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Session ordinaire de 1999-2000 - 14ème jour de séance, 35ème séance

2ÈME SÉANCE DU MERCREDI 27 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

VIOLENCES À L'ÉCOLE 2

CONCOURS DE MÉDECINE À MONTPELLIER 2

MARINE MARCHANDE 3

POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DROITS DE L'HOMME 4

ART ET ÉCOLE 5

VERSEMENT DES PRESTATIONS FAMILIALES ET
PASSAGE À L'AN 2000 6

POLITIQUE DE L'EAU 6

BOYCOTT BRITANNIQUE DES PRODUITS FRANÇAIS 7

BOYCOTT DES PRODUITS FRANÇAIS EN GRANDE-BRETAGNE 8

TRAITÉ D'INTERDICTION DES ESSAIS NUCLÉAIRES 8

RESPECT DES LIBERTÉS SYNDICALES 9

ASSASSINAT DU PREMIER MINISTRE ARMÉNIEN 10

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 (suite) 11

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 11

DÉCLARATION D'URGENCE 29

La séance est ouverte à quinze heures.

      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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VIOLENCES À L'ÉCOLE

M. Jean-Luc Warsmann - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale. Vendredi dernier, un surveillant du collège de Metz a été agressé...

Plusieurs députés RPR - Scandaleux !

M. Jean-Luc Warsmann - ...puis, tout récemment, un enseignant d'Aix-en-Provence et, mardi, un professeur du lycée professionnel de Grande-Sainte près de Dunkerque a été frappé à la tête.

Plusieurs députés RPR - Re-scandaleux !

M. Jean-Luc Warsmann - Alors que la violence scolaire sous toutes ses formes se développe, ce ne sont pas les derniers chiffres du ministère de la justice qui briseront le sentiment d'impunité qui anime les auteurs de ces agressions. Une infraction sur deux est en effet classée sans suite, alors même que le responsable en est identifié. Monsieur le ministre, êtes-vous conscient de cette aggravation de la violence en milieu scolaire et quels moyens supplémentaires avez-vous demandés aux ministres de l'intérieur et de la justice pour y remédier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Vous avez raison, Monsieur le député. Après un tassement, l'année dernière est une régression sur les quatre premiers mois de cette année, la violence a repris à la rentrée. Ce phénomène intéresse toute la société française.

M. Jean-Louis Debré - Mais d'abord le Gouvernement !

M. le Ministre - Celui-ci est déterminé à assumer ses responsabilités.

M. Jean-Louis Debré - Ses turpitudes !

M. le Ministre - Ne parlons pas de turpitudes. Depuis que je suis à mon poste, la violence a toujours été sanctionnée, à chaque agression, à chaque geste de violence. Aucune faiblesse n'a été ni ne sera tolérée. Mais il est vrai qu'il faut surveiller encore davantage les sorties d'école...

M. Jean-Louis Debré - Mais faites-le donc ! N'allez-vous encore réunir une commission, comme d'habitude ?

M. le Ministre - Il ne s'agit pas de cela mais de la poursuite du plan du Gouvernement «classes-relais». D'ailleurs, Monsieur Debré, lorsque vous étiez ministre de l'intérieur, vous n'avez pas fait cesser la violence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Ce problème mérite autre chose que vos sourires, car il est grave et doit mobiliser tout le pays. Face à un problème de civilisation, je ne me contente pas de paroles. («Ah !» sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Nous sommes déterminés à faire le maximum, mais l'école seule ne porte pas toute la responsabilité du problème de la violence (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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CONCOURS DE MÉDECINE À MONTPELLIER

M. Christian Cabal - Ma question s'adresse également à M. le ministre de l'éducation nationale et porte sur la situation, connue de tous mes collègues sur place, des étudiants en médecine de Montpellier. Le 14 octobre dernier, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le concours d'admission en deuxième année, pour vice de forme, deux questions ayant été mal rédigées. Conscient du problème, le jury avait neutralisé ces questions dans l`évaluation des candidats mais cette décision a fait l'objet du recours qui a conduit à l'annulation du concours. Pour un motif de forme, les 184 étudiants admis sur 1 000 candidats, qui étaient assurément les meilleurs de leur promotion, se trouvent dans l'obligation de passer un nouveau concours. Mais parce qu'ils avaient poursuivi leur parcours universitaire, sans envisager cette éventualité, ils se trouvent aujourd'hui dans une situation désavantageuse par rapport à ceux qui avaient été recalés. Il est de plus matériellement impossible que les 184 reçus du premier concours soient les mêmes que ceux du deuxième.

La solution proposée pour remédier à ces difficultés est un cache-misère : on parle d'augmenter le numerus clausus mais il y a des précédents qui montrent que c'est la pire des solutions.

Dans ce contexte, et compte tenu de la jurisprudence, ne peut-on procéder à une validation législative du premier concours, par voie d'amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour apporter une solution définitive et immédiate à ce problème ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL et quelques bancs du groupe socialiste)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Vous faites état, Monsieur le député, d'un problème difficile sur le plan juridique et récurrent -je suis presque chaque année confronté à un contentieux concernant des examens en médecine. Depuis que je suis ministre de l'éducation nationale, il y a sans arrêt des problèmes... (Rires et interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Je constate que M. Debré regarde ces difficultés avec le sourire...

Un député RPR - Où en est le «zéro défaut» ?

M. le Ministre - La présente difficulté vient de différences de traitement entre Nîmes et Montpellier, qui ont conduit à l'annulation de la délibération du jury par le tribunal administratif. Nous sommes, faut-il le rappeler, dans un Etat de droit. Il y a donc lieu de se plier à cette décision. J'ai saisi l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale pour qu'elle enquête sur la régularité des procédures observées par le jury. Je déplore en effet la légèreté avec laquelle certains enseignants de médecine préparent ou corrigent les épreuves.

En l'espèce, les nouvelles épreuves d'anatomie et de biophysique auront lieu dans la première semaine du mois de décembre et le président de l'Université et le recteur veilleront à leur bon déroulement afin qu'aucun étudiant ne soit lésé. Après une nouvelle délibération du jury, la validation du concours par voie législative sera envisagée s'il y a lieu. Mais la voie législative ne peut intervenir qu'après l'application de la décision du tribunal administratif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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MARINE MARCHANDE

M. Aimé Kerguéris - Depuis l'arrivée au pouvoir de la majorité socialiste, le Gouvernement n'a cessé de proclamer sa guerre aux niches fiscales. Sous couvert de cette croisade, il a supprimé le régime des quirats qui était un instrument économique efficace pour développer une flotte sous pavillon français. Les quirats ont ainsi permis de financer 50 navires, alors que le système du GIE fiscal que vous avez mis en place n'a concerné à ce jour que 6 navires !

Cependant, le Gouvernement a distribué depuis son arrivée plus de 6 milliards de francs de défiscalisation, qui ont profité exclusivement à des armateurs étrangers, d'ailleurs parfaitement connus puisque les navires concernés sont le Mistral de la compagnie italo-grecque Festival, le R3 et R4 de la compagnie américaine Renaissance, le Radisson de la compagnie américaine Radisson.

C'est intolérable quand on sait que le nombre de marins français embarqués est insignifiant et que le navire R3 ne bat même pas pavillon français mais libérien, même si le Gouvernement a affirmé le contraire en réponse à une question écrite de notre collègue René Couanau. Et que l'on ne me dise pas qu'il s'agit d'aides à la construction navale, car l'Etat français a financé la construction de ces navires à hauteur de 40 %, alors que les aides à la construction navale sont plafonnées à 9 % par la réglementation européenne !

J'attends une réponse précise à cette question et surtout une attitude plus favorable à nos armateurs français (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF).

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Je réponds à la place de M. Strauss-Kahn, qui est en voyage officiel en Asie.

Nous avons remplacé les quirats nés de la loi du 5 juillet 1996 par un GIE fiscal. Les quirats présentaient en effet l'inconvénient d'être une niche fiscale coûteuse et peu créatrice d'emplois. Niche fiscale puisqu'un particulier pouvait bénéficier d'un avantage allant jusqu'à 1 million de francs...

Mme Odette Grzegrzulka - Scandaleux !

M. le Secrétaire d'Etat - Coûteuse, puisque le système prévu au départ pour 8 navires bénéficiait un an près à 25, ce qui renchérissait évidemment le coût. Sur ces 25 navires, 10 ont été construits dans l'Union européenne dont 6 en France, 6 en Asie et 9 étaient des navires d'occasion. Peu créatrice d'emplois enfin puisqu'au lieu des 30 emplois par navire que la loi prévoyait, le nombre effectif était de 14.

Le dispositif que nous lui avons substitué, après concertation avec les professionnels, par le DDOEF du printemps 1998, a bénéficié à neuf bâtiments dont un seul d'occasion, les autres étant majoritairement construits au sein de l'Union européenne et les armateurs concernés étant tous établis en France.

M. Aimé Kerguéris - C'est faux !

M. le Secrétaire d'Etat - Oh, je tiens toutes les informations à votre disposition.

Il est trop tôt pour dresser un vrai bilan mais je crois sincèrement que le nouveau dispositif est plus avantageux pour la marine marchande et la construction navale et que nous avons bien fait de supprimer une niche fiscale scandaleuse.

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POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DROITS DE L'HOMME

Mme Marie-Hélène Aubert - Depuis quelque temps déjà, la France, à commencer par le président Chirac, se veut particulièrement aimable avec les régimes les plus durs de la planète. Hier, le président Jiang Zemin se voyait dérouler le tapis rouge par une République française que l'on a connue plus sourcilleuse sur la question des droits de l'homme. Aujourd'hui, c'est le tour du président Khatami, qui, même s'il est censé incarner une lueur d'espoir, représente un Iran théocratique où on lapide encore les femmes et où l'on exécute couramment pour délit d'opinion.

Ngarang Sarangdol, jeune religieuse tibétaine emprisonnée et torturée, les centaines de milliers de paysans chinois déplacés par le délirant barrage des Trois-gorges -garanti par la COFACE-, les étudiants et les Juifs iraniens menacés d'exécution, les femmes iraniennes opprimées ; tous seront heureux d'apprendre l'accueil chaleureux que la France réserve à ces présidents et de voir comment elle s'efforce, à l'intérieur même de ses frontières, de faire taire leurs opposants. C'est indigne de la patrie des droits de l'homme.

Pourtant, au printemps dernier, lors du conflit du Kosovo, tous les dirigeants européens se frappaient la poitrine en regrettant amèrement de n'avoir rien fait pendant des années pour les démocrates.

Il paraît que le commerce conduit forcément à la démocratie et que le « dialogue critique » est plus efficace que les sanctions et embargos -au demeurant contestables et souvent décidés unilatéralement par les Américains. Rien n'est moins sûr. La Chine s'avère en effet mauvais payeur et la rente du pétrole iranien servira surtout à asseoir encore plus le pouvoir qui l'a captée. Sans Etat de droit, il n'y a bien souvent que des mauvaises affaires.

Entre l'hypocrisie des sanctions et le cynisme commercial, il doit y avoir une autre voie, qui place au premier le développement humain et qui conditionne l'octroi de crédits et d'investissements au respect de certaines valeurs. Ce que nous attendons de ce gouvernement, c'est une politique qui lutte énergiquement contre la corruption -de ce point de vue là, le palmarès qui vient d'être publié ne met pas la France en excellente position-, qui ne livre pas d'armes à n'importe qui et, enfin, qui soutient activement les démocrates partout dans le monde.

Quelles initiatives comptez-vous prendre en ce sens, Monsieur le ministre des affaires étrangères, notamment en vue de la présidence de l'Union européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, quelques bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe DL)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Je pense que toute personne présente dans cet hémicycle est aussi attachée que vous à la promotion de la démocratie et des droits de l'homme dans le monde (Applaudissements sur tous les bancs). Mais il ne suffit pas de prendre position et de faire des déclarations.

Vous parlez de «cynisme commercial». Mais je ne sais pas bien ce que cela veut dire dans un pays où un tiers des salariés travaillent pour l'exportation et je ne vois pas pourquoi la démocratie progresserait plus vite dans les pays qui achètent des Boeings plutôt que Airbus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Par ailleurs, il n'y a aucune raison de laisser le dialogue politique et stratégique avec la Chine -dialogue qui, au demeurant, porte sur tous les sujets, y compris le Tibet- aux seuls Etats-Unis (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL et sur quelques bancs du groupe socialiste). Il n'y a aucune raison non plus pour que le dialogue avec le président iranien -un président qui certes n'a pas encore transformé l'Iran mais qui cherche des appuis- soit mené par tous les pays européens sauf la France (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe du RPR et du groupe UDF). Ces dialogues, nous les menons avec clarté, franchise et vigueur.

Vous avez rappelé avec raison l'hypocrisie des sanctions et des embargos et vous avez demandé s'il existe une autre voie. Oui, c'est celle de la politique étrangère française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

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ART ET ÉCOLE

Mme Catherine Tasca - Chaque année, les rentrées scolaire et artistique ont lieu à peu près en même temps. Et cette année, en même temps que les théâtres, festivals et salles de concert publiaient leurs programmes, vous faisiez paraître, Monsieur le ministre de l'éducation, une plaquette relatant des expériences mêlant école et théâtre. Faut-il y voir un signe heureux de convergence, enfin, entre ces deux mondes qui se rencontrent rarement et qui ont en général du mal à s'épauler et à créer entre eux toutes les synergies possibles ?

Cependant, cette rencontre est possible, comme en témoigne la réussite du festival banlieusard qui, chaque année, réunit à Trappes enseignants, élèves et artistes autour d'un projet commun de qualité.

Nous savons bien sûr que tous les enfants ne naissent pas artistes mais nous savons aussi que la découverte et la pratique d'un art peuvent être utiles à tous dans la formation de la personnalité, la socialisation et le développement de capacités d'expression. Or, cette possibilité, l'école est sans doute la seule à pouvoir l'offrir à tous également. Pouvez-vous donc nous dire, Monsieur le ministre, quels sont vos actions et vos projets en la matière, à la veille de l'appel à l'éducation artistique que lancera le 3 novembre l'UNESCO ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Mme Royal et moi menons une action énergique dans le domaine de l'éducation artistique, en liaison avec Mme Trautmann.

Alors qu'avant la réforme des lycées, seulement 3 % des élèves avaient droit à une éducation artistique, 50 % d'entre eux auront désormais accès à des ateliers artistiques, avec des intervenants extérieurs.

Pour l'école, nous avons lancé un programme d'éveil musical et un autre d'initiation à la perception de l'image. J'ajoute que nous avons pris les mesures nécessaires, en termes de droits d'auteurs, pour que les enseignants puissent, en toute légalité, se servir de cassettes.

Nous avons organisé un festival de chorales scolaires, qui a eu lieu à Strasbourg cette année et qui se tiendra l'an prochain à Nantes. Je citerai aussi le printemps théâtral, que vous avez évoqué, et le concours annuel de poésie.

L'an prochain, nous continuerons dans cette voie en faisant en sorte que chaque établissement compte un ensemble musical.

Au niveau des IUFM, l'enseignement artistique sera désormais une formation obligatoire.

Je crois comme vous que l'enseignement artistique est très important pour un pays de culture comme le nôtre. Il y va de son rayonnement, et aussi de son développement économique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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VERSEMENT DES PRESTATIONS FAMILIALES ET PASSAGE À L'AN 2000

Mme Véronique Neiertz - Madame la ministre de l'emploi, en raison du risque informatique induit par le passage à l'an 2000, nombre d'entreprises et d'administrations s'organisent pour éviter tout dysfonctionnement en prenant des mesures préventives.

Or les caisses d'allocations familiales doivent verser leurs prestations le 5 janvier 2000. Beaucoup de familles ne vivent que de ces sommes. Comment les pouvoirs publics entendent-ils se prémunir contre tout risque de retard dans le versement des prestations familiales, sachant que tout retard serait catastrophique pour des millions de personnes, et que le Gouvernement et les élus porteraient la responsabilité d'un tel dysfonctionnement s'il se produisait ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Des retards importants ont affecté les versements ces derniers temps, du fait de la mise en place du nouveau système informatique Cristal, surtout en Ile-de-France. C'est cependant grâce à Cristal que nous passerons le bogue de l'an 2000 dans de bonnes conditions.

Même si la CNAF est un organisme paritaire géré par les partenaires sociaux (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), et chacun ici connaît notre attachement pour le paritarisme (Mêmes mouvements), l'Etat ne peut pas se désintéresser de son fonctionnement. J'ai donc demandé à la mission du passage à l'an 2000 de prendre contact avec la CNAF. Un plan d'action, diffusé à tous les niveaux, a été élaboré pour les échéances des 24 et 31 décembre. La CNAF considère que le service des prestations familiales et du RMI ne sera pas affecté par le passage à l'an 2000, et que les prestations seront payées normalement à la date du 5 janvier 2000. Je tenais à apporter toute assurance sur ce sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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POLITIQUE DE L'EAU

M. Daniel Marcovitch - Un an et demi après votre déclaration du 20 mai 1998, Madame la ministre de l'environnement, définissant les grandes orientations d'une politique de l'eau, vous avez précisé ce matin en Conseil des ministres vos objectifs dans ce domaine. Depuis la loi de 1964 créant les agences de bassin et celle de 1992 sur l'eau, les choses ont beaucoup évolué. Les exigences des consommateurs par rapport au prix de l'eau favorisent la responsabilité et la transparence.

Vous voulez créer des redevances relatives à la modification du régime des eaux. Comment envisagez-vous d'y intégrer la prévention et la lutte contre les inondations ? Dans le cadre de la lutte contre la pollution diffuse, le montant de la taxe doit être dissuasif. Mais à terme le consommateur risque encore une fois d'être le payeur. Il faut donc développer l'information sur la distribution, pour que le consommateur soit en mesure de faire sa propre sélection. Merci de nous éclairer sur ces sujets (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - J'ai en effet précisé ce matin les orientations de la réforme de la politique française de l'eau que souhaite le Gouvernement : améliorer la transparence et la démocratie dans ce secteur, avec le dépôt début 2001 d'un projet tendant à réviser les lois de 1964 de 1992 ; mieux appliquer le principe pollueur-payeur, par la création de pollu-taxes et par une réforme en profondeur des redevances des agences de l'eau ; enfin, accroître l'efficacité de l'action de l'Etat, à travers la préparation du huitième programme d'intervention des agences de l'eau, la création d'un fonds national de solidarité pour l'eau, et un renforcement des moyens de la police de l'eau.

Mon ministère consacre des moyens importants à la prévention des inondations, avec en particulier la prolongation du programme décennal de restauration des cours d'eau et de protection des lieux habités contre les crues. Je souhaite que ce programme s'intègre au mieux dans les prochains contrats de plan Etat-régions. Reste que la charge financière de ce plan-risques repose sur le seul contribuable, et non sur les responsables des ouvrages et installations qui aggravent les risques d'inondation. La création de redevances pour modification du régime des eaux permettra aux agences de l'eau d'intervenir financièrement pour prévenir les risques d'inondation. Cette réforme figurera dans le projet sur l'eau.

S'agissant des pollutions d'origine agricole, le Gouvernement propose d'appliquer la TGAP aux produits phytosanitaires, avec des taux croissants selon leur degré de toxicité. La première classe, à taux nul, concerne les deux tiers des produits autorisés en France. Cette taxe sera prélevée sur les fabricants et les importateurs afin de les inciter à réorienter leurs gammes vers des substances moins polluantes. Si les industriels répercutent le montant de ces taxes sur les produits vendus aux agriculteurs, ceux-ci se porteront vers les produits les moins taxés, donc les moins polluants. L'effet sur le consommateur final sera modeste. En effet, le produit total de la taxe sur les produits phytosanitaires ne s'élèverait qu'à 3 % du montant total des ventes en 1998. S'il était perceptible, il contribuerait à rendre moins chers, donc plus attractifs, les produits issus des agricultures les moins polluantes.

J'ai souhaite, en liaison avec Jean Glavany, que soit vérifiée la base de données à partir de laquelle est classée et taxée chaque substance (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

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BOYCOTT BRITANNIQUE DES PRODUITS FRANÇAIS

M. Germinal Peiro - J'exprime l'inquiétude des agriculteurs et éleveurs français qui subissent en Grande-Bretagne une campagne virulente contre leurs produits pourtant de qualité et irréprochables. Ces mesures de rétorsion font suite à la décision du gouvernement français de maintenir l'interdiction d'importer des viandes bovines anglaises tant que subsiste un doute pour la santé des populations. Cette décision se fonde sur l'expertise scientifique de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments, qui jusqu'à présent n'a pas été contredite par les scientifiques communautaires.

Comment sortir de cette crise sans transiger sur aucun des principes qui guident le gouvernement français en matière de sécurité alimentaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - La position prise par le Gouvernement repose en effet sur l'avis de l'agence française de sécurité sanitaire. Nous savions, en maintenant l'embargo sur la viande bovine britannique, que nous rencontrerions des difficultés au niveau européen et avec nos amis britanniques, qui ne comprennent pas bien notre décision.

Pour sortir de cette situation de crise, on pourrait être tenté de jeter de l'huile sur le feu. Je regrette que certains s'y livrent. Flatter des sentiments francophobes ou anglophobes ne conduira à rien. Une victoire en rase campagne n'est pas non plus envisageable. Pour que le gouvernement français change d'avis, il faudra que les scientifiques l'aient fait. C'est pourquoi, à notre demande, experts français et experts européens confrontent leurs points de vue. Ils l'ont fait lundi, ils le feront encore jeudi et vendredi. Nous verrons le résultats et les conclusions qu'en tire la Commission, avant que le Gouvernement se prononce (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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BOYCOTT DES PRODUITS FRANÇAIS EN GRANDE-BRETAGNE

M. Edouard Landrain - Poussés par les médias et par de nombreux parlementaires anglais, les consommateurs britanniques et les chaînes de grande distribution ont lancé un boycott sévère contre les produits agricoles et alimentaires français.

Les Anglais ne veulent pas comprendre la décision tout à fait légitime de ne pas accepter le b_uf britannique sur notre sol par crainte de la maladie de la vache folle. Les agriculteurs français, inquiets et exaspérés, ont riposté en bloquant les camions anglais à la sortie du tunnel sous la Manche, dans les ports terminaux des ferries et sur les routes.

Monsieur le ministre, il était prévu de longue date que vous rencontreriez samedi prochain votre homologue britannique. Vous avez annulé cette réunion, préférant accompagner le Premier ministre aux Antilles où, il est vrai, se posent aussi quelques problèmes...

La situation que nous décrivons les uns et les autres est grave et risque encore d'empirer sur les deux rives de la Manche. Laisserez-vous éclater une guerre économique ? Quelles initiatives avez-vous prises au sein de l'Union ? Pourquoi avez-vous renoncé à cette rencontre ? Il ne s'agit pas d'un problème franco-anglais, mais d'un problème de sécurité alimentaire. Qu'allez-vous faire pour le régler, sachant qu'il y a urgence et que la colère monte dans le monde agricole ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Si j'ai renoncé à rencontrer mon collègue britannique, c'est à la fois parce que le Premier ministre m'a demandé de le rejoindre aux Antilles où, en effet, se posent des problèmes agricoles et parce que les conditions d'un dialogue serein ne me semblaient pas réunies. Mieux vaut donc attendre que la pression retombe.

Comme vous l'avez souligné, le problème est, non un problème économique, mais un problème de santé publique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). C'est pourquoi nous avons essayé d'expliquer à nos amis britanniques que notre décision ne répondait à aucun souci protectionniste. Mais, comme vous le savez sans doute, nos amis britanniques, lorsque nous avons décidé de maintenir l'embargo, nous ont mis en demeure de faciliter le transit des camions britanniques sur notre territoire. Nous avons accepté et nous sommes arrangés pour que ces camions puissent transiter sous scellés. Or, en quinze jours, aucun camion n'est passé ! La raison en est simple : il n'y a pas de demande en provenance des pays qui ont levé l'embargo. Les Danois, qui ont pris cette mesure il y a trois mois, n'ont depuis importé que neuf kilos de viande britannique !

Nous ne nous montrons donc ni protectionnistes ni agressifs et je regrette, par conséquent, que les Britanniques se comportent différemment. Pour autant, nous avons décidé d'attendre tranquillement la confrontation des experts français et européens, qui est en cours. Sans lever le secret sur ces délibérations, et contrairement à des rumeurs soigneusement répandues, ces discussions ne mettent nullement notre position en péril. Vendredi, elles seront achevées et le comité directeur scientifique transmettra ses conclusions à la Commission. Nous en prendrons acte et nous en reparlerons certainement alors (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

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TRAITÉ D'INTERDICTION DES ESSAIS NUCLÉAIRES

Mme Janine Jambu - Monsieur le ministre des affaires étrangères, le Parlement mondial des enfants a adopté un manifeste de la jeunesse pour le XXIème siècle, posant que la paix est la condition du développement humain. Or, il y a quelques jours, le Sénat américain a refusé de ratifier le traité d'interdiction des essais nucléaires, traité autorisant les essais en laboratoire mais n'en permettant pas moins d'espérer une réduction progressive de l'armement nucléaire, jusqu'à son élimination totale de la planète.

Après les essais indiens et pakistanais, une telle décision venant d'un pays qui affirme sa vocation à être le gendarme du monde, hypothèque l'avenir. Comment obtenir l'accord de la Russie et de la Chine si les Etats-Unis se déjugent ainsi ? En 1995, la signature du renouvellement du traité de non-prolifération a été obtenue de nombreux États parce qu'on s'attendait à ce que les puissances nucléaires ratifient ce traité d'interdiction des essais.

En raison des positions qu'elle a prises, la France a une responsabilité particulière dans ce processus. Une querelle politicienne interne aux Etats-Unis ne doit pas arrêter des progrès encore fragiles : quelles initiatives le Gouvernement envisage-t-il pour inciter les États qui ne l'ont pas encore fait à donner leur aval à ce traité dans les meilleurs délais et pour relancer le processus du désarmement dans le monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Comme vous, nous avons jugé infiniment regrettable, à tous points de vue, ce vote du Sénat américain : il contredit les engagements pris par le Président des Etats-Unis et, d'autre part, il est toujours préoccupant -et de mauvais augure pour d'autres questions, comme l'OMC ou l'interdiction des mines- de voir un tel pays dans l'incapacité de tenir ses engagements pour des raisons de politique interne. C'est aussi un signal dangereux pour ce qu'on appelle les «pays du seuil».

Après avoir clairement exprimé notre regret et notre désapprobation, nous avons rappelé que le traité pourrait encore être notifié par les pays qui ne l'ont pas encore fait ; les autres vont en tout cas continuer de l'appliquer comme s'il avait été ratifié par le nombre de pays suffisant. Après tout, il dépend des autorités responsables de ces pays de poursuivre l'évolution et, de ce point de vue, ce vote pourrait n'être qu'un accident de parcours (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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RESPECT DES LIBERTÉS SYNDICALES

M. Patrick Leroy - Liberté, égalité, fraternité, trois valeurs fondamentales de notre société ! Ma question portera sur la première de ces valeurs et, plus particulièrement, sur les libertés syndicales et sur la liberté reconnue à tout salarié de défendre ses droits et de revendiquer. Ces garanties démocratiques ne cessent en effet d'être bafouées. C'est ici l'usine d'armement Thomson Daimler Aérospace qui tente de licencier une déléguée syndicale pour avoir dénoncé la mise en place illégale d'une caméra de surveillance ; c'est là la société Cégélec qui licencie les salariés grévistes qui, après que la direction ait refusé d'ouvrir des négociations, avaient osé revendiquer le maintien d'une prime de dédommagement pour l'outillage. Quant à la Cour d'appel de Montpellier, elle vient de condamner à deux mois de prison avec sursis, deux syndicalistes qui essayaient de défendre l'emploi dans l'usine de chaussures Myris.

Tout le pays est touché par cette recrudescence des atteintes aux libertés. Dans ma circonscription, le secrétaire CGT de l'Union des syndicats des travailleurs de la métallurgie, a été mis en examen après l'occupation, par une centaine de salariés de la chambre patronale. Rien que dans mon arrondissement, je dénombre une vingtaine de cas. Par exemple, l'entreprise TER à Quievrechain vient de «mettre au placard» une salariée après sa nomination comme déléguée syndicale. Dans l'entreprise Malteries-Soufflet à Prouvy, c'est encore un délégué syndical qui est mort d'un accident du travail alors qu'il venait de dénoncer des conditions de travail très dangereuses.

Brimades, sanctions, harcèlement moral, entraves à l'activité des représentants du personnel, non-respect des règles de sécurité, la liste des atteintes est longue et, pourtant, les entreprises réclament toujours plus d'aides publiques, plus de déréglementation. Bien sûr, toutes n'ont pas ce comportement mais aucune ne pourrait se transformer en lieu de non-droit où l'employeur serait le maître absolu. L'entreprise citoyenne doit respecter les valeurs de la République : les libertés syndicales, l'égalité entre les citoyens, la fraternité entre les salariés.

Madame la ministre de l'emploi, quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre fin à ces procédés qui portent atteinte à la dignité des syndicalistes concernés et à la dignité du monde du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe RCV et de nombreux bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Comment pourrait-on parler de démocratie là où elle n'existe pas dans l'entreprise, là où l'on refuse le droit de se syndiquer, de négocier, de revendiquer et de faire la grève ? Il est choquant que des salariés puissent être victimes de discrimination, ou même licenciés, parce qu'ils défendent leurs collègues ou réclament une amélioration des conditions de travail. Depuis mon arrivée au ministère, j'ai toujours refusé de considérer le licenciement d'un salarié protégé comme un licenciement ordinaire, et j'ai appelé à examiner chaque fois ce que la mesure pouvait dissimuler ou entraîner comme conséquences, par exemple pour la présence syndicale dans l'entreprise.

Je suis également d'autant plus attentive aux recours hiérarchiques dans ces affaires qu'on recense chaque année 15 000 demandes de licenciement de représentants du personnel ; 85 % des refus opposés par les inspecteurs du travail ont ainsi été confirmés par moi, contre 70 % les années précédentes.

Les inspecteurs du travail ont rédigé 45 000 observations sur le respect du droit en vigueur et 400 procès-verbaux ont été dressés. Il y a quelques mois, j'ai insisté auprès des directeurs départementaux du travail sur l'importance de cette mission de contrôle et mon budget va permettre d'accroître comme jamais le nombre des inspecteurs et contrôleurs du travail.

S'agissant d'un cas que vous avez évoqué , je rappelle que la loi du 31 décembre 1992 a spécifié les conditions dans lesquelles une entreprise pouvait mettre en place une surveillance du personnel. Les délégués du personnel ont les moyens de vérifier le respect de ces garanties et de contrôler qu'elles ne portent pas atteinte à la dignité. Le comité d'entreprise doit impérativement être consulté : s'il ne l'est pas, le délit d'entrave est constitué.

Soyez assuré que j'examinerai attentivement tous les cas que vous avez cités, dans un département de grande tradition industrielle où beaucoup de syndicalistes ont sans doute souffert d'avoir rempli leur mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 10 sous la présidence de M. Ollier.

PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER

vice-président

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ASSASSINAT DU PREMIER MINISTRE ARMÉNIEN

M. François Rochebloine - Nous venons d'apprendre avec une profonde émotion par une dépêche de l'AFP l'assassinat du Premier ministre arménien, M. Vazguen Sarkissian, victime dans l'enceinte même du Parlement arménien d'un ignoble attentat au cours duquel huit personnes ont trouvé la mort et trente ont été blessées.

Au nom du groupe de l'UDF, mais je sais que l'émotion est partagée sur tous les bancs, je tiens à dire notre solidarité et notre amitié au Président de la République d'Arménie, au peuple arménien et à la communauté arménienne de France, auxquels nous présentons nos plus sincères condoléances.

Au nom de notre groupe, je demande que l'Assemblée observe une minute de silence à la mémoire du Premier ministre arménien.

M. le Président - L'annonce de cette disparition tragique suscite une profonde émotion parmi nous. En votre nom à tous, je présente les condoléances de l'Assemblée nationale au peuple arménien. Je vous invite à vous recueillir quelques instants.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le Gouvernement partage l'émotion exprimée et présente à son tour ses condoléances au peuple arménien, dont on sait combien il souffre, au Parlement arménien et au Président de la République arménienne. Je propose que nous nous recueillions à la mémoire du Premier ministre assassiné.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence)

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000.

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MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6 du Règlement.

M. Jean-François Mattei - Le climat général dans lequel s'est jusqu'à présent déroulée notre discussion est prometteur. J'ai apprécié, en dépit de nos divergences, le ton juste employé par MM. Evin et Cahuzac. Je suis également d'accord avec le président de la commission, M. Le Garrec, lorsqu'il a dit que nous n'avons pas en France une culture de réforme. En revanche, M. Recours a cédé à la tentation du bon mot. Mais, Monsieur Recours, s'il est vrai que l'on ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif, il y a aussi l'âne de Buridan qui, ne sachant s'il devait commencer par boire ou par manger, a fini par mourir d'inanition. Et, comme nous disons en Corse, «à faire la barbe aux ânes, on perd son temps et son savon». Vous avez eu tort de tenter des comparaisons avec le football -à Marseille, nous en connaissons un rayon avec l'OM ! (Sourires) Avec le «catenaccio», on ne marque jamais. Et le reproche que j'adresse au Gouvernement et à la majorité est bien de n'être pas assez offensifs.

Je remercie mes collègues Bur et Accoyer qui m'ont beaucoup facilité la tâche en déblayant préalablement le terrain. Les arguments de M. Accoyer notamment sont irréfutables.

Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale ne répond pas à nos attentes. Je vais dire pourquoi et quelles solutions auraient eu notre préférence en matière d'assurance maladie, de famille et de retraites.

Le financement proposé est-il d'actualité et approprié ? La Sécurité sociale, dont chacun tient la création en 1945 pour une avancée sociale capitale, semble mieux se porter. Pourtant, à y regarder de plus près, de crises en plans de redressement successifs, et ce sous tous les gouvernements, les difficultés se sont accumulées au point d'aboutir à une Sécurité sociale à deux vitesses. Les inégalités dans l'accès aux soins se sont creusés au point que nous avons dû adopter un projet de loi instituant une couverture maladie universelle.

Notre système de protection sociale, quels que soient les services qu'il a rendus par le passé, doit être réformé. Il n'est plus possible d'en accroître les recettes, les prélèvements ayant atteint un niveau record.

En second lieu, les dépenses ne peuvent plus être réduites, puisque nous sommes à un taux de remboursement des plus faibles ; et ces difficultés, sur fond de contrainte -dite tantôt comptable, tantôt médicalisée- montrent que cette Sécurité sociale est à bout de souffle, même si elle a aujourd'hui meilleure mine grâce à la croissance.

La question se pose donc de savoir si la structure du financement, telle que vous l'avez conçue, est adaptée. La réponse est non, pour quatre raisons. En premier lieu, nous avons assisté progressivement à l'extension de la couverture maladie, initialement destinée aux travailleurs salariés et à leurs familles, vers l'universalité : on est passé du régime général à l'intégration de nouveaux cotisants, puis à des régimes spéciaux, enfin, à la CMU. Il est vrai, je le reconnais à titre personnel, que vous avez fait un premier pas important avec le basculement des cotisations sur la CSG. Mais il faut aller jusqu'au bout, pour que l'équité soit respectée. Cela remet en cause bien des choses. Et, hier, Mme Notat confirmait d'une certaine façon ce que je dis, en déclarant qu'on avait quitté le paritarisme pur pour un paritarisme relatif. C'est dire que le système de financement initialement prévu n'est plus adapté à l'ampleur de la tâche.

La deuxième raison est que nous sommes progressivement passés du concept de maladie à celui de santé. J'ai entendu ici ce matin des choses touchantes et vraies sur le vieillissement et la place des personnes âgées dans la société. La longévité est là. Ce qui veut dire que, tous, nous aurons besoin un jour de telle prothèse, de telle opération, mais il s'agit d'un accompagnement, du cours normal des choses, et non d'un accident ou d'une maladie au sens classique. D'autre part, les modes de vie ont changé, et les individus font librement des choix de vie qui les exposent à des risques spécifiques. On est ainsi conduit à se demander ce qui relève de la maladie, donc de la solidarité, et ce qui relève de choix individuels, ou encore d'une médicalisation de l'existence -qu'on pense à la procréation médicalement assistée, à la fin de vie ou à la génétique prédictive, qui nous fait devenir «malades» avant même que la maladie se soit manifestée... Dans ce vaste champ, comment délimiter le domaine de la solidarité ? Et vous avez été conduits, dans le débat sur la CMU, à poser un problème que nul n'osait poser depuis longtemps : celui du contenu du panier de soins. C'est le problème de ce qui relève de la solidarité et de ce qui n'en relève pas. Mais ce qui vaut pour la CMU, il faut en discuter aussi pour l'assurance maladie. Nous sommes tous d'accord sur le principe même de la CMU. Si nous ne vous avons pas suivie sur ce projet, c'est par désaccord sur la nature des financements, sur la gestion, mais aussi sur le contenu du panier de soins.

Troisième raison d'inadaptation : on ne peut plus faire l'économie d'une approche globale des problèmes de santé. Quand nous avons examiné il y a quelques années la loi sur l'air, dont l'objectif touchait bien à la qualité de vie et à la santé, cela nous a conduits à parler de plans de déplacements urbains, de la fiscalité des produits pétroliers en fonction de leur caractère polluant, et même de l'industrie automobile. Ce débat nous a donc conduits sur des terrains inhabituels. Quand nous parlons d'encéphalite spongiforme bovine et de sécurité sanitaire de l'alimentation -et à ce sujet je rends hommage à la décision de ne pas lever l'embargo- nous sommes conduits à parler de l'agriculture, de la filière agroalimentaire, des consommateurs... Il en va de même quand nous parlons de problèmes de santé liés à l'environnement. Un exemple, que j'ai vécu et qui est à l'origine d'une révolte intérieure : quand vous accueillez dans un service médical un enfant atteint de saturnisme, que vous le perfusez, qu'il est guéri... et que vous apprenez qu'il n'a d'autre solution que de retourner dans son domicile, il y a là quelque chose d'inacceptable ! De même, quand il s'agit du traitement des déchets ménagers, on constate que la dioxine émise dans l'air est concentrée par les végétaux, les animaux, et se retrouve dans l'alimentation humaine : on est ainsi reconduit à un problème de santé.

Ce qui me conduit, Madame la ministre, à vous poser une question qui n'est nullement polémique : je vous respecte, vous avez une certaine idée de la manière de conduire les choses et vous avez une majorité pour le faire. Mais pensez-vous qu'aujourd'hui, quand nous discutons de santé et d'assurance maladie, on peut ne s'intéresser qu'aux dépenses d'aval, c'est-à-dire à la prise en charge de ceux qui sont malades, sans s'intéresser à l'amont, c'est-à-dire à la prévention ?

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Nous en avons longuement parlé hier.

M. Jean-François Mattei - Certes. Mais les fonds de la prévention sont minimes. Toute l'ambiguïté est là : dans quelques semaines Mme le secrétaire d'Etat va défendre le budget de la santé ; or il est ridicule au regard des enjeux. On peut même se demander si la séparation des budgets de la sécurité sociale et de la santé est réellement fondée. Il faut une politique de prévention, d'éducation sanitaire, d'information, mais qui finance quoi et comment ? L'Etat ? Les départements ? Les communes ? Je suis en charge à Marseille des questions du sida et de la toxicomanie qui appellent un traitement global. Or il n'y a pas d'approche globale de ces sujets et l'on est sans cesse conduit à se demander qui paie quoi. Il n'y aura pas moyen d'en sortir tant qu'un ministère de la santé à part entière ne sera pas constitué.

La quatrième raison qui explique que votre conception du financement est dépassée, c'est que les règles entre les différents partenaires ont changé. Les conventions, qui avaient fini par être acceptées, sont aujourd'hui très éloignées de l'esprit participatif initial : elles sont le plus souvent subies et contraintes.

Quant à l'hôpital public, plusieurs orateurs de votre majorité ont reconnu qu'il est un danger. Un article du «groupe hôpital» publié récemment dénonce le maintien de structures peu efficaces, l'incapacité à se mettre en question, la dispersion des moyens et même une évolution suicidaire.

Les restructurations nécessaires interviennent trop lentement car elles se heurtent à des blocages considérables, de la part des responsables politiques qui tiennent parfois un langage différent à Paris et dans leur circonscription, des professionnels de la santé -volontiers conservateurs quant à la structure qui les accueille et attachés à l'excès au système hiérarchique des services- ou des usagers eux-mêmes qui doivent comprendre que l'hôpital ne peut répondre à tout.

Il est de la responsabilité du pouvoir politique de tout faire pour surmonter ces résistances mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. L'hôpital public est-il capable de s'adapter à la société moderne comme ont dû le faire certaines grandes entreprises, telles que France Télécom ?

J'en viens à l'hospitalisation privée : les ARH et les SRDS mis en place par le gouvernement Juppé sont de bons outils mais, faute de règles claires, l'hôpital privé ne sait toujours pas s'il est concurrent ou complémentaire du service public.

On le voit, les mutations qui affectent le secteur sont considérables. Or le financement que vous proposez s'en tient à une logique de reconduction ou de simple amélioration de l'acquis. Mais pour reprendre une formule célèbre, ce n'est pas en essayant d'améliorer la race des pigeons voyageurs qu'on aurait inventé le téléphone !

Ensuite, vous faites reposer la réduction des déficits sur ce retour de la croissance dont nous nous félicitons tous, mais qui est conjoncturel. Derrière la réduction des déficits, les comptes sociaux s'aggravent. Les ressources affectées progressent plus vite que le PIB et les prélèvements sociaux atteignent un taux record de plus de 20 % qui pénalise notre économie au point de l'entraîner dans une sorte de spirale infernale.

La situation de l'assurance maladie n'est pas satisfaisante. Certes, son déficit est moindre que par le passé mais cela est dû pour l'essentiel aux transferts entre les différentes branches, au détriment de la branche famille, notamment.

Les chiffres cités par le rapporteur sont éloquents : une progression de 4,4 % pour la médecine de ville, de 6 % pour le médicament, de 15 % pour les matériels et prothèses divers, de 7 % pour les indemnités journalières... D'après la CNAM, sur les sept premiers mois de l'année, la progression est de l'ordre de 3,3 % alors que l'ONDAM était fixé à 2,6 % en année pleine.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général - Nous pratiquons la maîtrise médicalisée des dépenses et non la maîtrise comptable.

M. Jean-François Mattei - J'y viens, Monsieur le rapporteur, mais votre politique de maîtrise des dépenses de santé n'est pas cohérente. Il y a d'abord plusieurs mesures contraignantes qui procèdent d'une logique de maîtrise comptable. Je pense aux «accords», qu'ont en réalité subis les biologistes, les radiologues ou les pharmaciens. Peut-on parler d'accord lorsque le crédit des représentants syndicaux de ces professions est à ce point entamé ? S'agissant par exemple de l'industrie pharmaceutique, les plus grands groupes ; comme SERVIER, quittent le CNIP. Quelle est donc la valeur des discussions menées avec cette organisation ? Le risque est, à terme, de voir disparaître l'industrie pharmaceutique française.

Il y a donc, d'un côté, des mesures contraignantes pour les professionnels de la santé qui entraînent une diminution des richesses. Et, d'un autre côté, des mesures qui n'ont plus rien à voir avec la maîtrise des dépenses, en ce qu'elles consistent à absorber les déficits.

Pour l'an prochain, Madame la ministre, vous fixez un objectif de 658 milliards que vous comparez aux 643 constatés en 1999, soit une augmentation de l'ONDAM de 2,5 %. Mais on ne compare pas des objectifs avec des réalisations ! Il faut donc comparer ces 658 milliards avec l'objectif de l'an dernier, à savoir 630 milliards, ce qui donne en réalité une augmentation de l'ONDAM de 4 %.

Dans cette affaire, on a ainsi le sentiment que «croissance» rime avec «providence» mais aussi avec «imprudence». Et je serais tenté d'ajouter «opalescence», tant l'opacité s'accroît, entre les règles que vous modifiez et les exceptions qui se multiplient !

Vous prévoyez pour l'hôpital public une augmentation de 2,4 %, ce qui peut se concevoir, et pour l'hôpital privé de 1,8 %, ce qui veut dire que le fossé va se creuser puisque l'amputation subie en début d'année n'est pas rattrapée. Enfin, la hausse pour les soins de ville n'est que de 1,7 %, ce qui nous donne à penser que les soucis comptables l'ont emporté sur les autres.

L'article 2 en témoigne tout particulièrement. Il crée en effet un fonds de financement de la réforme des cotisations sociales, financé dans la version qui nous a été soumise par une fraction des droits sur le tabac, par la CSB, la TGAP et enfin par une contribution des organismes gérant les régimes de protection sociale -Sécurité sociale, Unedic, Agirc et Arrco. Je sais bien, Madame la ministre, que vous êtes revenus sur ce dispositif, mais il est déjà invraisemblable que vous ayez pu l'imaginer ! Mettre à contribution la Sécurité sociale pour les 35 heures alors qu'elle est déjà en déficit et qu'elle a en charge la santé, la famille et la vieillesse !

Et, me tournant vers Claude Evin avec qui je partage depuis longtemps un grand intérêt pour les mêmes sujets et les mêmes convictions à propos de la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, je voudrais dire mon étonnement de trouver dans un budget pour la Sécurité sociale un financement assis sur la consommation de tabac et d'alcool. Dans cette affaire, l'Etat ne peut qu'espérer un rapport maximal, alors que dans le même temps il mène des actions contre le tabagisme et l'alcoolisme. («Très bien !»sur les bancs du groupe DL)

Je voudrais dire aussi un mot de la TGAP. Certes, nous avons le précédent historique de la vignette automobile dont le produit devait à l'origine bénéficier aux personnes âgées et qui finalement a servi à tout autre chose, mais cela ne saurait justifier que la taxe sur les activités polluantes ne serve pas à améliorer la qualité de l'environnement. Affectée en 1998 à l'ADEME, en 1999 au budget général et en 2000 au financement des 35 heures, cette TGAP est vraiment une taxe baladeuse et sans domicile fixe ! Une simple pompe à finances, en somme.

Je voudrais maintenant évoquer certains illogismes. Vous déléguez à la CNAM, Madame la ministre, la régulation des soins de ville. Cette logique de délégation n'est pas mauvaise en elle-même mais, en l'espèce, elle est illusoire car le suivi infra-annuel que vous prévoyez constituera à l'évidence un obstacle à la liberté de man_uvre de la CNAM, de même d'ailleurs que l'élargissement des motifs de refus des annexes tarifaires. De plus, le plan stratégique de la CNAM est totalement absent du projet. Vous déléguez certes, mais vous ne donnez pas à la CNAM les moyens d'assumer ses responsabilités.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Inexact !

M. Jean-François Mattei - Le sujet n'est pas abordé dans ce projet. Il n'y est pas question des modalités d'installation au regard du conventionnement, alors qu'existent sur notre territoire des inégalités inacceptables en termes de démographie médicale et de répartition des spécialistes. Il n'y est pas question non plus de la formation médicale continue et de la certification régulière des praticiens, alors qu'il faudrait expliquer aux intéressés qu'il ne s'agit pas de les obliger à passer, à 50 ans, un examen auquel ils risqueraient d'être recalés.

Au total, donc, vous ne donnez pas à la CNAM les moyens correspondant au plan qu'elle a arrêté et à ses nouvelles responsabilités. Il est vrai que si elle n'arrive pas à se mettre d'accord avec les professionnels de santé, l'Etat reprendra la main. Par ailleurs, la délégation n'est que partielle puisque la CNAM se voit désormais responsable des soins de ville, tandis que votre ministère garde les hôpitaux et les médicaments. Cette organisation sépare artificiellement ce que nous voulons tous rapprocher, à une époque où nous menons une politique de réseaux et de filières, où les hôpitaux s'ouvrent aux médecins de ville, où l'on encourage l'hospitalisation à domicile. Nous voulions, souvenez-vous, une certaine fongibilité entre les enveloppes de l'hôpital et de la médecine de ville, car la médecine est une et indivisible et parce que la santé exige une approche globale.

Malheureusement, la logique comptable l'a emporté sur la logique sanitaire.

J'en veux pour autre preuve le système des lettres-clés flottantes, qui n'est autre que le retour sous une autre forme des mesures de rétorsion financière refusées naguère par le Conseil d'Etat. Le procédé est habile, Madame la ministre, mais lors de son conseil d'administration du 12 juillet, la CNAM a dit ce qu'elle en pensait. L'utilisation de lettres-clés propres à chaque discipline et à valeur flottante ne constitue pas, selon elle, une alternative crédible.

La CNAM a dénoncé la fixation de normes qui s'ensuivrait, soulignant qu'une telle action «apparaît techniquement hors d'atteinte et éthiquement discutable». Le troisième alinéa conclut à l'irréalisme, à l'inefficacité et on risque le conflit.

Bref, selon la CNAM, la technique des lettres-clés flottantes ne peut en aucun cas assurer une fonction de régulation globale des dépenses.

Votre plan de financement de la Sécurité sociale ne satisfait ni la CNAM, ni la CNAV, ni la CNAF, ni l'ACCOS, ni les professionnels de santé qui vous l'ont fait savoir le 17 octobre, ni les syndicats hospitaliers, ni l'hôpital privé.

Quelqu'un de chez vous l'a dit : «On ouvre une fenêtre de quelques années devant lesquelles il devient possible de mener à bien de grands réformes.» Oui, la conjoncture est favorable pour mener les grandes réformes nécessaires.

Nous en avions déjà parlé l'an dernier, mais je dois le redire, toute situation de monopole est contre-productive au plan économique. Elle ne laisse aucun choix ni aux professionnels ni aux usagers. La Cour des comptes, le 15 septembre dernier, a dénoncé «des choix inopportuns, des erreurs de gestion, des contrôles défaillants». La CNAM, selon la Cour, est demeurée un payeur aveugle, et des milliards sont ainsi perdus.

Et que disent MM. Strauss-Kahn et Sautter, faisant allusion à d'autres pays ? «Les dépenses de santé ont été maîtrisées, de plus en plus de salariés étant couverts par des organismes de soins gérés, qui ont pour objectif de renforcer la concurrence entre les offreurs de soins. Les charges salariales liées à la couverture maladie ont nettement décéléré, ce qui a contribué à modérer les hausses du coût du travail. La maîtrise des coûts d'assurance maladie a ainsi indirectement bénéficié à l'emploi». C'est, de la part des deux ministres, reconnaître la nécessité d'un système concurrentiel.

J'essaie de vous convaincre, Mesdames les ministres, sans polémiquer.

Mme la Ministre - Un peu !

M. Jean-François Mattei - Non, je dis simplement qu'il me paraît indispensable de redistribuer les responsabilités entre l'Etat, les caisses, les partenaires sociaux et les usagers.

L'Etat ne peut plus être à la fois décideur, gestionnaire et son propre contrôleur. Sa mission devrait consister à définir les besoins sanitaires de la population, et à mettre en place une vraie politique de santé publique. Vous avez choisi des collaborateurs d'une compétence indiscutable. Il faut leur donner les structures, les moyens, les personnels propres à relever les défis du moment. Nous attendons une grande loi-cadre, au-delà du texte utile que vous avez annoncé pour le début de l'an prochain. Je me réjouis qu'avec Odette Grzegrzulka et André Aschieri nous soyons parvenus à imposer l'agence santé-environnement. Peu m'importe que ce soit le Premier ministre qui annonce sa création pourvu qu'elle existe. Il va falloir à présent l'intégrer dans notre dispositif global de sécurité sanitaire. L'Etat a aussi pour devoir de s'assurer de la formation adaptée des professionnels de santé. Jean-Claude Etienne et moi avons remis voilà deux ans un rapport sur la réforme des études médicales. N'oublions pas que près de vingt ans sont nécessaires pour qu'une réforme de ce type produise ses pleins effets. Il revient encore à l'Etat de définir et de collecter les sommes nécessaires pour assurer la solidarité nationale à chaque Français devant la maladie.

Enfin, l'Etat doit définir un cahier des charges précis pour fixer les règles de l'assurance maladie. Sur ce point, évitons les procès d'intention. Tous ici nous voulons _uvrer pour le bonheur des gens. Nous pouvons nous entendre sur des règles communes : assurance obligatoire, remboursement au premier franc, non-sélection des patients, non-discrimination des risques, égalité devant les soins. Seule la rigueur de ce cahier des charges peut éviter de mettre la justice et la solidarité en péril. Nous ne voulons pas d'un système à l'américaine où un Américain sur six n'a toujours pas d'assurance maladie. C'est parce que nous ne voulons pas en arriver là que nous condamnons le retard pris et le gaspillage des fruits de la croissance.

Il faut encore, pour l'Etat, accréditer les personnes et les structures, supprimer l'accréditation pour ceux qui ne respecteraient pas le cahier des charges, et évaluer la qualité des soins. L'Etat ne doit être ni opérateur ni gestionnaire, il doit être garant.

Les différents partenaires doivent de leur côté s'organiser dans un système concurrentiel avec deux contraintes : le cadre budgétaire et le cahier des charges définis par l'Etat.

Les professionnels de santé sont particulièrement déstabilisés. L'absence de dialogue et de visibilité à long terme encourage les attitudes de refus. Nous ne ferons rien sans l'adhésion des médecins, qui subissent la contradiction profonde entre le prétendu statut des professions libérales et les contraintes de l'Etat. Changez de stratégie et donnez-leur la possibilité de choisir les modalités d'installation, d'accréditation et de formation, en contrepartie de quoi ils choisiront eux-mêmes les caisses ou les organismes para-publics ou privés, dont ils accepteront les contraintes : c'est ce qui peut leur rester de liberté.

Les usagers ont eux aussi des responsabilités. Ils les assumeraient en choisissant librement leur organisme de couverture.

L'an dernier, à la même époque, j'avais souhaité qu'on expérimente un tel dispositif dans quelques départements et régions, et j'avais mentionné à ce propos le projet de Groupama, assureur de statut mutualiste, qui visait à créer dans des zones rurales des réseaux de généralistes prêts à participer à des groupes de progrès, en vue de dépenser moins. Or vous venez d'autoriser cette expérimentation pour 18 mois dans trois départements. La mesure est certes limitée, mais c'est un premier pas.

Je pourrais citer d'autres exemples, pris en Europe. En Suisse, depuis la loi fédérale sur l'assurance maladie du 18 mars 1994, fonctionne très bien un système fondé sur l'obligation de souscrire une couverture, sur le libre choix de la compagnie, sur l'interdiction de refuser un assuré et sur l'obligation de fournir un contrat de base à des conditions uniformes de prix, l'Etat intervenant pour réguler les tarifs et taux de couverture et pour définir droits et obligations. Aux Pays-Bas, on sépare maintenant la collecte des primes, effectuée par l'Etat, et l'activité d'assurance, les compagnies recevant une dotation par client...

Ces deux pays, auxquels je pourrais ajouter l'Allemagne, ont engagé de profondes réformes de structures. Votre gouvernement met souvent l'accent sur le volet social de la construction européenne : comment ferez-vous si, demain, un Français veut s'assurer auprès d'une compagnie privée d'un autre pays européen ? L'ouverture à la concurrence est inéluctable dans ce domaine aussi, et il me semble judicieux de s'y préparer ! J'aurais pu parler aussi des retraites et de la famille mais je m'en tiendrai là, MM. Bur et Accoyer ayant présenté des amendements auxquels je souscris. Je voudrais qu'il reste de mon propos l'idée qu'une approche globale s'impose. Cela ne signifie naturellement pas que le problème des retraites soit secondaire et qu'il ne faille pas dès maintenant relever le défi, au lieu d'attendre que les difficultés surviennent.

J'ai peut-être donné le sentiment que j'étais trop passionné, mais je suis persuadé que nous sommes face à un enjeu considérable avec les changements qui affectent actuellement notre système de santé. L'assurance maladie aura représenté un apport inestimable mais on ne peut demander à une structure de répondre aux besoins d'un monde pour lequel elle n'avait pas été conçue.

Outre le fait que la donne a changé avec la décision que vous avez prise il y a deux jours et sur laquelle la commission n'a pu se pencher, c'est la raison pour laquelle je souhaiterais qu'on poursuive l'examen de ce projet, de façon objective et avec le souci d'aller peut-être plus loin dans la modernisation. Je demande donc le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. le Président - Pour répondre à une question que j'ai entendue, j'indique que M. Mattei a parlé pendant 64 minutes, 10 secondes. Il disposait de 90 minutes.

Mme la Ministre - Je vais, avec Mme Gillot, m'attacher à répondre aux interrogations des orateurs mais j'ai eu le sentiment un peu étrange d'entendre pour la troisième fois les mêmes discours, comme si rien ne s'était passé depuis les précédentes lois de financement...

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse - Peut-être faudrait-il en terminer d'abord avec le renvoi en commission...

M. le Président - Le Gouvernement peut s'exprimer quand il le souhaite. Cela étant, votre cabinet nous avait indiqué que vous répondriez d'abord à M. Mattei avant de le faire à l'ensemble des orateurs.

Mme la Ministre - Eh bien, à tout à l'heure : je redescends de la tribune ! (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs)

M. le Président - La Constitution permet aussi au Gouvernement de cesser de s'exprimer quand il le veut !

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail - Je crois en effet utile de conclure d'abord le débat sur cette motion de renvoi.

Je dois rendre hommage à M. Mattei pour la richesse de ses observations et il ne fait pour moi aucun doute que nous aurons à y revenir. Sur plusieurs points, nous sommes d'ailleurs en accord, lui et moi ; ainsi, comme d'autres, nous croyons à la nécessité d'une approche globale et nous souhaitons que les conventions structurent mieux les relations entre les caisses et les professionnels. Et je constate, Monsieur Mattei, que vous jugez utile la maîtrise des dépenses -mais sans doute devriez-vous encore approfondir votre réflexion sur le sujet car je me souviens que vous avez applaudi M. Juppé le 15 novembre 1995, mais que votre position a varié une fois dans l'opposition. Il est vrai que ceux qui ont toujours défendu cette maîtrise comme instrument de qualité des soins et de justice sociale l'ont parfois payé...

Prenant acte de ces convergences, je regrette que vous ne soyez pas allé plus loin. Pour moi, réclamer une approche globale devrait conduire à lutter contre le cloisonnement des financements et à remettre en question l'actuel mode de financement des professions libérales, à poser le problème d'un autre mode de rémunération, d'autres relations avec les caisses -ce qui en général fait bondir M. Accoyer... On peut critiquer par exemple le mode de régulation par lettres-clés flottantes mais il faut aller jusqu'au bout du raisonnement. Or il n'existe pas d'autre régulation possible que par les lettres-clés flottantes, par les reversements -qui, j'en suis persuadé, sont impraticables- ou par la fixation d'enveloppes avec un mécanisme de tiers-payant qui permet aux caisses de réguler en amont les flux financiers qu'elles envoient aux prestataires de service.

Connaissant vos positions pour avoir la chance de travailler avec vous à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, je savais déjà que la solution, pour vous, réside dans la mise en concurrence -simplement, peut-être devriez-vous préciser si vous visez la concurrence entre assureurs ou autres prestataires de services. Mais, disant «mise en concurrence», vous devez bien percevoir que vous vous éloignez de l'assurance maladie telle que l'avait conçu le Conseil national de la résistance : une assurance fondée sur le principe d'universalité. Vous éludez la difficulté en renvoyant au cahier des charges mais, cette fois, c'est du principe de concurrence que vous vous éloignez. Il est clair que, dans un système où les assureurs pourraient offrir des prestations de nature différente aux assurés sociaux, il y aura sélection de fait. Tant ce qui ne relèvera pas de la couverture minimale sera laissé au marché et l'inégalité sera dès lors inévitable ! C'est là que nous divergeons. Nous pensons, nous que l'Etat a une fonction régalienne en matière de droit à la santé et qu'il lui appartient de l'exercer, notamment en cas de carence des caisses d'assurance maladie. L'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 dispose d'ailleurs, ne l'oublions pas, que la nation garantit à tous la protection de la santé.

Voilà les raisons de fond pour lesquelles nous nous opposons à ce renvoi en commission mais aussi, au-delà, à vos projets en matière d'assurance maladie. Les Français ont clairement donné la préférence à un système public de Sécurité sociale fondé sur la solidarité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - L'article 91, alinéa 4, de notre règlement prévoit qu'intervient le rapporteur ou le président de la commission saisie au fond. Je vous donne la parole, Monsieur Le Garrec, à la condition que vous soyez bref.

M. le Président de la commission - La motion de renvoi défendue par M. Mattei justifie cette double réponse. Elle a en effet été l'occasion pour lui de présenter clairement un projet alternatif au nôtre.

J'ai dit hier à cette tribune que la France n'était pas un pays naturellement réformateur, les conservatismes étant nombreux, ne s'exprimant d'ailleurs pas que d'un seul côté,...

M. Charles de Courson - C'est honnête de le reconnaître.

M. le Président de la commission - ...Il nous faut aujourd'hui garantir la pérennité du système de Sécurité sociale mis en place en 1945. Les professions médicales prenant chaque jour davantage conscience qu'un système concurrentiel risquerait de remettre en question leur statut et leur métier même, comme cela s'est d'ailleurs passé pour les architectes, le dialogue pourra s'ouvrir plus facilement avec elles.

Monsieur Mattei, cessons de nous jeter sans cesse à la figure le terme «comptable». Quand on élabore un budget, on compte, nécessairement. Les médecins, qui ont quotidiennement affaire à la vie, à la mort, à la condition humaine, sont aussi ordonnateurs de dépenses publiques. Il leur appartient d'assumer cette contradiction, qui fait aussi la grandeur de leur métier.

Notre système de Sécurité sociale est à un tournant de son histoire. Nous avons choisi de nous attaquer à son opacité qui rend difficile la définition des responsabilités. Et, à cet égard, notre commission a un rôle déterminant à jouer. Elle doit travailler le plus en amont possible de la prise de décision ; dialoguer davantage encore avec la Cour des comptes et la CNAM ; formuler des propositions -je vous renvoie aux dix propositions de Claude Evin où, pour la première fois, se trouvent couchées sur le papier des réponses aussi précises à des questions comme celles de l'évaluation des pratiques ou de la réforme du Conseil national de l'ordre des médecins.

La commission a demandé à la CNAM quels outils lui étaient nécessaires pour assurer sa nouvelle délégation de gestion. Si des modifications d'ordre réglementaire suffisent, le ministre est d'accord pour les apporter rapidement. S'il faut modifier la loi, ce pourra être fait dans le cadre du projet de loi relatif à la modernisation du système de santé ou d'un DMOS. En tout état de cause, les adaptations nécessaires devront être votées avant la fin de l'année.

Notre souci fondamental est de préserver l'équilibre d'un système qui est, à nos yeux, le seul susceptible de garantir l'égalité devant les soins. Vous proposez, vous, et M. Mattei aura eu le mérite de faire tomber les masques, un système concurrentiel qui aboutirait à une sélection par les risques, à des inégalités et à la remise en question totale du système actuel de Sécurité sociale auquel les Français sont profondément attachés. Je ne dépeindrai pas plus longuement quelles en seraient les conséquences désastreuses. Il suffit de voir ce qui se passe aux Etats-Unis ou ce à quoi a conduit la privatisation des transports en Grande-Bretagne.

M. François Goulard - Caricature !

M. le Président de la commission - Vous avez le courage, Monsieur Mattei, d'assumer votre choix. Ce n'est pas le nôtre. C'est même précisément celui que nous combattons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Bernard Accoyer - Je remercie le rapporteur et le président de la commission, dont les interventions ont été exceptionnellement longues à l'issue d'une motion de renvoi.

M. Claude Evin, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail - Car c'était une bonne motion !

M. Bernard Accoyer - Ce projet mérite d'être revu en commission. Nous approuvons bien sûr les raisons exposées par M. Mattei. De surcroît, nous avons appris par la presse -la commission n'en ayant été saisie que ce matin- que le Gouvernement a déposé un amendement qui bouleverse l'article 2. Il nous semble donc, selon les dispositions qui régissent nos travaux, que le Gouvernement aurait dû produire une lettre rectificative.

Mais venons-en au fond. Une fois de plus, ce gouvernement traite la branche famille de manière inacceptable : un seul article pour réduire les revalorisations auxquelles cette branche a droit et dont elle a besoin. Quant aux retraites, ce projet de 80 pages ne leur accorde que quelques lignes. Il faudrait revenir en commission pour réfléchir sur l'indispensable mutation de notre système de retraite. C'est le principal devoir du Gouvernement, mais c'est tout autant notre responsabilité. D'ici quelques années les retraites ne seront plus financées, et sans cesse le Gouvernement remet à plus tard. Cette année, en outre, il détourne vers le financement des 35 heures toutes les possibilités de financement à venir des retraites.

Quant au système de santé, le renvoi en commission s'impose également : il faut poursuivre le débat lancé par M. Mattei et repris par M. Evin et M. Le Garrec. En effet M. Evin prône un système étatisé, qu'il a mis en _uvre dans sa ville avec les centres de santé, forme collectiviste (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) de gestion de la solidarité ; alors que M. Le Garrec prône l'immobilisme (M. le président de la commission s'exclame). Alors que ce système accumule les dérapages de dépenses, que la croissance ne fait que masquer, il nous dit : continuons, cela va bien, c'est cela la solidarité ! Pour nous, la solidarité, c'est un mouvement permanent de réflexion et de réforme. C'est ce que soutient Jean-François Mattei. Il est vrai qu'il propose une ouverture du système ; nous y sommes favorables mais, pour le RPR, l'émulation doit jouer entre les maillons de la Sécurité sociale. Ce qui est sûr c'est qu'elle doit se moderniser et offrir un meilleur rendement social. Pour toutes ces raisons le groupe RPR votera la motion (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. François Goulard - Tout d'abord un point d'ordre, concernant le vote intervenu hier soir sur la question préalable défendue par M. Accoyer. Les conditions du vote avaient alors été contestées par certains de nous. Je constate aujourd'hui que mon vote a été enregistré comme opposé à la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), ainsi que celui du président Rossi, qui m'avait donné délégation. Je tiens à voir figurer au Journal officiel le fait que nous avons tous deux voté en faveur de cette question préalable.

M. le Président - Cela figurera au procès-verbal.

M. François Goulard - Pour ce qui est de la motion de renvoi, les propos de M. Mattei ont apporté la hauteur de vues qui manque au projet du Gouvernement. M. Mattei a soulevé des questions que nous aurions dû examiner en commission. Ce n'est pas la faute de la commission, excellemment présidée par M. Le Garrec, ni des rapporteurs : cela tient au Gouvernement qui élude les vrais problèmes de la protection sociale. Quels sont-ils ? Tout d'abord le financement : qui peut prétendre que nous l'avons examiné de façon satisfaisante, compte tenu des revirements du Gouvernement sur l'article 2 et le financement des allégements de charges liés aux 35 heures ? Mme la Garde des Sceaux déclarait hier, ici-même : «Le Gouvernement a pris l'engagement de ne jamais présenter de réforme sans qu'elle soit totalement financée». Il serait intéressant de reprendre l'examen du présent projet à la lumière de cette forte déclaration.

Ensuite, la question des retraites. Qui peut prétendre que ce formidable défi est relevé par le projet ? Enfin, l'avenir de l'assurance maladie. M. Mattei a esquissé un système qui, tout en se conformant aux exigences constitutionnelles et aux aspirations des Français concernant l'égal accès aux soins, serait plus intelligent, moderne, adaptable. Un tel système impliquerait le recours à la concurrence. Bien sûr vous vous emparez de ce mot pour en faire un repoussoir, et distinguer votre politique de la nôtre sur ce seul aspect. Mais cela montre que, confusément, vous admettez que l'organisation actuelle de l'assurance maladie ne peut répondre durablement aux besoins de santé des Français. Vous connaissez les faiblesses de cette organisation ; vous savez que les tentatives de maîtrise comptable par le biais de sanctions collectives -et les lettres-clés flottantes ne sont pas autre chose- n'ont pas d'avenir, et que, si la croissance vous permettra de passer sans trop de heurts l'année prochaine, on ne peut vivre durablement avec l'organisation actuelle, centralisée et bureaucratique. Nous souhaitons donc vivement que la commission puisse examiner derechef notre système de sécurité sociale sous l'éclairage qu'a donné Jean-François Mattei (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jean-Paul Bacquet - Monsieur Mattei, vous êtes incontestablement un orateur de grand talent. Vous êtes aussi un professeur de médecine à qui le praticien que je suis exprime toute son admiration sur le plan professionnel. Mais vous êtes aussi un homme ambigu, car vous pouvez défendre tout et son contraire. Vous avez ainsi dénoncé la non-représentativité des syndicats, puis vous vous êtes appuyé sur les syndicats qui ont suscité dans la rue un mouvement de contestation -très inférieur, noterai-je, à celui qui avait accueilli le plan Juppé. Vous dénoncez l'inefficacité de la CNAM, en vous appuyant sur le rapport de la Cour des comptes, puis vous nous reprochez de ne pas donner assez à cette caisse. Vous dénoncez le risque d'une médecine de caisse, puis vous demandez qu'on donne aux caisses des moyens supplémentaires. Vous avez dit que la métaphore du football était inadéquate. J'étais la semaine dernière dans votre ville pour voir le match Marseille-Manchester. Pour gagner, il faut être un bon buteur, un bon défenseur, mais surtout il ne faut pas marquer contre son camp ! Or, dans l'ambiguïté, on marque contre son camp -ce qui nous laisse d'ailleurs quelques espoirs pour les élections municipales à Marseille...

Vous appelez un projet rénovateur pour la sécurité sociale, rappelant que sa création fut une révolution. Ce système, fondé sur la mutualisation des risques et la solidarité nationale, a connu une telle nécessité qu'il s'est progressivement étendu à toutes les professions, signe de son caractère attractif. Vous avez dénoncé une sécurité sociale à deux vitesses. Mais c'est vous qui avez créé en 1979 le secteur 2 qui fermait certains soins aux plus défavorisés. C'est pourquoi nous l'avons fermé, et nous avons créé la CMU. Vous avez aussi jugé nécessaire d'envisager un grand ministère et là je vous appuie ; mais il faudrait qu'il soit différent du grand ministère de Mme Hubert...

Vous dites que les conventions se sont éloignées de leur esprit participatif initial. En réalité, Mme la ministre propose dans ce projet une vraie participation entre les médecins et les caisses sur la médecine ambulatoire : c'est quand même autre chose que les CMR !

En matière hospitalière, la restructuration est trop lente ? Vous avez raison mais alors soyons logiques. Quand M. Barrot était ministre, il disait la même chose. Pourquoi n'a-t-il pas commencé par fermer la maternité de Brioude, qui faisait moins de cent accouchements par an, et une fois dans l'opposition, est-il intervenu à l'Assemblée pour la défendre ?

Vous dites que la croissance est conjoncturelle et fragile. Mais reconnaissez que cette croissance et le recul du chômage sont aussi le produit d'une politique en faveur de l'emploi.

Si vous aviez pensé que la croissance serait au rendez-vous, vous n'auriez pas dissous l'Assemblée nationale !

Mme Odette Grzegrzulka - Cela aurait été dommage !

M. Jean-Paul Bacquet - Vous avez dit également que la situation de l'assurance maladie était loin d'être excellente et vous avez cité des chiffres. Mais il est nécessaire de mener, à partir de ces saisies comptables, une analyse médicale des abus, afin de définir ce que serait une bonne pratique, tout en respectant le secret professionnel en faisant en sorte que la responsabilité civile et pénale soit partagée entre les praticiens et les médecins conseil.

M. Bernard Accoyer - Ce n'est pas dans le texte !

M. Jean-Paul Bacquet - Vous nous avez ensuite accusés de favoriser une médecine «comptable». Nous avons au contraire refusé la maîtrise autoritaire que proposait le plan de la CNAM préférant une régulation moins contraignante que celle qui vous a coûté si cher en 1995 !

M. François Goulard - Arguments d'une haute tenue !

M. Jean-Paul Bacquet - Entre une assurance maladie ouverte à tous, fondée sur le principe de la solidarité nationale et le système concurrentiel que vous défendez où tout le monde serait perdant, mon choix est clair. C'est pourquoi nous voterons contre votre motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisi d'une demande de scrutin public par le groupe UDF.

M. Germain Gengenwin - S'il est un texte qui mérite le renvoi en commission, c'est bien ce projet de loi car jamais un tel renversement de dernière heure des modes de financement n'avait été proposé. Sous la pression de l'opinion, vous avez en effet modifié le financement du fonds destiné à financer les allégements de charges liés aux trente-cinq heures. Si vous aviez écouté le Parlement, cette mésaventure vous aurait d'ailleurs été épargné... Or, dans vos amendements 195 et 196 qu'a déjà évoqués M. Accoyer, vous privez le fonds de solidarité vieillesse du produit des taxes sur les alcools pour financer les 35 heures. Comment comblerez-vous la perte ainsi créée pour le FSV ? Au final, vous n'exonérez pas la sécurité sociale du financement des trente-cinq heures. Vous voulez prouver que par un jeu d'écriture, on peut trouver les neuf milliards qui incombaient initialement à l'UNEDIC. Mais il est dommage que votre collègue de Bercy ne partage pas votre opinion sur les vertus du passage aux trente cinq heures... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Mattei a développé en expert les nombreux points qui justifient le renvoi en commission. Le groupe UDF votera cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme Muguette Jacquaint - Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale a besoin d'être amélioré par des amendements dont il convient d'aborder la discussion sans plus attendre. Le groupe communiste votera contre la motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

A la majorité de 116 voix contre 40, sur 156 votants et 156 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.

Mme la Ministre - J'ai le sentiment étrange d'entendre le même discours depuis trois ans, comme s'il ne s'était rien passé dans l'intervalle. Or il s'est passé un certain nombre de choses qui intéressent les Français ! La réduction du déficit de 54 à 4 milliards, avec un excédent de 2 milliards prévu pour l'année prochaine... (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Je comprends que certains n'aiment pas qu'on leur rappelle ces chiffres mais les faits sont là. Le cumul des déficits de 1993 à 1997 est ainsi de 266 milliards, soit 50 milliards par an, alors qu'il était de 15 milliards sur les quatre années précédentes de la gauche et qu'il est aujourd'hui de 10 à 15 milliards (Interruptions et bruit sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je me demande si je dois poursuivre...

M. le Président - Veuillez écouter Mme la ministre, comme M. Mattei l'a été tout à l'heure (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre - En 1996-1997, les difficultés qui ont entraîné le plan Juppé tenaient au «dérapage» de la plupart des postes de la santé. Je suis heureuse de voir qu'en 1999, les honoraires des généralistes et des spécialistes restent dans les objectifs qui avaient été fixés et qu'il en va de même pour les hôpitaux et pour les cliniques.

L'augmentation des dépenses de médicaments reste inférieure à la moyenne des pays industrialisés -5 % contre 8 %.

Vous avez été nombreux à évoquer l'évolution des dépenses de maladie. S'il y a eu en 1998 un dépassement fort de 8,3 %, il est concomitant à la reprise de la croissance, qui amène toujours dans les pays industrialisés une augmentation sensible des dépenses de santé.

Pour 1999, le dépassement n'atteint que 1,3 milliard. Tâchons de parler des faits tels qu'ils sont et non tels que vous souhaiteriez les voir ! (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Doit-on passer aussi sous silence les critiques de l'année dernière où l'opposition disait que nos hypothèses n'étaient pas bonnes ou vos déclarations du printemps, après le bilan de la commission des comptes, selon lesquelles le déficit atteindrait 20 à 25 milliards de déficit ? Nous serons vraisemblablement à 4 milliards en fin d'année, soit 0,3 % de l'ensemble des dépenses.

Je note en outre que les contradictions sont multiples dans vos propos. Ainsi certains ont critiqué le fait que nous proposions une loi de financement pour 2000 avec un taux de progression par rapport au taux révisé, alors que l'année dernière MM. Préel, Accoyer et Barrot nous avaient demandé de le faire car il y allait de la crédibilité des prévisions.

De même je trouve surprenant que vous osiez parler d'une vision étatique et jacobine de l'assurance maladie l'année même où nous donnons à l'assurance maladie une délégation qu'elle n'avait jamais eue. Comment parler d'étatisme après tout ce que nous avons fait pour la régionalisation -rôle accru des URCAM et des unions régionales de médecins, Fonds d'aide à la qualité des soins de ville largement régionalisé, etc.- sans parler du pas complémentaire que nous ferons dans la loi sur la santé publique et les droits des malades ? Bref, vos rengaines sur le jacobinisme de la gauche ne correspondent guère aux faits.

Absence de politique familiale, ai-je entendu. Permettez-moi donc de rappeler que la branche famille accusait à notre arrivée un déficit de 14,5 milliards et a été utilisée entre 1993 et 1997 pour éponger les déficits d'autres tranches. En effet, ses réserves atteignaient fin 1993 66 milliards qui correspondaient aux excédents cumulés des exercices précédents -nous n'y étions pas pour rien, d'ailleurs. Or, en 1994, M. Balladur a décidé la mise en commun des réserves et reports de toutes les branches.

Comment pouvez-vous nous reprocher d'être intervenus lorsque certaines professions ont dépassé leurs objectifs ? Si nous ne l'avions pas fait, vous nous auriez reproché, comme vous l'avez fait la première année, de laisser déraper les comptes. De plus nous étions obligés d'intervenir puisque la loi organique et les ordonnances Juppé empêchaient la CNAM de le faire dès lors qu'il n'existait pas de convention avec les spécialistes en cause. Je m'honore donc d'avoir eu le courage de baisser la lettre Z des radiologues lorsqu'ils ont dépassé de 600 millions leurs objectifs. Et, finalement, nous avons négocié un accord qui ne se limitait pas aux questions financières mais portait aussi sur le contrôle des appareils, la prévention des cancers et autres sujets de santé publique. Nous avons suivi la même démarche avec les cardiologues et les laboratoires biologiques, ne faisant là que notre métier, à savoir empêcher que les comptes dérapent et approfondir le débat sur la santé publique.

M. le Président de la commission - Très bien !

Mme la Ministre - Les contradictions de l'opposition sont d'autant plus nombreuses qu'il existe en son sein des désaccords profonds sur des sujets fondamentaux. Les retraites, par exemple. Ainsi l'an dernier, M. Jacquat estimait, avec raison d'ailleurs, que la loi Thomas allait siphonner les régimes par répartition. Mais aujourd'hui M. Bur n'imagine pas d'autre alternative.

L'avenir du système de santé suscite lui aussi des grandes divergences. Il y a ceux qui, comme M. Barrot et M. Douste-Blazy, veulent maintenir, tout en l'améliorant, le système actuel ; ceux qui pensent, comme M. Préel, qu'il faut déléguer la gestion du risque et donner plus d'autonomie, et de possibilités de concurrence, aux organismes de Sécurité sociale ; ceux, enfin, qui, comme MM. Accoyer, Goulard, Madelin et Mattei, voudraient ouvrir le système à l'assurance privée. M. Mattei s'exprime avec talent et courtoisie mais, enfin, on ne peut pas dire toujours une chose et son contraire, vouloir que le système s'appuie davantage sur tous ses acteurs et reprocher au Gouvernement de ne pas se montrer assez directif, vouloir la maîtrise des dépenses et se plaindre des mesures qui sont prises en ce sens, enfin croire en la protection sociale et vouloir l'ouverture au privé. Je vous renvoie, Monsieur Mattei, à l'excellent rapport du Credes qui, en se fondant sur les expériences étrangères, montre que, quelles que soient les règles posées au départ, il y a toujours dans ce cas sélection du risque et inégalités dans l'accès aux soins. Ce rapport montre aussi que les systèmes privés ne sont pas plus efficaces : songeons par exemple qu'aux Etats-Unis, les dépenses de santé représentent 14 % du PIB alors qu'une partie importante de la population n'est pas couverte.

J'ai entendu beaucoup de critiques sur la présentation des comptes de la Sécurité sociale. Je voudrais donc rappeler les progrès qui ont été faits depuis notre arrivée : les comptes des différents régimes sont cette année, pour la première fois, présentés en droits constatés et il y aura ensuite harmonisation générale en droits constatés. Nous avons par ailleurs réduit les délais de production des comptes et harmonisé les méthodes.

Plusieurs orateurs ont cité M. Spaeth, dont j'ai lu bien sûr l'article dans Le Monde. M. Le Garrec et M. Evin en ont dit ce qu'il fallait en dire. J'avoue que sa prise de position m'a un peu étonnée alors que nous donnons à la CNAM la délégation qu'elle réclamait depuis son plan stratégique, que nous lui donnons aussi l'ensemble des outils dont elle peut avoir besoin -incitation, modification de la cotation des actes, possibilité de négocier avec les médecins- et pas uniquement, contrairement à ce que certains prétendent, le seul recours au mécanisme des lettres-clés.

Faut-il voir dans cette prise de position un soudain recul devant des responsabilités dont je suis bien placée pour savoir qu'elles sont lourdes ? Quoi qu'il en soit, je souhaite que la CNAM prenne ses responsabilités et partage notre exigence de rigueur. Je note cependant que chaque fois que j'ai été amenée, cette année, à prendre des mesures de rigueur, elle a voté contre. Je souhaite aussi que le contrôle de la CNAM fonctionne mieux, que les statistiques sortent plus rapidement, et soient régionalisées, par spécialités.

M. Spaeth a dû d'ailleurs se rendre compte que ses propos avaient dépassé sa pensée puisque j'ai sous les yeux une déclaration plus récente rappelant que la CNAM partage la volonté du Gouvernement qu'il soit procédé tous les quatre mois à un suivi des dépenses et se réjouit d'avoir à en rendre compte au Parlement et au Gouvernement. La CNAM, dit-il encore, exercera sans réticence les responsabilité qui lui sont confiées en la matière par la loi, le tout dans une approche pragmatique qui préserve la vie conventionnelle.

M. le Président de la commission - Mais tout cela est parfait !

Mme la Ministre - En effet, c'est exactement ce que nous souhaitons et je suis heureuse que nous nous retrouvions.

Il ne s'agit évidemment pas de modifier automatiquement les honoraires tous les quatre mois, mais de savoir, tous les quatre mois, où en sont globalement les dépenses de ville.

Beaucoup d'orateurs ont traité de l'hôpital. Les dotations régionalisées ont été rendues publiques hier, avec un mois d'avance par rapport à l'an dernier, ce qui permettra un dialogue plus poussé entre les directeurs d'ARH et les directeurs d'hôpitaux. Nous avons cherché à déléguer le plus possible -dès maintenant, 2,20 % sur le total de 2,5 %- ce qui est un signe de confiance dans les ARH et dans la régionalisation. L'objectif de réduction des inégalités que nous poursuivons implique des efforts de rationalisation, étant entendu qu'il faut résorber les inégalités entre régions mais aussi celles qui existent au sein même d'une région, qu'il s'agisse de Midi-Pyrénées ou de l'Ile-de-France. Cette politique est en pleine cohérence avec la révision des schémas régionaux d'organisation de la santé, qui ne consiste pas seulement à fermer des lits, même si nous n'hésiterons pas à le faire, mais avant tout à améliorer le service rendu, à réduire les inégalités, à permettre le développement d'activités nouvelles, à traiter de thèmes comme la cancérologie ou la cardiologie.

Monsieur Mattei, l'hôpital évolue et continue à assurer avec efficacité ses missions de service public. L'opposition se plaît à affirmer que l'hôpital est au bord de la crise. La situation n'est pas facile, mais nous avons déjà pris beaucoup de mesures, et nous devons éviter de douter de l'engagement des personnels hospitaliers. Nous sommes décidés à soutenir l'hôpital public dans son évolution.

J'ai eu la surprise d'entendre dire que cette LFSS ne permettait pas de parler de santé publique. Je ne suis pas l'auteur des ordonnances Juppé, et nous regrettons de ne pouvoir parler de santé publique qu'à partir de chiffres. Nous souhaitons que chaque année, avant l'été, un grand débat traite ici des principaux objectifs de santé publique. La grande loi à laquelle nous pensons nous fournira des outils propres à adapter nos priorités aux besoins. Tout autre discours est démagogique, Monsieur Mattei. Nous savons tous que des choix sont nécessaires, après avoir entendu les demandes et identifié les besoins.

Oser dire, Monsieur Accoyer, que notre politique du médicament marque un retour au pouvoir discrétionnaire du ministère, quand on sait ce qui se passait naguère...

M. Bernard Accoyer - Jusqu'en 1993 !

Mme la Ministre - ...lorsque les laboratoires négociaient directement avec le ministère, quand les pressions auprès du ministre étaient constantes. Voilà qui explique tant d'aberrations, que le prix de la même molécule varie de un à trois, que nous ayons reculé dans le domaine de l'innovation, en maintenant artificiellement des médicaments pour faire plaisir à tel ou tel. Disons-le franchement ! Depuis deux ans, notre politique du médicament fait tout l'inverse. Des experts travaillent, la commission de la transparence organise le dialogue, tous les éléments de décision sont rendus publics avant que le Gouvernement se prononce. Dans ces conditions, parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, c'est de l'ignorance, ou de la mauvaise foi (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Madame Grzegrzulka, la plupart des décrets relatifs à la CMU ont été transmis au Conseil d'Etat, les acteurs concernés ont été consultés sur leur contenu. Le décret relatif au financement de la CMU va partir très bientôt au Conseil.

Les dépenses du fonds sont évaluées à 9 milliards en année pleine. Pour 2000, la dotation de l'Etat s'élève à 7 milliards. Elle n'est pas invisible, elle figure au chapitre 46-82 du budget de la santé. Nous avons créé une mission de coordination qui permet de travailler avec l'ensemble des acteurs concernés.

Nous poursuivons la rénovation de la politique familiale, pour conforter les parents dans leur rôle éducatif, réformer le droit de la famille, soutenir les familles les plus modestes, avec en particulier l'extension de l'allocation de rentrée sous conditions de ressources à toutes celles d'un enfant ou la réévaluation des loyers plafonds de l'allocation de logement familial, améliorer l'accueil des jeunes enfants, aider à la prise en charge des jeunes adultes, avec le prolongement à 21 ans du bénéfice des prestations familiales.

Le fonds de réserve des retraites a été mis en place hier, et les deux milliards prévus ont été versés. Vous avez ironisé sur la sortie tardive du décret. Il aurait certes pu sortir avant, mais que vous importe puisque vous jugez ridicule ce fonds de réserve. Nous nous félicitons, nous, que quatre milliards soient ajoutés en 2000 au titre de la mutualisation des caisses d'épargne, 4,4 milliards provenant de l'excédent de la CNAF pour 1999, et 5,5 milliards pour 2000, auxquels s'ajouteront, par voie d'amendement gouvernemental, les 5,5 milliards prévus pour financer la baisse des charges. Au total, le fonds de réserve sera doté de 15 à 20 milliards au seul titre de la Sécurité sociale au début de 2001.

M. Bernard Accoyer - Il faudrait cent fois plus !

Mme la Ministre - Que n'avez-vous commencé avant ?

Je partage l'appréciation de M. Terrasse sur la PSD. Un décret va sortir, destiné à fixer les montants minima de la PSD versée aux personnes hébergées en établissement. La fixation de minima nationaux entraînera un relèvement des tarifs dans une trentaine de départements qui versent aujourd'hui des montants très faibles. L'augmentation du plafond de recours sur successions figurera dans le prochain DMOS. Nous fondant sur le rapport de Mme Guinchard-Kunstler, nous préparons activement la réforme de la loi de 1975. Monsieur Terrasse, vous présidez une mission parlementaire dont les travaux enrichiront notre réflexion.

J'en arrive au financement. L'opposition a trouvé là un os à ronger et, à sa place, je m'en serais sans doute saisie aussi, d'autant plus que je n'aurais pas de projet cohérent à proposer car vous êtes en profond désaccord entre vous (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Nous n'avons pas modifié nos objectifs : porter en même temps la réduction de la durée du travail et la baisse des charges sociales. Pour ceux d'entre vous qui ont toujours prôné cette baisse, mais en la finançant différemment, ou pas du tout, il est irritant de voir un gouvernement qui la réalise en la finançant, en respectant la justice et en évitant l'effet pervers de trappe à bas salaires. De là à parler de hold-up, de détournement de fonds sociaux et même, comme M. Bardet, de manquement à la déclaration des droits de l'homme, il faut raison garder.

Nous avions pensé, comme M. Barrot lorsqu'il applaudissait, et moi aussi dans l'opposition, à la signature de l'accord interprofessionnel sur l'ARP que l'activation des dépenses passives était une bonne chose.

Au surplus, la réduction des charges telle que nous la concevons n'a rien d'aveugle : grâce aux accords sur la réduction du temps de travail, nous sommes en effet en mesure de vérifier le nombre des emplois créés ou préservés. Dans ces conditions, il est relativement facile de savoir quelles sommes entrent dans les caisses des uns et des autres et c'est pourquoi nous avions proposé ces dispositions. Elles n'avaient rien de nouveau : l'exposé des motifs de la loi de 1998 annonçait la couleur. Et l'on ne parlait pas alors de hold-up !

M. François Goulard - Nous les avions cependant dénoncées dès ce moment.

Mme la Ministre - Cela ne m'étonne pas : vous dénoncez toujours tout ! Proposez donc, de temps en temps : cela changera les Français !

Toujours est-il que ces dispositions qui, je le redis, ne tombaient pas du ciel, n'ont pas recueilli l'assentiment des partenaires sociaux. Ce refus n'était d'ailleurs pas dépourvu d'arrière-pensées : certains souhaitaient nous voir reculer sur la réduction du temps de travail, sinon nous y faire totalement renoncer. Sur ce point, le Gouvernement s'en est tenu à son engagement, d'autant plus résolument qu'il pouvait s'appuyer sur des accords parfaitement applicables.

Mais cette réaction nous a conduits à chercher d'autres financements, comme je l'ai annoncé dès le 7 septembre à la commission. Je concède que la solution est arrivée tardivement mais mieux vaut cette solution tardive, acceptée par les syndicats, qu'un système bancal ou une ristourne dégressive pour laquelle il manquait 7 milliards dès la première année !

Peut-on parler de hold-up quand un gouvernement apporte en deux ans 15 milliards de ressources supplémentaires à la Sécurité sociale et verse 30 milliards à une UNEDIC pourtant en excédent ? Quoi qu'il en soit, il n'y aura pas appel aux contributions des employeurs et des salariés, via les organismes paritaires, mais nos propositions relatives à la Sécurité sociale ont le mérite de la pérennité : l'excédent du FSV continue de croître d'année en année, de sorte que la taxe sur les alcools peut être affectée à la réduction des charges ; d'autre part, la taxe sur les heures supplémentaires sera consacrée en 2000 à ce fonds.

En quatre ou cinq ans, la réforme coûtera quelque 105 milliards. Elle est entièrement financée pour 2000 et l'est à plus de 80 % pour les années suivantes : reconnaissez qu'il y a peu de précédents !

J'ai toujours pensé qu'il fallait baisser les charges sociales pour aider les commerçants, les artisans et les entreprises de main-d'_uvre, qui n'ont pas choisi ou pas pu substituer le capital au travail et dont l'activité repose donc sur l'emploi. De cette conviction de toujours, mes écrits peuvent témoigner, Monsieur Tron ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Georges Tron - Je n'ai soufflé mot !

Mme la Ministre - Mais vous avez eu une mimique éloquente ! (Mêmes mouvements)

M. le Président - Madame la ministre, si je puis vous donner un conseil, ne répondez pas chaque fois que l'opposition se manifeste. Sinon, je ne pourrai pas garantir la bonne tenue des débats.

Mais je demande aussi à tous de laisser s'exprimer le Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre - Merci de ce conseil éclairé : je vais tenter de le suivre !

Cette loi de financement nous permet de progresser dans les réformes structurelles que nous avons entreprises. Nous n'avançons certes que pas à pas, mais comment faire autrement en l'occurrence ? Nous serons en 2000 en situation d'excédent, ce qui permettra de remédier encore aux faiblesses du système -par exemple d'améliorer les remboursements. L'acquis n'est déjà pas négligeable : le transfert de cotisations salariales vers la CSG a accru de 1 % le pouvoir d'achat des salariés ; nous avons pris l'engagement d'élargir l'assiette des cotisations patronales à d'autres éléments que le salaire et cet engagement a commencé de prendre corps avec la taxe sur les bénéfices et la taxe sur les activités polluantes. La banche famille est maintenant en excédent et bénéfice d'une garantie de ressources. Enfin, le Premier ministre présentera les orientations relatives aux retraites au début de l'an prochain.

Je ne peux que partager l'avis de l'opposition lorsqu'elle appelle à avancer sur la question des retraites et sur celle de la famille, mais vous devriez bien, Messieurs, reconnaître que beaucoup de choses ont bougé en deux ans, dans tous les secteurs qui peuvent contribuer à une plus grande cohésion sociale. Serait-il impossible, dans ce pays, d'apprécier l'action du Gouvernement comme il convient, quitte à s'affronter lorsqu'il y a réelle divergence ? De ce point de vue, je ne puis que citer en exemple M. Mattei, qui a le courage de défendre ses positions avec courtoisie. Et j'espère que chacun s'en inspirera dans ce débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - J'ai écouté attentivement les différentes interventions, même si j'ai parfois eu le sentiment que le débat prenait un tour caricatural, voire comique. Il y a tout de même plusieurs semaines que Mme Aubry et moi-même avons présenté et commenté les comptes de la sécurité sociale et, pourtant, certains prétendent encore n'y rien comprendre. Je remercie tous ceux qui ont soutenu notre action déterminée et concertée, mais je tiens à apporter les démentis qui s'imposent à ceux qui se sont livrés avec délectation à des propos de mauvaise foi, qui éprouvent des difficultés de compréhension, qui souffrent d'une certaine rigidité de pensée, qui voient des problèmes où il n'y en a pas, ou se complaisent dans la polémique superficielle ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Notre politique fait porter résolument l'accent sur la qualité des soins, sur la sécurité, sur l'éducation à la santé et sur la prévention. Elle vise à placer la personne au centre d'un dispositif global et efficace. Elle se complète d'une politique sociale et médico-sociale soucieuse des plus fragiles.

Une attention aiguë doit être portée à la qualité des soins, notamment des soins d'urgence. Des référentiels élaborés en partenariat avec l'ANACS, après un diagnostic pour chaque établissement, définiront les mesures à prendre à cet effet, mais cette politique ne saurait se résumer à l'accréditation. Il faut aussi évaluer les pratiques professionnelles, l'organisation des soins et toutes les actions qui concourent à une prise en charge adéquate des patients. Des normes sanitaires précises ont déjà été édictées pour les urgences, pour l'anesthésie et la sécurité périnatale ; d'autres sont en préparation pour la réanimation et pour les soins intensifs. Il s'agit là d'impératifs avec lesquels les établissements ne sauraient transiger.

Les hôpitaux, les services d'urgence en particulier, sont de plus en plus utilisés par les personnes en situation de précarité à la recherche de soins. Nous devons répondre à cette demande en favorisant la constitution de réseaux : des moyens y sont consacrés, Monsieur Goulard ! Un accord a été signé le 9 juin avec les représentants de la profession ; dès le 1er juillet, les médecins assistants ont bénéficié d'une revalorisation de leur salaire, d'un peu plus de 12 000 F par an. A la même date, 30 postes de PH ont été financés à l'intention des régions les plus en difficulté. Cent postes sont prévus pour 2000 et autant pour 2001. En outre, un effort a été demandé à toutes les régions, ce qui a abouti à la publication de 170 postes de PH cette année ; 256 devraient être publiés en 2000, l'objectif étant d'arriver d'ici quelques années à un encadrement des urgences par des PH formés à cette politique. Enfin, 120 postes d'assistants ont été créés cette année pour renforcer les équipes médicales.

Nous avons prévu de doubler en trois ans le nombre de PH dans les services d'urgence, pour le porter à 1 000.

M. Préel et M. Mattei nous ont reproché de ne pas faire assez dans le domaine de la prévention. La détermination du Gouvernement en ce domaine est pourtant grande. J'en veux pour preuve l'adoption en juin dernier du plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances, doté de 21 millions en faveur de la recherche et de 210 millions pour les campagnes de prévention et d'information, ou bien encore les sommes dégagées pour renforcer les centres de cure ambulatoire qui accueillent des personnes alcooliques. La prévention des maladies évitables est une autre priorité du Gouvernement et un effort tout particulier est fait pour lutter contre l'infection par le VIH et l'hépatite C. Nous visons à ce qu'en 2002 plus de 75 % des porteurs du virus de l'hépatite C connaissent leur état sérologique et puissent disposer de conseils adaptés. Nous avons également lancé un programme national de prévention du suicide, dont l'objectif est que le nombre annuel des suicides tombe en dessous de la barre symbolique des 10 000. Au-delà, nous devons faire davantage pour la protection de la santé mentale. Il faudrait parler également des actions menées en faveur de la contraception et de la prévention des grossesses non désirées, des programmes de dépistage des cancers... Une véritable culture de prévention progresse donc à grands pas dans notre pays.

Je me réjouis du consensus sur la nécessité de lutter contre le tabagisme. Mais les efforts passés de l'opposition en ce domaine ne sont pas à la hauteur de ses souhaits aujourd'hui.

M. Jean-Luc Préel - Depuis 1981, nous agissons dans ce domaine.

Mme la Secrétaire d'Etat - Notre gouvernement s'est engagé dans un programme de lutte sans précédent, quintuplant les crédits entre 1997 et 1999 pour les porter à 191 millions. Nous mettons l'accent sur la prévention, notamment en direction des jeunes et des femmes enceintes, par le biais de campagnes nationales et d'actions de proximité. Pour aider au sevrage, nous avons développé les consultations spécialisées et facilité l'accès aux substituts nicotiniques que les personnes en difficulté peuvent se procurer gratuitement dans les centres de santé. Et, pour aller plus loin encore, nous travaillons sur l'excellent rapport de M. Recours...

M. Maxime Gremetz - Excellent, non !

Mme la Secrétaire d'Etat - ...et souhaitons ne négliger aucune piste pour lutter contre ce fléau.

Plusieurs d'entre vous ont abordé la question de la sécurité sanitaire, en particulier M. Aschieri. L'institut de veille sanitaire, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ainsi que celle des aliments, institués par la loi de 1998, sont désormais opérationnelles et dotées des moyens suffisants. Ce dispositif sera complété par la création de l'Etablissement français du sang qui parachèvera la réforme de la transfusion sanguine, et d'une agence santé-environnement. Enfin, le comité national de sécurité sanitaire, que je réunis tous les trois mois, permet de développer une culture commune en ce domaine, de tirer les leçons des crises récentes et de conduire des analyses prospectives. J'indique à l'intention de M. Charles que la constitution de banques de données publiques recensant les produits sur le marché améliorera la traçabilité des produits et la transparence des évaluations. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a commencé cette évaluation pour les médicaments. Les dispositifs médicaux à risque sanitaire particulier seront, quant à eux, intégrés dans la base européenne Eudamed.

Nous rattrapons le retard considérable accumulé dans la lutte contre les nuisances liées à l'environnement ou aux conditions de travail. Nous avons doté l'Institut de veille sanitaire des moyens nécessaires pour conduire une réflexion sur les liens entre santé et travail. Dix chercheurs devraient l'an prochain y travailler dans le cadre d'un nouveau département, celui des risques environnementaux et professionnels.

M. Aschieri a également évoqué les risques liés à l'amiante. Nous avons demandé dès 1998 que les retraités ayant été exposés à l'amiante durant leur vie professionnelle fassent l'objet d'un suivi scientifique, et mis en place un dispositif national de surveillance des mésothéliomes et autres cancers liés à ce matériau. Cela nous permettra de mieux connaître pour mieux agir et permettre à toutes les personnes concernées de prétendre à l'indemnisation à laquelle elles ont droit. En 2000, la surveillance sera élargie à tous les cancers d'origine professionnelle et aux troubles du squelette -le mal de dos est la première cause d'arrêt maladie en France.

Je suis d'accord avec MM. Destot et Gremetz sur l'utilité des centres de santé. Leur spécificité mérite d'être mieux reconnue et leur action soutenue. Ils sont en effet complémentaires, sans faire concurrence, Monsieur Bardet, aux autres organismes et participent de façon exemplaire, accueillant une population particulièrement vulnérable, à la lutte contre les inégalités.

Le Gouvernement mène, enfin, une politique clairement identifiée, globale et cohérente en faveur de l'intégration des personnes handicapées, qui sont trois millions dans notre pays. Cette politique repose sur la prise en compte par toutes les politiques de droit commun des difficultés particulières des handicapés. Elle comporte aussi des mesures d'accompagnement spécifiques. L'engagement du Gouvernement est sans précédent, en rupture totale avec les politiques précédentes. Ainsi 580 millions de mesures nouvelles ont-ils été consacrés en 1998 et 1999 aux établissements et services pour enfants et adultes handicapés. Cet effort est toutefois encore insuffisant : le Gouvernement va amplifier son action et mobiliser encore davantage ses partenaires. Plus d'un milliard de francs devraient être consacrés l'an prochain à des actions nouvelles. L'Etat, l'assurance-maladie et l'AGEFIPH contribueront à cet effort. Les mesures nouvelles inscrites dans l'ONDAM 2000 progressent de plus de 24 %.

Notre action en ce domaine comporte deux axes prioritaires. Premier axe : mieux prendre en charge les personnes les plus lourdement handicapées : 16 500 places nouvelles dans les établissements spécialisés seront créées de 1999 à 2003. Des actions seront également conduites en faveur de autistes et des traumatisés crâniens : l'ONDAM 2000 prévoit 50 millions dans les deux cas. Nous nous préoccupons également des porteurs de handicaps rares, le décret définissant ces handicaps est en cours de signature.

Deuxième axe de notre action : faciliter l'intégration des personnes handicapées, à l'école, dans la vie professionnelle et dans la vie quotidienne. Je prendrai pour seuls exemples la mise en _uvre de la convention pluriannuelle conclue entre l'Etat et l'AGEFIPH pour 1999-2003 et du programme exceptionnel de cette dernière doté de 1,5 milliard sur trois ans, et l'expérimentation sur quatre sites pilotes «d'un guichet unique d'évaluation des besoins de compensation». Celle-ci devrait être étendue à 15 départements en 2000.

Les résultats de cette politique sont encourageants. Mais pour assurer son plein succès, il convient désormais de rénover les outils. Des initiatives ont été prises qui seront poursuivies afin de mieux orienter les personnes handicapées et de mieux connaître leurs besoins. 30 millions sont prévus dans le budget pour 2000 afin de doter les COTOREP des moyens nécessaires à leur bon fonctionnement. La loi de 1975 sur les institutions sociales et médico sociales sera réformée à l'horizon 2000. Il conviendra enfin de mobiliser tous les partenaires, caisses de sécurité sociale et collectivités territoriales tout spécialement. Il faudra aussi renforcer le dialogue entre pouvoirs publics et associations, sans heurter les autres acteurs de santé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DÉCLARATION D'URGENCE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

Acte est donné de cette communication.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 15.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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