Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1999-2000)

Session ordinaire de 1999-2000 - 13ème jour de séance, 32ème séance

2ÈME SÉANCE DU MARDI 26 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Laurent FABIUS

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

AVENIR DE L'AFP 2

POLITIQUE ÉTRANGÈRE AMÉRICAINE 2

ACCORD DE STABILISATION ET D'ASSOCIATION
AVEC LA MACÉDOINE 3

POLITIQUE FISCALE EN FAVEUR DE LA FORÊT
ET DE LA FILIÈRE BOIS 4

FINANCEMENT DE LA RÉDUCTION DE
LA DURÉE DU TRAVAIL 4

FINANCEMENT DE LA CMU 6

FINANCEMENT DE LA RÉDUCTION DE
LA DURÉE DU TRAVAIL 7

RÉFORME DES TRIBUNAUX DE COMMERCE 7

DÉLINQUANCE ET INSÉCURITÉ 8

RÉGULARISATION DES SANS-PAPIERS 9

VISITE DU PRÉSIDENT IRANIEN EN FRANCE 10

DEUXIÈME CONFÉRENCE MONDIALE
SUR L'ÉDUCATION 11

LOI DE FINANCES POUR 2000
-première partie- (suite) 12

EXPLICATIONS DE VOTE 13

RAPPEL AU RÈGLEMENT 21

LOI DE FINANCEMENT DE
LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 22

FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ 38

RÉSOLUTION ADOPTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION 38

La séance est ouverte à quinze heures.

    QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Top Of Page

AVENIR DE L'AFP

M. Michel Françaix - Le plan de développement stratégique de l'AFP que vient de présenter le nouveau président-directeur général de l'agence suscite des inquiétudes. L'explosion d'Internet et du multimédia exige des investissements massifs et sans doute, il est vrai, des transformations profondes dans le fonctionnement de l'AFP.

Autant ériger le multimédia en axe unique de développement me paraît hasardeux -jamais à l'apparition d'un nouveau média, la mort annoncée des autres ne s'est produite- autant il me paraît utile que l'agence recherche, en fonction des projets, des capitaux et de nouveaux partenaires, y compris privés. Mais cela ne doit se faire au détriment ni des métiers de base ni des missions et des valeurs de l'agence. La rentabilité est une condition sine qua non de son développement mais ce n'est pas sa raison d'être. Celle-ci est de fournir dans le monde entier une information impartiale et digne de confiance.

Paradoxalement l'AFP est une entreprise d'intérêt national, du fait même de sa vocation mondiale. Ses perspectives d'avenir doivent être envisagées en associant les salariés de l'agence, les représentants de la presse et le Parlement.

Madame la ministre de la communication, pouvez-vous nous préciser votre position sur l'avenir de l'AFP ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - L'AFP est et doit rester une agence française au rayonnement mondial, reconnue pour l'indépendance, la qualité et l'objectivité de son information. A cet égard, elle contribue à défendre sur le plan international la diversité culturelle.

Alors que la concurrence s'intensifie sur le marché de l'information -qu'Internet a révolutionné,- l'AFP ne doit être condamnée ni à l'immobilisme ni au déclin. Il y a urgence. Différer ou retarder la mise en _uvre d'un plan de développement stratégique de l'agence risquerait de compromettre gravement son avenir. Pour demeurer une agence mondiale de référence, l'AFP ne doit pas manquer le tournant d'Internet et du multimédia. Elle doit être dotée des moyens d'une véritable entreprise de communication ; c'est pourquoi elle doit pouvoir disposer de capitaux et nouer des partenariats.

La mission d'information qui lui incombe historiquement est une mission d'intérêt général. L'agence doit, pour la remplir, demeurer à l'abri des effets nocifs que le seul jeu des forces du marché pourrait exercer sur son indépendance. C'est pourquoi en tout état de cause la pérennité de l'engagement de l'Etat et l'indépendance de l'information resteront garanties par la loi, qui continuera de définir l'organisation et les missions essentielles de l'agence. Il est exclu que des entreprises privées puissent contrôler l'AFP. Non, Monsieur le député, l'AFP ne sera pas privatisée. Comme l'a souhaité le Gouvernement, le président de l'agence a engagé une large concertation avec les personnels, notamment dans le cadre du comité d'entreprise, et avec la presse. Le collège presse du conseil de l'agence a mis en place un groupe de travail sur la réforme dont nous attendons beaucoup. Le projet de réforme ne sera arrêté qu'à l'issue de ce large débat. Le renouveau de l'AFP est un enjeu d'intérêt national. Il incombera au Parlement de recréer les fondements d'une AFP moderne, pérenne, indépendante et ouverte au monde (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Top Of Page

POLITIQUE ÉTRANGÈRE AMÉRICAINE

M. Paul Quilès - Monsieur le ministre des affaires étrangères, un haut responsable militaire américain ayant commandé les opérations aériennes lors du conflit du Kosovo a fait certaines déclarations inadmissibles devant le Sénat des Etats-Unis. Le général Short a en effet affirmé que le contrôle politique exercé par la France sur les objectifs assignés aux forces alliées avait prolongé le conflit et mis en danger la vie des pilotes. Il a demandé qu'à l'avenir, en cas d'opération commune, les Etats-Unis puissent imposer leurs propres choix politiques et militaires. Pour le général Short, les choses sont simples et ses propos ont été percutants : «Lorsqu'on n'est pas un grand chien, on reste à la porte et on n'a rien à dire» -il a bien précisé que «le grand chien, c'est l'US Air Force. En un mot, si tu ne peux pas jouer avec les grands, reste à la maison». Ces propos n'ont pas été désavoués par les autorités politiques américaines qui se sont contentées de dire que «l'unité de l'Alliance avait un prix».

Comment interprétez-vous ces propos ambigus ? Envisagez-vous d'intervenir auprès du gouvernement américain pour qu'il reconnaisse sans équivoque la contribution française dans la solution du conflit du Kosovo ?

Ces déclarations surviennent au demeurant dans un contexte où l'unilatéralisme des Etats-Unis se renforce. J'en veux pour preuve le refus du Sénat américain de ratifier le traité d'interdiction des armes nucléaires ou la volonté de relancer le projet de guerre des étoiles, au risque de relancer la course aux armements.

Parallèlement, la politique américaine réduit les Nations unies à l'impuissance : les Etats-Unis bloquent la réforme du Conseil de sécurité et accumulent leurs dettes à l'égard de l'institution, qui dépassent les dix milliards de francs.

Comment la France entend-elle réagir à cette évolution inquiétante de la politique américaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - La contribution que la France a décidé souverainement d'apporter à une solution, d'abord diplomatique puis militaire, du conflit du Kosovo a été saluée à plusieurs reprises, et sans ambiguïté, par tous nos alliés, européens et américains.

Au général Short, je ferai valoir que l'Alliance atlantique est une alliance de nations souveraines et qu'il est exclu qu'un pays, quels que soient les moyens dont il dispose, puisse trancher pour les autres. Notre attitude au Kosovo a été dictée par notre souci d'épargner le plus possible les civils, puisqu'aussi bien nous ne faisions pas la guerre au peuple serbe mais à un régime qui s'était rendu odieux à toute l'Europe. Il n'est pas question de laisser l'OTAN évoluer vers ce que semble souhaiter le général Short.

S'agissant de l'unilatéralisme de l'hyperpuissance que constituent aujourd'hui les Etats Unis, je dirai simplement que dans le monde actuel, plus l'on est puissant, plus l'on doit avoir le sens des responsabilités. C'est ce que nous attendons de nos alliés et que nous ne manquerons pas de leur rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste)

Top Of Page

ACCORD DE STABILISATION ET D'ASSOCIATION AVEC LA MACÉDOINE

M. Philippe Duron - Le 9 juin dernier, après la signature de l'accord de Kumanovo, l'OTAN suspendait ses frappes sur la Yougoslavie. Cette opération militaire avait été déclenchée le 14 mars afin de mettre un terme à l'épuration ethnique menée au Kosovo par le régime de Milosevic.

L'Union européenne a maintenant un rôle essentiel à jouer dans la reconstruction des Balkans, qu'il s'agisse de l'Albanie, de la Bosnie, de la Croatie ou de la Macédoine. Il y va de sa crédibilité et de la stabilité de cette région au c_ur de l'Europe. Le 8 septembre dernier, la Commission européenne demandait aux Quinze de l'autoriser à négocier un accord d'un genre nouveau, dit de stabilisation et d'association, avec la Macédoine, destiné à renforcer la stabilité économique et politique de cette jeune république, et au-delà de la région tout entière. La Commission propose que cet accord concerne de nombreux domaines, dont la justice et les affaires intérieures, et que la Macédoine s'y engage à harmoniser progressivement sa législation avec celle de l'Union européenne. Cet accord devrait également conduire à l'institution d'une zone de libre-échange entre la Macédoine et l'Union européenne à l'horizon de dix ans. Par cet accord, l'Union contribuerait de façon importante au pacte de stabilité pour l'Europe du sud-est adopté le 10 juin dernier.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, quelle est la position du Gouvernement français sur le mandat de négociation à donner à la Commission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Au-delà du conflit du Kosovo, et hier de la Bosnie, nous souhaitons apporter à l'ensemble des pays de cette région une aide globale, adaptée à leurs besoins.

La Macédoine a traité avec beaucoup de sagesse certains problèmes particuliers à cette zone comme les relations entre la minorité albanophone et le reste des Macédoniens. Nous entendons l'encourager. L'accord de stabilisation et d'association que vous avez évoqué, qui s'inscrit dans le cadre plus général du pacte de stabilité pour les Balkans, aujourd'hui quelque peu bloqué, le changement attendu en Serbie se faisant attendre -mais il aura lieu- nous en donnera l'occasion. D'une façon générale, notre pays soutiendra ces accords de stabilisation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Top Of Page

POLITIQUE FISCALE EN FAVEUR DE LA FORÊT ET DE LA FILIÈRE BOIS

M. François Brottes - Le projet de loi de finances comporte de nombreuses baisses d'impôts (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF), ne vous en déplaise, mes chers collègues.

Ainsi la taxe alimentant le Fonds forestier national et la taxe sur le défrichement ont-elles été supprimées.

Mais à quelle hauteur la perte de recettes qui s'ensuivra pour le FFN sera-t-elle compensée ? Et quelles mesures d'accompagnement sont prévues afin que la suppression de la taxe sur le défrichement n'ait pas pour conséquence une déforestation sauvage, notamment dans les Landes, au risque de mettre à mal l'équilibre entre les ressources et la filière ?

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Je vous réponds aussi au nom de M. Glavany, retenu à Bruxelles.

La forêt représente pour le Gouvernement une importante priorité (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Aussi, à la demande du Premier ministre, M. Bianco, votre collègue, a-t-il rédigé sur le sujet un rapport remarquable, intitulé «un enjeu pour l'avenir». Vous-même avez participé à la réflexion en organisant un colloque sur l'avenir de la forêt (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), au cours duquel Jean Glavany a annoncé que le Fonds forestier national serait remis à niveau, alors qu'il avait été très négligé entre 1993 et 1997 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), et que les taxes qui l'alimentent seraient diminuées. Le projet de budget, dont j'espère que l'opposition le votera (Sourires) tend à intégrer le Fonds forestier dans le budget du ministère de l'Agriculture, en application des recommandations de transparence formulées par la Cour des comptes. Cependant des articles isolés permettent de continuer à identifier ses crédits, qui passeront de 417 millions en 1999 à 482 millions l'an prochain, soit une augmentation qu'on n'avait pas vue depuis longtemps. La taxe forestière et la taxe sur les défrichements disparaissent, afin d'alléger les impôts. La suppression de ces taxes risque-t-elle d'encourager à fortement défricher ? La prochaine loi

d'orientation forestière palliera ce risque. D'ici là, des dispositions transitoires permettront d'y faire face (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Top Of Page

FINANCEMENT DE LA RÉDUCTION DE LA DURÉE DU TRAVAIL

M. le Président - La parole est à M. Thierry Mariani (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Thierry Mariani - Madame la ministre de l'emploi, vous avez pendant deux semaines tenté de nous expliquer que votre réforme relative à la réduction autoritaire du temps de travail était financée. Nous finissions par être ébranlés.

Malgré nos protestations et le refus des partenaires sociaux de contribuer à un hold-up sur les fonds sociaux, vous vous êtes obstinée, vous adressant à nous parfois avec mépris, souvent avec mauvaise foi, toujours avec l'autosatisfaction qui caractérise votre gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Aujourd'hui, sous la pression des partenaires sociaux, vous renoncez à votre démarche. Mais cette retraite n'est que virtuelle. En effet, vous allez prélever 5,6 milliards de droits sur les alcools jusque là destinés au fonds de solidarité vieillesse, pour compenser directement le coût de la réduction du temps de travail. En fait, les partenaires sociaux devront financer directement votre fonds de réserve sur les retraites. Le problème reste donc entier. Votre loi n'est toujours pas financée. Les 35 heures semblent ainsi reposer sur des fondations de papier.

Dans ces conditions, comment comptez-vous financer le passage aux 35 heures autrement qu'en taxant davantage les entreprises, les partenaires sociaux, les retraités et les classes moyennes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je vois que la visite d'un haut dignitaire chinois vous inspire. Mais, vous le verrez, notre financement n'est pas de papier, mais beaucoup plus dur que nombre de ceux que vous aviez naguère mis en place (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Vous semblez vous réjouir que nous ayons, après discussion avec les partenaires sociaux, modifié notre dispositif. Je l'avais annoncé dès le 16 septembre à la commission des affaires sociales, et nous en avons parlé au cours du débat sur le projet de réduction du temps ce travail, car je n'ai jamais dit alors que tout était financé (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je vous le prouverai tout à l'heure. La semaine dernière, à l'occasion d'une question, vous avez indiqué vous-même que les discussions n'étaient pas terminées.

Nous allons tout à l'heure commencer d'examiner le projet de financement de la Sécurité sociale, qui permet de mener à bien deux grandes réformes, la réduction de la durée du travail et l'abaissement des charges sociales (Mêmes mouvements). Grâce à ces grandes réformes, la confiance revient, la croissance est là, le chômage recule (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Bien que certains l'aient souhaité, nous ne renonçons pas à ces grandes réformes, car là aurait été la reculade politique.

Quand nous avons proposé aux partenaires sociaux, il y a quelques mois, de faire ce qu'eux-mêmes avaient fait en finançant l'ARP, en finançant

les conventions de coopération, ils ne l'ont pas accepté. Nous avons alors remis l'ouvrage sur le métier, pour trouver de nouvelles modalités.

Notre réforme coûtera environ 105 milliards sur 4 à 5 ans. Nous savons aujourd'hui comment en financer 85 %.

Nous aurions aimé qu'il en fût ainsi sur un an, quand M. Juppé a fait voter la ristourne dégressive (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Quand je suis arrivée en 1997, il manquait déjà 7 milliards !

Que dire de la baisse de l'impôt sur le revenu pour laquelle nous avons dû trouver 40 milliards ! Certains expliquent même que nous sommes là aujourd'hui parce que le Président de la République craignait que la France ne puisse pas entrer dans l'euro faute que cette réforme fût financée ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Que dire de cette grande loi sur la famille que M. Balladur a fait voter, et qui aurait entraîné 25 milliards de déficit ! (Mêmes mouvements)

Ce qui vous intéresse, c'est de commenter les commentaires ; ce qui nous intéresse, nous, c'est de constater que le chômage recule, que les Français vivent mieux, et de nous dire que c'est peut-être un peu grâce à nous (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; vives exclamations et huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Top Of Page

FINANCEMENT DE LA CMU

M. Philippe Auberger - Mme Aubry avait dit à la commission des finances que le surplus du fonds de solidarité vieillesse pour 2000 servirait au fonds de réserve de retraite. Elle n'a pas répondu à M. Mariani parce qu'elle ne peut pas doter ce fonds comme elle l'avait promis (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Voici un nouveau cas d'improvisation financière. Le ministre de l'économie, dans la discussion budgétaire, nous a confirmé que le financement de la CMU était désormais du ressort de la Sécurité sociale. Or nous ne trouvons dans le projet de financement de la Sécurité sociale aucune trace de ce financement de la CMU.

Comment l'expliquer ? Ne craignez-vous pas la censure du Conseil constitutionnel en nous présentant ainsi un projet de loi tronqué ? Quelles seront les recettes et les dépenses de ce fonds qui existera à partir du 1er janvier 2000 ? Les décrets relatifs à la CMU n'ont toujours pas paru, mais il existerait, selon la presse, un fort décalage entre les annonces et les modalités d'application : les étudiants seraient exclus du dispositif, et les conditions pour les étrangers seraient plus rigoureuses. Quelles sont les raisons de ces revirements ? Combien de personnes bénéficieront pour finir de la CMU, et pour quel montant ?

N'avez-vous pas, il y a six mois, gravement sous-estimé le coût de la CMU ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Comme nous l'avons expliqué, le fonds de réserve des retraites recevra bien 5,6 milliards de la Sécurité sociale (Vives interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Cette disposition se trouve dans le PLFSS (Mêmes mouvements).

M. le Président - Monsieur Mariani, un peu de calme !

Mme la Ministre - Je comprends bien que vous n'avez pas eu le temps de prendre connaissance de l'ensemble des décisions prises, mais je vous confirme que les 5,6 milliards de la Sécurité sociale prévus pour abonder le fonds des charges sociales abonderont effectivement le fonds de réserve des retraites qui disposera ainsi de 15 à 20 milliards au 1er janvier 2001, comme nous nous y étions engagés.

La loi a créé un fonds particulier pour la CMU. L'auriez-vous oublié ? (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Ce fonds est financé en partie par l'Etat, en partie par une contribution des assureurs, des mutuelles et des organismes de prévoyance.

Le montant de 1 500 F en coût annuel moyen a fait l'objet de discussions. Est-il suffisant ?

Au bout d'un an, nous ferons le point avec les organismes complémentaires. Aucun élément ne permet aujourd'hui de dire que les 1 500 F ne suffiront pas pour «tenir dans les clous» ; au contraire, les départements qui ont mis en _uvre une aide médicale gratuite de même nature que la CMU y parviennent. Quant aux décrets, comme je l'ai dit la semaine dernière mais le redis avec plaisir (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), ils sont passés au Conseil d'Etat dans leur grande majorité et sont donc à la signature. Nous allons donc engager une grande campagne d'information et de sensibilisation destinée aux six millions de bénéficiaires.

Un député RPR - C'est nul !

Mme la Ministre - Si vous trouvez que c'est nul, je vous répondrai que nous serons le seul pays au monde où six millions de personnes démunies accéderont gratuitement aux mêmes soins que le reste de la population. Vous devriez vous en réjouir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Top Of Page

FINANCEMENT DE LA RÉDUCTION DE LA DURÉE DU TRAVAIL

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Les 35 heures obligatoires vont coûter très cher à notre pays. Leur financement n'est manifestement pas satisfaisant, et la pression de l'ensemble des partenaires sociaux vous a contrainte à reculer et à renoncer à faire payer les chômeurs et les retraités.

Plusieurs députés UDF - Eh oui !

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Mais il est une autre catégorie de Français qui ne doit pas être mise à contribution : il est injuste et inacceptable, en effet, que les salariés travaillant dans des entreprises qui ne peuvent pas passer aux 35 heures -et il y en aura plus que vous ne le pensez- soient privés d'une part substantielle du bénéfice de leurs heures supplémentaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Il est tout aussi inacceptable que les heures supplémentaires soient rémunérées différemment selon que l'entreprise est passée aux 35 heures ou non.

Vous devez revoir votre copie. Vous en avez le temps d'ici l'adoption définitive de la loi. Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je vous remercie de me donner l'occasion de rappeler que, sur les 105 milliards de baisses de charges programmées pour les cinq années à venir, et dont le Gouvernement recherche dès maintenant le financement (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), le coût des 35 heures ne représente que 40 milliards, qui sont bien, contrairement à ce que vous dites, financés (Mêmes mouvements). Le coût d'un emploi créé ou sauvé par les 35 heures se situe entre 55 000 F et 70 000 F, à comparer aux 330 000 F du CIE et aux 200 000 F -un million la première année- de la ristourne Juppé (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Vous affirmez que les salariés n'auront plus d'heures supplémentaires, mais comment comptez-vous régler le problème du chômage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Vous avez empêché la croissance en taxant les ménages de 200 milliards ! (Mêmes mouvements) Vous vous êtes opposés aux emplois-jeunes ! (Mêmes mouvements) Nous, nous lançons la France dans les nouvelles technologies et nous aidons les créateurs d'entreprises ! (Mêmes mouvements) Nous, nous réduisons le temps de travail et abaissons les charges sociales ; vous en avez beaucoup parlé, mais bien peu agi ! (Mêmes mouvements) Quel est votre projet ? C'est la question que beaucoup de Français se posent, au moment où le chômage baisse et où notre croissance est l'une des plus fortes parmi les pays industrialisés ! (Mêmes mouvements)

Top Of Page

RÉFORME DES TRIBUNAUX DE COMMERCE

M. Pierre Albertini - Je regrette une fois de plus que Mme Aubry, dérivant au gré de ses humeurs (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), n'ait pas répondu aux questions qui lui étaient posées, ainsi qu'il sied dans un débat démocratique (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Un profond malaise s'est emparé des juges des tribunaux de commerce (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui ont le double sentiment d'être jetés en pâture à l'opinion publique et de ne pas être associés à la réforme en préparation. Leurs inquiétudes se sont très clairement exprimées au congrès qu'ils ont tenu à Bordeaux voici quelques jours, et un grand nombre d'entre eux menacent même de démissionner (Exclamations et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Christian Bataille - Bon débarras ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Pierre Albertini - Un certain nombre de tribunaux risquent de ne plus fonctionner en janvier prochain : Poitiers, Auch, Montauban, Grenoble, Nîmes, Chartres, Alès, Montpellier, Reims, La Roche-sur-Yon, Carcassonne, Pau, j'en passe et la liste pourrait bien s'allonger encore...

Une réforme est souhaitable, c'est vrai, mais tout dépendra de ses objectifs et de la façon dont elle sera mise en _uvre. Pouvez-vous laisser planer le discrédit sur cette institution ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Arnaud Montebourg - Il existe !

M. Pierre Albertini - Monsieur Montebourg, vous êtes un esbroufeur ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Peut-on jeter le bébé avec l'eau du bain et laisser perdre sans dommage le savoir-faire accumulé par des praticiens au contact de la réalité et du droit des affaires ? Est-il prioritaire, alors que le nombre des magistrats en activité est à peine plus élevé qu'en 1920, d'affecter la majorité des nouveaux postes aux tribunaux de commerce plutôt qu'à la justice civile, qui est au bord de l'asphyxie ? Comment comptez-vous mettre en _uvre la concertation sur les moyens, les objectifs et le calendrier de la réforme sans casser les outils que la tradition nous a légués ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Vous avez raison de dire qu'il y a un malaise dans les tribunaux de commerce, mais la réforme est justement destinée à le dissiper (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Vous-même reconnaissez qu'une réforme est nécessaire, mais vous contestez les moyens employés. Le Gouvernement a pris l'engagement de ne jamais présenter au Parlement une réforme qui ne soit pas financée (Vives exclamations, applaudissements et rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) ; celle-ci, comme les autres, le sera, une centaine de postes devant y être affectés sur les 212 qui seront créés l'an prochain.

Comment conserver, me demandez-vous, le « savoir-faire » des tribunaux de commerce ? La réforme a précisément pour objectif de ne pas supprimer les tribunaux de commerce. C'était l'une des options envisagées par le rapport Colcombet-Montebourg ; ce n'est pas la voie qu'a choisie le Gouvernement. Les tribunaux de commerce demeureront, et continueront d'être présidés par des juges consulaires. En revanche, les chambres en charge des procédures collectives, c'est-à-dire des liquidations, domaine dans lequel ont été constatés l'essentiel des abus, au demeurant minoritaires, seront présidées par des magistrats professionnels, aux côtés desquels continueront de siéger des juges consulaires. Ceux qui ont annoncé qu'ils démissionneraient démissionneront, mais ce mouvement, selon toutes les indications, n'est susceptible de prendre de l'ampleur que dans 13 juridictions sur 191 ; il n'y a donc pas lieu de s'en alarmer. La continuité du service public sera assurée en tout état de cause, par les tribunaux de grande instance s'il le faut (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Top Of Page

DÉLINQUANCE ET INSÉCURITÉ

M. Francis Delattre - Il ressort d'un rapport de l'INSEE que seul un fait de délinquance sur cinq est enregistré par les services de police.

M. Jacques Myard - Scandaleux !

M. Francis Delattre - Les Français qui y sont confrontés savent bien, au reste, que tout est fait pour les dissuader de porter plainte, et que la meilleure prévention à porter à l'actif du Gouvernement est celle du dépôt de plainte ! (Sourires sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

Malgré ce thermomètre défaillant, tous les indicateurs traduisent la banalisation de la violence, tant en centre-ville qu'en banlieue et même à l'école.

Face à ce constat, qu'est devenu votre projet de police de proximité, fondée sur les contrats locaux de sécurité et les adjoints de sécurité ? Pour l'essentiel, il a consisté à mettre des milliers de jeunes sans formation sur la voie publique, en particulier dans les quartiers les plus difficiles. Le discours fort habile des assises de Villepinte, présentant la sécurité des citoyens comme une priorité de la gauche est mis à l'épreuve.

Comment gérerez-vous la baisse des effectifs provoquée par 6 000 départs annuels à la retraite quand les écoles ne forment que 3 000 policiers par an ? Qu'avez-vous fait pour réduire la distorsion entre les effectifs théoriques et ceux présents sur le terrain ? Quelles suites donnerez-vous aux suggestions formulées par M. Tony Dreyfus dans son rapport au nom de la Mission d'évaluation et de contrôle ? Entendez-vous adapter les effectifs à la carte de la délinquance et suivre les propositions du rapport Hyest-Carraz ? Mettre sur la voie publique 20 000 jeunes formés en quinze jours et qui représenteront le quart des effectifs de policiers en 2000, est-ce là une politique raisonnable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Il est totalement inexact de dire que les chiffres de la délinquance sont cinq fois supérieurs à ceux déclarés à la police. En effet, l'enquête de l'INSEE porte sur 5 500 ménages dont elle cherche à connaître le sentiment d'insécurité. Par exemple, s'agissant des atteintes à la personne ou à la dignité, les chiffres que font apparaître cette enquête sont 115 fois supérieurs à ceux déclarés et 66 fois supérieurs, en ce qui concerne les menaces ou le chantage !

C'est dire qu'il faut relativiser ces informations, tout comme d'ailleurs les statistiques officielles, qui montrent en tout cas que la délinquance est parfaitement contenue : si elle a progressé de 1,38 % sur les neuf derniers mois, elle a diminué de 1,33 % sur la voie publique.

Je ne peux vous laisser dire que les adjoints de sécurité sont formés en quinze jours alors que leur durée de formation a été portée à huit semaines. Sur 13 000 recrutés, 759 ont réussi le concours de gardien de la paix.

Pour ce qui est des départs à la retraite, ils étaient prévisibles pour les policiers recrutés après mai 68 ! Et je ne suis pas responsable si les écoles de police n'accueillaient que 2 000 élèves en 1995 contre 6 131 aujourd'hui. J'ai, de surcroît, obtenu le recrutement de 1 664 policiers en surnombre cette année.

Quant aux propositions du rapport Hyest-Carraz, elles seront mises en _uvre au cas par cas après concertation avec les élus et avec les syndicats professionnels.

La politique que nous menons s'inscrit dans une perspective stratégique d'ensemble, la police de proximité, qui fera peut-être remonter les statistiques de la délinquance. Pour le reste, tout est cohérent : recrutement d'adjoints de sécurité, signature de 300 contrats locaux de sécurité -400 sont en cours d'élaboration- redéploiement de 1200 policiers par an pour remédier au sentiment d'insécurité que je ne néglige pas, mais que je ne vous reconnais pas le droit d'exploiter comme vous le faites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV)

Top Of Page

RÉGULARISATION DES SANS-PAPIERS

M. Bernard Birsinger - Depuis le 26 septembre, des sans-papiers de Seine-Saint-Denis occupent un local à Saint-Denis pour exiger leur régularisation administrative. Six d'entre eux sont en grève de la faim.

C'est un cri de désespoir de ces hommes et de ces femmes à qui le Gouvernement avait rendu l'espoir en parlant d'une politique d'immigration humaine. Mais leur espoir s'est brisé contre l'arbitraire des décisions rendues. Ils se sentent trahis, après avoir accepté de confier les blessures de leur vie intime de clandestins, 60 000 personnes, qui avaient prouvé leur intégration dans la société française en se rendant dans les préfectures, se retrouvent sans papiers.

Au nom d'une politique de l'immigration humaine, il faut que le Gouvernement régularise la situation de ces hommes et de ces femmes comme il a eu le courage de régulariser celle de 75 000 personnes par une circulaire du 24 juin 1997.

Le moment est venu d'avoir un débat serein sur l'immigration. Les esprits évoluent. M. Juppé lui-même n'a-t-il pas déclaré que le slogan de l'immigration zéro n'avait guère de sens, tout en appelant à lutter contre les réseaux qui exploitent la main d'_uvre clandestine ? La politique de co-développement que nous appelons de nos v_ux ne se fera pas sans les travailleurs immigrés, comme le prouve l'échec du contrat de réinsertion dans le pays d'origine.

Ne pensez-vous pas, Monsieur le ministre, que la régularisation des sans-papiers s'impose pour mener une politique de l'immigration fondée sur les droits de la personne et sur le co-développement des pays d'émigration (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Le Gouvernement considère que la maîtrise des flux migratoires est une nécessité (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDF). Il a procédé à des régularisations mais selon certains critères, notamment familiaux ; pour 57 138 d'entre elles, soit 71 % du total, 16 879 célibataires, soit 21 % du total, ont été régularisés parce qu'ils étaient bien intégrés.

Le Gouvernement a agi conformément aux recommandations de la commission nationale consultative des droits de l'homme.

Pourquoi faut-il maîtriser les flux migratoires ? Parce qu'il existe hors de nos frontières ce que Karl Marx appelait une immense armée industrielle de réserve. Ne pas maîtriser les flux migratoires, serait s'abandonner aux forces du marché et des marchands de main-d'_uvre, qui exerceraient une pression illicite sur le marché du travail.

Certes, le droit à la vie familiale et l'intégration dans la société française sont pris en compte dans les régularisations, mais il ne suffit pas de se rendre à la préfecture pour prouver son intégration !

Quant à l'accord franco-algérien, il s'explique compte tenu des recommandations du Conseil d'Etat : la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme est applicable. Bien entendu, je suis disposé à renégocier dans le sens de la loi Reseda que vous avez votée pour harmoniser toutes ces dispositions.

Cela dit, la libre circulation que nous nous efforçons de promouvoir ne signifie pas la libre installation. Il faut aider le Gouvernement à résister à la mondialisation libérale. Le préfet de Seine-Saint-Denis est prêt à examiner la situation des personnes dont vous avez parlé au regard de la loi, qui doit être appliquée dans le respect du principe d'égalité (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RCV).

Top Of Page

VISITE DU PRÉSIDENT IRANIEN EN FRANCE

M. Jean Pontier - Ma question a trait à la visite que le président iranien Khatami doit effectuer en France les 27 et 28 octobre. A cette occasion, des rencontres sont prévues au plus haut niveau de l'Etat.

Au mois d'août, M. Védrine disait que la France considère, avec ses partenaires de l'Union européenne, qu'il est important de marquer notre appréciation des nouvelles orientations du président Khatami, de sa volonté de réforme. Malheureusement, les fruits n'ont pas suivi les promesses des fleurs. On a assisté, en Iran, à une répression brutale du mouvement étudiant -quatre étudiants ont été condamnés à mort- des journaux et des journalistes font l'objet de poursuites judiciaires, treize citoyens juifs ont été arrêtés, le rapport d'Amnesty International sur les conditions de détention est accablant, la lapidation est maintenue pour les femmes adultères. Tous ces événements plaident pour que la France reconsidère sa position.

S'il est bon d'encourager le régime iranien à mener une vraie politique d'ouverture, il serait inacceptable que le président Khatami ne donne pas des garanties quant au respect des droits fondamentaux de l'homme avant sa venue dans notre pays.

La France ne doit pas apparaître comme la caution d'un régime fondé sur l'intolérance et le refus des droits de l'homme (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Vous êtes soucieux du sort des étudiants iraniens, nous aussi. Vous êtes soucieux du sort des 13 juifs arrêtés ; nous aussi. Vous êtes soucieux de la démocratisation de l'Iran et de son ouverture, nous aussi. Nous sommes soucieux et vigilants.

Mais aucune juste cause n'avancerait mieux en l'absence d'échanges avec un président élu par le corps électoral iranien à l'occasion d'élections non contestées.

Nous n'avons pas changé d'analyse. Nous sommes lucides et prudents. Nous savons la violence des luttes qui existent dans ce pays.

Nous pensons qu'il est utile pour l'avenir de l'Iran et l'ensemble de la région d'avoir ce dialogue qui sera très franc et très direct (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe RCV, et sur quelques bancs du groupe UDF).

Top Of Page

DEUXIÈME CONFÉRENCE MONDIALE SUR L'ÉDUCATION

M. Pierre Carassus - Le manifeste de la jeunesse pour le XXIème siècle adopté dimanche dernier par le Parlement mondial des enfants a appelé les gouvernements à faire de l'éducation une priorité.

Aujourd'hui près de 140 millions d'enfants, en majorité des filles, n'ont pas accès à l'éducation et entre 12 et 15 ans il y a plus de jeunes au travail qu'à l'école. Faut-il s'en étonner alors que depuis cinq ans l'aide publique au développement diminue et que le poids de la dette écrase les pays du Sud, d'autant que la Banque mondiale et le FMI leur imposent des politiques d'ajustement qui les obligent à réduire les dépenses d'éducation ?

La deuxième conférence mondiale sur l'éducation se tiendra à Dakar en avril 2000. La première, il y a dix ans, s'était engagée à universaliser l'accès à l'éducation. La deuxième ne peut réitérer cet engagement s'il doit rester sans effet.

Comment le gouvernement français entend-il préparer cette conférence ? Le Parlement y sera-t-il associé ? Elle ne peut se contenter d'être un moment d'échange et de considérations généreuses pendant que le FMI et la Banque mondiale continueront d'imposer une politique de restrictions budgétaires interdisant de fait la scolarisation des enfants des pays en voie de développement. Il suffirait pourtant de 6 milliards de dollars pour scolariser tous les enfants du monde (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Peut-on espérer que des engagements financiers précis seront pris lors de cette conférence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - L'accès universel à l'éducation est effectivement une question fondamentale. Dix ans après la première conférence sur l'éducation, tenue en Thaïlande à l'initiative notamment de l'UNICEF, de l'Unesco, de la Banque mondiale, la communauté internationale se prépare à évaluer et poursuivre les efforts menés. Comme chaque pays, la France présentera un rapport faisant le bilan à la fois de sa situation et de son action internationale en la matière.

Pour l'Europe, une étape intermédiaire est prévue en février prochain en Hongrie et nous sommes prêts à intégrer des parlementaires dans la délégation française.

L'objectif est de généraliser l'accès à l'éducation en 2015. La France s'est fixée trois priorités : renforcement des capacités nationales, accès de tous à la formation de base, qualité de l'enseignement.

La Banque mondiale joue un rôle important en matière de constructions scolaires et de programmes d'éducation et depuis quelques années, comme le FMI, elle prête plus d'attention aux aspects sociaux du développement : nous sommes désormais à l'abri de ces programmes d'ajustement structurel qui sacrifiaient les dépenses sociales.

Les initiatives en faveur du désendettement des pays en voie de développement prévoient, en contrepartie, le renforcement de la lutte contre la pauvreté et donc de l'éducation. La France, pour sa part, consacre à l'éducation 25 % de l'aide publique au développement, soit 1,5 milliard de francs. Si nous devons poursuivre ces efforts, il serait bon que d'autres en fassent beaucoup plus (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

LOI DE FINANCES POUR 2000 -première partie- (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2000.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Avant que l'Assemblée ne vote sur la première partie du projet de budget pour 2000, je voudrais souligner les progrès accomplis durant le débat.

De nombreuses améliorations ont été en effet discutées afin de renforcer les priorités du Gouvernement et de sa majorité, celles d'une croissance riche en emplois et porteuse de solidarité.

Sur le plan fiscal, les allégements au profit des ménages ont été accrus de près de 1,5 milliard par rapport aux propositions du Gouvernement et ceux-ci bénéficieront au total de 30 milliards de baisses d'impôts l'an prochain.

Les mesures adoptées sont particulièrement favorables à la justice sociale. Les exonérations de taxe d'habitation au profit, d'une part, des ménages modestes, d'autre part des bénéficiaires du RMI retrouvant un emploi bénéficieront à plus d'un million de ménages. La suppression du droit de bail sera étendue au million de ménages acquittant un loyer compris entre 2 500 F et 3 000 F. Concernant l'impôt sur le revenu, la suppression des conditions d'âge pour la réduction d'impôt au titre des frais dans les établissements de long séjour est également une mesure importante. La suppression du droit de timbre sur les cartes de séjour représente un geste symbolique fort, après la suppression des droits sur les cartes d'identité et les permis de conduire en 1999 et la suppression des droits d'examen en 2000.

Parallèlement, à l'initiative du groupe communiste, l'extension de l'assiette de l'ISF aux droits d'auteurs hérités et la non-indexation du barème se traduisent par un accroissement du rendement de cet impôt. La réduction de l'avoir fiscal entre sociétés vise à favoriser l'investissement productif par rapport au placement spéculatif.

Les préoccupations environnementales ont également été prises en compte par le renforcement des incitations en faveur de l'aquazole et la baisse de la taxe sur les véhicules de société dits « propres ».

Enfin, les associations n'ont pas été oubliées : la baisse de la taxe sur les salaires et celle des droits d'enregistrement sur les dons et legs au profit de certaines d'entre elles, confortent le développement de leurs activités.

Je tiens à souligner les efforts accrus au profit des collectivités locales. Comme l'avait annoncé le Premier ministre à Strasbourg, la DSU a reçu un abondement supplémentaire de 500 millions pour favoriser la rénovation des quartiers en difficulté. Trois améliorations proposées par votre commission des finances ont également été adoptées : majoration de 150 millions au profit des communes rurales les plus modestes, aménagement des mécanismes du contrat de croissance et de solidarité et amélioration de l'indexation de la compensation de taxe professionnelle.

Au total, l'enveloppe en faveur des collectivités locales sera supérieure de 3,7 milliards à une simple prolongation du pacte de stabilité mis en place par la précédente majorité.

Je me réjouis de la grande qualité des débats qui ont eu lieu sur deux sujets emblématiques des préoccupations communes du Gouvernement et de sa majorité, à savoir le régime des stock-options et le traitement des flux de capitaux spéculatifs.

Sur les stock-options, l'initiative du président Bonrepaux a permis un véritable débat de fond. Votre collègue Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld en tireront d'utiles pistes de réflexion pour aborder le champ plus large de l'épargne salariale. Le Gouvernement a pris des engagements, qu'il tiendra. D'ores et déjà, notre débat s'est traduit par une mesure de moralisation importante, due à l'initiative de François Hollande, la taxation des indemnités perçues par les dirigeants en cas de départ de l'entreprise et, inversement, l'exonération des indemnités versées après un licenciement collectif.

Concernant les mouvements de capitaux spéculatifs, notre débat a permis d'écarter la solution illusoire que constituerait la mise en lace d'une taxe limitée à notre seul pays. Mais un amendement important, adopté à l'initiative de votre commission des finances, prépare la France à prendre des initiatives, dans le cadre de sa présidence de l'Union européenne, sur la régulation internationale des mouvements de capitaux et la lutte contre la concurrence fiscale dommageable. D'un débat symbolique est donc sortie une conclusion pratique.

Au total, la discussion de ce projet de budget aura permis de faire avancer nos priorités.

Je souhaite remercier ceux qui, sur tous les bancs, y ont pris part dans un esprit constructif, avec une pensée particulière pour les groupes de la majorité, et en particulier pour le président et le rapporteur général de la commission des finances. J'espère que nous pourrons continuer à travailler dans cet esprit républicain au cours des prochaines semaines (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Top Of Page

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Les lois de finances s'inscrivent désormais dans un programme pluriannuel et le débat d'orientation budgétaire de la fin du printemps a permis d'affiner les perspectives. Aussi bien, le projet présenté à la mi-septembre, ne comportait-il plus guère de surprises, d'autant que la «mesure phare» -la baisse de la TVA sur les travaux réalisés dans les logements existants- était annoncée.

Marquant toujours un intérêt soutenu pour la loi de finances, nous avons consacré 43 heures de débat à cette première partie, contre 48 heures l'année dernière, et 40 heures en moyenne les dix précédentes années ; 556 amendements ont été enregistrés, contre 572 l'an passé et 498 pour 1998.

Nos débats se sont déroulés dans un climat très serein et je salue tous nos collègues qui ont apporté avec assiduité leur contribution à cette discussion.

S'agissant d'abord des hypothèses économiques, personne n'a véritablement contesté les prévisions -prudentes- retenues par le Gouvernement. Aussi l'opposition n'a-t-elle pu que critiquer la sincérité du budget.

Or nos débats auront permis d'établir qu'au-delà des changements de périmètre budgétaire, il n'y a, dans ce budget, ni trucage, ni dissimulation. Reste que l'articulation des comptes de l'Etat et des comptes sociaux est sans doute perfectible ("Oui !" sur les bancs du groupe du RPR) et il sera nécessaire que nous nous penchions -à froid- sur cette question.

Pour ce qui est des dépenses, nul n'a contesté leur stabilisation. Selon l'agrégat retenu traditionnellement par la commission des finances, les charges de l'Etat en 2000 considérées dans le périmètre de 1999, augmenteront de 0,64 % en francs courants, soit une diminution de 0,26 % en volume. Un effort accru d'économies et de redéploiements permet cependant de financer les priorités que sont l'emploi et la solidarité, l'éducation, la justice et la sécurité, l'environnement, la culture.

Nous pouvons maintenant passer à l'examen détaillé des fascicules budgétaires dans un esprit nouveau, grâce aux conclusions de la mission d'évaluation et de contrôle que la commission des finances a créée au premier semestre et dont le leitmotiv est «contrôler réellement pour dépenser mieux». Quelques conséquences ont déjà été tirées de ces travaux, il faudra obtenir qu'ils soient encore mieux pris en compte par le Gouvernement.

A titre expérimental, cinq budgets sont examinés au sein des commissions saisies pour avis. Cette procédure complétée par des questions écrites budgétaires, doit permettre de concentrer le débat en séance publique sur l'essentiel. La première expérience faite la semaine dernière par la commission des lois sur le budget de la justice paraît prometteuse.

Pour revenir à la première partie du budget, le premier objectif est d'assurer une véritable réduction des prélèvements obligatoires. S'ils augmentent pour 1999, la baisse annoncée de quelque 40 milliards de francs des impôts au budget pour 2000 marque une réelle rupture. Le second objectif est de poursuivre l'_uvre de justice fiscale, engagée dès 1997.

Mesure la plus importante, la baisse de la TVA sur les travaux réalisés dans les logements existants, répond à cette double exigence. Une fois n'est pas coutume, elle a fait l'unanimité sur ces bancs. Nous l'avons voulue, nous avons convaincu le Gouvernement de la soutenir et celui-ci a convaincu la Communauté européenne de l'autoriser. L'Assemblée a pu, à cette occasion, peser de tout son poids.

Le Gouvernement a fait preuve, comme l'année passée, d'un esprit d'ouverture notable : 72 amendements ont été adoptés et le projet a été modifié sur des points importants.

Plusieurs mesures significatives ont été prises en faveur des ménages et particulièrement des plus modestes : suppression de la condition d'âge pour la réduction d'impôt au titre des dépenses d'hébergement en établissements de long séjour ; majoration de 30 000 F à 36 000 F du seuil de loyer annuel pour la suppression du droit de bail dès 2000 ; réduction de 1 500 F à 1 200 F du montant maximal de la taxe d'habitation pour les contribuables de condition modeste ; exonération de taxe d'habitation pendant un an pour les Rmistes ayant retrouvé un emploi ; suppression du droit de timbre de 220 F sur la carte de séjour des étrangers.

Au total, les allégements supplémentaires pour les ménages atteignent 1,4 milliard.

D'autres mesures sont favorables aux associations. Nous avons aménagé le régime des réductions d'impôt accordées pour les dons qui leur sont consentis ; exonéré de droits d'enregistrement les dons et legs aux associations et fondations défendant les animaux ou l'environnement ; relevé l'abattement de taxe sur les salaires dont bénéficient les associations de moins de 30 salariés. Au total, c'est un effort supplémentaire de 210 millions.

Nous avons ainsi diminué le taux de la TIPP sur l'aquazole et réduit la taxe sur les véhicules de transport des sociétés pour les véhicules propres.

S'agissant des entreprises, nous avons adopté, à l'unanimité, un dispositif équilibré permettant d'éviter que le décès de leurs dirigeants n'entraîne leur démantèlement.

Les collectivités locales bénéficient de la majoration de 500 millions de la DSU, sur proposition du Gouvernement ; d'une meilleure indexation de la compensation de la réforme de la taxe professionnelle, soit un abondement de 250 millions de francs ; de la majoration de 150 millions de la dotation de solidarité rurale ; enfin de 150 millions au titre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle pour les communes les plus défavorisées.

Apparemment, la première délibération aura entraîné une augmentation mineure de 283 millions de francs des recettes. Cependant, notre intervention a été plus significative car ce montant représente le solde de mouvements d'une toute autre ampleur. Au total -et sans tenir compte des dispositions sur lesquelles il nous est demandé de revenir en seconde délibération, ni de l'assujettissement de Réseau ferré de France à la TVA -les recettes ont été accrues de 5,1 milliards, diminuées de 2,5 milliards. Les 7,6 milliards des recettes déplacées représentent 0,5 % des ressources définitives nettes, et près de 14 % des « aménagements de droits » opérés par le projet, c'est-à-dire des 54,9 milliards de marge de man_uvre effective dont a disposé le Gouvernement.

S'agissant des dépenses, notons déjà un effort important, de 1,2 milliard en faveur des retraites agricoles les plus faibles.

Aujourd'hui le Gouvernement nous demande de nous prononcer sur trois amendements de seconde délibération, soit moins que les années précédentes et je m'en réjouis. Sur le fond, je regrette que l'amendement adopté par l'Assemblée sur l'assujettissement de certaines _uvres d'art à l'ISF ne soit pas retenu par le Gouvernement. Un autre amendement vise à écarter une disposition que l'Assemblée a adoptée en quelque sorte par « péché de gourmandise », à savoir la réduction du taux de la TVA sur les produits de la confiserie.

Le déficit budgétaire s'établirait, après notre première délibération et compte tenu de la seconde délibération, au même montant, à 3 millions près, que dans le projet initial, soit 215,4 milliards. Ce retour apparent à la case départ témoigne non pas du faible poids de l'Assemblée dans ce débat, mais plutôt de son sens des responsabilités : toutes les dispositions nouvelles que nous avons adoptées ont été gagées par des mesures raisonnables, contribuant à accentuer l'effort de justice fiscale.

Ainsi l'avoir fiscal attaché aux dividendes perçus par les sociétés au titre de leurs participations financières a été réduit ; le régime fiscal des indemnités de départ des dirigeants de société a été clarifié ; la non-réévaluation du barème de l'ISF s'inscrit également dans cette perspective, tandis que la suppression du crédit d'impôt-emploi prend en compte les conclusions de la mission d'évaluation et de contrôle.

En conclusion, je me réjouis de la qualité des rapports qui se sont établis entre le Gouvernement et la commission des finances. Je constate également, avec satisfaction que l'ensemble des groupes de la majorité plurielle ont été associés à la concertation et ont pu voir aboutir leurs propositions.

Des engagements forts ont été obtenus du Gouvernement sur trois points importants.

Pour lutter contre les mouvements internationaux spéculatifs de capitaux et les paradis fiscaux, le Gouvernement présentera, au printemps prochain, un rapport exposant notamment le programme de la présidence française de l'Union européenne pour faire avancer ce dossier.

S'agissant des stock-options, au cours de la discussion d'un amendement du président de la commission des finances, le Gouvernement s'est engagé à présenter, l'an prochain, un texte sur l'épargne salariale introduisant la transparence et prévoyant une fiscalité proche de l'impôt sur le revenu, applicable sur les revenus perçus à compter du 1er janvier 2000.

Enfin, si les plus-values fiscales résultant de la croissance le permettent, des dispositions seront prises dès le début de l'été prochain pour alléger la taxe d'habitation acquittée par les contribuables au titre de l'année 2000.

Votre commission des finances, à la majorité, invite l'Assemblée à se prononcer favorablement sur la première partie du budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV et certains bancs du groupe communiste).

M. Philippe Auberger - Cette loi de finances serait nous dit-on «la plus transparente» et «la plus sincère». Cela en dit long sur les précédentes (Rires sur les bancs du groupe du RPR).

Mais comment serait-elle sincère alors que les prévisions de recettes sont établies à partir de données aussi sous-évaluées ? Quelle crédibilité apporter à la promesse de diminuer les prélèvements obligatoires alors qu'elle n'a été tenue ni 1998 ni en 1999 ? Ils n'ont jamais été aussi élevés, nous avons le record absolu des grands pays industriels et de la zone euro ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). Les baisses d'impôt promises aux ménages sont-elles suffisantes ("Non!" sur les bancs du groupe du RPR) alors que depuis la gestion socialiste leur charge fiscale a augmenté de 5 000 francs par an !

Un député communiste - Et la gestion Juppé ?

M. Philippe Auberger - Si le Gouvernement a pu négocier une baisse de TVA sur les travaux immobiliers, il a laissé les Portugais obtenir seuls une baisse sur la restauration. Qui peut croire que les allégements différés d'impôt sur le revenu, de taxe d'habitation et de TVA trouveront tous place dans le budget 2001 ? ("Personne !" sur les bancs du groupe du RPR). La majorité cherche-t-elle à se réserver des marges de man_uvre dans la seule perspective des échéances électorales ! (Rires et cris sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

On prétend diminuer la fiscalité sur les entreprises. Mais on multiplie les impôts nouveaux pour financer les 35 heures, au détriment de l'emploi qu'on prétend encourager.

Est-ce par souci de transparence qu'on affiche une augmentation des dépenses de 0,9 % mais qu'on multiplie les fonds extrabudgétaires pour financer les 35 heures par la CMU ? Comment prétendre qu'il s'agit de dépenses de Sécurité sociale alors qu'hier elles figuraient au budget de l'Etat ?

On prétend faire diminuer la dette publique par rapport au PIB. Elle a constamment augmenté sous la gestion socialiste et la diminution prévue de 20 milliards du déficit de l'Etat est manifestement insuffisante. D'ailleurs la Commission et la Banque centrale européenne ne se sont pas privées de nous le faire savoir.

Comment prétendre qu'on réduit les inégalités quand le nombre de titulaires du RMI et des allocations de solidarité ne fait que croître ? Les emplois créés sont précaires, et tout l'argent dépensé à cela en crée très peu.

Enfin, selon le rapport économique, social et financier, la période actuelle d'activité donne la possibilité d'accumuler des réserves pour faire place à un retournement de la conjoncture. Non seulement rien n'est fait dans ce sens, mais on accumule les dépenses nouvelles mal financées qui sont autant de bombes à retardement. Dans ces conditions le groupe RPR votera contre la première partie de la loi de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Christian Cuvilliez - Nous regrettons que depuis le début de la mandature l'architecture générale des budgets soit déterminée par le seul pacte de stabilité européen, au risque de décevoir les attentes de nos concitoyens. Celles-ci s'expriment dans les sondages, et mieux encore dans un mouvement social comme celui du 16 octobre dernier, sans revenir aux élections de 1997 dont notre majorité est issue.

La difficulté de la droite à critiquer ce budget en dit long sur le profil bas qui a été adopté pour l'an 2000. La droite s'est en effet contentée de souligner que, du fait du financement retenu pour les 35 heures, d'importantes questions budgétaires étaient traitées hors de la loi de finances.

Nous nous félicitons que la mobilisation des partenaires sociaux, notamment des syndicats de salariés -car enfin le MEDEF n'était pas seul !-, dont le groupe communiste s'est fait l'écho lors du débat sur les 35 heures et en commission lors de l'examen du projet de financement de la Sécurité sociale, ait amené le Gouvernement à revoir sa copie. Renonçant à solliciter les organismes sociaux pour financer le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, le Gouvernement a proposé d'y affecter de manière pérenne une fraction des droits sur l'alcool, représentant 5,6 milliards. S'il s'agit simplement de transférer cette somme depuis le fonds de solidarité vieillesse, et donc d'amputer ce dernier, cela ne saurait régler la question.

La droite a entonné son leitmotiv contre les dépenses publiques, fustigeant le trop d'impôts, le trop de prélèvements, le trop de déficits... On connaît le morceau, M. Juppé nous l'avait joué. Pourtant, tout comme l'an passé, la plus large part de l'augmentation du budget sera affectée à la résorption du déficit et à l'allégement des prélèvements. Les budgets d'activité ne progresseront que de 0,3 % hors charge de la dette. C'est dire combien les arbitrages seront délicats en deuxième partie. Le budget de la recherche et de l'enseignement supérieur, tout comme celui de la fonction publique d'Etat, sont jugés inacceptables par les intéressés.

Trop peu de nos propositions, visant d'une part à encourager l'investissement et la création d'emplois, d'autre part à freiner la spéculation, ont été prises en compte. Nous proposions de majorer la taxe professionnelle pour les entreprises qui licencient -suivez mon regard jusqu'à Clermont-Ferrand-, de taxer le travail précaire ou encore d'intégrer les actifs financiers à l'assiette de la taxe professionnelle. Aucune de ces mesures n'a été adoptée.

Lors du débat sur le régime scandaleux des stock-options, une partie importante du problème a été éludée. Que représentent les 27 000 détenteurs de stock-options, qui ont entre leurs mains un potentiel de 45 milliards, face aux millions de chômeurs, retraités et érémistes qui réclament légitimement la revalorisation des minima sociaux ?

Les stock-options, dont la valeur dépend exclusivement des cours de la Bourse, dont Jacques Calvet lui-même reconnaît qu'elle s'est transformée en Casino, ne sont pas sans incidences concrètes pour les travailleurs. On ne peut pas favoriser encore les actionnaires au détriment de la vocation d'investissement des entreprises et au risque d'accroître encore le nombre des licenciements et le poids des inégalités.

Sur l'article 10, la droite s'est faite pateline, aimable pour défendre les allégements fiscaux sur les stock-options (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Nous pensons, nous, au contraire, que la rémunération des dirigeants d'entreprise ne doit pas être liée à des spéculations hasardeuses. Nous participerons dans un esprit constructif au groupe de travail sur le sujet. Nous avons noté l'engagement du Gouvernement de traiter des stock-options, et plus généralement de l'épargne salariale, dans le cadre du projet de loi sur les régulations économiques qui sera examiné au premier semestre 2000.

Le texte proposé, sur la base du rapport de MM. Balligand et de Foucauld, doit instaurer la transparence dans la distribution des stock-options ; permettre la mutualisation des fonds ; prévoir la participation des salariés aux décisions des conseils d'administration. Il abordera également la question de la fiscalisation.

Vous n'excluez pas que la fiscalité des stock-options soit modulée selon le montant des plus-values, pouvant aller jusqu'au taux maximal du barème de l'impôt sur le revenu. Mais n'adoptant pas dès cette loi de finances l'amendement Bonrepaux, que nous avons repris et qui prévoyait de taxer plus lourdement les revenus des stock-options, vous avez accordé un sursis supplémentaire à leurs détenteurs.

Dans le débat sur l'épargne salariale, nous resterons attentifs à la retraite par répartition, à tous les dispositifs d'épargne de précaution, hostiles à tout ce qui s'apparente à un « enrichissement sans cause ».

S'agissant de la taxe Tobin, le Gouvernement s'est engagé, suite à un amendement de la commission des finances, à déposer avant le 15 juin 2000 un rapport posant un diagnostic, évaluant les incidences et proposant un programme d'action.

Mais je regrette que nous n'ayons pu adopter dès à présent l'amendement cosigné par 110 d'entre nous. Nous serons très attentifs à son sort ultérieur.

Heureusement, nous avons tout de même obtenu quelques satisfactions dans ce budget ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) comme le maintien du dégrèvement de la taxe d'habitation pour les érémistes trouvant du travail, la baisse de la cotisation minimale de la taxe d'habitation de 1 500 à 1 200 F, l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine de 500 millions et la revalorisation de la compensation de la base salariale de la taxe professionnelle de 2,05 % au lieu de 0,82 %.

Plusieurs amendements ont en outre été adoptés à notre initiative ou à l'initiative conjointe des groupes de la majorité. A la baisse ciblée de la TVA sur les travaux dans les logements, s'ajoutent notamment le relèvement de l'abattement de la taxe sur les salaires de 28 000 à 33 000 francs ; la réduction de 45 à 40 % de l'avoir fiscal sur les dividendes perçus par les filiales ; le plafonnement de la participation publique à 50 % du coût des plans sociaux.

Nous attendons toujours, comme le Gouvernement s'y est engagé, une réforme plus globale de la fiscalité locale. Je souhaite que notre amendement tendant à exonérer de la taxe foncière sur le bâti soit pris en compte pour les érémistes. Je pense aussi qu'il est possible d'aller plus loin dans les baisses ciblées de TVA.

L'impôt sur la fortune ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), qui n'a pas fait l'objet du débat approfondi qui serait pourtant nécessaire, doit être revu. Il faut améliorer son rendement en élargissant son assiette et en réexaminant son barème. Les produits de luxe et les actifs financiers doivent être intégrés à son assiette comme à celle de la taxe professionnelle. Nous regrettons que l'amendement de M. Jean-Pierre Brard n'ait pas été retenu. Mais l'adoption du volet recettes ne clôt pas le débat budgétaire. Des dispositions peuvent encore être prises d'ici la fin décembre.

Au-delà, d'autres grands chantiers vont s'ouvrir comme le contrôle de l'usage des fonds publics, l'octroi de nouveaux droits de contrôle aux salariés, la constitution effective d'un pôle public financier.

C'est en tenant compte des avancées mais aussi de ce qu'il reste à faire pour concrétiser les engagements de la gauche, et avec la volonté de construire qui les animent, que les députés communistes voteront le volet recettes du projet de loi de finances pour l'an 2000 (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Jacques Jegou - Alors que le contexte économique international est euphorique, le Gouvernement risque de faire rater aux Français le rendez-vous de la croissance. La nécessité de financer les 35 heures vous a conduits à présenter un budget démantelé, des plus opaques, dans lequel vous ne proposez, en dépit de la croissance, aucune réforme encourageante pour l'avenir. Les dépenses publiques continuent de croître, tout particulièrement celles liées au fonctionnement de votre administration qui progressent de 1,62 %. La baisse de la TVA sur les travaux dans les logements sera la seule baisse nouvelle pour les Français.

Que vous et votre majorité plurielle n'ayez pas été d'accord sur grand-chose explique sans doute ce manque d'audace. Il a fallu, après la longue suspension de séance lors de l'examen de l'amendement «Jaffré», tout le talent de Dominique Strauss-Kahn pour élever le débat sur l'épargne salariale et nous sortir de la médiocrité dans laquelle les communistes nous avaient enfermés (Exclamations sur les bancs du groupe communiste).

Néanmoins, la grande réforme sur l'épargne salariale a été renvoyée au printemps. En revanche, à l'occasion d'un amendement, un débat s'est engagé sur les bienfaits de la taxe Tobin, qualifiée par vous de symbolique, mais qui nous a tout de même retenus durant deux heures.

Tous ces débats dans le débat ont empêché que celui que nous attendions ait lieu. Vous avez régulièrement botté en touche, Monsieur le secrétaire d'Etat. Vous n'avez pas su rendre des arbitrages clairs à l'intérieur de votre majorité plurielle. Pire, vous avez souvent cédé de la façon la plus contestable aux demandes pressantes des communistes, dont nous avons bien vu qu'ils n'ont pas changé (Exclamations sur les bancs du groupe communiste). Vous avez vraiment manqué votre rendez-vous avec les Français.

Le groupe UDF a toujours milité pour la maîtrise de la dépense publique. Il milite aujourd'hui pour la baisse des charges sociales, comme l'avait fait Jacques Barrot... ("Oh !" sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; "Très bien !"sur les bancs du groupe UDF) à hauteur de 40 milliards dont il avait assuré le financement. Il milite pour la baisse des charges sur les bas salaires, pour pouvoir relever les salaires directs les plus modestes.

Le débat a monté l'incapacité du Gouvernement à se saisir des réformes indispensables. Le budget 2000 ne prépare pas l'avenir des Français. Vous n'avez guère tenu compte des travaux de la MEC.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera contre cette première partie (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jean Rigal - Nous voici à un moment important de la vie parlementaire, qui consacre le principe du consentement du peuple à l'impôt.

Le groupe RCV est favorable à ce projet, d'abord parce qu'il vise à consolider la croissance en stimulant l'activité économique, ensuite parce qu'il permet d'inverser la spirale infernale de la dette publique, enfin parce qu'il poursuit une réforme fiscale orientée vers l'emploi et la justice sociale.

Ce budget repose sur une prévision prudente de croissance, de 2,6 % à 3 %. Comme l'a indiqué, non sans humour, M. le ministre de l'économie, « la prévision est un art difficile, surtout quand on parle de l'avenir...».

Pour 2000, le Gouvernement a choisi de stabiliser en volume les dépenses publiques, d'affecter, grâce aux fruits de la croissance, 39 milliards à des baisses d'impôts et 21 milliards à la réduction du déficit.

S'agissant de la dépense publique, les tenants d'une diminution drastique du rôle de l'Etat font souvent partie de ceux qui réclament plus de crédits lors de l'examen des différents budgets. Les dispositions fiscales en direction des ménages, des PME et des artisans du bâtiment, ainsi que des associations, sont positives. La suppression progressive de la taxe professionnelle sur les salaires se poursuit. Le taux de TVA sur les travaux d'entretien des logements est passé de 20,6 à 5,5 % depuis le 15 septembre. La réduction de TVA sur les services d'aide à la personne est également favorable à l'emploi.

La suppression, dès 2000, du droit de bail pour les locataires payant moins de 3 000 F de loyer par mois augmentent leur pouvoir d'achat et les petits propriétaires-bailleurs seront remboursés du droit de bail pour la période du 1er janvier au 30 septembre 1998. Les droits de mutation sont ramenés à 4,8 % depuis le 15 septembre. Le projet comprend enfin diverses mesures en faveur des petites entreprises, de la fiscalité écologique ainsi qu'un nouveau train de simplifications fiscales dont on ne peut que se réjouir.

Si la discussion parlementaire a permis d'améliorer le dispositif du Gouvernement, de la taxe d'habitation pour les ménages les plus modestes aux dotations de l'Etat aux collectivités locales, plusieurs problèmes importants ne sont pas encore réglés, parmi lesquels la réduction des inégalités, le niveau excessif des prélèvements obligatoires, le taux de TVA sur la restauration traditionnelle, la redevance de l'audiovisuel, la « taxe Tobin » ou le régime des stock-options, qui a choqué nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste). A ce sujet, la rémunération des dirigeants Français de filiales de groupes internationaux fait problème.

Le Gouvernement a pris des engagements sur la réduction des inégalités et sur la diminution des prélèvements obligatoires, qui devront être tenus d'ici la fin de la législature. Nous y veillerons.

Le groupe RCV votera la première partie du budget, en vous assurant de sa vigilante adhésion (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Gilbert Gantier - J'ai l'impression que cette discussion budgétaire a fait tomber les masques. On nous annonçait une gauche moderne, nous avons vu une gauche archaïque, considérant l'entreprise comme un lieu d'exploitation, ravivant le vieux fantôme de la lutte des classes. Nous avons vu aussi une gauche hésitante et divisée.

Malgré ses talents de prestidigitateur, le ministre de l'économie ne parvient plus à convaincre sa propre majorité. Nous avons assisté au psychodrame de l'article 10 sur le stock-options. Il aura fallu une longue suspension de séance pour parvenir à un compromis bancal : l'abandon de l'amendement Bonrepaux contre la promesse d'un durcissement du régime des stock-options. Le Gouvernement a subi le harcèlement permanent d'une partie de sa majorité qui exigeait un virage à gauche toute.

Au total, votre budget manque de transparence et il est dépourvu de ligne directrice. Il traduit l'impasse dans laquelle s'enfonce la majorité. Le Gouvernement ne parvient même pas à tirer les conséquences de la croissance, faute de quoi il perdrait une partie de ses soutiens qui rêvent de protectionnisme, de nationalisations, de dirigisme.

Le budget 2000 n'est pas vertueux. Il laisse filer les dépenses, en dépit des débudgétisations et des transferts de recettes vers des fonds, procédés qui d'ailleurs ne trompent plus personne. Les dépenses continuent d'augmenter, de 1,8 % et non pas de 0,9 % comme le prétend le ministère de l'économie.

Le groupe DL s'est opposé à toutes les augmentations d'impôt que le Gouvernement et la majorité ont décidées finalement.

Nous avons demandé de baisser le taux normal de TVA, comme le permet aujourd'hui la croissance et comme la gauche s'y était engagée en 1997.

Nous avons demandé l'abaissement du taux de TVA sur la restauration : pourquoi ce qui est possible pour les travaux d'entretien ne le serait-il pas aussi pour ce secteur, auquel d'autres pays européens appliquent un taux réduit ? La majorité a également refusé de réformer l'impôt sur le revenu, dont le poids augmentera de 13 milliards l'an prochain, de l'aveu même du Gouvernement.

Celui-ci avait les moyens cette année, grâce à la croissance, de mener une politique de réforme des impôts et des structures de l'Etat. Le grand gaspillage auquel nous assistons rappelle une certaine époque Rocard (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), si bien que la France se singularise en Europe par son immobilisme. Le groupe DL votera contre ce budget, qui est à contre-courant de ses aspirations comme de ce que font nos partenaires (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Louis Idiart - Le contexte économique mondial a permis à notre pays d'enregistrer, grâce aux mesures prises par le Gouvernement, des résultats particulièrement positifs. Ce projet de budget soutient l'emploi et la croissance, et il n'y a que nos collègues de l'opposition pour ne pas vouloir regarder en face cette réalité : un gouvernement qui obtient des succès après le long et difficile parcours qui fut le leur jusqu'à la crucifixion de 1997 ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

Un déficit en diminution, des dépenses maîtrisées et réorientées vers l'emploi, l'éducation et la justice, des mesures de stimulation de la consommation : telles sont les caractéristiques d'un projet dont l'examen a déjà permis des échanges de haute tenue, notamment sur l'imposition des indemnités de départ d'un montant particulièrement élevé, sur celle des stock-options ou sur la taxe Tobin. Qui aurait compris que de tels sujets puissent être débattus au dehors, mais non dans l'hémicycle ? Sur le premier point, l'amendement de François Hollande et du groupe socialiste instaure une juste taxation. Sur le deuxième, l'amendement d'Augustin Bonrepaux et du groupe socialiste a permis d'obtenir du Gouvernement qu'il nous présente au printemps un dispositif applicable à compter du 1er janvier prochain. Sur le dernier, un amendement de Didier Migaud et du groupe socialiste prévoit que le Gouvernement adressera au Parlement un rapport évaluant les pertes de recettes publiques dues à la concurrence fiscale internationale ainsi que l'incidence d'un prélèvement éventuel sur les mouvements de capitaux, et présentant les mesures que proposera la présidence française de l'Union européenne en vue d'une régulation internationale desdits mouvements.

Nous avons également vu aboutir nos demandes de baisse de la TVA : 20 milliards d'allégements bénéficieront aux ménages faisant exécuter des travaux dans leur logement, et l'on peut s'étonner d'entendre l'opposition déplorer la modicité de cette baisse, elle qui nous avait habitués à des hausses autrement plus fortes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Nous souhaitons néanmoins que cette action se poursuive, notamment dans le domaine de la restauration et dans celui des articles pour personnes dépendantes. Ces dernières bénéficient déjà, dès cette année, d'une diminution de la TVA sur les services à domicile et de la taxe sur les salaires due par les associations qui assurent ceux-ci. Le plafond de la taxe d'habitation acquittée par les ménages à très faibles revenus est abaissé de 1500 F à 1200 F, les ex-érémistes continueront d'en être exonérés l'année suivant leur reprise d'emploi et le droit au bail est supprimé pour les loyers de moins de 3000 F par mois. Enfin, à la liste des 48 taxes abrogées s'ajoute le droit de timbre sur les titres de séjour.

Toutes ces mesures, qui tendent à plus de croissance et plus de justice, sont conformes aux engagements que nous avons pris. Nous voterons ce budget, et le Gouvernement peut se prévaloir de la confiance du groupe socialiste (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Président - A la demande du Gouvernement et en application de l'article 44, alinéa 3 de la Constitution, l'Assemblée est appelée à se prononcer par un seul vote sur les amendements ayant fait l'objet de la seconde délibération, ainsi que sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2000.

A la majorité de 311 voix, contre 251 sur 562 votants et 562 suffrages exprimés, l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances est adopté.

La séance, suspendue à 17 heures 10, est reprise à 17 heures 15, sous la présidence de M. Ollier, vice-président.

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

Top Of Page

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Arnaud Montebourg - Pendant les questions au Gouvernement, M. Albertini, interrogeant le Garde des Sceaux sur la réforme des tribunaux de commerce...

M. le Président - S'il s'agit, non d'un rappel au Règlement, mais d'un fait personnel, je vous donnerai la parole en fin de séance, conformément à l'article 58 de notre Règlement.

M. Arnaud Montebourg - Le président Fabius, sur le fondement de l'article 58-4 de notre Règlement, a renvoyé mon intervention à la reprise de séance.

M. le Président - Comme je suis favorable au respect total du Règlement, je vous invite à la brièveté.

M. Arnaud Montebourg - En posant sa question, M. Albertini a cru bon de me qualifier d'esbroufeur en se référant aux constatations sévères que la commission d'enquête, dont j'étais le rapporteur, a faites sur ces juridictions commerciales. Les propositions de réforme des tribunaux de commerce qu'elle a formulées ont été approuvées par Mme Guigou ainsi que par tous les députés de la majorité, par l'inspection générale des services judiciaires et par l'inspection générale des finances. Il n'y a nulle esbroufe dans ces constatations, qui reflètent le désespoir de dizaines de milliers de justiciables.

M. Albertini m'a indiqué, par lettre, qu'il n'avait aucunement l'intention de m'apostropher dans l'hémicycle et qu'il retirait volontiers le mot « esbroufeur », si je le jugeais offensant. Je l'en remercie car je le trouve, sinon offensant, du moins désobligeant.

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000

L'ordre du jour appelle la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je vous présente, pour la troisième année consécutive, la loi de financement de la sécurité sociale. L'objectif reste toujours le même : garantir la pérennité de notre système de sécurité sociale dans la droite ligne de la déclaration de politique générale de Lionel Jospin. Nous voulons équilibrer les comptes de la Sécurité sociale pour garantir l'égal accès de nos concitoyens à des soins de qualité et pour assurer la pérennité d'une protection sociale toujours plus efficace et plus juste. C'est la condition pour continuer à améliorer certains remboursements et pour ne pas laisser le déficit chronique remettre en question les fondements mêmes de notre protection sociale.

Du reste, l'ordonnance de 1945 dit que la sécurité sociale est la garantie donnée à chacun, en toutes circonstances, de disposer des moyens nécessaires à la subsistance et à celle de sa famille dans des conditions décentes. Pourtant, nombreux sont ceux qui restent au bord du chemin.

Nous devons aussi anticiper l'avenir et les évolutions démographiques. Le vieillissement de la population et une meilleure prise en charge des handicaps provoquent un accroissement de la demande de soins, qui impose d'améliorer l'offre.

Nous devons donc réagir pour réduire le coût d'un déficit inhibant. C'est un impératif social. Nous avons donc entrepris de redresser les comptes sociaux et nous enregistrons déjà les effets des efforts consentis. En 1999, le régime général sera proche de l'équilibre, avec un déficit de l'ordre de 4 milliards, soit 0,3 % des dépenses du régime général, ou encore 1,5 % de l'ensemble des déficits publics. Le résultat de 1999 confirme le redressement du régime général et ce sont là les chiffres de la commission des comptes. Nous sommes ainsi passés de 54 milliards de déficit en 1996 à 4 milliards aujourd'hui.

Plusieurs raisons expliquent cette réduction du déficit. Tout d'abord, la bonne tenue des recettes, grâce à la croissance, laquelle est due en partie à la confiance retrouvée et à la relance de la consommation par des mesures gouvernementales. La baisse du chômage et le retour à l'emploi -750 000 emplois supplémentaires, 350 000 chômeurs en moins- ont procuré des cotisations supplémentaires. La réforme du financement de la Sécurité sociale entreprise il y a deux ans, qui a consisté à basculer une partie des cotisations salariales vers la CSG a également gonflé les recettes. L'élargissement des prélèvements sur le patrimoine dans un souci de justice sociale a rapporté deux milliards de plus que prévu.

Ensuite, la baisse du déficit s'explique par nos mesures correctrices. Certaines professions se sont écartées des objectifs qui leur avaient été fixés et nous avons dû intervenir, car l'ordonnance de M. Juppé paralysait la CNAM en l'absence de convention avec les professionnels. Aussi avons-nous pris, dès le milieu de l'année 1998, des mesures qui ont donné lieu, dans presque tous les cas, à des accords avec les professions concernées, en particulier avec les radiologues et les laboratoires. Pour ce qui est des pharmaciens, nous avons signé, avec l'ensemble des organisations, des accords reconnaissant les pharmaciens comme de vrais acteurs du système de soins.

Enfin, les réformes structurelles que nous avons entreprises commencent à porter leurs fruits, qu'il s'agisse de la recomposition hospitalière ou de l'ambitieuse politique des médicaments que nous avons menée.

Certes, la branche maladie reste déficitaire de 12 milliards, ainsi que nous l'avions prévu en mai dernier...

M. Yves Bur - 50 milliards en deux ans !

Mme la Ministre - ...mais les résultats sont bien là. En 2000, le régime général devrait dégager un excédent d'environ 2 milliards compte tenu des mesures proposées dans le présent projet de loi. Pour la première fois depuis quatorze ans, le régime général sera en excédent ; autrement dit, nous avons opéré un redressement des comptes de près de 40 milliards en trois ans. Il faut comparer 18 milliards de déficit cumulé sur trois ans aux 266 milliards des gouvernements qui nous ont précédés entre 1993 et 1997 !

Nous devons tous nous réjouir de ces résultats et prévisions, car nous avons tous intérêt à ce que la Sécurité sociale sorte de la zone rouge pour pouvoir mener une politique de santé publique et une politique familiale ambitieuses.

Nous devons cependant poursuivre avec détermination les réformes de structure. La pérennité de notre système de protection sociale est à ce prix. La qualité des soins et la maîtrise des dépenses de santé sont non seulement indispensables mais aussi complémentaires. Nous avons entrepris une rénovation profonde du cadre conventionnel qui régit les relations entre les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé. Une étape décisive sera franchie avec l'adoption du présent projet.

Ils s'agit de placer la régulation des dépenses de médecine ambulatoire sous l'entière responsabilité des caisses et des professionnels de santé, à charge pour eux de prendre ensemble les mesures nécessaires au respect de l'objectif de dépenses. Cette orientation est conforme aux propositions de la CNAM et aussi de plusieurs d'entre vous, notamment M. Claude Evin et Monsieur le président de la commission des affaires sociales, Jean Le Garrec.

La CNAM et les autres caisses gèreront donc une enveloppe couvrant l'ensemble des honoraires des professionnels de santé, en recourant à la négociation, en revoyant la nomenclature et la cotation des actes, en évaluant mieux les pratiques. C'est une avancée essentielle qui remettra les partenaires du système de santé au c_ur même de l'évolution de la protection sociale et réalisera enfin la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Le mécanisme de reversement qui avait été imposé aux médecins n'a reçu l'aval ni du Conseil d'Etat ni du Conseil constitutionnel ; il n'est d'ailleurs pas aussi efficace que la clause de sauvegarde mise en place en 1998 avec l'industrie pharmaceutique. Nous proposons donc d'abroger ce mécanisme, en donnant à la CNAM la possibilité de développer les incitations à un bon usage des prescriptions.

En ce qui concerne le médicament, la politique menée depuis deux ans tend à renforcer la sécurité sanitaire et à améliorer l'accès au médicament -je pense à l'instauration de la CMU, mais aussi à la mise à disposition des hôpitaux d'innovations thérapeutiques majeures avant l'autorisation de mise sur le marché, au développement de la lutte contre la douleur et de la contraception d'urgence, à la mise en disposition en ville de certains médicaments réservés aux maladies graves, etc.

Le Gouvernement a également engagé d'importantes réformes pour favoriser la recherche.

De façon à permettre une meilleure utilisation des ressources, notre politique du médicament va se poursuivre autour de trois axes. Le premier est le développement du médicament générique : le droit de substitution a été accordé aux pharmaciens, avec un nouveau mode de rémunération, et les premiers résultats sont prometteurs.

Deuxième axe, la réévaluation des médicaments et de leur remboursement en fonction de leur utilité réelle. Pour une même molécule produite par des laboratoires différents, le prix varie actuellement de un à trois ! Ces tarifs ont été fixés par négociation bilatérale entre le laboratoire et l'Etat. Il faut instaurer plus de transparence et parvenir au juste prix, ce qui implique d'en réduire certains, mais aussi de mieux rémunérer les médicaments réellement innovants. Un décret en Conseil d'Etat fixant les nouvelles règles va être publié dans quelques jours. D'ores et déjà la commission de la transparence a analysé 1 100 spécialités et les décisions définitives seront prises en novembre.

Nous souhaitons continuer à développer la démarche conventionnelle, avec l'industrie pharmaceutique et avec chaque laboratoire.

Le travail de réévaluation réalisé sur les médicaments va être étendu aux pansements, prothèses et accessoires -avec toujours pour objectif de payer le juste prix.

Pour l'hôpital, notre priorité est de remettre le malade au centre du système. L'ouverture de l'hôpital sur l'extérieur, la lutte contre la douleur, l'attention portée aux personnes âgées, la lutte contre les dangers de l'alcoolisme et du tabagisme notamment chez les jeunes, l'accompagnement des mourants, mais également le renforcement de la sécurité sanitaire et de la qualité par l'accréditation, la poursuite de l'effort de réduction des inégalités entre régions, constituent autant de volets de l'action publique concourant à la réalisation de cet objectif ambitieux.

Notre politique s'organise autour de trois axes majeurs.

Pour promouvoir la qualité des soins, un processus d'accréditation a été mis en place par l'ANAES et 200 établissements en bénéficieront d'ici la fin de l'année. Les commissions de conciliation dans les établissements de santé se généralisent et les associations d'usagers s'impliquent de plus en plus.

Notre deuxième objectif est de réduire les inégalités dans l'accès aux soins : vont dans ce sens la création de la CMU, l'installation de permanences d'accès aux soins de santé pour accueillir les plus démunis -200 fonctionneront d'ici fin décembre- et la réduction des inégalités entre régions par une allocation différenciée des ressources selon des critères sanitaires, démographiques et économiques. Les dotations régionalisées ont été rendues publiques aujourd'hui : le taux d'augmentation varie de 1,25 % pour l'Ile-de-France à 3,80 % pour la Picardie...

Mme Odette Grzegrzulka - Qui en a bien besoin !

Plusieurs députés socialistes - L'Ile-de-France aussi...

Mme la Ministre - A vrai dire, au sein même de l'Ile-de-France, il y a de grandes inégalités, et l'ARH les prendra en compte dans la répartition de la dotation.

Troisième objectif, l'adaptation de l'offre de soins aux besoins a impliqué la révision des SROS, qui s'achève actuellement. Au-delà des priorités nationales -services d'urgences, de périnatalité et de cancérologie-, ces schémas régionaux ont retenu diverses priorités, comme la lutte contre la douleur, les programmes contre l'alcoolisme, le traitement de l'insuffisance rénale chronique, etc. Dans beaucoup de domaines, les réseaux entre établissements se développent.

En ce qui concerne les cliniques privées, ce texte propose une réforme du système de tarification, fondée sur la contractualisation et sur une meilleure prise en compte de l'activité médicale. Au niveau national, un accord fixera le taux moyen d'évolution des tarifs des cliniques. Au niveau régional les ARH et les syndicats signataires en préciseront les règles de modulation. Ainsi l'hôpital et la clinique avanceront d'un même pas, sachant que l'hôpital assume des missions spécifiques.

Rarement notre système de santé aura été autant modernisé en moins de deux ans. Le débat sur le financement de la Sécurité sociale est un aspect positif du plan Juppé. Mais il me laisse un sentiment d'inachevé ; car on ne peut y parler que des mesures ayant une incidence financière et non de l'essentiel, c'est-à-dire de la politique de santé publique.

Or notre système de santé a besoin d'être parfaitement rénové. Les états généraux de la santé que nous avons organisés avec Bernard Kouchner ont montré combien les attentes étaient fortes.

Le Gouvernement a donc décidé de présenter au début de l'année prochaine un projet de loi consacré à la santé et aux droits des malades, qui sera organisé autour de trois grands axes.

Le premier porte sur la démocratie sanitaire. Nous envisageons un débat au Parlement chaque année avant l'été, afin de définir les priorités à retenir dans la loi de financement.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse - Très bien !

Mme la Ministre - C'est d'autant plus nécessaire que si nous dégageons des excédents, il faudra faire des choix. Je souhaite ainsi qu'on rembourse mieux la dentisterie et l'optique. Que met-on de côté pour la retraite ? Comment toucher des catégories éloignées des soins, prendre en compte les maladies de dégénérescence de la vieillesse ? Il faut en débattre démocratiquement au Parlement. En amont, il serait souhaitable que la conférence nationale et les conférences régionales de santé fassent des propositions.

Faire progresser la démocratie sanitaire, c'est aussi régionaliser le système de santé plus que ce n'est le cas. Nous avons essayé de développer les unions régionales de médecins et développé les pouvoirs des ARH. Mais il faudra aller vers une régionalisation plus poussée et c'est à ce niveau que les réseaux peuvent exister.

Enfin, Dominique Gillot et moi-même sommes particulièrement attachés à ce que l'on réaffirme, complète et adapte les droits des malades, qui doivent aussi conquérir le droit à la parole et à la dignité.

Outre la démocratie sanitaire, le projet comprendra des dispositions relatives à la réforme des études médicales annoncée par le Premier ministre et à la rectification du cadre de la prévention.

M. Yves Bur - Enfin !

Mme la Ministre - La prévention doit devenir un axe majeur de la politique de santé.

Par ailleurs, certaines dispositions concerneront la qualité des soins : développement des réseaux, fixation de normes sanitaires, développement des référentiels de bonnes pratiques, adaptation des systèmes d'information.

Un troisième volet sera consacré à la modernisation de l'assurance maladie, pour tirer les conséquences des débats ouverts depuis deux ans dans les lois de financement de la Sécurité sociale. Aussi, nous rénoverons les conditions d'exercice de la médecine de ville.

Enfin, des dispositions concerneront les caisses.

Ce projet nous donnera donc l'occasion d'un débat général sur l'avenir du système de santé, dans le prolongement naturel des discussions ouvertes lors des états généraux.

J'en viens aux retraites. Le Premier ministre a souhaité annoncer la réforme en début d'année et la concertation est en cours. Nous voulons en premier lieu conforter les régimes par répartition, garants de la justice sociale. Mais les Français attendent plus. Concernant aussi la place des personnes âgées, l'UNESCO leur a consacré une année internationale et nous avons mis en place des groupes de travail. Sur la dépendance, malgré les décrets qui vont sortir pour appliquer la PSD et certaines mesures du DMOS, notre action n'est pas à la hauteur des besoins. Il faut reprendre la réflexion autour du niveau de dépendance et de la dépendance financière. Comme le propose Mme Guinchard-Kunstler dans son rapport, nous allons expérimenter dès cette année la coordination gérontologique autour de la personne âgée.

M. Yves Bur - C'est compliqué.

Mme la Ministre - Oui, mais il faut le faire. Comme à Strasbourg ou à Lunel, Etat, collectivités, prestataires de services doivent s'entendre pour donner le choix à la personne âgée, au lieu de mener des guerres de tranchée. La décentralisation ne sera efficace qui si nous parvenons à travailler ensemble, et je ne cesse de le dire aux communes et aux conseils généraux.

Le Gouvernement a aussi décidé une revalorisation de 0,5 % des retraites au 1er janvier 2000, ce qui aboutira à une augmentation de pouvoir d'achat de 1 % en deux ans.

Pour la reconnaissance des maladies professionnelles, la situation s'est considérablement améliorée. Les délais de prescriptions ont été modifiés, les dossiers des victimes de l'amiante légitimement réouverts, le barème d'invalidité est devenu opposable, cinq nouveaux tableaux ont été créés dont celui des lombalgies et des dorsalgies graves, des délais stricts de réponse ont été fixés aux caisses.

Nous avons ouvert une possibilité de cessation anticipée d'activité pour les salariés travaillant à la fabrication de l'amiante ; nous avons décidé d'étendre cette mesure aux salariés des entreprises de flocage et de calorifugeage, aux secteurs de la construction et de la réparation navale et aux dockers ayant travaillé dans des ports où transitait l'amiante.

Nous avons travaillé avec les organisations patronales et les syndicats pour définir les entreprises concernées.

Nous poursuivons aussi la rénovation de la politique familiale, qui doit beaucoup à la concertation dont Mme Gillot était chargée. Les deux conférences sur la famille ont permis de réaffirmer son rôle dans notre société. Celle du 7 juillet 1999 a retenu plusieurs axes.

Il s'agit de mieux aider les familles à prendre en charge les jeunes adultes en relevant à 21 ans l'âge limite pris en compte pour le calcul des allocations logement et le versement du complément familial ; de conforter les parents dans leur rôle éducatif. La délégation interministérielle à la famille a commencé à mettre en place des structures d'accueil pour les y aider.

Il s'agit aussi de permettre une meilleure articulation entre vie familiale et vie professionnelle -nous nous en sommes souciés avec Mme Génisson dans la loi sur les 35 heures.

Pour la prochaine conférence, nous avons retenu comme axes de travail la simplification et l'amélioration des aides au logement et les modes de garde.

Comme les retraites, les prestations familiales seront majorées de 0,5 %. Ce projet garantit la pérennité des ressources consacrées à la politique familiale. Du déficit de 14,5 milliards en 1997, la branche famille est passée à un léger excédent en 1999 et 2000.

Nous travaillons enfin à la réforme du financement de la protection sociale. Après la réforme des cotisations des salariés il y a 2 ans, le Gouvernement a entrepris celle des cotisations patronales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - C'est un point clé.

Mme la Ministre - En effet. Nous voulions élargir l'assiette des cotisations patronales à d'autres éléments que les salaires. Pour la première fois, nous l'avons fait, en y incluant la taxe sur les bénéfices et la TGAP.

L'exonération des charges patronales assortie d'une obligation de créations d'emplois en contrepartie permettra aux entreprises de main-d'_uvre de mieux résister à la concurrence internationale et aux entreprises de service, aux commerces ainsi qu'aux entreprises artisanales de créer davantage encore d'emplois, chacun en convient ici.

En proposant un allégement des charges pour les salaires allant jusqu'à 1,8 fois le SMIC, nous évitons l'un des inconvénients de la ristourne Juppé qui était de créer une trappe à bas salaires. Comme nous avons souhaité que cet allégement des charges s'accompagne en contrepartie de créations d'emploi, nous avons lié cette réforme à celle des 35 heures. Le coût total sur 5 ans sera de 105 milliards dont 65 milliards au titre de la baisse des charges proprement dit et 40 milliards au titre des aides structurelles au passage à 35 heures.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure en réponse à une question d'actualité, le coût d'un emploi créé grâce à la réduction du temps de travail à 35 heures variera selon les entreprises de 55 000 à 75 000 F. C'est de toutes les mesures visant à favoriser l'emploi prises ces dernières années, par la droite comme par la gauche, la moins coûteuse. Il n'est que de comparer son coût à celui des CIE, des CES et même des emplois-jeunes qui, avec 94 000 F par emploi créé, étaient jusqu'à présent les moins coûteux.

Nous avions demandé aux partenaires sociaux de faire participer l'UNEDIC et les organismes de protection sociale au financement de ces 40 milliards. Nous ne jugions pas anormal, dès lors que des contreparties étaient exigées en matière d'emploi, d'activer ainsi les dépenses passives du chômage, d'autant que cette activation est, d'une manière générale, défendue par certaines organisation syndicales et que c'est bien elle qui a présidé à la mise en place de l'ARPE et des conventions de coopération.

M. Jean-Luc Préel - Le problème, c'est qu'ici le lien n'est pas évident.

Mme la Ministre - En tout cas, beaucoup plus que pour la ristourne dégressive qui a coûté 40 milliards sans que l'on ait jamais pu évaluer la contrepartie.

Lors du débat sur les 35 heures, notamment à l'occasion de l'examen d'un amendement de M. Gremetz, j'ai annoncé que le Gouvernement présenterait chaque année au Parlement un bilan des créations d'emplois liées à l'allégement des charges et à la réduction du temps de travail.

Les partenaires sociaux refusant que l'on mette à contribution l'UNEDIC et les organismes de protection sociale, nous avons été amenés à revoir ce mode de financement sans bien sûr remettre en question nos objectifs et par exemple modifier la loi sur les 35 heures. Nous avons décidé que la contribution sur les heures supplémentaires versée par les entreprises n'ayant pas signé d'accord sur les 35 heures, qui rapportera sept milliards, alimentera le fonds. Cet argent n'est pas prix aux salariés, comme certains en ont exprimé la crainte, car pourquoi un salarié resté à 39 heures verrait-il soudain sa rémunération progresser de 10 % alors que rien dans l'aménagement de son temps de travail n'aurait changé ? En outre, 5,6 milliards seront prélevés sur le produit des droits sur l'alcool qui alimentent aujourd'hui le fonds de solidarité vieillesse. Ce dernier, en effet, enregistrera un excédent de 11 à 12 milliards l'an prochain et les droits sur l'alcool rapportent chaque année à peu près le même montant, si bien qu'ils pourraient financer de manière pérenne la baisse des charges sociales en lieu et place de ce qui était demandé aux organismes sociaux.

M. Jean Bardet - Il faut encourager l'alcoolisme !

Mme la Ministre - Il n'est pas anormal d'utiliser ainsi le produit de la taxe sur les alcools, dont on sait combien ils nuisent à la santé.

Notre réforme est donc bien financée non seulement pour 2000 mais aussi pour les années suivantes. Manquent seulement 15 milliards à l'horizon de cinq ans. Lorsque j'ai pris mes fonctions, il manquait sept milliards pour financer la ristourne Juppé sur la seule année 1997.

Comme je l'avais dit devant la commission, le Gouvernement était tout à fait prêt à négocier. Il faut savoir changer lorsqu'on n'est pas suivi. Pour ma part, je n'y vois aucune objection dès lors que les principes et les objectifs ne sont pas remis en question. Et je me réjouis que les organisations syndicales aient souhaité que s'engage une négociation sur l'indemnisation de l'UNEDIC et la clarification de ses relations avec l'Etat.

Dans ce troisième projet de loi de financement de la Sécurité sociale que j'ai l'honneur de présenter devant vous, un nouveau train de réformes complète celles engagées depuis deux ans. Aucune branche de la Sécurité sociale n'a été oubliée. Toutes font l'objet d'une politique ambitieuse aux desseins clairs : assurer à notre pays un système de protection sociale fondé sur la justice sociale, l'égalité des droits et la solidarité entre les individus et les générations. Chacun peut librement s'associer à ce projet.

J'aspire à un débat débarrassé des figures tactiques et politiciennes. Ce texte est sans doute perfectible même si nous nous sommes largement inspirés des travaux de la commission. Le Gouvernement est prêt à l'enrichir. Au Parlement de jouer son rôle.

Parler de la Sécurité sociale, c'est parler d'un édifice formidable que bien des pays nous envient. C'est aussi parler du droit à l'avenir pour tous. Car souvenons-nous en, sans la Sécurité sociale l'avenir cesserait d'être un droit pour tous, pour n'être que le privilège de quelques uns. La Sécurité sociale reste une belle ambition pour le XXIeme siècle. Je vous propose que nous en consolidions les fondements et que nous en améliorions le fonctionnement à l'occasion de l'examen de ce texte. Je compte sur vous pour m'aider dans cette tâche (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Parler de la Sécurité sociale , c'est aussi parler de santé publique et de la politique de la santé.

Nous poursuivons en ce domaine quatre objectifs principaux : assurer l'égalité d'accès de tous aux soins ; réduire les inégalités devant la maladie ou sa prise en charge ; garantir la qualité des soins ; assurer le respect de l'homme au sein du système de santé.

L'assurance maladie finance à hauteur de 42 milliards les structures sociales et médico-sociales. Il faut adapter quantitativement et qualitativement les réponses aux besoins des personnes âgées, notamment dépendantes, et des personnes handicapées. Le devoir de solidarité nous impose d'agir dans la durée.

L'égalité d'accès aux soins est une priorité pour le Gouvernement. Les disparités qui existent entre régions ou catégories socio-professionnelles sont choquantes. Une partie de ces disparités tient aussi aux comportements individuels -alcoolisme, tabagisme, conduite routière dangereuse. Mais ce n'est pas là une fatalité. Il faut dresser un état des lieux précis afin de mieux répartir les moyens.

La création de l'Institut de veille sanitaire d'une part, de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques d'autre part, représentent des avancées importantes. Dès l'année prochaine, des moyens supplémentaires leur seront consacrés afin de développer de nouveaux domaines de surveillance : pathologies liées au travail, maladies chroniques, accidents de la vie quotidienne, déterminants de santé.

Il faut permettre à tous nos concitoyens d'accéder à des soins de qualité. La mise en place de la CMU qui concerne 6 millions de nos concitoyens y contribuera.

Il faut parallèlement garantir partout des soins de qualité. L'accréditation et l'évaluation qui relève, elle, des établissements, y tendront.

Renforcer les actions de prévention et de promotion de la santé contribue aussi à diminuer les risques. La consommation excessive d'alcool et de tabac, les accidents et les suicides expliquent pour une large part la surmortalité prématurée qui caractérise notre pays. Nous avons développé d'importants programmes de prévention des conduites addictives, en particulier en direction des jeunes. Nous voulons également mieux prendre en charge les personnes souffrant de maladies chroniques. Le diabète et l'asthme feront l'objet l'an prochain d'expérimentations locales.

La diminution du nombre de grossesses non désirées et le renforcement de la contraception bénéficient d'un plan national d'information et d'action.

Le suicide est encore la cause de trop de morts évitables. Aussi le programme national de prévention, qui s'étend de 1998 à 2000, sera-t-il poursuivi, l'objectif étant de passer sous la barre des 10 000 morts annuelles dues au suicide.

Enfin, la politique de nutrition demeure en jachère. 13 % des jeunes français de 12 à 19 ans seraient obèses. Je souhaite que les problèmes de nutrition soient traités avec une attention particulière au niveau européen durant la présidence française.

Il nous faut encore renforcer la lutte contre le cancer. Désormais, les examens de dépistage sont pris en charge à 100 %. Le comité national de prévention a été installé en décembre dernier. La qualité des soins en cancérologie sera améliorée.

Nous menons une vigoureuse action de lutte contre les maladies transmissibles, en particulier contre le VIH-sida avec la mise à disposition précoce de nouveaux médicaments et de nouveaux tests. Les missions des centres de dépistage anonyme et gratuit ont été étendues aux hépatites B et C et aux maladies sexuellement transmissibles. A partir de l'an prochain ce dépistage sera entièrement pris en charge par l'assurance maladie. L'hépatite C fait désormais l'objet d'un ambitieux programme de dépistage. D'ici 2002, 75 % des personnes porteuses du VHC devraient connaître leur état sérologique.

Je souhaite redéfinir le champ de la santé mentale. Notre pays devrait intégrer à tout moment de l'offre de soins celle qui la concerne. Chaque année, plus d'un million de personnes recourent aux services de psychiatrie publique, plus de 350 000 enfants sont suivis annuellement par les services de psychiatrie infanto-juvéniles, et 30 % des consultations d'urgence à l'hôpital sont motivés par des problèmes de santé mentale. Mais nous subissons une désaffection des psychiatres envers le service de psychiatrie public. Une concertation sur ce sujet est en cours.

La sécurité sanitaire demeure une priorité du Gouvernement. Nous devons continuer à mettre en _uvre les dispositions de la loi du 1er juillet 1998. Les trois organismes de sécurité sanitaire qu'elle a créés sont désormais opérationnels. La réorganisation de la transfusion sanguine est en cours. L'agence française du sang fera place au 1er janvier 2000 au nouvel établissement français du sang. Enfin, la création d'une agence santé-environnement doit permettre de mieux connaître l'impact sur la santé des perturbations de l'environnement.

Le nombre des personnes âgées dépendantes tend à s'accroître. Aussi 2 000 places de soins infirmiers à domicile et 7 000 lits de cure médicale ont été financés l'an passé ; cet effort continuera l'an prochain.

Pour les 3 millions de personnes handicapées, nous travaillons dans le cadre de la loi d'orientation du 30 juin 1975. Il s'agit de favoriser l'intégration des handicapés dans le milieu de vie ordinaire, et d'améliorer la prise en charge des handicapés les plus lourds. C'est à quoi nous nous employons.

Voilà pour le secteur de santé publique et d'action sociale dont j'ai la responsabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l'équilibre général - Je me souviens de ces années noires où les déficits s'accumulaient au point que l'on pouvait craindre pour la pérennité de notre protection sociale. Heureusement arriva...

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance vieillesse - Zorro !

M. Alfred Recours, rapporteur - ...la dissolution ! Alors les déficits, depuis lors, sont passés de 50 milliards à 4 milliards. Quand ils atteignaient de tels sommets, il fallait dérembourser les médicaments, augmenter les cotisations en rafales. Quand la situation est meilleure, on peut chipoter pour 4 ou 5 milliards, et c'est bien ce qui va se produire.

C'est que la croissance est passée par là, dont une part ne relève pas de la décision politique. Encore faut-il nuancer.

Après tout, sur un terrain de football, seuls les bons gardiens de but ou les bons buteurs peuvent avoir de la chance. Les mauvais n'en ont jamais. La chance est du côté de ceux qui gagnent, et cela vaut aussi pour vous, Madame la ministre.

Une part de la croissance est imputable aux mesures prises par le Gouvernement. Cela est particulièrement vrai pour la construction et le logement, dont les activités ont redémarré, produisant un supplément de recettes qui profitent à la protection sociale. Vous pouvez ainsi fixer à 2,5 % l'augmentation de l'ONDAM, une progression calculée sur des résultats réellement constatés et non sur des prévisions précédentes. Cette hausse contribue à améliorer la qualité des soins dispensés à nos concitoyens.

Depuis quelques temps, on agite des questions prétendument liées à la réduction de la durée du travail. Or qu'avons-nous fait ensemble depuis deux ans et demi ?

Mme la Ministre - Tant de choses !

M. Alfred Recours, rapporteur - Nous avons réformé le système des cotisations salariales, en basculant les cotisations d'assurance maladie sur la CSG, ce qui permet à la fois d'abonder les recettes et de faire cotiser des revenus patrimoniaux et financiers qui ne contribuaient pas jusque là (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Au passage, les salariés ont engrangé 1,1 % de pouvoir d'achat supplémentaire, ce qui n'a fait que conforter la relance, la croissance et le sentiment de confiance dans l'avenir.

Nous réclamions depuis longtemps une réforme des cotisations patronales, et nous étions un peu déçus, l'an dernier, de ne pas l'avoir. Eh bien, cette année, nous l'avons, et la discussion ne porte guère que sur 5 ou 6 milliards que je qualifierai de résiduels. Ce qui faisait problème n'était pas le financement de la réduction du temps de travail, mais celle de la réforme des cotisations. Personnellement, j'aurais préféré qu'on retienne la valeur ajoutée parmi les critères, mais le dispositif proposé constitue déjà un élargissement qui va bien au-delà de la masse salariale, puisqu'il instaure une contribution sur les bénéfices des entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 50 millions, ainsi que cette fameuse TGAP, dont je me suis demandé, au début, ce qu'elle venait faire là... (Sourires)

M. Jean-Luc Préel - Nous aussi !

M. le Président de la commission - Mais lui, il a fini par comprendre !

M. Alfred Recours, rapporteur - C'est un inventaire à la Prévert, certes, mais ne sommes-nous pas, entre autres choses, la commission des affaires culturelles ? (Rires sur divers bancs)

Bref, le financement est là, même s'il a vocation à s'élargir pour mieux garantir notre protection sociale. Je passe sur divers points auxquels je reviendrai dans la discussion des articles, et conclurai d'un mot : vous avez fait la démonstration ces derniers jours, Madame la ministre, que l'on ne force pas à boire un âne qui n'a pas soif -je veux parler, bien entendu, du baron, auquel je n'entends nullement faire injure, car l'âne est un animal têtu mais intelligent (Sourires), son nom n'est-il pas, au reste, l'anagramme d'une haute école bien connue de vous comme de lui ? (Rires) Le MEDEF a fait, en vérité, un choix stratégique : celui de devenir un lobby à l'américaine, tournant le dos au paritarisme contre l'avis de dizaines de milliers de ses mandants qui, eux, s'y reconnaissent ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste), et cherchant à faire accroire que c'est le Gouvernement qui le remet en cause. En ce qui me concerne, je n'ai nullement l'intention, moi non plus, de faire boire un âne qui n'a pas soif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Asinus asinum fricat, mon cher collègue... (Sourires)

Mme Odette Grzegrzulka - Verba volant, scripta manent ! (Mêmes mouvements)

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance maladie et les accidents du travail - L'année en cours a été marquée par plusieurs débats sur le financement de notre système de santé. La CNAM a pris très tôt l'initiative, parfois de façon excessive mais avec un réel souci d'accroître ses responsabilités dans la gestion du financement des soins. D'autres organismes ou institutions ont formulé leurs propres réflexions, comme le conseil national de l'Ordre des médecins ou la Fédération hospitalière de France. Ces diverses interventions illustrent la nécessité de poursuivre les réformes engagées ces dix dernières années par les gouvernements successifs, et c'est précisément pour y contribuer que plusieurs membres de la commission des affaires culturelles et moi-même avons suggéré, cet été, dix orientations dont certaines, ayant une incidence financière, ont été reprises par le Gouvernement dans le présent projet, tandis que celles relatives à l'organisation de notre système de santé feront l'objet d'un autre texte dans les prochains mois.

La maîtrise des dépenses de santé, gage d'un meilleur remboursement, reste une préoccupation non totalement satisfaite. Si les dépenses des établissements publics se rapprochent de l'objectif fixé, un effort reste à faire pour le privé. Depuis l'an dernier, des conventions ont été passées avec le comité économique du médicament, mais il est trop tôt pour en dresser le bilan, même s'il semble apparaître un léger infléchissement de la courbe des dépenses. C'est la médecine de ville, en définitive, qui doit faire l'objet de notre attention la plus soutenue. Les chiffres de 1999 indiquent une nette décélération des honoraires, grâce aux accords conclus avec certaines professions par le Gouvernement, en lieu et place des partenaires conventionnels -mode de fonctionnement qui, soit dit en passant, ne peut continuer.

Force est de constater, en effet, la situation de blocage dans laquelle se trouve notre système conventionnel : la convention avec les généralistes se heurte à des difficultés de mise en _uvre, et les spécialistes sont régis par un règlement minimal fixé par l'Etat. Certes, les assurés continuent d'être soignés et remboursés, mais on ne peut se satisfaire d'une telle situation. C'est pourquoi le Gouvernement nous propose de modifier le cadre législatif régissant les relations entre les caisses et les professionnels de santé, afin qu'ils puissent négocier directement, au début de chaque année, les objectifs de dépenses et les tarifs pour chaque profession.

Il s'agit bien de donner plus de responsabilités à l'assurance maladie, d'où mon étonnement devant l'interview accordée par le président de la CNAM à un quotidien paru cet après-midi. Ou il n'a pas lu le projet de loi, ce qui peut arriver, ou il refuse en fait de prendre ses responsabilités et veut faire porter au Gouvernement et à sa majorité celle du dérapage des dépenses de la médecine de ville. Il ne figure nulle part dans le projet qu'il faille modifier les tarifs de consultation tous les quatre mois, mais simplement que la CNAM fasse régulièrement le point de l'évolution de l'enveloppe, le Parlement ne pouvant se contenter d'un état annuel pour préparer l'examen du projet de loi de financement et suivre son exécution.

«Depuis que les parlementaires discutent du budget de la Sécurité sociale, les dépenses de santé ont augmenté de 56 milliards de francs. Pour quel bénéfice sanitaire ?» déclare M. Spaeth, pour qui j'ai par ailleurs beaucoup de sympathie et même d'amitié... Il aurait pu ajouter que la CNAM ne s'est guère posé non plus la question du bénéfice sanitaire des prestations qu'elle verse ! On ne peut avoir envers les autres des exigences que l'on n'a pas envers soi-même.

Au-delà des négociations tarifaires, c'est le cadre conventionnel lui-même qui est à repenser, et le champ conventionnel à redéfinir. On ne peut laisser perdurer une situation où le législateur doit modifier l'article L. 162-5 du code de la Sécurité sociale en fonction des accords négociés, ou bien valider par la loi des décisions individuelles prises en application d'une convention que le Conseil d'Etat pourrait annuler.

La question de la gestion du risque par la CNAM doit aussi être revue. Nous partageons le constat fait par la Cour des comptes dans son dernier rapport : «La branche maladie est pour l'essentiel demeurée, malgré ses ambitions, un payeur.» Le système de contrôle a montré ses limites, les représentants des syndicats médicaux entravant souvent son fonctionnement, et les comités régionaux médicaux jouant un rôle décevant. La réforme des systèmes de contrôle est également à l'ordre du jour.

L'hospitalisation fait moins problème. Les mécanismes de conventionnement ont permis d'établir, dans chaque région, des règles de répartition des crédits plus transparentes. La question de la modification des outils de tarification est néanmoins posée.

Nous avons voté, dans le titre IV de la loi créant la couverture maladie universelle le support législatif de la tarification à la pathologie. Il convient maintenant que des expérimentations voient le jour sans tarder. Dans cette loi de financement, nous modifierons le dispositif des cliniques en permettant une adaptation de la politique tarifaire, contribuant ainsi à améliorer les relations entre les établissements privés de santé et les agences régionales d'hospitalisation.

Certains s'interrogent sur le paysage que dessine ce projet de loi quant à l'organisation de notre système de soins et à son financement : l'ambulatoire aux caisses de Sécurité sociale, le médicament et les établissements d'hospitalisation à l'Etat via les agences régionales d'hospitalisation. Une séparation aussi nette ne me semble pas devoir être accentuée, tant il est vrai que le malade reste le même, qu'il soit traité en ville ou à l'hôpital. La prise en charge en réseau est indispensable, notamment pour les pathologies les plus lourdes. Les financements cloisonnés font souvent obstacle à l'innovation en matière de prise en charge. La définition des besoins de santé est de plus en plus affinée au niveau régional, car c'est à ce niveau qu'on peut le mieux adapter l'offre de soins à ces besoins. L'application des schémas régionaux d'organisation sanitaire a permis une évolution des structures de soins dans les établissements, mais on commence à sentir la nécessité pour certaines spécialités en ville de réfléchir à une planification de l'offre de services.

Tous ces éléments soulèvent des questions sur le niveau auquel il convient à l'avenir d'organiser notre système de santé. Le niveau régional apparaît de plus en plus comme le mieux adapté. Certes, une articulation avec le niveau national sera toujours nécessaire et la transformation des agences régionales d'hospitalisation en agences régionales de santé devra tenir compte de la place faite aux partenaires sociaux dans la gestion de l'assurance maladie. Une telle organisation régionale ne résoudra d'ailleurs pas comme par enchantement le problème que pose la maîtrise de l'évolution des dépenses. Mais c'est autour de ces questions qu'il faudra faire évoluer notre système de santé et son financement et la commission des affaires sociales est prête à prendre toute sa place dans une réflexion en ce sens.

J'ai souhaité élargir le débat au delà de cette loi de financement, car si la loi organique et la Constitution nous contraignent à n'aborder que les sujets qui ont un aspect strictement financier, ce qui biaise le débat, il était important de rappeler que notre premier souci reste de continuer à moderniser notre système de santé afin de garantir la qualité des soins et d'améliorer leur prise en charge (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance vieillesse - La retraite est un sujet d'actualité qui nous projette dans l'avenir tout en nous poussant à agir dès maintenant.

Aussi est-on frappé, en lisant le présent projet, par la modestie des mesures qui y figurent à ce sujet. Une fois de plus, la nécessaire ouverture du chantier est différée. Pourquoi attendre, alors que le diagnostic est fait ? Il est à craindre que le calendrier électoral nous renvoie à 2003, alors que la première échéance se situe à l'horizon 2006.

Le rapport de M. Charpin sur l'avenir de nos retraites a été élaboré dans la concertation, ce qui n'a nullement empêché les désaccords sur ses propositions de s'exprimer. Las, l'exécutif attend. Il consulte les organismes qui se sont déjà exprimés, commande de nouveaux rapports et, finalement... tout le monde attend. Demain, ne sera-t-il pas trop tard ? Plus on attendra, plus cela sera douloureux. La France de demain sera celle des choix d'aujourd'hui.

Faut-il rappeler l'existence du Livre blanc sur les retraites de 1991, ou celle des Perspectives à long terme sur les retraites ? Le diagnostic du rapport Charpin n'est pas nouveau. Les perspectives démographiques sont connues de longue date et les choix aussi.

Allongement de la durée de cotisation, augmentation du taux des cotisations ou modification de leur assiette, épargne personnelle, fonds de réserve qui existent sur le papier depuis l'an dernier, prise en compte de la pénibilité du travail, harmonisation des régimes : de cette liste non exhaustive, qui osera dire qu'elle recèle une idée neuve ?

Le rapport Charpin constitue une base de travail et on n'a pas à être pour ou contre. Mais il est temps d'entreprendre de vraies réformes ;

M. le Président de la commission - C'est vrai.

M. Denis Jacquat, rapporteur - L'urgence tient à l'évolution de la démographie. Le vieillissement de la population est inéluctable puisque l'espérance de vie augmente de 3 mois par an.

En 2006 arriveront à la retraite les générations du baby-boom. De 110 000 retraités supplémentaires par an actuellement, on passera à 250 000. Entre 1998 et 2040, le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans devrait augmenter de 10 millions alors que celui des moins de 20 ans et des 20 à 40 ans diminuerait chacun de plus de 1 million. En 2040 un Français sur trois aura plus de 60 ans et il y aura 7 retraités pour 10 actifs au lieu de 4 pour 10 actuellement.

A la même époque, l'espérance de vie à la naissance devrait atteindre près de 71 ans pour les hommes et 89 ans pour les femmes. Ainsi, les générations nées en 1970 pourraient tabler sur une retraite théorique de 23 ans, soit plus du double de la durée de retraite des personnes nées en 1910.

Pour un nombre croissant de salariés, la fin de l'activité ne coïncide plus avec l'âge de la retraite. Devenus un véritable outil de régulation de la main-d'_uvre, les mécanismes de cessation d'activité doivent faire l'objet d'une réflexion.

Notre système de retraite par répartition a bien rempli sa mission et nous devons le garder. Ne rien faire pourrait le mettre en péril.

Le niveau de vie des retraités français est globalement équivalent à celui de la population occupée. Cependant, un décrochage est amorcé, différent selon que les pensions sont indexées sur les salaires, cas des régimes spéciaux, ou sur les prix, cas du régime général. Par ailleurs, la parité de niveau de vie entre retraités et actifs a été assurée grâce à l'apport du patrimoine propre des retraités, qui constitue 40 % de leur revenu.

Aussi, nous sommes tous conscients du risque que présente le déficit prévisible des régimes concernés pour la période 2006-2033, même dans les hypothèses les plus optimistes de la commission Charpin.

Après ces rappels indispensables, la question est celle des choix à faire afin de déterminer une politique pour les retraites.

L'an passé, j'ai soutenu la création du fonds de réserve tout en dénonçant le montant symbolique de 2 milliards qui lui était alloué. Aujourd'hui, je persiste : les 15 milliards annoncés pour le début de l'année prochaine demeurent insuffisants.

M. Jean-Luc Préel - Le fonds est encore virtuel !

M. Denis Jacquat, rapporteur - Non, plus depuis ce matin grâce au complément d'information paru dans le Journal officiel. J'ai de bonnes lectures matinales.

Bref, les crédits destinés à ce fonds seront insuffisants, puisque nous savons que, pour lisser la hausse prévue des cotisations rendue nécessaire par le pic démographique de la période concernée, 66 milliards seront nécessaires dès 2006 et 480 milliards environ autour de 2040. En outre, rien ne garantit la pérennité du versement des sommes allouées à ce fonds.

Ce fonds n'intéresse actuellement que les régimes concernés par la réforme de 1993 : quid des autres régimes ? Faudra-t-il ou non les inclure dans le dispositif ? Dans la négative, de quelles mesures feront-ils l'objet ? En ce qui concerne l'épargne retraite, je suis partisan d'ajouter un troisième étage de la fusée : régime de base, régime complémentaire, épargne personnelle réalisée dans les conditions de la plus stricte égalité pour tous.

Ces deux éléments, fonds de réserve et épargne personnelle, permettront de limiter la hausse éventuelle du montant des cotisations, qui dépend, au demeurant, des choix politiques qui auront été faits. A cela, devra s'ajouter un dispositif de pilotage.

Une autre piste évoquée par le rapport Charpin, consiste à allonger la durée de cotisation. Cette solution aurait, en outre, un effet mécanique de diminution du nombre de retraites à payer, mais elle repose la question des moyens à employer pour occuper les actifs. A cet égard, la France reste le pays d'Europe où les cessations anticipées d'activité sont les plus nombreuses.

Et ne serait-il pas paradoxal de demander aux Français de travailler plus longtemps au cours de leur vie alors que nous venons de leur indiquer qu'ils allaient travailler moins longtemps chaque semaine ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste)

Enfin, je persiste à préférer une retraite à la carte à une retraite guillotine.

Une autre épine reste plantée dans le pied des décideurs : la réforme des régimes spéciaux, en particulier du régime des fonctionnaires de l'Etat. Il y a péril en la demeure, une explosion sociale étant à craindre en l'absence d'harmonisation.

Autres oublis du projet de loi de financement : les veuves civiles, la PSD, les handicapés vieillissants et les démences séniles.

La situation des veuves civiles ne s'est guère améliorée et le versement de l'allocation veuvage pendant deux ans reste insuffisant. Il convient de majorer le taux de réversion et le plafond de cumul entre un avantage propre et la réversion ; d'inclure la majoration pour enfant dans le montant du plafond de cumul ; enfin, de modifier le mode de calcul des réversions.

Le rapport annexé au présent projet annonce une réforme de la loi sur la prestation spécifique dépendance. Je m'en réjouis. Gageons que cette promesse prendra corps dans le DMOS annoncé pour le prochain printemps. Une vraie PSD suppose la création d'un cinquième risque au sein de notre Sécurité sociale. Je ne résiste pas au plaisir de citer une phrase figurant dans la saisine du Conseil constitutionnel sur la loi PSD. Le groupe socialiste écrivait alors : «la loi organise ainsi méthodiquement la discrimination territoriale au détriment des personnes âgées dépendantes».

M. Claude Evin, rapporteur - Mais qui l'a votée ?

M. Denis Jacquat, rapporteur - J'avais dit que c'était une première étape et qu'il faut aller plus loin. La situation des handicapés vieillissants ne doit pas non plus nous laisser indifférents. Ils connaissent de graves problèmes de prise en charge. En effet, après un emploi en milieu ordinaire ou en centre d'aide par le travail, ils touchent une retraite incomplète ou sont confrontés à l'absence de structures adaptées à leur situation.

Quant aux démences séniles, elles viennent de faire l'objet d'un rapport que j'ai eu l'honneur de présenter ; j'espère que ses conclusions seront rapidement reprises.

Le rapport de Mme Paulette Guinchard-Kunstler «Vieillir en France» comporte des propositions qui méritent d'être étudiées, telles que la création d'une allocation unique couvrant tout le domaine de la dépendance.

Nous attendons avec impatience le résultat des travaux de la mission d'information sur la réforme de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.

En conclusion, je propose au Gouvernement d'entreprendre une ambitieuse réforme englobant de façon cohérente la retraite, la PSD et le secteur médico-social. Nous avons les moyens économiques de cette ambition que vous partagez tous avec moi. Gardons en mémoire le titre du rapport Charpin. Peut-on encore attendre ? Nous avons donné des années à la vie. Il faut à présent donner de la vie aux années. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille - Les travaux de notre commission ont montré un certain apaisement du débat parlementaire sur la famille, et je m'en félicite.

Ce troisième volet complète l'action menée par le Gouvernement pour une politique familiale visant à la justice et à l'équité. La cellule familiale doit être reconnue comme le c_ur de notre société, permettant à l'enfant l'apprentissage de la vie et lui fixant les repères indispensables. Premier espace de socialisation, la famille est indispensable à la fois à la construction de l'individu et à l'élaboration de la cohésion sociale.

Le Gouvernement et la majorité en font un véritable projet politique animé par la concertation permanente et prenant en compte les nouveaux défis que les familles doivent relever.

A cet égard, je veux saluer l'action menée par Dominique Gillot, ainsi que les travaux de la conférence de la famille qui a de nouveau montré, lors de sa réunion du 7 juillet 1999, son rôle dans l'élaboration d'une politique familiale rénovée.

Ce projet de loi traduit bien la volonté de développer une politique familiale plus juste.

1999 est, pour la branche famille, l'année du retour à l'équilibre financier. Les déficits causés par les mesures de la loi famille de 1994 sont désormais derrière nous. Certaines, comme l'amélioration des aides aux grands enfants, n'ont d'ailleurs pas été appliquées, sous la précédente majorité, en raison du coût d'engagements irréalistes qui ont plongé la branche famille, traditionnellement excédentaire, dans le rouge (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

On est passé d'un déficit de 16,6 milliards de francs en 1995, à un déficit de 1,9 milliards de francs en 1998 et à un excédent prévisionnel de 3,2 milliards de francs en 1999.

En 2000, l'excédent de la branche devrait atteindre 2,5 milliards, compte non tenu des mesures nouvelles prévues par ce projet, dont le coût total s'élèvera à 1,1 milliard.

En outre, le Gouvernement a décidé de renouveler, sur la période 1998-2002, la garantie de ressources de la branche.

Des comptes assainis et des recettes sécurisées conditionnent la conduite d'une politique familiale ambitieuse. Tous les engagements pris l'an dernier ont été tenus : rétablissement de l'universalité des prestations familiales, abaissement du plafond du quotient familial, qui s'est traduit par un supplément de ressources fiscales estimé à 3,9 milliards de francs...

M. Jean-Luc Préel - Merci pour les familles !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur - ...financement par le budget de l'Etat de l'allocation de parent isolé pour un montant de 4,2 milliards de francs, extension de l'allocation de rentrée scolaire aux familles d'un enfant, ce qui concerne 380 000 familles et représente une dépense supplémentaire de 700 millions de francs, enfin harmonisation des loyers-plafonds de l'APL et de l'ALF.

Ces mesures répondent bien à la volonté de mener une politique d'appui aux familles répondant à leurs besoins, volonté qui guidera aussi la réflexion des pouvoirs publics sur les deux grands chantiers de l'année prochaine : la remise à plat des aides à la petite enfance et la simplification des aides au logement.

Ainsi, 340 millions de francs supplémentaires vont être distribués aux familles grâce à un coup de pouce exceptionnel de 0,3 %, s'ajoutant à la revalorisation des allocations familiales en fonction de la hausse des prix.

En outre, ce projet prolonge l'effort engagé en 1997 pour une meilleure prise en charge des jeunes adultes -rappelons que 73 % des jeunes de 20 ans habitent encore chez leurs parents.

L'âge limite des prestations familiales a été porté de 18 à 19 ans au 1er janvier 1998, puis à 20 ans au 1er janvier 1999. En 2000, il sera relevé à 21 ans pour les familles nombreuses, au travers du complément familial et des allocations logement ; 175 000 familles bénéficieront de ces mesures, qui coûteront 1,5 milliard de francs.

La politique familiale ne se limite pas aux seules prestations. Le Gouvernement s'efforce aussi d'aider les jeunes à s'insérer sur le marché du travail, notamment par les emplois-jeunes et le programme TRACE et de leur faciliter l'accès au logement en réformant, à compter du 1er janvier 2000, l'évaluation forfaitaire des ressources pour les aides au logement.

L'appui aux familles et la reconnaissance de leur rôle passe également par la pérennisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. Portée depuis 1997 à 1 600 F par enfant d'âge scolaire, cette allocation est très attendue par les familles modestes.

Elle a été étendue en 1999 aux familles d'un enfant remplissant les conditions de ressources et d'âge : à la rentrée scolaire de 1999, 350 000 familles en ont ainsi bénéficié. Cette majoration a vocation à devenir une véritable prestation de la branche famille. En outre, l'Etat reprendra à sa charge le financement du fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles.

Je pense cependant que le dispositif de l'allocation de rentrée scolaire devrait mieux prendre en compte les différences de coûts selon l'âge.

Pour compléter la politique de prestations familiales, les crédits d'action sociale augmenteront de 700 millions, dépassant les 14 milliards de francs.

Ils serviront en particulier à développer des actions en faveur de la petite enfance, le réseau d'appui et d'accompagnement des parents et la médiation familiale.

La politique familiale se traduit aussi dans différents textes que nous avons pu examiner dans cette enceinte.

Ainsi, la loi contre les exclusions et la création de la couverture maladie universelle contribueront à lutter contre la précarité qui touche les familles les plus démunies.

La loi de réduction du temps de travail permettra une meilleure articulation entre vie familiale et vie professionnelle. Elle prévoit notamment un compte épargne temps pour les parents d'enfants de moins de seize ans, l'instauration d'un délai de prévenance dans les règles de modulation et la possibilité d'aménager les horaires en fonction des périodes scolaires.

Les initiatives du ministère de l'éducation nationale pour renforcer le rôle des familles au sein de l'école sont également à souligner.

Enfin, Mme Guigou, ministre de la justice, prépare la réforme du droit de la famille, attendue depuis de nombreuses années.

Une rénovation en profondeur de notre politique familiale a donc été engagée et je veux ici saluer le travail de la délégation interministérielle à la famille.

Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale nous donnera des moyens supplémentaires pour une politique familiale plus solidaire et animée par le sens de la justice (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances - C'est la quatrième loi de financement de la Sécurité sociale que nous examinons et je crois utile de tirer quelques enseignements des trois précédentes.

Voulue par le législateur de 1995, cette procédure a permis une plus grande transparence du débat, une responsabilisation des acteurs et un renforcement du rôle du Parlement. Ce fut donc une bonne réforme.

Mais des incertitudes et menaces institutionnelles pèsent sur elle. Les incertitudes portent sur le périmètre de la loi : le choix de ne pas y intégrer l'assurance-chômage ou la CADES est contestable, mais doit être assumé. Le choix d'y intégrer le fonds de solidarité-vieillesse, mais non le fonds d'allégement des cotisations patronales, devra sans doute être revu.

Les menaces viennent du Conseil constitutionnel qui, d'office, a censuré, en décembre 1998, une disposition prévoyant de communiquer au Parlement la répartition prévisionnelle de l'ONDAM : faudra-t-il une nouvelle loi organique pour renforcer les droits du Parlement ?

Les menaces viennent aussi du Conseil d'Etat qui, dans un arrêt de mars 1999, a dénié toute valeur normative au rapport annexé auquel fait référence l'article 1er du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. A quoi sert-il alors de discuter et de voter cet article ?

Je reviens rapidement sur les points essentiels de ce projet. L'excédent de 7 à 8 milliards, tous régimes confondus, est la traduction de la croissance retrouvée. Il est obtenu sans diminuer les remboursements ni augmenter les prélèvements sur les ménages, comme l'avaient fait les gouvernements de M. Balladur et de M. Juppé en 1993 et 1994 (Protestations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jean-Luc Préel - Le gouvernement de M. Bérégovoy aussi !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Pour la première fois depuis longtemps, les prestations sociales ne seront pas financées à crédit sur les générations futures et je crois que nous pouvons tous nous en réjouir.

La réforme essentielle est la création du fonds d'allégement des cotisations sociales. Elle est transparente : on sait que les droits sur le tabac financeront la ristourne Juppé, pour 39,5 milliards ; que la TGAP élargie et la cotisation sociale sur les bénéfices financeront, pour 7,5 milliards, le nouveau barème d'allégement des charges patronales. Pour près de 47 milliards, ce fonds ne finance pas les 35 heures mais les allégements de charges sociales, l'outil le plus efficace pour réduire le chômage, employé avec constance depuis juin 1997.

Cette réforme est aussi cohérente. On intègre dans un seul fonds toutes les mesures relatives à l'emploi, y compris les 17,5 milliards qui financeront la réduction du temps de travail. Certes, il y a eu des problèmes. Mais je ne jetterai pas la pierre à un Gouvernement qui a su négocier et contractualiser avec les partenaires sociaux sans que ceux-ci aient à se manifester trop bruyamment. Sur ce point, l'expérience de certains autres a servi.

J'ai bien entendu les remarques, trop virulentes, sur le transfert demandé au FSV d'une partie des droits sur l'alcool. Une telle indignation est-elle bien sincère ? S'agit-il d'une opposition de principe ? Mais en quoi serait-il illégitime d'utiliser ces recettes publiques en faveur de l'emploi plutôt que de l'éducation sanitaire ? En 1994, certains ici ont fait prendre en charge par le FSV les compléments familiaux des retraites de la fonction publique.

Comment pourraient-ils maintenir que le transfert opéré aujourd'hui est moins légitime ?

S'agit-il alors de saisir une opportunité ? Eh bien oui, le Gouvernement a empêché le MEDEF de quitter les organismes paritaires et vous ne pourrez pas l'accuser d'avoir mis fin au paritarisme. Les discussions n'ont pas dû être commodes, mais un accord a été conclu, le financement a été trouvé.

Enfin, M. Evin a excellemment traité de l'assurance maladie. Simplement, aujourd'hui quelqu'un qui a toute notre estime a fait des déclarations : si leur opportunité est discutable, leur inélégance est certaine (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre - Très bien.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - La qualité des rapporteurs montre bien sûr que le Parlement entend jouer tout son rôle dans ce débat sur le financement de la Sécurité sociale. Je me dois donc de rendre hommage au talent et à la finesse de M. Recours, à la façon dont M. Evin maîtrise son sujet, à M. Jacquat dont la petite musique est un peu différente mais que nous écoutons avec plaisir, à Mme Clergeau qui remplace si bien Mme Gillot à laquelle nous avons assuré la réussite, sinon l'accès au Gouvernement (Rires) et à M. Cahuzac dont je dirai simplement qu'il appartient à la commission des finances, et qu'il est du Lot-et-Garonne (Rires sur les bancs du groupe socialiste).

Je rends hommage également à la rigueur et à la sagesse du Gouvernement. Ce pays n'a pas une culture de réforme. Qui veut les engager se heurte à des difficultés. C'est ce qui vous arrive, Madame la ministre. Vous avez eu raison de vouloir prendre le temps de convaincre et de remettre l'ouvrage sur le métier.

Le premier enjeu est l'élargissement de l'assiette des cotisations patronales. C'est une réforme de grande ampleur. Comme notre objectif est l'emploi, on pouvait bien sûr s'attendre à ce que le vieux débat sur l'activation des dépenses passives soit ravivé. Comme l'a dit Mme Notat, la création d'emploi se traduit par des cotisations sociales et des rentrées fiscales supplémentaires, la baisse du chômage par une réduction d'indemnités et des dépenses publiques. Cela doit contribuer à l'activation des dépenses passives, ajoutait-elle. Mais le MEDEF s'y oppose. Engageant cette réforme avec l'hostilité du MEDEF, nous pouvions espérer le soutien du mouvement syndical. Nous n'y avons pas réussi. Mais vous prenez le temps de remettre l'ouvrage sur le métier, et cette bataille nous la gagnerons, avec l'appui du mouvement social.

De même, nous n'acceptons pas l'hypocrisie qui consiste à dire qu'il faut sauver le partenariat sans reconnaître que pour cela il faut définir les responsabilités, les compétences et les obligations de chacun. Hier les organisations syndicales ont déclaré qu'elles étaient prêtes à se réunir pour renouveler la convention ARPE, diverses mesures de formation-reclassement et clarifier les relations financières entre l'assurance chômage et l'Etat. C'est fondamental. Il serait très choquant que le MEDEF, qui préside l'UNEDIC, ne participe pas à cette négociation. Dans ce cas, les masques tomberaient. Nous saurions clairement qui veut le partenariat et qui le refuse et comment faire évoluer les choses.

La clarification est fondamentale aussi pour le système de Sécurité sociale qui est devenu opaque par le jeu des financements croisés. Comme le diagnostiquait Max Weber, au fil du temps toute grande organisation s'ankylose. Aussi, les propositions de M. Evin visent-elles à dire qui fait quoi, comment, avec quel outil. Je m'étonne que le président de la CNAM, au lieu de s'engager dans cette réforme qu'il a lui-même souhaitée, fasse semblant de croire que cela va à l'encontre du partenariat, que nous voulons défendre.

Je suis très fier d'avoir travaillé avec l'équipe des rapporteurs, en dialoguant avec la CNAM, les partenaires sociaux et les professionnels de santé, pour aboutir à des propositions que nous retrouvons dans le projet. Bien entendu, il y a des outils dont il est nécessaire de se doter mais qui, pour des raisons constitutionnelles, ne peuvent pas figurer dans la loi de financement.

Nous souhaitons qu'au travers du prochain projet de loi relatif à la modernisation du système de santé, ou même simplement d'un DMOS, ces outils, dont la CNAM a besoin et que son président réclame, soient mis en place. Il faudra en contrepartie que la CNAM accepte de rendre compte de leur utilisation devant le Gouvernement et devant le Parlement.

Voilà trois ans que nous réfléchissons à l'avenir de notre protection sociale et voilà qu'aujourd'hui, enfin, nous entreprenons véritablement la reconstruction de notre système de sécurité sociale. Il ne suffit pas de dire que tous les Français y sont attachés : il faut se donner tous les moyens d'assurer leur pérennité.

Soyez convaincue, Madame la ministre, que nous soutenons votre volonté et qu'à vos côtés, avec sagesse et dans le respect des points de vue, mais avec fermeté, nous irons jusqu'au bout de la démarche (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Top Of Page

FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ

M. le Président - Par lettre du 25 octobre 1999, M. le Premier ministre m'a informé que la mission temporaire précédemment confiée à M. Alfred Recours, député de la deuxième circonscription de l'Eure, avait pris fin le 11 octobre 1999.

Top Of Page

RÉSOLUTION ADOPTÉE EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le Président - J'informe l'Assemblée, qu'en application de l'article 151-3, alinéa 2, du Règlement, est considérée comme définitive la résolution adoptée par la commission de la production sur la préparation de la conférence ministérielle de l'OMC à Seattle.

Prochaine séance ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale