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Session ordinaire de 1999-2000 - 14ème jour de séance, 34ème séance

1ÈRE SÉANCE DU MERCREDI 27 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE DE M. Pierre-André WILTZER

vice-président

Sommaire

          FINANCEMENT DE LA SÉCURITE SOCIALE POUR 2000 (suite) 2

La séance est ouverte à neuf heures.

FINANCEMENT DE LA SÉCURITE SOCIALE POUR 2000 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000.

Mme Jacqueline Fraysse - Nous abordons l'examen du troisième projet de loi de financement de la Sécurité sociale présenté par le gouvernement de gauche issu des élections de 1997. Il traite des questions essentielles pour le citoyen, qui suscitent des préoccupations aussi vives qu'anciennes. Qui ne se souvient que le rejet du plan Juppé a suscité le changement de majorité ? C'est dire la force des attentes, mais aussi l'ampleur des responsabilités de la gauche, qui s'est trouvée, de manière impromptue, devant un chantier immense. Des objectifs ont donc été proposés à la représentation nationale, qui les a adoptés, mais beaucoup sont restés lettre morte, alors que nous attendions des actes. Le financement de la Sécurité sociale doit donc être examiné à la lumière des engagements pris, de manière répétée, par le Gouvernement. Le 17 juin 1997, dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre ne disait-il pas : «Pour favoriser l'emploi et la justice sociale, il faut moins taxer les revenus du travail et supprimer les privilèges indus dont bénéficient d'autres catégories de revenus. Nous transférerons progressivement les cotisations salariales d'assurance maladie sur une contribution sociale élargie à l'ensemble des revenus, y compris financiers» ?

Pour sa part, Martine Aubry n'avait-elle pas annoncé, en présentant le projet de loi pour 1998 : «Il convient de rééquilibrer les revenus du capital et du travail... Le financement de notre système de Sécurité sociale est trop exclusivement concentré sur les revenus du travail... Nous nous sommes fixé pour objectif d'étudier une réforme de l'assiette des cotisations patronales qui la rende plus favorable à l'emploi...» ?

Nous ne pouvions qu'approuver ces orientations, dont nous avons regretté qu'elles tardent à être examinées.

La réforme des cotisations figure, enfin, dans le projet que vous nous soumettez. Mais elle consiste en un allégement massif des cotisations salariales employeur, puisque 85 % des salaires seront concernés par l'allégement des cotisations patronales sans qu'aucune proposition nouvelle vise à asseoir durablement la cotisation des entreprises à la protection sociale. Elle consiste aussi en des compensations diverses pour le moins aléatoires, disparates et contestables.

Vous nous dites que l'allégement des charges sociales salariales vise à favoriser l'emploi. Or cette recette, quelque peu vieillie et largement utilisée par les gouvernements précédents, n'a pas fait la preuve incontestable qu'elle aboutissait à des créations d'emplois.

Malheureusement, l'expérience a plutôt montré que le chômage et les exonérations de cotisations croissent de concert. En revanche, il est certain que cet allégement tire les salaires vers le bas, en incitant le patronat à ne pas payer ses salariés plus de 1,3 fois le SMIC, soit 7 000 F par mois.

Votre texte propose de passer à 1,8 fois le SMIC, ce qui est mieux, puisque vous invitez ainsi le patronat à ne pas payer ses salariés plus de 10 000 francs par mois. Mais vous avez maintenu la dégressivité de la ristourne, si bien que l'aide accordée sera donc d'autant plus importante que les salaires seront bas. Est-ce vraiment votre rôle ? Notre rôle ? Je ne le crois pas.

Vous qui avez, à juste titre, dénoncé la «ristourne Juppé» pour ce qu'elle était : coûteuse et inefficace, vous la maintenez, et pire, l'amplifiez !

Si encore, ces exonérations étaient modulées en fonction de la situation financière et de la politique de l'emploi des entreprises, cela pourrait s'examiner. Mais cette mesure est appliquée de manière indifférenciée aux PME et à une entreprise comme la Société Générale dont la valeur ajoutée s'élevait à 26,7 milliards en 1997, en progression de plus de 5 milliards en deux ans !

L'allégement ainsi offert, n'étant pas incitatif, n'est pas utile. C'est un chèque cadeau dont le montant manquera, bien entendu, dans les caisses de la Sécurité sociale et qu'il faudra prélever ailleurs... Ce sont donc quelque 65 milliards cette année et à terme, de 100 à 110 milliards de manque à gagner que les organismes de protection sociale devront compenser.

Qu'en est-il, d'autre part, du rééquilibrage des revenus du capital et du travail annoncé ?

Nous ne l'avons trouvé, hélas, ni dans la fraction des taxes sur le tabac, ni dans la taxe sur les activités polluantes qui seront payées par les consommateurs et les contribuables. Nous ne l'avons pas davantage trouvé dans la taxe sur les heures supplémentaires, particulièrement injuste puisqu'elle conduit à priver d'une partie de leur rémunération les salariés qui ne bénéficieront pas de la réduction du temps de travail et qui devront faire des heures supplémentaires.

Nous l'aurions encore moins trouvé dans une contribution de l'UNEDIC ou de la Sécurité sociale, tellement inacceptable que tous les partenaires sociaux s'y sont fermement opposés, au point que le Gouvernement a dû faire marche arrière, et c'est bien.

Faut-il alors chercher ce rééquilibrage dans la contribution sur les bénéfices appliqué aux sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions et le bénéfice à 5 millions ? Vous chiffrez cette contribution à 4,3 miliards ; mais ce sont 65 milliards d'exonération de charges salariales qu'il faudra compenser en 2000 ! On a envie de dire au Gouvernement : «Peut mieux faire !», d'autant qu'il supprime la surtaxe sur les bénéfices pour un montant de 1,5 milliard et qu'il réduit de 2 milliards la taxe professionnelle !

Lors des journées parlementaires des élus socialistes à Strasbourg, le Premier ministre annonçait : «Nous poursuivons, avec la réforme des cotisations patronales qui allège le coût du travail sur les bas salaires et instaure en contrepartie une fiscalité écologique et une contribution sur les profits des sociétés».

Si les 3,3 % de la nouvelle contribution sur les bénéfices étaient appliqués à tous les profits et non à quelque 130 milliards de bénéfices calculés selon des conditions très restrictives par des sociétés habiles à réduire artificiellement leurs bénéfices nets, ce ne sont pas 4,3 milliards mais 70 qui entreraient dans les caisses de la Sécurité sociale, ce qui permettrait de prendre quelques dispositions ambitieuses en matière de protection sociale et, par exemple, d'améliorer certains remboursements, comme on en parle tant sur tous les bancs de l'Assemblée.

Rééquilibrer la contribution des revenus du capital et du travail au financement de la sécurité sociale, ceci devrait consister à faire cotiser les premiers au même taux que les seconds. Cela doit donc être, au minimum, de commencer à faire cotiser les premiers immédiatement. Or, si la contribution prélevée sur les revenus du travail s'élève à plus de 45 % du salaire brut, les placements financiers ne sont soumis à aucune cotisation. Pourquoi refusez-vous d'y toucher ?

Ces revenus n'ont cessé de croître, passant de 306 milliards en 1995 à 341 en 1998, et ils seront d'environ 400 milliards cette année selon les prévisions de l'INSEE. Ces revenus sont différents des revenus des placements des ménages, déjà soumis, eux, à la CSG. Cette distinction explique d'ailleurs que Madame la ministre ait proposé, en octobre 1997, de rééquilibrer les revenus du capital et du travail, alors que la CSG était déjà étendue aux revenus des ménages.

Une cotisation assise sur les revenus de ces placements et fixée au même taux que celui qui s'applique aux revenus du travail dès lors qu'ils ne sont pas, pour l'essentiel, utilisés pour la production, compenserait largement le coût de la réduction du temps de travail pour l'année 2000.

Surtout, cette démarche traduirait une volonté de justice et d'efficacité sociale et économique.

Ainsi, les sommes considérables, sans cesse croissantes, aujourd'hui détournées vers les marchés financiers, pourraient servir l'investissement productif et donc l'emploi. Cela préparerait une réforme de l'assiette des cotisations patronales favorable à l'emploi. Pour ce faire, il conviendrait, en effet, de moduler l'assiette des cotisations employeur selon la part que représentent les salaires dans la création de valeur ajoutée par l'entreprise. Ainsi seraient pénalisées celles qui réduisent cette part en versant de bas salaires ou en recourant à des emplois précaires, voire à des licenciements.

Le groupe communiste souhaite que l`on discute sérieusement de ces mesures sans se réfugier derrière des arguments techniques. Je me félicite d'ailleurs que le Premier ministre ait exprimé à Strasbourg le souhait d'instaurer un lien entre le montant des cotisations patronales à l'assurance chômage et le comportement de l'entreprise en matière de licenciements, en s'inspirant du mécanisme qui existe pour les accidents du travail, et qui tend, par la modulation des cotisations, à responsabiliser les entreprises et les branches. Pourquoi ce qui serait possible pour l'UNEDIC ne le serait-il pas pour la Sécurité sociale ? C'est même indispensable pour répondre aux besoins de nos concitoyens en matière de protection sociale.

Malheureusement, votre texte ne rééquilibre pas la contribution des revenus du capital et de ceux du travail, continuant de faire supporter l'essentiel de la charge aux ménages. Il n'accroît pas non plus les ressources de la Sécurité sociale. Dans ces conditions, il n'est d'autre solution que de comprimer les dépenses pour atteindre l'équilibre des comptes.

Pour la branche famille, vous vous en tenez à quelques mesures, certes positives, mais très en deçà des engagements pris lors de la Conférence de la famille, Muguette Jacquaint y reviendra.

S'agissant de la branche vieillesse, dont Maxime Gremetz traitera plus en détail, vous n'indexez toujours pas les pensions sur les salaires, vous contentant de les revaloriser de 0,5 %, tout comme d'ailleurs les prestations familiales, ce qui est inacceptable. Nous souhaitons, dans les deux cas, que le pouvoir d'achat soit maintenu. En ce qui concerne la branche maladie, les objectifs proposés sont calculés par rapport aux dépenses prévisionnelles et non par rapport aux objectifs précédents, d'ailleurs jamais atteints. S'il faut se féliciter de cette évolution, cette prise en compte des besoins ne vous conduit pas, hélas, à remettre en question une logique strictement comptable, découlant du refus de rééquilibrer les modalités de financement.

L'évolution des dépenses proposées pour l'hôpital correspond à peu près à ce que les professionnels estimaient nécessaire pour une simple reconduction. Or les missions nouvelles des établissements ne cessent de s'élargir. De plus, comment pourront-ils appliquer la réduction du temps de travail, sans moyens nouveaux ? La situation, déjà très tendue l'an dernier, ne s'est pas améliorée, au contraire. Les problèmes de congés, de remplacement, de surcharge de travail s'amplifient. Nous avions proposé de ramener à 5,5 % la TVA sur les travaux dans les hôpitaux et de les exonérer de la taxe sur les salaires. Ces dispositions ont malheureusement été rejetées, même si c'est «à regret» comme l'a dit le rapporteur de la commission des finances.

La maîtrise des dépenses de médecine de ville est confiée à la CNAM, dans le cadre d'une enveloppe opposable. Nous ne sommes pas hostiles a priori à une gestion par les caisses, préférable à une étatisation de plus en plus marquée, comme avec le fonds créé à l'article 2. Cela nous préoccupe cependant à deux titres. D'une part, sur le plan de la démocratie : les conseils d'administration actuels sont toujours ceux issus des ordonnances Juppé. Nous proposons dans un amendement de procéder à de nouvelles élections de leurs membres. D'autre part, sur le plan des moyens : la CNAM vient, en effet, de proposer un plan de réduction drastique des dépenses. Va-t-elle avec les médecins manier la carotte et le bâton, alternant les reversements ou leur variante déguisée que sont les lettres-clés flottantes et l'intéressement financier pour ceux qui accepteraient de réduire les prestations ? Nous préférons un véritable dialogue. La reconnaissance des centres de santé, à l'article 16, qui découle d'une réelle concertation, mérite à cet égard d'être saluée.

Pour atteindre les objectifs proposés, il faudrait accroître le financement de la Sécurité sociale, nous l'avions déjà souligné l'an passé. Ce n'est malheureusement pas le cas.

Le niveau de remboursement des lunettes, des prothèses dentaires et auditives ne s'améliore pas. En ce domaine, les inégalités se creusent : un gouvernement de gauche, parvenu à la moitié de son mandat, ne peut s'en satisfaire.

S'agissant des médicaments, s'il convient de passer régulièrement en revue la pharmacopée à la lumière de l'évolution des connaissances scientifiques, notamment pour cesser de rembourser et retirer du marché ceux qui sont dépassés, on peut se demander qui leur a attribué le label de médicament et sur quels critères, et comment il se fait, a contrario, que des molécules nouvelles, à l'efficacité reconnue, ne soient pas remboursées et soient donc réservées à ceux qui peuvent se les payer ?

La France se situe dans le peloton de queue des pays européens pour le remboursement des dépenses de santé. Dès lors, l'égalité d'accès aux soins pour tous n'est pas garantie, notamment pour les soins mal pris en charge ou le forfait hospitalier. Une amélioration s'impose d'urgence.

Pour être atteints, ces objectifs, comme tous ceux qui figurent dans le titre I du texte, appellent des dispositions plus ambitieuses en matière de financement.

En 1997 et 1998, nous avions souligné que, malgré des avancées, les budgets restaient marqués par un souci de compression des dépenses. Des engagements avaient été pris, dont nous espérions qu'ils se concrétiseraient, surtout en période de croissance. Nous voulons espérer que, cette année, le débat permettra de rompre véritablement avec la logique précédente. C'est ce à quoi nous contribuerons (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Jean-Pierre Foucher - Ce projet de financement de la Sécurité sociale pour 2000 laisse craindre que le Gouvernement ne détourne ce projet de loi annuel de son objectif initial. Celui-ci était de donner au Parlement le soin de contrôler le financement de la Sécurité sociale et d'assurer la transparence de la gestion des différentes branches. Or, loin de définir une politique de santé ambitieuse, une politique familiale encourageante et les moyens de la concertation avec les professions médicales, ce texte n'est plus qu'un instrument de gestion des finances publiques puisqu'il inclut de nouveaux impôts et des dépenses sociales relevant normalement du budget de l'Etat. Il ne vise qu'à une pure maîtrise comptable et administrative des dépenses sociales, en particulier de santé.

Ce détournement, déjà dénoncé par plusieurs d'entre nous, est accentué par le fait que le Gouvernement a voulu utiliser ce texte pour financer, laborieusement, les 35 heures. C'est d'ailleurs même parce que vous aviez besoin de trouver le financement de cette réforme que vous traitez de la santé dans une logique strictement comptable. Plus l'application des 35 heures coûtera cher, moins la santé des Français sera prise en considération puisqu'il faudra en abaisser le coût. Il est à craindre aussi que le Gouvernement n'hésite pas à financer de la même manière d'autres projets n'ayant aucun rapport avec la Sécurité sociale.

Les conditions dans lesquelles ce projet de loi a été élaboré et présenté au Parlement sont scandaleuses. Tout d'abord, le financement des 35 heures était jusqu'à avant-hier totalement opaque. Or 65 milliards seront nécessaires dès 2000 et au moins 110 milliards à terme. Vous voulez augmenter considérablement la taxe sur les tabacs et affecter la majeure partie de son produit au financement des 35 heures. Vous avez renoncé à faire contribuer la Sécurité sociale pour 5,6 milliards, après le refus des partenaires sociaux dont je me félicite. Après ces revirements, nous sommes appelés à nous prononcer sur un texte incomplet et incertain, alors même qu'il s'agit d'un budget de plus de 1 800 milliards de francs, plus important que le budget de l'Etat. Les Français apprécieront la manière dont vous gérez ces sommes et dont vous considérez le Parlement !

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - En effet !

M. Jean-Pierre Foucher - Les réformes adoptées en 1994 et en 1996 instauraient une gestion séparée des branches, contrôlée par le Parlement, aujourd'hui remise en question. Ainsi la branche famille, oubliée par votre projet, enregistre un excédent qui malheureusement ne lui profite pas. Il y a pourtant beaucoup à faire en ce domaine. Les deux seules mesures proposées, la prolongation jusqu'aux 21 ans des enfants du versement des aides au logement ainsi que du complément familial et l'augmentation de 0,5 % des allocations familiales, ne répondent pas aux besoins.

En ce qui concerne la branche maladie, vous séparez l'hôpital qui relèvera du seul Gouvernement, et que le Parlement aura donc bien du mal à contrôler, et la médecine de ville, dont la gestion est confiée à la CNAM. On peut craindre que celle-ci n'use abusivement des lettres-clés flottantes. Les caisses étant autorisées à prendre «toute mesure nécessaire» au respect de l'objectif de dépenses, où et quand la concertation, tant prônée par le Gouvernement, jouera-t-elle ? Les professions de santé auront désormais à faire aux caisses, et non plus au Gouvernement. Cependant en cas de désaccord total sur les règles fixées unilatéralement par les caisses, le Gouvernement n'aura-t-il pas le dernier mot ? C'est la disparition du partenariat et le passage d'un système décisionnaire horizontal à un système vertical.

L'article 18 et l'article 19 permettent au médecin-conseil des caisses de juger de l'utilité thérapeutique du traitement prescrit et du plan de soins, le praticien étant obligé de les justifier. On ne peut dire aux assurés sociaux que le principal souci est de garantir le meilleur accès aux soins possible et dans le même temps s'en tenir à une gestion tellement comptable que les soins prescrits seront forcément limités, voire critiqués si nécessaire. Comment imaginer que des administratifs puissent juger du bien-fondé des traitements prescrits ? Le secret médical est d'ailleurs mis à mal par cette surveillance des caisses, ce qui est inadmissible et dangereux pour la liberté de prescription, à laquelle les Français sont attachés.

Ainsi que l'a prouvé la manifestation des professionnels de santé...

Mme la Ministre - Une manifestation de masse !

M. Jean-Pierre Foucher - ...le climat de confiance n'existe plus. Or vous ne pourrez réduire les dépenses de santé par des décisions arbitraires : la concertation et une prise de conscience de l'ensemble des partenaires est nécessaire. Étrangement, dans le rapport annexe, vous affirmez que la modernisation de notre système de santé passe par un partenariat entre les caisses et les professionnels de santé, aux niveaux national et local. On ne retrouve pas cette volonté à l'examen des articles. Si le système de reversement a bien disparu de vos projets, il reste celui des lettres-clefs flottantes, qui a pour seul but le respect de l'objectif et instaure bel et bien une maîtrise comptable et collective des dépenses. Les lettres-clés flottantes rétablissent un système de sanction collective qui décourage les meilleurs des praticiens. La loi Juppé vous donnait des instruments qu'il aurait suffi d'exploiter et d'améliorer, au lieu de remettre en cause l'ensemble des principes. Les professions de santé avaient commencé, dès 1994, à créer des structures internes afin de sanctionner les mauvaises pratiques médicales, et la situation ne serait-elle pas telle qu'elle est si vous leur aviez laissé le temps de mener à bonne fin leur projet.

L'article 22 pose un vrai problème de justice. Ne voulant pas rembourser aux laboratoires une taxe jugée incompatible avec le droit communautaire, vous en profitez pour élaborer une nouvelle taxe, plus rentable encore... Je ne sais s'il s'agit d'un sens spécial de la justice, mais dans le libellé de l'article, le mot «remboursement» n'apparaît pas. Par ailleurs, cette nouvelle taxe ne fait pas de différence entre les produits destinés aux hôpitaux, qui font l'objet de marges minorées, et les produits publics. Cela crée incontestablement une inégalité entre laboratoires, selon qu'ils réalisent leur chiffre d'affaires avec les uns ou avec les autres. Enfin, les procédures de remboursement viennent seulement d'être mises en place, puisque la décision est très récente. Ne peut-on imaginer que les laboratoires ne payent la nouvelle contribution qu'après avoir été remboursés de la première ?

L'automédication, qui ne coûte rien à l'assurance maladie, peut être développée, en renforçant la mission de conseil des pharmaciens d'officine. L'automédication, relativement faible en France, n'a progressé l'année dernière que de 1 %, pour les dix laboratoires les plus concernés, qui représentent plus de 13 milliards de ventes. Rappelons que l'automédication concerne les médicaments pris sans prescription ni surveillance médicale pour soigner les affections bénignes, mais aussi les affections chroniques. Ces médicaments sont utiles, dans certains cas, à la prise en charge d'urgence et certains favorisent la désaccoutumance au tabac. L'implication du pharmacien doit avoir pour corollaire une information claire du patient. Le problème est que l'automédication est mal perçue en France, en raison d'une confusion très répandue entre remboursement et valeur thérapeutique. L'année dernière, j'avais d'ailleurs attiré votre attention sur ce point, Madame la ministre : la décision de ne plus rembourser certains médicaments laisse planer un doute sur leur efficacité.

Les substituts nicotiniques seront en vente libre en début d'année prochaine. Ne pourrait-on organiser un système de prise en charge directe pour les femmes enceintes et pour certaines catégories de personnes, comme les bénéficiaires du RMI ou de la CMU, ou bien, à l'exemple de la Grande-Bretagne, accepter la prise en charge directe pour la première semaine de traitement, ce qui permettrait aux patients d'économiser de quoi payer la deuxième semaine ?

Ces observations, jointes à celles de mes collègues Yves Bur et Jean-Luc Préel, vous expliquent, Madame la ministre, que votre projet ne peut nous satisfaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Georges Sarre - Je regrette que la présentation des financements manque à ce point de clarté.

Qu'il s'agisse des recettes ou des dépenses, rien ne permet de distinguer ce qui relève de la croissance, des effets de l'évolution démographique et des résultats des mesures prises contre les dérapages de certaines professions. J'aurais aimé qu'une telle distinction fût opérée, pour juger de l'efficacité de ces mesures.

Je trouve également regrettable que les recettes liées aux prélèvements sur les bénéfices des sociétés définis par l'article 3 et aux pénalités que devraient payer les sociétés via la taxe générale sur les activités polluantes n'aient pas été clairement dissociées des dépenses que représenteront les allégements de charges patronales. Seul apparaît le financement net du budget social.

Je relèverai aussi le mode de calcul du financement de l'assurance maladie. D'une manière inhabituelle, pour établir le budget prochain, le taux d'évolution prévu de 2,5 % n'est pas appliqué au budget prévisionnel pour l'année actuelle, mais aux dépenses réellement constatées ; l'accroissement de dépenses de l'assurance maladie pour l'an prochain sera donc de 4 %. On peut s'en réjouir, car chacun sait que les progrès techniques de la médecine et l'allongement de la vie augmentent régulièrement le coût des besoins de la population. Toutefois, le glissement de 1,5 % se reportera mécaniquement sur le budget des années suivantes ce qui obligera l'ACOSS à rembourser ce surplus de dépenses dès qu'elle enregistrera des excédents. Si ce mode de prévision budgétaire se pérennise, il entraînera une croissance des dépenses difficilement contrôlable.

Reste la bonne nouvelle : le Gouvernement a renoncé à ponctionner les organismes sociaux pour financer la réduction du temps de travail préférant à cette mesure le transfert d'une partie des droits sur les consommations d'alcool. A ceux qui languissent de voir un jour le Gouvernement trébucher, nous pouvons affirmer aujourd'hui que les 35 heures sont bel et bien financées et que les régimes sociaux ne seront en rien fragilisés.

La rénovation de la politique familiale a reçu un nouvel élan. L'aide apportée aux familles pour qu'elles puissent pleinement assumer leur rôle dans l'éducation des enfants mérite d'être soutenue. L'attention particulière apportée aux familles ayant en charge de jeunes adultes est la bienvenue.

J'ai passé une nuit avec les responsables du SAMU social. J'ai vu beaucoup de jeunes adultes qui ont été renvoyés du foyer familial. Ne serait-il pas souhaitable que les aides qui leur sont destinées, au lieu d'aller aux parents, leur soient directement versées ? On ne peut les laisser ainsi à la rue. Un jeune, à Paris, s'il n'a pas un centime en poche, tombera fatalement dans la primodéliqnaunce.

Les comptes des retraites sont rééquilibrés et un excédent est même annoncé. La pérennité des régimes par répartition est assurée et la constitution d'un fonds de réserve préserve l'avenir. Si les crédits qui lui sont destinés, 8 milliards restent modestes, les excédents prévus devraient permettre de l'abonder davantage à l'avenir.

Le Gouvernement améliore la prise en charge des personnes âgées. Il reste cependant à avancer dans le dossier de la dépendance. Les personnes âgées attendent la création d'une allocation dépendance sans condition de ressources ni critères régionaux. Une telle allocation, en favorisant le maintien à domicile, soulagerait les organismes institutionnels d'hospitalisation.

Dans le domaine de la santé, le projet de loi répond aux priorités définies par la conférence nationale de la santé : la prévention et l'évaluation.

Les mesures relatives aux cliniques sont bonnes.

Toutefois, le retard accumulé dans la modernisation de la gestion hospitalière met en péril des établissements dont l'activité se dissocie de plus en plus de celle des autres acteurs.

Au motif de mieux répartir les responsabilités, le Gouvernement renforce en effet le cloisonnement entre la médecine de ville et l'hôpital, en se réservant la gestion hospitalière tandis qu'il confie aux caisses et aux professionnels de santé la régulation de la médecine de ville.

La maîtrise médicalisée de la prescription en sera heureusement renforcée et les partenaires sociaux disposeront d'instruments efficaces, mais l'hospitalisation en sera d'autant plus isolée.

La mise en ordre du prix des médicaments, dans sa première étape, et la réévaluation de l'efficacité thérapeutique de l'ensemble des spécialités étaient des mesures attendues.

L'amélioration de la prise en charge des diabétiques, de la grossesse et de la périnatalité, des urgences, du saturnisme, de l'asbestose et de la douleur, tout comme le renforcement de la sécurité en matière d'anesthésie, correspondent à une approche médicalisée du contrôle des soins, mais il est souhaitable qu'une telle approche s'étende au-delà de quelques domaines budgétaires.

Il conviendrait que le Parlement puisse se prononcer sur une loi quinquennale d'orientation sanitaire. J'en ai déjà rappelé ici la nécessité. Éclairé par les travaux du Haut comité de la santé publique et de la conférence nationale de la santé, le Parlement opérerait des choix qui n'appartiennent qu'à lui en matière de politique économique et sociale, mais aussi d'éducation et d'environnement.

D'importantes mesures ont été prises. Le déficit des comptes sociaux n'est plus que de 4 milliards, somme insignifiante au regard du budget global. L'équilibre sera atteint l'an prochain. Des dysfonctionnements persistent ; cependant, je pense que le Gouvernement parviendra à les corriger.

C'est donc avec impatience, mais aussi avec confiance, que j'attends la loi de modernisation de la santé annoncée pour le printemps (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Bernard Perrut - La loi de financement de la Sécurité sociale avait pour objectif initial de donner au Parlement le contrôle du financement de cet important secteur, d'assurer la transparence de la gestion des branches et de débattre ici même d'une politique globale de la santé et de la protection sociale. Mais le texte qui nous est soumis aujourd'hui élude nombre de questions et n'a pas d'ambition marquée ; il apparaît avant tout comme un instrument de gestion des finances publiques, incluant des dépenses qui relèvent du budget de l'Etat et instituant même des impôts nouveaux. Il nous entraîne dès ses premiers articles vers le financement des 35 heures (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), la modification du code des impôts, voire de celui des douanes. Au milieu des lessives, adoucissants et autres produits, on se croirait dans un catalogue de produits ménagers ou au supermarché ("Très bien !" sur les bancs du groupe DL).

Vous vouliez, Madame la ministre, faire supporter aux régimes sociaux et à l'UNEDIC le poids de votre politique de l'emploi ; notre groupe, par la voix de notre collègue Goulard, a dénoncé ce paradoxe consistant à faire financer par des prélèvements sur les entreprises les allégements de cotisations censés leur profiter. Le Gouvernement a battu en retraite devant l'opposition parlementaire et les organisations syndicales et patronales ; il a bien fait, mais notre inquiétude est grande : comment allez-vous couvrir le coût annoncé des 35 heures -65 milliards en 2000, 110 à terme- ? Vous n'apportez pas aujourd'hui de réponse claire.

Vous taxez les bénéfices des sociétés, vous taxez les heures supplémentaires dans les entreprises restant à 39 heures -les salariés apprécieront-, vous faites appel à la taxe sur les tabacs et aux droits sur l'alcool, loin de tout objectif de prévention ; et comment pensez-vous expliquer aux mères de famille qu'elles achèteront la lessive plus cher parce qu'il faut financer les 35 heures par le biais de la TGAP, destinée à lutter contre les activités polluantes. Tout cela sent le bricolage et l'improvisation ! ("Très bien !" sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF)

Votre projet n'enraye en rien le dérapage des dépenses de l'assurance maladie ; sans la croissance et les rentrées de la CSG, qui pénalise particulièrement les petits épargnants, le déficit aurait explosé. On ne peut que déplorer l'absence d'une véritable politique de santé publique et une dérive vers l'étatisation. L'échelon régional serait à l'évidence un bon niveau de planification, de régulation financière et d'évaluation du système de soins.

Sur les retraites, vous pratiquez la politique de l'autruche, ce qui nous surprend plus. Pouvez-vous ignorer que l'espérance de vie s'accroît de trois mois chaque année ? Pouvez-vous ignorer qu'en 2040, un tiers des Français auront plus de 60 ans ? Vous vous contentez d'imaginer un fonds, qui n'a été identifié que hier au Journal officiel et que vous voulez doter de 15 à 20 milliards en 2001, alors qu'il faudrait dix à quinze fois plus. Les vraies réformes attendent : aucune décision courageuse ne sera prise avant 2001. Pourtant, si rien n'est fait, les perspectives seront effrayantes, tant pour les salariés que pour les fonctionnaires ; est-il concevable que les jeunes diplômés des années 90 arrivant à l'âge de la retraite perçoivent moins de 40 % de leur dernier salaire ?

M. François Goulard - Ce sera pourtant le cas...

M. Bernard Perrut - Il faut en finir avec les querelles idéologiques ; si l'on veut sauvegarder le système par répartition, on ne peut différer davantage l'introduction des fonds de pension.

Nous devons également nous interroger sur l'évolution du pouvoir d'achat des retraités ; il est regrettable que la revalorisation ne prenne en compte que la hausse des prix, et non celle des loyers.

Nous devons aussi relever le défi de la dépendance. Les problèmes de la prestation spécifique et de la tarification des établissements ne sont pas réglés.

Quant aux veuves, Madame la ministre, que faites-vous pour améliorer leur situation ? Elles ne demandent pas l'assistance, mais une juste part de solidarité nationale et les moyens de se réinsérer dans la société.

La famille. On peut regretter la timidité de la revalorisation des prestations familiales, et surtout déplorer le recul par rapport à la loi de juillet 1994, qui prévoyait que toutes les prestations seraient prolongées jusqu'à 22 ans au 1er janvier 2000. Vous ne prolongez que trois allocations, et seulement jusqu'à 21 ans. Cette décision fait suite à la diminution des aides pour la garde d'enfants à domicile, à la suppression des aides au travail partiel et à la baisse du plafond du quotient familial, dont nous connaissons les conséquences tant sur l'impôt sur le revenu que sur les impôts locaux.

Votre absence de volonté politique en faveur des familles, à un moment où la branche famille est bénéficiaire, est très claire. 80 % des Français pensent que les prestations familiales sont insuffisantes pour les grands jeunes ; 600 000 familles espéraient le versement des prestations jusqu'à 22 ans au 1er janvier 2000.

Les personnes handicapées. Les lois de finances et les lois de financement de la Sécurité sociale se succèdent sans améliorer autant qu'il le faudrait leur situation. Certes des efforts sont faits, mais les besoins sont immenses. On estime le déficit à au moins 10 000 places dans les structures adaptées. J'insiste tout particulièrement sur un point relevant sans doute davantage du ministre en charge des affaires scolaires, la scolarisation des enfants et des adolescents.

Quelle réponse concrète apportez-vous, Madame la ministre, aux demandes des associations concernant la prise en charge des affections de longue durée, l'amélioration de l'aide à domicile et celle du remboursement du matériel médical, le maintien de l'AAH en cas d'hospitalisation, le bénéfice de l'assurance vieillesse obligatoire pour qui fait office de tierce personne auprès de son conjoint handicapé ?

Mme la Ministre - Nous avons reçu les associations lundi.

M. Bernard Perrut - Les handicapés attendent aussi avec impatience la révision de la loi de 1975.

Nous devons faire en sorte que personne ne reste au bord du chemin. Ne pourrions-nous pas y travailler tous ensemble, au-delà de nos clivages ?

Mme la Ministre - Avec un tel discours, c'est mal parti...

M. Bernard Perrut - Les familles, les retraités, les handicapés, les enfants, attendent que nous relevions le défi. Nous souhaiterions, Madame la ministre, que vous répondiez à cette exigence morale et politique (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Pascal Terrasse - En juin 1997, le Gouvernement s'était engagé à redresser durablement les comptes sociaux. Il y a seulement deux ans, qui aurait pensé que le déficit de la Sécurité sociale serait divisé par 7 en 1999 et que les comptes seraient présentés en excédent en 2000 ?

Mme la Ministre - L'opposition est gênée, alors elle s'en va...

M. Pascal Terrasse - Qu'avons-nous trouvé malgré le plan Juppé ? Un déficit de 35 milliards.

Nos concitoyens ont compris que la réduction du déficit ne pouvait s'effectuer au détriment des prestations. Le redressement des comptes sociaux a été obtenu sans augmentation des prélèvements ni baisse des prestations, bien au contraire. Ce résultat est d'abord le fruit d'une politique volontariste et d'un dispositif cohérent. Certes, la croissance a contribué à améliorer les comptes, elle est elle-même le fruit d'une politique voulue par le Premier ministre, une relance de la consommation qui a ouvert la voie à une baisse sensible du chômage.

La substitution à des cotisations sur le travail d'un prélèvement plus juste assis sur l'ensemble des revenus a également contribué fortement au redressement des comptes. Lors du précédent débat budgétaire, Madame la ministre, vous vous étiez engagée devant la représentation nationale à compléter le dispositif par une réforme des cotisations patronales, les entreprises de main-d'_uvre étant aujourd'hui pénalisées.

Je salue l'arrivé de notre collègue Mariani, car l'opposition semble préférer la salle des quatre colonnes à l'hémicycle !

Nous ne pouvons plus jouer les actionnaires contre les salariés. Un dispositif mettant à contribution les grosses entreprises au titre d'une contribution sociale sur les bénéfices et le développement d'une fiscalité sur les activités polluantes, répondent parfaitement aux besoins. Nous avons fait le choix du travail plutôt que celui des placements financiers ; en cela, nous nous rapprochons des politiques fiscales de nos partenaires européens.

Après la réforme des cotisations sociales, les mesures prises en faveur des jeunes majeurs, la mise en place de la CMU, la mise en place d'une politique volontariste et concertée dans le secteur sanitaire, d'autres chantiers restent à ouvrir, et avant tout en direction des retraités et des personnes âgées. Nous devrons prochainement débattre de l'avenir de nos systèmes de retraites. Mais ce débat ne doit pas se limiter à l'avenir des pensions de retraite. Leur montant, la durée des cotisations préoccupent certes les Français. Mais nous devrons aussi apporter des réponses qui tiennent compte de l'évolution de la société. Je pense à l'allongement de la durée de vie sans incapacité, qui place la France au premier rang de la longévité. Nous devrons réfléchir à la place dans la société des personnes âgées, en nombre croissant, et prévenir toute dérive vers des conflits entre générations. Le triptyque classique formation, activité, retraite, dans l'espace d'une vie, devra évoluer vers un système du temps choisi. Enfin, la grande dépendance, l'incapacité, l'accompagnement en fin de vie doivent être mieux pris en compte. Le champ de notre réflexion ne devra donc pas se limiter aux mécaniques financières permettant d'assurer les pensions et de consolider les régimes par répartition.

A côté du diagnostic, et du dialogue engagé avec les partenaires sociaux, la réforme nécessaire exigera un large consensus, car elle doit être durable et repose sur des aménagements à long terme. C'est le sens de la création en 1999 d'un fonds de garantie des retraites. Je souhaite que ce fonds soit pérennisé dans son financement grâce à un mécanisme d'abondement automatique et doté d'une certaine autonomie au lieu d'être géré au sein du FSV.

Mais votre projet tient compte plus largement des besoins des personnes âgées. La revalorisation des pensions de 0,5 % au premier janvier garantit le pouvoir d'achat des retraités. Selon les modalités de calcul instaurées par le gouvernement Balladur en 1994, l'augmentation aurait été de 0,2 % seulement. Mais cette avancée ne doit pas nous faire oublier la situation des pensionnés les plus modestes. Pouvons-nous espérer, Madame la ministre, un «coup de pouce» complémentaire pour les allocataires du minimum vieillesse ?

Le groupe socialiste accueille avec satisfaction l'évolution des dépenses du secteur social et médico-social. Vous nous proposez une augmentation de près de 5 % de l'enveloppe médico-sociale au sein de l'ONDAM qui va se traduire par un budget d'environ 46 milliards. En analysant ces crédits, on constate que leur progression tient compte de l'évolution naturelle de ce secteur. L'enveloppe tient compte des mesures contractualisées : je pense notamment aux soins infirmiers à domicile, à la résorption du plan de section de cures médicales autorisées, aux places de CAT, MAS. Elle permet aussi des actions nouvelles, en direction des plus fragiles : polyhandicapés, autistes, traumatisés crâniens. Il faut saluer d'autre part la volonté affichée du Gouvernement d'encourager toutes les initiatives favorisant l'intégration des handicapés en milieu ordinaire. La création de CAMSP et de SESSAD ne doit pas rester un effet d'annonce, car la demande est pressante.

Toutes ces mesures ne doivent pas nous faire oublier les attentes des acteurs du champ social, qui demandent une réorganisation de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales. Il est urgent de la rénover. En effet, si elle a apporté un renforcement décisif de l'action sociale et médico-sociale, elle n'en a pas moins beaucoup vieilli pour trois raisons principales. Tout d'abord, la place des usagers et de leurs familles n'y est pratiquement pas prise en compte. Ensuite, il faut mieux tenir compte de l'évolution considérable des pratiques, dépassant la stricte notion d'hébergement à temps complet. Enfin, cette loi, malgré plusieurs modifications, notamment en 1985, 1986 et 1991, a très insuffisamment pris en compte l'impact de la décentralisation, particulièrement étendue dans le champ de l'action sociale. Par ailleurs, l'élu local que je suis sait que le secteur social et médico-social est une composante essentielle de la politique d'aménagement du territoire. En effet, il reste et restera créateur d'emplois, notamment d'emplois de proximité, dans les zones rurales à revitaliser comme dans les sites prioritaires de développement urbain. Pour ces raisons, Madame la ministre, pouvons-nous espérer que les textes actuels seront modifiés l'année prochaine ?

Enfin, il faudra remédier aux dysfonctionnements des mécanismes instituant la prestation spécifique dépendance. Il faut sortir du faux débat entre prestation sociale et cinquième risque. Le seul problème réel des personnes âgées dépendantes réside dans leur solvabilité, qui doit leur permettre de retrouver une autonomie nécessaire. Des mécanismes simples, d'ailleurs proposés dans le rapport de Mme Guinchard-Kunstler, doivent désormais pouvoir être envisagés : augmenter le montant de récupération sur donations et successions, s'appuyer sur le dispositif législatif voté l'année dernière pour fixer une enveloppe minimum opposable au département, permettre au GIR 4 de la Grille Agir de bénéficier d'une prestation institution. De telles mesures sont aujourd'hui très attendues.

De même, il faut améliorer le projet de réforme de la tarification des institutions pour personnes âgées. Elle ne doit pas aboutir à une augmentation du prix de journée pour les personnes en perte d'autonomie. Des correctifs sont nécessaires, dont nous avons débattu en commission.

On le voit, le vieillissement de la population et ses conséquences sociales et humaines ne concernent pas seulement la retraite, mais appellent une prise en compte globale de ce que certains appellent la «révolution de la longévité». La voie est ouverte à travers ce projet. A nous d'en saisir l'opportunité pour faire avancer le débat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Thierry Mariani - Les discussions annuelles sur le projet de loi de financement se suivent et se ressemblent. Chaque année, nous travaillons dans des conditions indignes : une fois encore, nous n'avons eu qu'hier le rapport de la commission, le jour même du début de la discussion. Ce n'est pas une méthode sérieuse pour légiférer, alors que le budget de la Sécurité sociale dépasse de loin celui de l'Etat.

Chaque année, pour la branche vieillesse, vous reportez à plus tard les décisions propres à conforter notre système de retraites : le présent projet n'échappe pas à cette règle.

Dans le rapport annexé à la loi de financement pour 1998, vous indiquiez, Madame le ministre : «La situation financière de la branche vieillesse reste déséquilibrée. Cette situation devrait perdurer dans les années à venir à législation constante, sans connaître une aggravation significative jusqu'en 2005». Elle appelle, disiez-vous, une réflexion approfondie sur l'évolution des ressources des systèmes de retraites. Que lisait-on l'an passé, dans le rapport annexé au projet de loi de financement pour 1999. «La situation financière de nos régimes de retraite est déséquilibrée. Ceux-ci devront faire face, à partir de 2005, à l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses nées après la seconde guerre mondiale». Voilà une information de premier ordre ! «Le Gouvernement entend aborder les évolutions nécessaires de nos régimes de retraites sur la base d'un diagnostic précis des problèmes auxquels ils sont confrontés...» Autrement dit, le Gouvernement va s'en occuper... mais plus tard... Et vous avez confié ce diagnostic au Commissariat général du Plan. Voyons, enfin, le rapport de cette année. «Le Gouvernement entend assurer la pérennité de nos régimes par répartition(...) Le Commissariat Général du Plan a établi un diagnostic (...), il montre les charges croissantes auxquelles nos régimes devront faire face après 2005 du fait de l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses nées après 1945...» Il nous fallait bien un rapport de plus pour arriver à ce «scoop» !

N'avez-vous pas l'impression que le Gouvernement radote un peu d'une année sur l'autre ? Fallait-il commander un énième rapport pour confirmer qu'en 2005, nos régimes de retraites par répartition ne pourront plus faire face à l'évolution démographique de notre pays ? Combien de rapports, combien de colloques vous faudra-t-il encore avant que vous compreniez l'urgence de légiférer sur cette question ?

Ne nous répondez pas que vous avez créé l'an passé un fonds de réserves pour les retraites. Vous avez publié hier le décret qui crée officiellement ce fonds, deux jours avant ce débat : il était temps ! Et vous deviez le doter de deux milliards, ce qui n'a pu être fait puisqu'il a été créé hier.

Mme la Ministre - Il a été doté. Il devait l'être en 1999 : nous sommes en 1999.

M. Thierry Mariani - De toute façon, ce ne sont pas deux, dix, ou même cent milliards qu'il faudrait pour consolider nos régimes par répartition : ce sont 400 milliards qui manqueront à terme, selon le rapport Charpin. De même, ne nous répondez pas que vous comptez affecter au fonds les «excédents» de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés. Certes, la commission des comptes de la Sécurité sociale a prévu un excédent de 4,3 milliards en 1999, et 6,5 milliards en l'an 2000. Mais ces excédents sont aujourd'hui virtuels et hypothétiques. Même s'ils devaient se réaliser, les quelque 15 milliards que vous entendez mobiliser restent symboliques au regard des 400 milliards qui seraient nécessaires.

C'est donc avec gravité que nous vous demandons solennellement de cesser de reporter, pour des raisons politiciennes qui ne nous échappent pas, les décisions qui s'imposent pour consolider notre système de retraites. Nous vous demandons de prendre enfin vos responsabilités sur ce dossier !

Les solutions existent et sont connues de tous : ce n'est qu'en instaurant un régime de retraites par capitalisation, venant renforcer nos régimes de base par répartition, que nous assurerons la pérennité de ces derniers. Même si le mot vous fait peur, même si l'idéologie vous interdit de voir la réalité en face, ce n'est qu'en instaurant des fonds de pension à la française que nous assurerons un revenu suffisant pour les générations issues du Baby boom

Je vous appelle à faire preuve d'un peu de courage et de volonté, comme l'ont fait les gouvernements Balladur et Juppé, en mettant en place sans tarder une réforme complète de nos régimes de retraites. Cela risque, bien sûr, de vous rendre moins populaire : vous devrez faire preuve de persuasion et de pédagogie à l'égard de nos concitoyens. Mais c'est la seule alternative pour sauver les retraites.

Quand nous vous pressons d'instaurer les fonds de pension, quand la Haute assemblée, dans sa sagesse, adopte une proposition de loi dans ce sens, vous répondez que le système par capitalisation n'est pas équitable. Laissez-moi vous démontrer le contraire. Où seront l'équité et la justice sociale quand, en 2005 ou 2010, alors que vous n'aurez rien fait, nos concitoyens les moins aisés ne toucheront que des pensions misérables, tandis que les plus riches, les plus prudents, auront capitalisé par eux-mêmes, s'assurant des revenus corrects ? En ne faisant rien, vous instaurez à terme, pour les pauvres et les classes moyennes, un minimum vieillesse qui leur permettra tout juste de survivre !

Cessez par conséquent de nous parler de justice sociale : votre inaction et votre irresponsabilité mènent à l'injustice ! Vous devriez bien adopter une vision pragmatique plutôt que de vous enfermer une nouvelle fois dans une idéologie qui vous a déjà conduite à instaurer la retraite à 60 ans.

Vous vous refusez de même à toute décision relative aux régimes spéciaux, où se trouve pourtant l'un des n_uds du problème, comme le rapport Charpin le démontre, après le livre blanc de 1991. Vous prétextez qu'ouvrir ce dossier reviendrait à montrer du doigt les fonctionnaires. Or il n'en est rien. Le besoin de financement de leur régime s'élèverait, en 2015, à législation inchangée, à vingt points de cotisations supplémentaires -et à trente points pour le régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Ne pas s'en préoccuper, c'est aller contre l'intérêt des bénéficiaires eux-mêmes.

Mais on ne peut non plus éluder en la matière la question de l'équité. Comment accepter le statu quo quand ces régimes spéciaux assurent pour la plupart un statut nettement plus favorable que celui du régime général ? Comment admettre que les personnels du secteur public ne consentent pas un effort équivalent à celui des salariés du privé ?

Ne pas oser aborder cette importante question, c'est faire preuve de bien peu de considération envers les fonctionnaires. Le problème des retraites n'est pas un problème catégoriel et je suis intimement convaincu que chacun de nos concitoyens est en mesure d'accepter certaines réformes dans l'intérêt général.

Cela ne sera possible, bien entendu, que dans la mesure où les politiques accepteront de parler franchement et sans démagogie de ces questions. Or, avec ce projet, vous bottez une nouvelle fois en touche, en perdant un temps précieux.

Enfin, que dire des retraites agricoles, qui ne peuvent assurer une vie décente à leurs bénéficiaires ? Sur ce point encore, vous ne faites rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Ce projet de loi se caractérise donc par une double tromperie : le financement de votre fonds demeure virtuel et, alors que vous annoncez depuis trois ans des mesures, vous ne faites rien de tangible. Vous ne gouvernez que par le verbe ! Cela ne peut avoir qu'un temps et l'heure des comptes va bientôt sonner.

Toutes vos réformes, tous vos «grands projets» sont bâtis sur des fondations de papier : les abattements fiscaux liés au Pacs ne sont pas financés, la CMU se découvre être un gouffre financier, la pérennité des emplois-jeunes demeure incertaine et, pour les 35 heures, il vous manque des milliards ! Ce ne sont plus là des bombes à retardement, mais l'assurance de catastrophes financières en chaîne.

Même les symboles ont un coût ! Les vôtres coûteront cher aux classes moyennes et aux retraités.

Autant de raisons pour lesquelles le groupe RPR s'opposera de toutes ses forces à ce projet, pour ce qui est de la branche vieillesse (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Mme Muguette Jacquaint - Rétablissement du versement des allocations familiales sans condition de ressources, réforme du quotient familial, élargissement des conditions d'ouverture de certaines prestations : ces trois décisions ont permis de revenir à une certaine équité et de mieux respecter les droits de l'enfant. Toutefois, ces droits nouveaux demeurent méconnus et devraient donc faire l'objet d'une information particulière : en Seine-Saint-Denis, par exemple, seules quelques centaines de familles d'un enfant ont perçu l'ARS.

Un autre moment fort de cette année fut la Conférence de la famille du 7 juillet. Après consultation des associations, le Premier ministre y a annoncé ses orientations et nous serons bien entendu attentifs à ce qui en sortira.

Au moment où s'engage cette discussion, les dépenses prévisionnelles de la branche famille atteignent 265 milliards, ce qui témoigne du poids de la CNAF dans la politique familiale, sans commune mesure avec les moyens issus du budget de l'Etat. Ce qui est fait pour l'allocation de parent isolé et pour le Fonds d'action sociale devrait apporter un heureux correctif mais on ne saurait oublier toutes les familles qui ne bénéficient pas des allocations familiales, au mépris du principe d'universalité. Revendiquer le versement des allocations dès le premier enfant et tant qu'un enfant est à charge est légitime. Aussi le groupe communiste avait-il déposé un nouvel amendement à ce sujet, amendement auquel a été opposé l'article 40. Pourtant, il n'était pas impossible de le financer : que sont ces quelque 14 milliards en comparaison des nombreux transferts de charges non compensés et des charges indues imposés par l'Etat ?

L'activité croissante des femmes, l'augmentation du nombre des familles monoparentales rendent indispensable une véritable politique de l'accueil du petit enfant. Sous de très nombreux gouvernements, on a multiplié les déclarations d'intention, citant même parfois le nombre de place de crèche à créer ; on a aussi élaboré des dispositions -contrat enfance ou contrat crèche- mais ils se révèlent insuffisants. Aujourd'hui, le Gouvernement doit donc prendre à bras le corps ce problème et débloquer des moyens.

L'allocation parentale d'éducation ne peut être la solution. Elle pèse lourd dans les dépenses de la CNAF, mais n'est souvent qu'un pis-aller pour les familles et, surtout, elle a pour effet d'écarter du monde du travail un très grand nombre de femmes.

Les articles de ce projet relatifs à la famille sont très contrastés. L'article 7 va se traduire en l'an 2000 par une baisse de 0,4 % du pouvoir d'achat des prestations familiales et si, pour la deuxième année consécutive, l'âge d'ouverture des droits est reculé à 21 ans pour les aides logement et le complément familial, la mesure est en retrait sur celle de l'année passée, qui concernait toutes les prestations.

Enfin, lier la garantie de ressources de la CNAF à l'évolution du PIB, permet à cette caisse une meilleure planification, sans toutefois lui permettre d'assumer l'ensemble de ses missions et objectifs. Plus généralement, il est nécessaire de procéder à une «remise à plat» et à une simplification des prestations : il en existe aujourd'hui 25, qui obéissent à 15 000 règles différentes et nécessitent près de 170 imprimés. De surcroît, des modifications continuelles compromettent l'ouverture de ces droits.

Autre problème, mais cette fois circonscrit : en prévision du «bug» de l'an 2000, certaines caisses, dont celle de Seine-Saint-Denis, demandent à pouvoir verser aux allocataires l'ensemble des prestations avant le 30 décembre, au lieu du 5 janvier 2000. Peut-on satisfaire cette demande ?

Tout cela démontre l'utilité d'un grand débat, après que la conférence de la famille de juillet a ouvert les chantiers que l'évolution de la famille exigeait (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Charles de Courson - Ce projet et les fonds associés vont-ils permettre une modération des dépenses, une baisse des prélèvements obligatoires et une amélioration du solde des administrations de Sécurité sociale ? La réponse est claire, mais ne va pas dans le bon sens.

En premier lieu, ce projet contribue à la hausse continue des prélèvements obligatoires. En lisant le rapport économique et financier, on constate une hausse continue de 0,9 point entre 1997 et 2000. De 20,4 % en 1997, on passe à 20,6 % en 1998, puis à 20,9 % en 1999, pour atteindre 21,3 % en 2000 : la hausse de la pression de prélèvements sociaux est donc de 0,9 point, soit de 83 milliards.

Cette évolution est d'ailleurs quelque peu sous-évaluée, car les 7 milliards de la taxe sur les heures supplémentaires ne sont pas, semble-t-il, intégrés dans vos prévisions, et on sera donc à 0,5 point de hausse en 2000. De plus, le projet ne prend pas en compte des décisions prises sur la CNRACL, soit 2 milliards en 2000 et 2 milliards en 2001, ni la décision de poursuivre la revalorisation des retraites agricoles de 1,2 milliard en 2000.

Plus grave : le mouvement va se poursuivre entre 2000 et 2004 : le financement des 35 heures coûtera 41 à 46 milliards supplémentaires, soit près de 0,5 point de PIB en quatre ans ; d'autre part, la non-réforme des retraites va coûter quelque 13 milliards chaque année, soit une cinquantaine de milliards en quatre ans.

Ces deux factures vont représenter environ 1 point de PIB de prélèvement social supplémentaire, soit une augmentation comparable à celle qui est constatée entre 1997 et 2000.

Mais le changement de méthode comptable permet de limiter -en apparence seulement- la hausse. En effet, dans le nouveau système de comptabilité nationale, les cotisations sociales sont évaluées nettes des allégements de charges. Les prélèvements obligatoires seront ainsi réduits, de 24 à 25 milliards en 2000, soit de 0,28 point de PIB, et de 0,8 point et 65 milliards en 2004.

Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, les prélèvements d'impôts sur les bénéfices des entreprises et sur les revenus des salariés, pour financer les allégements de charges, contribue à la hausse des prélèvements obligatoires, car ceux qui payent et ceux qui bénéficient de ces allégements ne sont pas les mêmes. On pourrait, sinon, déduire directement les hausses de l'impôt, par exemple !

D'autre part, le projet ne contribuera pas à modérer les dépenses sociales. En 1999, les prestations sociales vont augmenter davantage en volume que le PIB : de 2,7 % contre 2 ,3 %. Il en sera de même pour l'ONDAM, qui augmentera de 2,6 %. La dérive est donc, respectivement, de 1,4 % et de 1,2 % par rapport aux prévisions du Gouvernement. En 2000, la tendance sera la même, et le Gouvernement s'enferme dans son erreur en tablant sur une croissance en valeur de 3,1 % pour les prestations et de 2,5 % pour l'ONDAM. Une fois encore, la croissance est de 4 % supérieure à celle du PIB en valeur et, en fait, l'ONDAM est de 4,5 % plus élevé qu'en 1999. Si, en outre, on fait abstraction de l'effet négatif, en 2000, de la surévaluation de l'indice de revalorisation qui a lieu en 1999, on s'aperçoit qu'une inflation plus faible que prévue aura pour conséquence mécanique l'accroissement du poids des dépenses sociales dans la richesse nationale.

Dans le même temps, le déficit des finances publiques se réduira moins vite que ne le prévoit le Gouvernement. En effet, une amélioration de 0,4 %, soit 37 milliards, s'expliquerait par l'accroissement de l'excédent du financement de la Sécurité sociale, qui passerait de 0,1 % en 1999, à 0,25 % de PIB en 2000.

Or le seul financement du passage aux 35 heures va réduire de 5,6 milliards le FSV ! Plus généralement, le dérapage des dépenses risque de réduire encore l'excédent prévu, sans même parler du milliard supplémentaire nécessaire au financement des retraites des agriculteurs.

En conclusion, le projet reflète les trois vices de la politique sociale du Gouvernement : les dépenses augmentent, de manière durable, plus rapidement que la richesse nationale ; les prélèvements sociaux aggravent de 0,3 % du PIB les prélèvements obligatoires chaque année ; enfin, le besoin de financement ne progressera pas comme le prévoit le Gouvernement.

Dans ces conditions, on ne peut que rejeter un tel projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. André Aschieri - La réforme de la Sécurité sociale engagée il y a deux ans va dans le bon sens, mais la loi votée l'an dernier ne représentait qu'une étape, et il est important de réaffirmer certains principes qui, me semble-t-il, ont été oubliés. Le premier de ces principes est que le malade doit être replacé au c_ur de la protection sociale. Il faut, pour cela, réorganiser le système de santé, pour créer un dispositif médicalement sûr, économe des deniers publics et, surtout, accessible à tous.

C'est dire que le financement de la Sécurité sociale doit être fondé sur les besoins des malades et non uniquement déterminé en fonction de considérations budgétaires. Ainsi, comment expliquer les restrictions de crédits qui frappent les observatoires régionaux de santé, dont l'utilité pour la santé publique est pourtant manifeste ?

Contre le pouvoir de l'industrie pharmaceutique, qui pousse à la surprescription, nous devons humaniser les soins, développer la prévention et, plus généralement, sortir de la logique marchande. La démocratie sanitaire ne doit pas s'arrêter à l'issue des états généraux de la santé : elle doit être permanente.

Placer le malade au c_ur du système, c'est être proche de lui, comme vous l'avez été, Madame la ministre, en participant à la manifestation des victimes de l'amiante, et en respectant l'engagement que vous aviez pris de les aider. Cependant, les mesures définies doivent être complétées.

Je tiens en effet à souligner les difficultés que rencontrent les victimes de maladies professionnelles et d'accidents du travail, qui doivent se battre pendant des mois, et parfois des années, pour être justement indemnisées. Ainsi, en 1996, sur 8000 cancers d'origine professionnelle, seuls 308 ont été indemnisés ! Comment s'étonner que des dizaines de victimes clament leur souffrance, leur désespoir et leur colère ?

Le groupe RCV a obtenu, par un amendement, l'indemnisation des victimes d'accidents du travail successifs, ce qui a mis fin à des années de contentieux. Mais cette modification est dérisoire au regard de ce que nous devrions accomplir. Je tiens donc à dénoncer le refus qui nous est systématiquement opposé en commission en s'appuyant sur l'article 40. Lorsqu'une cause est juste, il est possible de trouver les moyens ! Vous le savez bien, Madame la ministre, qui avez fait adopter des mesures utiles et onéreuses ! Devons-nous répondre aux victimes de l'amiante que nous ne pouvons rien faire pour elles «à cause de l'article 40» ?

La législation relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles a plus d'un siècle. Il faut repenser entièrement la santé au travail, et c'est pourquoi les députés Verts insistent sur la nécessité d'une véritable loi d'indemnisation assurant la réparation intégrale et rapide des préjudices subis par toutes les victimes sans exception. Un tel texte pourrait être examiné au printemps.

Mais le problème de l'amiante doit nous amener à nous interroger sur la manière d'évaluer et de gérer les risques sanitaires. L'an dernier, un grand progrès a été accompli avec la mise en place de deux agences de sécurité sanitaire et d'un institut de veille sanitaire. Mais, pour que le système sanitaire soit efficace, il faut lui donner les moyens de fonctionner. Je regrette que l'Institut de veille sanitaire et plus particulièrement l'Unité santé travail, ne puissent développer toutes leurs activités faute de moyens. La loi du 1er juillet 1998 mettait en place des organismes indépendants et une nouvelle fois, j'insiste sur la nécessité de compléter rapidement le dispositif existant par la création d'une troisième agence «Santé-Environnement», d'ailleurs annoncée par le Premier ministre, le 30 juin dernier.

Les maladies professionnelles prennent maintenant des formes insidieuses, si bien que certains cancers dus à ses substances toxiques se déclarent de longues années, après l'exposition. Insidieux est aussi le vieillissement prématuré dû à l'exposition aux vapeurs de solvants. Les crises sanitaires que nous pressentons aujourd'hui ne sont que la partie émergée de l'iceberg, car nous ne connaissons pas les effets à long terme de nombreux produits sur la santé. Il est donc d'une importance capitale de procéder à des études épidémiologiques et à une veille environnementale. Je me souviens d'avoir interrogé le Gouvernement sur les éthers de glycol sans avoir obtenu de réponse satisfaisante... Devrons-nous nous contenter d'attendre qu'éclate une nouvelle crise de santé publique pour prendre les mesures qui s'imposent ? Il faut réformer rapidement le système de prévention des risques professionnels sur la base du principe de précaution.

La prévention est en effet essentielle. Prévenir aujourd'hui, c'est éviter de soigner demain, et assurer l'équilibre de la sécurité sociale après-demain. C'était une erreur fondamentale que de refuser d'appréhender la santé dans son ensemble, en privilégiant la médecine curative et en négligeant la médecine préventive, alors qu'elles devraient être complémentaires.

Nous apprécions l'effort fait pour reconnaître le rôle et la mission des centres de santé. Nous nous félicitons particulièrement d'avoir pu faire adopter en commission les amendements que nous avions déposés et qui visent à redéfinir leur rôle social, éducatif et préventif ainsi qu'à maintenir le tiers payant indispensable pour la population qui les fréquente. Toutefois, leur financement suscite l'inquiétude et, déjà dans certains départements, les centres de santé ont fermé, faute de moyens au grand dam d'une population en grande difficulté.

Enfin, il est urgent de répondre aux besoins multiples des personnes âgées dépendantes. Leur prise en charge doit être réorganisée en simplifiant les procédures et en développant le maintien à domicile.

Vous venez de recevoir, Madame la ministre, le rapport de Mme Guinchard-Kunstler, qui propose une série de mesures à ce sujet. J'espère que vous nous présenterez rapidement les réformes en profondeur que nous attendons dans ce domaine.

Les députés Verts attendent des réponses positives à propos de l'évolution de la santé au travail, de l'indemnisation des victimes et de la politique de prévention sanitaire. Ils souhaitent que le débat permette d'enrichir le projet de loi, en y intégrant leurs propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Georges Tron - Rarement l'Assemblée nationale aura travaillé sur un texte aussi confus que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000. On peut d'ailleurs se demander si la confusion n'a pas été organisée : en effet, le projet de loi de finances, le projet de loi relatif à la réduction du temps de travail et le présent projet ont été rédigés de telle façon qu'aucun d'entre eux ne contient à lui seul les informations que l'on serait en droit d'y trouver, chacun renvoyant aux deux autres. Sans doute jugé moins exposé que le budget, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale concentre tous les mauvais coups portés par le Gouvernement à notre économie, 35 heures obligent.

Le Gouvernement prévoit dans le projet de loi de finances de contenir l'augmentation des dépenses publiques au taux de l'inflation, mais il renvoie le financement de l'allégement des charges lié aux 35 heures à un fond spécifique inclus dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Tous comptes faits, et comme d'autres fonds spécifiques ont été mis en place -je pense notamment à celui qui doit financer la CMU-, les dépenses publiques augmenteront en fait de 3 %, soit beaucoup plus qu'il ne faudrait.

Le Gouvernement annonce des baisses d'impôts : en réalité, ceux-ci n'auront jamais été aussi lourds en France qu'en 2000. Les ménages feront les frais du financement de 80 % de l'allégement des charges sur les bas salaires par les taxes perçues sur le tabac et les alcools. Les entreprises ne seront pas non plus épargnées, puisque mises à contribution pour plus de 15 milliards au titre de la nouvelle contribution sociale sur les bénéfices, de l'écotaxe et de la taxation des heures supplémentaires. Allant ainsi à l'inverse de ce que font tous nos concurrents, vous condamnez nos entreprises à supprimer des emplois à terme.

Un mot maintenant de votre méthode. Chacun savait que le fonds prévu à l'article 2 servirait in fine à financer la réduction du temps de travail. Mais tous les partenaires sociaux, y compris ceux qui défendaient les 35 heures, refusaient que l'on mette à contribution les organismes sociaux -le Conseil d'Etat avait d'ailleurs évoqué l'inconstitutionnalité du projet. Vous ne les avez pas entendus, si bien que vous avez dû ensuite, dans la précipitation, revoir totalement le financement du fonds.

Les 7 à 8 milliards que devait verser l'UNEDIC proviendront finalement de la taxation des heures supplémentaires dans les entreprises qui n'auront pas appliqué les 35 heures. C'est instituer un contrôle supplémentaire sur nos entreprises, leur imposer une contrainte administrative de plus. Dans le même temps, nos concurrents renforcent la compétitivité des leurs...

Les 5 à 6 milliards que devait verser la Sécurité sociale proviendront, eux, d'une fraction des droits sur les alcools actuellement versés au fonds de solidarité vieillesse, dont l'excédent devait alimenter le fonds de réserve des retraites. Seule la Sécurité sociale alimenterait donc maintenant ce dernier, ce qui ne laisse pas d'inquiéter. Qu'adviendra-t-il au moindre retournement de conjoncture ? Seule la croissance permet de masquer la non-maîtrise des dépenses de santé.

La TGAP servira dorénavant à financer l'allégement des charges plutôt que des mesures destinées à protéger l'environnement. Cette nouvelle affectation permet au Gouvernement, par le biais d'un artifice comptable, de prétendre que les prélèvements obligatoires n'augmentent pas. Par ailleurs, la remise en question du principe pollueur-payeur ne convaincra pas les entreprises que le Gouvernement fait de la protection de l'environnement l'une de ses priorités puisqu'il n'y consacrera pas les sommes prélevées à ce titre.

A défaut d'autre chose, on attendait de ce projet de loi qu'il traduise la volonté du Gouvernement de renforcer la politique familiale, de maîtriser enfin les dépenses de santé et d'engager la réforme, inéluctable, des retraites. Il n'en est malheureusement rien.

Le projet de loi abroge l'article 22 de la loi du 4 juillet 1994 qui prévoyait de prolonger à compter du 1er janvier 2000 le versement des prestations familiales jusqu'aux 22 ans de l'enfant. Vous présenterez sans doute comme une grande avancée le prolongement jusqu'à 21 ans de la part familiale de l'allocation logement et du complément familial -soit trois allocations seulement sur vingt-quatre ! Les Français pensent, comme le confirme une enquête du CREDOC, que l'Etat doit faire davantage pour les familles, en particulier pour les grands enfants. Alors que 580 000 familles escomptaient toucher les allocations familiales jusqu'à 22 ans à compter du 1er janvier 2000, les deux tiers d'entre elles n'auront rien et le tiers restant ne touchera que la moitié de ce qui pouvait être attendu. La mesure prévue par la loi de 1994 coûtait 7 milliards. Vous ne consacrez, pour votre part, aux grands enfants que 1,3 milliard....

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour la famille - Vous n'y avez rien consacré du tout !

Mme Odette Grzegrzulka - Mauvaise foi !

M. Georges Tron - Le projet de loi prévoit par ailleurs d'indexer les ressources de la branche famille sur le PIB, louable intention qui serait plus crédible si le Gouvernement respectait la précédente garantie de ressources prévue à l'article 34 de la loi du 25 juillet 1994. La perte de recettes pour la CNAF est évaluée à 1,2 milliard par la Commission des comptes de la Sécurité sociale.

Alors que la majoration de l'allocation de rentrée scolaire représente un coût de plus de 6 milliards, le projet de loi ne prévoit aucune recette supplémentaire pour la CNAF, qui sera seulement déchargée du FASTF à hauteur d'un milliard.

S'agissant de la branche maladie, calculer la progression de l'ONDAM non à partir de l'objectif précédent mais des dépenses réelles fausse l'approche, preuve que la situation vous échappe. Vous avez raison d'affirmer «qu'afficher des objectifs dont on sait pertinemment qu'ils ne seront pas tenus n'a aucun sens». Mais c'est aussi un aveu d'échec.

Pour ce qui concerne la branche vieillesse, eu égard aux enjeux et à la gravité du problème, le projet de loi n'apporte pas le moindre commencement de solution.

Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale n'est qu'un texte de circonstance dont on comprend les raisons politiques mais dont on déplore qu'il engage notre pays à contre-courant de ses partenaires sur le plan économique et ne permette pas d'envisager la stabilisation et a fortiori le redressement de nos comptes sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Hélène Mignon - Les évolutions économiques, démographiques et technologiques de ces dernières années ont profondément modifié le fonctionnement de notre société. La famille n'a pas échappé à ces évolutions. Rien ne sert de pleurer le mariage ni de le sacraliser, non plus que d'en rester à une image stéréotypée de la famille (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il existe aujourd'hui plus d'un million de familles monoparentales et la parenté homosexuelle existe. Nous n'avons pas à porter de jugement de valeur sur ces faits.

Je traiterai ici plus particulièrement du cas des adolescentes qui assument une grossesse non désirée. Quel drame pour la plupart d'entre elles ! Quels repères aura cet enfant, dont la mère est à peine sortie de l'enfance, et dont le père, souvent adolescent lui-même, fuit sa responsabilité.

M. Georges Tron - C'est Zola !

Mme Hélène Mignon - Comme le déclarait Lionel Jospin devant la Conférence de la famille le 7 juillet dernier, être parent est une mission difficile et délicate. Malheureusement, nous ne sommes pas tous égaux pour remplir cette mission. Il faut apporter une aide à tous ceux qui en ont besoin, avant de parler de démission des parents. Sauf cas pathologique, on n'est pas «mauvais parent». Mais, on ne sait pas faire, ou on ne peut pas. Et l'amour qu'on porte à ses enfants ne suffit pas à résoudre les difficultés.

Pour ne pas voir ces familles s'enfoncer dans l'exclusion, c'est très tôt que nous devons les soutenir. Précarité de l'emploi, absence de perspective professionnelle, difficultés de logement, conflits conjugaux : autant de problèmes trop lourds à porter pour les femmes seules.

Les familles étrangères rencontrent encore des difficultés supplémentaires.

Les aides financières, indispensables, ne sont néanmoins pas suffisantes. Il faut écouter et conseiller ces familles. Des crédits sont inscrits à cette fin dans le budget ; il faut les utiliser.

80 centres d'accueil existent déjà : il faut maintenant élargir leur champ d'action et que les trois partenaires, Etat, Caisse nationale d'allocations familiales et associations familiales les rendent opérationnels, sans pour autant que s'institue une tutelle des uns sur les autres.

On le sait, les personnes en difficulté préfèrent souvent s'adresser à des associations qu'à des travailleurs sociaux, qu'elles redoutent. Ces centres peuvent contribuer à «resocialiser» parents et enfants et servir de passerelle.

Certains critiquent l'abaissement du plafond du quotient familial. Critique dérisoire quand on sait que cette réforme a profité à toutes les familles avec un enfant ayant un revenu mensuel net inférieur de 38 600 F et celles avec trois enfants ayant un revenu mensuel de 48 000 F.

Il faut voir le public qui s'entasse dans les locaux des CAF pour comprendre à quel point nos compatriotes en difficulté attendent leurs prestations.

La pérennisation de l'allocation de rentrée scolaire, son attribution dès le premier enfant, tout comme l'extension aux allocataires du RMI des majorations pour âge des allocations familiales ont été très appréciées. Ces mesures, cependant, restent insuffisantes, en particulier quand les familles comptent de grands enfants, qui occasionnent des dépenses scolaires importantes.

Aujourd'hui, en France, 80 % des femmes travaillent. Gage d'autonomie, le travail peut se révéler un facteur de déstabilisation quand arrive l'enfant.

La déstructuration de la vie familiale touche les plus fragiles, les plus précaires des salariés. La réduction du temps de travail permettra à chacun de mieux organiser sa vie.

Il faut aussi diversifier les modes de garde et mieux répondre aux besoins. Je note avec plaisir que les crédits du fonds d'action sociale de la CNAF ont été augmentés de 700 millions, après l'avoir été d'un milliard en 1999. Cependant, le nombre des prestations, des imprimés est tel que la présidente de la CNAM, nous a confié qu'il lui fallait un an pour former un salarié capable de renseigner les assurés. Il est temps de toiletter ce dispositif, et même de le remettre à plat.

Si l'école maternelle est, indiscutablement, un lieu de socialisation, je me demande si l'inscription n'est pas trop précoce pour certains enfants ?

En outre, rien n'est prévu pour les familles dont l'enfant, inscrit en crèche, atteint ses trois ans en cours d'année scolaire et ne peut donc être scolarisé qu'à la prochaine rentrée.

Il y a trente ans, la plupart des jeunes se mariaient et trouvaient un emploi stable avant 25 ans. Aujourd'hui, entre la fin du lycée et l'entrée dans la vie adulte, se situe une période intermédiaire de plus en plus longue, vécue différemment suivant les catégories sociales. Trois jeunes de 20 ans sur quatre habitent chez leurs parents et l'âge médian de l'obtention du premier emploi est de 23 ans.

Il est donc satisfaisant que le Gouvernement, sensible aux problèmes rencontrés par les familles, ait prolongé le bénéfice des prestations familiales jusqu'à 20 ans dès le mois de janvier 1999. En outre, afin d'éviter une suppression brutale de toutes les prestations dès qu'un jeune atteint son vingtième anniversaire, l'âge pris en compte pour les allocations logement et le complément familial est porté à 21 ans au 1er janvier 2000.

M. Georges Tron - Mais pas à 22 !

Mme Hélène Mignon - Cependant, on ne peut se contenter de prolonger le versement des allocations familiales. Il faut conforter l'action sociale et repérer, chez les jeunes, les troubles du comportement et les carences affectives qui pourront avoir pour conséquence la violence, les dépressions, le suicide, la toxicomanie, l'alcoolisme.

Le Gouvernement veut aider les jeunes à s'insérer dans le marché du travail et à accéder à un logement. Grâce au programme «Nouveaux services, nouveaux emplois», plus de 200 000 jeunes ont réussi leur insertion professionnelle. Quant au programme TRACE, il devrait en concerner 40 000. Le public visé est atteint et l'équilibre entre les deux sexes, respecté. Il faut cependant souhaiter que les zones rurales soient davantage prises en compte et que les jeunes les plus en difficulté bénéficient du dispositif.

Pour renforcer l'autonomie des jeunes, peut-on aller plus loin ? Mettre en place une allocation versée dans l'attente d'une formation ou d'un emploi, imaginer un prêt remboursable au moment de l'intégration professionnelle, intégrer dans l'indemnisation du chômage, tout ce qui est formation, telles sont les suggestions qui nous sont le plus souvent faites.

Pour conclure, je veux rappeler que l'effort de l'Etat en faveur des familles ne se limite pas au contenu de ce projet. Différents ministères interviennent, en particulier celui de l'éducation nationale, sans compter le monde associatif, notamment l'éducation populaire. Les contrats de ville permettent aux communes de participer à cette politique et la loi contre les exclusions nous a donné des moyens d'action.

Nous nous félicitions que la conférence de la famille se tienne régulièrement et qu'une délégation interministérielle à la famille veille à la cohérence des mesures prises.

C'est pourquoi le groupe socialiste vous assure de son soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Maxime Gremetz - L'avenir de notre système de retraite constitue un enjeu fondamental pour notre société. Il s'agit de savoir si nous voulons maintenir et consolider un système reposant sur la solidarité entre les générations ou si nous voulons développer l'individualisme par la capitalisation et les fonds de pension.

Les parlementaires communistes ont choisi la première voie. En effet, nous sommes de ceux qui pensent que notre système par répartition est juste et a atteint ses objectifs, même s'il faut le consolider et renforcer son financement.

Nous entendons assurer la pérennité de nos régimes par répartition, dans la concertation et dans le souci de l'équité entre les générations, sans remettre en cause les régimes spéciaux (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR).

Le Gouvernement a chargé M. Charpin, commissaire général au Plan, de lui remettre un rapport. Les conclusions qu'il contient ont suscité une vive et légitime émotion dans notre pays. En effet, ce rapport est contestable. En prévoyant un taux de chômage de 9 % pour les années à venir, son auteur considère que la mondialisation de l'économie et la précarité de l'emploi sont inéluctables. Ce n'est pas recevable.

Nous ne pouvons être favorables à un allongement de la durée de cotisation, comme le demande le Medef. Ce serait un recul de civilisation.

Le recours à la capitalisation et aux fonds de pension n'est pas davantage une solution ? Je note d'ailleurs que les partisans des fonds de pensions s'alarment des dangers qui guettent les régimes spéciaux si on ne les aligne pas sur le privé. Or les régimes publics sont les régimes qui ont eu recours à une forme de fonds de pensions. On voit que la capitalisation met en péril les salariés.

D'autre part, les fonds de pensions freinent l'investissement productif et nuisent à la création d'emploi. Je pense à Michelin et à bien d'autres cas encore.

J'attends, à cet égard, du Gouvernement qu'il nous confirme l'abrogation de la loi Thomas.

Le rapport Charpin ne peut constituer l'unique base de réflexion. Nous jugeons utile que le Gouvernement ait engagé une seconde phase de concertation avec les partenaires sociaux. Il faut écouter et entendre, c'est à cette condition que la concertation est efficace.

Nous contribuerons au débat en défendant nos propositions, comme l'indexation des pensions de retraite sur les salaires, le calcul sur les dix meilleures années, l'ouverture du droit à la retraite dès 37,5 années de cotisation et à l'âge de 55 ans pour les salariés ayant occupé des travaux pénibles ainsi que pour les femmes. En outre, il faudrait prendre en compte les années d'apprentissage, voire les années d'études universitaires.

Le système par répartition est le plus juste, car il repose sur le travail des générations actuelles et à venir. On nous parle d'une catastrophe en 2040. Mais c'est dès maintenant qu'il faut revoir le financement des retraites et taxer les revenus financiers des entreprises (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR).

Une modulation des cotisations patronales, en outre, en favorisant l'emploi, créerait de nouveaux cotisants.

Pour les retraités comme pour ceux qui le deviendront, il importe de consolider les acquis afin de renforcer la cohésion nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR).

M. Gilles Carrez - Hier après-midi, à l'occasion des questions d'actualité, Mme Guigou a déclaré que ce gouvernement n'a jamais présenté au Parlement une réforme non financée.

Mme Odette Grzegrzulka - C'est exact !

M. Gilles Carrez - Plus c'est gros, plus ça a des chances de passer, aurait dit notre collègue Georges Marchais s'il était encore parmi nous (Protestations sur les bancs du groupe communiste). Eh bien non, ça ne passe pas : qu'il s'agisse de la CMU, de la réduction du temps de travail ou de la politique familiale, vos réformes ne sont pas financées dans le texte que vous défendez aujourd'hui.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Mais si !

M. Gilles Carrez - D'ailleurs, plutôt que loi de financement, mieux vaudrait l'appeler loi d'improvisation financière sur la sécurité sociale... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) En ce qui concerne la CMU, on retrouve bien dans le budget de l'Etat, en net, un petit milliard supplémentaire. Si la dotation globale de décentralisation versée aux départements est réduite, il y a compensation partielle dans le budget des affaires sociales. Mais dans votre texte, en particulier pour la couverture complémentaire, aucun financement n'est prévu. Hier après-midi, en répondant à notre excellent collègue Philippe Auberger, Mme Aubry n'a été capable de citer que le prélèvement sur le chiffre d'affaires des organismes mutualistes : c'est totalement insuffisant pour financer le coût moyen de 1500 F par assuré de la couverture complémentaire, qui en outre est manifestement sous-évalué.

Deuxième exemple : la politique familiale.

M. Jean Bardet - Il n'y en a plus !

M. Gilles Carrez - J'y viens. Sous couvert d'une prétendue garantie de ressources jusqu'en 2002, l'article 9 dépouille la CNAF de tous ses excédents futurs. Elle sera ainsi dans l'incapacité d'accompagner les communes dans leurs actions pour l'accueil de la petite enfance, alors que les besoins de places de crèche restent très importants, notamment en région parisienne. Pourtant, Madame la ministre, vous nous avez fait en commission des promesses très précises sur ce sujet il y a une quinzaine de jours.

Mme la Secrétaire d'Etat - J'ai parlé de partenariat : il faut que les communes se mobilisent !

M. Gilles Carrez - Depuis 1997, le Gouvernement se livre méthodiquement à un démantèlement de la politique familiale.

Mme la Secrétaire d'Etat - Il ne suffit pas de forcer le ton pour avoir raison...

M. Gilles Carrez - Je ne le force nullement mais je constate que la semaine dernière, pas un seul des amendements de l'opposition visant à rétablir la politique familiale n'a été accepté par le Gouvernement.

M. Maxime Gremetz - Parce qu'ils étaient mauvais !

M. Gilles Carrez - Le plafond du quotient familial ne sera pas réévalué, la réduction d'impôt pour emplois familiaux restera la même, les allocations versées au titre des congés de maternité demeureront soumises à l'impôt... Ce n'est pas la revalorisation de 0,5 % des prestations familiales en 2000 qui suffira à améliorer la situation ! Décidément, le Gouvernement et sa majorité n'aiment pas la famille (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Troisième exemple : les 35 heures.

Le Gouvernement dit en substance que les nouveaux impôts supportés par les entreprises -contribution sur les bénéfices, écotaxe- ne font que compenser la baisse des cotisations patronales au titre de la réduction du temps de travail. C'est complètement faux ! En vérité, la réduction du temps de travail comme la valse, compte trois temps. Premier temps : les 35 heures payées 39 augmentent de 11 % les charges de l'entreprise. Deuxième temps : pour compenser -partiellement- ce surcoût, les cotisations patronales sont allégées. Troisième temps : pour financer la baisse des cotisations, vous créez de nouveaux impôts sur les entreprises.

Ainsi, les charges des entreprises sont alourdies, même si les prélèvements obligatoires ne paraissent pas bouleversés. La taxation des heures supplémentaires, par exemple, ne sera pas prise en compte dans le calcul des prélèvements obligatoires : on retrouve là des talents d'illusionniste de Dominique Strauss-Kahn !

Première recette du fonds de réforme des cotisations patronales : les droits sur le tabac, qui iront au fonds à hauteur des 39,5 milliards. C'est une débudgétisation sans précédent qui vide de toute substance le discours de Dominique Strauss-Kahn sur la sincérité des comptes de l'Etat.

Deuxième recette : la contribution sociale sur les bénéfices -3,3 % en 2000, 10 % en régime de croisière. C'est la négation même des engagements pris en 1997, puisque la suppression de la surtaxe en 2000 avait été décidée par un vote.

Troisième recette : la taxe générale sur les activités polluantes. A ce sujet, Madame la ministre, vous devez remercier l'opposition qui, par ma voix lorsque j'ai défendu l'exception d'irrecevabilité sur le projet de loi de finances, a fait observer à Dominique Strauss-Kahn qu'il avait oublié l'article d'affectation de cette recette... Dès le lendemain, le Gouvernement a réparé cette omission en déposant un amendement !

M. Yves Tavernier - Cette observation figurait déjà dans le rapport de la commission des finances sur la TGAP !

M. Gilles Carrez - Ce rapport n'a aucune valeur juridique. Moi, je vous parle de la loi de finances !

Dominique Strauss-Kahn se vantait la semaine dernière de supprimer des impôts, et cette semaine vous en créez de nouveaux. Il supprime l'impôt sur les jeux de quilles et de boules, vous taxez les lessives et les assouplissants ; il supprime le droit d'inscription au baccalauréat, vous vous acharnez sur les granulats naturels de plus de 125 millimètres de diamètre !

Mme la Secrétaire d'Etat - Pollution !

M. Gilles Carrez - Plus grave encore : en 2001, 2002, 2003, quand le fonds aura besoin de 110 milliards et que la TGAP devra rapporter 12,5 milliards, les consommations intermédiaires d'énergie seront taxées.

Ainsi, pour financer les 35 heures, certaines entreprises seront obligées de fermer ou de se délocaliser. Pour créer d'hypothétiques emplois nouveaux, on va supprimer des emplois existants... Cela va probablement être le cas pour une entreprise située dans la circonscription du Président de l'Assemblée nationale, qui va durement souffrir de la taxe sur les lessives (Murmures).

J'en arrive à l'impasse financière du fonds. Depuis que vous avez renoncé, sous la pression des partenaires sociaux et de l'opposition, à faire contribuer l'UNEDIC et les régimes sociaux, vous pratiquez le bricolage et l'improvisation.

La taxe de 10 % sur les heures supplémentaires devait servir de recette de trésorerie ; et la voilà promue en recette définitive, alors qu'elle aura disparu dans deux ou trois ans !

Êtes-vous d'ailleurs bien sûre que cette taxe sur les salaires, dont la création n'est inscrite ni dans le PLF ni dans le PLFSS, satisfait à l'article 18 de la loi organique du 2 janvier 1959 ? Si demain vous déposez un amendement, ce sera grâce à l'opposition qu'à nouveau vous aurez échappé à l'inconstitutionnalité.

L'affectation des droits sur les alcools relève de la technique du sapeur Camember. On bouche le trou des 35 heures, en vidant le fonds de solidarité vieillesse... On creuse plus encore le trou du financement des retraites par capitalisation, après avoir affirmé il y a tout juste quinze jours en commission que l'alimentation du fonds de réserve des retraites constituait la priorité absolue du Gouvernement !

Jamais le bricolage et l'improvisation n'avaient pris de telles proportions. Vous avez dû revoir votre copie pour 2000, mais rien n'est résolu pour les années ultérieures. La vérité s'impose : les 35 heures obligatoires coûteront cher aux contribuables et aux salariés, elles pénaliseront nos entreprises. Il est, à l'évidence, impossible au groupe RPR de voter un tel texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Paul Bacquet - Les Français sont viscéralement attachés à la Sécurité sociale, mais elle était devenue pour eux synonyme de trou effarant, vertigineux : 67,5 milliards en 1995, 53,2 en 1996, 33,8 en 1997, mais 16,5 en 1998, environ 4 milliards pour 1999 -et nous pouvons envisager pour 2000 l'équilibre, voire un excédent de 6 milliards ! Il est donc plus facile de parler du projet de loi de financement avec de tels résultats. Ceux-ci résultent de la croissance, qui a apporté des recettes supplémentaires, mais aussi d'un recul du chômage, fruit d'une vraie volonté politique sur l'emploi, et de la réforme du financement de la Sécurité sociale. Il y a eu aussi des mesures correctives, prises le plus souvent dans la plus grande concertation avec les organisations professionnelles.

Au moment d'examiner ce projet, je veux rendre hommage à Alain Juppé, qui a permis que le Parlement débatte du budget de la Sécurité sociale. Il n'était pas acceptable qu'un budget de plus de 1 800 milliards échappe à tout contrôle parlementaire. Or, ces derniers jours, la pierre d'achoppement a concerné 7,5 milliards d'ajustements, sans qu'on prenne en considération tout ce qui a été fait avant : n'oublions pas l'allégement des charges patronales et la volonté d'équilibre, non comme fin en soi, mais comme garantie de la pérennité de la Sécurité sociale. Pour la première fois l'examen d'une loi de financement a lieu dans un contexte que ne caractérisent ni déremboursements, ni hausse des cotisations, ni reversements, ni pénalités ou contraintes comme les références médicales opposables...

Mme la ministre a refusé courageusement la facilité. Elle a refusé le plan Joannet. Pourquoi imposer 30 milliards d'économies aux hôpitaux, quand ils sont «dans les clous» ?

M. Jean Bardet - Avez-vous déjà été dans un hôpital ? Constaté le manque de personnel, de médecins ?

M. Jean-Paul Bacquet - J'y ai pratiqué autant que vous. Vous avez refusé, Madame la ministre, une médecine ambulatoire encadrée, la recertification, le conventionnement sélectif, la mise en cause de la liberté individuelle d'installation, la maîtrise comptable et la médecine autoritaire. Vous avez choisi l'objectivité des résultats, la concertation, le partenariat, le volontarisme et la détermination. Vous avez refusé les discours alarmistes, car les déficits se réduisent et la plupart des objectifs sont tenus. Vous avez choisi l'apaisement, avec un ONDAM à 2,5 % sur la base des résultats réels, et non d'hypothèses. Vous avez choisi une loi volontariste, en assurant par les ARH, que vous n'avez pas créées...

M. Jean Bardet - Et que vous n'avez pas votées !

M. Jean-Paul Bacquet - ...un meilleur contrôle de l'Etat sur les hôpitaux. C'est encore le traitement des inégalités régionales, les évaluations, l'accréditation, la défense de la politique conventionnelle, le partenariat avec les caisses et les syndicats, avec l'appui du Gouvernement. C'est la solidarité affirmée par la création de la CMU ; c'est le choix de la qualité, avec une évaluation, une définition des bonnes pratiques, un engagement et une optimisation à moindre coût. C'est la définition d'objectifs de santé publique avec la mise en place de réseaux. Ce sont là des choix responsables, et c'est pourquoi vous allez réussir !

Sur les honoraires, les objectifs sont tenus, avec plus 1,2 % sur les huit premiers mois de 1999. Mais parallèlement on observe des dérapages : 8 % sur le médicament en 1998, et 5,6 % aujourd'hui. C'est pourquoi vous avez choisi la substitution pour arriver à 30 % de génériques et la réévaluation de l'efficacité thérapeutique des médicaments remboursés. Vous avez choisi de regarder en face les dérives : 8 % sur les transports, 7 % sur les indemnités journalières, et d'analyser les pratiques des gros consommateurs de soins, non pas dans un esprit de suspicion et de «flicage», mais pour une meilleure connaissance des pratiques : la saisie comptable doit venir après une analyse qualitative des pratiques, qui permet d'en proposer de meilleures.

Il y a pour cela des objectifs. C'est tout d'abord la préservation du secret professionnel ; la responsabilité des intervenants doit être clairement définie et des pénalités prévues en cas de non respect. C'est aussi la responsabilité pénale et civile : dès lors que deux intervenants décident ou conseillent une pratique thérapeutique, ils doivent partager la responsabilité de ses conséquences éventuelles. Il faut donc préserver la qualité des soins, et si possible obtenir des résultats comptables. Il ne faudrait pas confondre une analyse médicale, avec des objectifs thérapeutiques, et la gestion d'un plan de carrière, comme dans le cas de ce médecin-conseil national qui demandait à ses médecins-conseils de tripler le nombre des saisines du Conseil de l'Ordre.

Evitons d'humilier les professionnels de la santé. Vous avez choisi la valorisation des praticiens, refusant les termes trop souvent utilisés de «déviants potentiels». Vous affirmez qu'ils ne sont pas responsables de toutes les dérives et qu'ils souffrent aujourd'hui d'une véritable crise de confiance. C'est pourquoi vous entreprenez de leur rendre leur crédibilité, en reconnaissant leur disponibilité, leur compétence, leur sens des responsabilités. Vous avez choisi l'intéressement, par des contrats de bonnes pratiques librement choisis. Vous avez choisi l'analyse périodique des objectifs. Pour éviter qu'elle devienne une négociation permanente sur le devenir des honoraires, il est indispensable que les caisses respectent les directives, et que les caisses primaires soient en harmonie avec les décisions de la Caisse nationale.

Cette loi est réaliste, car elle pose pour objectif un équilibre qui, j'en suis convaincu, sera un excédent ; elle n'envisage ni rationnement des soins, ni baisse des remboursements, ni hausse des cotisations ; elle privilégie une démarche qualitative et partenariale ; elle valorise les acteurs de la santé ; elle définit des objectifs de santé publique. Je suis persuadé que vous réussirez, et que l'an prochain le déficit sera de l'histoire ancienne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Marisol Touraine - L'instauration de la Sécurité sociale, au lendemain de la seconde guerre mondiale, incarnait la volonté de renforcer notre démocratie politique en la dotant d'un solide pilier social. Il fallait réaffirmer, voire réinventer le principe d'égalité à travers une protection sociale universelle et solidaire. Les principes alors posés restent d'actualité. Mais les risques ont évolué. Nous vivons plus vieux, ce qui suscite des problèmes nouveaux pour l'équilibre de notre système de retraites. Les jeunes, qui ont souvent des difficultés à entrer dans la vie active, restent plus longtemps au domicile de leurs parents, d'où une charge accrue pour les familles. Qu'il s'agisse de la santé, des retraites ou de la famille, des changements importants sont intervenus, qui appellent la définition de nouveaux objectifs politiques. Faut-il pour autant renoncer aux principes même de notre protection sociale, et passer de l'Etat providence aux «entrepreneurs sociaux», et à la responsabilisation des familles, comme le suggère un vice-président du Medef ?

Je n'en suis nullement convaincue : seuls des organismes collectifs peuvent sans doute assurer l'universalité des garanties ; et surtout la protection sociale ne se résume pas à des garanties financières. Elle constitue un contrat que la société passe avec les individus, la famille, les retraités. Ce contrat, nous y tenons, même si nous devons en faire évoluer les termes.

Tel est l'enjeu de ce projet, et de la politique du Gouvernement depuis deux ans, dans ce domaine : il s`agit de réaffirmer les principes fondateurs de notre protection sociale, d'en garantir l'effectivité et la pérennité grâce à la régulation des dépenses, d'en adapter les mécanismes à l'état de notre société. La politique engagée recherche l'équilibre en fondant les évolutions structurelles nécessaires sur la responsabilisation des acteurs.

Déjà, les résultats sont là, puisque l'équilibre financier est en vue. Mais surtout, les lignes directrices d'une nouvelle politique de santé apparaissent. Je soulignerai trois orientations. C'est d'abord la volonté de réduire les inégalités, qu'elles soient socioprofessionnelles, territoriales ou liées à l'âge : ce n'est pas seulement un slogan, comme l'a prouvé la création de la couverture maladie universelle. Le dérapage des dépenses se fait au détriment des plus faibles car il a toujours abouti à l'alourdissement des cotisations, aux déremboursements et au renforcement des inégalités entre établissements. Le développement des réseaux, l'orientation par un médecin référent, l'évaluation médicale des médicaments remboursés, le rapprochement des règles applicables aux cliniques privées et aux hôpitaux publics ouvrent la voie d'une plus grande équité sanitaire. Celle-ci doit s'appliquer aux différences sociales, aux différences d'âge, mais aussi aux inégalités territoriales, encore très fortes notamment à la campagne, qui connaît des problèmes sanitaires particuliers.

Deuxième orientation : vous entreprenez de mieux coordonner politique de santé et politique de financement. La maîtrise des dépenses, indispensable, ne saurait être un objectif exclusivement financier : elle doit servir les priorités de santé publique, en particulier la prévention. Le présent projet annonce à cet égard des pas importants : élargissement des missions confiées aux centres de dépistage gratuit et anonyme, prise en charge des dépenses de désintoxication par l'assurance maladie, relèvement des objectifs de dépenses pour les personnes âges ou handicapées...

Enfin, troisième orientation, vous travaillez à une véritable démocratie sanitaire. Les droits des usagers, des malades, restent certes à poser, mais ce sera l'un des objets de la future loi de modernisation de la santé. Cependant, cette démocratie sanitaire exige aussi de définir les acteurs compétents, de préciser leur rôle et de contrôler les modes de fonctionnement : or la loi y pourvoit pour une part. A elle seule, la clarification des compétences respectives de la CNAM et de l'Etat représente une petite révolution. Garantissant à la Caisse nationale un vrai pouvoir contractuel, elle renforce aussi le paritarisme : puissent ceux qui se prévalent de celui-ci lui donner consistance !

Vous engagez donc avec sérénité les grandes réformes qu'exige notre protection sociale : vous pourrez donc compter sur le soutien des députés socialistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Delnatte - Trois articles de mesures dites nouvelles sur un total de 31 : c'est dire la modestie des initiatives prises pour la branche famille ! Cette portion congrue reflète l'absence d'une véritable politique familiale. Pour l'essentiel, vous vous contentez d'appliquer les décisions, elles aussi bien modestes, issues de la Conférence de la famille de juillet, tout en vous exemptant des obligations posées par la loi quinquennale de juillet 1994. Ainsi vous vous targuez de prolonger jusqu'à 21 ans le versement de trois allocations aux jeunes adultes à charge. Mais la loi de 1994 allait jusqu'à 22 ans et visait, elle, la totalité des 24 allocations. Oublieriez-vous qu'à cette époque, le parti socialiste et le parti communiste approuvaient cette extension, Mme Jacquaint affirmant même qu'il s'agissait d'une revendication de longue date de son parti ? Ignoreriez-vous que, sur le million et demi de jeunes de 20 à 22 ans, une très grande majorité poursuit ses études ou est au chômage, et qu'ils coûtent donc bien plus cher à leurs parents que lorsqu'ils étaient plus jeunes ?

Certes, le précédent gouvernement, confronté aux déficits des comptes sociaux, avait dû geler certaines des dispositions de la loi de 1994. Mais geler n'est pas supprimer.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur - On peut geler pour longtemps !

M. Patrick Delnatte - Autant on peut étaler dans le temps des mesures dont le financement aurait été sous-estimé, autant il est inacceptable de les abroger purement et simplement, au risque d'enlever toute espérance à ces jeunes adultes et à leurs familles. Au surplus, la branche famille n'est-elle pas bénéficiaire aujourd'hui ?

S'agissant de l'évolution de la garantie de ressources, l'expérience a montré le caractère inadapté de l'indexation sur les prix : elle est impraticable en période d'inflation et, en période de stabilité des prix ou de déflation, elle prive les familles de leur part des fruits de la croissance. La référence au PIB est donc bien préférable, mais le dispositif complexe et flou proposé par le Gouvernement relève de l'effet d'affichage : on ne sait d'où proviendra le versement différentiel promis à la CNAF en cas de baisse des ressources.

En revanche, pour les allocations familiales, vous maintenez la référence à l'indice des prix, ce qui n'est pas juste et ce qui nous laisse loin du compte.

Rien n'est fait non plus pour mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. La loi sur les 35 heures ne comporte que de rares dispositions, mais elles sont annihilées par la suppression de l'avantage lié au temps partiel. Nous proposons, pour notre part, d'affirmer le principe d'un congé de solidarité familiale et d'élargir le droit au congé parental, pour inciter les pères à s'impliquer davantage dans l'éducation des enfants.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur - Très bien !

M. Patrick Delnatte - Enfin, alors que la loi de 1994 avait consacré l'autonomie de la branche famille en interdisant tout phénomène de vases communicants avec les autres branches, vous contournez cette interdiction en transférant aux régimes sociaux des charges de l'Etat, sans contrepartie équivalente : ainsi avec la prise en charge progressive de la majoration de l'allocation de rentrée. Ces financements croisés vont contre la lisibilité et la sincérité des comptes et illustrent à nouveau la nécessité d'inventorier les dépenses indûment mises à la charge de la branche famille, pour lesquelles certains citent le chiffre de 34 milliards ! Il est indispensable d'élaborer des mécanismes de rééquilibrage si l'on veut vraiment parler de justice et de solidarité.

Le Gouvernement a «entrepris une rénovation en profondeur de la politique familiale dont la conférence annuelle de la famille marque les étapes», a dit la ministre. Belles étapes que la mise sous condition de ressources des allocations familiales, l'abaissement du quotient familial ou le plafonnement de la demi-part accordée aux personnes ayant élevé seule un enfant ! A se remémorer ce matraquage fiscal et à constater la modestie de vos propositions, on voit clairement que la réalité contredit vos intentions affichées. Il est vrai que, dans ce domaine, la gauche a un problème conceptuel tenace qui la conduit à des erreurs graves. Vouloir séparer vie de couple et vie parentale, comme l'a montré le débat sur le Pacs ne fait qu'entraîner une régression de l'institution familiale et aller contre l'intérêt de l'enfant ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). En outre, le privilège que vous accordez à la redistribution en fonction de la situation des familles se révèle par trop réductrice (Mêmes mouvements). La politique familiale doit aider la famille, mais aussi l'enfant, c'est-à-dire l'institution familiale, dans son universalité et dans sa diversité. Prendre en compte cette dualité, c'est la meilleure façon d'assurer la justice sociale et l'avenir de la société. La modicité de notre politique revient au contraire à délaisser la famille : le groupe RPR et l'opposition ne l'acceptent pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Le projet auquel je consacrerai mon intervention relève aussi bien de la sécurité sociale, de la fiscalité, du financement des collectivités locales : il s'agit, vous l'aurez compris, de la vieillesse. Dans ce secteur, tout est en effet parcellisé, les lieux de décision sont dispersés et, en même temps, tout le monde ou presque est concerné...

Le vieillissement de la population ne peut laisser personne indifférent. Nous devons donc nous pencher sur trois questions intimement liées : celle du financement des retraites, celle de la prise en charge de la dépendance et celle de la place à faire aux personnes âgées dans notre société.

Sur le premier point, je n'ajouterai pas à ce qui a déjà été dit, sauf pour appeler à la vigilance sur le pouvoir d'achat des pensions : plus leur revenu est faible, plus les personnes âgées courent le risque de devenir dépendantes, du fait de l'isolement et du repli sur soi.

S'agissant des retraites, le Gouvernement nous propose d'instituer un fonds de réserve. Et à mon sens, celui-ci devrait aussi contribuer au financement de la dépendance.

La prise en charge de celle-ci est insuffisamment organisée. Les critiques adressées à la PSD sont pour la plupart justifiées et vous devez prendre au plus vite les mesures que vous avez annoncées. Cependant, il me semble aussi qu'il faudrait faire un effort en faveur des personnes «moyennement dépendantes», qui ne peuvent actuellement bénéficier que de l'aide à domicile assurée grâce aux caisses de retraite. La prestation unique devrait notamment être conçue de manière à prévenir leur entrée dans une dépendance lourde.

Il a souvent été fait allusion, au cours du débat, au rôle de la famille. Nous continuerons, naturellement, à la soutenir dans son rôle d'éducation, mais l'accent doit aussi être mis sur sa contribution à la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Sait-on assez que 80 % d'entre elles sont, de fait, prises en charge par les familles ? Il est donc indispensable de créer des lieux de conseil et d'accueil non seulement pour les personnes âgées mais aussi pour les familles, trop souvent seules face aux difficultés qui les assaillent ou, au contraire, tiraillées entre des recommandations divergentes. De nouveaux lieux d'écoute doivent donc être institués, sur le modèle de ce qui a été fait dans les années 1960 avec les centres de PMI, pour les jeunes mères. L'enjeu est capital et il est bon que le projet dégage les crédits nécessaires à diverses expérimentations. Un bilan complet devra en être tiré, qui permettra, ultérieurement, de mailler le territoire en multipliant ces nouvelles unités.

Au-delà, il nous reste à redéfinir la place des personnes âgées dans la société. Se sentir inutile est source de souffrance et peut précipiter la déchéance. Il nous faut donc, tous ensemble, savoir redonner un sens à la vieillesse ("Très bien !" et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Nauche - Alors qu'en 1997 et en 1998, l'état des comptes sociaux incitait certains à remettre en cause l'existence même de notre système de protection sociale et à rêver d'une privatisation, l'assainissement budgétaire, sans diminution des remboursements ni augmentation des cotisations, les réformes de structure et l'universalisation de la protection sociale au travers de la CMU font que nul être raisonnable ne s'interroge plus sur la pérennité de ce dispositif.

Je traiterai de l'assurance maladie, pour me féliciter d'abord que la plus large autonomie des caisses en matière conventionnelle fournisse un nouvel outil de responsabilisation des professions de santé et des partenaires sociaux appelés à contribuer à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Il est également satisfaisant que la commission ait voté un amendement visant à instituer le tiers-payant pour les centres de santé.

Pour ce qui est de la politique du médicament, je ne rappellerai pas ce qui a été fait, mais j'insisterai sur la nécessité d'examiner les modalités de distribution, notamment dans les zones rurales, pour satisfaire le principe de l'égal accès aux soins. Le Parlement devrait se pencher sur cette question au printemps.

Les caisses d'assurance maladie devront encore mettre en pratique une véritable politique de gestion du risque et ne pas demeurer ces payeurs trop souvent aveugles épinglés par la Cour des comptes. Elles devront aussi finir de s'informatiser dans les meilleurs délais, en codant les actes et les pathologies.

Quant à l'hôpital public, il se rénove et se transforme, en respectant l'enveloppe financière qui lui a été allouée. L'objectif est, à présent, de concilier qualité et sécurité, au moyen d'une proximité raisonnable. La personne malade et son entourage étant placés au c_ur du système de soins, l'hôpital doit accepter que l'évolution des besoins se traduise dans l'évolution des structures. C'est dire que les SROS sont des instruments décisifs. L'évolution vers une tarification à la pathologie est attendue dans tous les hôpitaux, publics et privés. Enfin, le besoin de transparence que manifestent les usagers commence à être satisfait avec la multiplication des accréditation.

Nous appelons, enfin, de nos v_ux la régionalisation en matière de soins et de santé. Il est manifeste que la région est le niveau auquel doivent se décider les différentes enveloppes financières nécessaires dans ce secteur et celui, aussi, qui permet une véritable démocratie sanitaire.

En conclusion, ce projet, réaliste, peut être mené à bien. Bien entendu, nous le soutenons, et nous attendons avec confiance son prolongement naturel : un texte portant sur la modernisation sanitaire et instaurant un droit des malades, au printemps prochain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Odette Grzegrzulka - Je voterai avec enthousiasme un projet qui permet d'associer plus étroitement les professionnels de santé à la maîtrise médicalisée des dépenses et qui confie la gestion de la médecine de ville à la CNAM. Je me réjouis aussi des progrès qu'il permet tant pour les maladies professionnelles que pour les retraites et les prestations familiales.

Ayant eu l'honneur d'être choisie par la commission des affaires familiales et sociales pour assurer le suivi de l'application de la couverture maladie universelle, je me dois de vous interroger, Madame la ministre, sur diverses rumeurs qui, si elles se révélaient fondées, nourriraient l'inquiétude des quelques 6 millions de bénéficiaires potentiels de la CMU et des parlementaires qui ont voté cette disposition. Pour ma part, je n'ai nulle inquiétude.

La droite et sa presse -en l'occurrence, le journal Les Echos- distillent en effet des insinuations qui appellent une clarification de la part du Gouvernement. La désinformation était déjà à l'_uvre hier, comme l'a prouvé la question posée par M. Auberger. Aujourd'hui, c'est M. Carrez qui revient à la charge. Dans ces conditions, pouvez-vous confirmer que le financement de la CMU est bien inscrit dans le projet ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Bien sûr !

Mme Odette Grzegrzulka - J'avais donc bien vu ce que l'ancien rapporteur général n'a pas, lui, réussi à lire !

M. Jean Bardet - Pas d'attaques personnelles contre un absent !

Mme Odette Grzegrzulka - Sans doute nos collègues de l'opposition projettent-ils sur nous leurs propres turpitudes et nous taxent-ils de l'incurie dont ils ont fait preuve...

M. Jean Bardet - Je vous rappelle qu'il s'agit de l'examen d'un projet de loi et non d'une réunion électorale !

Mme Odette Grzegrzulka - D'autre part, quand paraîtront les premiers décrets d'application ?

M. Jean-Pierre Foucher - Dans deux ans !

Mme Odette Grzegrzulka - Le sujet est grave et ne se prête pas à la dérision, surtout de la part de ceux qui n'ont pas voté la loi ! Je souhaite encore entendre le Gouvernement tordre le cou à la rumeur selon laquelle le niveau de ressources mensuelles ouvrant droit à la CMU passerait de 3 500 F à 3 200 F. D'aucuns évoquent déjà un «gouffre financier», alors même que la loi n'est pas encore entrée en application. A supposer même que cela soit le cas, cela ne ferait que prouver l'urgence de garantir l'accès aux soins aux plus démunis.

Est-il exact, enfin, que certains organismes payeurs souhaitent plafonner certaines prestations -lunetterie et dentisterie notamment- à 1 500 F dans le cadre de la CMU ?

Dernière question : la CNAM recevra-t-elle des moyens supplémentaires de façon à pouvoir instruire rapidement toutes les demandes d'immatriculation des futurs assurés sociaux bénéficiaires de la CMU ? Il faudrait éviter que ne se reproduise ce qui est arrivé dans les sous-préfectures qui ont connu en engorgement sans précédent après que la carte nationale d'identité a été rendue gratuite.

Je voterai, pour ma part, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale avec enthousiasme et fierté, tenant à saluer la nouvelle répartition des dotations hospitalières régionales et tout particulièrement l'effort consenti en faveur de la Picardie...

M. Jean Bardet - Les copains !

Mme Odette Grzegrzulka - Vous croyez que le président du conseil régional de Picardie est mon «copain» ou celui de Mme Aubry, alors qu'une de mes fiertés est de l'avoir battu ! La situation sanitaire de la Picardie était inquiétante : il est grand temps que l'Etat accorde à cette région des moyens supplémentaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Sylvie Andrieux - L'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale est toujours un moment privilégié dans la vie du pays. En effet, le budget de la protection sociale, qui s'élève à plus de 1 800 milliards de francs, concerne chacun d'entre nous.

Sait-on que chaque Français dépense chaque année en moyenne 4 359 F à l'hôpital, 1 148 F en clinique, 1 563 F en honoraires médicaux ou bien encore 2 346 F en médicaments ? C'est dire toute la nécessité d'une politique sociale fondée sur la solidarité mais aussi d'une maîtrise des dépenses, non pour rationner mais pour rationaliser les soins.

Vous avez engagé, Madame la ministre, une politique d'évaluation des besoins et des pratiques dont nous pouvons escompter des résultats encourageants. Tout d'abord, sur le plan financier, puisque pour la première fois depuis dix ans, les comptes de la Sécurité sociale atteindront l'équilibre en 2000, équilibre indispensable pour sauver notre système de protection sociale, auquel les Français sont si attachés. Ensuite, sur le plan de la santé publique avec la définition d'objectifs prioritaires et l'affirmation d'une ferme volonté de lutter contre toutes les inégalités en matière de santé et de soins.

Maintien du montant de l'allocation de rentrée scolaire à 1 600 F, prolongement jusqu'à 21 ans de l'âge ouvrant droit au versement du complément familial et des aides au logement, fixation de l'ONDAM non à partir de l'objectif précédent mais des dépenses réelles de 1999, volonté de défendre l'hôpital public, même si en ce domaine beaucoup reste à faire, mise en place de la CMU dès 2000, autant de mesures dont on ne peut que se réjouir.

Si les recettes tirées de la croissance favorisent l'équilibre des comptes, n'oublions pas que la reprise de la croissance et la diminution du chômage sont le fruit d'une politique volontariste en matière d'emploi et de lutte contre les exclusions.

Je soulignerai quelques points forts de votre projet : priorité donnée au secteur médico-social, création de places dans les maisons d'accueil spécialisé et les foyers à double tarification, engagement de doter chaque département d'un centre d'action médico-sociale, développement des soins infirmiers à domicile, indispensable pour le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes.

Vos choix en matière de santé publique sont clairs : priorité donnée à la lutte contre la douleur, mise en place d'unités de soins palliatifs, développement des capacités d'accueil en cancérologie et en cardiologie dans les régions déficitaires, rationalisation des services d'urgence compte tenu de l'évolution des techniques et des exigences de sécurité, travail en réseau des établissements, en particulier pour la cancérologie et la néonatalogie, politique de prévention des toxicomanies, de l'alcoolisme et du suicide.

Mais pour qu'une politique soit crédible, et comprise de ceux qu'elle concerne, elle doit être parfaitement lisible. Comment les allocataires pourraient-ils percevoir l'ampleur des avantages consentis si les conditions d'accueil auprès des caisses d'allocations familiales ne sont pas améliorées et si la législation n'est pas simplifiée ? Des moyens supplémentaires sont nécessaires pour ces caisses dont la mission a été élargie au traitement de l'exclusion. Comment leurs agents ou les personnels des services d'urgences pourraient-ils percevoir l'ampleur des efforts réalisés si y perdure l'insécurité, conséquence du mal social qui ronge nos villes et que l'on ne pourra traiter qu'en coordination avec le ministère de la ville ? De même, vos choix prioritaires dans le domaine de la prévention ne seront compris que si la population prend conscience des dangers auxquels elle s'expose. Ma ville détient le triste record de France pour la mortalité et le nombre d'accidents chez les jeunes. Les toxicomanes y sont également nombreux, avec de faibles chances de survie. La population ne pourra comprendre la portée de vos efforts que s'ils s'accompagnent d'une politique de la ville concrète, perceptible au quotidien. Je soutiens sans réserve ce projet de loi, tout en me permettant d'insister sur ce dernier point (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Destot - De 1997 et 1999, le déficit de la Sécurité sociale a été divisé par sept. Votre projet devrait permettre non seulement d'atteindre l'équilibre, mais même de dégager un excédent de près de deux milliards. Redressement durable qui ne se fait pourtant pas au détriment de la poursuite d'expériences novatrices de proximité dont les centres de santé sont une illustration.

Ces centres permettent une pratique médico-sociale adaptée aux besoins très divers des populations qu'ils accueillent. Ils contribuent à la réduction des inégalités dans l'accès aux soins en remplissant une mission de solidarité, d'éducation à la santé et de prévention.

A Grenoble, plus de 20 000 familles fréquentent cinq centres de santé situés dans des quartiers populaires. Ces centres qui emploient 72 personnes et travaillent en réseau avec d'autres institutions médicales et sociales permettent à une population en difficulté de rester dans un dispositif de droit commun ou d'en retrouver le chemin, ce qui évite d'aggraver la ségrégation sociale. Leur travail de prévention est particulièrement important dans le domaine de la toxicomanie et du sida.

Leur fermeture aurait des conséquences sociales inacceptables. Je me félicite donc vivement que l'article 16 de ce projet prévoie de mettre en place un dispositif conventionnel entre ces centres et les organismes gérant l'assurance maladie. Même si ce texte peut bien sûr être amélioré, il représente d'ores et déjà un résultat satisfaisant qui a obtenu l'approbation de l'ensemble des partenaires. Il faut dire que la concertation préalable avait été approfondie.

Le projet reconnaît, dans le code de la santé publique, les missions spécifiques des centres de santé, notamment en matière de prévention et d'éducation pour la santé ; il limite la possibilité d'ouvrir de tels centres aux seuls organismes à but non lucratif et aux collectivités locales ; dote ces centres d'un dispositif conventionnel reposant sur la négociation d'un accord national passé avec leurs organisations représentatives et la CNAM, ce qui leur permettra de bénéficier des conventions passées avec les professionnels de la médecine de ville.

Mais il faut aller plus loin et prévoir, par exemple dans le code de la Sécurité sociale, que ces centres pratiquent le tiers-payant. C'est ce que propose un amendement judicieux de la commission que je demande à l'Assemblée d'adopter. En effet, il importe qu'en l'absence d'accord national, un règlement conventionnel minimal figure dans la loi. Il est urgent d'aboutir : l'accord qui se dessine le permet. Restera à sortir le plus rapidement possible les décrets d'application. Je tiens à remercier tous ceux qui ont permis à cet accord de voir le jour, au premier rang desquels Mme la ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Je voudrais profiter de ce débat, Madame la secrétaire d'Etat, pour attirer votre attention sur un certain nombre de points.

M. Rogemont et moi-même avons déposé un amendement visant à autoriser les praticiens adjoints contractuels ayant réussi les épreuves nécessaires à exercer en milieu hospitalier. Mille cinq cents personnes sont concernées. Il est nécessaire de revoir le statut des PAC, qui assurent l'essentiel des gardes de nuit.

Par ailleurs, dans la future loi sur la modernisation du système de santé, annoncée par le Premier ministre aux journées parlementaires de Strasbourg, ne pourrait-on tenter d'humaniser l'accueil et les services en créant des postes de médecins référents hospitaliers par spécialité, qui pourraient être occupés par des médecins à la retraite ? J'en ai rencontrés, qui souhaitent, dans un souci de solidarité, aider le personnel en place.

La loi de modernisation devra remédier aux difficultés de prise en charge de l'hépatite C et des autistes, mais je sais que vous êtes attentive, Madame la secrétaire d'Etat.

Nous connaissons tous les disparités qui existent en matière d'offre de soins et dont souffrent les dispensaires antivénériens et les centres d'information et de dépistage anonyme et gratuit. Il en va de même s'agissant de la dépendance. Il faut harmoniser les prestations sur l'ensemble du territoire afin de respecter les principes du service public.

J'ai été interpellée sur la situation des enfants et des adolescents handicapés mentaux, ainsi que sur le devenir des handicapés âgés et sur la réalisation des programmes pluriannuels de création de places en CAT et en MAS.

Ne sont toujours pas résolus les problèmes liés à l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, ni celui de l'assurance dépendance. Rien n'a été décidé au sujet de l'assiette de la CSG et de la taxation des revenus de remplacement.

Avec un peu de chauvinisme, je veux aussi évoquer la situation de ma région. Comme l'Ile-de-France, la région Midi-Pyrénées est considérée comme surdotée, si bien qu'elle a connu cette année de nombreuses difficultés, causées par le système de péréquation. Un comité de défense de l'hôpital public s'est constitué. Je me suis fait l'écho de ses revendications le 22 juin dernier, en interrogeant votre prédécesseur M. Kouchner. La fixation à 1,1 % du taux directeur compromet le bon fonctionnement des services et la qualité de l'accueil. Même si les établissements toulousains figurent en bonne place dans le palmarès des hôpitaux, 80 emplois ont été supprimés cette année et 140 le seront l'année prochaine.

M. Jean Bardet - Chacun voit midi à sa porte.

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Le nombre de lits a été réduit, alors que la demande reste identique. Plus d'une fois, des malades sont allés dans le privé parce que le service public ne pouvait pas les accueillir.

Je voudrais, enfin, soulever le problème de l'activité privée au sein des hôpitaux publics. Il serait bon d'examiner le coût de ces activités pour le service public, qui fournit personnel et matériel.

Je vous remercie, Madame la secrétaire d'Etat, pour votre travail et pour l'énergie que vous déployez en vue de préserver notre système de soins (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Daniel Marcovitch - Je suis heureux de pouvoir innover en parlant d'environnement dans le débat sur le financement de la Sécurité sociale. Nous aurions pu le faire depuis longtemps, cependant, car il est juste que les pollueurs paient en réparation des dommages causés à la santé publique. Dans nos agglomérations, 30 % des enfants souffrent de bronchiolite.

Le principe du pollueur-payeur est donc au fondement de la TGAP, qui s'inscrit aussi dans une visée plus large : les cotisations sociales ne doivent pas être assises sur les seuls revenus du travail. C'est dans ce sens que la CSG frappe maintenant les revenus du capital.

Même si l'opposition fait semblant de s'étonner, la taxation des activités polluantes était envisagée depuis longtemps. A prélèvement constant, nous favoriserons les entreprises qui créent des emplois et réprimerons la pollution.

En 1999, le Gouvernement instituait une fiscalité écologique dont le produit n'était pas affecté. Nous franchissons une nouvelle étape en faisant contribuer un plus grand nombre de secteurs -en particulier celui de l'eau- et en affectant les sommes collectées non au budget de l'Etat mais à celui de la Sécurité sociale.

La taxation des grains minéraux naturels, qu'ils proviennent de cours d'eau ou des carrières, n'est pas assez dissuasive. Il faut inciter les entreprises de BTP à utiliser davantage des matériaux de récupération.

S'agissant des pesticides agricoles, nous sommes à 45 % au-dessus du seuil dans le bassin de la Loire et à 72 % en Bretagne. Plusieurs produits phyto-sanitaires, non polluants, ne seront pas taxés. Les agriculteurs pourront les utiliser davantage, à moins qu'ils préfèrent répercuter le coût de la TGAP sur les consommateurs.

La vraie dissuasion doit venir des consommateurs eux-mêmes qui doivent être informés des produits utilisés dans la production. Les phosphates des lessives sont l'exemple type de la pollution domestique. Une campagne d'information est nécessaire à leur sujet. Et la taxation devrait être proportionnelle à la teneur en phosphate, même si elle risque d'être répercutée sur le consommateur.

Toutes les formes de pollution témoignent du mépris de l'autre. Quelle idée plus belle, que de taxer l'égoïsme pour abonder le budget de la solidarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Blazy - En Ile-de-France, la situation est de plus en plus difficile dans les hôpitaux ne relevant pas de l'assistance publique.

Je ne veux pas opposer l'Ile-de-France au reste du pays. Certains régions, comme la Picardie, connaissent de grandes difficultés. Je ne veux pas non plus opposer Paris au reste de l'Ile-de-France, puisque des problèmes persistent au sein de l'APHP.

Cependant, nous pouvons tous constater que la population de la capitale stagne et que c'est dans la petite et surtout dans la grande couronne que se concentrent les besoins.

Madame la secrétaire d'État, je connais votre attachement à l'hôpital public. Nous avons dénoncé ensemble la vision comptable du précédent gouvernement.

Or que constatons-nous depuis trois ans ? Alors que l'ONDAM a progressé de 4,7 % depuis 1997, la dotation de l'Ile-de-France n'a progressé que de 1,02 %, c'est dire la contribution de cette région à l'effort de solidarité interrégionale.

En outre, les disparités internes à la région n'ont pas été corrigées. On commence tout juste à le faire, de manière marginale.

Je préside le conseil d'administration d'un établissement situé dans le Val-d'Oise.

Pour l'année 1999, alors que l'ONDAM progressait de 2,6 %, les hôpitaux de l'APHP connaissaient une progression de 1 %, les autres établissements de l'IDF une progression de 1,3 % et l'hôpital de Gonesse de seulement 0,67 %.

La valeur du point ISA régional est passé de 17,67 F à 14,48 F entre 1996 et 1998. A Gonesse, le point ISA a régressé fortement, passant de 17,05 F à 14,07 F.

J'aurais pu prendre aussi comme exemple le centre hospitalier d'Argenteuil, situé au c_ur d'un grand projet urbain qui attend depuis de nombreuses années la possibilité d'étendre un service des urgences.

Le schéma régional d'organisation sanitaire de l'Ile-de-France pour 1999-2004 fixe des objectifs à atteindre pour les cinq années à venir. Si des économies et des restructurations ont pu être réalisées, la redistribution des crédits vers la province -1,5 milliard en 3 ans- ne peut plus continuer à ce rythme, les suppressions et gels d'emplois se multiplient. Si peu de grèves sont constatées, l'absentéisme augmente et le travail devient de plus en plus pénible. C'est la qualité du service public qui est menacée.

On ne peut plus demander aux hôpitaux d'Ile-de-France de tels efforts de solidarité inter-régionale et de restructuration, alors même qu'ils doivent remédier à leur sous-équipement en psychiatrie et en soins de suite.

Les seules variables d'ajustement sont l'emploi, les fermetures et les transferts d'activités. Cela a été fait ; il est aujourd'hui indispensable pour l'Ile-de-France qu'on décide une pause dans le processus de péréquation nationale, qu'on réalise un vrai redéploiement entre le centre et la périphérie de la région et qu'on favorise la signature avec l'agence régionale de contrats d'objectifs et de moyens permettant la mise en _uvre du SROS II.

Mme Aubry a annoncé, pour la première fois, la fourchette des dotations régionalisées. Le taux de 1,25 % retenu pour l'Ile-de-France n'est que légèrement supérieur à celui de 1999. Or selon certaines estimations, il faudrait 2,31...

On me dira que la solution est dans la réduction des inégalités infra-régionales, mais comment faire sachant qu'en 1999, avec une progression de 1,17 %, l'écart entre l'APHP et l'UHRIF a été seulement de 0,3 point ? Il faudra un écart nettement supérieur pour permettre le rééquilibrage attendu en faveur des banlieues...

On ne peut demander aux députés un vote opaque. Le législateur n'a aucun contrôle sur la répartition des enveloppes, sur la répartition régionale de l'enveloppe de l'hôpital public, sur les choix opérés par les directeurs des agences régionales... Un député peut voter l'ONDAM et ensuite, à la table du conseil d'administration de l'hôpital, constater que le taux n'a rien à voir avec ce qu'il a voté.

M. Jean Bardet - Il y a de bonnes choses dans ce qu'il dit... Serait-il passé dans l'opposition ?

M. Jean-Pierre Blazy - Le dispositif de l'ONDAM doit être plus transparent. Certes un pas vient d'être fait en ce sens, mais d'autres aménagements sont nécessaires. En dépit d'éventuels risques d'inconstitutionnalité, la réflexion ne pourrait-elle pas être conduite dans le cadre du projet de loi consacré à la santé et aux droits des malades ?

En Ile-de-France comme ailleurs, la population, les médecins et l'ensemble des personnels expriment leurs attentes. Je vous remercie des réponses que vous pourrez leur apporter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Odette Trupin - Au nom des députés du groupe de travail «Développement rural», je voudrais évoquer le devenir des hôpitaux appelés parfois «ruraux» ou «de proximité». Ce pourrait être un plaidoyer pro domo, mais mon ambition est de parler pour tous ceux qui vivent loin des CHU et des pôles d'excellence et qui veulent bénéficier de la qualité de soins qu'exige la «démocratie sanitaire» dont parlait Mme Aubry hier.

Hélas, l'exigence d'un service hospitalier sur tout le territoire ne fait pas bon ménage avec les rigueurs budgétaires ; mais je sais les inquiétudes provoquées par les déperditions verticales entre l'ONDAM à 2,4 % et le 1 % réservé aux hôpitaux sur le terrain.

Nombre d'habitants des zones excentrées ont l'impression que les mises en réseau risquent de cacher des coupes claires décidées par les tutelles. Pourtant, il ne serait pas acceptable de ne pas tenir compte des exigences de l'aménagement du territoire et de l'emploi qui, nous avons eu souvent l'occasion de le dire, ne pèsent pas suffisamment dans l'organisation des soins (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Françoise Imbert - Le Premier ministre, en ouvrant la Conférence de la famille en juillet dernier, a précisé sa conception de la politique familiale : faciliter l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle et l'accès au logement, apporter un appui aux parents dans l'exercice de leurs fonctions.

Le développement de l'activité des femmes oblige à penser la famille autrement.

La moitié des jeunes enfants, de la naissance à 3 ans, sont gardés par un parent au foyer -le plus souvent la mère. Mais le recours à l'allocation parentale d'éducation n'est-elle pas la conséquence d'un manque de places dans des structures de garde collective ou familiale ? Un tiers des bénéficiaires étaient au chômage avant de la percevoir et ont ensuite des difficultés pour trouver un travail. Il est important de leur offrir une formation qualifiante ; je me réjouis de l'effort engagé par le Gouvernement dans ce domaine.

Entre le congé de maternité -bien court- et l'APE, qui trop souvent éloigne du marché du travail, n'y a-t-il pas place pour des formules intermédiaires, plus favorables à la fois à l'accueil de l'enfant et à la reprise d'activité professionnelle ? Cette question ne concerne pas seulement la mère : les trois jours de congés légaux sont-ils suffisants pour les pères ?

Dans cette réflexion, il ne faut pas oublier les artisans, les commerçants, les professions libérales, qui n'ont pas les mêmes conditions d'accès au congé de maternité.

Pour faciliter la vie quotidienne des familles, il faut aussi développer et diversifier les modes de garde des jeunes enfants. On ne peut que se féliciter, à cet égard, de l'augmentation de 700 millions des crédits du fonds national d'action sociale de la caisse nationale des allocations familiales. Il faut que cette augmentation permette en particulier aux collectivités locales les moins riches de développer leurs capacités d'accueil.

Au-delà de ce qui est fait cette année, nous attendons beaucoup du travail de remise à plat des aides à la petite enfance que le Premier ministre a demandée au délégué interministériel de la famille. Ce sera, j'en suis sûre, l'occasion d'avancer dans l'articulation des temps familiaux et des temps professionnels, le développement des services et la cohérence des financements. Il sera nécessaire aussi de lier l'effort demandé aux familles à leurs capacités contributives et au temps d'utilisation d'un mode de garde.

Enfin, la réduction du temps de travail et le temps partiel choisi devraient permettre une meilleure organisation du temps dans la famille, cellule indispensable que nous devons conforter dans son rôle irremplaçable. Je sais, Madame la ministre, que nous sommes sur le bon chemin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Tavernier - Madame la ministre, je vous approuve pleinement d'avoir fait de l'égalité dans l'accès aux soins une priorité de la politique hospitalière. Je soutiens l'exigence de solidarité interrégionale, mais je m'interroge sur ses modalités.

L'application de ce principe a fait subir aux hôpitaux de l'Ile-de-France, ces trois dernières années, une saignée budgétaire de plus de 1,5 milliard, soit l'équivalent de 7 000 emplois ou de la disparition de trois gros centres hospitaliers. Une telle ponction provoque nécessairement des traumatismes...

Pour remplir sa mission de service public, l'hôpital a besoin d'être soutenu : il ne peut croire en son destin que si l'Etat croit en lui.

Or la situation matérielle et morale de certains établissements pose un problème crucial. J'appelle votre attention sur le grand écart auquel les hôpitaux de la couronne parisienne sont condamnés, pour répondre avec des moyens en réduction au double objectif d'amélioration de la sécurité et d'avancées statutaires pour le personnel. Les chefs d'établissement et conseils d'administration ont pour seule issue le gel des postes et le non-remplacement des personnes en arrêt maladie. L'outil de mesure retenu pour les redéploiements, le PMSI, a ses avantages, mais aussi ses limites : il minimise le contexte social dans lequel s'inscrit l'hôpital, et ne prend pas assez en compte les spécificité de l'Ile-de-France, où les missions de l'hôpital public sont aux confins du sanitaire et du social.

Nous espérions une pause dans la politique de rééquilibrage. Elle n'est pas au rendez-vous. Ceci est d'autant plus préoccupant que les disparités au sein de l'Ile-de-France sont aussi importantes qu'entre celle-ci et la province. Les hôpitaux les plus touchés sont ceux des villes qui ont le plus de problèmes et le moins de moyens, ainsi celui de Dourdan, dont je préside le conseil d'administration, et qui subit une baisse dramatique de ses moyens. L'Ile-de-France est dans une situation d'autant plus délicate qu'une partie de ses hôpitaux relève du statut dérogatoire de l'Assistance publique. Ne serait-il pas légitime que cette région, qui regroupe plus du sixième de la population française, soit traitée en deux entités distinctes dans le cadre des dotations régionalisées : ceux qui relèvent de l'URIF, c'est-à-dire ceux de grande couronne, et ceux qui relèvent de l'Assistance publique -hôpitaux de Paris ? Je soumets au Gouvernement cette suggestion, qui irait dans le sens de la clarté et de la transparence.

J'appelle, enfin, son attention sur le développement du secteur lucratif en région parisienne. Ne connaissant pas les mêmes contraintes, il s'épanouit au détriment du secteur public. On constate un remarquable développement des cliniques privées sous l'égide de grands groupes financiers. Si nous n'y prenons garde, le privé contrôlera bientôt les secteurs les plus lucratifs -chirurgie, cardiologie, cancérologie- cependant qu'il ne restera au service public que ce qui, dans le secteur sanitaire, relève du social.

Madame la ministre, je suis pleinement solidaire de la politique sociale que vous conduisez. Mais en tant que président de l'Union hospitalière d'Ile-de-France, qui regroupe 150 hôpitaux et établissements médico-sociaux, il est de mon devoir d'appeler votre attention sur la nécessité de donner à l'hôpital les moyens d'atteindre les objectifs fixés par le SROS deuxième génération. Les moyens aujourd'hui prévus ne permettront pas de mettre en _uvre le schéma régional. Il est de ma responsabilité de vous le dire. La région parisienne, ce sont aussi neuf millions de banlieusards. Je demande avec insistance que les exigences de solidarité et d'équité s'appliquent à l'ensemble de la région. Je compte sur vous, et je vous remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 1ère séance du mardi 26 octobre 1999.

A la fin de la page 26, dans l'intervention de M. Lionnel Luca, après les mots «Que sont trois», rajouter : «heures pour des négociations de trois ans ? Et pourquoi cette discussion coincée au milieu du débat budgétaire et sans vote, ce qui évitera de révéler à l'opinion les contradictions internes? ».


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