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Session ordinaire de 1999-2000 - 4ème jour de séance, 9ème séance

3ÈME SÉANCE DU JEUDI 7 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE DE M. Pierre-André WILTZER

vice-président

Sommaire

            ADOPTION D'UNE RÉSOLUTION EN APPLICATION
            DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION 2

            RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL (suite) 2

            ARTICLE PREMIER (suite) 2

            APRÈS L'ARTICLE PREMIER 9

            ART. 2 19

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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ADOPTION D'UNE RÉSOLUTION EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le Président - J'informe l'Assemblée qu'en application de l'article 151-3, alinéa 2, du Règlement, la résolution sur la proposition de directive du Conseil visant à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté, adoptée par la commission des finances, de l'économie générale et du plan, est considérée comme définitive.

RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

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ARTICLE PREMIER (suite)

Mme Odile Saugues - L'amendement 164 rectifié trouve son origine dans la décision scandaleuse prise récemment par une grande entreprise et qui a profondément choqué l'opinion.

Il tend à imposer aux employeurs projetant un plan social d'engager préalablement une négociation tendant à la conclusion d'un accord de RTT. Comme l'a rappelé le Premier ministre, un plan social ne peut constituer qu'un ultime recours, après que tout aura été tenté pour sauver l'emploi.

Dans notre esprit, il ne peut s'agit que d'une RTT véritablement négociée et non d'un accord unilatéral revenant sur les acquis sociaux. De même, une simple ouverture de négociation est insuffisante car les négociations doivent avoir été engagées « sérieusement et loyalement » selon les formes de la jurisprudence. Il convient d'éviter les négociations factices.

La loyauté, c'est de respecter les organisations syndicales et de vouloir réellement trouver un accord. C'est aussi de ne pas considérer les salariés comme une variable d'ajustement, d'essayer, contrairement à ce qu'a fait cette grande entreprise, de sauver l'emploi par tous les moyens avant de présenter la note à l'Etat.

Répondant à une demande forte de nos concitoyens, cet amendement vise à une utilisation vertueuse des fonds publics, qui ne peuvent être consacrés à des destructions d'emplois (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Grâce à sa parfaite connaissance de l'entreprise Michelin, dont les décisions ont les conséquences que l'on sait sur l'espace géographique dont elle est l'élue, Mme Saugues a parfaitement défendu cet amendement important, qui a le soutien des groupes communiste et RCV, dont les représentants devraient pouvoir s'exprimer à son sujet.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - L'opposition aussi si vous n'y voyez pas d'inconvénient !

M. le Président - M. Morin était le premier orateur inscrit sur cet amendement, mais je propose d'entendre d'abord l'avis du Gouvernement.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Mme Odette Saugues a bien présenté la situation. Un licenciement est toujours un drame pour qui le subit. Les entreprises doivent tout faire pour l'éviter, en ayant recours notamment à la gestion prévisionnelle des emplois et des qualifications de manière à préparer les salariés aux nouveaux emplois.

La RTT est un élément de la lutte contre les licenciements, comme l'ont montré la loi Robien et la première loi du 13 juin 1998. Les entreprises et les salariés qui ont conclu des accords de RTT ont réussi à préserver 17 000 emplois, soit 42% de licenciements prévus ainsi évités.

L'amendement 164 rectifié, s'il répond à une situation particulière, tend à porter remède à des situations qui se renouvellent souvent dans notre pays. En posant le principe d'une négociation « sincère et loyale » comme préalable obligatoire à tout plan social, il permettra de réaliser une avancée essentielle dans la lutte contre les licenciements collectifs. C'est pourquoi le Gouvernement est favorable à l'amendement de Mme Saugues, repris par la commission.

M. Hervé Morin - Une fois de plus, nous allons légiférer sous le coup de l'émotion et à la suite d'une affaire particulière. C'est, hélas, devenu une habitude dans notre pays, et ce sous toutes les majorités.

Il n'est nullement question d'approuver ce qui a été fait chez Michelin, de façon maladroite...

M. Maxime Gremetz - Pour le moins !

M. Hervé Morin - J'appelle en revanche l'attention de l'Assemblée sur les conséquences potentielles de cet amendement. Jusqu'à présent, toute entreprise licenciant plus de neuf salariés était obligée de présenter un plan social et de détailler devant le juge toutes les possibilités de reclassement ou de formation envisageables pour les personnes licenciées, la jurisprudence imposant que le juge examine comment la réduction du temps de travail pouvait permettre de limiter le nombre de licenciements. Avec cet amendement, une négociation sur la RTT devrait être engagée préalablement à la présentation d'un plan social. Ce qui était possible chez Michelin ne le sera pas nécessairement dans les PME. Engager préalablement la négociation risque de leur faire perdre un temps précieux, voire de les acculer à la liquidation.

M. le Président de la commission - Mais non !

M. Hervé Morin - Monsieur Le Garrec, j'ai des exemples précis que je pourrais citer.

Une telle mesure, décidée sous le coup de l'émotion après les agissements inadmissibles de Michelin...

M. Maxime Gremetz - C'est mieux !

M. Hervé Morin - ...serait extrêmement préjudiciable à toute une partie du tissu économique français.

M. Georges Sarre - J'ai, comme vous tous, sur tous les bancs, été surpris et choqué par la décision de Michelin de supprimer 75 000 emplois en trois ans...

M. Bernard Accoyer - Beaucoup de grands groupes étrangers agissent de même. Ce n'est pas une spécificité française, hélas !

M. Georges Sarre - Je croyais donc, jusqu'à il y a quelques secondes, que nous avions tous été choqués par le comportement de Michelin. En effet, l'entreprise va licencier alors même qu'elle réalise des bénéfices. La meilleure preuve des raisons de sa décision réside dans la flambée spectaculaire du cours de son action au lendemain de l'annonce.

J'ai appris, par la radio puis par la presse, que notre collègue Mme Saugues, qui travaillait chez Michelin il y a peu encore, avait déposé un amendement. J'annonce d'emblée que je le voterai mais je souhaite auparavant développer quelques points.

Les licenciements actuels s'expliquent d'abord par la logique de mondialisation libérale à l'_uvre partout dans le monde, relayée, voire accélérée, par une construction européenne

qui ne s'en démarque pas. Dans ce contexte, Michelin, mais aussi d'autres entreprises, anciennement publiques et aujourd'hui privatisées, ne font qu'emboîter le pas.

Tant que la mondialisation libérale ne sera pas maîtrisée aux niveaux national, européen et international, il y aura d'autres Michelin, d'autres délocalisations, d'autres fermetures d'entreprises, et beaucoup de chômage... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Telle est bien la réalité. Vous êtes peut-être favorables à cette logique. Nous, nous la combattons.

M. Bernard Accoyer - C'est émouvant.

M. Georges Sarre - Pas du tout. Il s'agit d'un diagnostic lucide et froid.

M. Bernard Accoyer - Quelle condamnation de M. Jospin selon lequel « l'Etat ne peut pas tout » !

M. Georges Sarre - Cet amendement a pour seul objet d'exiger de Michelin et des autres, tentés de faire de l'emploi la variable d'ajustement, de tout faire préalablement pour limiter la casse.

M. Bernard Accoyer - Et à Vilvorde ?

M. Georges Sarre - Cela étant, rien ne dit que cette mesure donnera des résultats spectaculaires. De surcroît, elle ne pourra servir qu'une fois car elle deviendra inopérante dès lors que l'on sera passé aux 35 puis aux 32 heures car nul doute que l'on appliquera un jour les 32 heures. Coller des rustines, limiter la casse, c'est bien mais tant que prédominera une logique purement financière aux niveaux européen et mondial, nous ne pourrons que rester sur la défensive. Cet amendement sera mieux que rien mais, de grâce, ne donnons pas le sentiment qu'il règle le problème au fond car, hélas, celui-ci demeurera tant que nous ne repartirons pas sur des bases radicalement nouvelles.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Mes chers collègues, j'ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Nous mourrons tous (Murmures) et toutes les entreprises, comme toutes les constructions humaines, ont vocation à mourir. La seule chose qui importe dans une société moderne où l'homme doit trouver sa dignité dans l'emploi est finalement le mouvement dans les créations d'emplois. Aux Etats-Unis, ces quinze dernières années, 42 millions d'emplois ont été détruits et 67 millions créés. Seul compte aujourd'hui le solde net de 25 millions qui explique un taux de chômage de 4,5 % seulement contre 12 % en France.

Vous nous proposez un amendement, sans doute rédigé sous le coup de l'émotion bien compréhensible suscitée par la décision de Michelin, tendant à conditionner les aides de l'Etat lors d'un plan social à une réduction préalable du temps de travail. Il est inopérant, inadapté aux réalités de l'entreprise et non conforme à la jurisprudence.

Les inspecteurs du travail tiennent déjà compte des mesures relatives à la RTT, comme les y invite d'ailleurs la circulaire du 7 juin 1994 relative aux plans sociaux.

Mme la Ministre - Ils n'y sont pas obligés.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - La jurisprudence prévoit que la pertinence d'un plan social est appréciée en fonction des moyens dont dispose l'entreprise -arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 12 novembre 1997- et que l'employeur est tenu à une obligation de moyens proportionnelle aux capacités de l'entreprise. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle validé un plan social dans lequel des mesures de RTT avaient été envisagées mais n'avaient pu être appliquées -arrêt du 10 juin 1999.

Cet amendement n'aura en outre plus d'objet dès lors que toutes les entreprises de plus de 20 salariés seront passées aux 35 heures.

Enfin, il semble que l'on confonde horaire individuel et horaire collectif. Avec cet amendement, les salariés ne pourraient plus faire d'heures supplémentaires puisque l'horaire légal deviendrait durée obligatoire.

Madame la ministre, vous connaissez fort bien le code du travail et vous refusez à la démagogie, je vous en sais gré. Vous savez parfaitement que cet amendement est inopérant et ne vise qu'à une opération de communication. S'il s'agissait simplement de faire plaisir à Mme Saugues, nous pourrions faire preuve d'indulgence. Mais il s'agit bel et bien de réparer la gaffe commise par M. Jospin à la télévision où il a déclaré que l'Etat ne pouvait pas tout. Alors, n'attendez pas de nous que nous prêtions la main à M. Jospin pour l'aider à soigner sa communication ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Maxime Gremetz - Le plaidoyer de Mme Bachelot-Narquin était remarquable... mais pour une mauvaise cause. Il n'y a pas seulement Michelin : pensez au nombre de licenciements collectifs dans notre pays. Rien que chez moi, c'est à Soissons que Michelin a commencé, en supprimant 432 emplois, la mise en _uvre de son plan de 7 500 suppressions. Mais il n'est pas seul. La Vermandoise a fermé la sucrerie de Beauchamps, mettant des centaines de salariés à la rue -et les y maintenant, en toute illégalité, après que le tribunal l'a eu déboutée. On est mis devant le fait accompli. Dans une autre commune, toujours dans la Somme, la direction de la même Vermandoise a disparu pour ne pas négocier avec les salariés, et ne s'est pas rendue à la convocation du préfet. Va-t-on continuer ainsi ?

Tel qu'il était initialement conçu, cet amendement aurait suscité moins de réactions de l'opposition. Il disait simplement qu'avant d'annoncer un plan social il fallait négocier sur les 35 heures. Comme je l'ai dit à la commission, un tel amendement ne mangeait vraiment pas de pain. A la place de Michelin, je négocierais, en mettant la barre assez haut pour qu'on n'aboutisse pas à un accord, après quoi je pourrais annoncer mon plan social. J'ai donc proposé deux sous-amendements, qui ont été intégrés dans l'amendement actuel, pour préciser qu'il fallait conclure un accord sur les 35 heures. En effet, si le travail manque, pourquoi licencier et faire faire des heures supplémentaires à ceux qui restent ? Mais une chose me gêne : à l'initiative, je suppose, d'un technocrate quelconque, on a ajouté à l'amendement ces mots : « ou, à défaut, avoir engagé sérieusement et loyalement des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord ». Qui jugera du sérieux et de la loyauté ? Ainsi ce qu'on a accordé en reprenant mes deux sous-amendements, on le reprend d'un autre côté. Je proposerai donc la suppression de cette phrase. Mme Bachelot a raison de juger l'amendement inopérant : je veux le rendre opérant.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Il faut bien voir la portée de cet amendement. S'il réagit pour partie à un événement précis, il traduit aussi la volonté de faire progresser les droits des salariés, mis en cause de façon inacceptable dans toute une série de situations.

Des entreprises bénéficiaires annoncent des plans sociaux par voie de presse, sans concertation. J'ai l'exemple d'Epéda, où un nouveau directeur a décidé la fermeture d'un établissement sans même l'avoir visité et sans la moindre concertation. Ce n'est pas tolérable, et il faut faire progresser les droits des salariés dans ce domaine.

La position de la commission va dans ce sens : on ne doit pas pouvoir annoncer un plan social sans que soit conclu un accord sur les 35 heures, ou qu'au moins ait été engagée une négociation. Il faut bien sûr souhaiter qu'elle aboutisse, mais on ne saurait préjuger de son résultat. Nous souhaitons donc faire appel à la jurisprudence : elle fournit au juge des critères précis pour décider si la négociation a été engagée loyalement et sérieusement quand bien même elle n'aurait pu aboutir. Mais, par rapport à la rédaction initiale, nous avons fait avancer la proposition, et je suis sûr que nous pouvons nous retrouver sur la préoccupation que traduit cet amendement.

M. François Goulard - Sur ce sujet douloureux et sérieux, car il touche au sort des hommes, deux choses sont interdites : la démagogie et les faux-semblants.

M. Alfred Recours - Mais pas les licenciements...

M. François Goulard - La démagogie, c'est de dire que l'on peut, d'une façon générale, empêcher les entreprises de licencier. On sait que c'est impossible et que parfois empêcher des licenciements, c'est condamner une entreprise. Quant au faux-semblant, il apparaît dans la succession de deux versions de la position du Premier ministre. La première était celle de la franchise, quand il a dit : l'Etat ne peut pas tout. Puis, à Strasbourg, il a corrigé le tir ; sentant bien que son discours avait été mal reçu, mais sachant qu'il avait exprimé une réalité, il a tenté un habillage. Je ne mets pas en doute la sincérité de l'auteur de cet amendement, ni le fait que certains de vous croient y voir la possibilité d'éviter des licenciements. Mais ce dont je suis sûr, c'est qu'au plus haut niveau les responsables de ce Gouvernement savent qu'il est inopérant, et qu'il s'agit d'amuser la galerie. Mais on n'accuse pas le salarié innocemment, car on joue là avec le sort des hommes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Et nous devons la vérité aux Français. Nous devons leur dire que dans certains cas la RTT peut éviter des licenciements, mais que dans d'autres cas, en alourdissant les coûts, elle peut au contraire aggraver les difficultés de l'entreprise, voire la condamner. La vérité, c'est aussi d'oser leur dire que vous allez soumettre, deux, trois ou quatre ans après les faits, un plan social à l'appréciation d'un juge plus ou moins informé de la réalité économique, et qui pourra éventuellement, en annulant le plan social, condamner une entreprise, alors qu'il n'a pas la responsabilité économique des décisions qu'il prend. Cela relève du faux-semblant et de l'habillage, et cela m'attriste car sur des sujets si graves, la seule attitude convenable est de dire la vérité.

M. le Président de la commission - Il est insupportable de parler de démagogie et de faux-semblant quand il s'agit simplement de faire face à une réalité difficile et d'y rechercher des réponses. Mme Bachelot a rappelé avec talent que nous étions tous mortels et les entreprises aussi. Mais la médecine existe ! Elle n'empêche pas de mourir, mais elle peut essayer de guérir.

M. Sarre a eu raison de poser le problème sur un plan plus large, même si la réponse à sa question est plus compliquée qu'il ne le pense. Dans une interview récente, Francis Mer, le PDG d'Usinor, déclarait : « le taux de création de valeur actuellement demandé aux entreprises est un mensonge majeur. Le système économique mondial est incapable de générer un taux de profit de 15 % ».

Telle est la situation de Michelin. On voit que cette pression sur le taux de profit n'obéit à aucun motif économique.

M. François Goulard - Comment l'empêcherez-vous ?

M. le Président de la commission - En créant des obligations qui amènent l'entreprise à faire face à ses responsabilités.

Le fait de ne pas embaucher de jeunes, de pousser dehors des salariés à l'âge de 55 ans en faisant appel à des fonds d'Etat se fonde sur une recherche de rentabilité qui n'a rien à voir avec la capacité d'investissement et de développement. Nous voulons donc obliger les entreprises à recourir à toutes les possibilités pour éviter un licenciement.

Quand vous évoquez les Etats-Unis, Madame Bachelot, vous oubliez que sur les 62 millions d'emplois créés, 20 millions sont des emplois pauvres pour des pauvres (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Ne protestez pas ! Ce sont des données réelles, même si elles vont à l'encontre de votre raisonnement à courte vue... Souffrez donc de les entendre ; moi, je m'oblige à supporter vos discours !

Bien sûr, il n'existe pas de solution miracle ; en outre, j'ai conscience, Monsieur Sarre, que la bataille devra être élargie au moins au niveau européen. L'Etat peut, mais il ne peut pas tout. Il s'agit, Monsieur Gremetz, sans démagogie, de faire un effort loyal pour prendre en compte les conséquences économiques et sociales d'un licenciement pour la collectivité.

Mme la Ministre - Il faudrait au moins que l'opposition se mette d'accord : M. Morin affirme que cet amendement mettra les entreprises par terre, Mme Bachelot qu'il est inopérant...

Le Premier ministre, loin de toute démagogie, a dit l'exacte vérité. Dans une économie mondialisée, l'Etat ne peut pas tout ; en revanche, il se doit de dire aux entreprises de prendre leurs responsabilités. Si les entreprises ont la liberté d'embaucher et de licencier, elles doivent payer le prix des décisions qu'elles prennent et qui ont un coût social et financier pour l'ensemble de la collectivité.

C'est pourquoi nous voulons taxer le recours permanent au travail précaire. De même, nous souhaitons que la loi oblige les entreprises à tout faire pour limiter les licenciements. Je n'ai jamais dit qu'une entreprise qui fait des profits n'a pas le droit de licencier ; elle peut avoir à le faire parce qu'elle a des difficultés dans tel ou tel domaine. En revanche, une entreprise qui fait des profits n'a pas à tendre la sébile à l'Etat comme l'ont fait Michelin et l'industrie automobile.

M. François Goulard - Là-dessus, nous sommes d'accord.

Mme la Ministre - Le système que nous proposons conduira peut-être les entreprises à réfléchir sur leurs pratiques. Encore une fois, l'Etat ne peut pas tout, mais il peut quelque chose, et avec cette loi, il pourra encore plus demain.

Mme Odile Saugues - Nous allons mourir noyés sous un flot de compassion... Mais l'émotion passe vite, et dans certaines circonstances, il faut savoir dégainer rapidement : nous avons l'occasion, avec l'examen de ce projet de loi, de faire tout de suite un exercice pratique ; tant pis si Michelin a eu la maladresse de faire une déclaration au mauvais moment ! Comme l'a dit notre ancienne collègue Denise Cacheux, la loi, c'est nous qui la faisons.

Actuellement, chez Michelin, le personnel posté est à 35,09 heures, mais parce qu'on lui a retiré les temps de pause, de casse-croûte, d'habillage... Préciser que des discussions préalables sont nécessaires me paraît une bonne chose.

M. Maxime Gremetz - Les syndicats n'ont pas pu négocier avec la direction depuis trente ans...

Mme Odile Saugues - Sans doute, mais je constate que maintenant, les « collaborateurs » eux-mêmes se mettent à descendre dans la rue.

Madame Bachelot, je rends des comptes à mes électeurs ; ma circonscription a un député, elle n'a pas besoin de tutrice.

M. Bernard Accoyer - Madame Saugues, nous sommes les députés de la nation ; peut-être voulez-vous faire un peu de clientélisme, mais nous avons à défendre l'intérêt général !(Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Le sous-amendement de M. Gremetz a le mérite d'être sincère et logique, tandis que l'amendement de la commission n'est que poudre aux yeux.

Il fallait bien que le Premier ministre, après l'annonce maladroite faite par la direction de l'entreprise, essaie de gommer ce qui était mal reçu dans sa propre majorité.

Mais ce même Premier ministre, alors en campagne et qui s'inquiétait de l'éventuelle fermeture d'usine décidée par un grand groupe automobile dont l'Etat était actionnaire majoritaire, n'avait-il pas déclaré, à l'époque, que, lui au pouvoir, la fermeture ne se ferait pas ? On sait ce qu'il est advenu de cette promesse : la fermeture, conséquence de la mondialisation, a bel et bien eu lieu. Le contexte est le même pour les Etablissements Michelin, confrontés à une terrible concurrence internationale sur un marché où les fusions internationales se multiplient. On ne peut que déplorer l'imprécision et la maladresse des déclarations des dirigeants de cette société, mais on ne peut que regretter, aussi, les gesticulations politiques et, maintenant, parlementaires, qui les ont suivies.

Vous le savez bien, Madame le ministre, vous qui avez, directement ou indirectement, autorisé la suppression de 5 000 emplois dans cette société, en quatre plans sociaux successifs ! Or, ce dont il s'agit, avec le sous-amendement, c'est de mettre un frein administratif aux licenciements, alors même que le Parti socialiste a indiqué qu'il ne réintroduirait pas l'autorisation administrative de licenciement. Comment justifier une telle mesure, alors que le Gouvernement a les moyens d'intervenir s'il le souhaite et que les tribunaux peuvent -et c'est heureux- être saisis si le besoin s'en fait sentir ? Adopter ce sous-amendement, ce serait voter en faveur d'un dispositif qui freinerait le développement de l'emploi en France. Il faut, bien sûr, veiller à ce que l'homme reste au c_ur des préoccupations du législateur, mais le sous-amendement proposé n'en est pas moins dangereux. Il doit être rejeté.

M. le Rapporteur - J'ai eu l'occasion d'indiquer à mon collègue Gremetz qu'il paraît juridiquement difficile de ne pas autoriser une entreprise à licencier au motif que la négociation tendant à la conclusion d'un accord n'aurait pas abouti. La commission a donc repoussé l'amendement.

Mme la Ministre - Avis défavorable, pour la même raison.

M. le Président - Sur le sous-amendement 1046, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

M. François Goulard - Je profiterai des quelques minutes qui nous restent avant l'ouverture du scrutin pour compléter mon propos, si vous m'y autorisez, Monsieur le Président. Il faut en effet souligner qu'adopter le sous-amendement ferait courir le risque d'un glissement de sens entre « licenciement » et « suppression d'emploi »

Dans ce cas, vous devriez vous en prendre à votre collègue, M. Strauss-Kahn, qui va procéder -et c'est une bonne décision- à quelques milliers de suppressions d'emploi dans son ministère. Il y aurait quelque incohérence à mettre en difficulté quelqu'un dont vous appuyez l'action par vos votes, Monsieur Gremetz !

Mme la Ministre - Vous imaginez sans peine que je ne puis laisser ainsi attaquer l'un de mes collègues (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Je vous rappelle donc, Monsieur Goulard, que le code du travail ne s'applique pas à la fonction publique et que si des postes sont supprimés, les fonctionnaires concernés ne perdront pas leur emploi pour autant. Vous conviendrez que les choses sont quelque peu différentes pour les Michelins ! Mais vous entendiez sans doute faire preuve d'humour.

A la majorité de 48 voix contre 6 sur 54 votants et 54 suffrages exprimés, le sous-amendement 1046 n'est pas adopté.

L'amendement 164 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Je constate que M. Delnatte n'est pas présent dans l'hémicycle pour défendre l'amendement 773.

M. Bernard Accoyer - Je le présenterai en son nom, Monsieur le Président, insistant pour que la RTT ne s'applique pas aux professions à caractère social de service à la personne.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement.

Mme la Ministre - Il est sans objet, car les professions évoquées sont régies par l'article L.773-1 du code du travail, qui répond largement aux préoccupations que vous exprimez.

M. Bernard Accoyer - Je le retire.

M. François Goulard - L'amendement 681 reprend un argument précédemment défendu par les trois groupes de l'opposition. Il est défendu.

L'amendement 681, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - M. Warsmann étant absent, l'amendement 676 tombe.

M. Thierry Mariani - Monsieur le Président, il est de tradition constante qu'en l'absence d'un député, l'un de ses collègues puisse défendre en son nom l'amendement qu'il a déposé. Je le ferai d'autant plus volontiers que l'amendement 676 est particulièrement pertinent. Il vise en effet à permettre à une entreprise d'invoquer une clause de sauvegarde pour obtenir un délai de deux années supplémentaires au cas où la diminution du temps de travail serait susceptible d'entraîner une perte de compétitivité substantielle et, paradoxalement, des pertes d'emplois.

L'amendement 676, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 155 propose la création d'un observatoire de la RTT, chargé de décompter objectivement les emplois créés et de faire rapport au Parlement. Si le dispositif se révèle inefficace, rien ne sert en effet de le maintenir.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Cet amendement ne prévoit pas la création d'un observatoire, mais la réalisation d'un bilan destiné au Parlement.

Je l'ai déjà fait pour la première loi, mais vous contestez les chiffres fournis par les fonctionnaires ! Je suis prête à m'engager à publier chaque année un tel bilan. Encore faudrait-il que vous reconnaissiez l'indépendance des fonctionnaires.

Quand j'étais fonctionnaire, sous d'autres majorités, j'ai toujours fait mon travail, et je suis sûr que les fonctionnaires de mon ministère font de même, quelles que soient leurs opinions politiques.

Faites confiance à la fonction publique de notre pays.

L'amendement 155, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - En défendant mon amendement 888, je voudrais plaider la cause des établissements du secteur sanitaire et médico-social . Le poids des charges salariales représente 72 % de leur budget, en moyenne, et les gains de productivité ne peuvent y être que faibles. En outre, ces établissements dépendent fortement des financements publics, qu'ils proviennent de l'Etat, du conseil général ou de l'assurance maladie.

Pour bénéficier des aides liées à la réduction du temps de travail, le secteur a conclu au début de l'année un accord relatif à la convention collective nationale de 1951. Ces salariés ont accepté une réduction de 2,5 % de leur salaire et une réorganisation en profondeur de leur travail. Or l'avenant 99.01 n'a toujours pas été validé par votre ministère, ce qui empêche la conclusion de 750 accords d'établissement. Le Gouvernement doit faire connaître clairement sa position avant la fin de l'année.

Mme la Ministre - Il ne sera pas nécessaire d'attendre aussi longtemps, puisque cet avenant a été agréé hier. Je l'ai d'ailleurs annoncé devant cette assemblée. Je regrette que vous n'ayez pas été présente hier, Madame Boisseau, car vous auriez pu dormir cette nuit (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). C'est la vérité !

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Il y a la manière. Je retire mon amendement.

M. Thierry Mariani - Je souhaite défendre les amendements 653 et 652 de M. Luca, Monsieur le Président.

M. le Président - Vous pouvez le faire, mais ce n'est pas absolument conforme au Règlement. En outre, vous risquez de nous imposer des horaires peu raisonnables.

M. Thierry Mariani - Depuis le début de cette législature, nous avons toujours pu défendre les amendements de nos collègues absents.

M. le Président - Si vous contestez mon interprétation du Règlement, j'en ferai part au Bureau, qui tranchera.

M. Thierry Mariani - D'après une étude parue le 5 octobre, « les augmentations de salaires sont victimes des 35 heures », ce qui doit nous inquiéter pour le pouvoir d'achat des salariés. Les prévisions pour l'an 2000 font état, pour les ouvriers, d'une moyenne de 1,9 % d'augmentation, contre 2,1 % en 1999. Pour les cadres, la moyenne sera de 2,2 % au lieu de 2,5 %.

Les amendements de notre collègue Luca visent à compenser cette perte de pouvoir d'achat par des baisses de la TVA, à partir de 2002. Je sais ce que vous allez me répondre : que la TVA a été augmentée par le précédent gouvernement... Mais cela fait deux ans et demi que vous êtes au pouvoir.

L'amendement 653, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 652.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Yves Cochet - Dans beaucoup de professions, les heures supplémentaires, pourtant nombreuses, sont mal comptabilisées.

Dans la restauration, l'hôtellerie, le commerce, les entreprises de nettoyage, les salariés peuvent effectuer 50 à 60 heures par semaine. Je vous renvoie, à cet égard, à un excellent livre de M. Taddéi sur la réduction du temps de travail.

La jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation a considérablement évolué, mais les conseils de prud'hommes et les cours d'appel ne prennent pas suffisamment en compte les éléments fournis par les salariés.

Mon amendement 983 vise donc à renverser la charge de la preuve. Le salarié, en effet, a toujours du mal à prouver que des heures supplémentaires lui sont dues, d'autant que s'il va aux prud'hommes, c'est généralement qu'il a été licencié.

Or le code du travail impose à l'employeur de tenir une comptabilité précise des heures travaillées. Beaucoup ne le font pas. Dans ce cas, le juge devrait fonder sa décision sur les éléments fournis par le salarié.

M. le Rapporteur - La loi oblige déjà le chef d'entreprise à procéder au décompte individuel des heures de travail pour tout salarié non soumis à l'horaire collectif et à fournir ces données au juge en cas de contentieux. Le code du travail vous donne donc satisfaction.

Mme la Ministre - Je comprends le souci de M. Cochet mais la jurisprudence devrait suffire à le rassurer.

Le juge, dans le système actuel, se fait une opinion à partir des éléments fournis par les deux parties.

Dans ses arrêts Errera du 10 novembre 1998 et Chakroun Lamiri du 19 janvier 1999, la chambre sociale de la Cour de cassation a indiqué que, pour rejeter une demande d'heures supplémentaires, le juge ne peut « se fonder sur l'insuffisance de preuves apportées par le salarié ». L'employeur a, en vertu des textes actuels l'obligation de fournir au juge les éléments de nature à justifier effectivement les horaires réalisés.

Un arrêt récent, en outre, précise que, lorsque l'employeur demande au salarié d'établir des fiches de temps, le salarié peut s'en prévaloir pour faire juger que les heures supplémentaires effectuées l'ont été avec l'accord au moins implicite de l'employeur.

La jurisprudence est donc suffisamment protectrice.

M. Hervé Morin - Les litiges relatifs au temps de travail sont en train de se multiplier et on peut y voir une conséquence du débat sur la réduction du temps de travail.

Je rappelle que l'inspection du travail a pour mission de faire respecter l'obligation de décompter les heures supplémentaires (Interruptions sur les bancs du groupe communiste).

J'ai connaissance d'une lettre circulaire adressée par l'inspection du travail des Yvelines à tous les entreprises du département leur demandant de tenir à sa disposition les fiches horaires individuelles des salariés.

L'inspection du travail et la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation me semblent donner aux salariés des moyens suffisants pour faire respecter leurs droits.

M. Yves Cochet - L'amendement vise aussi à libérer les tribunaux des prud'hommes de leur engorgement qui allonge les délais de jugement. Déjà licenciés, des justiciables qui attendent deux ans un jugemetn risquent d'être paupérisés !

Mme la Ministre - La rédaction de l'amendement de M. Cochet me laisse perplexe. Je partage ses préoccupations sur les lenteurs des décisions des prud'hommes mais je constate qu'il renvoie lui-même au juge en proposant le renversement de la charge de la preuve.

J'ajoute, pour répondre à M. Morin, que je n'ai connaissance d'aucun contentieux lié à la durée du travail qui ait été introduit par la loi sur la RTT.

M. Hervé Morin - Je suis tout disposé à vous les transmettre.

Mme la Ministre - Je partage l'objectif de fond de l'amendement 983. Mais la jurisprudence actuelle, qui donne la charge de la preuve à l'employeur est protectrice des droits du salarié. Je ne suis donc pas favorable à la rédaction proposée par cet amendement.

L'amendement 983, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - L'amendement 984, comme le suivant qui porte sur un sujet différent, fait partie des amendements de principe à ce projet de loi. Des aménagements du temps de travail tels que la modulation, le travail de nuit, les forfaits, le temps partiel ont une incidence sur la situation personnelle et professionnelle des salariés intéressés. A ce titre, ils doivent donner lieu à des contreparties, dont la jurisprudence exige qu'elles soient « pertinentes et proportionnelles » aux sujétions imposées.

Dès 1989, le CNPF et des organisations syndicales de salariés avaient conclu un accord national interprofessionnel élargissant le champ d'application du principe de contreparties à tout aménagement du temps de travail.

Le projet de loi doit établir ce principe de contrepartie de manière générale, plutôt que d'y faire référence en différents points du texte sur différents thèmes.

M. le Rapporteur - Je suis d'accord avec M. Cochet sur les principes qu'il a rappelés, mais pas sur l'endroit où il en propose l'insertion dans le texte. La commission n'est donc pas favorable à l'amendement 984.

Mme la Ministre - Il me semble en effet préférable de rappeler le principe de contrepartie à chaque fois que cela sera nécessaire dans le texte. Mais je suis d'accord avec M. Cochet sur le fond, quant à l'importance de ce principe.

M. Yves Cochet - Pour appliquer un principe d'économie, je proposais simplement de poser le principe général de la contrepartie et d'énoncer ensuite ses différentes déclinaisons dans les dix-sept articles du texte.

M. le Président - Par exception au Règlement qui veut que ne s'expriment que les orateurs qui sont défavorables à un amendement, je donne la parole à M. Gremetz, qui la demande.

M. Maxime Gremetz - Je remarque que le rapporteur est toujours fondamentalement d'accord avec nos amendements... pour les repousser à la fin ! Il se comporte en quelque sorte comme un nouveau Monsieur « oui, mais »...

Plusieurs députés UDF et RPR - C'est vrai !

M. Maxime Gremetz - Le principe de la contrepartie, énoncé par les partenaires sociaux, est un principe juste et je suis favorable à l'amendement 984 de M. Cochet, sur le fond et sur la forme. Il s'agit d'un point important et au demeurant peu coûteux.

Mme la Ministre - Ce point ne mérite pas de prolonger la discussion puisque nous sommes en plein accord sur le fond. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 984, mis aux voix, est adopté.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Je souhaite faire un rappel au Règlement, sur le fondement de l'article 100, afin d'obtenir des précisions sur la suite de nos débats.

L'article 100, alinéa 3, dispose que l'Assemblée ne délibère pas sur les amendements qui ne sont pas soutenus en séance. Je demande une suspension de séance d'une dizaine de minutes pour examiner la question de la discussion des amendements dont l'auteur n'est pas présent en séance.

M. le Président - Vous avez rappelé, avec raison, Mme le député, l'article 100, alinéa 3, mais je me réfère également à l'alinéa 7 de ce même article qui dispose qu'hormis le cas des amendements visés à l'article 95, alinéa 2, ne peuvent être entendus sur chaque amendement, outre l'un des auteurs, que le Gouvernement, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond, le président ou le rapporteur de la commission saisie pour avis et un orateur d'opinion contraire. Comme certains d'entre vous, j'ai participé à la réforme du Règlement effectuée sous la direction du Président Philippe Séguin. J'ai observé comment lui-même l'appliquait, et je suis son exemple.

La séance, suspendue à 22 heures 40, est reprise à 22 heures 55.

M. Yves Cochet - Il est un principe du droit, énoncé dans le code civil, selon lequel tout accord doit avoir une cause. La justification de l'application d'un dispositif dérogatoire d'aménagement du temps de travail avait été prévue par le législateur de 1982. Le législateur de 1987 l'avait également prévue en ce qui concerne la modulation. Plutôt que de rappeler cette règle pour chaque aménagement, la loi pourrait le prévoir de façon générale. Tel est l'objet de notre amendement 985.

M. le Rapporteur - La commission a adopté un amendement à l'article 3, prévoyant que les données économiques et sociales justifiant la modulation doivent figurer dans l'accord. Mieux vaut s'en tenir là. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

Mme la Ministre - Je partage tout à fait l'avis du rapporteur. Le Gouvernement donnera d'ailleurs un avis favorable à l'amendement en question de la commission.

M. Yves Cochet - Mieux vaut en effet traiter la question à l'article 3 relatif à la modulation.

L'amendement 985 est retiré.

M. Yves Cochet - En 1982, il était prévu que des décrets fixeraient les conditions de recours aux astreintes. Mais depuis lors un seul décret a été pris, et il concerne le secteur agricole. Ici encore, nous avons un amendement 1027 du Rapporteur et un amendement 800 de M. Gremetz qui abordent ce sujet. J'attends donc l'avis de la commission et du Gouvernement, en précisant que mon amendement 986 ajoute un peu à ces amendements, dans le sens d'une limitation du recours aux astreintes : il tend en effet à préciser que « le recours à l'astreinte ne pourra pas faire obstacle aux repos et congés, ni être imposé plus de huit jours par mois à un même salarié ».

M. le Rapporteur - Nous aurons un débat complet sur les astreintes à l'occasion de l'amendement de la commission. Cet amendement pose en outre un problème de fond. J'en souhaite donc le retrait.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Bernard Accoyer - Contre l'amendement. M. Cochet méconnaît ce qui se passe dans le secteur hospitalier, où l'astreinte atteint fréquemment un jour sur deux. Le problème est trop complexe, et trop crucial pour les établissements, pour qu'on légifère ainsi à la va-vite.

M. Yves Cochet - Je retire l'amendement, en me réservant, sur les amendements 800 et 1027, de proposer des compléments utiles.

L'amendement 986 est retiré.

M. Yves Cochet - L'amendement 987 concerne les équivalences. Ici encore il y a un autre amendement à ce sujet, que j'ai moi-même déposé ; je retire donc celui-ci.

L'amendement 987 est retiré..

M. Bernard Accoyer - L'amendement 1015 corrigé est défendu.

M. Georges Sarre - Je souhaite répondre à l'aimable invitation de Mme la ministre, et mon intervention sera imprégnée de l'esprit d'ouverture qu'elle attend, de compréhension, pour ne pas dire de tendresse... Nous avions déposé un amendement 105 sur la définition du temps de travail effectif, tendant à supprimer le deuxième alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail, qui rendait flous les contours de la notion.

Nous entendions garder les entreprises de certaines tentations, comme le grignotage ou la chasse systématique aux temps morts, pratiques qui appartiennent au passé taylorien et n'ont plus leur place dans une organisation moderne. La définition posée par la loi du 13 juin 1998 a inclus dans le temps de travail le temps où le salarié doit rester sous la direction de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles. Il restait à supprimer le deuxième alinéa, qui tendait à exclure l'habillage et le casse-croûte. Mais nous retirons notre amendement de suppression pour nous rallier à la solution de la commission, qui est suffisamment protectrice. Elle permet de prendre en compte l'essentiel des temps de pause et de restauration. Elle contribuera à empêcher que les 35 heures se réalisent par une manipulation du décompte du temps de travail, ou par une intensification de celui-ci. Les pauses de courte durée sont nécessaires au salarié pour pouvoir continuer à produire ; elles sont une respiration pour l'entreprise.

L'amendement 105 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 165 de la commission est identique au 1020. Je propose à M. Cochet de les défendre.

M. Yves Cochet - Il fut un temps où la relation de travail était un lien personnel entre le salarié et l'employeur ; en cette époque de paternalisme, on ne comptait pas son temps. A l'époque contemporaine le chronomètre est entré dans l'atelier. C'est que la relation de travail est devenue un échange de prestations : salaire, mesuré en francs, contre travail, mesuré en temps.

Mais il faut aussi une définition qualitative du temps de travail. C'est ce qu'apportait la loi du 13 juin 1998, avec un nouvel alinéa de l'article L. 212-4 faisant référence à la subordination à l'employeur. Il fallait toutefois une définition plus positive et substantielle, qu'apportent les amendements 165 et 1020. Ils disposent en effet : « Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis au premier alinéa sont réunis. Même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail, ils peuvent faire l'objet d'une rémunération par voie conventionnelle ou contractuelle. Le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires ou par le règlement intérieur ou par le contrat de travail, est considéré comme du temps de travail effectif. » Ce texte intègre notamment dans le temps de travail effectif le temps nécessaire pour revêtir un vêtement particulier, comme à la COGEMA, quand on se déguise en schadok pour pénétrer dans les installations, ou à Eurodisney -où il existe un accord sur les trente-cinq heures, mais qui exclut les temps d'habillage et de déshabillage, ce qui est curieux, car les employés qui se déguisent en belle au bois dormant ne le font pas pour leur plaisir...

Ces amendements ont un autre avantage, qui est d'être signés par tous les députés de la majorité. A cet accord général, j'espère que va s'ajouter celui du Gouvernement.

M. le Président de la commission - Cet amendement a demandé beaucoup de travail. Et de même que, tout à l'heure, un amendement de l'opposition a fait l'objet d'une présentation à trois voix, je souhaite de même que s'expriment sur celui-ci toutes les composantes de la majorité qui y ont contribué, et donc que M. Gremetz prenne la parole.

M. le Président - Vous allez au-devant de mon intention.

M. Maxime Gremetz - C'est un amendement qui nous est en effet commun. La définition de la durée effective du travail a fait l'objet dans la première loi d'un débat conséquent, pour ne pas dire plus. Nous avons fait un progrès. Mais une partie du code du travail restait en contradiction avec cette disposition de la loi, de sorte que certains employeurs pouvaient s'appuyer sur le code pour décompter du travail effectif les pauses, l'habillage, etc.

La question est importante, et je crois que nous avons fait un progrès évident. Pour les pauses, en effet, en l'absence d'aides publiques les dispositions de la première loi ne pouvaient s'appliquer : dès lors qu'elles apparaissaient plus restrictives que protectrices, comme il ressort de l'accord du groupe Intermarché, qui déduit du temps de travail effectif deux heures hebdomadaires de pauses.

Et n'oublions pas le problème des voyages professionnels, qui portent parfois à douze ou quatorze heures la journée de travail des salariés, envoyés à des centaines de kilomètres de leur établissement habituel, au détriment de leur vie personnelle et familiale. Il est donc essentiel de définir clairement dans la loi le temps de travail effectif : c'est crucial pour la réussite de la RTT et l'amélioration des conditions de travail.

Des organisations syndicales ont appelé mon attention sur le fait que pendant les pauses de courte durée, les salariés ne peuvent vaquer librement à leurs occupations personnelles. Tel est le cas, par exemple, de la caissière d'Auchan qui commence à 9 heures et à qui on donne une pause de 20 minutes à 9 heures 30, ou encore des chauffeurs routiers soumis à des pauses réglementaires. C'est la raison pour laquelle je propose un sous-amendement qui préciserait que « les pauses rendues obligatoires par une disposition légale ou réglementaire sont considérées comme du temps de travail effectif ».

M. Hervé Morin - L'amendement proposé signifie-t-il que le temps du déjeuner est considéré comme du temps de travail effectif ?

M. Yves Cochet - Non ! Il s'agit du temps de restauration sur place.

M. le Rapporteur - Les deux alinéas de l'article L. 212-4 doivent être lus ensemble. Le premier pose les critères du travail effectif -être à la disposition de l'employeur, se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles- ; le deuxième, tel qu'il est rédigé dans l'amendement, précise quels temps peuvent être, au regard de ces critères, considérés comme du travail effectif. Ajouter une disposition concernant les temps de pause légaux ou réglementaires reviendrait à ne plus tenir compte des critères du premier alinéa que nous avions fixés après un débat très approfondi en 1998 ; je ne peux donc qu'être défavorable au sous-amendement.

Mme la Ministre - Entre l'année dernière et cette année, si ce texte est voté, nous aurons beaucoup avancé sur la définition du temps de travail effectif. M. Morin n'était pas parmi nous l'année dernière lorsque nous avons retenu le principe posé par la jurisprudence, selon lequel le temps de travail effectif est celui pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et ne peut vaquer à des occupations personnelles. C'est à la lumière de ce premier alinéa qu'il faut examiner l'amendement proposé : les temps de restauration et de pause sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque le salarié ne peut pas vaquer à ses occupations ; le salarié qui est obligé de déjeuner d'un casse-croûte en regardant sa machine est dans ce cas de figure, et non celui qui va à la cantine.

Le Gouvernement est donc favorable à ces amendements mais il est défavorable à votre sous-amendement, Monsieur Gremetz, car si nous vous suivions, le repos journalier de onze heures serait aussi du temps de travail...

M. Bernard Accoyer - Ces amendements sont très imprécis. C'est pourquoi je ne les voterai pas.

Le sous-amendement de M. Gremetz à l'amendement 1020, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 165 et 1020, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - Je laisserai MM. Cochet et Gremetz présenter les amendements identiques 1021 et 166.

M. Yves Cochet - On sait que des régimes d'équivalence subsistent dans certaines professions. C'est ainsi que dans l'hôtellerie-restauration-cafés, on travaille 43 heures mais l'on est payé pour 39 heures.

M. Hervé Morin - Un tel régime s'applique aussi aux chauffeurs-routiers.

M. Yves Cochet - C'est vrai, et il convient de réduire progressivement son importance. Le maintien des régimes d'équivalence peut se comprendre, car ils sont assortis de certaines compensations. Ainsi, les salariés des hôtels, restaurants et cafés prennent leurs repas sur place. Il importe cependant d'encadrer le recours à ces régimes pour éviter tout vide juridique et ne pas s'en tenir à l'opinion récemment émise par la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a cru pouvoir dire que les dispositions régissant les régimes d'équivalence pourraient être fixées par un accord d'entreprise. Le danger est grand de graves dérapages, et cette prise de position fait courir le risque qu'un accord puisse prévoir, par exemple, que, pour 55 heures travaillées, 39 heures seraient payées. L'amendement 1021 indique donc que les régimes d'équivalence peuvent se justifier mais qu'ils ne pourront désormais être établis que selon deux voies ; soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'État. Ainsi, la loi indiquera clairement que les accords d'entreprise ne peuvent, à eux seuls, instituer des équivalences.

M. Maxime Gremetz - J'ai cosigné l'amendement 1021 mais certains des juristes et inspecteurs du travail que j'ai consultés ont appelé mon attention sur le fait que son adoption réduirait à néant l'avancée que constitue la nouvelle formulation de l'alinéa 2 de l'article L. 214-4 du code du travail. Selon les spécialistes, l'amendement, s'il était adopté, permettrait en effet de contourner les règles relatives au temps de travail réel en recourant aux régimes d'équivalence.

Je soumets donc ce problème à la sagesse de l'Assemblée.

M. Jacques Barrot - Le sous-amendement 896 tend à rapprocher l'amendement 166 de l'esprit de la loi du 13 juin 1998. M. Cochet admet que les régimes d'équivalence n'ont pas à être condamnés s'ils prévoient des contreparties. Pourquoi, alors, suspecter à ce point le contenu éventuel de futurs accords d'entreprise non frappés d'opposition ? D'autre part, un important arrêt de la Cour de cassation rendu le 29 juin 1999 dispose que l'équivalence conventionnelle est une dérogation et qu'à ce titre elle peut naître soit d'une convention ou d'un accord de branche étendu, soit d'un accord d'entreprise non frappé d'opposition.

La défiance exprimée dans l'amendement à l'égard des partenaires sociaux est révélatrice d'un état d'esprit que nous ne pouvons accepter. C'est pourquoi nous attachons une grande importance à ce sous-amendement qui, au moins, laissera la porte ouverte à une véritable négociation.

M. le Rapporteur - L'arrêt rendu en juin par la Cour de cassation fait subir le risque que l'on puisse contourner la loi par des accords d'entreprise. Les amendements 1021 et 166 visent, au contraire, à ce que les équivalences ne puissent plus être accordées que par décret. Ils ne remettent pas en cause les régimes d'équivalence existants, mais visent à les encadrer strictement et à limiter au maximum la création de nouvelles équivalences.

La commission est donc favorable à l'adoption des amendements 1021 et 166 et défavorable à l'adoption du sous-amendement 896.

Mme la Ministre - J'ai peu à ajouter. Nous savons que les régimes d'équivalence sont encore utiles dans certaines professions mais nous souhaitons qu'ils soient encadrés par décret même si nous faisons confiance aux partenaires sociaux.Nous avons tout intérêt à ce que ces régimes dérogatoires soient reconnus pour ce qu'ils sont si nous souhaitons, comme c'est le cas, les faire disparaître progressivement. Je suis donc favorable à l'adoption des amendements 1021 et 166 et contre le sous-amendement 896.

M. Yves Cochet - Je suis favorable à la disparition progressive des régimes d'équivalence, très critiqués par l'ensemble des syndicats, y compris Force ouvrière.

La tendance constante de la jurisprudence est d'ailleurs de réduire le champ professionnel des équivalences.

C'est aussi le but de mon amendement.

M. Alfred Recours - Le sous-amendement de M. Barrot a beaucoup d'intérêt, car il justifie les craintes de M. Gremetz ! En repoussant ce sous-amendement, nous montrerons quelle est la volonté du Parlement : limiter strictement, par décret, le recours aux équivalences.

M. Jacques Barrot - Madame le ministre, toutes les équivalences ne relèvent pas de l'ordre public social. Enfermer l'ensemble des équivalences dans la sphère réglementaire, c'est aller trop loin.

Mme la Ministre - C'est la jurisprudence de janvier 1999 qui va trop loin.

M. Maxime Gremetz - Je voterai l'amendement de la commission.

Le sous-amendement 896, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 166 et 1021, mis aux voix, sont adoptés.

M. Maxime Gremetz - Mon amendement 800 vise à empêcher les recours abusifs aux astreintes. Celles-ci doivent être mieux définies et dotées d'un cadre légal comportant des garanties pour les salariés. C'est une question qui n'a jamais été traitée.

L'article L. 212-2 prévoit que les modalités de recours aux astreintes seront précisées par voie réglementaire. En revanche, c'est la loi qui doit fixer le cadre général.

J'estime que les astreintes ne devraient être autorisées que dans les branches où une convention ou une convention étendue les prévoit, et exclusivement dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

En outre, le système de paiement doit prendre en compte la spécificité des situations et le recours aux astreintes ne doit pas empêcher le salarié de bénéficier du repos quotidien de 11 heures prévu par la loi .

Dans la mesure, cependant, où je suis parvenu à une rédaction commune avec le rapporteur, je retire mon amendement 800 au profit de l'amendement 1027 de la commission.

M. le Rapporteur - En commission, les différents groupes de la majorité ont fait beaucoup d'efforts pour clarifier des notions encore floues, sources de contentieux, qu'il s'agisse du temps de travail, des équivalences ou des astreintes.

Je prends acte de ce retrait et je souhaite que M. Cochet fasse de même.

M. Yves Cochet - Oserai-je transformer mon amendement 988 en sous-amendement à celui de la commission ? Je ne veux en effet qu'ajouter une disposition tirée de l'arrêt Lulbin de la Cour de cassation, qui date du 3 juin 1998. Des veilleurs de nuit ont demandé le paiement de leurs heures d'astreinte. Comme un veilleur de nuit peut consacrer une partie de sa garde devant la télévision, en buvant un café, on ne peut considérer que ces heures constituent à 100 % leur temps de travail effectif. La chambre sociale a donc estimé que les heures d'astreinte devaient être comptées à hauteur d'un tiers comme du temps de travail effectif. C'est cette disposition que je voudrais ajouter à l'amendement 1027.

M. le Rapporteur - On ne peut généraliser ainsi une décision jurisprudentielle. Avis défavorable.

M. Hervé Morin - L'amendement 1027 est parfaitement inutile. Pourquoi reprendre et figer ainsi

dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation ? Laissons plutôt les partenaires sociaux négocier.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - L'amendement de M. Gremetz est dangereux (Protestations sur les bancs du groupe communiste). Il vise à n'autoriser les astreintes que dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, si bien que si un salarié soumis à des astreintes tombe malade ou bénéficie d'un congé de maternité, on ne pourra pas le remplacer !

Les astreintes présentent une extrême variété, selon qu'elles s'exercent de nuit ou dans la journée, qu'il s'agit d'une simple permanence téléphonique ou d'une obligation à se déplacer. Ces amendements maximalistes ...(Exclamations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du Gouvernement) ... Pardonnez-moi ce mauvais jeu de mots... ne tiennent pas compte de cette diversité. L'amendement de la commission, lui, ne sert à rien sinon à noyer encore davantage les employeurs sous une paperasse inutile. Quand on imagine ce que sera pour une PME le calcul des heures supplémentaires, du SMIC ou l'établissement des bulletins de salaire, il n'est pas nécessaire d'en rajouter !(Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Mme la Ministre - Contrairement à Mme Bachelot-Narquin, je vois l'intérêt d'écrire dans le code du travail des règles claires, qui donnent aux salariés une certaine sécurité juridique et limitent le contentieux. Le Gouvernement est favorable à l'amendement 1027 de la commission et défavorable à l'amendement 988.

L'amendement 1027 mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 988 tombe.

M. Yves Cochet - Mon amendement 991 vise à une harmonisation des temps sociaux à l'échelle d'un « bassin d'emploi ». La RTT entraînera une amélioration de la vie dans l'entreprise ; il importe qu'elle amène aussi une amélioration de la vie de la cité grâce à la conciliation des horaires des services publics, aménagés le cas échéant, avec les contraintes familiales et professionnelles. Le maire peut jouer à cet effet un rôle de « facilitation », comme en témoigne l'exemple italien.

M. le Rapporteur - Cet amendement pose un excellent problème sans apporter de solutions réellement adaptées. La commission n'y est donc pas favorable mais attend des éclaircissements de la part du Gouvernement (Sourires).

Mme la Ministre - Je suis sensible à cet amendement qui replace la RTT dans son enjeu global de « projet de société ». Les maires ont un rôle à jouer dans la conciliation des temps sociaux. Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement.

M. Germain Gengenwin - Merci pour les maires, Madame la ministre ! C'est vraiment leur faire un très mauvais cadeau que de les transformer ainsi en médiateurs entre les acteurs sociaux.

M. Alfred Recours - Contrairement à M. Cochet, je suis moi aussi un de ces maires qui, au fur et à mesure que s'accumulent les législations, subissent toutes les contraintes liées à la vie quotidienne de nos concitoyens. Prenons garde à ne pas en rajouter ! Une forme de « ras-le-bol », je le dis sans énervement, s'exprime déjà devant la multiplication des obligations qui nous incombent et ce souvent sans les moyens nécessaires pour les honorer ! Je suis donc résolument défavorable à l'amendement de M. Cochet.

M. Germain Gengenwin - Je remercie M. Recours.

M. Hervé Morin - Cet amendement provient d'un élu qui ignore tout des sollicitations dont un maire est l'objet. Pourquoi ne pas proposer aussi une synchronisation avec les horaires des différents cultes célébrés dans l'agglomération ?

M. Thierry Mariani - En tant que maire, je trouve cet amendement sympathique mais inapplicable. Pitié pour le maires !

L'amendement 991, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 203 vise à unifier le contrôle du temps de travail pour que la RTT soit effective et crée vraiment des emplois.

Notre principale préoccupation n'est pas de rétablir les pointeuses dans les entreprises, bien que beaucoup le demandent aujourd'hui.

Le contrôle du temps de travail est régi dans le code du travail par les articles L. 611-9 et D. 212-18 et 21, que l'amendement propose de compléter.

Lorsque les employeurs souhaitent faire pointer les salariés, ils s'en donnent les moyens. Mais lorsqu'il s'agit de payer les heures supplémentaires ou de dépasser les horaires légaux, ils prétendent qu'il est impossible d'enregistrer les heures effectivement travaillées !

Si les patrons des grandes entreprises -je pense notamment à celui de Matra- aimeraient bien supprimer tout témoin gênant, des millions de salariés sont en droit d'exiger des moyens d'enregistrement fiables et efficaces de leur temps de travail. 65 % des cadres y sont d'ailleurs favorables, estimant que cela les protégerait d'horaires excessifs. De tels dispositifs d'enregistrement sont indispensables pour garantir une RTT effective et créatrice d'emplois.

M. Yves Cochet - Je soutiens l'amendement de M. Gremetz, mais il faut aller plus loin encore.

M. Thierry Mariani - Oh !

M. Yves Cochet - Si, Monsieur Mariani, les salariés, notamment les cadres las de ne pas compter leur temps et de s'épuiser sous le stress, réclament des dispositifs automatiques d'enregistrement de leur temps de travail.

Mais ces « pointeuses » ne sont pas toujours objectives. J'ai

eu vent de tels problèmes dans des entreprises de ma circonscription où le patron pouvait, grâce à un logiciel, en falsifier les données, effaçant par exemple des heures supplémentaires. Il importe donc que ces pointeuses, là où elles existent, soient inaltérables, à l'instar des « mouchards », désormais plombés et infalsifiables, installés dans les camions. C'est le sens de mon amendement 989.

M. Maxime Gremetz - Tout à fait d'accord avec cet amendement.

M. Thierry Mariani - Si des salariés souhaitent que leur horaire de travail soit parfaitement établi et pour certains même, revenir à le pointeuse, l'amendement 203 n'en serait pas moins dangereux, sans compter que la mesure serait inapplicable dans un grand nombre d'entreprises. Comment décompter précisément le temps de travail des salariés qui ne restent pas physiquement présents dans leur entreprise du début à la fin de leur journée ? Mon sous-amendement 786 répond à ces difficultés. Je ne suis pas certain par ailleurs que les salariés seraient en majorité favorables à l'enregistrement des pauses non rémunérées. Quant à mettre à la disposition des délégués du personnel les renseignements fournis par ces systèmes d'enregistrement, cela va trop loin. Enfin, que de paperasses supplémentaires pour les entreprises !

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces deux amendements, estimant que le code du travail apporte déjà une réponse satisfaisante pour ce qui est du décompte et du contrôle des horaires de travail. Tout en comprenant les motivations de leurs auteurs qui est de faire appliquer effectivement la réduction du temps de travail, elle n'a pas souhaité aller aussi loin.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Contrairement à ce qu'affirme M. Mariani, la mise en place de tels dispositifs ne présente aucune difficulté insurmontable. 65 % des cadres à la Défense pointent par le biais des ordres de mission qu'ils sont tenus de faire signer à leur employeur lorsqu'ils s'absentent du siège de  l'entreprise. On connaît donc parfaitement leur horaire de travail effectif. Ils sont d'ailleurs nombreux à souhaiter ce contrôle afin d'en finir avec les journées de travail à rallonge et les heures supplémentaires non payées.

J'ajoute que je suis bien entendu favorable à l'amendement de M. Cochet.

M. Yves Cochet - Un reportage, diffusé hier même sur France 2, évoquait ces cadres qui voient dans la pointeuse en réalité un moyen de défense. Le temps, c'est de la vie. Voler du temps, c'est donc voler de la vie.

Le sous-amendement 786, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 203, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Thierry Mariani - Même la majorité est contre !

L'amendement 989, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Thierry Mariani - Notre amendement 895 qui concerne particulièrement les surveillants de centrales nucléaires -nombreuses dans ma circonscription- vise à leur permettre d'exercer leurs fonctions dans des conditions compatibles avec les exigences inhérentes à leurs missions. Ils effectuent actuellement un service selon un horaire dont ils sont satisfaits : une dérogation doit leur permettre de le conserver.

L'amendement 895, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Germain Gengenwin - L'amendement 828 tend à demander au Gouvernement de faire appliquer d'ici au 1er mars 2000 les 35 heures dans les contrats de formation en alternance. Les jeunes bénéficiaires de ces contrats ne doivent pas être les oubliés de la RTT. Le projet ne prévoit aucune disposition sur les contrats de formation en alternance. Ces formations se font en principe sur deux ans, partie en CFA, partie dans l'entreprise. Les horaires varient selon le niveau de qualification : au niveau d'un bac professionnel ou d'un BTS, il y a 1 200 heures en CFA et 400 seulement en entreprise. Il est difficile d'imaginer qu'on puisse réduire le temps de formation de ces jeunes. Une autre possibilité serait d'allonger la durée totale de ces formations, mais il en résulterait un coût pour les entreprises comme pour les conseils régionaux. Je n'ai pas la solution de ce problème, qui est complexe ; c'est pourquoi je demande que, d'ici à trois mois, vous nous fassiez des propositions à ce sujet.

M. le Rapporteur - La commission n'a pu adopter cette proposition, qui vise moins à amender le texte qu'à engager le débat sur la question, effectivement importante, de l'effet des trente-cinq heures sur les formations en alternance.

Mme la Ministre - C'est en effet une vraie question mais qui se pose au-delà des trente-cinq heures, car les apprentis comme les stagiaires en contrat de qualification appliquent la durée du travail en vigueur dans l'entreprise. La question est de savoir ce qui se passe pour les périodes de formation. Je rappelle qu'elles ne sont pas forcément égales aux périodes de travail ; le code du travail dispose simplement qu'elles doivent être supérieures à 400 heures par an. Aujourd'hui la durée de formation en CFA est donc calée théoriquement sur 39 heures, mais dans les faits elle est très variable. Ce problème va donc sans doute nous permettre de revoir, avec les entreprises, les conseils régionaux et les organismes de formation, la réalité des durées nécessaires de formation pour chacun des diplômes préparés et peut-être de rapprocher les durées affichées des durées réelles. Il y a de l'ordre à mettre dans ce domaine, mais je ne crois pas que la RTT dans l'entreprise aura des incidences financières, dès lors qu'on regardera réellement ce qui se passe.

M. Germain Gengenwin - Je vous laisse la responsabilité de votre distinction entre durée affichée et durée réelle : je serais étonné que les conseils régionaux ne contrôlent pas, et qu'ils paient des heures en CFA qui ne seraient pas utilisées. Mais je souhaite vous inciter à soumettre le problème au comité national de coordination, dont les experts sont en mesure d'en discuter.

Mme la Ministre - C'est la voix de la sagesse, et je m'engage à saisir ce comité. Cela nous permettra de faire un peu de tri dans ce qui existe et d'examiner la réalité des formations.

L'amendement 828 est retiré.

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ART. 2

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Cet article secrète à la fois de la complexité et de l'iniquité. La complexité est évidente : il ne vous faut pas moins de trois termes -majoration, contribution et bonification- pour désigner le produit des heures supplémentaires. Imaginez le casse-tête que deviendra la rédaction des fiches de paie, non pas dans les grandes entreprises, qui ont le personnel voulu, mais dans les petites. Selon les salariés, il faudra plusieurs lignes pour les heures supplémentaires. Mais le dispositif est en lui-même d'une complexité ahurissante, sauf durant l'année 2000, qui verra la majoration des heures supplémentaires, de la trente-sixième à la trente-neuvième, fixée à 10 %. Mais dès 2001 cela se corse. Il faudra distinguer les entreprises où l'horaire collectif est inférieur ou égal à 35 heures, et celles qui n'ont pas d'horaire collectif. Les premières verseront aux salariés une bonification de 25 %, mais les secondes devront l'amputer de 10 % -la réduisant ainsi à 15 %-, ces 10 % étant versés à un fonds pour l'emploi.

Cette complexité est extraordinaire. Vous ne cessez de parler de simplification et cette loi en apporte une sur la modulation, ce qui est bien ; mais elle comporte aussi quelques usines à gaz, dont le dispositif relatif aux heures supplémentaires n'est pas la moindre. Il sera impossible de vivre sur le terrain. La complexité législative, réglementaire et administrative tue l'emploi.

Ce dispositif est en outre injuste à trois titres. Il l'est au niveau des salariés : pourquoi ne toucheront-ils pas le même complément de salaire selon qu'il existe ou non un accord d'entreprise ? Il n'est pas normal que certains doivent donner 10 %. En second lieu certains accords de branche ont été signés, qui ont retenu des niveaux variés d'heures supplémentaires : 300 pour les exploitations agricoles, 190 pour la propriété, 175 pour le textile... Aujourd'hui vous leur dites, non, ce sera 130 heures : revoyez votre copie, et dès le 1er janvier 2000 ! Où est le respect du dialogue social et des accords entre les partenaires sociaux, que vous aviez vous-même encouragés à les conclure ? Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le législateur ne saurait porter à l'économie des contrats et conventions légalement conclus une atteinte assez importante pour paraître contraire à la liberté affirmée par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme.

Enfin il n'est pas correct de fixer l'échéance au 1er janvier 2000, même si vous prévoyez une année de transition. La loi sera votée au mieux à Noël : vous ne laissez aucun temps aux chefs d'entreprise pour s'organiser, et simplement pour modifier leurs ordinateurs. Une entreprise est un navire qui ne peut changer de cap instantanément. En outre dans certains secteurs, comme la propreté, tout est déjà bouclé pour 2000 : et voilà que vous changez les règles du jeu. De telles modifications ne sauraient favoriser l'emploi.

M. Hervé Morin - Cet article restera probablement dans les annales de l'administration française comme l'un des plus complexes qu'elle aura jamais écrits. Nous y sommes en outre opposés pour deux raisons fondamentales. Tout d'abord il crée un fonds de compensation qui taxe à nouveau le travail : les salariés qui y seront soumis verront une partie de leur majoration pour heures supplémentaires partir vers un fonds destiné à alléger les cotisations sociales et à financer la RTT. Pour nous, toute peine mérite salaire, et tout salarié mérite une bonification de 25 %.

D'autre part cet article traduit un recul du Gouvernement sur son texte. Il annonçait lors du débat sur la première loi que les 35 heures seraient immédiatement applicables au 1er janvier 2000. Face aux difficultés de la mise en _uvre, il transfère l'application concrète des 35 heures à 2001 : c'est la preuve que ce n'est pas si facile qu'il veut bien le dire.

M. Georges Sarre - Cet article est, je le crains, un bon exemple des ambiguïtés que comporte ça et là ce projet de loi. Celui-ci a été porté par les partis et la majorité plurielle, et par le Gouvernement, comme une réforme qui devait favoriser l'emploi et la lutte contre le chômage, tout en réduisant le temps de travail. De ce point de vue la question des heures supplémentaires est déterminante. Car ces heures, dans notre pays, -et je ne parle que de celles qui sont déclarées- représentent l'équivalent de centaines de milliers d'emplois à plein temps. Ces heures de travail vont-elles être redistribuées ? L'existence d'une période de transition, avec une majoration faible et un contingent très important d'heure supplémentaire, ne va malheureusement pas dans le sens d'une redistribution sous forme de création d'emplois. Pendant un an au moins, les entreprises de plus de 20 salariés, sans parler des autres, vont recourir à des heures supplémentaires très bon marché ; elles continueront de faire travailler leurs salariés 39 heures, sans pénalité ou presque : la réduction de la durée du travail sera, en quelque sorte, virtuelle...

Par ailleurs, cet article organise l'extension du système de cycles, qui permet de faire faire à des

salariés des heures supplémentaires sans qu'elles soient considérées comme telles ; jusqu'ici réservé à certaines professions très spécifiques, ce mécanisme est non seulement très astreignant pour les salariés mais contre-productif en termes d'emplois. La commission a adopté sur ce point l'amendement de suppression que nous avions déposé.

Nous souhaitons qu'on supprime tant l'extension du système des cycles que la période d'adaptation. D'une façon plus générale, nous nous associerons à tout amendement susceptible de faire de ce régime des heures supplémentaires un outil pour redonner du travail aux chômeurs.

M. Gérard Bapt - Sans doute cet article est-il complexe, mais le droit des sociétés ou la comptabilité le sont aussi...

Il opère une distinction entre les entreprises où existe un accord collectif sur les 35 heures et les autres. Dans les premières, la bonification de 25 % va aux salariés dans les secondes, 15 % vont aux salariés et 10 % au fonds pour l'emploi utilisé pour l'allégement des charges sociales. En outre, le contingent d'heures supplémentaires est réduit de 130 à 90 heures en cas d'accord de modulation.

Contrairement à M. Sarre, je considère qu'il est nécessaire de ménager un temps d'adaptation. Le seuil de déclenchement s'abaissera progressivement.

Les dispositions équilibrées de cet article répondent aux objections développées à propos de l'article premier par l'opposition, qu'il s'agisse des délais nécessaires à l'aménagement du temps de travail dans les entreprises ou des éventuels obstacles à l'embauche dans certains secteurs. Les améliorations que nous apporterons par amendement devront avoir pour objectif de concilier compétitivité des entreprises et emploi.

M. Thierry Mariani - Lors de la discussion de la première loi sur les 35 heures, vous nous aviez indiqué, Madame le ministre, que vous régleriez le problème des heures supplémentaires à l'occasion d'une seconde loi. Voici donc que vous nous présentez cet article 2, véritable usine à gaz, qui prévoit plusieurs périodes de transitions et différents modes de rémunération des heures supplémentaires.

Comme le disait Marc Blondel hier, « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » Votre projet est fait pour les grandes entreprises, qui ont les moyens de se payer un service juridique.

Mais pour les PME ?

Eu égard aux efforts d'innovation, cet article est tout simplement confiscatoire. Le salarié effectuant des heures supplémentaires dans une entreprise qui n'aura pas pu mettre en place un horaire collectif de 35 heures verra le fruit de son travail alimenter un fonds destiné à atténuer le coût induit par la baisse du temps de travail des autres : curieuse conception !

Avez-vous pensé aux familles moyennes qui se sont endettées pour acheter une maison ou une voiture et auxquelles vous allez retirer 700 à 800 francs par mois de revenus ?

Cet article est une atteinte à la liberté de travailler plus pour gagner plus et s'élever socialement. En outre, en limitant le recours aux heures supplémentaires, ce n'est pas le jardinage ou le bricolage que vous allez favoriser, mais le travail au noir...

Enfin, la création du fonds chargé de financer pour partie le coût du passage aux 35 heures revient à celle d'un nouvel impôt, assis sur les heures supplémentaires...

Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous demandons de renoncer à cet article 2.

M. Maxime Gremetz - Lors du débat sur la première loi, j'avais insisté sur la nécessité d'augmenter le tarif des heures supplémentaires pour dissuader les patrons d'y avoir recours au lieu de créer des emplois.

Actuellement, plus d'un milliard d'heures supplémentaires sont effectuées chaque année en France, soit l'équivalent de 680 000 emplois. Une heure de travail en moins, c'est 312 000 emplois, quatre heures en moins, 1 240 000 emplois.

Avec nos collègues Verts et du MDC, nous avons déposé un amendement visant à supprimer la période d'adaptation. D'autres amendements déposés par notre groupe ont pour objectif de limiter le recours aux heures supplémentaires, par une majoration de celles-ci de 25 % dès la trente-sixième heure et de 50 % à partir de la huitième heure supplémentaire.

Cette dernière proposition a été adoptée en commission. Nous espérons qu'il en sera de même, en séance publique, pour les deux autres. Il conviendra par ailleurs de majorer plus fortement les heures supplémentaires qui ne sont pas liées à une augmentation réelle de l'activité. Sait-on assez que les infractions les plus graves et les plus fréquentes au code du travail concernent les heures supplémentaires, et qu'une entreprise sur quatre, en Ile-de-France, dépasse le maximum légal.

Il importe donc de comptabiliser les heures supplémentaires et le repos compensateur comme travail effectif et de mettre au point des mesures de contrôle efficaces. Naturellement, toutes les heures supplémentaires effectuées devront continuer de figurer sur les bulletins de salaire.

Mais il est inconcevable d'imaginer que les majorations prévues ne soient pas payées aux salariés qui les ont effectuées. Une telle disposition serait sans précédent connu dans notre pays, et nous ne saurions l'accepter. D'autres ressources existent qui permettent de financer le dispositif. Le mécanisme envisagé dans le projet aurait pour double effet de spolier les salariés et... d'encourager les chefs d'entreprise à multiplier le recours aux heures supplémentaires.

Je suis convaincu que nous serons entendus et que nos amendements seront pris en compte.

M. Yves Cochet - Selon la manière dont les dispositions de l'article 2 seront amendées, la loi sera ou non efficace, la situation de l'emploi sera ou non améliorée. L'article traite d'une part du cadrage des heures supplémentaires pour le régime établi, d'autre part de la période d'adaptation.

En ce qui concerne le premier point, et contrairement à mon collègue Maxime Gremetz, je ne suis pas hostile à ce qu'une distinction soit faite entre les entreprises qui, au terme d'un accord, sont passées aux 35 heures et celles qui n'ont pas consenti cet effort. Nous demanderons cependant que la majoration envisagée soit appliquée à part égale aux salariés et à l'entreprise, considérant que le système de vases communicants ainsi établi récompense la vertu sociale.

M. Maxime Gremetz - Les salariés n'ont pas à subir les conséquences d'une absence d'accord dont ils ne sont pas responsables !

M. Yves Cochet - Pour ce qui est, en revanche, de la période d'adaptation prévue dans le dispositif, je rejoins mon collègue. Comment les 15 000 entreprises les plus vertueuses en sont-elles venues à signer un accord sinon, comme l'a souligné le Président Le Garrec, parce que depuis un an et demi, elles s'attendaient à voir appliquer

ce qui figurait en toutes lettres dans l'exposé des motifs de la première loi.

Qui peut prétendre ignorer, au sein des entreprises, que le mécanisme nouveau entrera en vigueur le 1er janvier 2000 ? Et qu'y a-t-il de nouveau dans le fait que les heures supplémentaires seront taxées à 25 % ? Manifestement, les entreprises qui ont joué le jeu connaissent les délais. Les autres aussi, mais elles ont choisi l'inertie et l'immobilisme. Pourquoi, alors, leur offrir une période d'adaptation supplémentaire ? N'est-ce pas injuste à l'égard des milliers de négociateurs qui se sont attachés à définir de bons accords ? Si la rédaction actuelle de l'article est conservée, quelle incitation poussera les entreprises qui ne l'ont pas encore fait à rechercher un accord visant à la RTT avant la fin de la nouvelle période d'adaptation prévue ? Qu'adviendra-t-il alors des chômeurs que le projet entend aider à retrouver un emploi ? Peut-être Mme la ministre parviendra-t-elle à me convaincre du bien-fondé de sa démarche mais, pour l'heure, je ne le suis pas.

M. le Président - La discussion de l'article 2 est close.

La suite du débat est renvoyée à une prochaine séance.

La séance est levée le vendredi 8 octobre à 1 heure 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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