Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1999-2000)

Session ordinaire de 1999-2000 - 15ème jour de séance, 38ème séance

2ÈME SÉANCE DU JEUDI 28 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

Sommaire

          FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000
          (suite) 2

          ART. 2 (suite) 2

          ART. 3 5

          ART. 4 15

La séance est ouverte à quinze heures.

Top Of Page

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000.

ART. 2 (suite)

Article L. 131-8-2 du code la Sécurité sociale

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances - L'amendement 4 prévoit que les recettes et les dépenses du fonds doivent être équilibrées dans des conditions prévues par les lois de financement de la Sécurité sociale. L'esprit de la loi, qui est de favoriser la transparence, sera ainsi entièrement respecté.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l'équilibre général - Le Parlement doit, en effet, prendre ses responsabilités. La commission a donc adopté un amendement qui lui paraissait légitime. Elle a cependant souhaité le préciser par le sous-amendement 114 rectifié qui tend à ce que le solde annuel des dépenses et des recettes soit nul. Elle serait largement satisfaite si l'amendement, même non modifié, était adopté.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 4, qui reprend les dispositions prévues par le FSV. Il est en revanche réservé sur le sous-amendement qui empêcherait tout excédent. Mieux vaudrait que l'Assemblée s'en tienne à l'adoption de l'amendement.

M. François Goulard - J'approuve les termes de l'amendement et du sous-amendement mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il eut été plus naturel que la précision soit apportée par le Gouvernement plutôt que par la commission.

M. Alfred Recours, rapporteur - Nous jouons notre rôle de parlementaires !

Le sous-amendement 114 rectifié, mis aux voix, est adopté

L'amendement 4, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Par l'amendement 5, la commission des finances propose un dispositif de sauvegarde destiné à éviter que les ressources du fonds risquent de « décrocher » par rapport au PIB, de par l'évolution défavorable du produit de la contribution sociale sur les bénéfices : la commission des comptes de la Sécurité sociale vérifierait régulièrement que le rapport de l'assiette de la CSB au PIB reste égal ou supérieur à ce qu'il est dans les prévisions qui fondent les projets de lois de finances et de financement pour 2000.

Ce dispositif pouvant paraître exagérément restrictif, la commission est prête à le retirer si le Gouvernement s'engage à en proposer un autre au cours de la deuxième lecture.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 5 annonce de la manière la plus claire que le coût du travail, aggravé par les charges liées à la réduction du temps de travail, va inexorablement augmenter, et que les entreprises françaises vont pâtir de cette situation. La commission des finances n'a pu manquer de se rendre compte que leurs bénéfices allaient baisser et, avec eux, le produit de l'impôt. Cela n'a rien de surprenant, puisque l'esprit de la loi reflète une doctrine que l'on croyait abandonnée depuis la chute du Mur de Berlin, celle de l'économie et de l'emploi administrés.

Réaliste, la commission des finances a tiré les conséquences de son calcul arithmétique et prévu d'alourdir systématiquement le taux de l'impôt quand les bénéfices des entreprises diminueraient ! Elle invente donc, en quelque sorte, les taux flottants, qui accéléreront la déconfiture des entreprises et les précipiteront dans la faillite. On pourrait dire, si on l'osait, que ces taux flottants les feront couler...

Aussi proposons-nous, avec le sous-amendement 408, d'en revenir au bon sens, c'est-à-dire à la libre négociation, dans l'hypothèse où le rendement de l'impôt serait insuffisant.

M. le Président - Il nous reste 29 articles et nous n'avons pas examiné 20 % des amendements. Essayons d'adopter un rythme plus soutenu.

M. Alfred Recours, rapporteur - Il est difficile de travailler sur plusieurs lois à la fois. Nous en avons pris l'habitude avec le PLF et le PLFSS. Cette fois s'y ajoute la loi sur la réduction du temps de travail. Nous l'avons votée en première lecture. Je suis donc défavorable au sous-amendement 408 qui remet en cause ce vote récent.

M. Bernard Accoyer - Mais nous en examinons seulement les implications financières !

M. Alfred Recours, rapporteur - La commission n'a pas retenu l'amendement 5. Il faut effectivement assurer l'équilibre économique du fonds ; mais nous venons d'adopter un amendement contraignant pour le Gouvernement à cet égard.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Le sous-amendement 408 mentionnant l'article L.212-1 du code de la Sécurité sociale, l'adopter reviendrait à supprimer les prestations familiales.

M. Bernard Accoyer - Il s'agit du code du travail bien sûr ! Lisez l'exposé des motifs.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Soit. Mais dans ce cas, vous supprimez toute durée légale du travail, ce qui n'est guère plus pertinent et n'est pas non plus, j'imagine, votre objectif.

Mme la Ministre - L'amendement pose un vrai problème, la solution proposée est perfectible. Je préférerais que nous étudiions en vue de la deuxième lecture des modalités techniques plus simples pour établir ce mécanisme de garantie.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Dans ces conditions, je retire l'amendement 5.

Article L. 131-8-3 du code de la Sécurité sociale

M. le Président - Les 5 amendements 193, 81, 361, 402 et 499 sont de suppression.

Mme la Ministre - L'amendement 192 ayant supprimé la contribution des organismes sociaux, l'amendement 193 en supprime les règles de calcul.

M. François Goulard - J'observe au passage que ce n'est pas nous, mais le rapporteur pour avis qui allonge les débats puisqu'il y a des solutions plus simples que ce qu'il propose. Nous avions pour notre part proposé la suppression pour un autre motif. C'est qu'il n'est pas constitutionnel de transformer une contribution en imposition sans que l'assiette ni le taux soient fixés par le législateur.

M. Alfred Recours, rapporteur - Favorable.

Les amendements identiques 193, 81, 361, 402 et 499, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Les amendements suivants jusqu'au 536 tombent.

Article L. 131-8-4 du code de la Sécurité sociale

Mme la Ministre - L'amendement de suppression 194 est également de conséquence.

M. François Goulard - Même remarque que précédemment. L'article n'était pas davantage que précédemment constitutionnel puisqu'il renvoyait à un texte réglementaire la définition de ces dispositions.

M. Alfred Recours, rapporteur - Favorable.

Les amendements identiques 194, 98, 205 corrigé, 362, 403, 500 et 534 corrigé, mis aux voix, sont adoptés

Article L. 131-8-6 du code de la Sécurité sociale

Mme la Ministre - L'amendement 195 réduit à 8 % la part des droits sur l'alcool affectés au FSV, en conséquence de l'affectation d'une autre partie de ces droits au fonds d'allégement.

M. Alfred Recours, rapporteur - Favorable.

M. Jean Bardet - Le sous-amendement 797 corrigé est défendu.

Le sous-amendement 797 corrigé, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 195, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Bardet - L'amendement 406 est défendu.

M. François Goulard - L'amendement 542 également.

Les amendements identiques 406 et 542, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Ministre - L'amendement 196 précise la date d'entrée en vigueur du transfert d'une partie des droits alcool du FSV vers le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales. L'amendement 197 est rédactionnel.

M. Alfred Recours, rapporteur - Favorable.

L'amendement 196, mis aux voix, est adopté de même que l'amendement 197.

M. Gérard Terrier - Au nom du groupe socialiste je demande une suspension de séance avant le vote sur l'article 2.

M. le Président - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 15 heures 25, est reprise à 15 heures 35.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe RPR d'une demande de scrutin public sur l'article 2.

M. Maxime Gremetz - Avec cet article, nous allons nous prononcer sur les modalités de financement des allégements de charges.

Depuis ce matin, la droite nous parle des difficultés des entreprises. Or les aides à l'emploi s'élèvent à 130 milliards et les exonérations de charges n'ont jamais été aussi importantes. 85 % des salariés sont concernés par ces dispositifs, qui bénéficient à la plupart des grandes entreprises. Celles-ci économiseront en outre 12,5 milliards grâce à la suppression de la surtaxe sur les sociétés.

Les entreprises se portent bien : elles ont réalisé 2 136 milliards de bénéfices l'année dernière et le total sera encore plus élevé cette année. Les trente premiers groupes français ont réalisé 129 milliards de bénéfices et les cent premiers, 400 milliards. Nous assistons à une explosion des placements financiers et la capitalisation boursière atteint un niveau sans précédent.

On ne touche pas à cela. Certes, un effort a été fait. Mme la ministre s'était engagée à taxer les profits et ils le seront en effet, mais pour un produit de seulement 4,5 milliards.

Nos amendements visaient à les taxer davantage, non pour le plaisir de faire mal aux entreprises, mais parce qu'il est juste de s'attaquer à la spéculation financière (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Ce sont les PME qu'il faut aider, et non les grands groupes qui licencient.

Il est juste de taxer les profits : cela permettra de payer aux salariés la totalité de leurs heures supplémentaires, de relever le niveau des prestations familiales, des retraites et du minimum vieillesse, de soutenir la consommation et la production.

Le groupe communiste votera contre cet article 2. Nous appelons le Gouvernement à faire plus pour la justice sociale.

M. Bernard Accoyer - Nous sommes victimes d'une mystification. On veut nous faire croire que la Sécurité sociale ne financera pas les 35 heures. Il n'en est rien, comme nous l'avons vu et comme nous le reverrons à l'article 10. Le groupe RPR votera contre l'article 2.

M. François Goulard - Je suis choqué qu'on parle d'allégements à propos d'une opération qui, en réalité, alourdira les charges des entreprises.

C'est l'acte le plus grave que vous puissiez commettre à l'encontre de l'emploi, et les Français vous jugeront un jour sévèrement.

M. Jean-Luc Préel - L'UDF est opposée au principe de ce fonds, qui fait appel à la taxation du tabac et de l'alcool, à un nouvel impôt sur les entreprises, à une nouvelle taxe sur les heures supplémentaires ainsi qu'à la TGAP, pour laquelle nous aurions souhaité une autre affectation. Quant au prélèvement que le Gouvernement avait prévu d'opérer sur les organismes sociaux, nous craignons qu'il n'y ait renoncé que provisoirement et qu'il revienne à la charge au cours des négociations avec l'UNEDIC.

A la majorité de 52 voix contre 33 sur 85 votants et 85 suffrages exprimés, l'article 2, modifié, est adopté.

ART. 3

M. Jean-Luc Préel - Cet article crée une nouvelle taxe sur les bénéfices des entreprises, qui devrait rapporter 4,3 milliards, afin de financer -en partie seulement- les 35 heures. Elle s'ajoute à la TGAP et à la taxe sur les heures supplémentaires, qui privera les salariés de 7 milliards, ce qui est pour le moins choquant. La conversion de la majorité à la baisse des charges est récente : elle était revenue, dès son arrivée aux affaires, sur l'essentiel des allégements décidés par M. Juppé, et elle porte aujourd'hui le plafond à 1,8 fois le SMIC, mais ce sont bien les entreprises, in fine, qui paieront. Le Gouvernement reconnaît d'ailleurs lui-même que la réforme se fait à coût constant, ce qui signifie qu'il n'y a pas diminution, mais redéploiement des charges. C'est l'une des différences importantes qu'il y a entre nous.

M. Yves Bur - Nous ne sommes d'accord ni avec la façon dont le Gouvernement impose les 35 heures, ni avec celle dont il les finance. Au lieu de les gager par une réduction des dépenses de fonctionnement de l'Etat, il choisit, une fois de plus, la facilité : le recours à la fiscalité. Il supprime d'un côté la majoration de l'impôt sur les sociétés et réduit la taxe professionnelle ; de l'autre il aggrave de 3 milliards les charges des entreprises dans la loi de finances et crée la CSB dont il attend 3,2 millards. Est-ce raisonnable, quand on sait que le taux d'imposition des entreprises françaises est déjà l'un des plus élevés de l'Union européenne : 24 % du PIB, au lieu de 16 % en moyenne dans la zone euro ? C'est d'autant plus grave que les nouvelles taxes, de temporaires, deviendront sans doute permanentes, tant les équilibres futurs sont incertains.

M. Bernard Accoyer - Après l'article 2, qui jette un rideau de fumée sur le financement des 35 heures et prive la Sécurité sociale, en dépit des dénégations du Gouvernement, de recettes constantes qui eussent été de nature à garantir l'avenir de nos régimes sociaux, l'article 3 crée un nouvel impôt : la contribution sociale sur les bénéfices des entreprises. S'y ajouteront, à d'autres articles, la TGAP, la taxation -particulièrement inéquitable- des heures supplémentaires et, peut-être, l'augmentation de 15 % des cotisations d'accident du travail, que propose le rapporteur mais que le Gouvernement, j'ose l'espérer, écartera.

Cette fiscalité écrasante fera fuir nos entreprises à l'étranger et réduira les marges qui leur permettent d'investir et d'embaucher. Nous ne sommes pas en présence d'un texte social, mais politique, qui vise uniquement à tenir une promesse hâtive de campagne. Parce que l'on ne peut alourdir indéfiniment la pression fiscale et que l'on ne doit pas confondre finances de l'Etat et finances sociales, nous voterons contre cet article.

M. François d'Aubert - Il est patent que le financement des 35 heures repose sur l'augmentation des prélèvements obligatoires et met à contribution entreprises, salariés et ménages. Les premières vont subir la TGAP et la CSB, nouveauté conceptuelle dont la traduction concrète sera des plus classiques. La majorité fait valoir que, par le jeu des planchers et des exonérations, ce sont les grands groupes qui paieront, et non les PME. Nous avons entendu toute une logorrhée sur ce sujet.

Voyant que M. Sautter est venu prêter main forte à Mme Aubry, qui en a bien besoin en matière budgétaire... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre - Vous n'avez pas laissé un souvenir impérissable de votre passage au secrétariat d'Etat au budget !

M. François d'Aubert - ...je me permets de lui dire que c'est faire un tour de passe-passe que de prétendre qu'on supprime la surtaxe, alors qu'on la réintroduit sous forme de CSB.

Un impôt en remplace un autre. Les entreprises deviennent ainsi les vaches à lait du financement des 35 heures. D'un côté, vous prétendez alléger leurs charges, de l'autre, elles sont pompées.

Le résultat, c'est que les entreprises seront moins compétitives ou bien tentées de délocaliser. Et le plancher de 50 millions ne rend pas le dispositif moins nocif, car il y a beaucoup de PME-PMI qui ont un chiffre d'affaires de plus de 50 millions. Elles subiront donc aussi ce nouvel impôt inacceptable.

M. François Goulard - La présence parmi nous de M. le secrétaire d'Etat au budget nous réjouit car il apportera beaucoup de compétence et de sérénité au débat, mais elle illustre ce que nous ne cessons de dénoncer, à savoir l'imbrication de la loi de finances et du PLFSS.

Le rendement de la CSB sera relativement modeste, nous dit-on, mais Mme Aubry a déclaré ce matin qu'il fallait voir dans ce nouveau dispositif l'amorce d'une réforme des cotisations sociales, et c'est bien ce qui nous inquiète. D'abord à cause du caractère discriminant du nouveau système : selon qu'une entreprise réaliserait 51 millions de chiffre d'affaires ou 49, elle serait assujettie ou non.

Une telle distorsion de concurrence est inacceptable. Et inclure les bénéfices des sociétés dans l'assiette des cotisations sociales ne pourrait que conduire à un accroissement considérable de l'impôt sur les sociétés. Or l'IS est l'un des critères qui amènent une entreprise à s'établir dans tel ou tel pays. Une politique qui aurait pour conséquence un relèvement de l'IS serait donc suicidaire pour notre pays, à la fois économiquement et socialement. Nous aimerions donc avoir des précisions sur les intentions du Gouvernement.

Mme Jacqueline Fraysse - Nous réclamons depuis longtemps une modification de l'assiette des cotisations sociales de façon que les revenus du capital contribuent plus que par le passé. Cette préoccupation est celle de l'ensemble de la gauche, comme en témoignent le discours d'investiture du Premier ministre et les déclarations de Mme Aubry. Un pas significatif en ce sens a été fait avec l'instauration de la CSG sur les revenus des placements des ménages, un pas supplémentaire est accompli aujourd'hui avec l'instauration d'une taxe sur les bénéfices des entreprises les plus capitalistiques. Nous nous en félicitons, même si nous trouvons que 4,3 milliards, c'est peu.

Dans la loi de finances, les députés communistes ont défendu des amendements tendant à rééquilibrer les contributions respectives des revenus du travail et du capital. Nous avons ainsi proposé d'accroître le rendement de l'impôt sur les grandes fortunes. Et nous avons voté contre les deux milliards d'allégements de taxe professionnelle et contre la suppression de la surtaxe sur les bénéfices. Notre démarche est donc cohérente et constante. Elle nous amènera à voter, sans hésiter, cet article 3. Et, tant dans ce projet que dans le projet de loi de finances, nous continuerons avec détermination à proposer de répartir autrement la richesse nationale. Car il y a trop de gens qui n'ont pas les moyens de vivre tandis que s'accumulent en un petit nombre de mains des profits colossaux qui ne profitent même pas au développement économique du pays.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Si je suis là, c'est parce que nous en arrivons à des articles traitant de prélèvements qui seront effectués par les services fiscaux, dont je suis le tuteur. Ces prélèvements alimenteront la Sécurité sociale, comme la CSG et la taxe sur les alcools (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Préel a raison de souligner qu'il s'agit d'une réforme à coût constant. Nous modifions simplement la répartition du prélèvement : pour soutenir les entreprises de main-d'_uvre, un effort est demandé à celles qui font des bénéfices élevés et à celles qui ont des activités polluantes.

Il a insisté sur la nécessité de baisser les charges des entreprises. De fait, elles baissent : dans le budget de l'Etat, nous avons pour la deuxième fois diminué la taxe professionnelle ; nous avons accordé 10,4 milliards d'allégements aux entreprises et, comme promis, supprimé la surtaxe sur les bénéfices. J'ajoute qu'en France l'impôt sur les sociétés ne représente que 2 % du PIB -je vous cite les chiffres de 1997. En Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, c'est deux fois plus.

M. Maxime Gremetz - Eh oui !

MM. Yves Bur et Georges Tron - C'est parce que les entreprises étrangères font plus de bénéfices !

M. le Secrétaire d'Etat - On peut donc demander aux entreprises de faire un effort en faveur de la baisse des cotisations.

M. Accoyer dénonce une sorte de confusion entre l'emploi et le social...

M. Bernard Accoyer - Absolument !

M. le Secrétaire d'Etat - Mais le chômage est la première inégalité sociale. Tout le monde reconnaît que la baisse des cotisations sociales sur le travail non qualifié est utile pour réduire le chômage de longue durée des travailleurs peu qualifiés. Même des économistes que, j'imagine, M. d'Aubert respecte, comme M. Malinvaud, trouvent que c'est une bonne démarche. Les entreprises qui font des profits mais réduisent le nombre de leurs employés apportent une contribution aux entreprises de main-d'_uvre : c'est raisonnable.

Pour ce qui est des risques de délocalisation, selon une enquête de l'INSEE publiée ce matin, les perspectives industrielles des chefs d'entreprise sont meilleures qu'elles ne l'ont jamais été depuis 1967.

D'autre part, réjouissons-nous que l'impôt sur les sociétés ait rapporté davantage en 1998 qu'en 1997 et plus que ce qu'on prévoyait en 1999...

M. Maxime Gremetz - Evidemment, les profits des entreprises ont explosé !

M. le Secrétaire d'Etat - ...C'est le signe que nos entreprises ne sont pas vraiment malheureuses.

J'indique à M. d'Aubert que l'article 3 fixe deux seuils : d'abord, 50 millions de chiffre d'affaires ce qui, comme nous l'avions fait en 1997 mais contrairement à ce qui avait été fait en 1995, épargne les PME ; ensuite, un abattement de 5 millions. Si bien qu'au total, sur 4 600 000 entreprises, 4 000 seulement sont appelées à un effort de solidarité. Dans ces conditions, les propos catastrophistes des uns et des autres sont peu justifiés.

M. Goulard a parlé de confusion des genres. Or, en 1994 -et c'était une bonne décision- le gouvernement de l'époque a créé un fonds de solidarité vieillesse, alimenté par des taxes sur les alcools et qui ressemble comme un frère à celui dont nous débattons aujourd'hui. Le seul reproche que vous pouvez donc nous adresser est d'imiter trop fidèlement ce qui a été fait en 1994, à chaque fois pour une bonne cause : le financement des retraites dans un cas, l'allégement des charges sur le travail dans l'autre.

Bien entendu, Madame Fraysse, les bénéfices financiers sont des profits inclus dans l'assiette de la contribution sociale sur les bénéfices. J'ajoute que nous avons pris, dans le budget de l'Etat, deux mesures qui sont dans le sens que vous souhaitez et auxquelles le groupe communiste n'a pas été étranger, c'est le moins qu'on puisse dire : l'avoir fiscal a été ramené de 45 % à 40 % et les relations financières entre sociétés mères et filiales ont été taxées de 4,2 milliards supplémentaires. Cela dit, j'ai bien noté que vous trouviez cet article insuffisant, mais que vous alliez néanmoins le voter.

M. le Président - Sur cet article, je suis saisi de cinq amendements de suppression.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 585 tend effectivement à supprimer le nouvel impôt que crée cet article. Le Gouvernement n'en crée d'ailleurs pas moins de quatre dans ce projet : c'est son régime de croisière et nous ne sommes pas surpris.

En 1997 lorsque la contribution sociale a été créée, on nous a expliqué que c'était nécessaire pour passer à l'euro et que la loi prévoyait l'extinction du dispositif à la fin de l'année 1999. Comment pourrions-nous avoir confiance en la parole du Gouvernement alors que, deux ans après, le jour où vous deviez confirmer cet engagement, vous nous expliquez qu'il est tout à fait normal de créer un nouvel impôt !

Les entreprises françaises sont pourtant déjà celles qui, en Europe, supportent la fiscalité la plus lourde. En effet, le taux de l'impôt sur les sociétés est de 34 % au Danemark, 35 % aux Pays-Bas, 40 % en Belgique, 35 % en Espagne, 31 % au Royaume-Uni, 32 % en Allemagne, 28 % en Suède, mais de 41,6 % en France !

Vous semblez ignorer que nous vivons dans une économie ouverte où les frontières n'existent plus, malgré ce qu'espèrent certains membres de votre majorité.

De surcroît, tous ces impôt ne couvriront nullement le surcoût du travail induit par les 35 heures et qui affectera la capacité des entreprises à payer des impôts !

Vous qui savez compter, Monsieur le secrétaire d'Etat, auriez dû ramener un peu de bon sens dans le débat sur la réduction du temps de travail, fondé sur un postulat faux selon lequel on pourrait continuer à gagner autant et à bénéficier de la même protection sociale en travaillant moins.

Pour toutes ces raisons, l'opposition vous propose de supprimer cet article.

M. Yves Bur - Si l'impôt sur les sociétés rapporte plus en Allemagne qu'en France, Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est parce que les entreprises y font plus de bénéfices. Le taux d'imposition sur les entreprises est de 9,2 % dans notre pays au lieu de 6,8 % en moyenne dans la zone euro, dont l'existence impose pourtant une certaine convergence en matière de prélèvements.

Si vous entamez un nouveau processus dans lequel la fiscalité sur les entreprises va remplacer les cotisations sociales, Monsieur le secrétaire d'Etat, ayez le courage de nous dire quel niveau de prélèvement vous voulez atteindre, afin que les entreprises sachent comment vous allez les maltraiter dans les années futures.

Voilà pourquoi nous proposons par l'amendement 364 de supprimer cet article.

M. François Goulard - Je vous remercie, Monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir répondu courtoisement et précisément aux questions de l'opposition, même si nos divergences subsistent.

Cela dit, vous ne pouvez nier qu'il y a une augmentation de l'impôt sur les sociétés, ce qui réjouit le groupe communiste bien qu'il ne la trouve pas encore assez forte. Les prélèvements sur les salaires augmentent aussi : les salariés qui font des heures supplémentaires seront taxés pour financer l'allégement de la charge de travail de leurs collègues !

Vous n'avez pas répondu sur une éventuelle réforme de l'assiette des cotisations sociales, qui serait étendue aux bénéfices des sociétés.

Vous avez évoqué la majoration d'impôt décidée par le Gouvernement en 1995. Vous êtes un observateur trop averti des finances publiques pour ignorer que cette augmentation était rendue nécessaire par les critères de Maastricht : il fallait impérativement réduire d'urgence le déficit budgétaire.

Aujourd'hui, ces critères sont satisfaits et l'euro est une réalité. Votre politique budgétaire n'est donc pas du tout aussi recommandable que vous le prétendez. Notre déficit sera le plus élevé de toute la zone euro : vous conviendrez que cela ne peut être porté à l'actif du Gouvernement ! Or vous n'avez pas engagé l'indispensable effort de réduction des dépenses publiques qui, c'est exact, obsède le groupe Démocratie libérale, parce qu'il considère que c'est le seul moyen de réduire les prélèvements obligatoires et que cette réduction est absolument nécessaire pour notre économie et pour l'emploi.

Cette obsession, ce péché que vous nous reprochez, c'est exactement le combat du Président de notre Assemblée, M. Fabius. Ce compagnonnage d'un moment me rassure !

M. Georges Tron - En défendant l'amendement 317, M. Accoyer a souligné à juste titre que la contribution sociale sur les bénéfices pérennise, de fait, la contribution provisoire instituée en 1997 et que les promesses faites à l'époque n'ont incontestablement pas été tenues. Je considère en outre que le taux des prélèvements obligatoires est, en France, d'un niveau tel qu'il serait absurde et paradoxal de l'augmenter encore. Or vous attendez, nous dites-vous, 4,3 milliards de cette contribution et, paraît-il, 12,5 milliards en 2002 ou 2003. Si tel est bien le cas, cela signifie que son taux devra être triplé. Qu'en est-il précisément ?

M. Alfred Recours, rapporteur - Nous devons, c'est vrai, être très attentifs à l'évolution du taux des prélèvements obligatoires, et le Gouvernement s'en préoccupe, tout comme il se préoccupe de réduire les impôts. Toute la question est de savoir quelle réduction opérer et, à entendre ce qui se dit sur les bancs de l'opposition, elle devrait bénéficier aux entreprises et, parmi celles-ci, à celles dont les profits sont les plus élevés.

M. Georges Tron - Ce n'est pas ce que nous avons dit.

M. Alfred Recours, rapporteur - Si, donc, il faut examiner avec soin la courbe des prélèvements obligatoires, il n'y a pas lieu, pour autant, d'en faire un article de foi ! Ces prélèvements ont des contreparties pour la population ! En redistribuant 65 milliards cette année, et de 105 à 110 milliards ensuite, en année pleine, nous allons rendre de l'argent aux entreprises. Mais comme ces sommes seront gagées sur des recettes fiscales directes ou indirectes, elles ne contribueront pas à réduire le taux des prélèvements obligatoires. Il serait donc préférable de s'attaquer au tabou, et d'analyser avec toute l'objectivité requise ce que recouvrent précisément les prélèvements obligatoires.

Le dispositif envisagé accroît-il les charges des entreprises ? Non ! il concerne 30 000 entreprises seulement, celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions, et l'abattement prévu fera que 25 000 d'entre elles ne verseront pas un franc !

M. François Goulard - Ce ne sont pas les chiffres annoncés par le ministre.

M. Alfred Recours, rapporteur - Si vous vous reportez à mon rapport, vous constaterez que les chiffres du Gouvernement sont ceux-là. Dans les faits, ce sont 4 000 entreprises qui devront payer la contribution sociale sur les bénéfices, et encore 40 d'entre elles seulement la verseront en totalité -et elles peuvent se le permettre !

D'autre part, à quoi servira la CSB, sinon à réduire les charges des autres entreprises, dans le but d'améliorer l'emploi ? Nous pensons, quant à nous, que le renforcement de la croissance, et donc de la protection sociale par le biais de l'augmentation des recettes, passe par le soutien aux PME et aux grandes entreprises qui ont fait l'effort de créer des emplois.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Très bien !

M. Alfred Recours, rapporteur - Dans ces conditions, supprimer l'article 3 serait le comble de l'incohérence ! M. Accoyer parle du «social» ; pour moi, l'emploi et la lutte contre le chômage relèvent au moins autant du «social» que l'aumône à la sortie de la messe ! (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Il est donc heureux que, grâce aux ordonnances Juppé, le Parlement ait l'occasion de débattre en même temps de questions économiques et sociales et que, dans le cadre d'une économie florissante, il assure la pérennité de notre protection sociale.

Les faits, tels que les rapporte l'OCDE, sont têtus : la France aura créé un million d'emplois en 4 ans. C'est dire que la politique équilibrée que nous conduisons réussit.

M. Georges Tron - Nous ne sommes pas dans un meeting !

M. Alfred Recours, rapporteur - Si désaccord il y a, il doit être mesuré à l'aune de nos divergences philosophiques et politiques. Mais rien ne permet de dire qu'à d'autres moments, dans une autre situation, le curseur ne sera pas déplacé ! Pour l'heure, l'opposition qui se manifeste montre que nous sommes sur la bonne voie.

M. Georges Tron - Cet argument nous touche !

M. Alfred Recours, rapporteur - Que vous soyez touchés ou non n'aura que peu d'influence sur les orientations que je suivrai.

Compte tenu de ces diverses considérations, et étant donné la nécessité absolue de réduire les cotisations sociales qui pèsent sur les entreprises de main-d'_uvre, la commission ne peut que rejeter tous les amendements visant à la suppression de l'article 3.

M. le Secrétaire d'Etat - Mon sentiment sur les cinq amendements de suppression est très négatif.

J'ai eu l'impression persistante que certains souhaitaient rouvrir d'autres débats que celui qui nous réunit cet après-midi. Ainsi de M. Accoyer rappelant que l'ouverture des frontières avivait la compétition des économies. Mais si le FMI a accordé à la France la médaille d'or de la croissance, n'est-ce pas que nous sommes dans une position favorable ? Le bon sens, auquel il fait aussi allusion, c'est, pour moi, l'exigence de croissance et de solidarité.

M. Goulard m'a invité à comparer les événements intervenus en 1995, 1997 et 1999 et m'a indiqué que si le gouvernement précédent avait procédé à une augmentation qu'il a lui-même qualifiée de « massive » de la fiscalité, c'était pour satisfaire aux critères du traité de Maastricht. Certes. Cependant, il existe deux manières d'alourdir la fiscalité, et celle qui a été choisie en 1995 a cassé la croissance, car elle était centrée sur les ménages et, donc, sur la consommation.

En 1997, un effort a été demandé aux plus grandes de nos entreprises, auquel elles ont d'ailleurs consenti volontiers, et qui ne les a pas empêché ensuite d'investir. Mais laissons le passé. Le présent, c'est 30 milliards de baisse d'impôt pour les ménages et sept à huit milliards pour les entreprises, dans ce budget.

Par ailleurs nous parlons ici d'un fonds où les recettes qui proviennent des entreprises repartent immédiatement vers les entreprises. C'est un jeu à somme nulle, il n'y a pas d'augmentation du prélèvement.

Selon M. Goulard, nous n'avons pas réduit le déficit. Il passera de 2,2 % du PIB en 1999 à 1,8 % en 2000.

Que se passera-t-il à terme, en régime de croisière demande M. Tron. Il y aura 25 milliards d'allégements, 12,5 milliards de recettes de la TGAP et 12,5 milliards de la CSB. Donc on n'augmentera pas le prélèvement sur les entreprises ; ce que paieront 4 000 entreprises ira à d'autres.

M. Georges Tron - Nous ne marchons pas une seconde.

M. le Secrétaire d'Etat - Si je n'ai pas été convaincant, je le regrette. Mais le résultat, c'est que je suis contre les cinq amendements.

M. Jean-Pierre Delalande - J'ai le sentiment que M. Recours écrit un traité d'économie politique kafkaïenne. Selon lui, il ne faut pas inclure dans les prélèvements obligatoires les sommes prélevées puis rendues aux entreprises. Il y aurait une autre méthode, qui serait de ne rien prélever et d'éviter toute cette tuyauterie. Mais le Gouvernement considère qu'il comprend mieux l'économie que les entreprises elles-mêmes. C'est en quoi notre philosophie diffère.

M. Alfred Recours, rapporteur - Sur cela nous sommes d'accord.

M. François d'Aubert - Vers 2002-2003, il manquera 19 milliards pour financer ce fonds. Mme Aubry dit qu'elle ira vers les partenaires sociaux. Je ne sais pas si elle recevra meilleur accueil que la semaine dernière. Alors, dites-nous quels impôts d'Etat vont augmenter pour financer le fonds ?

Vous prétendez aussi qu'en augmentant la TVA de deux points en 1995 nous avons tué la consommation. Alors, pourquoi reprend-elle maintenant ?

Mme la Ministre - Grâce à la relance.

M. Georges Tron - M. Sautter accepte le débat. Mais son raisonnement est fallacieux. Aujourd'hui une entreprise A et une entreprise B payent chacune 100 F de prélèvements. Demain A paiera toujours 100 F et B 105 F. Sous prétexte que les 5 F supplémentaires vont de B à A, on prétend que les prélèvements n'augmentent pas. Mais si, ils seront de 205 F contre 200.

Par ailleurs, le rapport Malinvaud prônait bien une baisse des charges sociales, mais avec des économies sur les dépenses.

Les amendements identiques 585, 220, 317, 364 et 518, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François d'Aubert - L'amendement 782 reporte la création de la CSB à 2002. Il faudrait financer l'allégement de charges par une baisse de dépenses et non un alourdissement de la fiscalité.

M. Alfred Recours, rapporteur - Défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable.

Mme Muguette Jacquaint - Vous souhaitez une meilleure protection sociale, vous avez toujours un mot pour regretter qu'on n'améliore pas les soins, les allocations, les retraites. Mais votre hypocrisie se dévoile tout de suite, quand vous demandez qu'on diminue les dépenses publiques. Cela voudrait dire moins de soins, moins de prestations.

M. Georges Tron - Il faut une meilleure gestion.

Mme Muguette Jacquaint - Vous voulez la réduction du pouvoir d'achat.

M. Georges Tron - Ce sont les 35 heures qui le font.

Mme Muguette Jacquaint - Vous voulez diminuer tout ce qui permet de satisfaire les besoins. Nous voulons une autre répartition des richesses, nous voulons taxer plus les bénéfices. Les revenus financiers, les résultats de la Bourse sont publics ! C'est à cela que vous ne voulez pas qu'on touche. Je souhaite qu'on y touche plus encore pour répondre aux besoins de la population.

L'amendement 782, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - L'amendement 715 est de repli, et vise à diminuer le nombre d'entreprises concernées en portant l'abattement de cinq à vingt millions. Nous manquons d'entreprises moyennes, au chiffre d'affaires de 150 à 200 millions. Pour elles, cinq millions ce n'est pas considérable. Et malgré

votre discours lénifiant sur la taxation des grands groupes, ce sont ces PME que vous frappez.

M. Alfred Recours, rapporteur - Je salue cette reculade que vous appelez repli. Mais elle n'est pas suffisante. Rejet.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable.

L'amendement 715, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Georges Tron - Monsieur le rapporteur appréciera certainement l'amendement 318. M. Accoyer, qui est toujours mesuré, propose de diminuer le taux de 3,3 % à 0,1 % pour limiter les dégâts pour les entreprises.

M. François Goulard - Notre amendement 716 baisse ce taux à 0,3 % pour ne pas écraser les entreprises. Selon le ministre, la part de l'impôt sur les sociétés dans le PIB est supérieure en Allemagne. Mais ce n'est pas que le taux d'imposition y soit supérieur à ce qu'il est en France ; c'est que les entreprises font plus de bénéfices. L'impôt a donc plus de rendement. Nous souhaiterions qu'il en aille de même en France.

M. le Président - L'amendement 319 baisse le taux à 1,5 % et l'amendement 209 à 2,5 %.

M. Alfred Recours, rapporteur - Je suis sensible à cette volonté de conciliation. Vous voulez diminuer le taux, d'autres veulent l'augmenter. Restons à l'équilibre. Rejet.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable. Monsieur Goulard, le taux d'imposition sur les bénéfices réinvestis est de 45 % en Allemagne.

Je ne pense pas que nos entreprises soient désavantagées par rapport à celles de nos partenaires.

M. Bernard Accoyer - Sous des dehors apaisants, M. Recours est un homme dangereux (Sourires). Il nous a déjà surpris en annonçant qu'il faudrait 7,8 milliards au régime général pour couvrir les dépenses. Il vient de jaillir de son siège pour nous déclarer que le produit de la CSB sera, la première année, supérieur à 3 milliards. Il balaye d'un revers de main nos amendements de repli, alors que le produit de la CSB devra tripler ou quadrupler dans les prochaines années : il suffit de lire l'exposé des motifs d'un des amendements déposés par le Gouvernement à l'article 2 pour s'en rendre compte.

J'appelle mes collègues de gauche à ne pas suivre aveuglément M. Recours.

M. François d'Aubert - Le taux de 3,3 % n'est en effet que provisoire et la CSB me semble promise à un bel avenir.

Vos ressources liées à la fiscalité du tabac et des alcools ne sont pas dynamiques. Vous ne parviendrez qu'à encourager la contrebande et même à réduire le produit de ces taxes.

La ressource due aux heures supplémentaires va se tarir.

Dès 2001, vous serez donc dans l'impasse. Il faudra augmenter la CSB, seule ressource dynamique de votre financement.

L'amendement 318, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 716, 319 et 209.

M. Georges Tron - Les projections font apparaître, pour 2003, un besoin de financement de 19 milliards, à la condition d'ailleurs que triple le produit de la CSB et de la TGAP.

L'amendement 215 de M. Accoyer vise à exonérer de la CSB les entreprises créées depuis moins de cinq ans, et mon amendement 216 prévoit une exonération pour celles qui ont moins de trois ans d'existence. Il s'agit de réduire les effets d'une taxation qui pénalisera nos entreprises par rapport à leurs concurrentes étrangères.

En Allemagne, l'impôt sur les sociétés à un rendement supérieur au nôtre, avec un taux nettement moindre.

M. Alfred Recours, rapporteur - S'il existe des entreprises qui font tout de suite des bénéfices..

M. François d'Aubert - La MNEF !

M. Alfred Recours, rapporteur - ...il y en aura peu dans la tranche visée. Cependant, si une entreprise de création récente réalisait des bénéfices tout en enregistrant le chiffre d'affaires qu'on sait, cela signifierait qu'elle se porte très bien et que sa croissance est exponentielle. Il n'y aurait donc aucune raison qu'elle ne contribue pas.

Par ailleurs, je note que tous les amendements de l'opposition sont gagés sur les tabacs, ce qui est pour le moins incohérent compte tenu des propos qui viennent d'être tenus ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. Bernard Accoyer - Le rapporteur sait parfaitement que l'opposition est obligée de gager ses amendements.

M. Alfred Recours, rapporteur - Il y a l'ISF !

M. Bernard Accoyer - Surtout, M. Recours est dans un tel état de dépendance envers le tabac que cela a des conséquences pathologiques sur son comportement (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Il est en manque et vient de commettre un raptus anti-tabac.

Je l'invite à réfléchir à une thérapie de sevrage, lui qui veut que les produits antinicotiniques soient remboursés.

M. Jean-Pierre Delalande - Cet impôt frappera les grands groupes, qui ont une activité internationale. C'est donc une prime aux délocalisations. On ne peut à la fois prétendre mener une politique en faveur de l'emploi et prendre une telle mesure.

L'amendement 215, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 216.

M. François Goulard - Les amendements 212 et 543, identiques visent à exonérer de contribution les entreprises de moins de cent salariés. N'y voyez pas, cependant, la reconnaissance des effets bénéfiques des seuils. Il ne s'agit que d'amendements de repli.

M. Bernard Accoyer - Les amendements 213, 544, 545 et 214 aussi. Seul le seuil diffère.

En Allemagne, une PME, c'est une entreprise de moins de 500 salariés.

Vous établissez quant à vous une distinction entre les sociétés selon qu'elles emploient plus ou moins de 20 salariés. C'est un très mauvais seuil. Dans les petites entreprises, la réduction du temps de travail posera des problèmes, car les différents salariés n'auront pas la même qualification.

M. Alfred Recours, rapporteur - J'ai en mémoire un dispositif fameux : la contribution Delalande, qui pénalise les entreprises ayant licencié des salariés âgés. C'était une très bonne mesure. A-t-elle jamais dissuadé une entreprise étrangère de s'installer en France ?

M. Jean-Pierre Delalande - Aucun rapport !

M. Alfred Recours, rapporteur - Un grand groupe pharmaceutique, qui vient de supprimer 4 000 emplois dans le monde, a même décidé de s'implanter dans notre pays, où il créera des emplois. Cessez d'agiter l'épouvantail des délocalisations.

Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

Les amendements 212 et 543, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que les amendements 213, 544, 545 et 214.

M. François Goulard - L'amendement 718 a été rédigé dans le même esprit que les précédents. Le chiffre d'affaires est un très mauvais critère, car il varie beaucoup d'un secteur à l'autre, pour un même bénéfice. Cela dit, l'impact de cette contribution sur l'économie, quoique négatif, ne sera rien auprès de celui des 35 heures elles-mêmes.

L'amendement 718, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 717 à 211 visent à relever les seuils.

M. François Goulard - Je les défends donc de façon groupée. Comme vous l'avez compris, notre intention n'est pas de mener une bataille d'amendements pour retarder le débat, mais de faire passer, modestement, notre part de vérité, tant l'enjeu est considérable.

Les amendements 717, 546 corrigé, 210, 547, 320 et 211, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Goulard - L'amendement 719 est défendu.

L'amendement 719, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alfred Recours, rapporteur - L'amendement 117 est de précision.

L'amendement 117, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 365 supprime l'adverbe «spontanément», car il est assez comique de penser que la contribution sera acquittée dans l'allégresse.

M. Alfred Recours, rapporteur - Je ne vois pas ce qu'il y a de comique à spécifier que la CSB n'est pas recouvrée par voie de rôle, mais selon les mêmes règles que l'impôt sur les sociétés.

M. le Secrétaire d'Etat - «Paiement spontané» signifie en effet, dans le jargon de l'administration, qu'il n'y a pas établissement de rôle.

M. Jean-Luc Préel - Je suis prêt à retirer l'amendement, mais est-il judicieux, eu égard à la gravité de cette nouvelle taxe, de laisser entendre que les redevables se réjouiront de la payer ?

M. le Secrétaire d'Etat - Rien de tel n'est écrit nulle part.

L'amendement est retiré.

M. le Président - Le groupe RPR a demandé un scrutin public sur l'article.

M. François Goulard - Je vous demanderai une brève suspension pour réunir mon groupe avant le vote, comme l'a fait le groupe socialiste à l'article précédent.

M. Alfred Recours, rapporteur - L'amendement 118 corrigé étend à la CSB la majoration de 10 % applicable en cas de fausse déclaration pour les contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés. D'aucuns ont émis la crainte que la présence d'une mesure à caractère automatique dans la loi de financement de la sécurité Sociale pourrait faire problème, mais je propose de la voter néanmoins, afin de garantir la ressource, dans l'attente d'un examen plus approfondi de la question au cours des navettes.

M. le Secrétaire d'Etat - Cet amendement constitue un complément tout à fait opportun.

M. Bernard Accoyer - Décidément, la majorité se complaît à inventer sans cesse de nouveaux impôts, de nouvelles sanctions, de nouvelles pénalités, et le secrétaire d'Etat applaudit des deux mains. Mettez-vous plutôt, mes chers collègues, à la place des contribuables ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) La confusion que cherche à entretenir le rapporteur entre le budget et la loi de financement ne trompe personne. Je vous invite à raison garder et à ne point trop charger la barque.

M. le Secrétaire d'Etat - Je voudrais défendre les entreprises contre l'agression de M. Accoyer (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) : l'immense majorité d'entre elles paie dans les délais, et les fraudeurs ne sont qu'une très petite minorité.

M. Bernard Accoyer- Il y en aurait moins s'il n'y avait sans cesse de nouveaux impôts ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Secrétaire d'Etat - Je vous accorde qu'il n'y aurait pas de fraudeurs s'il n'y avait pas d'impôts. Il n'y aurait pas non plus d'Assemblée nationale... (Rires sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Il n'y a rien d'illogique à ce que les rares fraudeurs encourent les mêmes pénalités que pour les autres impôts du même type.

L'amendement 118 corrigé, mis aux voix, est adopté

La séance, suspendue à 17 heures 25, est reprise à 17 heures 40, sous la présidence de M. Wiltzer.

PRÉSIDENCE de M. Pierre-André WILTZER

vice-président

A la majorité de 55 voix contre 21, sur 76 votants et 76 suffrages exprimés, l'article 3 est adopté.

ART. 4

M. Yves Cochet - La TGAP obéit au principe pollueur-payeur et son produit servira à financer des allégements de charges, a priori favorables à l'emploi. C'est ce que nous appelons le double dividende : à la fois écologique et social.

La TGAP adresse un signal prix aux opérateurs concernés et les encourage à adopter un comportement plus vertueux. Elle s'inscrit dans un mouvement européen puisque le Royaume-Uni, l'Italie et l'Allemagne ont annoncé la mise en _uvre d'une fiscalité écologique. De sorte que nous aurons sans doute bientôt une écotaxe européenne -personnellement, je préfère parler de pollutaxe.

Quel que soit leur nom, ces taxes sont des instruments décisifs pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et pour la maîtrise de la demande d'énergie. C'est pourquoi le Gouvernement a annoncé son intention d'étendre, en 2001, la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie.

M. Bernard Accoyer - Encore une couche !

M. Yves Cochet - Pour l'instant, il nous est proposé de stabiliser les accises applicables aux déchets et de relever celles applicables à la pollution atmosphérique ; d'élargir le champ de la TGAP à des domaines nouveaux : pollution de l'eau, pollutions d'origine agricole, atteintes aux paysages, activités présentant des risques pour l'environnement.

Prenons l'exemple des produits phytosanitaires, qui sont responsables de bien des pollutions aquatiques -voyez les rivières bretonnes. L'accise n'a pas pour fonction d'interdire leur utilisation mais d'encourager un usage raisonné. C'est pourquoi sept quotités sont instituées, en fonction du caractère plus ou moins toxique des produits utilisés.

Deuxième exemple : les lessives et détergents dont les composants rejetés dans les eaux usées polluent en particulier les phosphates qui provoquent l'eutrophisation des rivières. Là encore, les quotités proposées sont proportionnelles à la teneur en phosphate de ces produits.

Troisième exemple : l'accise sur l'extraction des granulats. Il semble préférable d'utiliser des matériaux de récupération ou de recyclage pour construire certains remblais.

Enfin, une accise sur les installations classées pour la protection de l'environnement -ICPE- relevant de la loi de 1976. J'ai souhaité que les installations nucléaires de base fassent aussi partie de ces ICPE afin qu'il y ait une seule TGAP pour toutes les installations à surveiller.

M. Jean-Luc Préel - Nous sommes très heureux de connaître la position des Verts sur cet article, qui tend à affecter le produit de la TGAP au financement des 35 heures. Le groupe UDF est opposé à cette affectation.

M. Cochet a parlé de double dividende, le rapporteur de triple dividende : peu importe, car aucun des deux ne nous a convaincus. Selon nous, cette nouvelle taxe, fondée sur le principe pollueur-payeur, devrait servir à améliorer l'environnement et notamment à la mise aux normes des élevages, dont les moyens budgétaires sont bien anémiés (Approbation sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mais, contre toute logique, loin de servir l'environnement, cette taxe ouvre un véritable droit à polluer car, plus nous utilisons des lessives considérées comme polluantes, et mieux se portera le fonds créé pour financer les trente-cinq heures ! C'est un comble !

M. Alfred Recours, rapporteur - Il n'a rien compris.

M. Jean-Luc Préel - Mais si ! C'est exactement cela : le fait de moins polluer priverait le fonds d'argent.

Cette TGAP est une parodie de l'inventaire à la Prévert mais ses conséquences ne seront guère plaisantes. Les lessives phosphatées sont pénalisées par rapport aux autres alors que les phosphates sont des nutriments naturels consommés par l'homme et dont la toxicité n'est pas prouvée. A brève échéance, cette taxation provoquera la disparition de la production de phosphates, donc la perte de nombreux emplois. Il serait plus logique de taxer toutes les lessives pour éviter les distorsions de concurrence.

Quant à la TGAP sur les produits phytosanitaires, qui s'élèvera à 3 % du chiffre d'affaires, elle sera essentiellement à la charge des agriculteurs. De surcroît, un produit dangereux sera moins taxé qu'un produit peu dangereux dès lors qu'il ne sera utilisé qu'à faible dose. Bref, tout cela est illogique et inefficace.

M. Yves Bur - Nous sommes inquiets de voir avec quelle persévérance vous poursuivez votre politique archaïque de gestion des finances publiques, qui consiste à taxer tout ce qui bouge, tout ce qui réussit, tout ce qui fait gagner la France. Après les entreprises qui font des bénéfices, vous taxez celles qui sont soupçonnées de polluer l'environnement.

Le principe même de l'écotaxe n'est acceptable que s'il aboutit à rendre les entreprises vertueuses, en les incitant à développer des activités et des produits respectueux de l'environnement. En revanche, ce prélèvement perdra tout intérêt si les ressources qu'il procure ne sont pas affectées à la préservation de l'environnement.

Nous avons déjà assisté à une recentralisation des moyens collectés au profit des agences de bassin. Il n'est pas convenable d'affecter en plus le produit de la TGAP au financement de la réduction du temps de travail. Pouvez-vous nous assurer que l'ADEME continuera à bénéficier des moyens indispensables à l'exercice de ses missions : lutter contre la pollution et préserver l'environnement ?

M. Cochet remplace M. Wiltzer au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

M. Jacques Barrot - Les lois de financement de la Sécurité sociale n'ont pas été inventées pour être le lieu de création d'impôts nouveaux, même s'il était logique, dans une période transitoire, de faire appel à quelques ressources supplémentaires.

Mon intervention a trait au mode de calcul de la TGAP. D'après mes renseignements, près de la moitié de cette taxe sera payée par nos grandes entreprises nationales avec une concentration de l'impôt sur six branches industrielles de biens intermédiaires, qui représentent une part importante des investissements, des emplois et des exportations de notre pays. Est-il cohérent d'affaiblir ainsi de grands groupes qui assurent la recherche-développement dont dépend une meilleure efficience énergétique ? N'est-il pas paradoxal que le gouvernement français qui, lorsqu'il assurera la présidence de l'Union européenne, sera amené à proposer une directive tendant à harmoniser la taxation des produits énergétiques, rende dès maintenant des arbitrages nationaux, qui risquent d'être en contradiction avec ceux de ses partenaires,

J'espère qu'au cours de la navette parlementaire, les modalités de la TGAP feront l'objet d'un débat contradictoire propre à nous éclairer sur les incidences réelles de cette taxe sur nos grandes industries. J'ajoute que les secteurs industriels visés sont implantés sur quelques sites importants où des licenciements auraient des effets sociaux dommageables.

M. Bernard Accoyer - L'article 4 est un nouvel exemple de confusion des genres, de manque de courage et d'injustice. Il contient en effet des dispositions incompréhensibles par leur iniquité, et dont on se demande dans quels esprits elles ont pu germer. Oser, en effet, financer une partie des surcoûts de la réduction du temps de travail en s'en prenant aux agriculteurs, eux qui ne comptent ni leurs heures ni leurs jours de travail, c'est tout simplement scandaleux !

Le scandale est d'autant plus grand que les dispositions envisagées ne réduiront en rien la pollution. C'est à juste titre que les agriculteurs nous ont alertés, et il vous faudra avoir le courage d'aller leur expliquer la situation que vous leur faites !

Vous vous apprêtez aussi à surtaxer des produits indispensables à l'agriculture, ce qui va évidemment les renchérir sans que les agriculteurs puissent répercuter cette hausse dans leurs prix de vente.

On peut donc résumer cet article de la manière suivante : vous financez une partie du temps libre des Français sur le dos de ceux qui travaillent le plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

J'en viens à un argument qui devrait intéresser aussi bien le Président Fabius, car une usine de phosphates est implantée dans son fief, que Mme Aubry, partie se réfugier à Lille sans avoir dit comment elle comptait financer la CMU, la sortie des emplois-jeunes, le passage aux 35 heures, les retraites et la dette sociale...

M. Alfred Recours, rapporteur - C'est minable et petit !

M. Bernard Accoyer - Il y a, dans le Nord aussi, des usines qui fabriquent des lessives. Or, en taxant les lessives, et tout particulièrement les lessives phosphatées, vous commettez une erreur, puisque 60 % des préparations ne contiennent plus de phosphates. Une fois encore, vous démontrez votre manque de courage.

M. Alfred Recours, rapporteur - Il faut s'empêcher de rire !

M. Bernard Accoyer - Si vous aviez vraiment voulu vous attaquer à la pollution, c'est à combattre la pollution par le CO2 que vous auriez dû consacrer vos efforts. Mais, sachant la puissance des grands groupes concernés, vous avez préféré vous attaquer aux petits. C'est pourquoi nous nous opposerons avec détermination à l'article 4 (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. Jacques Pélissard - Ecotaxe, pollutaxe, TGAP, qu'importe le vocable pourvu qu'on ait la recette fiscale ! Et qu'importent, aussi, la légalité et la cohérence !

Dois-je rappeler que l'ordonnance du 2 janvier 1959 dispose que les lois de finances déterminent la nature et le montant des ressources et des charges de l'Etat ? Dans le cas qui nous occupe, rien de tel n'est fixé dans la loi de finances dans laquelle le dispositif ne s'inscrit pas.

Par ailleurs, la mise ne _uvre de la TGAP montre que vous tenez un double discours, contradictoire de surcroît. Il s'agissait, nous avait-on dit dans un premier temps, de renforcer la politique environnementale en instaurant une taxe unique affectée au budget de l'Etat.

M. Bernard Accoyer - Encore une promesse trahie !

M. Jacques Pélissard - Or, qu'en a-t-il été de la dotation de l'Etat à l'ADEME ? Les taux fixés n'ont pu être maintenus, si bien que les dossiers, pourtant régulièrement adoptés au terme de délibérations communales, ont dû être gelés !

La TGAP a ensuite été présentée comme un retour à l'orthodoxie budgétaire, l'affectation d'une ressource étant assimilée au mal absolu. Que constatons-nous aujourd'hui ? Qu'en dehors de toute légalité, la TGAP est affectée -solution miracle- au financement de la réduction du temps de travail !

La mise en _uvre de cette mesure est tout aussi incohérente. Le Gouvernement, après nous avoir bercé au son de la douce musique du double dividende, nous présente un dispositif ubuesque dont la caractéristique principale n'est certes pas l'équité. La TGAP s'applique à la mise en décharge mais vise-t-elle les décharges internes des entreprises ? Elle a, nous dit-on, été décidée dans le cadre d'une écotaxe européenne. Or elle ne vise pas les produits exportés. Où est la cohérence, et où est l'équité ? Les ménagères allemandes pourront donc continuer de polluer le Rhin, et les ménagères suisses le Rhône, sans rien devoir payer ?

Avec cette taxe, le Gouvernement jette au panier l'orthodoxie budgétaire, ignore ses propres préoccupations environnementales et, par un tour de passe-passe, impose aux ménages de financer la réduction du temps de travail. Seulement, la gestion des fonds publics ne doit pas, à mon sens, être l'_uvre de prestidigitateurs (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. Georges Tron - Nous avons affaire, avec la TGAP, à un prélèvement obligatoire dont le Gouvernement élargit l'assiette, ce qui va mécaniquement l'alourdir. Le nouveau mode de calcul de l'INSEE vous permet d'affirmer le contraire, Monsieur le ministre. Je sais que vous n'en êtes pas l'instigateur, mais l'artifice comptable ne modifie pas la réalité, qui est qu'une augmentation de la taxation, fut-elle l'objet d'un reversement à un autre contribuable, constitue bel et bien un alourdissement des prélèvements obligatoires.

Que de paradoxes dans ce dispositif ! Tout d'abord, la théorie du double dividende est tout à fait intéressante, mais il eût été préférable d'affecter le produit de cette taxe à la protection de l'environnement : la loi en eût été plus compréhensible. Autre paradoxe : si vous tendez à pénaliser les entreprises polluantes, vous devez vous attendre à ce que les rentrées finissent par s'éteindre d'elles-mêmes. Or, vous estimez les recettes à 3,2 milliards en 2000 et vous estimez le rendement de la taxe à 12,5 milliards dans quatre ans ! C'est la démonstration la plus probante que cette taxe n'a pas vocation à lutter contre la pollution mais à financer les 35 heures.

Enfin, la TGAP touchera, pour 50 %, les grandes entreprises qui investissent déjà le plus dans la lutte contre la pollution. Autant de raisons de condamner l'article 4.

M. François d'Aubert - Nous entrons au musée des horreurs. En élargissant l'assiette de la TGAP, vous multipliez les invraisemblances.

Cette taxe est complexe. M. Cochet y voit un double dividende, j'y vois plutôt une perte sèche pour l'environnement. Ce détournement de l'argent qui devait lui être consacré semble avoir échappé aux Verts. Quel lien a-t-elle avec les 35 heures ? Aucun. Simplement elle est rentable et son produit ira croissant.

Les lessives sont en première ligne. Les fabriquants sont des multinationales, bien sûr. Mais ils fabriquent en France. Il y aura risque de délocalisation. Quant à la ménagère, elle paiera car il y aura entente pour répercuter cette taxe sur les prix. Et ce détail dans la définition des lessives... Les Verts n'y ayant pas pensé, nous avons déposé un amendement pour exonérer les lessives à base de plantes vertes.

La taxe touche les produits phytosanitaires. Sans doute faut-il faire des économies sur les nitrates et limiter la pollution engendrée par une agriculture trop intensive. Mais de nouveau, les entreprises vont répercuter le coût sur l'utilisateur final, l'agriculteur.

Avec cette taxe, vous ouvrez simplement un nouveau robinet pour alimenter le fonds -un de plus...

M. François Goulard - La TGAP mériterait un débat plus large, en présence de Mme la ministre de l'environnement. Sur le principe, loin de nous l'idée de contester l'instauration d'une telle taxe. Il est normal que les activités polluantes en assument le coût et c'est l'application du droit européen.

Mais on voudrait que cette nouvelle imposition réduise la pollution. M. Cochet nous parle de double dividende. M. Recours, illuminé par ce message à lui transmis, comme extatique -j'ai craint qu'il n'entre en lévitation (Rires)- nous l'a délivré à son tour. Je n'ai rien compris. J'avais mieux compris M. Cochet. Premier effet, selon lui, de l'impôt : inciter à moins polluer. C'est la découverte de l'effet prix et je salue cette conversion de l'écologie à la logique libérale (Rires sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). Second effet, plus de recettes permettront plus de dépenses, à bon escient on veut l'espérer.

Mais le Gouvernement affecte ce produit à un fonds dont les autres ressources vont diminuer alors que les dépenses vont croître.

Les assujettis savent donc que, quel que soit leur comportement, ils paieront plus à l'avenir : que devient l'effet incitatif ? Un effet pervers. L'industriel sait qu'en polluant moins, il diminue l'assiette de la taxe ; l'Etat augmentera alors son taux pour maintenir la ressource ! Les pollueurs continueront à polluer. En tant que défenseur de l'environnement, je suis effrayé par ce dévoiement d'une taxe qui se justifiait initialement.

Dans l'application, cette législation est faite à gros traits et reste trop primaire pour avoir un réel effet sur les activités visées. L'agriculteur, qui fait des efforts considérables pour réduire la pollution, je le constate dans ma région, sera fatalement pénalisé, et ne pourra continuer à financer des équipements moins polluants. C'est une très mauvaise manière qu'on fait là à nos agriculteurs. C'est à ces Français qui travaillent bien plus que la moyenne que l'on va faire payer le passage aux 35 heures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Mme Muguette Jacquaint - Cette nouvelle taxe présente un certain intérêt. Elle n'exonère pas les grandes entreprises de toutes leurs responsabilités, et il faut sanctionner celles qui continueraient à polluer. Elles doivent aussi accorder des réparations à leurs salariés victimes d'activités polluantes comme l'ont été ceux qui travaillent au contact de l'amiante.

Cette mesure va rapporter 3,2 milliards à la Sécurité sociale. Il ne faudrait pas, cependant, que le coût de cette taxation soit répercutée sur les consommateurs. C'est pourquoi je souhaite que nous examinions, l'année prochaine, les effets de cette mesure, que le groupe communiste votera.

M. Jean Bardet - L'article 45 de la loi de finances pour 1999 a institué la TGAP, qui remplace cinq taxes auparavant perçues par l'ADEME. Celle-ci devait recevoir une compensation, dont il n'était pas sûr qu'elle soit pérenne, ce qui hypothéquait les actions futures de l'agence.

Si, en 1999, la dotation devait être égale à la perte de recettes, il était prévu, pour les années suivantes, un accord contractuel... On sait ce que valent de tels accords. Le principe du pollueur-payeur ne sera plus respecté, puisque le manque à gagner de l'ADEME ne sera plus intégralement compensé et que le produit de la TGAP sera partiellement affecté au financement des 35 heures.

En outre, cette taxe va frapper de nouvelles productions industrielles, les lessives et produits adoucissants, les grains et minéraux naturels, les produits antiparasitaires et les installations classées.

Cette taxe, qui doit rapporter 3,2 milliards, va grever les coûts de production sans pour autant préserver l'environnement.

Une nouvelle fois, on assiste à un détournement de fonds, puisqu'une taxe prévue à l'origine pour lutter contre la pollution est affectée à une autre fin.

Lutter contre la pollution est à la mode, mais la « journée sans voiture » reste sans lendemain et rien n'est tenté contre la bronchiolite du nourrisson.

Cet article n'a aucun but médical ou social, il ne vise qu'à financer les 35 heures (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Secrétaire d'Etat - M. Goulard lui-même a reconnu qu'il fallait taxer les activités polluantes et je l'en remercie.

Si nous parlons de «double dividende», c'est que la TGAP va avoir deux effets bénéfiques : réduire la pollution et améliorer la situation de l'emploi.

Il ne s'agit pas de financer les 35 heures, mais d'accorder des allégements de cotisations sociales qui s'ajouteront à ceux décidés par M. Juppé en 1995. Vous avez approuvé les réductions de charges sur les salaires allant jusqu'à 1,3 fois le SMIC (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Pourquoi n'accepteriez-vous pas d'allégements entre 1,3 et 1,8 fois le SMIC ?

M. Cochet l'a parfaitement démontré, cette mesure sera doublement bénéfique.

On nous accuse de dépouiller le budget de l'environnement pour financer la Sécurité sociale. Vous verrez bientôt que le budget de l'environnement, qui a augmenté de 28 % en deux ans, augmentera encore de 8 % pour 2000. Celui de l'ADEME, que nous avons abondé de 500 millions en 1999, progressera aussi de 8 %.

Le budget de l'environnement est un de nos huit budgets prioritaires.

S'agissant du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, il est financé, n'ayez aucun doute à ce sujet.

M. Bur m'a interrogé sur le problème de l'eau. Vous verrez quand nous examinerons le budget que nous créons un nouveau fonds...

M. François d'Aubert - Encore un !

M. le Secrétaire d'Etat - Nous ne manquons pas de fonds, pour financer de bonnes actions.

Le fonds national de solidarité pour l'eau aidera les communes à mettre leurs installations aux normes européennes. Mme Voynet a fait sur ce point une communication importante en Conseil des ministres et a répondu hier à une question à ce sujet.

Le président Barrot a eu raison de rappeler que notre législation doit rester en harmonie avec celle de nos voisins. Mais la théorie du double dividende n'est pas une invention française : elle est celle de l'ensemble des pays européens et de l'OCDE. J'ajoute que nous n'exagérons pas, en matière de taxation. Dans les pays nordiques, la fiscalité sur les pesticides est plus élevée que chez nous (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Tous les pays de l'OCDE ont une politique de lutte contre les déchets.

S'agissant des engrais, les Etats-Unis les taxent plus fortement que nous, ainsi que l'Autriche, la Finlande, la Norvège et la Suède (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Bernard Accoyer - Parlez-nous de l'Espagne ! C'est plus intéressant en matière agricole.

M. le Secrétaire d'Etat - Les phosphates, enfin, sont purement et simplement interdits dans les lessives en Suisse et en Allemagne.

MM. Goulard, Tron et Accoyer nous disent que le produit de la TGAP va augmenter et que son champ va s'étendre. Nous travaillons en effet à l'extension de cette taxe à certaines énergies et une consultation est engagée avec les entreprises concernées.

Avec un peu d'humour, j'imagine, M. Goulard a pensé que la pollution allait disparaître. Même M. Cochet, dont nous connaissons l'optimisme, n'y croit pas.

M. Georges Tron - Ce n'est pas ce qui a été dit.

M. le Secrétaire d'Etat - Il est normal que le produit de la taxe augmente si son champ s'étend.

Ce n'est pas pour autant que nous incitons les entreprises à polluer.

M. d'Aubert a évoqué les «lessives vertes». Cependant, même dans les lessives sans phosphate, on trouve des tensio-éléments, qui servent à rendre les produits mousseux. Or les poissons n'aiment pas la mousse...

M. Yves Bur - Taxez la mousse !

M. le Secrétaire d'Etat - Je n'ai parlé que des poissons.

Mme Jacquaint a trouvé cet article intéressant. Notre souci est de taxer les grandes entreprises sans menacer l'emploi. Je ne suis pas sûr d'avoir été convaincant, mais je suis quant à moi convaincu.

M. le Président - Il nous reste 27 articles à examiner. Je vous demande d'être concis dans l'examen des amendements.

M. Jean-Luc Préel - Je serai bref, car nous avons hâte d'en arriver aux questions de santé publique. Peut-être aurions-nous dû, d'ailleurs, commencer par le rapport annexé, pour ne nous occuper du financement qu'ensuite (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le secrétaire d'Etat nous a d'autant moins convaincus que nous avons cru comprendre qu'il souhaitait étendre la taxe. Il ne nous a répondu ni sur les phytosanitaires, ni sur les composants dangereux, ni sur les pondéreux. Enfin, et surtout, nous sommes opposés au financement des 35 heures par la TGAP, qui pénalisera nos agriculteurs et nos industries. C'est pourquoi notre amendement 366 tend à supprimer l'article.

M. François Goulard - Je comprends le souci de la Présidence de faire avancer le débat, mais ce n'est pas nous qui avons choisi de mettre dans la loi tant de sujets, dont certains sont extérieurs à la sécurité sociale proprement dite. Il est donc normal que nous disposions de quelques dizaines de minutes pour échanger nos arguments.

Le secrétaire d'Etat n'a pas répondu à notre argument selon lequel les assujettis à la TGAP ne seront pas incités à polluer moins, sachant que les nécessités budgétaires conduiront les pouvoirs publics à relever le taux si l'assiette s'étrécit. Il eût fallu ne pas affecter cette taxe, mais en faire une recette du budget général de l'Etat, de façon à pouvoir en déplacer, au besoin, les frontières, en vue d'un objectif qui ne doit pas être de gagner de l'argent, mais de combattre la pollution. Or, cet effet dissuasif est manqué, et c'est l'une des raisons de notre amendement de suppression 519.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 586, déposé au nom des trois groupes de l'opposition, tend également à supprimer l'article, dont je veux une nouvelle fois dénoncer les dangers : confusion entre budget de l'Etat et budget de la Sécurité sociale, dévoiement de la TGAP, risque de délocalisation des usines appartenant à de grands groupes multinationaux, mise à contribution des Français qui travaillent le plus, à savoir les agriculteurs, pour financer les 35 heures - dont ils ne bénéficieront pas.

M. Patrick Delnatte - Les amendements 218 et 687 sont identiques. Les producteurs de lessives sont relativement peu nombreux en Europe, et la tendance à la concentration des produits, en rendant l'outil de production surdimensionné, fait planer une menace sur certaines usines, notamment dans le Nord de la France.

M. Alfred Recours, rapporteur - Non, il ne s'agit pas de financer les 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), mais le fonds d'allégement des charges sociales, allégement qui sera réservé, c'est vrai, aux entreprises passant aux 35 heures - et si toutes n'y passent pas, cela permettra quelques économies...

Sur la TGAP elle-même, le Gouvernement, M. Cochet et d'autres se sont exprimés, et je n'ai pas honte de dire que ma lanterne s'en est trouvée éclairée (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). S'il reste quelques difficultés, elles ne tiennent pas au principe de la taxe, mais portent sur d'ultimes réglages, que nous avons encore le temps d'affiner d'ici la seconde lecture : raison de plus pour rejeter les amendements de suppression.

M. le Secrétaire d'Etat - J'approuve la position sage du rapporteur. Pour ce qui est des phytosanitaires, il y a, selon les spécialistes, 900 molécules. Le projet prévoit d'en taxer 300.

M. François Goulard - Il y a donc de la marge !

M. le Secrétaire d'Etat - En effet (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les agriculteurs, qui sont des chefs d'entreprise rationnels, remplaceront donc les produits nocifs et taxés par des produits qui ne sont ni l'un ni l'autre. Quant au risque de délocalisation, je rappelle que les taxes à la consommation frappent également les produits importés.

Il n'y aura donc pas de perte de compétitivité des lessives fabriquées en France par rapport à celles qui le sont à l'étranger.

Avis défavorable sur les cinq amendements de suppression.

M. Bernard Accoyer - Monsieur le rapporteur connaît-il le prix d'un baril de lessive ?

M. Alfred Recours, rapporteur - En tant que père célibataire qui fait ses courses, je puis vous dire qu'il vont, pour un baril de cinq kilos, de 45 à 60 F. Et je note au passage que l'opposition n'imagine les tâches ménagères qu'accomplies par des femmes, si j'en juge par ses amendements. Pour ma part, j'assume quotidiennement ces tâches et ne les réserve pas aux femmes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'augmentation induite par la taxe pourrait être, approximativement, de 1,50 à 2 F par baril.

Les amendements 218, 366, 519, 586 et 687, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Bur - Je ne comprends toujours pas le choix que fait le Gouvernement de taxer certains secteurs plutôt que, comme cela se pratique ailleurs, les énergies en général. Je le comprends d'autant moins que parmi les secteurs visés, il y en a qui ont fait beaucoup d'efforts pour moins polluer. Les lessiviers se sont en effet engagés depuis 1986 dans des démarches de bonnes pratiques et ont adopté en 1998 un code européen en ce sens.

Pour ce qui est de produits phytosanitaires, j'aimerais être sûr que les 300 molécules taxées, sur les 900 existantes, n'ont pas été choisies arbitrairement mais bien en fonction de leur toxicité. Quoi qu'il en soit, cette taxe aura des effets négatifs sur les comptes d'exploitation des agriculteurs, alors même qu'ils se sont eux aussi engagés dans des démarches de bonnes pratiques environnementales.

Bref, les lessiviers et les agriculteurs sont bien mal récompensés de leurs efforts.

Tel est le sens de mon amendement 367.

M. Alfred Recours, rapporteur - Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable.

L'amendement 367, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - J'observe que nous n'avons pas encore parlé de santé, de retraite ou de famille. Si cela ne constitue pas un détournement de procédure, qu'est-ce ?

L'amendement 217 a pour objet de supprimer la taxation des lessives, car il est tout de même paradoxal qu'elle figure dans un texte relatif à la protection sociale alors que la santé, c'est d'abord l'hygiène. Et le Gouvernement voudrait pénaliser les ménages les plus modestes qu'il ne s'y prendrait pas autrement.

L'amendement 688 tend, lui, à supprimer la taxation sur les granulats et plus généralement à mettre un terme à cette volonté hystérique de tout taxer. Il a même été question des mousses. Où s'arrêtera-t-on ?

Et j'espère que les Verts ramèneront la majorité à plus de sérieux car il est vraiment absurde que le Gouvernement, pour prélever un maximum, escompte une pollution maximale !

M. François Goulard - Nous traitons de sujets -lessives et granulats- qui n'ont rien à voir avec la Sécurité sociale et dont nous ne sommes pas spécialistes. Les législateurs que nous sommes ne se prononceront pas en connaissance de cause mais voteront à l'aveugle sur un texte préparé par l'administration. C'est déplorable.

J'ai défendu l'amendement 595.

M. Alfred Recours, rapporteur - La commission a un avis défavorable sur tous ces amendements de déshabillage qui non seulement ruinent le texte pan par pan mais en outre nous empêchent d'arriver rapidement aux sujets famille, santé, retraite.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

Les amendements 217 et 595, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement.688.

M. Jean-Luc Préel - Plutôt que de taxer de façon discriminatoire certaines lessives, il faudrait instaurer rapidement une structure de concertation tripartite ayant pour objet de proposer un système de taxation fondé sur des bases scientifiques et objectives. Tel est le sens de notre amendement 368, qui n'est pas de déshabillage mais qui se veut au contraire constructif.

M. Alfred Recours, rapporteur - Il ne déshabille peut-être pas le texte mais en tout cas la ressource, ce qui est tout aussi indécent. Et je m'explique d'ailleurs mal qu'il soit parvenu jusqu'à nous.

M. le Secrétaire d'Etat - Cette concertation a eu lieu avec les professionnels...

M. Bernard Accoyer - Pas avec les agriculteurs.

M. le Secrétaire d'Etat - Nous parlons en ce moment de lessives. J'ai sous les yeux une lettre de l'industrie des savons et détergents, qui expose son point de vue sur le projet, auquel elle n'est évidemment pas entièrement favorable.

Dans ces conditions, je demande le retrait ou, à défaut, le rejet de l'amendement.

L'amendement 368, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Notre amendement 690 donnerait une année supplémentaire au Gouvernement pour préciser l'assiette de la TGAP. Vous-même avez dit, Monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il y avait encore bon nombre de molécules qui pourraient être taxées.

M. Alfred Recours, rapporteur - Il s'agit, en fait, de suspendre pendant l'année 2000 la surtaxe liée à la teneur en phosphate des détergents. C'est un point qui pourrait être discuté, comme je l'ai fait en rencontrant les principaux protagonistes du secteur industriel des lessives, avec ou sans phosphates. Mais même les phosphatiers n'envisagent pas qu'il n'y ait pas d'écart de taxation entre les lessives, selon qu'elles sont ou non phosphatées. Le seul problème est donc celui de l'amplitude de cet écart, mais certainement pas le principe de la taxation.

Voilà pourquoi je suggère le rejet de cet amendement, que la commission n'a pas examiné.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 690, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Bur - Par l'amendement 567, nous proposons de dispenser de la taxation aveugle et généralisée que vous instituez toutes les entreprises qui auraient conclu des contrats de progrès avec les autorités publiques. Une telle solution, plus souple et moins néfaste pour la compétitivité de nos entreprises, permettrait d'atteindre les objectifs que vous poursuivez mais sur la base du volontariat. On pourrait négocier avec chaque entreprise des systèmes de pénalisation dissuasifs. Je précise que de tels contrats existent déjà aux Pays-Bas.

M. Bernard Accoyer - Nos amendements 685 et 689 ont le même objet. Il serait bon que les sociétés, y compris agricoles, qui ont engagé une démarche visant à améliorer la qualité des effluents, dans le cadre de contrats de progrès, échappent à la taxation que le Gouvernement prétend imposer à ceux qui pollueraient.

D'autre part, le ministère de l'agriculture nous fait savoir qu'il n'y a plus d'argent pour subventionner la mise aux normes des bâtiments d'élevage, ce qui empêche de nombreux jeunes agriculteurs désireux de s'installer de le faire, notamment dans les zones de montagne.

Dans ces conditions, n'est-il pas choquant que vous préleviez de l'argent sur les agriculteurs pour que d'autres travaillent moins ?

M. Alfred Recours, rapporteur - Il ne s'agit pas de permettre aux paresseux que seraient les ouvriers dans les mines de se faire engraisser par les paysans que M. Accoyer défend !

M. Bernard Accoyer - Toujours la lutte des classes !

M. Alfred Recours, rapporteur - Je ne fais que répéter ce que je vous entends dire depuis le début de ce débat.

Les dispositions que nous prenons sont conformes à l'intérêt général de tous les Français. Sinon, comment pourraient-elles être constitutionnelles ?

S'agissant des amendements, je n'aurais pas vu d'inconvénient, s'ils avaient été soumis à la commission, à ce qu'on discute des contrats de progrès en plus de la TGAP. A moins que vous ne considériez que les contrats, conventions ou accords passés ces dernières années entre les phosphatiers et l'Etat ont déjà contribué à réduire la teneur des lessives en phosphate.

Cela dit, je demande le rejet des amendements dans la mesure où la mise en place de la TGAP ne fait pas obstacle à la discussion.

M. le Secrétaire d'Etat - L'idée de contrat est toujours séduisante, mais celle d'une fiscalité sur mesure l'est beaucoup moins. On ne peut vouloir des impôts qui soient à la fois simples et modulés entreprise par entreprise : c'est contradictoire. Je ne suis donc pas favorable à ces amendements.

S'agissant des jeunes agriculteurs, en créant le contrat territorial d'exploitation, précisément destiné à aider les agriculteurs, jeunes ou moins jeunes d'ailleurs, à préserver, grâce à la multifonctionnalité, des modes d'exploitation familiaux, le Gouvernement a beaucoup fait pour l'agriculture en général, pour les jeunes agriculteurs et pour les retraités de l'agriculture en particulier.

L'amendement 567, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 685 et 689.

M. François Goulard - L'amendement 783 tend à protéger les produits «verts».

M. Alfred Recours, rapporteur - Il existe, en effet, des produits de nettoyage qui peuvent être non polluants et je suggère à M. d'Aubert de revoir la rédaction de son amendement afin qu'elle permette de bien identifier ces produits. A cette condition, nous pourrons peut-être réexaminer cette question en deuxième lecture. En attendant, je demande que l'amendement soit repoussé.

M. François Goulard - Voilà une ouverture intéressante.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable.

L'amendement 783, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Notre amendement 682 tend à supprimer la taxation sur les granulats, matériau essentiel pour le secteur du bâtiment dont on connaît l'importance pour l'emploi. Inutile d'en rajouter alors que le Gouvernement s'ingénie déjà à bloquer de vastes travaux tels que l'aménagement du canal Rhin-Rhône ou la construction de nombreuses autoroutes avec les conséquences économiques que l'on sait.

M. Alfred Recours, rapporteur - La France dispose d'importantes réserves de granulats, mais c'est un matériau non renouvelable. Ce problème est d'autant plus important qu'une des pistes possibles pour recycler les déchets internes des entreprises dus à l'extraction des minerais est précisément le secteur du bâtiment et des travaux publics.

La France est le pays d'Europe qui utilise le plus de granulats : nous nous devons de préserver une ressource non renouvelable. Sur ce sujet comme pour ce qui concerne la taxation des déchets internes, je vous propose donc d'en rester là.

M. le Secrétaire d'Etat - La mesure proposée est de caractère symbolique, puisqu'elle conduit à un surcoût de 60 F par logement, mais elle appelle l'attention sur l'aspect dévasté de certaines anciennes carrières comme celle de La Bassée. Le Gouvernement souhaite toutefois inciter les constructeurs à utiliser un peu moins de granulats. Il est donc défavorable à l'amendement.

L'amendement 682, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Je retire l'amendement 681 mais je souligne une nouvelle fois à quel point il est irrationnel que nous débattions de choix techniques quand nous ne devrions ne nous préoccuper, aujourd'hui, que de santé publique. Malheureusement, ces mesures décidées dans l'improvisation vont s'imposer dans quelques semaines à des individus et à des entreprises. L'amendement 691 vise donc à ce que les dispositions prévues ne s'appliquent qu'à compter du 1er janvier 2001 et sur la base d'un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques.

M. Alfred Recours, rapporteur - Cela aurait pour conséquence une taxation différée et donc une perte de recettes. L'amendement n'est donc pas acceptable.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable.

L'amendement 691, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 721 et 725 ne seraient-ils pas humoristiques ?

M. François Goulard - En proposant de passer, pour les granulats, d'une norme de 125 mm à une norme de 124 -j'aurais tout aussi bien pu proposer 126- ou en invoquant la forme d'une ellipse alors que les granulats, irréguliers, n'ont pas plus cette forme que celle d'une sphère que leur prête le texte, j'ai en effet voulu souligner combien il était dérisoire de graver dans le marbre de la loi des détails aussi insignifiants, en s'appuyant d'ailleurs parfois sur des arguments contestables et en faisant fi de problèmes importants. Ainsi, le recyclage des déchets industriels présente d'autres risques pour l'environnement, et leur utilisation n'est possible que dans les régions proches des sites de production. Je le regrette : la législation que vous nous proposez est très largement inadaptée à son objet, et elle devrait être débattue à une autre occasion.

M. Alfred Recours, rapporteur - Avis défavorable pour les deux.

M. le Secrétaire d'Etat - Monsieur Goulard, les 125 mm mentionnés dans le projet représentent une norme AFNOR. Sur le fond, le Gouvernement demande le rejet des deux amendements.

L'amendement 721, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 725.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 40.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Top Of Page

ERRATUM

au compte rendu analytique de la 1ère séance du mardi 26 octobre 1999.

Page 28, à la fin de l'intervention de M. Lionnel Luca, rétablir le 1er paragraphe dans la forme suivante :

"Mais la seule voie de résistance consiste, comme Charles Pasqua l'a demandé au Premier ministre, de refuser d'ouvrir ces négociations. Car il ne suffit pas..." (le reste sans changement)


© Assemblée nationale