy décida immédiatement de l'augmenter (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ces rappels historiques ne sont pas inutiles. Si la majorité plurielle a aussi mauvaise conscience sur le sujet, c'est sans doute aussi que M. Jospin avait promis de diminuer la TVA et qu'il ne l'a pas fait ! Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé hier que "les marges de manoeuvre budgétaires entretiennent une dialectique complexe avec les engagements politiques". Quel aveu !

Les baisses ciblées de TVA, dont l'idée a été lancée par le premier secrétaire du PS et reprise par l'ensemble des députés socialistes, constituent le cheval de bataille de la majorité en matière de baisses d'impôts. Elles ne peuvent toutefois suffire.

Pourquoi cette proposition de résolution aujourd'hui ?

Parce que cette réduction d'impôts chère aux socialistes est de plus en plus lourdement hypothéquée. Dans de récentes déclarations, le ministre s'est prononcé contre une baisse ciblée de TVA, en invoquant essentiellement des raisons budgétaires. La baisse de TVA prévue pour les travaux réalisés dans les logements coûterait 21 milliards. Il était plutôt favorable à une baisse de l'impôt sur le revenu. Mais votre majorité y est très hostile, considérant que c'est l'impôt le plus juste.

Autre hypothèque : le possible report du vote de la directive par le conseil Ecofin, qui se réunira le 12 juillet. En effet, l'Allemagne est hostile à la création de distorsions sectorielles de TVA.

Il s'agit de modifier la sixième directive TVA, dont l'annexe 4 ne soumettait qu'un nombre restreint d'activités au taux réduit.

Dans une approche qui relève moins de l'harmonisation que de la politique fiscale, la Commission a élaboré un projet de directive réservant le taux réduit aux services à forte intensité de main-d'oeuvre pour trois ans et à titre expérimental, le nombre d'emplois créés devant être déterminant pour la poursuite de l'expérience.

En fait, le Gouvernement tient un double langage. A Paris, vous évoquez, quoique prudemment, des baisses ciblées de TVA. A Bruxelles, en revanche, le Gouvernement se montre partisan de l'inertie. Vous ne voulez pas d'une harmonisation européenne, car vous savez qu'elle se ferait à la baisse (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Quant à cette proposition de résolution, Jacques Barrot a montré qu'elle était insuffisante. Hier, notre collègue Pierre Hellier a posé une question au Gouvernement sur l'extension du taux réduit à différents secteurs. Le ministre lui a répondu que la directive mentionnait les services à domicile, mais pas la restauration, ce qui est contraire à la réponse faite par la Commission européenne aux professionnels de ce secteur.

On nous opposera l'argument idéologique selon lequel une mesure en faveur de la restauration sur place ne profiterait pas aux consommateurs les plus modestes. Comme l'a souligné cependant M. Barrot, un ouvrier qui déjeune au café du coin est taxé à 20,6 %.

Autre insuffisance de votre proposition de résolution : elle se focalise sur le seul projet de directive de la Commission. Pourquoi ne pas aussi se référer à l'annexe H de la sixième directive pour réclamer l'application du taux réduit aux prestataires de services sportifs ?

Le plus sage aurait été de modifier la directive de 1977 relative au taux normal.

Nous pensons qu'il faut baisser le taux de la TVA, en particulier pour les activités de main-d'oeuvre. Cessez donc de répéter que nous l'avons augmenté : c'est un mauvais argument.

M. le Président de la commission - Cela vous fait mal...

M. Gérard Fuchs - S'il y a un domaine où la droite et la gauche se différencient nettement, Monsieur Gantier, c'est bien celui de la fiscalité. Le gouvernement Juppé, qui a prélevé 60 milliards supplémentaires sur tous les citoyens, pénalisant particulièrement les moins riches, s'apprêtait à diminuer de 75 milliards les prélèvements au titre de l'impôt sur le revenu, qui ne concerne qu'un Français sur deux. Si vous n'en tirez aucune conclusion, tant mieux pour nous : les prochaines élections nous seront encore plus favorables.

Le gouvernement Jospin, lui, a augmenté l'ISF et réduit les prélèvements sur les ménages de 15 milliards.

M. Michel Bouvard - 13 !

M. Gérard Fuchs - Une baisse générale de la TVA coûterait trop cher.

M. Gilbert Gantier - Dépensez moins ! Faites des économies !

M. Gérard Fuchs - Nous avons préféré des baisses ciblées et c'est ce qui a motivé l'intervention du président de la délégation pour l'Union européenne.

Avec de telles baisses, on peut faire de grandes et de petites choses. Les mesures les plus importantes coûteraient environ 20 milliards : baisse de la TVA sur la réparation et l'entretien des habitations ou sur la restauration. Si nous avons retenu la première possibilité, c'est parce qu'elle aura un effet important sur l'emploi. En outre, elle coûtera en définitive bien moins des 22 milliards en jeu -une dizaine peut-être- car elle permettra de supprimer un crédit d'impôt et accroîtra les recettes fiscales en faisant reculer le travail au noir.

Parmi les petites choses, peut-être pourrait-on faire bénéficier du taux réduit certaines associations, comme les communautés d'Emmaüs, qui assurent des activités d'insertion.

Je sais ce que vous allez me répondre, Monsieur le secrétaire d'Etat : vous êtes prêt à prendre de telles décisions, à condition de disposer des marges de manoeuvre nécessaires. Rassurez-vous, le groupe socialiste n'oublie pas les risques d'aléas économique, ni le coût du conflit au Kosovo. Mais vous êtes certainement convaincu, comme nous, qu'une bonne politique n'est pas seulement économique, mais aussi sociale et je sais que vous écouterez votre majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Bouvard - Le conseil Ecofin du 25 mai a ajourné l'adoption de la directive.

Le rapporteur général a bien voulu rappeler que c'était grâce à l'insistance du groupe RPR que cette proposition de résolution est venue en discussion.

M. le Président de la délégation pour l'Union européenne - Nous vous avons soutenus en Conférence des présidents.

M. Michel Bouvard - Dans sa déclaration de politique générale, M. Jospin avait promis des baisses de TVA. Le président de notre Assemblée s'est récemment déclaré favorable à de telles mesures, qui ont aussi l'accord du président de la commission des finances et du rapporteur général.

Aussi, Monsieur le secrétaire d'Etat, devez-vous être très heureux de voir ce texte inscrit à l'ordre du jour. J'espère que vous profiterez de ce débat pour répondre précisément à nos questions.

Comment expliquer cependant qu'en deux ans, vous n'ayez réduit le produit de la TVA que de 13 milliards ? Est-ce à cause de la conjoncture ? Le taux de croissance, même s'il commence à fléchir, a été de 3,2 % l'année dernière, ce qui a constitué le meilleur résultat depuis dix ans.

La situation budgétaire est-elle défavorable ? Nous l'avons assainie et vous poursuivez cet effort, à un rythme il est vrai moins soutenu.

Ou bien serait-ce que vous préféreriez diminuer d'autres impôts? C'est pourtant la baisse de la TVA qui semble avoir votre préférence : on sait ce qu'il est advenu de la réduction de l'impôt sur le revenu que nous avions programmée.

Il y a eu quelques baisses ciblées de TVA par exemple sur les abonnements EDF, mais pas d'allégements fiscaux majeurs.

Reste l'obstacle de la sacrosainte eurocompatibilité, que les ministres des finances utilisent désormais comme ils disaient auparavant "ça coûte trop cher". Mais le droit européen permet de baisser le taux de TVA. La Commission a élargi ces possibilités. Après cette ouverture nous avons été étonnés que la porte soit refermée au conseil Ecofin. Le ministre français s'est défendu, mais nous pensions que les ministres des finances étant de même sensibilité, on allait progresser. Nos espoirs ont été déçus. Pourtant la directive va dans le bon sens. Pourquoi en retarder les effets ?

Cette proposition apparaît comme un rappel à l'ordre de la majorité au Gouvernement. Nous y sommes favorables. Si d'autres allégements ne sont pas possibles, nous souscrirons à des baisses ciblées de TVA. Le faire pour le logement profitera au bâtiment. Nous l'avions proposé en 1998 pour les travaux de particuliers, vous l'avez fait en 1999. Nous sommes également satisfaits de la possibilité de récupérer la TVA en cas de réhabilitation de l'immobilier de loisir. Pour le bâtiment, le coût budgétaire est raisonnable. Pour les services à domicile la baisse de TVA compenserait la disparition d'autres allégements.

Reste bien sûr la restauration traditionnelle. Une baisse de TVA profiterait aux salariés qui déjeunent à l'extérieur mais non dans la restauration collective et dont 33 % sont des ouvriers et employés, 20 % des catégories intermédiaires. La baisse est également indispensable pour le tourisme. L'Italie, l'Espagne, la Grèce et le Portugal ont déjà des taux plus bas que les nôtres et les trois derniers pays les ont baissés après leur entrée dans l'Union européenne.

Le groupe RPR a déposé des amendements. Ils ont été repoussés. MM. Migaud et Bonrepaux s'en tiennent à un type de restauration qui n'est pas celui que nous espérions. Si la baisse ne peut être immédiate, il faut quand même essayer de profiter de l'ouverture faite par la Commission.

Lors de la séance de questions au Gouvernement du 3 mars dernier, vous m'aviez répondu que la restauration ne figurait pas dans le projet de liste de la Commission. Mais le 31 mai le directeur de la DG XXI a indiqué que ce secteur n'était pas exclu a priori. Surtout la communication de la Commission du 28 avril précise que le secteur du tourisme est concerné. Or la restauration en fait partie. Si l'on ne veut pas descendre jusqu'au taux réduit, qu'au moins on passe au taux de 14 %.

Le Gouvernement prend une position très rigide. Demandez au prochain conseil Ecofin d'inscrire la restauration traditionnelle sur la liste, et faites ensuite une évaluation du coût de la mesure. Ne pas le faire, c'est renoncer à tout changement pour les trois ans à venir.

Enfin, je souhaiterais qu'on demande l'inscription sur la liste du matériel de secours pour les recherches en montagne, qui est soumis au taux de 20,6 %.

Si le Gouvernement adopte une attitude favorable sur la restauration, nous voterons cette proposition. Sinon, sans voter contre pour ne pas affaiblir sa position à Bruxelles, nous serons contraints de nous abstenir.

M. Alain Barrau - Dommage que le Parlement ne vote pas à l'unanimité.

M. Jean-Claude Lefort - Une fois n'est pas coutume, la proposition de directive de la Commission commence par ces mots : "la lutte contre le chômage". Saluons cette modeste inflexion même si la politique de l'Union Européenne reste ultra-libérale.

L'application de taux réduits de TVA prévue par le conseil sur l'emploi de Luxembourg, en novembre 1997, serait une mesure parmi d'autres de relance de l'économie.

Malgré cela, la Commission -c'est plus fort qu'elle- a exprimé des réserves. Cette mesure pourrait entraîner une baisse des prix et stimuler la demande. Mais ces effets "sont loin d'être acquis" et le dogme reste "la réduction des charges pesant sur le facteur travail".

La mesure serait d'ailleurs appliquée à titre expérimental pour trois ans, avec un champ d'application strictement encadré.

La Commission se réserve, en outre, le droit de proposer au conseil d'interrompre l'expérience si celle-ci a des conséquences dommageables sur la concurrence. Le conseil en déciderait à la majorité qualifiée, alors qu'une dérogation devrait être accordée à l'unanimité.

L'unanimité se justifie pour des mesures fiscales qui seraient imposées à tous les Etats membres, mais pas pour "expérimenter", par dérogation au système commun de TVA, un taux réduit sur certains services.

C'est donc à juste titre que la résolution demande que cette dérogation soit décidée à la majorité qualifiée. Ce serait un juste retour, accroissant la liberté de manoeuvre des Etats membres.

Au reste, quand donc accordera-t-on au critère de l'emploi la même importance qu'à celui de la concurrence ? Quand verrons-nous la Commission demander suspension d'une décision économique qui compromettrait l'emploi ?

M. Alain Barrau - Très bien !

M. Jean-Claude Lefort - Les baisses de TVA sont justifiées parce qu'elles peuvent favoriser l'emploi et réduire la part de cet impôt injuste dans les recettes fiscales. D'autre part, l'application du taux réduit au secteur du bâtiment permettra de résorber le travail illégal et par conséquent d'accroître les rentrées fiscales.

Permettant de négocier des dérogations au cas par cas, cette directive contribue bien à un assouplissement des contraintes communautaires. Tout dépendra maintenant de la manière dont elle pourra être utilisée dans les prochaines lois de finances, si elle est adoptée. Par cette résolution, on nous propose de l'appliquer dès l'an prochain aux travaux de grosses réparations, d'amélioration et d'entretien de l'habitat. Pour les services aux personnes, on invite avec raison à ne pas défavoriser le secteur associatif.

Approuvant la démarche, nous voulons cependant espérer que des baisses de TVA pourront être programmées dans d'autres secteurs.

Les services concernés par cette mesure, en dehors de ceux que mentionne l'annexe H à la directive de 1992, ne sont pas énumérés dans une nouvelle liste exhaustive. Ils doivent seulement répondre à deux critères : être à forte intensité de main d'oeuvre et être fournis directement aux consommateurs finaux. Sont cités, à titre d'exemples, les services de proximité et d'aide à la personne, certains services écologiques, les prestations de réparations ou de rénovation d'immeubles anciens.

Mais ce ne sont que des exemples, qu'on ne peut invoquer pour exclure d'autres secteurs. Rappelons les termes du sixième alinéa de l'exposé des motifs de la proposition de directive : "les travaux menés à la suite de la communication de 1997 ont démontré la difficulté de dresser une liste limitative des services justiciables de ce taux réduit".

Mon ami François Liberti est intervenu récemment pour demander l'application de ce taux réduit au secteur de la restauration traditionnelle, taxée à 20,60 % par le gouvernement précédent. De fait, la mesure créerait des milliers d'emplois et alimenterait donc en retour les caisses de l'Etat. Baisser le taux de TVA, ce n'est pas qu'une dépense, c'est aussi une recette pour les comptes sociaux !

M. Michel Bouvard - En effet !

M. Jean-Claude Lefort - Dans sa réponse, le secrétaire à

l'industrie a fait valoir que la mesure ne serait pas "redistributive" et que les entreprises bénéficieraient de toute façon, de la suppression progressive de la part salariale de la taxe professionnelle. Mais toute baisse de la TVA n'est-elle pas forcément redistributive, puisque cette taxe pénalise les revenus les plus bas ?

Quant à la suppression de la part salariale, dont les effets sur l'emploi sont incertains, elle n'est pas précisément "redistributive".

La Commission s'est prononcée, elle, en faveur de l'application de cette directive au secteur du tourisme, dont fait partie la restauration, dans une communication du 28 avril. Et il semble bien que la Direction générale en charge de la TVA n'exclut pas a priori la même mesure. Ce serait donc une question de volonté politique. Or, le 23 octobre 1998, le ministre des finances a assuré à M. Bonrepaux qu'il ferait avancer ce dossier...

Une fois cette directive adoptée, la France devrait donc demander une application élargie.

Vous aurez compris qu'en approuvant ce projet de résolution, le groupe communiste veut aussi étendre le champ d'application de la directive (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Philippe Douste-Blazy - Je concentrerai mon propos sur la baisse de la TVA applicable à la restauration.

M. le Secrétaire d'Etat - Voilà qui est clair !

M. Philippe Douste-Blazy - Ce texte est important à deux titres : tout d'abord, il préfigure -du moins je l'espère- une harmonisation fiscale au sein de l'Union, harmonisation qui passe également par une réduction des charges pesant sur le travail.

En second lieu, la disparité des régimes de TVA dans la restauration et la multiplicité des taux conduisent à des situations anormales, faussant la concurrence. En effet, les ventes à emporter et la restauration collective, dans le cas des prestations sous-traitées, sont taxées à 5,5 %, contre 20,6 % pour la restauration traditionnelle et les ventes de produits à consommer sur place. A quoi il faut ajouter les exonérations de TVA sur la restauration collective en gestion directe : établissements scolaires, centres médicaux sociaux, maisons de retraite...

La commande d'un repas dans un hôtel est soumise au taux de 20,6 % alors qu'un sandwich livré dans le même hôtel sera taxé à 5,5 %. Un salarié paie 5,5 % de TVA s'il déjeune au restaurant de son entreprise ou s'il achète un plat à emporter, mais 20,6 % s'il s'assoit dans un restaurant !

Lors de la discussion de la dernière loi de finances, M. Strauss-Kahn a fait lui-même le constat de ces distorsions et disparités. Pour sa part, l'UDF pense qu'un taux réduit permettrait de les résorber, étant entendu que la restauration collective en gestion directe en serait exclue. Huit pays de l'Union ont d'ailleurs déjà appliqué un taux réduit à l'ensemble du secteur : ce taux est de 7 % en Espagne, de 8 % en Grèce, de 10 % en Italie et de 12 % au Portugal... Quant à l'Allemagne et au Royaume-Uni, on y applique un taux normal inférieur au nôtre : de 15 et de 17,5 % respectivement.

Je regrette que la proposition de résolution ignore le problème. Le Gouvernement a pris, il est vrai, l'habitude d'expliquer que la restauration "ne figure pas à l'annexe H de la directive 77-388/CEE modifiée en dernier lieu par la directive 98-80/CEE !" Pourtant, la proposition de directive du Conseil considère que "le problème de chômage est si grave qu'il faut permettre aux Etats membres qui le souhaitent de tester les effets, en termes de création d'emplois, d'un allégement de la TVA ciblé sur des services à forte intensité de main-d'oeuvre".

Le Conseil propose une révision de la liste des produits éligibles au taux réduit, dans le cadre de cette expérimentation. Dans cette liste peuvent donc être inscrits les secteurs du bâtiment et de la restauration. Par ailleurs, le 10 juin 1997, le Parlement européen a adopté une recommandation où il propose d'appliquer ce taux au secteur du tourisme.

Enfin, huit Etat sur quinze bénéficient, je le répète, de dérogations ouvertes dans le cadre de l'article 28-2 de la sixième directive, ce "afin d'éviter certaines fraudes ou évasions fiscales".

Si l'on ajoute que le Sénat a adopté une proposition de résolution en faveur de cette révision de la liste, pourquoi s'obstiner à refuser celle-ci, Monsieur le secrétaire d'Etat ? Est-ce le coût de la mesure qui vous arrête ? La restauration fait partie des secteurs à forte intensité de main-d'oeuvre et concentre un nombre important d'établissements de petite taille. De plus, comme l'a souligné Jacques Barrot, elle offre une grande diversité d'emplois, ce qui représente un atout pour l'apprentissage et pour la réinsertion professionnelle. Elle doit donc bénéficier du taux réduit et je demande par conséquent au Gouvernement d'informer la Commission, avant le 1er septembre, que la France envisage de soumettre la restauration au taux réduit de TVA dès sa prochaine loi de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

La discussion générale est close.

M. le Secrétaire d'Etat - Je promets à M. Gantier de ne plus rappeler que la TVA a été relevée de deux points en 1995 ! (Sourires) Je lui dirai simplement que M. Bérégovoy avait baissé cet impôt de 100 milliards en supprimant le taux majoré de 33,3 % et que le gouvernement Jospin a réduit de 13 milliards les impôts frappant les ménages !

Le Gouvernement a poussé avec énergie à une baisse de TVA dans les secteurs à forte intensité de main-d'oeuvre. Tout d'abord, lors du conseil exceptionnel de Luxembourg, consacré à l'emploi à l'initiative de la France, la Commission a pour la première fois proposé de diminuer les taux de TVA. Et si c'était en novembre 1997, non en 1996, Monsieur Lefort, le changement de gouvernement en France n'y était sans doute pas étranger.

Le 19 octobre 1998, Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons écrit au commissaire Mario Monti pour lui dire l'importance que nous attachions à ce dossier.

En novembre 1998, le Premier ministre est intervenu sur le sujet à l'occasion du sommet de Vienne pour l'emploi.

Grâce à la France, la Commission européenne a décidé d'adopter une proposition de directive. Enfin, nous avons demandé à l'Allemagne d'inscrire celle-ci à l'ordre du jour du conseil des ministres de l'économie et des finances du 25 mai.

La discussion a fait apparaître des divergences, certains pays de l'Union envisageant plutôt des hausses de TVA. Nous avons demandé à l'Allemagne d'organiser une nouvelle réunion technique à Bruxelles ; celle-ci se tiendra le 29 juin. Nous espérons que nous pourrons ainsi aboutir au prochain conseil Ecofin, sous présidence finlandaise.

J'en viens à la restauration dont, un peu étrangement, vous avez beaucoup plus parlé que de l'artisanat du bâtiment.

Même si la proposition de directive n'exclut pas d'emblée ce secteur, le commissaire Monti, dans la lettre qu'il nous avait adressée le 17 juillet 1998, considérait qu'il n'était pas concerné. Le risque juridique est donc fort.

Je reconnais que la restauration est un secteur qui contribue d'une façon importante à l'emploi, à la qualité de la vie, à l'activité touristique ; mais le passage de 20,6 à 5,5 % coûterait 22 milliards ; un abaissement à 14 % coûterait encore 9 milliards.

En outre, un tel allégement serait inéquitable. Une enquête de l'INSEE montre en effet qu'on va d'autant plus au restaurant qu'on a un niveau de vie élevé ; les ouvriers chers à M. Gantier qui vont y déjeuner bénéficient souvent de tickets restaurant. Entre 40 000 et 50 000 francs de revenu familial, on dépense 1 370 francs au restaurant ; entre 100 000 et 125 000 francs, 4 180 francs ; au-dessus de 150 000 francs, 10 500 francs.

Par ailleurs, le secteur de la restauration va bénéficier de l'allégement de taxe professionnelle ainsi que de l'allégement à venir des charges patronales.

Il me paraît plus judicieux de concentrer vos souhaits sur les services du bâtiment dont on sait qu'ils sont créateurs d'emploi.

Sur ce sujet, votre proposition est plus ambitieuse que le crédit d'impôt entretien ; son coût pourrait se situer aux alentours de 20 milliards. Elle étend le bénéfice de la disposition aux résidences secondaires, alors que le crédit d'impôt entretien ne concerne que la résidence principale ; en outre, dès lors qu'il n'y a pas de plafonnement, tous les travaux -et non pas seulement ceux qui sont réalisés par des familles modestes- seraient couverts.

En conclusion, le Gouvernement partage pleinement les objectifs des auteurs de la proposition de résolution. Bien évidemment, pour aboutir sur ce sujet, il faut d'une part que nous disposions des marges de manoeuvre budgétaires nécessaires et, d'autre part, que les efforts du Gouvernement au plan européen soient couronnés du succès.

M. le Président - J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9 du Règlement, l'article unique de la proposition de résolution.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Gilbert Gantier - Nous ne pouvons pas être hostiles à cette proposition mais nous ne pouvons pas non plus l'approuver car elle ne contient pas tout ce que nous souhaiterions ; en conséquence, nous nous abstiendrons.

M. Alain Barrau - Vous vous en lavez les mains !

M. Jean-Jacques Weber - J'approuve le principe d'une réduction de la TVA sur les travaux de réparation et de rénovation d'immeubles anciens ; j'insiste aussi sur la nécessité de baisser la TVA applicable à la restauration. Le 16 octobre 1998, nous semblions tous d'accord sur le sujet. Mais il y a quelques jours, M. Pierret déclarait que l'inscription de la restauration sur la liste des services susceptibles de bénéficier à titre expérimental de l'application d'un taux réduit de TVA n'était pas une priorité pour le Gouvernement -ce que, Monsieur le ministre, vous venez de confirmer.

Vous avez déclaré que l'abaissement de la TVA sur la restauration à 14 % coûterait 9 milliards ; ce chiffre a été contesté par M. Lorenzi, professeur à l'Université de Paris-Dauphine, pour qui la création induite de 10 000 emplois aurait un effet compensateur.

Ce qui est en cause, c'est la qualité de vie en France, qui attire les touristes et qui fait découvrir MM. Clinton et Chirac assis dans un bon bistrot parisien, dont, dit la presse, la peinture s'écaille légèrement... Les classes aisées ne sont pas les seules à fréquenter les restaurants, et les classes modestes seront les plus sensibles à une baisse de la TVA.

L'Union des métiers de l'hôtellerie considère que ce serait une mesure de justice sociale à l'égard des salariés qui ne bénéficient pas d'une cantine.

Il faut par ailleurs cesser d'agiter l'épouvantail bruxellois, car c'est bien d'un problème de politique intérieure qu'il s'agit, et de rien d'autre : les arguments avancés à propos d'un prétendu refus de la Commission européenne ne tiennent pas. Le Gouvernement doit prendre position maintenant, sans quoi trois nouvelles années s'écouleront avant que la situation n'évolue.

Le groupe UDF s'abstiendra, non seulement parce que l'amendement relatif à la restauration n'a pas été adopté en commission mais aussi parce que le calendrier retenu pour l'examen de la proposition de résolution a eu pour conséquence d'empêcher que des amendements ne soient déposés en séance publique (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Michel Bouvard - Je doute de nos capacités à évaluer les parts de recettes qu'induirait la réduction du taux d'assujettissement à la TVA de la restauration traditionnelle, tant les chiffres avancés varient. Je sais combien les estimations statistiques sont difficiles dans le tourisme, mais il me paraîtrait néanmoins de bonne pratique de chercher à établir, avant la discussion budgétaire, le coût d'un point de TVA dans ce secteur. Il serait alors plus facile de proposer l'inscription de la restauration dans la liste des activités éligibles, lors du conseil Ecofin. Telle serait la bonne méthode, dont je n'ai pas le sentiment qu'elle sera suivie, en dépit des engagements qu'avait pris le ministre de l'économie.

M. le Rapporteur général - Il les a tenus.

M. Michel Bouvard - Il a beaucoup été fait mention de l'emploi ce soir, et vous avez justifié la priorité donnée au bâtiment en expliquant que les entreprises de la restauration bénéficieraient de l'allégement de la taxe sur les salaires. Mais vous n'avez rien dit du coût ni des problèmes inextricables que le passage aux 35 heures vont représenter pour les entreprises touristiques !

Cela étant, nous ne voulons pas affaiblir la position du Gouvernement lors de l'importante négociation qu'il va engager à propos du secteur du bâtiment. Mais l'absence de prise en considération de la restauration et votre absence d'engagement clair nous contraindront, à notre grand regret, à nous abstenir.

L'article unique de la proposition de résolution, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance aujourd'hui à midi.

La séance est levée à 4 heures 5.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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