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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 114ème jour de séance, 291ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 29 JUIN 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    VIOLENCES URBAINES À STRASBOURG 1

    RÉMUNÉRATION DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES DES ENSEIGNANTS 2

    DYSFONCTIONNEMENTS DANS LE DÉROULEMENT DES ÉPREUVES DU BACCALAURÉAT 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite) 3

    ORGANISATION DES ÉPREUVES DU BACCALAURÉAT 3

    ORGANISATION DU BACCALAURÉAT À LA RÉUNION 4

    SERVICES MÉDICAUX D'URGENCE 5

    INDUSTRIE TEXTILE 5

    CRÉDIT LYONNAIS 6

    MOYEN-ORIENT 6

    INCOMPATIBILITÉS 6

    OUVERTURES DE CLASSES DANS L'ENSEIGNEMENT PRIVÉ SOUS CONTRAT 7

    AUGMENTATION DU SMIC 7

    DEUXIÈME LOI SUR LES 35 HEURES 8

ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE (suite) 8

    EXPLICATIONS DE VOTE 10

CHÈQUES-VACANCES -lecture définitive- (procédure d'examen simplifiée) 13

LICENCIEMENT DES SALARIÉS DE PLUS DE CINQUANTE ANS -lecture définitive- (procédure d'examen simplifiée) 18

DROIT DES FEMMES -deuxième lecture- (procédure d'examen simplifiée) 23

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

VIOLENCES URBAINES À STRASBOURG

M. Michel Terrot - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Malgré vos déclarations à la cérémonie de sortie de la troisième promotion des lieutenants de police, nous constatons un redémarrage des violences urbaines. Le sujet intéresse légitimement nos concitoyens, qui, pour reprendre vos propres mots, ne se trouvent parfois pas en mesure "d'assumer leur liberté".

La semaine dernière, des sapeurs-pompiers sont ainsi tombés dans une embuscade dans un quartier de Strasbourg et ont essuyé un jet de cocktails Molotov. Si j'en crois la presse, il n'a été encore procédé à aucune interpellation.

Ma question est simple et se fonde sur l'abîme que chacun peut constater entre vos déclarations d'intention rassurantes et responsables et l'absence de solution sur le terrain où la situation demeure préoccupante : qu'entend faire le Gouvernement pour faire régresser les violences urbaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Mon observation, que vous avez citée, avait un caractère qualitatif. Si je consulte les derniers chiffres relatifs à la délinquance de voie publique, pour la période de janvier à mai 1999, je constate une baisse de 0,43 %. Certes, la violence urbaine n'est pas réductible à la délinquance de voie publique et présente souvent un caractère anti-institutionnel. Elle est l'oeuvre de bandes organisées qui n'hésitent pas à s'attaquer ni aux policiers, ni aux pompiers, ni aux ambulanciers. J'ai donné des directives très précises pour que soient démantelées ces bandes de délinquants et de trafiquants qui "structurent" certains quartiers. Beaucoup d'initiatives ont d'ores et déjà été couronnées de succès. 700 contrats locaux de sécurité ont été signés, 41 000 adjoints de sécurité ont été recrutés, des expériences de police de proximité sont conduites sur 60 sites, des assises nationales auront lieu sur le thème de la sécurité urbaine dans les prochains mois.

Sanction, prévention et dissuasion, toutes trois également nécessaires, constituent les fondements de la nouvelle doctrine d'emploi de la police nationale qui doit répondre aux soucis que vous avez exprimés. Dans les prochains jours, je présenterai avec M. le ministre de la défense les unités fidélisées qui, pour une période de six mois au moins, doivent contenir la violence urbaine sur les sites les plus difficiles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

RÉMUNÉRATION DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES DES ENSEIGNANTS

M. Henry Chabert - La question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale dont je relève l'absence.

Le 25 mars dernier, interrogé par notre collègue Philippe Briand sur son décret du 30 juillet 1998 décidant une baisse de 17 % de la rémunération des heures supplémentaires des enseignants, vous avez répondu, Monsieur le ministre, que votre proposition avait été mal comprise et vous avez déclaré : "Je ferai en sorte, dans le respect d'une stricte rigueur budgétaire, que certaines dispositions soient prises, mais il faut laisser au Gouvernement le temps de la réflexion".

Trois mois plus tard, aucune mesure technique n'est intervenue et les heures supplémentaires continuent -combien durera donc votre réflexion ? (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Monsieur Allègre et Madame Royal étant retenus... (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) ...il me revient de vous répondre sur ce point. M. Allègre, en effet, avait annoncé des moyens supplémentaires...

Un député RPR - Il n'y a rien eu !

M. le Ministre de la fonction publique - Le communiqué de presse du ministre de l'éducation nationale du 14 avril dernier annonçait en substance les trois points suivants s'agissant des moyens supplémentaires accordés aux enseignants du secondaire.

En premier lieu, dans le cadre de la réforme des lycées et de l'aide aux élèves de seconde, le volant d'heures de soutien destinées aux élèves des établissements les plus en difficulté passera de 2 à 4 heures à la rentrée prochaine. Cette évolution concernera 25 % des classes.

Ensuite, les heures suplémentaires réalisées dans l'intérêt du service seront dès la rentrée prochaine rémunérées à un taux horaire de 20 % supérieur à la normale et pourront représenter un total de deux heures.

Enfin, pour les professeurs des classes préparatoires aux grandes écoles, une indemnité forfaitaire tiendra compte des contraintes particulières qui s'attachent à ce type d'enseignement (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je poursuis malgré votre peu d'intérêt pour ces mesures ! La proportion des enseignants promus à la "hors classe" sera augmentée et atteindra en deux ans 15 % de l'effectif de chaque corps. Le taux de promotion augmentera de 53 % pour les certifiés, de 60 % pour les enseignants des lycées professionnels et de 96 % pour les agrégés. En année pleine, ces efforts représentent un coût budgétaire de 900 millions de francs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

DYSFONCTIONNEMENTS DANS LE DÉROULEMENT DES ÉPREUVES DU BACCALAURÉAT

M. Jacques Myard - Ma question s'adressait également à M. le ministre de l'éducation nationale, qui n'est toujours pas là, et je la pose donc à M. le Premier ministre.

Je ne crois pas utile d'insister sur l'importance du baccalauréat, qui représente un rite républicain essentiel pour les lycéens comme pour l'ensemble de la population. Quelle n'a donc pas été la stupéfaction des Français lorsque, par défaillance des examinateurs dans plusieurs disciplines, l'histoire géographie et les matières technologiques notamment, les épreuves n'ont pu être organisées ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Cette situation scandaleuse a révolté nos concitoyens car le baccalauréat demeure un espoir pour beaucoup. Elle n'est pas seulement le fait de l'incivisme de certains professeurs mais elle constitue une marque patente des dysfonctionnements des services du ministre de l'éducation nationale, qui se trouve en l'espèce responsable sinon coupable ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Ma question, Monsieur le Premier ministre, est double : entendez-vous mettre un terme à ces dysfonctionnements -et vous en avez les moyens s'agissant du premier budget du pays !- et quelles sont les sanctions prévues à l'encontre de ces professeurs qui ont fait la démonstration de leur manque de civisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - La parole est à M. le ministre de la fonction publique (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; Bruit).

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Il me revient de vous apporter quelques éléments de réponse sur la question de la défection de certains examinateurs du baccalauréat...

M. Jean-Louis Debré - C'est de la provocation !

M. le Ministre - L'intérêt des élèves doit évidemment primer sur toute autre considération et l'inspection générale de l'éducation nationale comme les services du ministère se sont saisis du problème et apporteront très prochainement des éléments... (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Si vous arrêtez de vociférer, je vous apporterai quelques éléments d'éclairage. Les enseignants ont obligation de participer aux jurys d'examen... (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Calmez-vous Monsieur Debré ! Le non-accomplissement de cette charge, hors cas de force majeure, donnera lieu au minimum à une retenue sur le traitement des enseignants défaillants. Vous aurez ultérieurement plus d'éléments sur cette affaire en cours d'instruction (Applaudissements sur tous les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).


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SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation parlementaire conduite par M. Abdul Razzak Tubaishat, président du groupe d'amitié Jordanie-France de la Chambre des Représentants du Royaume hachémite de Jordanie (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

ORGANISATION DES ÉPREUVES DU BACCALAURÉAT

M. Paul Patriarche - Ma question s'adresse, une fois encore, à M. le ministre de l'éducation nationale, qui n'est toujours pas là... (Vives protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF ; bruit)

Un député socialiste - C'est du harcèlement textuel !

M. Paul Patriarche - Monsieur le ministre, vous vous êtes livré ce week-end sur Radio J à une série de déclarations sur plusieurs sujets. S'agissant notamment de la charte européenne des langues minoritaires, vous avez déclaré qu'un ministre n'avait pas à s'exprimer sur le perron de l'Elysée.

En revanche, vous avez été beaucoup moins prolixe sur les sujets relatifs à l'éducation nationale, qui sont pourtant de votre ressort. Or l'organisation du baccalauréat a rencontré cette année de nombreuses difficultés.

Mercredi dernier, un tiers des enseignants convoqués à Arcueil pour les oraux d'histoire et géographie du bac technologique ne se sont pas présentés. Plus de 1 000 élèves ont attendu toute la journée en vain (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). A Toulouse des candidats à une épreuve du bac professionnel ont dû être reconvoqués en raison de la distribution d'un mauvais sujet (Mêmes mouvements).

Ces dysfonctionnements témoignent d'une mauvaise organisation du ministère et d'une démotivation des professeurs, qui décèlent dans vos circulaires la mise en place d'un bac au rabais, en particulier dans des filières professionnelles et technologiques. Quand allez-vous revaloriser le bac et donner aux élèves le moyen de le passer dans de bonnes conditions ?

Comment, au-delà des sanctions qui seront plus ou moins appliquées, comptez-vous lutter contre l'absentéisme des professeurs et les motiver ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. le Président - La parole est à M. le ministre de la fonction publique (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Les absences des ministres sont indiquées la veille par fax à l'ensemble des groupes. Ce délai de préavis est supérieur à celui dont vous usez pour vos questions, surtout quand elles revêtent un caractère technique (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

Le problème qui se pose aujourd'hui est largement dû à votre inaction quand vous étiez au pouvoir (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

Le ministre estime que le baccalauréat doit se dérouler dans des conditions irréprochables (Interruptions sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR), sans perturber non plus le fonctionnement des lycées et des collèges. Tel est le sens des mesures annoncées par le ministre le 25 juin. Il a rappelé que l'interrogation des élèves est une obligation pour les enseignants, et il a demandé aux inspections générales une enquête. S'il s'avère que des fautes ont été commises, elles seront sanctionnées. L'intérêt des élèves doit primer (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

ORGANISATION DU BACCALAURÉAT À LA RÉUNION

Mme Huguette Bello - Ma question s'adresse également au ministre de l'éducation nationale (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Pour la première fois cette année, les épreuves anticipées de français du baccalauréat se sont déroulées simultanément en métropole et à la Réunion. Cet alignement a contraint les lycéens réunionnais à composer entre les 10 heures et 14 heures pour les uns, entre 16 heures et 20 heures pour les autres. Si ce système devait s'étendre à l'ensemble des examens du second degré, les candidats réunionnais devraient composer tantôt la nuit, tantôt pendant les heures de repas. L'évolution vers la formule mêmes sujets-mêmes horaires, qui a largement conditionné le nouveau calendrier scolaire adopté par l'académie de la Réunion aboutirait à pénaliser ceux qui devraient concourir dans des conditions défavorables.

Nous souhaitons donc que soit appliqué à la Réunion un calendrier qui n'accentue pas l'échec scolaire, mais qui crée les conditions de la réussite pour le plus grand nombre. Comptez-vous aller dans cette voie ? Le ministre de l'outre-mer est tout à fait qualifié pour me répondre ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Vous savez parfaitement que le ministre de l'éducation nationale accompagne en Amérique le Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. le Président - La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer (Vives exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Je vois que vous avez remarqué l'absence du ministre de l'éducation nationale ! (Mêmes mouvements)

M. le Président - Nos débats ne doivent pas se réduire à un échange d'onomatopées ! C'est un spectacle déplorable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV) Un peu de calme, je vous prie !

M. le Secrétaire d'Etat - C'est à la demande expresse du recteur de la Réunion que les épreuves de français ont été alignées sur les horaires de celles de métropole. Le décalage horaire de deux heures a conduit à organiser les épreuves de 10 heures à 14 heures pour les élèves du baccalauréat général, et de 16 heures à 20 heures pour ceux du baccalauréat technologique.

Le rectorat a veillé à ce que les candidats ne soient pas défavorisés. Ceux qui ont composé le matin ont eu droit à une collation, et à 20 heures un service de transport spécial a été mis à la disposition des élèves.

Il s'est agi d'organiser une règle d'égalité entre les candidats. Cependant il est hors de question de faire composer les candidats de la Réunion dans des conditions défavorables, quitte à déroger exceptionnellement au principe des sujets nationaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

SERVICES MÉDICAUX D'URGENCE

M. Jean-Paul Bacquet - Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, les services d'urgence fonctionnent à plus de 90 % avec des médecins sans statut, ou au statut précaire. Cette situation pose problème dans le service public hospitalier, car la multiplication des gardes et des changements de sites ne permet pas toujours à ces médecins d'assurer l'accueil des malades dans les meilleures conditions. De même, lassés d'attendre un hypothétique statut, ils désertent le service hospitalier public pour une activité libérale. Ce fut une des raisons de leur grève.

Les médecins urgentistes peuvent-ils espérer un jour bénéficier du statut de praticien hospitalier ? Peut-on envisager la création d'un nombre de postes suffisant pour le bon fonctionnement des services d'urgence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - La parole est à Mme la ministre de l'emploi.

Un député RPR - Kouchner !

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Lui et moi, c'est la même chose ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Les services d'urgence sont pour nous une priorité, intégrée dans les nouveaux schémas régionaux d'organisation de la santé.

L'an dernier, nous avons créé 70 postes de praticiens hospitaliers et modifié les conditions d'accès au concours.

9 millions de nos concitoyens viennent chaque année aux urgences où des médecins les accueillent, donnent les premiers soins et les conduisent vers les services appropriés. Or nous n'avons pas su traiter ces généralistes à la hauteur de leur métier, qu'ils exercent jour et nuit pour 52 F de l'heure.

Ces médecins ont mené une grève digne. Nous avons conclu avec eux un accord très large, avec la création de 30 postes dès cette année, 100 l'an prochain et 100 en 2001 et les moyens de passer le concours dans de bonnes conditions.

Hier, je me trouvais au service des urgences de l'hôpital Saint-Antoine, l'un des plus difficiles, qui accueille 40 000 personnes par an. Les urgentistes ont su montrer comment l'hôpital devait évoluer pour mieux recevoir les malades en urgence. Je tiens à leur rendre hommage (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

INDUSTRIE TEXTILE

M. Jean-Pierre Balduyck - Le groupe textile de l'Assemblée suit de très près l'évolution de la filière textile, qui emploie 470 000 personnes. La crise asiatique bouleverse nos échanges internationaux. Dans ce contexte difficile, les entreprises et leurs salariés craignent les conséquences d'un remboursement des aides du plan Borotra. Quelles sont les conclusions de la négociation conduite avec la Commission ? Comment le Gouvernement compte-t-il préserver l'avenir de l'industrie textile ? Que pensez-vous de l'idée d'un plan textile européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Le secteur textile est confronté à de grandes difficultés, baisse des commandes et des prix, défaillances d'entreprises. Nous avons essayé de négocier avec Bruxelles les conséquences les moins dures possibles de ce qu'il faut bien appeler l'incroyable inconséquence du gouvernement précédent (cris sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Son plan textile était dès l'origine non conforme à nos engagements européens.

Avec Mme Aubry, nous avons négocié en vue d'obtenir la meilleure sortie possible, et nous avons obtenu l'exonération complète du remboursement pour les PME employant moins de 80 personnes ; un report du début des remboursements au 1er avril 2000 ; une baisse du taux d'intérêt, fixé d'abord par la commission à 8,22 % ; la prise en compte des sommes versées au titre de l'IS. De la sorte, seules 550 entreprises seront effectivement touchées. Nous avons négocié, vous le voyez, avec efficacité.

Quant au plan textile européen, le Gouvernement appuie cette démarche. Pour soutenir le secteur textile, il mise sur l'amélioration des relations avec la grande distribution ; des mesures de sauvegarde le cas échéant ; l'aménagement-réduction du temps de travail ; l'aide fiscale à la créativité qui a fait l'objet d'une disposition dans le dernier budget. Le Gouvernement, d'accord avec le "groupe textile", croit à l'avenir de l'industrie textile (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

CRÉDIT LYONNAIS

Mme Nicole Bricq - Hier, Monsieur le ministre de l'économie, vous avez fixé le prix des actions du Crédit lyonnais offertes aux particuliers, et noté que le nombre des souscripteurs était très élevé, ce qui confirme la volonté de nos compatriotes de soutenir une banque dont, il y a deux ans, on n'aurait pas donné très cher. Vous tenez ainsi les engagements pris auprès de Bruxelles. Quel sera, au bout du compte, l'intérêt de cette privatisation pour le contribuable français ?

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Plus de deux millions de familles françaises ont décidé de souscrire des actions du Crédit lyonnais, ce qui montre la formidable confiance portée à cette banque si liée à notre histoire. Le prix de vente a été fixé au plus haut de la fourchette proposée, ce qui permettra à l'Etat de récupérer 48 milliards de francs. Grâce à une gestion censée, le niveau des pertes a été ramené en deux ans de 100 à 86 milliards, cependant que la valorisation passait de 36 à 48 milliards. La valeur du Crédit lyonnais a ainsi été multipliée par deux, et le contribuable finit pas s'y retrouver (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

Je saisis cette occasion pour saluer les dirigeants et les salariés du Crédit lyonnais qui ont réussi ce redressement et me réjouis de voir que, sur la plupart des bancs de l'Assemblée, on est satisfait que cette grande banque française ait retrouvé la santé et puisse ainsi jouer un rôle important au service de l'économie et de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

MOYEN-ORIENT

M. Gérard Bapt - La situation à la frontière israélo-libanaise suscite de nouvelles inquiétudes. Le cycle agression-représailles a donné lieu à une nouvelle escalade, à des pertes civiles, à des destructions matérielles importantes. Quelle appréciation le Gouvernement porte-t-il sur ces événements ? Quelle leçon tirez-vous des entretiens qu'a eus dans la région l'émissaire du Quai d'Orsay ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Une attaque de l'aviation israélienne, faisant suite à des tirs de roquettes du Hezbollah, a causé huit morts, endommagé cinq ponts et deux sous-stations électriques, privant en partie Beyrouth d'électricité. De nouveaux tirs du Hezbollah ont tué deux personnes en Galilée. Le ministre des affaires étrangères a vivement déploré ces pertes et qualifié la riposte israélienne de "disproportionnée", tout en soulignant que les responsabilités étaient partagées. Il a appelé les partenaires à respecter l'arrangement de 1996 protégeant les populations civiles. Le directeur d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient s'est rendu dans la région et il a porté un message du Président de la République aux présidents du Liban, de la Syrie, de l'Autorité palestinienne, ainsi qu'à M. Barak. Il est un peu tôt pour tirer les enseignements de ses entretiens, mais tous ses interlocuteurs ont exprimé la même volonté de progresser vers la paix. Quant à la France, elle agira pour que la négociation reprenne. Dans l'immédiat, le gouvernement français examinera ce qui peut être fait pour aider la population libanaise, notamment pour pallier les effets des destructions électriques.

INCOMPATIBILITÉS

M. Pierre Méhaignerie - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et elle appelle une réponse politique. Hier, nous avons voté massivement l'inscription dans la Constitution de la parité homme-femme. Ne faudrait-il pas voter demain une loi sur la parité entre les candidats venus du privé et ceux venus du public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

Dans la nuit du 4 mars 1999, en effet, la majorité a voté un amendement qui, s'appuyant sur une décision du Conseil constitutionnel déclarant incompatible l'exercice d'un mandat parlementaire avec celui de président d'une chambre de commerce et d'industrie, a rendu incompatible l'exercice de tout mandat local avec la participation au bureau d'une Chambre de métiers, d'agriculture ou du commerce. Cette mesure élimine d'un coup des milliers de candidats potentiels venus du privé. Le président de la commission des lois du Sénat a parlé de "réglementation abusive, pour ne pas dire délirante".

Est-il juste que dans chaque département, y compris la Haute-Garonne, soient écartées de tout mandat électif des personnalités parfaitement qualifiées, au seul motif qu'elles sont membres d'une chambre professionnelle ? Le Gouvernement va-t-il s'opposer à cette discrimination sélective particulièrement scandaleuse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Vous avez appelé l'attention de l'Assemblée sur un amendement d'origine parlementaire, et voté par la représentation nationale -à une heure où elle était, c'est vrai, dans une formation beaucoup moins nombreuse qu'elle ne l'est actuellement. Et c'est ainsi qu'au cours d'une séance de nuit, cet amendement a étendu à l'ensemble des bureaux des chambres consulaires ou d'agriculture les incompatibilités prévues, jusqu'alors, pour leurs seuls présidents.

Le Sénat, saisi en deuxième lecture, se prononcera à son tour et, si vous le souhaitez, le Gouvernement précisera sa position lors de la lecture définitive qui n'aura pas lieu avant la session d'automne. Ainsi aura-t-il disposé de tout l'été pour réfléchir (Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

OUVERTURES DE CLASSES DANS L'ENSEIGNEMENT PRIVÉ SOUS CONTRAT

Mme Bernadette Isaac-Sibille - La liberté suppose la possibilité de choisir et les parents, premiers éducateurs, doivent pouvoir choisir les écoles ou les collèges auxquels ils souhaitent confier leurs enfants. Est-il donc normal, Monsieur le ministre de l'éducation nationale, qu'en dépit des dispositions légales, des consignes aient été données aux recteurs d'académie de ne pas permettre l'ouverture de nouvelles classes dans les établissements d'enseignement privé sous contrat lorsque les établissements d'enseignement public situés à proximité ont des effectifs jugés insuffisants ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDF)

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire - Je vous prie de bien vouloir excuser mon arrivée tardive : je remettais les prix du concours général et je suis venue aussi vite que je l'ai pu.

Vous avez évoqué le rôle des parents dans l'éducation des enfants. Le Gouvernement partage ce point de vue, comme en témoignent les nombreux programmes de coéducation définis avec le souci d'associer plus étroitement les parents à l'éducation des enfants scolarisés. Quant aux consignes auxquelles vous faites allusion, elles n'existent tout simplement pas, et la carte scolaire est rédigée dans le parfait respect de la loi. Le Gouvernement, qui entretient des contacts réguliers avec les représentants de l'enseignement privé sous contrat, n'a reçu aucune demande correspondant à ce dont vous faites état. Je vous serais donc obligée de bien vouloir vérifier vos sources avant de faire des procès d'intention dénués de tout fondement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

AUGMENTATION DU SMIC

M. Patrick Leroy - L'augmentation du SMIC à laquelle le Gouvernement va procéder le 1er juillet se limitera à refléter l'obligation légale, et elle se traduira par un gain de 71 F pour chaque salarié à temps complet ainsi rémunéré, et ils sont largement plus de 2 millions dans ce cas. L'habituel "coup de pouce" des gouvernements de gauche allait dans le bon sens, celui de la justice sociale et de l'efficacité économique. Comment le Gouvernement entend-il répondre, comme il le doit, à l'urgence sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - L'augmentation du SMIC sera, en effet, de 1,24 % le 1er juillet, ce qui traduit l'obligation légale. Depuis juin 1997, l'augmentation a été de 6,4 %, et il faut remonter au début des années 1980 pour trouver semblable accroissement, d'ailleurs supérieur à celui du pouvoir d'achat, qui a été de 5,9 % au cours de la période correspondante. De manière générale, l'augmentation du pouvoir d'achat du SMIC a été de quelque 2 % au cours des deux dernières années, contre 0,9 % au cours des quatre ans précédents.

La revalorisation du SMIC doit être considérée dans le cadre global du passage aux 35 heures, la négociation visant à garantir le maintien du salaire dû pour 39 heures hebdomadaires et à assurer une augmentation tenant compte de l'inflation ainsi que l'accroissement du pouvoir d'achat. Il s'agit donc d'un choix qui privilégie la justice sociale tout en confortant la croissance. Lier la réduction des charges sociales et celle du temps de travail permettra de revaloriser l'ensemble des bas salaires dans toutes les grilles de classification, grâce à la négociation collective. C'est dans cette perspective que doit être appréciée la revalorisation du SMIC (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

DEUXIÈME LOI SUR LES 35 HEURES

M. Jean Vila - Le Gouvernement vient de rendre public le nouveau projet de loi sur les 35 heures. Ce faisant, il méconnaît, de toute évidence, le résultat des élections européennes qui, avec 60 % d'abstentions et une forte proportion de votes blancs et nuls, ont traduit le mécontentement et l'impatience que suscite sa politique sociale.

Les objectifs de la première loi sont loin d'être tous atteints et le texte devait donc en être parfait. Or le MEDEF ne cesse de réclamer la baisse du coût du travail, par tous les moyens, et l'avant-projet de loi montre que le Gouvernement n'est malheureusement pas insensible à ses arguments qui contrarient pourtant les objectifs affichés de créations d'emplois et d'amélioration des conditions de travail et des conditions de vie des salariés.

Le groupe communiste a remis au Gouvernement un memorandum qui reprend les propositions des organisations syndicales. Elles affirment, notamment, la nécessité de réduire le nombre des heures supplémentaires, de diminuer la flexibilité de l'emploi, d'accroître le SMIC de 11,4 % et d'augmenter la proportion d'emplois à temps plein et d'emplois à temps partiel choisi. Quelles mesures Mme la ministre de l'emploi entend-elle prendre pour répondre aux attentes des salariés et du monde du travail dans son ensemble ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Comme de nombreux commentateurs, j'ai vu dans les élections européennes un succès de la gauche plurielle, qui a fait de l'emploi la priorité de son action. Mais j'ai constaté, aussi, un fort taux d'abstention, qui montre l'impatience de tous ceux que n'a pas encore touchés la baisse du chômage. Il nous faut donc encore progresser.

La réduction du temps de travail à 35 heures est un choix collectif de toute la gauche plurielle, fait pour créer le plus d'emplois possible sans porter atteinte à la compétitivité des entreprises et tout en maintenant le pouvoir d'achat. Après que 660 accords ont été signés, ce sont à ce jour 76 000 emplois qui ont été ainsi créés ou préservés, soit deux fois plus que les prévisions ne le laissaient attendre à cette date.

Nous devons, dans la seconde loi, réaffirmer notre choix, apporter les garanties et protections nécessaires mais, d'abord, conforter la négociation. Si nous ne lui avions pas donné un an à partir du 1er janvier 2000, date d'application des 35 heures dans les entreprises de plus de 20 salariés nous aurions risqué de causer des difficultés dans la production ou d'aboutir à des réductions de temps du travail avec diminution de salaire. Nous préférons donner du temps à la négociation pour parvenir à des accords équilibrés et favorables à l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Mme Catala remplace M. Fabius au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE Mme Nicole CATALA

vice-présidente


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ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale.

Mme la Présidente - La Conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public, en application de l'article 65-1 du Règlement.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Je tiens d'abord à remercier l'Assemblée de la qualité des débats qui ont eu lieu sur ce texte majeur pour la réforme de la justice. Je salue le remarquable travail accompli par la commission des lois, sa présidente et le rapporteur qui a largement contribué à améliorer le texte, de même que les députés qui l'ont utilement complété par leurs amendements.

Il s'agit d'un réel progrès dans l'impartialité de la justice et l'égalité des citoyens devant la loi. Voter ce texte, c'est condamner l'ambiguïté des rôles et la confusion des responsabilités qui ont longtemps nourri le soupçon et porté atteinte au pacte démocratique.

La grande majorité a approuvé la pratique suivie par le Gouvernement depuis deux ans dans la conduite de la politique pénale. Mais une pratique reste fragile tant qu'elle n'est pas "gravée dans le marbre de la loi".

Le texte garantit l'impartialité de la justice. En effet, il fait disparaître les instructions individuelles, un amendement de la commission ayant même utilement précisé qu'aucune instruction ne pourrait plus être donnée dans les affaires individuelles. Il définit pour la première fois le rôle du garde des Sceaux et organise les relations hiérarchiques entre les magistrats du parquet et le garde des Sceaux dans une totale transparence. Il renforce également le contrôle des autorités judiciaires sur la police judiciaire.

La plus grande autonomie du parquet s'accompagne d'une plus grande responsabilité des magistrats. Le texte renforce également les garanties données aux justiciables en obligeant à motiver les classements sans suite, qui seront susceptibles de recours, et en instaurant la publicité la plus large possible de l'activité pénale des magistrats du parquet. Grâce à Mme Neiertz et à M. Tourret les droits des victimes sont renforcés par la possibilité ouverte à certaines associations d'exercer des recours supplémentaires en cas de relaxe.

Les interventions de M. Floch et de Mme Bredin ont permis d'avoir un débat approfondi sur la responsabilité des magistrats que l'on retrouve dans l'ensemble de la réforme de la justice : dans la réforme du CSM, dans les lois sur le statut des magistrats et la composition du CSM, sur la présomption d'innocence, les alternatives aux poursuites, dans ce texte, dans la formation des magistrats et dans les moyens accordés à l'inspection générale des services judiciaires.

Cette réforme de la justice est la plus importante engagée depuis très longtemps. Nous aurons parcouru un chemin considérable et je remercie l'Assemblée de soutenir le Gouvernement dans cette démarche ambitieuse. Nous faisons oeuvre utile pour rétablir la confiance des citoyens en une justice qui est un pilier essentiel de la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. André Vallini, rapporteur de la commission des lois - Notre débat en commission, puis en séance, a permis d'améliorer le texte sur plusieurs points.

Dans son premier volet, nous avons précisé que le garde des Sceaux adressera des directives de politique pénale aux magistrats du parquet, directives qu'ils devront appliquer dans leur ressort.

Nous avons étendu le droit d'action propre du garde des Sceaux à l'appel et à la cassation dans les procédures où il aura déclenché l'action publique.

Enfin, à l'initiative d'Alain Tourret, nous avons ouvert aux associations reconnues d'utilité publique le droit de demander au procureur de faire appel de toute décision sur l'action publique et, à l'initiative de Véronique Neiertz, nous avons précisé les délais dans lesquels la Cour de cassation doit réagir face à un recours du ministre, contre une décision de justice.

Dans le deuxième volet, nous avons, sur la suggestion de Frédérique Bredin, étendu la motivation à toutes les décisions de classement sans suite et grâce à Mme Lazerges et à M. Montebourg, introduit la prescription.

Dans le troisième volet, nous avons renforcé le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire. Ces OPJ devront rendre compte plus vite aux procureurs de l'état d'avancement des enquêtes et les conditions de leur concertation ont été précisées.

Enfin, à l'initiative de Jean-Luc Warsmann, nous avons adopté un amendement permettant aux parlementaires de visiter à tout moment une prison de leur département.

Ce projet accroît les garanties accordées aux magistrats du parquet, mais la contrepartie de leur autonomie nouvelle est le renforcement de leur responsabilité par la loi organique en préparation. J'ai noté que vous nous informeriez bientôt à ce sujet.

Pour l'heure il s'agit de fixer dans la loi la pratique du Gouvernement qui détermine et conduit la politique pénale mais n'intervient plus dans les affaires individuelles.

Cette loi ne désarme pas l'Etat, elle protège mieux les citoyens. Elle ne menace pas la République d'un gouvernement des juges, elle fait avancer la démocratie.

Lionel Jospin l'a dit, ici même, le 19 juin 1997 : "Faire vivre la République, c'est assurer un Etat qui inspire le respect, qui soit impartial et qui se conforme au droit". Le respect du droit est en effet fondamental pour la démocratie : sans lui le lien social se défait et l'esprit public se délite. Cette loi, en renforçant la légitimité, la transparence et l'impartialité de l'action publique en matière pénale, sera de nature à rétablir enfin la confiance des citoyens en la justice, et donc en la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Jean-Luc Warsmann - Le groupe RPR estime que la première priorité est l'existence d'une politique pénale forte, seule à même de garantir la justice efficace que réclament les Français à l'heure où les violences urbaines, comme le reconnaît le ministre de l'intérieur, se développent. Cette justice efficace doit aussi être une justice moderne et indépendante, et je suis favorable à la suppression des instructions individuelles...

M. Arnaud Montebourg - Enfin !

M. Jean-Luc Warsmann - ...mais vous reprenez d'une main ce que vous donnez de l'autre, car le droit d'action propre du garde des Sceaux, selon les propres déclarations de ce dernier, amènera les procureurs à avoir "le même comportement que s'ils avaient reçu des instructions" (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Ils seront obligés, qui plus est, d'informer leur ministre des affaires qui leur paraissent le justifier : en d'autres termes, ils devront le tenir informé heure par heure des déclarations de Roland Dumas sur le prix de ses chaussures ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Enfin, l'examen des moyens donnés à la justice est cruel. Un justiciable doit attendre seize mois, en moyenne, que son affaire soit jugée en appel. Aussi tous les moyens supplémentaires, humains et financiers, devraient-ils être affectés aux juridictions de jugement, afin que notre pays ne soit plus condamné par la Cour européenne des droits de l'homme pour déni de justice. Or nous continuons de voter des dispositions qui, comme l'instauration du juge de la détention, absorbent une partie de ces moyens supplémentaires.

Le groupe RPR ne trouve dans ce texte ni politique pénale forte, ni justice impartiale, ni moyens nouveaux. Il votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jacques Brunhes - Oui, il faut mettre un terme au "temps de l'opacité" et marquer une "rupture radicale" avec des pratiques devenues insupportables aux Français : 82 % d'entre eux estiment la justice soumise au pouvoir politique et 73 % lui reprochent de mieux traiter les hommes politiques et les fonctionnaires que les simples citoyens. Trop d'affaires ont donné à l'opinion l'impression d'une justice à plusieurs vitesses et d'un droit à l'impunité pour un petit nombre. Aussi le projet de loi dispose-t-il, afin de supprimer tout soupçon d'intervention du pouvoir politique, que le garde des Sceaux ne pourra donner d'instruction dans quelque affaire particulière que ce soit. C'est un progrès décisif, qui inscrit dans la loi la pratique de la gauche plurielle depuis deux ans.

Certains y ont vu le risque d'avènement d'un gouvernement des juges. C'est ignorer le rôle essentiel que le projet assigne au garde des Sceaux : celui de concevoir les orientations générales de la politique pénale et d'assurer sa cohérence sur l'ensemble du territoire. Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation, y compris en matière de justice, et ce principe est encore conforté par le droit d'action propre, qui permet le déclenchement de l'action publique lorsque le ministère public reste inerte.

Autres innovations heureuses : celle qui autorise les associations reconnues d'utilité publique à demander au procureur de faire appel d'une décision de relaxe, ainsi que celle qui fait obligation au procureur de motiver sa décision et de la notifier au plaignant, ce dernier bénéficiant de voies de recours même s'il n'a pas qualité pour se constituer partie civile. Quant au garde des Sceaux, il devra rendre compte annuellement au Parlement des orientations générales de la politique pénale et des affaires dans lesquelles il a fait usage de son droit d'action propre.

Le vote de ce projet, qui donne aux magistrats des responsabilités différentes, nécessite que nous examinions sans tarder le projet de loi organique relatif à leur statut. Nous déplorons donc vivement le blocage par le Président de la République de la révision constitutionnelle à laquelle il est suspendu. Je ne saurais conclure non plus sans rappeler le lancinant problème des moyens, sans lesquels cette ambitieuse réforme de la justice ne saurait être mise en oeuvre.

Les députés communistes voteront ce texte d'équilibre, qui permettra d'éviter les abus et contribuera à l'égalité devant la justice pénale (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Pierre Albertini - Le projet qui nous est soumis vise, selon son exposé des motifs, à "mettre un terme définitif au temps de l'opacité". Malgré le caractère péremptoire de cette affirmation, je n'entends, Madame la garde des Sceaux, instruire aucun procès d'intention à votre encontre : qui s'opposerait à la transparence, à la cohérence, à l'efficacité de la politique pénale ? Nous nourrissons cependant de sérieux doutes sur la capacité du texte à atteindre ce triple objectif. Les réactions des professionnels du droit, magistrats, avocats, universitaires, sont d'ailleurs marquées par le scepticisme, et dans cet hémicycle même, de très nombreuses voix ont évoqué le risque de retrait, voire d'abandon par le pouvoir politique de l'une de ses attributions essentielles : la définition des priorités et des formes de l'action pénale.

Ce qui est en cause, en effet, ce sont les moyens que conserveront le Gouvernement et le Parlement pour restaurer le lien de légitimité et de confiance entre la nation et sa justice. Vous supprimez toute instruction individuelle de poursuivre, qui vous permettait de surmonter, dans des cas rares, l'inaction des parquets, mais c'est pour instituer à sa place un droit d'action propre, totalement contraire à notre tradition judiciaire, qui constitue une intrusion médiatisée du garde des Sceaux dans la procédure et menace la sérénité de celle-ci. Vous attribuez à la Chancellerie, en outre, le pouvoir d'évoquer tout dossier dont les parquets seraient saisis. Est-ce ainsi que l'on met fin à l'opacité ? Nous en doutons.

Vous dites souhaiter mieux encadrer l'action des parquets, mais la modeste innovation terminologique qui consiste à débaptiser les circulaires pour les appeler directives ne leur donnera pas plus de force contraignante. Vous prévoyez même que les 33 procureurs généraux pourront adapter ces directives au contexte local, allant jusqu'à prendre en exemple la lutte contre les drogues, qui ne saurait être menée de la même façon, dites-vous, à Douai et à Limoges ! Voilà qui préfigure, justement, l'atomisation de la politique pénale que nous redoutons, et qui affaiblira la portée des règles générales. Est-ce ainsi que l'on met fin à l'opacité ? Nous en doutons.

La position de l'UDF tient en trois principes simples : des garanties statutaires renforcées pour les magistrats du parquet, mais au prix d'une séparation fonctionnelle avec ceux du siège ; une procédure plus accusatoire et plus respectueuse des droits de la défense ; un pouvoir politique qui définisse un cap et des priorités, et qui garantisse la cohérence de l'action pénale. Ce sont des exigences élémentaires en démocratie, auxquelles la responsabilité disciplinaire des magistrats, même réactivée, ne saurait se substituer.

Pour toutes ces raisons, nous rejetons le texte proposé (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe RPR et du groupe DL).

M. Alain Tourret - Les textes relatifs à l'équilibre des pouvoirs revêtent une grès grande importance, en particulier lorsqu'il s'agit de renforcer l'autorité judiciaire. C'est pourquoi notre réticence à priver le pouvoir exécutif des prérogatives que lui donne l'article 20 de la Constitution est extrême. Certes, nous sommes conscients que l'affirmation de l'indépendance du parquet correspond à l'attente d'une opinion publique chauffée à blanc par les médias, une opinion conduite à considérer que la justice ne concerne que les pauvres et les voleurs de poules cependant que l'impunité serait garantie aux élus.

La réalité est toute autre -800 élus mis en examen, des dizaines de parlementaires de tous les bords également, des ministres pouvant être traduits à tout moment devant la Cour de justice de la République...

Il semble que la légitimité que donne le suffrage universel constitue une cause aggravante de la responsabilité !

Un député du groupe DL - C'est vrai !

M. Alain Tourret - Et je pense aussi à la double peine que constitue pour un élu la privation de ses droits civiques. On nous dit aujourd'hui qu'il ne peut y avoir de justice impartiale sans que plus d'initiative soit laissée aux procureurs. Or, depuis 1993, seulement trois instructions écrites du garde des Sceaux aux procureurs seraient intervenues.

Il s'agit donc, au nom de la transparence, d'entretenir l'hypocrisie : on interdit des instructions écrites qui n'existent pas pour les remplacer par des directives générales.

Toute l'ambiguïté de ce texte est là : on prétend à la fois priver le Garde des Sceaux de certains de ses pouvoirs tout en le chargeant de la définition de la politique pénale.

Il y a lieu de s'inquiéter d'un transfert aux magistrats de la responsabilité politique. Dans une grande démocratie comme la France, un pouvoir ne peut s'exercer sans responsabilité. La politique pénale est l'un des aspects de la politique du Gouvernement. Il appartient donc au garde des Sceaux d'en répondre.

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Très juste !

M. Alain Tourret - Un juge ne doit pas disposer de moyens d'exercer un contrôle politique. Il n'a pas vocation à se substituer à l'électeur.

Si le texte était donc resté en l'état, il aurait rencontré notre opposition frontale. Mais il a évolué dans le bon sens. Les pouvoirs du garde des Sceaux ont été renforcés par rapport à la version initiale du projet avec la possibilité qui lui est ouverte d'interjeter appel et d'orienter la politique pénale par des directives. Les possibilités d'appel renforcées ouvertes aux associations d'utilité publique vont également dans le bon sens.

Grâce à la loi organique relative à la responsabilité des magistrats, le texte évoluera encore. Alors qu'environ 15 000 textes comprennent des sanctions pénales, plus que la mise en oeuvre de la responsabilité des magistrats, c'est la dépénalisation qui constituera un objectif et une obligation majeure, pour éviter que n'advienne le "gouvernement des juges".

Pour l'ensemble de ces raisons, les Radicaux de gauche et le Mouvement des citoyens s'abstiendront (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RCV, du groupe UDF et quelques bancs du groupe du RPR).

M. Pascal Clément - Je n'aurai que peu d'éléments à ajouter à la démonstration de M. Tourret, sauf que ma conclusion sera toute différente...

Votre projet, Madame le garde des Sceaux, est fondé sur une logique curieuse. Vous nous expliquez que le garde des Sceaux a abusé des pouvoirs que lui conférait l'article 36 du code de procédure pénale. Mais plutôt que de rectifier le comportement du ministre, vous proposez la suppression de cet article !

Ce texte dit une chose et son contraire. Le pouvoir politique ne se mêlera plus de la justice. Soit. Mais vous aurez, Madame le garde des Sceaux, le pouvoir de demander aux procureurs de la République de rendre compte heure par heure sur des affaires "générales" ! Quelle énorme ambiguïté juridique !

Dans notre système, le ministère public représente la nation souveraine. Il est chargé de veiller au respect de la loi. Or l'introduction d'un droit d'accusation publique du garde des Sceaux me semble de nature à frapper le texte d'inconstitutionnalité.

Aux termes de l'article III de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, "le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu (le procureur !) ne peut exercer d'activité qui n'en émane expressément".

Or, par l'introduction des directives nationales, il ressort que le procureur exécute la politique pénale du gouvernement. Il y a donc un énorme risque de confusion entre les pouvoirs exécutif et judiciaire.

Et l'ambiguïté persiste. Il est en effet prévu que le garde des Sceaux renonce à son pouvoir d'injonction. Mais, plus loin dans le texte, et les bras m'en tombent, il est doté d'un droit d'action autonome au cas où il ne serait pas obéi ! Le texte se contredit : l'article 36, supprimé, réapparaît en fin de texte "Si l'intérêt général l'impose"... Mais dans ce cas, il faut rétablir l'article 36 du code de procédure pénale !

Voilà donc un texte infondé juridiquement, un texte d'inspiration politicienne, un texte qui n'a pas vocation à devenir pérenne, un texte contraire aux principes de la République, un texte qui mélange les pouvoirs. Nous ne pourrons donc vous suivre ni considérer que toutes les hypocrisies pourront être levées par le rapport annuel du garde des Sceaux au Parlement sur la politique pénale.

Loin d'être un progrès, ce texte qui n'est pas bâti pour durer consacre une régression juridique. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Jacques Floch - Le texte sur l'action publique est un élément important de l'ensemble de la réforme de l'institution judiciaire. Il correspond à une impérieuse nécessité, celle de restaurer un lien de confiance entre les citoyens et "leur" justice.

La justice, en effet, appartient à la nation ; elle est un élément essentiel du pacte républicain. Ses graves dysfonctionnements ont semé un doute sur l'égal accès de tous à la justice, sur l'égalité devant la loi, sur le pouvoir de résistance que se donnent les divers groupes de pression.

Au-delà des caricatures, l'indépendance de la justice, notamment dans le domaine pénal, à l'égard de tout pouvoir politique correspond à une nécessité. Nous partageons l'opinion de M. le rapporteur selon qui la justice est confrontée à une trop grande multiplicité de missions. Mais à qui la faute ? A nous seuls. A nous qui acceptons que les magistrats soient saisis de tout et de rien, président un nombre excessif d'instances diverses. Cette forme de juridicisation de la société tend à faire rêver les magistrats d'un pouvoir et d'un rôle qui ne peuvent être les leurs 

Vous avez décidé, Mme la garde des Sceaux, de mettre un terme à tout cela et de garantir un meilleur accès au droit, une plus grande considération des victimes -tout en évitant le cliché d'une justice liberticide.

Autant d'éléments de réforme que nous approuvons. Mais au-delà des textes, il y a les hommes et les femmes et l'utilisation qu'ils en font. Sollicités de toute part, les magistrats doivent voir leurs missions mieux encadrées par la loi. La loi doit dire les droits et les devoirs des procureurs, afin que l'impartialité de la justice pénale soit définitivement reconnue.

Je l'ai dit, l'indépendance des magistrats obéit à une impérieuse nécessité car ils n'ont pas toujours été indemnes de manipulations.

Nous vous remercions donc, Madame la garde des Sceaux, pour ce texte équilibré. Grande cependant était notre inquiétude, partagée par le plus éminent d'entre nous, le Président Fabius, que le renforcement de l'indépendance n'aille pas de pair avec un renforcement de la responsabilité. Mais le groupe socialiste a pris acte de votre volonté de coupler autonomie et responsabilité en réaffirmant les grands principes de la hiérarchie et de la mise en oeuvre de la responsabilité personnelle des magistrats, dont les conséquences financières, morales et physiques doivent être substantielles en cas de faute lourde.

Le Gouvernement est même allé plus loin en s'engageant à soumettre au Parlement les dispositions principales de la réforme du statut des magistrats avant le vote définitif du présent projet. Nous travaillerons avec vous à l'édification d'une institution judiciaire rénovée, au service de l'ensemble de nos concitoyens.

Le groupe socialiste votera votre projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

A la majorité de 263 voix contre 225 sur 513 votants et 488 suffrages exprimés, l'ensemble du projet est adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 16 heures 45, est reprise à 17 heures.


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CHÈQUES-VACANCES -lecture définitive- (procédure d'examen simplifiée)

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre demandant à l'Assemblée nationale de statuer définitivement sur le texte du projet de loi modifiant l'ordonnance du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture dans sa séance du 3 juin 1999 et modifié par le Sénat dans sa séance du 22 juin 1999.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la lecture définitive de ce projet de loi.

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme - Une nouvelle fois, ce projet vous revient du Sénat, fortement modifié et détourné de son objectif initial. Pour le Gouvernement, il s'agit avec ce projet, dans la ligne de l'ordonnance qui a créé le chèque-vacances, de faire en sorte que les salariés des PME-PMI de moins de cinquante salariés et leurs familles puissent y accéder. Ces salariés sont en effet plus de sept millions, soit 50 % des actifs.

Malgré l'enjeu de ce projet, qui a donné lieu à un important travail de préparation, le Sénat a maintenu sa position. Il a relevé le plafond du revenu fiscal de référence, bien que le projet du Gouvernement concerne 17 millions de salariés ; exonéré de cotisations sociales toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ; majoré les exonérations liées à la situation familiale des salariés ; modifié les conditions du dialogue social dans l'entreprise. Tout cela dénature le projet, et je ne peux que me féliciter que l'Assemblée ait décidé de rétablir le texte adopté lors de sa précédente lecture.

Je salue le travail effectué ici tout au long du débat, fruit d'un dialogue constant entre les parlementaires et le Gouvernement. Ainsi, l'article 6 a été modifié, ouvrant largement aux salariés et aux non-salariés l'accès au chèque-vacances. De même, un amendement permet de mettre en place le chèque-vacances par accord de branche.

En outre, l'utilisation du chèque-vacances a été étendue au territoire des Etats membres de l'Union européenne.

Cette question est d'autant plus actuelle que, lors de rencontres récentes avec mes collègues d'Italie, du Portugal, d'Espagne, ceux-ci m'ont informé de leur volonté de mettre en oeuvre un chèque-vacances inspiré de l'expérience française. Je souhaite que cette question soit mise à l'ordre du jour des débats de l'Union européenne lors des présidences portugaise et française.

Je vous propose donc, à une réserve près, d'adopter le projet tel qu'il a été voté par votre Assemblée le 3 juin dernier.

Dans un souci d'efficacité, et pour rendre la loi immédiatement applicable, le Gouvernement propose en effet un amendement qui rétablira la tutelle conjointe du secrétariat d'Etat au tourisme et du ministère de l'économie et des finances sur l'Agence nationale du chèque-vacances.

Cette loi traduira bien une triple volonté : volonté de justice sociale, permettant à des dizaines de milliers de nouveaux salariés d'accéder à ce nouveau dispositif ; volonté d'un dialogue social équilibré, qui permettra de mettre en oeuvre le dispositif dans les branches ou dans les entreprises ; volonté d'efficacité économique, le chèque-vacances étant un élément important du développement touristique.

Alors que débute la période des vacances d'été, l'adoption de cette loi est un signe fort en direction de tous ceux pour qui ce moment de bonheur et d'épanouissement est encore inaccessible. Elle permettra de donner un nouvel élan à ce qui fut une conquête sociale, il y a plus d'un demi-siècle, le droit aux vacances pour tous (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Gérard Terrier, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Le Sénat étant revenu en troisième lecture à son texte précédent, l'Assemblée nationale est appelée à statuer définitivement. Faute d'accord en CMP, il nous faut reprendre le texte que nous avions adopté le 3 juin.

L'opposition défend une conception libérale. Le Sénat a ainsi relevé sensiblement le plafond de ressources donnant accès aux chèques-vacances, augmenté les exonérations patronales et sollicité pour les entreprises de plus de cinquante salariés les mêmes dispositions que pour les PME.

Nous préférons une conception sociale, donnant la priorité aux salariés dont les ressources sont faibles. En effet, ces derniers ne partent pas en vacances, principalement pour des raisons financières, alors que les catégories visées par l'opposition parlementaire et le Sénat partent déjà en vacances. L'opposition a le droit de concevoir les choses autrement, mais puisque nous sommes en dernière lecture, les salariés à revenus modestes ne comprendraient pas que la minorité parlementaire s'oppose à des dispositions qui leur sont avantageuses et qu'ils attendent avec impatience.

Ce projet est équilibré, il donnera accès aux chèques-vacances à l'ensemble des salariés, travailleurs indépendants et retraités, dès lors que les organismes sociaux existants, ou à créer, définissent des critères acceptés par les différents partenaires. Nous élargissons ainsi l'accès aux chèques-vacances, tout en conservant l'esprit social de l'ordonnance de 1982.

D'autre part, la possibilité d'utiliser le chèque-vacances sur l'ensemble du territoire européen est une avancée notable, qui démontre bien notre conception sociale de l'Europe.

Ce projet de loi répond donc à un souci de justice sociale, et il vise notamment les familles. C'est un projet ambitieux, notamment parce qu'il permet de mettre en place le dispositif par accords de branches.

Le secteur du tourisme en tirera bien sûr avantage. Mais surtout, chers collègues, à la veille des vacances parlementaires, pourrions-nous partir avec bonne conscience, si nous privions les plus démunis d'entre nous de cette chance ? La commission des affaires culturelles demande à l'Assemblée nationale d'adopter définitivement le projet de loi dans les termes que nous avons votés le 3 juin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Patrick Malavieille - Notre assemblée devrait adopter définitivement, aujourd'hui, le projet d'extension des chèques-vacances. Tout au long du processus législatif, les députés communistes et apparentés ont exprimé leur soutien à un texte qui devrait permettre un progrès considérable pour les salariés de notre pays.

Le chèque-vacances constitue, en effet, un moyen particulièrement efficace de lutter contre une situation de fait intolérable, l'impossibilité pour près d'un Français sur deux d'accéder aux vacances. La diversité de ses formes d'utilisation, qui vont de l'hébergement au paiement des transports, en passant par la restauration, permet une grande souplesse.

C'est pourquoi depuis sa création, en 1982, cet outil a connu un succès considérable. Mais son mode d'attribution a fait que les employés d'un grand nombre de PME n'ont pu en bénéficier. C'est ce à quoi le projet de loi a entrepris de remédier, et nous ne pouvons que nous en féliciter, car il sera ainsi mis un terme à la discrimination de fait qui frappait environ 7 millions de salariés.

Les députés communistes soutiendront donc sans réserve le texte que vous nous présentez, Madame la ministre, et ce d'autant plus que vous avez répondu aux quelques interrogations que celui-ci avait suscitées dans nos rangs, pour ce qui concernait les emplois-jeunes et les CES ou encore les retraités et les préretraités qui, grâce à la modification de l'article 6 pourront bénéficier de chèques-vacances.

M. Jean-Michel Couve - Non !

M. Patrick Malavieille - Je me réjouis également que le principe de l'extension de l'utilisation du chèque-vacances à l'ensemble de l'Union européenne ait été consacré. Nous y étions très attachés.

Vous l'aurez compris, le groupe communiste votera en faveur de ce texte, qui constitue un progrès considérable dans la conquête du droit au temps libre pour les salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Pierre Cardo - Votre projet prévoit, pour favoriser l'accès des salariés des entreprises de moins de 50 salariés aux chèques-vacances, que tout organisme paritaire chargé de la gestion d'une activité sociale et créée par accord de branche ou territorial sera autorisé à en distribuer. Cela exige une forte implication des partenaires sociaux, ce qui n'est pas obligatoirement un mal. Mais comme ce sont les employeurs qui financent les organismes paritaires, cela aura pour conséquence l'alourdissement des charges qui pèsent sur les PME.

Vous proposez aussi de modifier le critère d'appréciation des ressources du salarié pouvant bénéficier des chèques-vacances. En abandonnant le critère de la cotisation à l'impôt sur le revenu au bénéfice du critère "revenu fiscal de référence", vous excluez du dispositif entre 4 et 5 % des bénéficiaires actuels. Et tout en ouvrant le bénéfice des chèques-vacances à certaines catégories particulières telles que les marins-pêcheurs ou les ouvriers dockers occasionnels, vous ne réglez pas pour autant le problème du personnel non statutaire des fonctions publiques.

Le Sénat, pour sa part, avait maintenu le critère actuel d'appréciation des ressources et relevé le plafond en le modulant en fonction, notamment, du nombre d'enfants à charge. Il ouvrait ainsi l'accès des chèques-vacances aux non-salariés et élargissait l'exonération des charges sociales à l'ensemble des entreprises. Dans un souci de simplification, la Haute Assemblée avait également prévu que des accords puissent être passés dans l'entreprise, soit après accord conclu avec les salariés mandatés, soit après consultation des délégués du personnel. Elle avait encore proposé de diminuer le montant minimal exigé des salariés afin que les plus modestes puissent constituer une épargne-vacances.

Ni le Gouvernement ni sa majorité n'ont accepté ces améliorations. Dans ces conditions, le groupe DL votera contre ce texte.

M. Jean-Pierre Dufau - Au terme de l'examen de ce projet consacré à l'extension de l'accès au chèque-vacances, nous nous réjouissons du progrès que constitue cette mesure nouvelle, qui concerne quelque 7 millions de nos concitoyens. Nous nous félicitons d'autant plus que le dialogue avec le Parlement a permis d'en élargir encore l'accès en l'étendant à tous les titulaires d'emplois salariés publics et privés ainsi qu'aux retraités. C'est donc bien une loi sociale, dont vont bénéficier ceux dont les revenus sont modestes. L'esprit de l'ordonnance de 1982 est respecté. De surcroît, le pouvoir d'achat supplémentaire ainsi constitué aura des retombées bénéfiques pour le secteur du tourisme et donc sur l'emploi.

Nous nous réjouissons encore de la volonté exprimée par le Gouvernement de permettre l'utilisation des chèques-vacances sur tout le territoire de l'Union européenne. L'entrée en vigueur de l'euro devrait permettre d'organiser la réciprocité assez simplement. Il aura enfin fallu une certaine ténacité pour régler la question de la tutelle de l'agence du chèque-vacances mais grâce à votre sens du dialogue, Madame la ministre, nous y sommes parvenus.

Le groupe socialiste votera donc ce texte qui, les hasards du calendrier parlementaire aidant, vient véritablement à son heure (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Pierre Couve - Nous voici donc au bout de l'examen d'un texte dont nous débattons depuis février dernier, concernant un sujet d'une haute importance sur le plan humain, social et économique, sujet qu'avec Bernard Pons et le groupe RPR nous voulions, dès septembre 1997, aborder de manière bien différente.

Presque deux ans ont passé, et je ne vous étonnerai pas en réaffirmant que vos solutions ne sont pas les nôtres.

Bien sûr, nous sommes d'accord avec vous en ce qui concerne l'enjeu social de toute opération d'extension du chèque-vacances. Mais à l'évidence, nous n'accordons pas au terme "extension" la même signification et, de plus, nous divergeons sur l'appréciation des retombées des mesures que vous préconisez.

L'extension, je le répète, sera extrêmement limitée. Votre ambition se limite à 150 000 salariés des PME-PMI supplémentaires par an, soit à peine 5 % des 7,5 millions de leurs salariés.

C'est moins que l'accroissement annuel des bénéficiaires du chèque-vacances ! Il y a donc un fossé entre votre texte et la réalité !

En fait, votre projet n'opère qu'un toilettage de l'ordonnance de 1982. Pourtant, rien ne vous empêchait de la réformer plus profondément, comme nous avions prévu de le faire.

Mais si l'extension que vous prévoyez est limitée, votre texte est également trop restrictif. En effet, pour des raisons -peu convaincantes- de "justice sociale", vous maintenez des plafonds de ressources trop bas, vous n'inscrivez aucune mesure réellement incitative d'abaissement de charges pour les entreprises et vous excluez, de fait, des catégories socioprofessionnelles qui, pour un même niveau de revenus et avec un pouvoir d'achat souvent très modeste, se trouvent rejetées du système. Il s'agit des commerçants, des artisans, des agriculteurs et des professionnels libéraux. Pour ce qui est des retraités, vous ne trompez personne : en introduisant, dans l'article 6, l'extension du chèque-vacances à cette catégorie de la population, vous n'inscrivez en fait qu'une mesure purement symbolique puisque, sans contreparties financières, les caisses de retraite ne pourront pas accéder aux éventuelles demandes de leurs adhérents.

De plus, ce texte aggrave les inégalités sociales puisque les fonctionnaires et les salariés des grandes entreprises peuvent avoir accès aux chèques-vacances sans aucune contrainte législative cependant que les salariés des PME-PMI sont soumis, tout comme les entreprises, à de difficiles contraintes voire à de véritables blocages.

De même, on place d'un côté les salariés et d'un autre côté, pour un même niveau de pouvoir d'achat et de revenus, les non-salariés, d'un côté les actifs ou, du moins, une partie d'entre eux et, d'un autre côté, les retraités, les préretraités et les chômeurs. Voilà bien un ensemble de mesures dites "sociales" qui ne font qu'aggraver les inégalités!

Enfin, comment ne pas regretter que votre projet ne soit pas plus ambitieux en termes de politique familiale ?

On le sait bien, les couples avec enfants sont beaucoup moins nombreux à pouvoir partir en vacances. Ainsi, en 1997, seules 55 % des familles avec enfants en ont bénéficié, contre 71 % pour les couples sans enfant. Et, on le sait aussi, les difficultés s'accentuent en fonction du nombre d'enfants. Votre texte ne fera qu'accentuer les disparités et les inégalités au détriment des familles et en particulier des familles nombreuses.

Puisque votre majorité n'a pas voulu retenir nos propositions ni celles du Sénat, il s'agit bien là d'un texte de "limitation à l'extension du chèque-vacances".

Encore une fois, voilà une occasion perdue pour de très nombreux Français de ces classes "moyennes modestes", expression qui amuse nos collègues de la majorité plurielle mais que comprennent bien celles et ceux qui en font partie et qui vivent difficilement.

Il leur restera à espérer, comme nous, que vienne bientôt le temps où nous serons en mesure de proposer une vraie réforme de ce dispositif, puisque les réponses qui nous auront été apportées au fil de ce débat auront été bien insuffisantes.

Mme Muguette Jacquaint - Que ne l'avez-vous fait ?

M. Jean-Michel Couve - C'est la raison pour laquelle le groupe RPR votera contre votre texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Léonce Deprez - L'économie touristique peut devenir la première source d'emplois nouveaux dans les années 2000. Mais ces emplois ne doivent plus être précaires. Ils doivent s'inscrire dans le développement durable d'une économie touristique à l'année, dans les vingt ans à venir.

Pour y parvenir, votre ministère, qui devrait être rattaché au Premier ministre le plus tôt possible, doit impulser une politique d'ouverture dans trois directions. Ouverture territoriale d'abord autour des 2 000 pôles d'économie touristique ; ouverture au temps libre pendant les quatre saisons de l'année ; couverture sociale, enfin, en direction du plus grand nombre. Je constate que nous avons en ce domaine une volonté commune.

J'ai également pris note de votre désir de réunir un groupe de travail sur la mise en valeur des espaces à vocation touristique que j'ai, dans une proposition de loi, suggéré de labelliser. J'ai relevé votre volonté de prendre des mesures nationales cohérentes -donc interministérielles- pour conforter l'activité des pôles d'économie touristique sur toute l'année.

Nous franchissons aujourd'hui une nouvelle étape dans l'ouverture sociale. Nous avons certes demandé le relèvement du plafond du revenu fiscal de référence ; l'ouverture du dispositif aux PME-PMI de moins de 50 salariés, la mise en place d'accords par branche pour ce dispositif.

Et je regrette que dans ce texte l'ouverture sociale soit réduite concernant le partenariat, la dimension familiale, le monopole de l'agence nationale des chèques-vacances, qui ne saurait se perpétuer. Le temps est venu de donner aux chèques-vacances une dimension européenne -je sais que vous voulez agir dans ce sens.

J'appuie donc les observations faites par MM. Couve et Cardo. Mais l'opposition peut aussi être plurielle dans son expression (Rires sur les bancs du groupe socialiste).  Le groupe UDF souhaite parvenir au but, fût-ce par étapes successives. Le développement de l'économie touristique doit mobiliser toutes les volontés et nous devons nous rejoindre dans l'action (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) en faveur de l'emploi. Un accord général n'existe pas encore. Nous vous donnons donc une chance d'aller plus loin. Le groupe UDF s'abstiendra ("Oh !" sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme la Présidente - La CMP n'étant pas parvenue à un texte commun, l'Assemblée se prononce sur le dernier texte voté par elle. Elle est saisie d'un amendement qui, conformément à l'article 45, alinéa 4, de la Constitution et à l'article 114, alinéa 3, du Règlement, reprend un amendement adopté par le Sénat en nouvelle lecture.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 1 maintient la cotutelle du ministère de l'économie et du ministère chargé du tourisme sur l'agence nationale des chèques-vacances. J'en ai donné les raisons lors de la précédente lecture.

M. le Rapporteur - Sans développer puisqu'il s'agit d'une procédure simplifiée, je conclus de plusieurs interventions une mauvaise lecture du texte. Il est bien prévu l'accès de tous, salariés et non-salariés aux chèques-vacances dès lors qu'il y a volonté des organismes sociaux de les utiliser grâce aux dispositions de l'article 6.

M. Jean-Michel Couve - Ce n'est pas vrai.

M. le Rapporteur - Et vos propos multiplient les contradictions. Mais je n'insiste pas.

S'agissant de l'amendement du Gouvernement, nous étions opposés à la cotutelle. C'est uniquement parce qu'elle permettra d'accélérer la mise en application du projet que la commission l'accepte aujourd'hui.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles - Nous voulions un débat sur ce point et nous avons été convaincus de voter l'amendement.

Il s'agit d'un très bon texte et je félicite le rapporteur et la commission pour leur excellent travail. A écouter MM. Cardo et Couve, je pense que nous n'avons pas lu le même texte. J'avais proposé un groupe de travail pour nous mettre d'accord, mais il est trop tard pour vous convaincre. Pour faciliter une bonne application du texte, je proposerai à la commission de faire éditer une brochure simple et claire de présentation. Je compte sur le ministère pour la faire diffuser à tous ceux qui sont concernés et elle sera à la disposition des parlementaires. Je suis convaincu que M. Deprez sera satisfait.

D'autre part, je proposerai que M. Terrier soit chargé d'une mission de service de l'application de la loi. Il nous dira dans quelques mois si elle remplit bien ses objectifs, les critiques de MM. Cardo et Couve étant ainsi balayées. M. Deprez a évoqué le travail saisonnier. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Je me félicite, enfin, Madame la ministre, de votre ouverture européenne.

M. Jean-Michel Couve - En première lecture, on m'accusait de ne pouvoir comprendre le texte parce que je suis maire de Saint-Tropez, cette fois c'est parce que je ne sais pas lire. Et comme nous ne sommes peut-être pas assez intelligents, une petite brochure simple nous aidera à comprendre.

M. le Président de la commission - Je le souhaite.

M. Jean-Michel Couve - Ce texte renforce les inégalités sociales. Il ne sert à rien de faire entrer dans le cadre de l'article 6 toutes sortes de catégories professionnelles, si l'on n'annonce aucune mesure pour l'appliquer effectivement.

M. Jean-Pierre Dufau - Compte tenu des explications du rapporteur, le groupe socialiste accepte le principe de la cotutelle et votera l'amendement.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, tel qu'il résulte du dernier texte voté par l'Assemblée, et modifié par l'amendement qui vient d'être adopté.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme - Je tiens à remercier l'Assemblée nationale pour la qualité des débats qui ont abouti à l'élaboration de ce texte. Ces remerciements s'adressent en premier lieu au président de la commission, dont l'intervention a permis d'approfondir le dialogue entre le Gouvernement et l'Assemblée, ainsi qu'au rapporteur, qui a fait preuve de constance et de ténacité. Je remercie également l'ensemble des groupes, qui ont participé aux travaux, chacun avec sa sensibilité et ses interrogations.

Il nous reste, sans oublier le chantier social des saisonniers du tourisme, à faire en sorte que cette loi entre rapidement en application. Je m'y emploierai dans les semaines à venir, avec l'ensemble des acteurs publics, privés et associatifs, afin que, dans quelques mois, des dizaines de milliers de salariés supplémentaires bénéficient du droit aux vacances et fassent de l'an 2000 une grande fête de la solidarité et de l'amitié (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).


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LICENCIEMENT DES SALARIÉS DE PLUS DE CINQUANTE ANS
-lecture définitive- (procédure d'examen simplifiée)

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre par laquelle il demande à l'Assemblée nationale de statuer définitivement, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur la proposition de loi tendant à limiter les licenciements de salariés de plus de cinquante ans.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de cette proposition de loi en lecture définitive.

Mme la Présidente - Je rappelle que ce texte fait l'objet de la procédure d'examen simplifiée.

Mme Nicole Pery, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle - Nous savons les difficultés que connaissent les salariés de plus de cinquante ans, que je ne me résous pas à appeler âgés, lorsqu'ils sont brutalement frappés par le chômage. Il est du devoir de la collectivité nationale de tout mettre en oeuvre en leur faveur, et de dissuader les entreprises de faire de leur licenciement un mode de gestion des ressources humaines.

C'est pourquoi le Gouvernement a accueilli très favorablement, dès la première lecture, la proposition de loi du groupe communiste, tendant à compléter la contribution dite "Delalande" et à renforcer son efficacité. Grâce à la suppression des deux principaux cas d'exonération, les entreprises ne pourront plus s'en affranchir. C'est dans le même esprit que Mme Aubry a resserré, dès l'été 1997, les conditions d'accès aux préretraites du FNE et mis davantage à contribution les entreprises qui en avaient les moyens. Elle a doublé, en décembre dernier, le barème de la contribution Delalande pour les entreprises de plus de 50 salariés, ainsi que la cotisation des partenaires sociaux au dispositif ARPE.

Le Gouvernement regrette que la majorité sénatoriale ait confirmé son refus du présent texte, alors même qu'elle avait approuvé, en 1987, l'instauration de la contribution Delalande elle-même. Contrairement à ce que certains ont dit, le Gouvernement ne privilégie nullement les mesures coercitives : il mobilise de façon pragmatique tous les instruments à sa disposition pour faire reculer le chômage des salariés de plus de 50 ans. Dès l'été 1997, Mme Aubry a invité les entreprises à privilégier les reclassements internes et les solutions alternatives ; le volet "défensif" de la loi du 13 juin 1998 sur la réduction du temps de travail a été utilisé à cette fin, et la réforme de la formation professionnelle, à laquelle je travaille présentement, visera à développer la formation tout au long de la vie ainsi que la gestion prévisionnelle des effectifs et des qualifications. Cette politique d'ensemble a permis d'obtenir des résultats significatifs : le nombre des plans sociaux a baissé de 43 % depuis juin 1997, celui des licenciements économiques de 20 %. C'est un encouragement à poursuivre dans cette voie.

Le Gouvernement ne doute pas que le texte sera rétabli dans quelques instants par l'Assemblée, comme l'y invite sa commission, et il se réjouit de sa prochaine mise en oeuvre, qui viendra enrichir notre politique de lutte contre le chômage des hommes et des femmes de plus de 50 ans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Maxime Gremetz, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Nous sommes appelés à nous prononcer de manière définitive, en quatrième lecture, sur une proposition déposée par le groupe communiste en décembre 1998. Il aura fallu du temps pour la faire aboutir !

Je tiens à rappeler de prime abord que cette proposition est tronquée, car le couperet de l'article 40 a interdit que soit débattue sa partie concernant l'amélioration de la situation des salariés de plus de cinquante ans au regard de la retraite. Elle constituait pourtant une alternative réaliste à une politique trop centrée sur l'équilibre comptable des régimes, alternative fondée sur un autre critère : celui de la justice sociale. Nous proposions notamment de donner un droit à la retraite à taux plein à tous les salariés ayant cotisé au moins quarante annuités à l'assurance vieillesse, ainsi que d'étendre et de proroger le dispositif ARPE, créé par les partenaires sociaux en 1995.

La proposition de loi ne comporte donc plus que son volet relatif à la lutte contre le licenciement des salariés de plus de cinquante ans. Son adoption n'en est pas moins nécessaire, car ces salariés sont particulièrement exposés : les personnes qui sont victimes d'un licenciement économique après cinquante ans représentent le quart des inscrits à l'ANPE et ont davantage de difficultés à retrouver un emploi, comme en témoigne le fait que les deux tiers des chômeurs de cette tranche d'âge sont des chômeurs de longue durée.

Par crainte -justifiée- des effets de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, le législateur de 1987 avait assujetti les entreprises licenciant des salariés de plus de 50 ans au versement d'une contribution, dite "Delalande", dont le Gouvernement vient d'ailleurs de relever le montant par voie réglementaire. Nombre d'entreprises cherchent à contourner cette contribution en recourant à des mesures d'âge moins coûteuses,... comme la convention de conversion et la préretraite FNE, ravalés ainsi au rang de licenciement déguisé, de rupture du contrat de travail au rabais.

Les deux premiers articles de la proposition visent donc à rééquilibrer le coût des mesures d'âge en étendant la contribution "Delalande" aux conventions de conversion et à la préretraite FNE. L'article 3 en rend l'application effective dès le 1er janvier 1999, afin d'éviter que la période intermédiaire ne soit mise à profit par des entreprises peu scrupuleuses.

L'Assemblée nationale a adopté ce texte en première lecture le 10 décembre 1998. Le Sénat l'a rejeté le 9 février 1999 puis de nouveau le 11 mars. La commission mixte paritaire a échoué devant l'opposition irréductible de la Haute Assemblée, manifestée par son troisième rejet du texte le 22 juin dernier.

Jamais au cours des différentes lectures, le Sénat n'a cherché à améliorer le texte adopté par l'Assemblée, se contentant, en CMP, d'essayer d'obtenir le report de sa date d'application.

Dans sa logique exclusive de défense des entreprises, le Sénat considère que notre seul but est d'alourdir leurs charges. Or leurs profits, qui atteignent 2 135 milliards ont progressé de 32,5 % pour les trente premières d'entre elles ! Et que dire de l'augmentation des grandes fortunes, -plus de 28 % pour celle de Mme Bettencourt soit l'équivalent de 32 SMIC par minute !-ou de la capitalisation boursière de 6 200 milliards ? Et, le Sénat prétend que cette proposition risque de mettre à terre des entreprises qui ne réalisent pas assez de profits !

Il estime également que les abus constatés à l'origine de ce texte ne sont pas prouvés et constituent un épiphénomène, qui ne concerne que quelques entreprises.

C'est faire peu de cas de la situation des salariés concernés. Les faits sont là : le nombre des entrées des plus de 50 ans dans les dispositifs de conversion augmente de façon exponentielle et leur reclassement en fin de convention reste problématique, celle-ci constituant trop souvent un "sas" vers le chômage.

Il est en outre incontestable que certains employeurs concluent une convention d'allocation spéciale de préretraite et font ensuite pression sur leurs salariés pour qu'ils en refusent le bénéfice, afin d'échapper au versement de la contribution Delalande.

Ces détournements, difficiles à dénombrer, sont incontestables et provoquent de véritables drames humains comme en a convenu le rapporteur du Sénat. Or notre souci prioritaire ne reste-t-il pas la lutte contre le chômage et la protection de ceux qui y sont exposés, a fortiori les plus de 50 ans ?

Il existe une opposition essentielle entre la logique financière du Sénat et le souci de justice sociale qui anime la majorité de l'Assemblée nationale. A ce titre, l'échec des navettes ne doit pas surprendre.

Dès lors, il y a lieu en vertu de l'article 45 alinéa 4 de la Constitution, de statuer définitivement sur cette proposition de loi. Votre rapporteur, suivi par la commission des affaires culturelles, vous demande donc d'adopter définitivement le texte adopté par l'Assemblée nationale en troisième lecture.

Cette adoption ne résoudra pas cependant tous les problèmes. Je rappelle au Gouvernement son engagement de légiférer sur le recours abusif aux contrats à durée déterminée -interrogée sur ce point, Mme Aubry avait répondu à la représentation nationale qu'en cas d'échec de la négociation en cours sur ce point entre le MEDEF et les partenaires sociaux, il y aurait lieu de légiférer.

Alors que certaines entreprises, telle que Valéo-Abbeville, emploient plus de 34 % d'intérimaires permanents, ce qui constitue un record, n'est-il pas temps de légiférer ?

En outre, il est urgent de mettre en place un moratoire sur les licenciements, alors que certains grands groupes réalisant des profits records -je pense à Elf, à Renault, à Pechiney- multiplient les plans de licenciement qui risquent de mettre des milliers de gens à la rue.

En conclusion, les députés communistes ont déposé une proposition de loi tendant à encadrer les licenciements pour motif économique et à accorder de nouveaux droits aux salariés, au sein des comités d'entreprise et des comités d'hygiène et de sécurité.

Cette proposition de loi ne coûte pas un sou. Nous demandons donc instamment au Gouvernement de l'inscrire à l'ordre du jour de notre Assemblée. Si tel n'était pas le cas, nous utiliserions notre fenêtre parlementaire pour qu'elle vienne en discussion envers et contre tout. L'article 40 de la Constitution ne pouvant lui être opposé, il y aurait de grandes chances que la majorité plurielle l'adopte (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Bruno Bourg-Broc - Nos collègues du Sénat ont fait preuve d'une grande sagesse en repoussant cette proposition de loi. Ce texte, d'inspiration essentiellement politique, n'a pas d'autre justification que celle de faire plaisir à une partie de la majorité, mais certainement pas aux partenaires sociaux.

Déjà doublée en 1992 par Mme Aubry, la contribution Delalande serait ainsi encore augmentée. Le décret du 28 décembre 1998 en fixe le montant à deux mois de salaire brut pour les salariés de plus de 50 ans, 12 mois de salaire brut pour les salariés âgés de 56 à 58 ans et un montant dégressif au-delà de 58 ans. Or la contribution se limitait à l'origine à trois mois de salaire brut. Alors s'agit-il de limiter les licenciements ou de remplir les caisses de l'Etat ? Je rappelle que l'UNEDIC -partenaires sociaux et représentants patronaux unanimes- a déposé un recours pour excès de pouvoir contre l'Etat sur l'affectation des fonds issus du doublement de la contribution. Le Gouvernement est soupçonné de vouloir disposer à sa guise de fonds gérés par des organismes paritaires. Il y a là matière à une belle bataille juridique, prélude à celle sur les trente-cinq heures.

Le groupe communiste et le Gouvernement justifient l'extension de la contribution aux conventions de conversion par la multiplication du nombre de celles-ci pour les salariés de plus de 50 ans, dans le but, nous dit-on, de contourner la contribution "Aubry".

Mais il y a là une contradiction -les conventions de conversion concernent les salariés dont le licenciement n'a pu être évité. Le groupe communiste et le Gouvernement entendent-ils sanctionner les conventions de conversion destinées aux salariés âgés de plus de 50 ans ?

Nous voulons bien admettre l'existence de quelques abus mais justifient-ils des sanctions collectives, pour toutes les entreprises ?

Vous justifiez aussi l'augmentation de la contribution liée aux préretraites FNE par l'existence d'abus et de détournements. Serait-ce à dire que l'Etat serait négligent dans la négociation de ces conventions ?

En réalité, les 200 000 entrées nouvelles en dispositif FNE ne donnent lieu qu'à une soixantaine de refus. Est-il crédible alors d'invoquer des "détournements" ? De surcroît, ces abus sont loin d'être avérés. Ce texte instruit donc à l'égard des entreprises un procès d'intention, l'ensemble de l'opération visant à faire plaisir à la majorité plurielle. Comment justifier sinon cet élargissement de l'assiette de la contribution qui prend de plus en plus l'allure d'un nouveau prélèvement ?

Ecoutez donc les partenaires sociaux, qui s'élèvent contre ce nouveau coup porté à l'UNEDIC, et retirez votre texte ; faute de quoi le groupe RPR ne le votera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Rapporteur - Vous avez tort !

M. Pierre Carassus - La proposition d'initiative communiste est très opportune. En effet, même si le nombre de licenciements économiques diminue, l'emploi, l'actualité le prouve, ne cesse pas d'être menacé : restructurations, délocalisations, OPA jettent des milliers de familles dans la précarité et les salariés en sont souvent les premières victimes.

Certaines grandes firmes se sont engagées dans une drastique réduction des coûts, licenciant toujours plus pour maximiser les profits. Pourtant, l'an dernier, les bénéfices des trente premières entreprises françaises ont augmenté de 32 %, atteignant 127 milliards environ.

Au lieu de réinvestir ces bénéfices dans l'emploi, certains groupes continuent de dégraisser pour satisfaire leurs actionnaires, bénéficiant parfois d'aides publiques pour cela.

Il ne s'agit pas de culpabiliser les entreprises, comme nous l'objecte l'opposition, mais de responsabiliser les dirigeants de certaines d'entre elles. Le licenciement ne peut pas tenir lieu de variable d'ajustement économique.

Il est dès lors surprenant que la majorité sénatoriale ait refusé d'approuver des dispositions tendant à garantir le contrat de travail des salariés de plus de 50 ans, qui méritent mieux que d'être jetés après usage comme un kleenex. Montrer une telle ingratitude à leur égard est inacceptable. Les députés du MDC ne partagent pas cette conception libérale qui donne la primauté à la rentabilité du capital au détriment du travail.

Il ne s'agit pas de sanctionner collectivement les entreprises, dont les plus petites ne sont pas concernées, mais de freiner les licenciements économiques qui sont coûteux pour la collectivité. A cette fin, la proposition tend à améliorer le mécanisme de la contribution Delalande, créée en 1987 à la suite de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, qu'il conviendrait d'ailleurs de reconsidérer. En effet, certains chefs d'entreprise ont cherché à s'exonérer de cette contribution en détournant la convention de conversion et la préretraite du FNE.

Les salariés de plus de 50 ans sont deux fois et demi plus soumis aux licenciements économiques que les autres actifs et le chômage de longue durée affecte les deux tiers des chômeurs de cette tranche d'âge.

Cette proposition s'inscrivant pleinement dans la recherche d'une plus grande justice sociale, les députés du MDC et tous ceux du groupe RCV la voteront (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Gilbert Gantier - Jamais, la navette n'aura été aussi vaine, le Sénat supprimant, l'Assemblée rétablissant, la commission mixte paritaire échouant. Nous continuons à nous opposer au texte.

En effet, en étendant la contribution Delalande aux conventions de conversion et aux refus de conventions de préretraite, vous dénaturez la contribution Delalande qui depuis 1987, n'a cessé d'être augmentée et élargie, sans pour autant remplir son rôle, à savoir limiter le licenciement des salariés les plus âgés. La proposition obéit à une logique de sanction et d'accroissement des charges des entreprises. En effet, la part des salariés de plus de 50 ans dans "les conventions de conversion" serait passée de 12 % en 1994 à 17 % en 1997. Vous en déduisez un détournement généralisé. De même, vous prétendez que les refus des préretraites FNE constituent un contournement de la loi. Vous décidez donc de mettre fin à ce que vous appelez des "failles" dans la contribution Delalande. En doublant son montant, vous augmentez les prélèvements obligatoires sur les entreprises qui hésiteront davantage encore à embaucher des personnes entre 45 et 50 ans et reporteront peut-être les licenciements sur les salariés qui ont tout juste moins de 50 ans.

Il conviendrait au contraire de faciliter l'embauche en libéralisant le droit du travail pour permettre souplesse et flexibilité, en allégeant les charges sociales sur les salaires et en facilitant la conversion professionnelle grâce à une modernisation de la formation continue.

L'adoption de la proposition augure mal de la seconde loi sur les 35 heures.

Aussi le groupe DL opposé à votre politique de l'emploi qui détruit plus d'emplois qu'elle n'en crée, votera contre cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Gérard Terrier - Parce que les salariés de plus de 50 ans sont particulièrement touchés par le chômage, il est du devoir de la collectivité de tout mettre en oeuvre en leur faveur. Les entreprises doivent bien prendre conscience du coût pour la collectivité des licenciements de ces salariés afin, le cas échéant, de reconsidérer leur décision. C'est bien l'objet de la contribution Delalande, dont le Gouvernement a augmenté le barème pour éviter le contournement des préretraites. En effet les salariés de plus de 50 ans constituent une cible privilégiée pour une politique de profit, à courte vue. Le chômage constitue pour eux une véritable tragédie tant il est difficile de retrouver un emploi passé 50 ans.

Par crainte, justifiée, des effets pervers de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, le législateur a, dès 1987, créé la contribution dite Delalande, dont beaucoup d'entreprises ont cherché à s'exempter en détournant la convention de conversion ou la préretraite FNE.

Rappelons-le, la part des chômeurs de longue durée est deux fois plus élevée chez les plus de 50 ans, dont l'entrée dans les conventions de conversion, ou dans la préretraite FNE., augmente de façon exponentielle. Le rapporteur du Sénat lui-même en a convenu.

Dès lors, il est indispensable de supprimer par la loi des effets pervers provoquant de véritables drames.

Il est inadmissible que certains employeurs, même s'ils sont minoritaires, utilisent le licenciement comme une variable d'ajustement.

J'ai espéré, peut-être naïvement, que cette proposition recueillerait un large consensus. En effet, sa motivation est noble et elle n'a pour objectif que d'étendre un dispositif élaboré naguère par la minorité d'aujourd'hui.

Pourtant le Sénat s'y oppose, avec une détermination sans faille, et une argumentation spécieuse. Même si nous admettions avec le Sénat que les abus sont en nombre limité, comment accepter que des salariés, quel qu'en soit le nombre, soient victimes de dispositions si injustes ?

On pourrait tout au plus concevoir que le Sénat soit opposé à l'article 3, qui tend à appliquer le nouveau dispositif dès le premier janvier 1999. Cependant, rejeter les deux premiers articles, sans chercher à les améliorer, relève d'une opposition stérile.

L'argumentation du Sénat est bien légère. Il est urgent d'empêcher certaines entreprises de licencier les salariés de plus de 50 ans, et le groupe socialiste votera la proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Germain Gengenwin - Notre groupe avait voté contre ce texte lors de la lecture précédente, il fera de même cette fois, puisque le texte n'a pas changé. Certes, l'intention de ses auteurs est louable, elle se place au départ dans le droit fil du dispositif Delalande de 1987, qui avait institué une pénalité égale à trois mois de salaire, versée à l'UNEDIC, et que vous avez durci en 1992. Je reconnais qu'il y a un réel problème pour cette catégorie de salariés, dont le chômage tend plutôt à s'aggraver.

Mais les solutions que vous proposez sont dangereuses. Ce n'est pas en culpabilisant une fois de plus les entreprises qu'on résoudra le problème. Certes, il y a des abus -et c'est ce qui a justifié le dispositif Delalande-, mais en étendant ce dernier, vous instituez une sanction collective, rétroactive qui plus est. Prenons garde de ne pas céder à la tentation du manichéisme et de la caricature : les entreprises qui licencient le font en général à contre-coeur. Par ailleurs, votre texte n'aura-t-il pas pour effet de ralentir l'embauche des salariés de plus de 40 ans ? D'autres pistes pourraient être explorées. Par exemple, les formules de reconversion-formation. Notre collègue Kert proposait d'inciter les entreprises à passer des accords entre elles. Il faut s'efforcer de procurer une deuxième chance au plus grand nombre. Notre ami Jacques Barrot nous invitait à "réussir le passage de l'obligation de former à l'obligation de qualifier". Voilà qui serait cohérent.

Vous manquez, vous, de cohérence. D'un côté vous pénalisez les licenciements des plus de 50 ans. De l'autre, vous encouragez au rajeunissement de la pyramide des âges.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera contre la proposition de loi, tout en appelant à une véritable réflexion sur le sujet.

M. Bruno Bourg-Broc - Très bien !

La discussion générale est close.

Mme la Présidente - Je mets aux voix le dernier texte de l'Assemblée nationale, que le Sénat avait rejeté en nouvelle lecture.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.


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DROIT DES FEMMES -deuxième lecture- (procédure d'examen simplifiée)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - C'est avec plaisir que j'interviens devant votre assemblée au lendemain d'une journée historique qui a vu inscrire l'objectif de parité dans la Constitution. Certains se seraient ennuyés, ai-je lu, mais nous étions un certain nombre à manifester un réel plaisir !

A propos du texte inscrit à l'ordre du jour, je veux souligner à nouveau la ténacité du groupe de députées et de sénatrices qui ont permis à ces propositions de voir le jour. Je tiens aussi à remercier le rapporteur Jacques Floch pour la pertinence de son analyse.

La volonté de se doter d'instances qui apportent aux travaux parlementaires l'éclairage d'une analyse centrée sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, est partagée par la plupart de nos partenaires européens. Cette proposition de loi permettra de combler le retard de la France, je l'ai encore vérifié les 14 et 15 juin à Berlin, lors d'un conseil des ministres consacré à ce sujet.

La question de l'égalité des chances concerne tous les textes législatifs et l'ensemble de nos politiques. Ainsi, Martine Aubry et moi-même avons-nous proposé au Premier ministre, le 8 mars, une démarche innovante, prenant appui sur un partenariat gouvernemental, afin de construire une plate-forme de propositions concrètes.

Trois priorités ont été retenues, et font l'objet d'une application concrète : l'égalité dans la vie professionnelle, l'accès aux responsabilités, le renforcement des droits spécifiques -en particulier, la lutte contre les violences conjugales et l'accès à la contraception et à l'IVG.

L'égalité professionnelle, d'abord. 13,5 % des femmes sont au chômage contre 9,8 % des hommes. C'est pourquoi le plan national d'action pour l'emploi, que j'ai présenté le 2 juin, au nom de Martine Aubry, au conseil des ministres, réserve 55 % des dispositifs aux femmes, et au moins 35 % des contrats d'apprentissage d'ici à la fin 2000.

Il est essentiel d'améliorer l'orientation scolaire des filles. Une convention avec le ministère de l'éducation nationale permettra de combattre très tôt les comportements sexistes et les stéréotypes dans les manuels scolaires.

Le rapport Génisson, sur l'égalité professionnelle sera rendu public dans les prochains jours, et plusieurs de ses propositions pourront être intégrées dans la plate-forme gouvernementale.

Deuxième axe, l'accès des femmes aux postes de responsabilité. Dominique Gillot, rapporteuse de l'Observatoire de la parité, remettra en septembre ses propositions concernant les différents modes de scrutin et le financement des partis politiques, en vue d'une application de la révision constitutionnelle.

Dans le domaine social, je souhaiterais inciter les associations à améliorer la place des femmes aux postes de responsabilité. Des contrats d'objectifs signés avec l'Etat, intégrés aux conventions triennales de financement, pourraient encourager une plus grande mixité.

Une démarche semblable sera étudiée dans le cadre du conseil supérieur de l'égalité professionnelle pour renforcer la place des femmes aux postes de responsabilités dans les organisations syndicales et professionnelles -le renouvellement de ce conseil a eu lieu le 23 juin 1999, sa première réunion se tiendra le 6 juillet prochain.

Pour ce qui est de la fonction publique, le Gouvernement, suivant en cela les conclusions du rapport de Mme Anne-Marie Colmou, a pris l'engagement de féminiser les jurys de concours et les instances paritaires. Il sera également demandé aux ministères de définir des plans d'objectif visant à rééquilibrer la proportion respective d'hommes et de femmes au nombre des cadres supérieurs.

Je traiterai, enfin, des droits propres des femmes, pour dire ma consternation devant l'étendue des violences conjugales. Il semblerait en effet que quelque 2 millions de femmes soient battues, chaque année, en France. Pour mesurer la nature et l'ampleur exactes de ce fléau, une enquête se déroulera de janvier à avril 2000, en métropole et dans les DOM, qui portera non seulement sur ce type particulier de violence mais aussi sur la violence dans les lieux publics et sur les lieux de travail. Il est prévu d'interroger 7 000 femmes.

Par ailleurs, la commission spécialisée des marchés publics ayant donné son feu vert, une campagne de sensibilisation à la contraception aura lieu entre septembre et décembre. La recrudescence des grossesses précoces malheureusement constatée justifie pleinement une telle campagne et impose à la fois de redoubler d'efforts de prévention et de renforcer l'accès à un droit reconnu depuis janvier 1975. Les spécialistes estiment que les campagnes successives de prévention du sida ont quelque peu brouillé le message relatif à la contraception. On notera d'ailleurs que la dernière campagne portant exclusivement sur la contraception remonte à 1981-1982. Il est temps d'y revenir.

Mme Yvette Roudy - Grand temps !

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement entend par ailleurs proposer diverses mesures facilitant l'accès aux techniques contraceptives nouvelles, y compris l'IVG médicamenteuse.

A ce jour, vingt-cinq propositions constituent la "plate-forme gouvernementale" relative aux droits des femmes et à la parité. Ce partenariat interministériel se poursuivra et il s'enrichira de la coopération que j'aurai à coeur de développer avec les délégations parlementaires nouvellement créées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jacques Floch, rapporteur de la commission des lois - Réunis hier en Congrès à Versailles, nous avons accepté à une très large majorité de réviser la Constitution pour y introduire -enfin- le principe de la parité entre les sexes. En cela, le Congrès était véritablement révolutionnaire, s'attachant à refléter la nature même d'une société où hommes et femmes ont des droits égaux et des devoirs équitables.

Mais cette phrase simple, qui devait être le constat de la réalité, ne l'est pas. Et c'est pourquoi certains de nos collègues, à l'Assemblée avec l'appui du Président Fabius, et au Sénat, ont demandé la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances.

La proposition de loi, enrichie par le débat, votée en première lecture par l'Assemblée, a été adoptée à l'unanimité par le Sénat, après qu'il l'eut réécrite sans en modifier l'esprit. Les sénateurs ont modifié le paragraphe de l'article unique relatif aux compétences et au mode de saisine des délégations, auxquelles ils ont donné comme mission principale l'information du Parlement. Il a également modifié les modalités d'accès à l'information des délégations, afin de les aligner sur celles des délégations pour l'Union européenne.

Ces modifications ne bouleversant pas l'équilibre du texte, et permettant de mieux faire respecter les prérogatives constitutionnelles des commissions permanentes, la commission des lois a adopté sans le modifier le texte du Sénat, et je vous demande de faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Claude Goasguen - Le texte que nous examinons aujourd'hui ne devrait susciter ni fougue ni contradiction, car la démarche qui le sous-tend vise, avant tout, à réaffirmer les principes de la démocratie. Il était grand temps de l'accomplir, car si les mots et les idées sont sans cesse réitérés avec force et de manière on ne peut plus solennelle, la réalité est bien moins idyllique. Les chiffres qui circulent sont tous plus significatifs les uns que les autres : 30 % des femmes travaillent à temps partiel contre seulement 5 % des hommes et, à compétences et qualifications égales, les hommes continuent de gagner de 20 à 30 % de plus que les femmes. En outre, pour occuper un poste à responsabilité, toute femme doit effectuer un véritable parcours du combattant. De cela, les statistiques ne disent rien.

La présente proposition de loi qui tend à créer des délégations parlementaires aux droits de la femme, apparaît donc comme la manifestation d'une prise de conscience de la nécessité absolue d'affirmer une égalité des chances effective dans tous les domaines, et pas uniquement dans le domaine politique.

En la matière, ne peut présider au débat qu'un esprit consensuel et constructif, sans que se manifeste le clivage "droite-gauche". Comment imaginer, ne serait-ce qu'un instant, qu'un sujet aussi essentiel, touchant aux fondements mêmes de la société civile et de la démocratie, puisse laisser place à des considérations politiciennes ? A l'évidence, l'enjeu est tout autre !

Il impose une rupture dans la manière dont sont abordés le droit des femmes et l'égalité des chances. Il est impératif de rompre avec une approche théorique sinon contemplative. La création de délégations parlementaires relatives aux droits des femmes y contribuera et je ne peux que m'en féliciter. Comme l'a souligné le Sénat, il apparaît plus pertinent que leur mission principale consiste à informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement en la matière et qu'elle s'attache, en particulier, à suivre l'application des lois.

La création de telles délégations est un premier pas, qui permettra à la France de rattraper un peu son retard par rapport aux autres pays européens...

Mme Yvette Roudy - Un peu de son grand retard !

M. Claude Goasguen - ...car, jusqu'à présent, la France n'a pas fait preuve d'une imagination -ni d'un courage- débordante. Mais, en dépit de la volonté d'agir ainsi affirmée, le risque de retomber dans les travers contemplatifs précédemment dénoncés demeure. On sait, en effet, que délégation sans moyens ne fait qu'entretenir les illusions, son rôle se limitant alors le plus souvent à celui d'une chambre d'études.

La seule façon de rompre avec l'attentisme est de donner à ces délégations des moyens à la hauteur des enjeux afin qu'elles deviennent de véritables forces de propositions. Il sera indispensable d'obtenir des garanties à ce sujet lors du débat budgétaire.

Sous cette réserve le groupe DL est tout à fait favorable à la création de ces délégations et votera la proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe DL sur quelques bancs du groupe du RPR et les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine Lignières-Cassou - Les hasards du calendrier parlementaire sont parfois heureux. Au lendemain du Congrès qui vient d'ancrer le principe de parité dans notre Constitution, nous allons voter la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Porté d'abord par des députées et des sénatrices socialistes, épaulées par le Président de l'Assemblée nationale, ce texte a été adopté ici même à l'unanimité le 11 février puis voté par le Sénat.

Il traduit notre volonté de passer d'une égalité de droit à une égalité réelle. En nous dotant d'un outil d'analyse et de veille permanent nous rejoignons nos voisins et le Parlement européen dans une démarche volontariste de lutte contre les inégalités liées au sexe.

Ces délégations auront trois missions, dont le Sénat a modifié l'ordre de présentation : informer le Parlement de la politique suivie par le Gouvernement ; examiner en amont les textes législatifs et en exercer le suivi ; dresser un bilan annuel comportant, le cas échéant, des propositions d'amélioration de la législation.

Cela nécessitera une capacité d'anticipation pour se saisir très en amont des textes législatifs et une volonté de coopération avec les commissions permanentes et la délégation européenne, d'autant que le Sénat a supprimé la possibilité d'autosaisine des délégations.

Mme Yvette Roudy - Dommage.

Mme Martine Lignières-Cassou - Le soutien du Bureau de l'Assemblée nationale et en premier lieu de son Président, sera nécessaire pour disposer des moyens de fonctionnement et notamment pour obtenir des données chiffrées sexuées, suite à l'accord passé entre l'Assemblée et l'INSEE.

Cette délégation aura à ouvrir des chantiers immenses à la hauteur des inégalités qui frappent les femmes.

L'un des premiers concerne les inégalités professionnelles, sur lesquelles Catherine Génisson a remis un rapport au Premier ministre. En effet, la loi Roudy, de 1983, n'est pas appliquée comme elle devrait l'être ; je pense à la possibilité de subordonner les aides aux entreprises à l'application des contrats d'égalité.

Sachons aussi nous saisir de la deuxième loi sur la réduction du temps de travail pour négocier une plus grande égalité des conditions de travail. Le temps partiel concerne à 80 % les femmes et ces dernières ne doivent pas être taillables et corvéables à merci...

Un autre chantier est celui des droits propres. Je me félicite de l'action du Gouvernement et plus particulièrement de la vôtre avec l'annonce de la campagne sur la contraception et l'ouverture d'une enquête sur les violences conjugales. A la fin de l'année 1999 et en l'an 2000, nous examinerons deux textes très importants, celui sur les droits de la famille et la révision de la loi bioéthique qui risque de poser à nouveau la question du statut de l'embryon.

Nous aurions ainsi aimé, dans le cadre de la conférence sur la famille, travailler sur l'articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale.

L'excellent rapport de Mme Majnoni a souligné les contradictions de la politique familiale, certaines mesures favorisant le travail des femmes, d'autres tendant à les retirer du marché du travail. Nous souhaiterions que la prochaine Conférence de la famille du 7 juillet encourage le travail des femmes. Aussi souhaitons-nous la remise en cause de l'APE 2ème rang.

De même, nous souhaitons que soit clairement affirmée "l'égalité parentale", que toute modification de congé parental affirme le principe de la répartition du temps de congé entre le père et la mère...

Mme Yvette Roudy - Bien !

Mme Martine Lignières-Cassou - ...et que les services de garde des enfants se développent.

Au lendemain du vote sur la parité, la délégation doit travailler à faire appliquer ce principe pour le scrutin de liste et par l'incitation financière des partis pour les autres scrutins.

Mme Yvette Roudy - La sanction !

Mme Martine Lignières-Cassou - Ou la sanction. Nous pourrons collaborer avec l'Observatoire de la parité.

Au nom du groupe socialiste, je vous invite à voter conforme le texte du Sénat qui l'a modifié sans en bouleverser l'équilibre.

Comme le disait Lionel Jospin, "l'égalité entre les sexes n'est pas seulement un objectif pour les femmes, mais un défi à relever par les hommes et les femmes".

C'est un enjeu capital pour notre société et pour notre démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Marie-Jo Zimmermann - Hier, le Congrès a inscrit dans la Constitution l'égalité d'accès des hommes et des femmes aux fonctions électives. A droite comme à gauche, nous sommes tous d'accord pour souhaiter non pas une égalité arithmétique mais bien une égalité des chances.

Il ne s'agit pas véritablement de légiférer mais plutôt de créer une structure d'analyse et de réflexions, en l'espèce une délégation parlementaire "aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes". Plusieurs parlements de pays européens ont déjà agi en ce sens. En tout état de cause, il ne s'agit pas d'un bouleversement. L'Observatoire de la parité a des missions très proches...

Mme Yvette Roudy - Ce n'est pas du tout pareil.

Mme Marie-Jo Zimmermann - Il aurait certainement pu devenir une véritable structure de proposition sur laquelle l'Assemblée nationale et le Sénat auraient été en mesure de s'appuyer en permanence.

Dans ce domaine, beaucoup d'efforts ont déjà été engagés mais les progrès restent lents. Ainsi, 26 ans après l'adoption du principe "à travail égal, salaire égal" de nombreuses distorsions subsistent. La délégation ne doit pas se cantonner à des prises de position de principe, mais inscrire son action dans le long terme, en essayant de recenser et de contribuer à faire disparaître les derniers éléments fossiles de notre législation, qui maintiennent une discrimination juridique au détriment des femmes.

Nous voterons donc le texte même s'il ne suscite pas un enthousiasme excessif. Le groupe socialiste a voulu faire un effet d'annonce en présentant cette proposition. Ce n'est qu'après quelques années de fonctionnement que l'on pourra dresser un bilan de l'action de cette délégation.

Le groupe RPR sera très attentif pour qu'elle ne soit pas une délégation de plus, mais un lieu de réflexion et de propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

Mme Muguette Jacquaint - Les parlementaires sont unanimes pour créer ces délégations. A nos yeux ce n'est pas un événement mineur. Certes comme l'a rappelé Mme Dinah Deryke, dans son excellent rapport au Sénat du 20 mai dernier, existent déjà le secrétariat d'Etat chargé des droits des femmes, l'Observatoire de la parité, le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, le Conseil supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de l'éducation familiale. Mais tous ces organismes sont sous l'autorité du Gouvernement. Tout en rendant hommage au travail qu'ils ont accompli il y va de l'indépendance du Parlement d'avoir ses propres instances pour mieux contrôler l'action du Gouvernement.

En effet, la loi garantit l'égalité. Mais qu'en est-il dans les faits ? Les préjugés, les complexes, les discriminations, la misogynie, l'exploitation, persistent.

Combien y a-t-il d'élues pour représenter plus de 50 % du corps électoral ?

Si nous nous félicitons de la révision constitutionnelle pour la parité, qui constitue un formidable point d'appui, la ségrégation persiste dans l'économie, les femmes demeurent confinées dans les emplois précaires et les activités à domicile, et l'écart de rémunération avec les hommes reste de 30 % malgré la législation communautaire sur l'égalité de traitement. N'est-il pas significatif que les femmes représentent 83 % des salariés à temps partiel, et que ce temps partiel leur soit la plupart du temps imposé ? Je ne crois pas que la sommation faite à notre pays par Bruxelles de légaliser le travail de nuit des femmes soit une bonne réponse.

Si l'égalité est une idée si belle que nul ne songe à la contester, nous dépassons aujourd'hui le consensus de principe et les déclarations d'intention. Nous voyons dans la création d'une délégation parlementaire la volonté de pointer les discriminations dont les femmes sont victimes et d'agir sur les lois pour veiller à la reconnaissance des droits égaux des femmes. Il y va de la démocratie dans notre pays. Les députés communistes voteront cette proposition de loi et assumeront toutes leurs responsabilités au sein de la délégation (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. André Aschieri - Nous venons de faire un premier pas vers l'égalité réelle en inscrivant, hier, la parité dans notre Constitution. Un demi-siècle après, le principe d'égalité des droits, posé par le préambule de la Constitution de 1946, reste trop souvent lettre morte, dans la vie politique comme dans la vie professionnelle : seules 14 % des entreprises sont dirigées par des femmes, et 5 préfets seulement, sur 109, sont des femmes. L'Etat devrait pourtant donner l'exemple, et ne pas se contenter de beaux discours.

L'égalité est un combat culturel permanent, et le débat public aide à faire évoluer durablement les mentalités. La première inégalité se situe au sein du foyer : il est bien difficile aux femmes de faire carrière, quand 80 % des tâches ménagères ou liées à l'éducation des enfants reposent sur elles. L'Etat peut accompagner l'évolution des mentalités en facilitant la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle par une meilleure prise en charge des enfants, et en veillant à ce que le congé parental ne débouche pas, au retour dans l'entreprise, sur une "mise au placard". Faire évoluer les mentalités, c'est aussi convaincre les filles, globalement plus instruites que les garçons, de faire respecter le principe "à qualification égale, salaire égal et responsabilités égales".

Les femmes sont les plus touchées par le chômage comme par le temps partiel non choisi. Les allocations parentales d'éducation ont souvent l'effet pervers de les écarter du marché du travail et de leur faire faire des parcours professionnels chaotiques, si bien que l'inégalité entre les sexes s'aggrave.

La parité que nous voulons imposer à la vie politique ne suffira pas à transformer la société : l'exemple de la Suède, où les femmes sont 40 % des parlementaires, mais seulement 3 % des dirigeants d'entreprises, le prouve. En créant une délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances, nous nous dotons d'un outil indispensable à notre travail de députés. C'est pourquoi les députés Verts et le groupe RCV voteront cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Je suis heureuse que nous nous apprêtions à adopter définitivement cette proposition de loi, au lendemain du Congrès de Versailles, qui a introduit dans notre Constitution les fondements juridiques de l'égalité des chances en politique. Notre assemblée l'avait adoptée à l'unanimité le 11 février dernier, mais le Sénat a souhaité reformuler certaines de ses dispositions, de façon à réaffirmer la prééminence des commissions dans l'examen des textes législatifs ou communautaires. Notre commission des lois a jugé que ces modifications n'altéraient pas l'esprit du texte et a donc voté l'article unique sans modification.

Mais malgré cette ambiance, fort consensuelle, nous ne devons pas croire que cette nouvelle instance fera disparaître du jour au lendemain les inégalités dont les femmes sont victimes dans notre société. Les délégations de l'Assemblée et du Sénat devront inventer leur propre façon de travailler, et s'imposer par la qualité de leur réflexion ainsi que par leur capacité à anticiper l'application des textes, mais leurs recommandations n'auront d'autre force que celle qu'on voudra bien leur donner. Leur création répond cependant à la nécessité de traiter les problèmes de façon transversale, et Mme Péry ne s'y est pas trompée, qui entend développer un très large "partenariat gouvernemental" associant l'ensemble des ministres.

Mais la route est encore longue pour que l'égalité des chances entre les hommes et les femmes devienne enfin réalité. C'est pourquoi le groupe UDF, comme en première lecture, votera cette proposition de loi (Applaudissements sur tous les bancs).

La discussion générale est close.

Mme la Présidente - Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi, dans le texte du Sénat.

L'article unique de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER

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