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Session ordinaire de 1999-2000 - 11ème jour de séance, 25ème séance

1ÈRE SÉANCE DU JEUDI 21 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER

vice-président

Sommaire

          PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000 (suite) 2

          ARTICLE PREMIER 5

          RAPPEL AU RÈGLEMENT 7

          PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000 (suite) 7

          ART. 2 7

          AMÉNAGEMENT DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE 12

          PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000 (suite) 13

          APRÈS L'ART. 2 14

La séance est ouverte à neuf heures quinze.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Il me revient de répondre aux interventions constructives des nombreux orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale.

Sur un ton modéré, M. Bouvard a émis plusieurs avis qui ne correspondent pas à la réalité. S'agissant du traitement de l'investissement dans le projet de budget pour 2000, M. Bouvard, comme MM. Hériaud et Barrot, a considéré que les capacités d'investissement de l'Etat étaient trop limitées. Elles augmentent pourtant, grâce aux économies réalisées sur les dépenses de fonctionnement et sur les crédits d'intervention. La capacité totale d'investissement de l'Etat passe de 82,8 milliards en 1998 à 84,6 milliards en 2000. Nous entrons donc dans une phase de redressement de l'investissement public qui avait été sacrifié dans la période 1993-1997. Selon les souhaits de la mission d'évaluation des coûts, ces investissements ne seront pas dispersés et, à titre d'exemple, la police nationale bénéficiera d'une hausse de 38 % de ses crédits d'investissement, destinée à renforcer ses moyens d'action dans les zones difficiles.

Les crédits d'investissement prévus au budget de l'équipement et des transports progressent de plus de 19 % entre 1997 et 2000, soit une appréciation de 12,9 à 15,3 milliards -les crédits «routes», auxquels sont attentifs de nombreux parlementaires augmentent d'une année à l'autre de 6 %. Dans le cadre des contrats de plan, 4 milliards de crédits de paiement ont été ajoutés pour couvrir les autorisations de programmes ouverts par le gouvernement précédent.

M. Feurtet a concentré son propos sur les collectivités locales en rappelant que si le Gouvernement avait choisi de proroger le pacte de stabilité de la période 1996-1998, toutes les communes auraient été pénalisées. Les collectivités auraient supporté un coût total de 3 milliards. M. Feurtet a bien montré le contraste entre la période de glaciation du pacte de stabilité et la démarche contractuelle et dynamique qui est celle du Gouvernement. Il a évoqué également l'indexation sur la croissance des dotations de l'Etat aux collectivités, qui passent de 20 % en 1999, à 25 % en 2000 et à 33 % en 2007. Il aurait souhaité que soit atteint un taux de 50 % mais la progression sur trois ans de 20 à 33 % témoigne déjà d'une volonté claire.

Sur l'indexation de la compensation pour la taxe professionnelle, qu'a aussi évoquée M. Bonrepaux, le Gouvernement est à l'écoute de la majorité. Sur la DGF, pèsera en 2000 la «régulation négative» et le fameux amendement Auberger. Mais la compensation de la taxe professionnelle suivra l'évolution de la DGF indépendamment des deux corrections précitées du passé.

Pour ce qui est de France Télécom, un groupe de travail a été réuni afin que cette grande entreprise fournisse les bases nécessaires, c'est-à-dire la liste des implantations de ses équipements dans les différentes communes, votre commission sera informée de ces travaux.

S'agissant de la taxe d'habitation sur les ménages modestes, le Gouvernement est à l'écoute des souhaits de la majorité et des votes de la commission des finances.

M. de Courson voudra bien m'excuser de me livrer qu'à un commentaire laconique de son propos, véritable crépitement de calculs abscons qui, s'ils ont réjoui l'opposition, n'ont guère permis au débat de progresser. Brillante et saccadée, sa plaidoirie n'a pas véritablement débouché sur un raisonnement convaincant.

M. Gérard Charasse a évoqué le premier le secteur de restauration traditionnelle, en proposant que lui soit appliqué un taux intermédiaire de TVA de 14,6 %. Le Gouvernement est attaché à la défense de la restauration traditionnelle,...

M. Jean-Pierre Brard - Vive la bonne cuisine française !

M. le Secrétaire d'Etat - Il s'agit en effet d'une cause parfaitement respectable, qui a une incidence sur notre culture, sur la qualité de la vie et sur le tourisme. Ce secteur d'activité est également important dans le domaine de l'emploi.

Cependant, votre Assemblée a voté une résolution incitant le Gouvernement à se battre pour obtenir la baisse de la TVA sur les travaux entrepris dans le secteur du bâtiment. Ce combat difficile a été gagné par le Gouvernement auprès de nos partenaires européens.

S'agissant de la restauration, M. Dominique Strauss-Kahn s'est efforcé de convaincre nos partenaires lors du Conseil économique et financier du 8 octobre mais la réticence de notre partenaire d'Outre-Rhin n'a pas encore été surmontée.

M. Gantier a le droit de trouver notre budget «terne» ; pour notre part nous considérons que nous lui avons redonné les couleurs de la croissance, de l'emploi et de la solidarité. M. Gantier a insisté sur la mauvaise position qui serait celle de la France en Europe en matière de dette. Eh bien, Le Figaro du 12 octobre dernier aurait pu lui apprendre que huit Etats européens ont un rapport de la dette sur le PIB supérieur à celui de la France, dont l'Allemagne, l'Espagne, les Pays-Bas, la Suisse et l'Italie.

Le Gouvernement partage le sentiment de M. Edmond Hervé sur des collectivités locales dans l'équipement économique et social du pays ainsi que sur leur contribution au succès des emplois-jeunes. M. Hervé a également posé une question rhétorique : notre pays souhaite-t-il conserver le système de fiscalité locale instauré en 1982 ? Evidemment oui, puisque ce système est fondé sur le principe d'autonomie des collectivités locales. Quels que soient les avocats, nouveaux ou anciens, de la décentralisation, le Gouvernement ne saurait y déroger.

Lorsque nous avons réformé tous ensemble la taxe professionnelle, la part des mesures apportées par l'Etat aux collectivités est passée de 30 à 36 %. L'essentiel des ressources des collectivités provient donc de la fiscalité locale.

M. Hervé a, ensuite, évoqué la réforme future de la taxe d'habitation. Nous souhaitons que les grandes compétences dont il a fait montre sur ce sujet, notamment dans son rapport de l'année dernière, soient au mieux utilisées dans la réflexion qui s'engagera dès l'année prochaine.

M. Hervé s'est, enfin, exprimé sur la CNRACL. Dans le cadre du groupe de travail réuni au printemps dernier, suite à la situation de crise que connaît cet organisme, le Gouvernement s'est engagé à réduire la «surcompensation», de 38 % à 34 % dans une première étape en 2000, puis à 30 % en 2001. Cet effort financier de l'Etat représente 1 milliard l'an prochain et 2 milliards en 2001 ; il va accompagner l'effort parallèle des collectivités locales. Le principe du partage de l'effort a été accepté par des élus locaux comme par la CNRACL.

M. Vila a souhaité pour sa part que l'on évalue mieux les aides aux entreprises selon le critère de l'emploi et il a fait des propositions pour mieux mobiliser les aides pour l'emploi au niveau régional.

M. Jacques Barrot a souhaité, à juste titre, que le Gouvernement donne acte à l'Assemblée, et particulièrement à sa délégation européenne, de la résolution courageuse qu'elle a votée : elle a effectivement contribué à convaincre nos partenaires européens de baisser la TVA sur les travaux d'entretien des logements.

M. Jean de Gaulle a parlé de «double langage» à propos de la TVA sur la restauration. La vérité, c'est que le Gouvernement s'est battu, le 8 octobre, pour arracher une réduction, mais la règle de l'unanimité en matière fiscale est très contraignante.

M. Jean-Pierre Brard a placé son intervention sous le haut patronage de la Déclaration des droits de l'homme... (Sourires et murmures sur les divers bancs)

M. Germain Gengenwin - Là, il est fort ! (Rires)

M. le Secrétaire d'Etat - Il me paraît excellent que ce texte fondateur soit cité aussi souvent que possible ! Mais M. Brard a fait aussi des propositions très concrètes, résultat de son travail minutieux et imaginatif...

M. Jean-Jacques Jegou - Arrêtez, on ne pourra plus le tenir ! (Rires sur divers bancs)

M. le Secrétaire d'Etat - ...sur la lutte contre la fraude. Il a évoqué aussi l'hypothèse d'un impôt négatif. M. Brard sait combien le Gouvernement est attentif à toutes ses réflexions (Interruptions sur les bancs du groupe UDF).

M. Barrot a regretté que les débats sur le projet de loi de finances et sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale soient trop disjoints. Le rapport économique, social et financier fournit une base commune et le rapporteur général s'est engagé à faire des propositions concrètes à la commission des finances pour mieux articuler ces deux textes essentiels.

M. Barrot nous a également reproché d'avoir créé un fonds particulier pour financer les allégements de cotisations, mais c'est là une démarche de transparence. Je lui rappelle que le fonds de solidarité vieillesse créé en 1994 ressort de la même logique et a résisté aux changements de gouvernement.

M. Bapt a évoqué la question du crédit d'impôt-emploi. Le Gouvernement sera sensible aux réflexions qu'a menées sur ce point la mission d'évaluation et de contrôle.

M. Baroin a estimé écrasant le poids de la dette publique en 1999. Les chiffres du passé relativisent cependant son diagnostic. Entre 1994 et 1997...

M. Gilbert Gantier - Et entre 1980 et 1985 ?

M. le Secrétaire d'Etat - ...la dette publique est passée de 3 640 milliards à 4 935 milliards, soit une augmentation de près de 1 300 milliards, alors que de 1997 à 2000 elle progressera de 4 935 à 5 492 milliards, soit 557 milliards, ce qui est significatif. Le Gouvernement s'était engagé en 1997 à stabiliser la proportion de la dette publique par rapport au PIB : cette promesse sera tenue dans le budget pour l'an 2000.

M. Moutoussamy a posé des questions importantes sur le développement des départements d'outre-mer : je suis sûr que le Premier ministre, qui va les visiter, saura répondre à ses attentes.

M. Estrosi a repris l'expression «rendez-vous manqué». C'est son point de vue. Je pense que nous allons au-devant de la jeunesse, des familles modestes, des artisans et des PME. Nous continuerons à répondre aux attentes du pays.

M. Douyère a souligné qu'au-delà de l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation et la CSG pesaient lourdement sur les ménages modestes. La réflexion sur l'impôt direct que nous mènerons ensemble au début de l'an prochain devra inclure tous les impôts directs. Nous reviendrons sur les stock-options et la taxe Tobin lors de la discussion des amendements correspondants.

M. François Guillaume nous a accusés d'avoir de la chance, ce qui en tout état de cause ne serait pas infamant. Quand la récolte est bonne, est-ce grâce à la météorologie ou à l'agriculteur ? Les deux ont leur part dans ce succès ! Plusieurs éléments ont favorisé la croissance et la création d'un million d'emplois entre 1997 et 2000 et le Gouvernement, appuyé par sa majorité, n'y a pas peu contribué.

M. Jean-Pierre Brard - Belle allégorie ! (Sourire)

M. le Secrétaire d'Etat - Merci Monsieur Brard ! Je sais qu'à Montreuil il y a des pêchers et que vous vous y connaissez en agriculture ! (Sourires)

Mme Bricq a parlé de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Cet indicateur important a cessé de se dégrader pour se stabiliser en 1997 et il accuse même une légère hausse actuellement.

M. Quentin a fait des comparaisons internationales peu avantageuses pour la France. Je rentre d'une mission officielle au Japon et je peux vous dire que les Japonais sont impressionnés par le fait que, d'après le FMI, notre pays aura la médaille d'or de la croissance parmi les pays du G8.

M. Le Guen a porté un excellent diagnostic sur la bonne santé de notre économie et les dérèglements du métabolisme mondial. Il a fait des suggestions précieuses.

M. Dray a raison, l'accélération de la croissance ne doit pas s'accompagner d'une augmentation des inégalités. M. Strauss-Kahn lui a répondu en faisant observer que les études de l'INSEE s'arrêtent à 1997. Nous sommes tous convaincus qu'il faut agir pour éviter l'évolution qu'on observe aux Etats-Unis.

M. Besson a parlé de la création d'entreprises, sujet sur lequel il a émit un excellent rapport. Ce projet contient plusieurs mesures fiscales en faveur des créateurs d'entreprise et le ministère de l'économie va mettre en place d'ici 2003 un interlocuteur développement unique. Les plus dynamiques des chambres de commerce seront associées à ce travail en réseau.

Je vous annonce, par ailleurs, que Marylise Lebranchu et Dominique Strauss-Kahn vont réunir en décembre prochain des assises nationales de la création d'entreprise (Interruptions et sourires sur les bancs du groupe UDF).

M. Michel Bouvard - Pour une fois la «nouvelle» n'est pas déjà dans Le Monde de la veille !

M. le Secrétaire d'Etat - M. Rodet a souligné tout l'intérêt de la baisse de la TVA sur les travaux. Les Français l'ont compris depuis le 15 septembre.

Je vous remercie de ces riches interventions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

ARTICLE PREMIER

M. Philippe Auberger - On nous dit que ce budget est formidable, qu'il n'a jamais été aussi sincère et transparent. Qu'en était-il donc des précédents ?

Mais chacun a pu constater, en lisant l'état des recettes fiscales fin août 1999, une formidable progression. Le ministre lui-même a parlé de «dérive tendancielle».

Nos concitoyens veulent savoir de combien vont augmenter au total les recettes fiscales en 1999 et sur quelles bases a été préparé le budget de l'an 2000.

La démocratie exige une réponse précise. Les recettes pour les huit premiers mois de 1999 sont supérieures de 75,2 milliards à celles de 1998 pour la même période. L'augmentation de recettes pour 1999 devait être de 5,7 %, elle est en réalité de 8,1 %. D'ici la fin de l'année, les recettes supplémentaires atteindront plutôt un montant de 30 à 40 milliards que les 12 milliards prévus par le Gouvernement .

Je vous demande de nous dire sur l'honneur quelles seront les plus-values pour 1999. Si les précisions de recettes ne sont pas sincères, comment le budget le serait-il ?

M. Jean-Jacques Jegou - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Ce ton solennel ne me paraît pas s'imposer. En attendant le collectif de fin d'année qui apportera des informations plus précises, les documents mis à la disposition de l'Assemblée sont déjà en mesure de vous renseigner. Nous évaluons les plus-values de recettes pour 1999 à 12 milliards dont la moitié consacrés à des mesures d'allégement fiscal par la baisse de la TVA et des droits de mutation. Les 6 milliards restants seront affectés lors du collectif.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - M. Auberger m'a précédé comme rapporteur général et sait parfaitement comment la commission travaille en fonction des documents fournis par le Gouvernement. Tout le travail accompli pour élaborer le rapport témoigne de la sincérité des comptes du Gouvernement. Nous ne cessons d'améliorer la transparence et la sincérité. Hier, à la MEC, nous avons ainsi traité du FITTVN, sur lequel nous aurons des propositions à faire.

M. Pierre Méhaignerie - Monsieur le rapporteur général, les Français n'en ont pas moins eu des surprises en recevant leur avis d'imposition.

M. le Rapporteur général - Tout était prévu dans le rapport.

M. Pierre Méhaignerie - Il en ira de même l'an prochain. En fait le contrôle parlementaire est de plus en plus difficile. Nous ne parlons plus du même budget. En commission des finances, le ministre de l'économie et la ministre de l'emploi et des affaires sociales n'ont cessé de se repasser la balle. Le leitmotiv de l'opposition a été que le Gouvernement ne se donne pas les moyens d'une croissance saine et durable du fait du déficit maintenu en phase haute de cycle et du niveau élevé des charges publiques. Nous assistons à des tours de passe-passe. L'un dit que le budget général augmente de 0,9 %, l'autre de 3,5 %. Face à un démantèlement du budget de l'Etat nous voulons rétablir une perception claire de son évolution. C'est le sens de notre amendement 263 qui rétablit l'affectation de la TGAP au budget général. Quand on constate, par exemple, que les dépenses de personnel augmentent de 3 %, comment la hausse du budget pourrait-elle être de 0,9 % ?

M. le Rapporteur général - Répéter une erreur n'en fait pas une vérité. Aussi la commission des finances a-t-elle repoussé cet amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Monsieur Méhaignerie, vous pouvez avancer tous les arguments que vous voudrez, à structure constante le budget augmente bien de 0,9 %. Ce n'est qu'en recourant à des doubles comptes, à des tours de passe-passe comme vous dites, que l'on arrive à des chiffres différents. Les membres du Gouvernement ne se sont pas envoyé la balle, ils se sont envoyé des recettes. On a en effet créé «un fonds de compensation d'allégement de cotisations sociales», ce avec quoi vous êtes d'accord, et ce qui permet plus de transparence. On l'a aussi doté de ressources pérennes, à savoir les droits sur le tabac pour 40 milliards et le produit de la TGAP. Mais nous n'avons guère fait preuve d'imagination. C'est exactement ce qu'a fait votre majorité en 1993 en créant le fonds de solidarité vieillesse destiné à servir des avantages non contributifs et alimenté par des recettes fiscales. Vous l'approuviez, ne nous reprochez rien.

M. Gilles Carrez - M. Méhaignerie a raison de demander que la TGAP soit affectée au budget de l'Etat. C'est le cas si l'on respecte la Constitution, tant qu'il n'y a pas d'article l'affectant au budget de la Sécurité sociale.

M. le Rapporteur général - Il y en a un !

M. Gilles Carrez - Vous pourriez procéder ainsi pour un impôt nouveau. Mais pour un impôt existant, sans article d'affectation vous ne respectez par l'ordonnance du 2 janvier 1959.

M. Gilbert Gantier - Même avec talent, on nous énonce des sophismes. Une conquête de la démocratie est le contrôle du budget de l'Etat. La Sécurité sociale est alimentée par des cotisations. Lui transférer des recettes de l'Etat, c`est démanteler le budget et empêcher que nous en ayons une vision claire.

M. le Rapporteur général - Il semble avoir échappé à M. Carrez que le Gouvernement a déposé un amendement qui doit le rassurer.

M. Gilles Carrez - Je l'ai proposé.

M. le Rapporteur général - Non. Vous avez repris une observation que le président de la commission et moi-même avons faites dès la première audition en commission.

M. le Secrétaire d'Etat - D'abord, le budget de l'Etat n'a pas à retracer les dépenses et recettes de la Sécurité sociale... Que le Parlement examine le budget de celle-ci est un progrès pour la démocratie.

Quant au transfert de la TGAP au fonds de compensation, il ne donne pas lieu à un article d'affectation mais à deux, le premier figure dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et, à la demande de la commission des finances, nous avons introduit un amendement au projet de loi de finances.

L'amendement 263, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A la demande de la commission des finances, la séance est suspendue durant la réunion de la Conférence des présidents.

La séance, suspendue à 10 heures, est reprise à 10 heures 25.

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Gilbert Gantier - J'aimerais savoir ce que la Conférence des présidents a décidé quant à la suite de nos travaux. Nous sommes en effet jeudi et, à 10 heures 30, nous n'avons encore examiné qu'un article et un amendement -sur 480 ou 500, crois-je savoir ! Nous avons besoin d'être éclairés pour nous organiser...

M. le Président - Ayant assisté à la Conférence des présidents, je puis vous informer qu'elle a prévu une séance supplémentaire lundi 25 octobre à 16 heures.

M. Gilbert Gantier - Ce n'est certes pas la première discussion budgétaire à laquelle je participe et je constate que, depuis que ce gouvernement est au pouvoir, les choses ne cessent de se détériorer. Pendant 24 ans, l'examen de la première partie s'est achevé aux petites heures du samedi et l'on savait donc à quoi s'en tenir. En revanche, l'an dernier, nous avons dû y consacrer le samedi entier et voici qu'aujourd'hui, on nous dit que nous y passerons aussi le lundi ! Comment pourrions-nous organiser notre travail dans nos circonscriptions avec de telles perturbations ?

M. Michel Bouvard - Surtout lorsqu'on est provincial.

M. Gilbert Gantier - J'émets donc une protestation.

M. le Président - Je transmettrai vos observations à M. le Président de l'Assemblée nationale, ainsi qu'à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000 (suite)

ART. 2

M. Jean-Pierre Brard - Notre collègue Gantier nous dit dans le débat sur les 35 heures que les Français ne travaillent pas assez, mais il trouve que les députés travaillent trop : il n'est pas très cohérent...

L'article 2 est celui qui correspond le mieux au principe posé par la Déclaration des droits de l'homme de 1789, selon lequel chacun doit contribuer selon ses facultés : en effet, dans notre fiscalité, seul l'impôt sur le revenu est progressif. Les autres impôts pèsent essentiellement sur les plus modestes -TVA, taxe d'habitation, taxe sur le foncier bâti-, alors que de multiples avantages sont accordés aux revenus non salariaux, comme vient d'en témoigner l'affaire Jaffré.

Une vaste réforme fiscale est sans nul doute nécessaire pour rendre notre fiscalité plus juste, plus transparente et pérenne. Mais j'aurais souhaité, Monsieur le ministre, des réponses plus concrètes sur deux points. Tout d'abord, sur le foncier bâti, modèle de l'impôt injuste, qui pèse également sur tous, et plus lourd encore sur les habitants des collectivités les moins fortunées, contraintes d'y recourir pour mener à bien leur politique. Ensuite, sur l'impôt négatif : vous avez laissé entendre que c'était un sujet intéressant ; pourriez-vous préciser comment le Gouvernement et la commission des finances pourraient réfléchir ensemble cette année à un système qui irait dans le sens de la justice fiscale ?

M. le Secrétaire d'Etat - Sur le foncier bâti, vous avez déposé des amendements qui seront autant d'occasions de débat. Le Gouvernement a montré à propos de la taxe d'habitation son souci : faire en sorte que les foyers modestes ne supportent pas une fiscalité locale excessive. Mais le problème du foncier bâti est différent, puisque c'est un impôt payé par les propriétaires.

L'impôt négatif est un sujet important. Des travaux ont en effet montré que le passage d'un revenu de solidarité comme le RMI à un revenu d'activité pouvait poser problème aux intéressés, du fait de la fiscalité. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Premier ministre a suggéré que les titulaires du RMI qui retrouvent un emploi continuent de bénéficier de l'exonération de taxe d'habitation. Nous avons déjà, l'an passé, travaillé ensemble sur la fiscalité locale et sur la fiscalité du patrimoine ; le Gouvernement est ouvert à une réflexion commune sur l'impôt négatif. Il a prouvé depuis 1997 sa capacité à travailler avec les parlementaires, notamment ceux de la majorité plurielle.

M. François d'Aubert - Notre amendement 151 tend à continuer la réforme de l'impôt sur le revenu engagée par le précédent gouvernement, qui a hélas été abandonnée. Il s'agit de simplifier le barème, en réduisant le nombre de tranches, et d'aboutir à une baisse aux deux extrémités : à la base, pour éviter de faire tomber dans une «trappe à pauvreté» ceux qui passent d'un revenu comme le RMI à un revenu d'activité ; au sommet, en abaissant le taux marginal de 54 à 40 %. Celui-ci est en effet l'un des plus élevés en Europe et décourage des entrepreneurs et les cadres de haut niveau, qui sont ainsi tentés d'aller exercer leurs utiles activités à l'étranger. La taxation des stock-options est pour eux un signal négatif supplémentaire.

L'impôt sur le revenu doit être réduit : il a progressé en 1999 de près de 20 milliards, ce qui est considérable. Les évaluations qui avaient été faites de l'incidence des mesures prises sur le plafonnement du quotient familial avaient d'ailleurs été curieusement sous-estimées... On avait également ignoré -faut-il considérer que c'était de bonne foi ?- les répercussions de la diminution des avantages accordés pour personnes à charge sur la taxe d'habitation. Un communiqué du ministère de l'économie est sorti récemment sur ce sujet ; ce qu'il dit est faux, car il est clair que les mesures prises ont pour effet d'augmenter la contribution payée par le contribuable local.

M. Jean-Jacques Jegou - L'amendement 264 tend à rétablir le barème prévu par la loi de finances pour 1997. Rappelons que moins d'un Français sur deux paie l'impôt sur le revenu, alors que c'est un impôt sur le travail.

M. Philippe Auberger - Je soutiendrai l'amendement 101 d'autant plus résolument que je n'ai pas reçu d'information nouvelle sur le rendement de l'impôt sur le revenu. D'après le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000, les revenus progressent de 4 % par an, cependant que l'impôt sur le revenu progresse lui de 7 à 8 % par an. M. Strauss-Kahn nous dit qu'il s'agit d'une progression tendancielle mais en fait, les courbes divergent de plus en plus ! En trois ans, de 1998 à 2000, le produit de l'impôt sur le revenu augmentera de 40 milliards. Les revenus ne progressent pas à due proportion. Cela explique le malaise des 15 millions de Français qui paient l'impôt sur le revenu auxquels on annonce des baisses d'impôt mais qui constatent que leur imposition progresse plus vite que leur revenu.

Cette divergence sera encore accentuée par le passage aux trente-cinq heures. La plupart des accords de réduction du temps de travail prévoient une stabilisation des revenus. Sur un revenu stagnant, le poids de l'impôt sera donc de plus en plus lourd. Il s'agit d'un problème sérieux, à traiter dès l'année prochaine. C'est pourquoi l'amendement 101 propose une baisse proportionnelle du taux d'imposition pour chaque tranche. Il s'agit de la solution la plus juste. Contrairement à ce qu'a affirmé M. Strauss-Kahn, la réforme de 1997 était juste puisqu'elle concernait 15 millions de contribuables. L'allégement de TVA sur les travaux d'entretien du bâtiment touchera au mieux 10 millions de Français. Qu'est-ce qui est le plus juste ?

Ce qui est le plus juste, c'est d'abaisser le taux d'imposition de chaque tranche de façon proportionnelle. De même, la réforme de 1997 intégrait la décote au barème, afin que la situation des ménages qui présentent une seule déclaration de revenu soit alignée sur celle de ceux qui en présentent deux. Il y a là un élément de justice familiale qui renforce l'importance de cet amendement.

M. le Rapporteur général - La commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements.

Il y a d'abord une question de méthode. Chacun d'entre eux relève du débat de fond qui vient à peine de commencer sur l'ensemble des prélèvements directs. Comme l'a dit M. Brard, il importe que la commission des finances y soit associée.

Ensuite, il y a eu dans le passé plusieurs réformes de l'impôt sur le revenu dont celle de 1997 qui privilégiait les hauts revenus et qui n'était pas financée.

Sur le fond, ces amendements privilégient une réduction générale du barème qui nous semble inadaptée.

S'agissant en particulier de l'amendement de M. d'Aubert, j'observe qu'il représenterait un coût de 93 milliards. Son adoption mettrait donc en péril l'équilibre des finances publiques. Enfin, la réduction du taux maximum d'imposition à hauteur de 40 % relève d'une philosophie que nous ne partageons pas.

La commission est donc défavorable aux amendements 151, 264 et 101.

M. le Secrétaire d'État - M. d'Aubert a évoqué la «trappe de pauvreté» mais cette notion me semble dépourvue de tout lien avec son souhait de ramener la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu de 54 à 40%.

Le Gouvernement arrivé à l'été 1997 a honoré la parole de l'Etat en finançant à hauteur de 25 milliards la première étape de la baisse de l'impôt sur le revenu décidée par la majorité précédente.

Trois raisons expliquent que les contribuables aient pu constater une hausse de leur impôt à l'échéance du 15 septembre. D'abord, les ménages ont perçu en 1998 un revenu plus élevé que les années précédentes, grâce à la reprise de la croissance et de l'emploi. Ensuite, le quotient familial a été rétabli -soit une dépense de 4 milliards- afin de rendre des prestations familiales aux ménages bénéficiant d'un revenu mensuel imposable de 25 000 francs. Pour des familles percevant des prestations familiales chaque mois depuis le début de l'année, la progression de l'impôt a été pour partie compensée. Enfin, si l'impôt sur le revenu a progressé de 7 % en 1999 parallèlement à une progression des revenus de l'ordre de 4 %, l'écart n'est pas imputable à une majoration de barème. L'échéance du 15 septembre a simplement été alourdie par le paiement du droit de bail, qui intervenait auparavant dans la dernière tranche mais qui ne sera pas payé deux fois.

M. Jegou invoque la justice fiscale : nous n'en avons pas la même conception. Il propose en effet une diminution du barème applicable aux ménages dont le revenu imposable dépasse 500 000 F, soit 1,5 % de la population des contribuables.

Aux termes des amendements de MM. Auberger, Jegou et d'Aubert, ces ménages auraient bénéficié de 19 % de l'avantage fiscal. Nous proposons plutôt que l'allégement d'impôt bénéficie aux 90 % de ménages qui, grâce à la réduction de la TVA et à la suppression des droits de bail, profiteront d'une baisse de 24 milliards.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements.

M. Jean-Pierre Brard - Sous un habillage discret, les propositions de nos collègues ne manquent pas d'audace. L'idée avancée par M. Auberger d'une baisse «proportionnelle» peut sembler a priori séduisante, si l'on oublie que proportionnel s'oppose à progressif. En fait, la motivation essentielle est de faire moins payer les plus riches, au détriment des plus pauvres. Les ménages les plus aisés bénéficieraient ainsi d'une baisse d'un quart de leur impôt, grâce à l'effort supplémentaire demandé à ceux qui n'ont rien !

La «madrerie» de M. Auberger, liée sans doute à ses origines bourguignonnes, le conduit à parler de justice familiale mais il ne s'agit là que d'un argument de rhétorique.

En effet, son amendement amènerait une réduction d'impôt de 262 F pour la fraction supérieure à 26 230 F et de 5 040 F pour la fraction supérieure à 295 070 F. M. Auberger aime trente fois mieux les plus riches que les plus pauvres.

M. François d'Aubert - Le constat, Monsieur le ministre, c'est que le rendement de l'impôt sur le revenu ne cesse d'augmenter depuis que vous êtes aux affaires et pas seulement pour les plus riches. Non contents de ponctionner aux plus riches, vous prenez au passage de l'argent à tout le monde ! Vous répétez à l'envi l'argument selon lequel vous augmentez les impôts au bénéfice des plus pauvres mais la réalité est bien différente.

M. Brard évoque une nouvelle fois la progressivité de l'impôt. Mais l'impôt sur le revenu est déjà progressif et les tentations de la majorité plurielle de transformer la CSG en un impôt progressif sont de plus en plus visibles. Obsédée par la progressivité, la majorité envisage de rendre progressive la taxe d'habitation. Quatre impôts deviendraient ainsi progressifs : l'impôt sur le revenu, la CSG, la CRDS et la taxe d'habitation. L'idée de rendre tout impôt progressif est une absurdité. Pourquoi aussi ne pas imaginer que les propriétaires d'une «Mercédès» paieront l'essence plus cher ?

M. Jean-Pierre Brard - Cela mérite examen ! (Sourires)

M. François d'Aubert - Il ne faut pas introduire partout de la progressivité. La justice sociale passe mieux par une redistribution des revenus que par le biais fiscal. C'est une illusion de croire que la fiscalité peut être un outil efficace de rectification des injustices sociales.

M. Philippe Auberger - Je relève deux sophismes dans l'argumentation de la majorité.

On me reproche de proposer une réduction proportionnelle du barème, ce qui avantagerait prétendument les plus riches...

M. Jean-Pierre Brard - C'est vrai ! Il faut assumer ses paroles !

M. Philippe Auberger - Monsieur Brard, je me sens autant que vous le fils de Joseph Caillaux, qui a institué l'impôt sur le revenu progressif et je ne remets pas en cause cette progressivité. Mais c'est justement à cause d'elle que la seule diminution possible est proportionnelle : la réduction sera plus importante pour les riches en valeur absolue, mais pas en valeur proportionnelle. Procéder autrement reviendrait à accentuer la progressivité.

Le deuxième sophisme, c'est celui du secrétaire d'Etat concernant la TVA sur les travaux. Toutes les études montrent que c'est dans les couches de revenus les plus élevés qu'on fait appel à des entreprises extérieures pour refaire un appartement. Donc l'allégement de la TVA sur ces travaux va surtout avantager les ménages aisés. Cette réforme n'est pas plus juste que celle que je propose.

M. le Secrétaire d'Etat - On a calculé que l'allégement de la TVA profiterait à 10 millions de ménages par an : mais tout le monde ne fait pas les travaux en même temps et au bout de 3 ans c'est l'ensemble des ménages français qui auront bénéficié de cette mesure. Votre amendement, lui, ne profite qu'à 15 millions de contribuables, qui seront les mêmes chaque année.

L'amendement 151, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 264 et 101.

M. Gilbert Gantier - En présentant l'amendement 153, je voudrais verser une larme sur la Chambre des députés du Front populaire de 1936 (Interruptions sur les bancs du groupe communiste) et sur les gouvernements de 1938 et 1939 qui, devant la gravité de la crise démographique en France, avaient institué le code de la famille, qui prévoyait notamment les allocations familiales et le quotient familial.

Le gouvernement actuel fait exactement l'inverse et ne cesse de taper sur la famille : il a réduit le plafond du quotient familial, il a voulu réserver les allocations familiales à certaines catégories...

M. Jean-Pierre Brard - Les plus modestes !

M. Gilbert Gantier - Monsieur Brard, on a vu ce que taper sur les riches a donné en Union soviétique : une économie complètement exsangue et une nomenklatura qui bénéficiait de tous les privilèges ! Alors cherchons plutôt ce qui est le plus efficace pour l'économie française et pour tous les Français.

Depuis, vous avez rétabli les allocations familiales pour tous -générosité extravagante, en effet !- mais vous en avez profité pour réduire le plafond du quotient familial.

Moi qui ai élevé quatre enfants, je peux vous assurer que cela représente une certaine dépense (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) et il est ridicule de réduire ce plafond. Mon amendement vise à rétablir le plafond antérieur, qui n'avait rien d'excessif, croyez-moi.

M. Philippe Auberger - Effectivement l'an dernier le plafond du quotient familial a été diminué de façon exagérée, compte tenu des dépenses réelles des familles. Cela a accru la progressivité de l'impôt pour ces familles, qui se retrouvent imposées à des taux plus élevés, alors qu'il n'y a aucune raison d'aggraver leur charge fiscale par rapport à d'autres catégories.

Les évaluations données l'an dernier quant aux effets de cette mesure semblent les avoir sous-estimés et, de ce fait, le rendement de l'impôt sur le revenu perçu cette année sera plus fort que prévu. Je voudrais que le secrétaire d'État me donne des précisions à ce sujet et m'explique comment on en est arrivé à des évaluations aussi inexactes.

M. Gilles Carrez - Vous aviez évalué à 3,9 milliards le gain fiscal du plafonnement du quotient familial. Quel est le chiffre constaté ?

Il semble qu'il soit plus élevé et contribue à l'envolée des recettes d'impôt sur le revenu : plus 5 % en 1999, plus 4 % en l'an 2000 !

Puisqu'on nous dit que le quotient familial profite avant tout aux familles très aisées, je voudrais rappeler que 1 % des foyers fiscaux acquittent 29 % de l'impôt sur le revenu : la progressivité de cet impôt dans notre pays est donc très supérieure à ce qu'on constate ailleurs.

Cette politique de sanction contre la famille s'étend au projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Il ressort de l'examen de ce texte que votre philosophie, c'est le démantèlement de la politique familiale. Les années précédentes, vous avez abaissé les réductions d'impôts pour emplois familiaux et diminué l'AGED et maintenant vous allez, pour financer la CMU, dépouiller la CNAF d'une partie de ses ressources, de sorte qu'elle ne pourra plus conduire sa politique d'aide à l'accueil de la petite enfance. En outre, d'après cette loi de financement de la Sécurité sociale, les prestations familiales ne seront réévaluées que de 0,5 % en l'an 2000.

Il serait donc convenable d'adopter nos amendements tendant à revenir à l'ancien plafond. Cela vous permettrait de modérer quelque peu la progression des prélèvements obligatoires qui, en dépit de toutes vos promesses, se poursuit d'année en année. Se tromper une fois, c'est permis, deux fois, c'est encore admissible ; se tromper trois fois, c'est tout à fait impardonnable.

M. Germain Gengenwin - Je défends les amendements 496, 266 et 133, qui ont le même objet, en faisant observer que le 496 a été cosigné par les trois groupes de l'opposition.

Beaucoup de familles ne se sont rendu compte de l'effet du nouveau plafond qu'au moment où elles on reçu leur avis d'imposition. Prenons l'exemple d'une famille parisienne normalement constituée...

M. Yann Galut - C'est quoi, une famille normalement constituée ?

M. Germain Gengenwin - Un homme et une femme, qui ont deux ou trois enfants. Savez-vous à combien s'élève leur loyer ? Pour un logement correct, il faut compter, en région parisienne, entre 9 et 10 000 F. Ces couples s'ils ont des enfants, payent une garde à domicile ou la crèche, ou l'épouse ne travaille pas. Il leur faut gagner plus de 20 000 francs par mois. C'est injuste de les pénaliser comme vous le faites et de dire qu'ils sont riches s'ils en gagnent 25 000, d'autant que ce sont ces jeunes couples qui investissent et font marcher l'économie. Il faut donc revoir le quotient familial. Si j'osais je vous proposerais de le moduler en fonction du loyer ou du remboursement d'emprunt pour acquisition.

M. le Rapporteur général - La commission n'a adopté aucun de ces amendements. Je remercie M. Gantier d'avoir rappelé ce qu'a fait le Front populaire.

M. Gilbert Gantier - Vous le défaites !

M. le Rapporteur général - La gauche s'est toujours préoccupé de la famille et je ne peux laisser dire que nous avons pris des mesures contre elle depuis juin 1997. (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Nous avons augmenté sensiblement l'allocation de rentrée scolaire et l'avons pérennisée. Prendre en compte tous les problèmes de l'éducation comme nous le faisons, c'est contribuer à une politique de la famille. Nous avons rétabli la réduction d'impôt pour frais de scolarité que vous aviez supprimée, et supprimé les frais relatifs aux droits d'examen. Aucun gouvernement n'a fait autant d'effort pour le logement, et cela profite aux familles. La situation de beaucoup d'entre elles s'est améliorée aussi grâce aux emplois jeunes.

Cette politique en faveur des familles les plus modestes est à apprécier globalement et non mesure par mesure. Le Gouvernement a souhaité que l'aide publique à l'enfant soit modulée en fonction du revenu. C'est que, oui, nous avons une obsession, celle de la justice fiscale.

En ce qui concerne le quotient familial, la commission a décidé qu'il ne fallait pas revenir sur une mesure prise l'an dernier en toute connaissance de cause, puisqu'elle avait été acceptée par tous les partenaires à la conférence de la famille du 12 juin 1998 en contrepartie du rétablissement de l'universalité des allocations familiales.

La loi fiscale doit offrir une certaine stabilité pour être crédible. Cela dit, on a proposé de remettre à plat l'impôt sur le revenu l'an prochain ; ce sera peut-être l'occasion de revoir l'ajustement du quotient familial surtout s'il apparaît que la réforme a été moins coûteuse qu'indiqué.

M. le Secrétaire d'Etat - Le rapporteur général ayant retracé avec talent tout ce que nous avons fait pour la famille depuis deux ans et demi, j'en reste au quotient familial. Sa baisse résulte d'une concertation avec les associations familiales.

M. Philippe Auberger - Certaines !

M. le Secrétaire d'Etat - Prétendez-vous défendre les familles mieux qu'elles ?

M. Gengenwin fréquente certainement peu les HLM de la région parisienne. Heureusement, on n'y paye pas 8 000 à 10 000 francs de loyer . Il faut plus de 20 000 F pour vivre en région parisienne, dites-vous. La mesure concernant le quotient familial ne touche que les familles dont le revenu mensuel est supérieur à 36 485 F.

Que coûte-t-elle ? D'une estimation initiale de 3,9 milliards on est passé à 4,2 milliards. Une marge d'incertitude de 0,3 milliard est raisonnable. Ces familles visées paieront donc 4,2 milliards de plus. Mais elles recevront 4,7 milliards de prestations sociales supplémentaires. Dans l'ensemble, elles ont donc gagné. Je demande le rejet des six amendements.

M. Michel Bouvard - Votre argumentation n'est pas sérieuse. C'est le deuxième et surtout le troisième enfant qui coûte. Il faut déménager, changer de voiture. Si au même moment, par votre réforme, vous enlevez à ces familles une partie du revenu disponible, vous les mettez en difficulté, et c'est le cas de beaucoup d'entre elles cette année. Les règles fiscales doivent être stables. Les associations familiales ont accepté, dites-vous. Il faut voir dans quelles conditions ! Vous supprimez les allocations familiales, et vous leur offrez de les rétablir contre la réforme du quotient. C'est léonin. Or, à vous entendre, on imaginerait presque qu'elles sont allées en délégation demander cette réforme.

Enfin, c'est bien parce qu'il faut apprécier la politique familiale dans son ensemble que nous nous référons aussi à la loi de financement de la sécurité sociale. Globalement, on ne peut pas dire que la politique familiale a progressé depuis deux ans et demi. C'est grave étant donné notre situation démographique, et cela a des conséquences économiques (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

L'amendement 153 et les amendements identiques 102, 69 corrigé et 496, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés non plus que les amendements 266 et 133.

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AMÉNAGEMENT DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

M. le Président - Au cours de la Conférence des présidents qui s'est réunie ce matin, le Gouvernement a fait savoir qu'il inscrivait, le mardi 26 octobre, matin, une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la préparation de la Conférence ministérielle de l'OMC à Seattle, au lieu et place de la proposition de résolution précédemment inscrite à l'ordre du jour prioritaire de cette séance.

Par ailleurs, l'Assemblée tiendra séance, s'il y a lieu, lundi à 16 heures et à 21 heures pour la suite de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2000.

L'ordre du jour prioritaire est ainsi aménagé.

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PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000 (suite)

M. le Rapporteur général - L'amendement 27 tend à réévaluer les plafonds spécifiques relatifs aux demi-parts dont bénéficient les célibataires, divorcés ou veufs ayant eu des enfants à charge, ainsi que certaines catégories d'invalides et d'anciens combattants. Cette disposition comble un oubli.

M. le Secrétaire d'Etat - Il s'agit en effet de réparer un oubli. Le Gouvernement lève le gage.

M. Gilles Carrez - C'était un oubli fâcheux !

M. le Rapporteur général - Aussi le réparons-nous.

M. Gilles Carrez - N'était-il pas un peu délibéré ? La lecture du rapport de M. Migaud le donne à penser : «On ne saurait imaginer qu'il y eût quelque lien entre la nature parlementaire de l'initiative ayant présidé à ces deux mesures et le fait que leur indexation a été «oubliée» dans le présent projet». L'avidité, voire la rapacité fiscale du Gouvernement l'a conduit à oublier les invalides, les anciens combattants, les célibataires, les divorcés, les veufs... Evitez donc ces oublis fâcheux !

M. Gilbert Gantier - Je salue solennellement cet amendement, qui porte le plafond de 6 100 F à 6 130 F. Quelle générosité ! Combien en coûtera-t-il à l'Etat ?

M. le Secrétaire d'Etat - 40 millions.

L'amendement 27, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Auberger - Je souhaite, par l'amendement 103, redresser une grave anomalie : les couples mariés ayant des enfants et des revenus modestes qui font une déclaration unique sont défavorisés par rapport aux couples faisant des déclarations séparées. Les familles souhaitant que disparaisse cette différence de traitement, une première étape a été accomplie en 1997. Il convient de continuer.

M. le Rapporteur général - La réforme de l'impôt sur le revenu sera mise en chantier l'an prochain. Nous aurons alors à examiner cette question. Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable. La proposition de M. Auberger, exceptionnellement, entraînerait pour l'Etat des ressources supplémentaires, mais ce serait au prix d'une ponction de 2,7 milliards opérée sur environ 2 millions de contribuables modestes.

L'amendement 103, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilles Carrez - Notre amendement 70 tend à rétablir à son niveau précédent l'abattement pour rattachement au foyer fiscal d'un enfant marié. Même si l'emploi des jeunes s'améliore, beaucoup d'entre eux se trouvent dans des difficultés sérieuses, si bien que leurs familles doivent souvent continuer à les rattacher au foyer fiscal. L'abattement doit donc être rehaussé à son niveau précédent. De plus, en 1999, nous avons constaté les effets pervers de la réduction de l'abattement sur le montant de la taxe d'habitation. En dépit du communiqué du ministère des finances contestant tout lien entre les deux mouvements, ce lien existe bel et bien. Nous voyons dans nos communes des ménages à revenus modestes ou moyens subir des augmentations de taxe d'habitation importantes, allant dans ma commune jusqu'à 25 %, du fait de la hausse du revenu imposable.

Possédez-vous une évaluation précise de ce phénomène ? Tous ceux d'entre nous qui sont maires savent que c'est à eux que l'on fait porter la responsabilité d'une hausse provenant pourtant d'une décision nationale.

M. Gilbert Gantier - La majorité précédente avait engagé une réforme de l'impôt sur le revenu, en l'assortissant de la suppression de certains avantages particuliers. Mais la nouvelle majorité ayant abandonné cette réforme, la diminution du plafond de l'abattement pour rattachement d'enfants mariés n'a plus de sens. Aussi notre amendement 154 tend-il à porter ce plafond de 20 480 F à 30 330 F.

De plus, la réduction du plafond a entraîné un effet pervers sur la taxe d'habitation, dont la hausse touche environ 200 000 familles.

M. Germain Gengenwin - Les amendements 265 et 497 sont identiques. L'abattement dont nous parlons n'est qu'une façon de soutenir les parents dans leurs efforts pour aider leurs jeunes enfants majeurs à entrer dans la vie.

M. le Rapporteur général - Rejet. La somme de 20 480 F a été fixée en coordination avec le plafond du quotient familial et avec celui de la déduction pour pension alimentaire versée à un enfant majeur. Si cette cohérence n'existait pas, les contribuables imposés au taux marginal de 54 % pourraient contourner les effets du plafonnement du quotient familial.

Monsieur Carrez, l'évolution du montant de la taxe d'habitation est-elle liée aux plafonnements ? Certainement pas pour les deux premiers, peut-être pour le troisième.

M. Gilles Carrez - Il concerne les classes moyennes !

M. le Rapporteur général - Je le répète, le montant de 20 480 F est destiné à éviter la fraude fiscale.

M. le Secrétaire d'Etat - Le rapporteur général a bien mis en lumière le lien entre plafonnement du quotient familial, rattachement fiscal au foyer des parents, et disposition relative aux pensions versées aux enfants majeurs. Quant à l'incidence de ce dernier élément sur le montant des impôts locaux, il est difficile d'imaginer qu'un contribuable percevant un revenu maximum de 25 200 F puisse verser une pension alimentaire de 20 370 F, qui serait égale à 80 % de son revenu.

D'autre part, comme l'a démontré très clairement le rapporteur général, les personnes concernées ne peuvent être que quelques milliers, et non 200 000 comme l'a avancé l'opposition à la suite de certaines organisations syndicales.

Les amendements 70 et 154, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les amendements 265 et 497 mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gilbert Gantier - Notre amendement 152 tend à remplacer la réduction d'impôt pour emploi d'un salarié à domicile par un abattement à la base. Les salaires seront ainsi considérés comme des charges déductibles du revenu imposable, ce qui revient à assimiler les particuliers concernés à des employeurs.

M. le Rapporteur général - La mesure irait à l'encontre de tout ce qu'ont fait les gouvernements successifs depuis plusieurs années : la tendance est en effet à remplacer les déductions du revenu imposable par des réductions d'impôt. Les premières procurent en effet un avantage fiscal d'autant plus important que le revenu est élevé, tandis qu'avec les secondes, l'avantage procuré est d'un même montant pour la même dépense, quel que soit le revenu.

D'autre part, en rétablissant à 90 000 F le plafond que nous avions ramené à 45 000 F il y a deux ans, on franchirait la distance qui sépare l'incitation fiscale du privilège. Dans un cas, on incite à ne pas recourir au travail au noir ; dans l'autre, on fait payer par la République le salaire de son employé de maison !

L'amendement 152, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. Gilbert Gantier - L'amendement 177 est défendu.

M. Michel Bouvard - Je défendrai, en même temps que mon amendement 512 corrigé, le 299 corrigé de M. Poignant.

Comme d'autres, signés aussi bien par des collègues de la majorité que de l'opposition, ces amendements anticipent en quelque sorte la réforme de la fiscalité agricole. Il nous a semblé en effet que l'on pouvait sans attendre adopter des mesures propres à favoriser la pérennité des exploitations et à en faciliter la transmission.

Il convient de renforcer les fonds propres de ces exploitations et de bien distinguer entre ce que les agriculteurs et leurs partenaires apportent et les résultats de l'entreprise. Aux termes de la réglementation actuelle, les entreprises agricoles à responsabilité limitée constituées d'un seul membre ou de plusieurs membres d'une même famille relèvent du régime de l'impôt sur le revenu, tandis que les EARL formées par des associés sans lien de parenté sont assujetties à l'impôt sur les sociétés. Nous proposons donc de clarifier et de simplifier, en disposant que tous seront désormais assujettis à l'impôt sur le revenu. On encouragera ainsi l'apport de capitaux à ces EARL, de sorte qu'elles n'auront pas besoin de recourir à des emprunts coûteux ni même à l'Etat chaque fois qu'elles auront à surmonter des aléas climatiques ou des calamités naturelles.

M. Germain Gengenwin - L'amendement 359 est soutenu.

M. le Rapporteur général - Rejet. Outre que ces amendements soulèvent des objections de fond, ils apparaissent prématurés. En effet, l'article 141 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet dernier, rapportée par M. Patriat...

M. Michel Bouvard - Qui a fort bien travaillé.

M. le Rapporteur général - Précisément ! Cet article 141 prévoit donc que le Gouvernement nous présentera, avant le 1er avril 2000, un rapport sur la fiscalité des exploitations et sur le mode de calcul des cotisations sociales agricoles. La majorité de notre Assemblée ayant souhaité un travail de fond, le Premier ministre a chargé Mme Marre (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) et M. Cahuzac d'une mission d'étude sur ces deux sujets. Il serait donc contraire à l'esprit de la loi d'orientation comme à nos propres v_ux -et bien peu respectueux du travail que mènent nos deux collègues- d'adopter les mesures proposées ici. Au surplus, j'observe que le nombre des amendements déposés illustre la nécessité de travailler à des propositions cohérentes.

M. le Secrétaire d'Etat - Comme l'Assemblée, le Gouvernement attend avec sérénité mais aussi avec impatience les propositions de Mme Marre, mais nous ne pourrons, sauf exceptions, toucher à la fiscalité agricole qu'après l'examen exhaustif auquel elle va procéder.

L'amendement 177, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 299 corrigé et 512 corrigé, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 359, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Germain Gengenwin - S'agissant de mon amendement 354, je pourrais me rendre à l'argument que vient d'opposer le secrétaire d'Etat et le rapporteur général, et attendre le rapport de Mme Marre. Mais, en termes sportifs, c'est ce qui s'appelle «botter en touche» ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Le premier signataire de l'amendement -rassurez-vous, il va venir ! (Sourires)- saurait mieux que moi le défendre. Disons qu'il s'agit d'exonérer les plus-values lorsque l'entreprise est transmise à un membre de la famille. La profession agricole est en effet la seule qui soit obligée de racheter l'outil de production à chaque génération. Or tous les agriculteurs ne sont pas des viticulteurs de Champagne et beaucoup sont ainsi obligés de mettre la clé sous le paillasson.

M. le Rapporteur général - Puisqu'il s'agit expressément de favoriser la transmission des exploitations, attendons que Mme Marre ait présenté ses propositions, qui viseront précisément à faciliter l'installation des jeunes agriculteurs. En outre, s'agissant des droits de mutation à titre gratuit, la commission a déjà adopté un amendement 543 à l'unanimité.

M. le Secrétaire d'Etat - Botter en touche ? Que non pas ! Je suis persuadé que Mme Marre marquera un essai que le Gouvernement saura transformer ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Michel Bouvard - Sauf pénalité !

M. le Président - Permettez-moi d'arbitrer !

M. le Secrétaire d'Etat - Je suis en tout cas hostile à un amendement qui conduirait à une exonération définitive de la majorité des plus-values constatées lors de la transmission d'exploitation.

Mme Béatrice Marre - Il n'est pas très agréable d'être qualifiée de touche ! (Sourires) Cela dit, les amendements présentés sur ce sujet montrent bien la complexité du problème. Déjà, lorsque nous avons débattu de la loi d'orientation, certains préconisaient un statut de l'entreprise agricole, d'autres voulant revenir à un statut familial. Toutes ces divergences devront être surmontées. Je m'y emploierai en m'appuyant sur vos propositions à tous, conformément aux priorités assignées par le Premier ministre à M. Cahuzac et à moi-même : favoriser l'installation des jeunes, et faciliter la transmission des entreprises et la pluriactivité.

L'amendement 354, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilles Carrez - Notre amendement 76 est symbolique. Il tend à exonérer les indemnités de maternité.

Elles avaient été assujetties par la loi de finances pour 1997 ; mais celle-ci visait à réduire l'impôt sur le revenu et comportait un ensemble de dispositions favorables à la famille. Or non seulement vous avez interrompu l'excellente réforme de l'IR, mais vous avez depuis deux ans multiplié les dispositions fiscales et sociales anti-famille.

Rétablir l'exonération des indemnités de maternité permettrait aux familles de mieux faire face aux dépenses nouvelles liées à l'arrivé d'un enfant ; en outre, cela contribuerait à encourager la natalité, à un moment où la France en a besoin. Ce serait un îlot dans l'océan des mesures anti-famille (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Maurice Adevah-Poeuf - On supplée Mme Boutin ?

M. le Rapporteur général - Combien de fois faudra-t-il répéter que nous sommes revenus sur la réforme de l'impôt sur le revenu engagée par la majorité précédente, d'une part, pour des raisons de fond, cette réforme ne nous paraissant pas conforme à la justice fiscale, d'autre part, pour des raisons budgétaires, le financement des dispositions prises n'étaient pas prévu.

Quant à l'idée que nous nous mènerions une politique antifamille, elle est contraire à la vérité. Vos sourires montrent d'ailleurs que vous n'y croyez pas, même si vous jugez nécessaire pour des raisons politiques de reprendre sans cesse cette antienne. Nos concitoyens savent bien qu'une politique doit être jugée globalement et que depuis juin 1997, beaucoup de dispositions ont été prises en faveur des familles.

M. Michel Bouvard et M. Dominique Bussereau - Lesquelles ?

M. le Rapporteur général - J'en ai déjà cité quelques-unes tout à l'heure.

La commission des finances a donc rejeté cet amendement.

M. le Secrétaire d'État - M. Carrez a le droit de changer d'avis, mais l'assujettissement des indemnités de maternité date de la loi de finances pour 1997, qu'il a votée.

Ces indemnités sont des revenus de substitution ; en tant que revenus, il est légitime qu'elles soient imposées. D'ailleurs, dans la fonction publique, les femmes ont toujours vu leurs indemnités taxées. Je vous demande donc de retirer votre amendement, faute de quoi je demanderai son rejet.

M. Gilles Carrez - Je le maintiens !

L'amendement 76, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Hollande - L'amendement 524 vise à clarifier le régime fiscal des indemnités de rupture de contrat de travail ou de mandat social.

Son premier objectif est la sécurité juridique des salariés, s'agissant des indemnités de départ ou de licenciement. Il tend à exonérer les indemnités correspondant aux conventions collectives ou liées à un plan social, mais à imposer celles qui vont au-delà.

Par ailleurs, il a pour effet de mettre fin à certains abus concernant les indemnités de rupture de mandat social, en les soumettant, au-delà d'un certain montant, à l'impôt sur le revenu.

Cet amendement n'empêchera pas d'examiner, dans la suite de la discussion, ce qui doit être fait concernant les stock-options (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur général - La commission a adopté cet amendement dans une version antérieure, mais dont l'esprit était le même.

Actuellement, le régime fiscal des indemnités versées en cas de cessation d'activité des salariés est fixé essentiellement par l'administration et la jurisprudence, sur la base du principe selon lequel la fraction des indemnités de licenciement constitutive de dommages et intérêts, car tendant à réparer un préjudice distinct de la perte de revenus, bénéficie d'une exonération ; les indemnités de départ volontaire étant, en revanche, imposables.

L'administration considère que l'indemnité correspondant au minimum fixé par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi, n'est pas imposable. Lorsqu'une indemnité plus élevée est versée en vertu d'un accord particulier, dans le cadre d'un contrat de travail ou d'une transaction ou par décision unilatérale de l'employeur, le surplus est imposable, sauf s'il est établi qu'il répare un préjudice autre que la perte de salaire. En pratique, peu d'indemnités sont déclarées. La situation devient peu tolérable lorsque les dirigeants de sociétés reçoivent des sommes vertigineuses.

Une intervention du législateur est donc nécessaire, mais elle doit tenir compte du fait que les mêmes règles s'appliquent aux dirigeants de sociétés assimilés à des salariés sur le plan fiscal et aux salariés de droit commun.

Cet amendement clarifie le régime des indemnités de rupture de contrat de travail en transposant dans la loi fiscale les principes doctrinaux et jurisprudentiels actuels : toute indemnité est imposable a priori ; mais les indemnités conventionnelles ou prévues par la loi en cas de licenciement ou de départ assimilé sont exonérées, de même que les indemnités de départ volontaire versées à l'occasion d'un plan social et les indemnités versées en cas d'inobservation de la procédure de licenciement ou en cas d'absence de cause réelle et sérieuse. Si le versement va au-delà de l'indemnité légale ou conventionnelle, laquelle sera toujours exonérée, la somme reçue par le salarié sera toujours exonérée d'impôt sur le revenu à concurrence soit de l'équivalent de deux années de revenu brut, soit de la moitié du montant total reçu. Ainsi, le surplus versé sera exonéré tant que la plus élevée de ces deux limites ne sera pas atteinte. En pratique, les salariés ne connaîtront pas d'aggravation de leur situation fiscale.

Pour mettre fin aux dérives concernant les dirigeants de sociétés ou certains salariés assimilés, l'exonération du surplus ne s'appliquera qu'à concurrence de la moitié de la limite de la première tranche de l'ISF, soit actuellement 2 350 000 F.

L'amendement précise que ces règles s'appliquent bien aux dirigeants d'entreprises soumis au régime des salariés. L'ensemble des indemnités versées à l'occasion de la cessation de leurs fonctions constituent des rémunérations imposables, par principe ; seule la fraction des indemnités qui n'excède pas les montants mentionnés dans le cadre du régime applicable à l'ensemble des salariés, à savoir 50 % du montant total des indemnités versées ou 200 % de la rémunération annuelle brute perçue, dans la limite de la moitié de la première tranche de l'ISF, n'est pas imposable.

Il s'agit donc d'un amendement de clarification et de justice, tendant à éviter des abus inadmissibles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances - Nous avons été nombreux, dans la discussion générale, à déplorer l'aggravation des inégalités qui a été constatée par un récent rapport de l'INSEE. Il est vrai que le mouvement s'est inversé depuis 1997, mais il faut aller plus vite en clarifiant la fiscalité et en réprimant les abus.

Je remercie François Hollande d'avoir déposé un amendement qui va moraliser le dispositif des indemnités.

Cet amendement a l'avantage de clarifier la fiscalité pour l'ensemble des salariés, qui sont parfois poursuivis lorsqu'ils ont bénéficié d'indemnités. Lorsque celles-ci sont raisonnables, elles ne posent pas particulièrement problème mais au-delà d'un certain niveau, il convient de réprimer les abus. Il introduit aussi plus de transparence, car les indemnités versées seront ainsi connues, ce qui est susceptible d'inciter à une certaine modération.

Ce débat important n'exclut pas les autres et nous devrons à chaque fois dégager la solution appropriée. Nous devons notamment penser aux plus modestes, aller plus loin dans l'effort de redistribution, à travers notamment la réforme de la taxe d'habitation. Les Français nous ont aussi fait confiance pour que progresse la justice fiscale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Secrétaire d'Etat - A la suite du rapporteur général et du président de la commission, je considère cet amendement comme très important. Il supprime enfin une opacité, qui est à la source d'une insécurité fiscale pour la grande majorité des salariés et d'abus pour une poignée d'individus.

Comme l'a bien rappelé M. Hollande, cet amendement a deux objets.

Le premier est d'exonérer d'impôt sur le revenu les indemnités versées à l'occasion d'un licenciement collectif pour motif économique. Il était en effet anormal que les salariés qui subissent déjà le traumatisme d'un licenciement se voient réclamer des rappels d'impôts dont ils comprennent mal la justification. Dans le même esprit, les règles fiscales entourant les licenciements individuels restaient floues et pouvaient varier d'une convention collective à une autre.

L'amendement tend à réserver l'exonération à la part des indemnités inférieure à deux ans de salaires ou à la moitié des indemnités versées si celle-ci ne dépasse pas 50 % de la première tranche de l'ISF, soit 2 350 000 F à ce jour.

J'en viens au deuxième objet de l'amendement qui s'inscrit dans une volonté de justice fiscale pour les règles applicables aux dirigeants d'entreprise ou aux mandataires sociaux. Une volonté de parallélisme conduit à considérer qu'ils ne se trouvent pas dans une situation différente de celle des salariés licenciés si la cessation de fonctions leur est imposée ou s'il s'agit d'une révocation.

Il faut éviter cependant de pérenniser des situations choquantes, conduisant, pour reprendre les mots du ministre, au versement de sommes qui «dépassent l'entendement», à la suite d'un départ volontaire. Un départ volontaire ne peut donner lieu au versement de dommages et intérêts exonérés de l'impôt sur le revenu. Parce que nous savons tous que l'opacité fiscale profite aux puissants, nous sommes favorables à cet amendement qui fait progresser la transparence et l'équité de nos règles fiscales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Brard - Au nom du groupe communiste et apparentés, je soutiens cet amendement qui correspond aux valeurs que nous défendons. Même si, comme l'a dit M. Hollande, il ne doit pas clore la discussion. Il s'agit en effet de mesures indispensables mais qui ne constituent qu'une première étape dans la nécessaire mise à plat de ce pan de notre fiscalité où règne une certaine opacité. Comment comparer le drame d'un licenciement avec l'aubaine providentielle que constituent certains départs volontaires où les intéressés touchent plus qu'à la loterie nationale ? Et l'affaire Jaffré n'est pas la première du genre ; il y a eu avant l'affaire Lagardère et d'autres. Il faut mettre un terme à ces dérives en conjuguant éthique et politique. Dans nos cités, les petits voyous se sentent encouragés dans leurs turpitudes par ces anomalies mal réprimées. L'absence de règles sociales conduit à considérer qu'on peut rouler carrosse sans travailler. La majorité plurielle se retrouve sur l'idée qu'il faut mettre un terme à cette forme de transgression (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Philippe Auberger - Je ne peux rejoindre le président Bonrepaux sur la question de l'évolution des inégalités. Si, pour des raisons statistiques, l'étude de l'INSEE s'arrête bien en 1996, il est faux de dire que les inégalités se sont réduites depuis lors. Avec d'autres, je considère d'ailleurs que la tentative faite pour le démontrer dans le rapport économique, social et financier ne vaut rien.

Nous sommes tous choqués par certains cas d'indemnités excessives, versées à l'occasion de départs récents. Pour autant, il semble hasardeux de légiférer à chaud (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste) et s'attaquer au problème par le seul biais de l'impôt sur le revenu ne le résout pas. Il y a aussi les cotisations sociales. Il est choquant que ces indemnités ne donnent pas lieu au versement de cotisations sociales puisqu'il s'agit de revenus déguisés.

Plusieurs députés socialistes et communistes - Très bien ! Sous-amendez !

M. Philippe Auberger - L'affectation de ces indemnités dans le bilan des entreprises pose également problème.

S'agit-il de charges normales, à faire figurer dans le compte de charge, ou de distribution ? Dans ce cas, l'impôt sur les sociétés devrait s'appliquer et il n'y a donc pas lieu de revoir en priorité le régime opposable en matière d'impôt sur le revenu.

La solution retenue jusqu'à présent, dégagée par la jurisprudence, nous semble plus satisfaisante que celle qui est proposée. Au terme d'un travail législatif insuffisant, la majorité souhaite surtout donner des noms en pâture à l'opinion et se propose de régler à chaud et de façon incomplète un problème important.

Se posent, en effet, des questions auxquelles beaucoup ont déjà réfléchi. Ainsi, les entreprises cotées doivent faire connaître les dix meilleures rémunérations. Comme l'a proposé M. Viénot, il faudrait aussi publier la liste des dix bénéficiaires des plus grosses stock-options dans l'entreprise, ainsi que le mode de répartition. Il est de même indispensable que les entreprises fassent connaître le montant des indemnités qu'elles versent aux salariés dont elles souhaitent se séparer. En résumé, votre amendement est nécessaire mais pas suffisant. Il faut aller plus loin ! (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Maurice Adevah-Poeuf - Mon sous-amendement oral à l'amendement 524-2ème rectification, tend à le compléter par un paragraphe III indiquant que les dispositions en question s'appliquent à compter du 15 septembre 1999.

Je voudrais répondre à M. Auberger que si, effectivement, nous légiférons dans l'urgence, c'est parce que cette urgence a été provoquée par quelques scandales qui choquent tout citoyen normalement constitué.

Si néanmoins on m'explique que l'amendement est d'application rétroactive, je suis prêt à retirer le sous-amendement.

M. le Rapporteur général - Ce sous-amendement est inopportun car la loi de finances s'applique à l'ensemble des revenus de 1999, et il aurait pour effet de n'appliquer les dispositions en cause qu'aux revenus postérieurs au 15 septembre de cette année.

M. Auberger nous a fait des propositions d'amélioration du texte. Mais il ne faut pas confondre ce débat avec celui sur les stock-options, que nous aurons plus tard.

En ce qui concerne l'assujettissement aux cotisations sociales, cela relève du débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale : si un collègue de l'opposition souhaite compléter le dispositif sur ce point, la commission et le Gouvernement regarderont ses propositions avec beaucoup d'attention (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Secrétaire d'État - Je confirme à M. Adevah-Poeuf que l'amendement s'applique aux revenus de 1999, comme il est classique en matière d'impôt sur le revenu, sans qu'on puisse parler de rétroactivité.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Je retire le sous-amendement et je profite de l'occasion pour féliciter les hauts fonctionnaires assis derrière le ministre de ne pas courir le risque de tomber sous le coup de l'amendement de M. Hollande puisqu'ils sont restés fidèles au service de l'État et n'ont pas utilisé leurs relations pour partir dans les grands groupes à capitaux publics ! (Sourires)

L'amendement 524-2ème rectification, mis aux voix, est adopté.

M. Gilles Carrez - Mon amendement 74 vise à rétablir les déductions forfaitaires pour frais professionnels. Leur suppression progressive devait être la contrepartie de la réforme engagée par le gouvernement précédent, qui visait à réduire d'un quart l'impôt sur le revenu. Or le gouvernement actuel a arrêté cette réforme et on constate que les recettes fiscales augmentent considérablement depuis deux ans.

M. le Rapporteur général - Si la réforme de l'impôt sur le revenu a été supprimée, c'est parce qu'elle ne correspondait pas à ce que nous souhaitons et qu'elle n'était pas financée.

Le débat sur les déductions pour frais professionnels a été tranché l'année dernière et aucun élément nouveau ne justifie que l'Assemblée se déjuge. Je propose donc de repousser l'amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Rejet.

L'amendement 74, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilles Carrez - L'amendement 75 vise à pérenniser la déduction fiscale des emprunts souscrits par les salariés qui rachètent leur entreprise dans le cadre de la législation sur les RES. La loi de 1992 instaurait cette déduction jusqu'au 31 décembre 1996 pour les sociétés nouvellement créées et jusqu'au 31 décembre de cette année pour les souscriptions. Nous proposons de prolonger ces dispositions, dont le bilan est très positif. Il ne s'agit pas, comme dans le cas des stock-options, d'un avantage accordé à une catégorie limitée de cadres, qui s'attribuent une part du capital d'une entreprise, généralement prospère, pour bénéficier de plus-values. Il s'agit d'encourager les salariés d'entreprises menacées de disparition, faute de transmission, à prendre un risque personnel pour sauver leur outil de travail. L'observation des opérations de ce genre montre que même des salariés modestes n'hésitent pas à emprunter dans ce but. Mon amendement vise donc à pérenniser un système qui a fait la preuve de son efficacité économique et sociale.

M. le Rapporteur général - La commission l'a repoussé. Le régime de la RES a eu un succès limité. Après l'expiration, en 1997, des déductions en cas de création d'entreprise nouvelle, personne n'en a demandé la reconduction. D'autres dispositions fiscales ont pris le relais : réduction d'impôt pour souscription en numéraire au capital des sociétés non cotées, régime d'intégration fiscale des groupes etc.

Cela dit, dans le cadre de la mission confiée à notre collègue Jean-Pierre Balligand et à Jean-Baptiste de Foucault, vous pourrez présenter toutes suggestions utiles.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. D'autres dispositifs plus porteurs ont remplacé ce système dépassé. Je demande donc à M. Carrez de retirer son amendement.

M. Gilles Carrez - Je serais prêt à le faire, à condition que la question soit revue dans le cadre de la mission confiée à M. Balligand.

L'amendement 75, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilles Carrez - L'amendement 72 vise à rendre la CSG totalement déductible du revenu imposable, pour des raisons de simplicité, d'équité et de lisibilité. Nos concitoyens n'arrivent pas à admettre qu'on puisse payer de l'impôt sur de l'impôt, sur des revenus qu'ils ne perçoivent pas. Cette question devra être posée en tout cas à l'occasion de la réflexion générale sur les impôts directs.

M. le Rapporteur général - Effectivement cette proposition mérite réflexion dans le cadre du chantier ouvert sur l'ensemble des prélèvements directs.

En attendant, la commission a repoussé l'amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable. Le Conseil constitutionnel a dit explicitement que la CSG était un impôt de toute nature et non une cotisation sociale. Par ailleurs, les Français paient déjà l'impôt sur l'impôt : ils acquittent l'impôt sur le revenu, sur la TVA, la TIPP ou les impôts locaux.

L'amendement 72, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilles Carrez - Mon amendement 78 rétablit le plafond antérieur de la déduction de 10 % sur les pensions, puisque l'on a abandonné la réforme de l'impôt sur le revenu. Il faut soutenir le pouvoir d'achat des retraités qui s'amenuise d'année en année.

M. le Rapporteur général - L'an dernier, suite à une discussion approfondie avec le Gouvernement, l'Assemblée avait arrêté le montant de 20 000 F. Il est équilibré. La commission a repoussé cet amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 78, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - Je pensais, Monsieur le Président, intervenir sur les amendements 479, 357 et 248.

M. le Président - Il n'y avait pas de signataires présents pour les défendre.

M. Dominique Baert - La situation inéquitable de la personne seule sans enfant à charge pose un problème lancinant. Elle a les mêmes charges fixes qu'un couple et ne fait pas d'économie d'échelle sur le logement, la voiture, l'équipement ménager. Selon l'échelle d'Oxford et les statistiques de l'INSEE, quand un adulte consomme une unité, un couple en consomme 1,7. Aussi, avec une part fiscale, la personne seule a le sentiment d'être surtaxé, et de fait elle l'est. Dans son cas, l'impôt sur le revenu peut apparaître confiscatoire.

Poser le problème, c'est continuer à le résoudre, en perspective. Mon amendement 476 attribue 1,2 part à toute personne vivant seule. On pourrait moduler à 1,1 part. On se rapprocherait en tout cas du rapport de consommation de 1,7 entre la personne seule et le couple.

Il faut fiscaliser vrai pour fiscaliser juste (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur général - Sujet sensible, qui mérite réflexion. Selon l'échelle d'Oxford ou l'INSEE, en effet, le quotient familial ne reflète pas la réalité des dépenses. Mais soyons prudents. Il ne faudrait pas que l'opinion se méprenne et voie là un message concernant notre attitude face aux couples mariés, au Pacs, aux célibataires. La commission des finances estime que cette question des personnes vivant seules mérite réflexion dans le cadre du chantier ouvert sur l'impôt sur le revenu.

M. le Secrétaire d'Etat - J'interprète cet amendement comme un appel à la réflexion. Effectivement, du point de vue statistique, la consommation d'un célibataire est supérieure à la moitié de celle d'un couple. J'en prends note et nous y reviendrons au cours de la réflexion sur l'ensemble des impôts directs dans les mois à venir. Mais pour le moment, je souhaite le retrait de l'amendement.

M. Jean-Jacques Jegou - Pour ma part, je le soutiens car, élu maire en Ile-de-France depuis 18 ans, je sais combien un célibataire, même avec un salaire élevé, peut avoir de difficultés au quotidien. Le recensement confirme qu'ils sont nombreux. Pourquoi serait-ce seulement un amendement d'appel ? On charge tels et tels de faire des études, mais la représentation nationale peut dès maintenant décider ! Mais une fois encore, je regrette que la commission des finances ne fasse pas son travail.

M. Dominique Baert - Si vous avez entendu un appel, Monsieur le ministre, vous pouvez répondre. Cet amendement reflète une réalité en Ile-de-France et dans tout le pays, celle des célibataires mais aussi des veufs et divorcés. Il s'agit d'un problème lourd qui touche à la vie quotidienne de nos concitoyens.

J'ai entendu votre propre appel, Monsieur le ministre : le Gouvernement ouvrira l'an prochain le chantier de la réforme de l'impôt sur le revenu. Je suis donc disposé à retirer mon amendement aujourd'hui. Mais il faudra traiter la question qu'il soulève en temps utile.

M. Jean-Jacques Jegou - Je reprends l'amendement 476.

M. Gilbert Gantier - Je suis moi aussi très intéressé. On nous a parlé de gens riches, de hauts revenus... Mais dans ma permanence je reçois des personnes isolées, qui ne touchent qu'un petit salaire. Je suis étonné du montant de leur imposition, alors qu'à Paris la vie est si chère.

M. le Secrétaire d'Etat - Puisque M. Jegou a repris l'amendement, voici deux arguments qui me conduisent à rejeter ce dernier : son coût dépasserait 30 milliards...

M. Jean-Jacques Jegou - Ce n'est pas sérieux !

M. le Secrétaire d'Etat - En second lieu, tournez-vous vers M. de Courson. A suivre votre logique jusqu'au bout, 1,2 part par concubin font 2,4 parts, soit plus que pour un couple marié. Tout cela mérite réflexion et, en attendant, je demande le rejet.

M. Jean-Jacques Jegou - Ne nous prenez pas pour des demeurés. La mesure proposée ne coûtera pas 30 milliards. J'en suis à mon 14ème budget, je connais la façon de faire de Bercy ! Quant aux 2,4 parts, il suffira de prendre en considération mon amendement en seconde partie sur les concubins. Les célibataires qui vivent ensemble pourront facilement être débusqués. Cet amendement peut être voté dès maintenant, et je vous demande de nous présenter un chiffrage sérieux en deuxième lecture.

L'amendement 476, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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