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Session ordinaire de 1999-2000 - 16ème jour de séance, 41ème séance

2ÈME SÉANCE DU VENDREDI 29 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

Sommaire

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 (suite) 2

ART. 10 2

APRÈS L'ART. 10 14

ART. 11 15

APRÈS L'ART. 11 17

ART. 12 17

ART. 13 18

APRÈS L'ART. 13 19

AVANT L'ART. 14 19

ART. 14 20

ART. 15 24

ART. 16 25

La séance est ouverte à quinze heures.

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000.

ART. 10

M. Jean-Luc Préel - S'agissant du problème des retraites, l'article 10 qui traite de la tranche vieillesse ne propose rien, malgré l'excellent travail du rapporteur qui a fait tout son possible pour répondre aux besoins du pays. Nous pensons qu'il faut conforter la retraite par répartition. Les données démographiques, mises en évidence par M. Charpin après d'autres, sont connues de tous. Certes, le régime général est équilibré -il fera même cette année des bénéfices, que vous allez ponctionner -mais cela est dû pour l'essentiel au courage de Mme Veil et de M. Balladur. A brève échéance, il sera de nouveau en déficit. L'avenir des régimes spéciaux n'est pas mieux assuré et l'on sait qu'à l'horizon 2015 les retraites des fonctionnaires coûteront près de 350 milliards par an.

M. Pascal Terrasse - Il s'agit de la fourchette haute !

M. Jean-Luc Préel - Je salue l'arrivée de M. Terrasse...

Mais il est grand temps d'y penser et peu courageux de reporter sans cesse les décisions. Certes, un fonds de réserve des retraites par répartition a bien été créé en 1998 mais il est resté «virtuel» jusqu'à la veille de notre débat au début de cette semaine, période faste s'il en est qui a vu aussi la proposition d'un nouvel article 2 sans ponction de l'UNEDIC ! Reste à abonder ce fonds, suffisamment pour faire face au «papy boom» à partir de 2005.

Nous proposons de donner une réelle autonomie à la CNAV car nous savons que les partenaires sociaux savent prendre des décisions responsables. De même, dans un esprit de transparence, nous souhaitons que soit créée une caisse de retraite unique pour les fonctionnaires, dont la gestion serait confiée à parité à l'Etat et aux syndicats. Il convient, dans un esprit de justice, d'harmoniser les règles entre les différents régimes. Et pour reprendre l'excellente proposition de M. Fabius, il faut créer une épargne retraite dont la moitié au moins devrait être investie dans des entreprises françaises.

En tant que président du groupe d'étude sur les conjoints survivants, je déplore que votre projet ne comporte aucune mesure en leur faveur, alors que le taux de réversion -fixé à 54 %- reste insuffisant et que le plafond est trop restrictif. Peu de veuves bénéficient de l'assurance veuvage dont le fonds reste donc excédentaire. De même, les «polypensionnés» restent pénalisés car ils ne peuvent bénéficier du cumul des droits acquis auprès de différentes caisses. La prise en compte de la majoration pour enfant dans l'assiette des revenus est également injuste car elle abaisse de fait le plafond de ressources.

Ces différents éléments nous conduiront à rejeter cet article.

M. Yves Bur - La faiblesse des mesures annoncées pour le financement des retraites est un total décalage avec l'importance sociale de ce problème qui nous concerne tous. Les millions de retraités actuels se demandent si leur revenu sera assuré et à quel niveau. L'impact financier de l'attentisme est bien connu : plus on tarde, plus les difficultés financières se répercutent sur le paiement des pensions. Nos concitoyens se demandent donc légitimement s'ils ne verront pas leurs intérêts sacrifiés pour des motifs d'ordre électoral. Or, des sacrifices, ils en ont déjà fait. La durée de cotisation pour obtenir la retraite à taux plein est passée de 150 à 170 trimestres et elle est désormais calculée sur les 25 dernières années au lieu de 10 précédemment.

Si l'ARRCO a su fédérer l'ensemble des régimes, pourquoi, pour reprendre la proposition de M. Préel, ne pas constituer un régime unique pour les fonctionnaires ?

Face à des enjeux de cette importance, le Gouvernement ne répond que par des atermoiements en proposant que quelques milliards d'excédents soient versés au fonds de réserve. Mais ce sont des dizaines de milliards qui sont en jeu : 66 par an dès 2006, plus de 300 chaque année à partir de 2015.

La commission des finances a relevé que les retraites de la sphère publique coûtent 20 % de plus que celles du secteur privé. Bien sûr, il est plus facile d'annoncer l'abrogation de la loi Thomas que d'engager un véritable plan de sauvegarde pour restaurer l'équité entre les secteurs public et privé et pérenniser notre système de retraite.

Il est temps, docteur Aubry, de proposer un remède au grand malade qu'est notre système de retraite, avec une attention particulière pour le secteur protégé, pour lequel le choc sera rude.

M. Bernard Accoyer - L'article 10 dispose que les excédents éventuels du régime général sont affectés à la «C3R», c'est-à-dire à la «caisse de réserve pour les retraites par répartition».

S'agissant des retraites, le Gouvernement, après dix ans d'immobilisme, et afin de retarder encore les décisions, a demandé un rapport à M. Charpin.

Pourtant, en raison de la pyramide des âges, de l'allongement de l'espérance de vie et, moins toutefois qu'on le croyait, du chômage, il manquera 60 milliards pour payer les retraites en 2005, 300 milliards en 2010, 600 milliards en 2020. Vous affirmez vouloir, comme nous, préserver le système de retraites par répartition mais alors que la droite avait pour cela engagé des réformes courageuses, vous n'avez jamais rien fait de significatif.

Pour compenser le déficit de la branche vieillesse pour les seuls salariés du privé, il faudrait dès 2005 dégager 60 milliards d'intérêts et donc, à un taux de 5 %, disposer de 1 200 milliards de réserves ; et pour dégager 300 milliards d'intérêts en 2010, c'est de 6 000 milliards qu'il faudrait disposer... On mesure à quel point, par la faute de la gauche, l'avenir des retraites est aujourd'hui compromis.

Les solutions, du coup, sont toutes douloureuses : allonger la période de cotisation alors que la gauche l'a réduite, allonger la durée du travail que la gauche réduit à 35 heures, augmenter les cotisations -ça, vous en avez l'habitude -, diminuer les prestations -on a vu que cela ne vous gênait guère.

Alors que vous refusez de vous attaquer aux problèmes de la retraite, vous n'hésitez pas à financer les 35 heures par un système pervers, en détournant du fonds de solidarité vieillesse une partie de la taxe sur les alcools.

Vous commettez, Madame la ministre, une faute extrêmement grave en n'assumant pas vos responsabilités vis-à-vis de la solidarité entre les générations.

Ce matin, vous nous avez expliqué qu'il y aurait dans un an 22 milliards dans le fonds de réserve, dont 6 versés par la Caisse des dépôts...

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Trois !

M. Bernard Accoyer - Cette somme proviendra-t-elle du produit de l'épargne de la Caisse ou s'agira-t-il d'un don ?

Quoi qu'il en soit, ce n'est pas 22 milliards mais 100 et même 200 qu'il faudrait mettre chaque année dans un fonds qui n'a été effectivement créé qu'avant-hier au Journal officiel. Une fois de plus vous masquez la vérité comme vous l'avez fait sur les 35 heures en faisant croire aux Français qu'ils pourront travailler moins, gagner autant et jouir de la même protection sociale.

Nous nous réjouissons des bons chiffres du chômage : c'est l'assainissement des finances publiques qui a permis la relance et la croissance. Mais en refusant de vous attaquer au problème des retraites, c'est une véritable bombe à retardement que vous laissez aux Français.

M. Pascal Terrasse - Nous avons déjà largement débattu de la création du fonds de réserve l'an dernier. J'avais alors regretté le caractère symbolique des 2 milliards qui lui avaient été affectés. Il convient donc maintenant qu'il soit abondé, tel est l'objet de cet article 10. Le fonds pourra ainsi passer le cap des effets du baby-boom en 2005 (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

L'opposition aimerait un débat sur la retraite par capitalisation.

M. Jean-Luc Préel - M. Fabius...

M. Pascal Terrasse - Mais, comme l'a toujours dit Mme la ministre, la priorité est la consolidation des retraites par répartition (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) car, à défaut, les générations nées après 1965 seront spoliées. A l'évidence, la logique de l'opposition n'est pas la nôtre, fondée sur l'universalité et la solidarité (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Nous écoutons toujours vos propos mais à chaque fois qu'un membre de la majorité prend la parole, trois excités sur les bancs de l'opposition n'acceptent pas le débat démocratique !

M. François Goulard - Durablement fâchée avec l'agriculture, la gauche semble ignorer qu'il y a un temps pour les semailles -ce fut entre 1993 et 1997- pour qu'après vienne la récolte. Ainsi va le rythme du temps et Colbert, ministre de la marine, plantait des forêts pour que ses successeurs puissent un jour tailler des mâts. En matière de retraites, aussi, le rythme est lent et par votre inaction depuis deux ans et demi vous mettez en péril l'avenir des retraites pour les générations à venir. Et c'est donc bien du sort de nos enfants, de nos petits-enfants que nous devrions parler plutôt que des mesures minuscules contenues dans ce projet.

Les réformes engagées par le gouvernement d'Edouard Balladur étaient de nature à consolider les retraites par répartition. Au lieu de poursuivre dans cette voie, vous n'avez rien fait et votre fonds de réserve permettra au mieux de couvrir le tiers du déficit qui apparaîtra en 2006.

Sur les régimes spéciaux, rien non plus n'est fait pour réduire l'inégalité entre salariés du public et du privé.

Alors que tous les grands pays ont adopté un système par capitalisation pour assurer l'avenir et ajouter un étage aux régimes en place, nous déplorons votre refus purement idéologique de vous engager à temps dans une voie qui aurait dû être ouverte depuis longtemps et qui a été explorée par la loi Thomas de 1997 -que vous n'avez d'ailleurs même pas le courage d'abroger.

M. Pascal Terrasse - Ne vous inquiétez pas, ce sera fait.

M. François Goulard - Sur tous ces sujets, vous vivez dans le court terme et vous n'assumez pas vos responsabilités.

Mme Marie-Françoise Clergeau - Je profite de cet article pour attirer l'attention du Gouvernement et de l'Assemblée sur l'assurance veuvage et, plus largement, la situation des conjoints survivants -environ 4 millions de personnes.

Des avancées importantes ont été réalisées en 1999. Désormais, en effet, l'allocation veuvage est versée pendant deux ans au taux le plus intéressant au lieu d'un an précédemment, ce qui a procuré un gain d'environ 1 000 F par mois. La réforme a également permis d'éviter une double inscription au RMI et à l'assurance veuvage la deuxième année. Pour les conjoints survivants âgés de 50 à 55 ans lors du décès de leur conjoint, l'avantage pourra être maintenu pendant trois ans, soit un gain de plus de 1 500 F par mois la troisième année. Autre progrès : la revalorisation exceptionnelle de 2 % du minimum de pension de réversion qui concerne environ 600 000 conjoints survivants.

L'ensemble de ces mesures a permis de concentrer les moyens financiers sur celles et ceux qui en avaient le plus besoin.

Néanmoins, il faut poursuivre la réflexion afin de régler la question de la pluralité de réversions et le dossier des droits successoraux.

En effet, les conjoints survivants bénéficiant d'avantages de réversion de plusieurs régimes se trouvent pénalisés par l'application de l'article D. 171-1 du code de la Sécurité sociale, alors que l'équité voudrait qu'ils ne soient ni lésés ni avantagés par rapport à ceux qui ne dépendent que d'un seul régime. Un exemple : la perception d'une pension de réversion du régime agricole de 9 F par mois a pour conséquence une diminution de la réversion du régime général de 1 577 F par mois. Nous nous devons de traiter cette question au plus vite, peut-être à l'occasion d'un prochain DMOS.

Deuxième problème : les droits successoraux. En droit français, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des pays européens, le conjoint survivant n'est pas l'héritier de l'époux décédé. Seule une minorité de couples bien informés pensent à effectuer une donation au dernier vivant. A cet égard, les propositions du rapport Dekeuwer-Deffosez constitueraient, si elles sont suivies, une avancée notable pour le conjoint survivant sans enfant. Pour le conjoint survivant avec enfant, l'usufruit total serait un progrès, mais l'indivision restant source de conflits, mieux vaudrait accorder une part réservataire au survivant. Enfin, dans les successions comportant une entreprise agricole, artisanale, industrielle ou commerciale, le maintien de l'unité économique et de sa continuité doivent être une priorité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Muguette Jacquaint - Le fonds de réserve ne doit pas, selon nous, constituer le troisième étage de l'actuel système de retraite. Autrement dit, il ne doit pas se transformer en outil de capitalisation sous forme de fonds de pension. Si fonds de réserve il doit y avoir, son existence ne saurait être qu'éphémère : il doit uniquement servir à faire face au pic démographique à venir et aider à financer les pensions de retraites des générations issues du baby-boom. Il devra ensuite disparaître.

Sinon, cela signifierait que nous optons pour la capitalisation. Or, opter pour elle, c'est encourager la financiarisation de notre économie au détriment de l'emploi. De plus, un régime par capitalisation est beaucoup plus coûteux en prélèvements qu'un système par répartition. Pour financer 100 F de prestations en répartition, on a besoin de 800 F de cotisations, alors que pour financer 100 F de prestations en capitalisation, il faut trois fois plus.

M. François Goulard - Ce sont des calculs à la Gremetz !

Mme Muguette Jacquaint - Dans ce système, la recherche de rentabilité oblige à augmenter les prélèvements et à réduire les prestations, ce qui entraîne forcément une réduction du pouvoir d'achat des salariés et des retraités.

De plus, ce système est profondément individualiste puisque le niveau de la retraite par capitalisation repose sur la capacité de chacun à épargner pour préparer «ses vieux jours». Seront donc favorisés les salariés dont les revenus sont importants. En revanche, les chômeurs et les salariés faiblement rémunérés seront condamnés à travailler plus longtemps. De telles inégalités seraient inacceptables. D'ailleurs, selon un récent sondage Sofres, il n'y a que 14 % des Français à préférer «un système par capitalisation».

Le fonds de réserve ne doit évidemment pas être financé par des privatisations, car la privatisation ne saurait être l'ambition d'un gouvernement de gauche. Y verser les excédents de la Caisse nationale d'assurance vieillesse me paraît également exclu tant que ne sont pas revalorisées comme il se doit les pensions de retraite.

Telles sont les raisons qui justifient notre opposition à l'article 10.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - Avec les articles 10 et 11, nous abordons un problème difficile, celui de l'avenir du système des retraites. Notons tout d'abord que la création d'un troisième étage ne résoudrait pas le problème démographique que nous avons évoqué. En tout état de cause, nous ne pouvons agir qu'avec beaucoup de précaution, en ayant longuement préparé les choses et, je dirais, avec une pédagogie de la nécessité. Il importe en effet que nos concitoyens soient pleinement conscients des enjeux.

Mme Jacquaint a évoqué la nécessité de revaloriser les retraites. J'ai pour ma part en tête deux phrases prononcées par Mme la ministre en commission : «il nous faut préparer l'avenir et donc accumuler les réserves. Pour autant, les retraites actuelles ne doivent pas être laissées au bord du chemin, alors que la situation d'ensemble s'améliore».

De fait, un effort incontestable a été fait ces dernières années pour revaloriser les retraites. Et si l'inflation est cette année plus faible que prévu, Madame Jacquaint, il faut s'en féliciter car l'inflation pénalise d'abord les revenus les plus faibles. Il y a, c'est vrai, une différence entre le taux estimé et la réalité, mais précisément cela signifie qu'il y a eu en 1999 anticipation du coup de pouce.

Cela dit, Madame la ministre, je crois souhaitable de poursuivre la revalorisation du minimum vieillesse, car nous en restons tout de même, malgré les efforts des deux dernières années, à des sommes faibles tournant autour de 3 540 francs. Un coup de pouce de 1 % cette année serait bienvenu et constituerait un signe fort.

Je crois aussi que, comme il est dit dans l'exposé des motifs de l'article 10, une règle pérenne de revalorisation des pensions doit être élaborée dans la concertation, de façon à ne pas laisser les retraités au bord du chemin. Je sais que le Gouvernement y travaille.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le problème des retraites se pose certes avec force, mais ce n'est pas en procédant dans la précipitation qu'on le réglera ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF) Je ne traite pas, moi, le rapport Charpin par le mépris ! (Mêmes mouvements) Ma réponse ne vous intéresserait-elle pas ?

Ce rapport, donc, a eu le mérite de passer en revue les avantages, régime par régime, d'examiner le rapport entre cotisations et rémunérations et d'évaluer les efforts des salariés. On ne peut en effet se contenter d'une comparaison rapide entre régimes spéciaux et régime général : à mon avis, des progrès sont nécessaires dans tous. Le Premier ministre a annoncé des décisions pour le début de janvier et, à cet effet, il a chargé le ministre de l'économie, celui de l'industrie, celui de la fonction publique et moi-même d'organiser une première concertation avec les organisations syndicales et patronales. C'est maintenant fait et nous travaillons désormais sur des propositions ; des groupes techniques ont été mis en place sur quelques problèmes spécifiques et des décisions pourront donc être prises comme prévu au début de 2000. Elle s'inscriront dans une politique générale de la vieillesse car, outre celui des retraites, nous comptons également traiter les problèmes de la dépendance et de la place des personnes âgées dans notre société, comme l'a demandé Mme Guinchard-Kunstler.

La capitalisation ne pouvant régler le problème démographique ni celui du financement, il nous faut impérativement consolider les régimes par répartition.

Je vous rassure, Monsieur Accoyer : selon le rapport Charpin, que vous ne contestez pas...

M. Bernard Accoyer - Il est excellent !

Mme la Ministre - ...nous n'avons besoin que de quelque 300 milliards en 2020. Il ne faut donc pas 200 milliards par an, ce qui ferait 6 000 milliards en 2020 ! Les 20 milliards dont nous disposerons à la fin de l'année ne sont qu'un début -continuons le combat-, mais ce début est satisfaisant. Simplement, peut-être aurait-on pu commencer plus tôt...

Comment se décomposent ces 20 milliards ? Le fonds de solidarité vieillesse dispose déjà de 2 milliards d'excédents de 1998, des 4 milliards provenant des caisses d'épargne et des 4,4 milliards d'excédents de la CNAV. A cela s'ajoutent, versés cette années, les 5,5 milliards mis de côté pour le fonds de réserve des charges patronales -car, Monsieur Accoyer, une fois encore, nous n'avons pas détourné cette somme pour financer la réduction du temps de travail. Enfin, pour la première fois, la loi de financement de la Sécurité sociale dispose que les excédents éventuels de 2000 seront versés au fonds de réserve dès septembre, pour un montant de 3 milliards.

Par ailleurs, j'ai appris comme vous ce matin que la Caisse des dépôts verserait au fonds 3 milliards, pris sur les résultats exceptionnels tirés de ces opérations de fusion-acquisition -comme d'ailleurs une somme équivalente, à destination cette fois du fonds pour le renouvellement urbain ! Nous en serons donc à 20 ou 22 milliards à la fin de l'année.

Mme Clergeau, M. Préel et M. Le Garrec ont appelé mon attention sur la situation des trois millions de veuves et du million de veufs de ce pays. Comme le président de la commission l'a rappelé, le montant du minimum de réversion a été fortement revalorisé cette année : de 2 %, alors que l'inflation ne devrait être que de 0,5 %. Nous souhaitons pour 2000 une mesure qui ne soit pas non plus négligeable -je vais y revenir.

L'an passé, nous avons également supprimé la dégressivité de l'allocation de veuvage, destinée à aider les veufs et veuves de mois de 55 ans à s'insérer ou à se réinsérer dans la vie professionnelle après le décès de leur conjoint.

D'autre part, Monsieur Préel, il est exact que le montant des pensions perçues par les veuves peut varier selon que leur mari avait adhéré à un ou plusieurs régimes. Pour faire disparaître cette injustice, nous travaillons avec la FAVEC à des règles plus équitables ; j'espère que nous aboutirons rapidement.

Pour la CNRACL, peut-être n'avez-vous pas pu prendre connaissance des décisions arrêtées par le Gouvernement il y a quinze jours, Monsieur Préel. Les comptes de la Caisse faisaient apparaître un déficit de 1,7 milliard pour 1999 et de 3,7 milliards en 2000. Les réserves étant insuffisantes pour le combler, nous avons décidé de réagir dès maintenant : l'effort sera partagé entre les employeurs -leurs cotisations augmenteront de 0,5 % en janvier 2000 et en janvier 2001- et l'Etat -la surcompensation sera réduite de quatre points. Ces mesures doivent procurer six milliards sur deux ans, garantissant le retour à l'équilibre en attendant des réformes structurelles.

J'en viens maintenant à la revalorisation des retraites et des minima. En deux ans, nous avons fait progresser le pouvoir d'achat des pensions du régime de base de 1 %. C'est sans doute peu pour certains et j'entends bien les demandes qui m'ont été adressées.

De même, le minimum vieillesse a été revalorisé de 2 % en deux ans, ce qui a procuré un gain de 1,5 % de pouvoir d'achat. Pour l'instant, le Gouvernement a provisionné une revalorisation de 0,2 % , mais je suis prête à la porter à 1 % au 1er janvier, de sorte que les pensions seraient revalorisées dans la même proportion. La hausse du pouvoir d'achat serait alors de 0,8 % -et de 2,3 % sur deux ans. L'article 6 sera modifié en conséquence.

Vous le voyez, le Gouvernement a engagé la réforme des retraites et il n'oublie pas les plus modestes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous en arrivons à cinq amendements de suppression : les 588, 241, 337, 474 et 612.

M. Bernard Accoyer - Nous aurions dû depuis longtemps aborder la discussion sur cette question des plus graves. Bravo, Madame la ministre, pour la sérénité avec laquelle vous présentez des mesures dérisoires ! L'inconscience ou la machiavélisme du Gouvernement sont proprement inqualifiables ! Mais vous ne parviendrez pas à éteindre les mèches qui brûlent, de plus en plus près de bombes nombreuses... Selon vous, le fonds de réserve permettrait de sauver la retraite par répartition : c'est faux ! Créé en 1998, ce fonds n'est toujours pas abondé. Or, contrairement à ce que vous avez soutenu avec aplomb, ce sont 60 milliards par an qu'il faudra en 2000, et 300 par an en 2010. Nous sommes donc très loin du compte !

L'amendement 588, commun aux trois groupes de l'opposition, vise à supprimer l'article, non pour supprimer le fonds, mais pour empêcher le Gouvernement de s'abriter derrière lui pour dissimuler sa passivité.

Madame la ministre, vous nous dites qu'il y aura une vingtaine de milliards à la fin de l'année prochaine ; peut-être, mais ce sera peu au regard des besoins. La dette sociale que les Français remboursent péniblement avec la CRDS atteint 370 milliards...

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances - La CADES a été créée en 1995, après deux ans de gestion Balladur !

M. Bernard Accoyer - Monsieur Cahuzac, la dette sociale laissée par la gauche en 1993 était de 170 milliards.

1989 : M. Teulade s'inquiète de l'avenir des retraites. Suite donnée à son diagnostic alarmant : aucune.

1991 : M. Rocard, Premier ministre, s'inquiète de l'avenir des retraites. Suite donnée au livre blanc : aucune.

1993 : M. Balladur, Premier ministre, réforme les retraites des salariés du privé.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Il vole les retraités !

M. Bernard Accoyer - Sans cette réforme, le déficit de la branche vieillesse serait chaque année supérieur de 15 milliards.

1995 : M. Juppé examine ce qu'il faut faire pour les régimes de la fonction publique : la gauche est dans la rue pour empêcher cet exercice d'équité.

1997 : la droite crée les fonds de pension.

1998 : vous les supprimez, privant les entreprises françaises de leur autonomie et obligeant ainsi les salariés français à travailler pour les retraités britanniques, hollandais et américains.

M. le Président - Vous dépassez votre temps de parole.

M. Bernard Accoyer - J'en ai presque terminé.

Fin 1998 : vous créez le fonds de réserve ; vous n'y mettez pas un franc en 1999. Pour 2000, nous n'avons aucune garantie car le Gouvernement ne travaille que sur des hypothèses.

Tout cela est de la plus haute gravité. Vous ne pouvez pas, Madame la ministre, prétendre que ce fonds va résoudre tous les problèmes.

M. Yves Bur - Je défendrai l'amendement 474.

Les mesurettes prises pour abonder le fonds ne sont pas du tout à la hauteur de l'enjeu. Les besoins sont évalués à 66 milliards dès 2006. La seule solution serait de tailler dans les dépenses de l'Etat pour dégager les moyens nécessaires, à l'instar de l'Allemagne où le gouvernement Schröder a économisé 100 milliards de dépenses publiques pour relever le défi des retraites.

Par ailleurs, il va falloir faire face aux dépenses liées à la dépendance, conséquence du vieillissement de la population.

M. Jean Bardet - Madame la ministre, je vous remercie de l'effort de pédagogie que vous faites pour nous expliquer ce que nous ne comprenons pas, mais j'avoue ne pas encore avoir tout compris...

Vous nous dites que tout est prévu pour faire face aux difficultés que rencontreront les régimes de retraite en 2005-2010. De son côté, M. Jospin déclare qu'il va mettre la question à l'étude et qu'il prendra les décisions qui s'imposent à partir du 1er janvier 2000... Qu'en est-il ?

Cet article prévoit d'abonder le fonds de réserve par les excédents de la CNAVTS ; mais que devient le fonds de solidarité, amputé de ressources qui iront désormais au fonds des 35 heures ? En réalité, le serpent se mord la queue : il n'y a pas de moyens supplémentaires.

M. François Goulard - Bernard Accoyer a eu bien raison de vous dire, Madame la ministre, que si les gouvernements précédents n'avaient pas mené une politique courageuse, vous auriez déjà un mal considérable à équilibrer le régime général des retraites. Nous ne pouvons rester silencieux devant votre immobilisme qui va entraîner des déficits massifs et croissants à partir de 2006. Il est facile d'ironiser sur la tentation du gouvernement précédent concernant les régimes spéciaux mais, au moins, il avait eu le courage d'aborder le problème.

Sur la capitalisation, comment pouvez-vous oser dire que la réflexion est encore nécessaire ? Chacun sait qu'un complément au régime par répartition sera indispensable et que le retard qui a déjà été pris va être pénalisant pour toute une génération.

Du fait de l'article 40, nous ne pouvons pas proposer d'abonder le fonds de réserve -cette réponse dérisoire que vous apportez au problème des retraites ; c'est pourquoi, pour manifester que l'inaction du Gouvernement en matière de retraite est coupable, nous demandons la suppression de cet article.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse - L'an passé, à titre personnel, j'avais approuvé la création du fonds de réserve, qui m'apparaissait indispensable pour le lissage de la bosse démographique. Mais j'avais ajouté qu'il n'aurait d'utilité que si sa dotation n'était pas purement symbolique. Il nous faut tirer les conséquences du rapport Charpin, qui est une base de travail.

Il faut abonder suffisamment le fonds de réserve pour faire face aux besoins -66 milliards en 2006 ; il sera en outre indispensable de faire appel à l'épargne-retraite.

En ce qui concerne l'épargne-retraite, il faudrait que tous, même les personnes à revenus modestes, puissent y accéder.

La commission a examiné trois de ces cinq amendements et les a rejetés.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Alfred Recours - Je rappelle que c'est l'ordonnance du 24 janvier 1996 qui a créé la CADES...

M. Pascal Terrasse - Sous le gouvernement Balladur !

M. Alfred Recours - ...avec pour mission d'apurer la dette cumulée du régime général de la Sécurité sociale, dette résultant des déficits des exercices 1994 et 1995, soit 120 milliards de francs, et du déficit prévisionnel de 1996, évalué à 17 milliards.

L'exercice 1993 et les précédents ne sont donc nullement concernés (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR).

M. Bernard Accoyer - C'était la dette cumulée !

M. Alfred Recours - Par la suite, l'objet de la CADES a dû être élargi car il a fallu prévoir 75 milliards de plus pour les exercices 1996 et 1997 et 12 milliards pour 1998. Si on additionne ces chiffres, on arrive au total de 220 milliards, dont 12 milliards seulement, ceux de 1998, relèvent de la gestion de la majorité actuelle. Telle est la vérité.

M. Bernard Accoyer - Mais non, c'était la dette cumulée !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Faux !

M. Alfred Recours - Je comprendrais qu'il y ait des amendements relevant le montant du fonds...

M. Bernard Accoyer - Et l'article 40 ?

M. Alfred Recours - On peut toujours faire des propositions et d'ailleurs vous ne vous en êtes pas privés hier, pour réduire les recettes de TGAP par exemple... Eh bien non ! La droite dit : «20 milliards, ce n'est pas assez, donc on les supprime». Il y a une espèce de stakhanovisme de la suppression d'articles et on dit qu'on veut plus, mais on vote moins ! Les Français comprendront sûrement...

Le rapport Charpin fonde ses prévisions sur trois variables principales : l'emploi, la croissance, la population active. Or Lionel Jospin s'est très courageusement fixé l'objectif du plein emploi et les chiffres de septembre confirment que cette perspective est crédible.

M. Jean Bardet - Ce n'est pas grâce aux 35 heures !

M. Alfred Recours - Deuxième élément, on sait qu'un point de croissance représente 80 milliards de francs. Vous voulez nous faire croire que nous serions incapables d'en profiter, sur une vingtaine d'années, pour régler en partie ce problème des retraites ?

Quant à la troisième variable, la population active, que pensez-vous de l'intéressante proposition de M. Juppé de tenir davantage compte des possibilités d'immigration ? (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR)

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - M. Juppé évolue. Et vous ?

M. Alfred Recours - Qu'attendez-vous pour relayer cette proposition ? (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR)

M. Pascal Terrasse - Je voudrais revenir sur l'annonce très importante faite par Mme la ministre concernant la revalorisation du minimum vieillesse : elle répond aux requêtes de nombre d'entre nous, notamment de nos collègues communistes.

Je rappelle, par ailleurs, que le FSV n'est pas abondé uniquement par les droits sur les boissons...

M. Bernard Accoyer - On le sait, on a lu le rapport !

M. Pascal Terrasse - Il est alimenté par d'autres recettes, notamment une fraction de la CSG et de la prestation complémentaire de prévoyance et les intérêts de placements.

Les amendements de suppression 588, 241, 337, 474 et 612, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 339 vise à supprimer une disposition qui a toutes chances d'être inefficace, celle qui prévoit d'alimenter le fonds de réserve par les excédents de la CNAVTS. Qui oserait parier que cette caisse sera durablement en excédent ?

Le rapport Charpin relève qu'à partir de 2006 la population active va baisser rapidement et qu'entre 1995 et 2040 le rapport des retraités par rapport aux cotisants passera de 4 pour 10 à 7 pour 10. Les dépenses de retraite tripleront, alors que le PIB ne fera que doubler. Il est donc illusoire de tabler sur un excédent durable de la branche vieillesse. C'est un moyen de détourner l'attention des Français qui s'inquiètent pour leurs retraites.

Ce qu'il faudrait faire, c'est d'abord équilibrer les différents régimes, ensuite créer de nouveaux outils de retraite complémentaire par capitalisation : ces outils existent déjà pour les fonctionnaires -la PREFON, le CREF, etc. ; ils ont été créés par des syndicats et assortis d'avantages fiscaux. A l'époque, ce privilège se justifiait parce que les fonctionnaires percevaient des salaires moindres que les salariés du secteur privé, alors que la sécurité de l'emploi était générale. Aujourd'hui tout a changé et il n'est pas équitable que le système soit réservé aux seuls fonctionnaires.

Nous proposons de l'ouvrir à tous les salariés et nous souhaitons que le Gouvernement se prononce officiellement à ce sujet.

M. Denis Jacquat, rapporteur - L'amendement propose de supprimer le versement de l'excédent annuel de la CNAVTS au fonds de réserve et donc de réduire les recettes de ce fonds. La commission l'a rejeté.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Même avis.

L'amendement 339, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Je veux donner acte à Mme la ministre du fait qu'elle va revaloriser les pensions des veuves et améliorer la situation des polypensionnés.

Mon amendement 298 vise à exempter le fonds veuvage de l'obligation de reverser ses excédents au fonds de réserve. Ce fonds veuvage est financé par une cotisation de 0,10 % des salaires.

Chacun sait que le fonds veuvage est largement excédentaire et qu'à peine 25 % des cotisations sont reversées aux veuves. Son existence est d'ailleurs «virtuelle» puisqu'il est noyé dans la CNAV. La logique veut que ce fonds assis sur des cotisations spécifiques serve à améliorer l'assurance veuvage. Il est donc anormal que ses excédents aillent au fonds de réserve.

M. Denis Jacquat, rapporteur - Je salue la constance de M. Préel, président du groupe d'étude sur les conjoints survivants, qui se bat depuis longtemps pour améliorer le sort des veufs et des veuves.

De grosses difficultés affectent en effet l'assurance veuvage, du fait notamment de la faiblesse du taux de réversion.

Sur cet amendement cependant, et bien qu'il soulève un problème réel, la commission a donné un avis défavorable pour ne pas réduire les ressources du fonds de réserve.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le risque veuvage doit être apprécié dans sa globalité, quel que soit l'âge des veufs. Avant 55 ans, ils doivent être aidés à se réinsérer dans la vie active ; après 55 ans, ils bénéficient de la réversion. L'enjeu du fonds de réserve est d'une autre ampleur puisqu'il vise à amortir le choc de l'arrivée à l'âge de la retraite des populations du baby-boom, en 2005.

Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement 298.

L'amendement 298, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Secrétaire d'Etat - Les amendements 198 et 199 complètent les amendements du Gouvernement à l'article 2. Ils visent à utiliser les ressources dégagées par la suppression de la contribution des organismes de sécurité sociale au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales pour alimenter le fonds de réserve pour les retraites à hauteur de 5,5 milliards. A cet effet, ils procèdent au transfert d'une fraction du prélèvement de 2 % sur les revenus de patrimoine et de placement de la CNAVTS, de la CNAF et de la CNAMTS vers le fonds de réserve pour les retraites.

L'amendement 198 définit la nouvelle affectation du prélèvement de 2 % sur les revenus de patrimoine et de placement. Ce prélèvement est, en l'état des textes, attribué pour 50 % à la CNAVTS, pour 22 % à la CNAF, pour 28 % à la CNAMTS. Il ira désormais pour 49 % au fonds de réserve, pour 30 % à la CNAVTS, pour 13 % à la CNAF et pour 8 % à la CNAMTS.

L'amendement 199 tire les conséquences de ce transfert de recettes vers le fonds de réserve.

M. Bernard Accoyer - Nos sous-amendements 813 et 812 à l'amendement 199 nous donnent l'occasion de mettre en évidence la perversité du Gouvernement quant au financement des 35 heures. Le jeu de tuyauterie mis en place tend à masquer un véritable détournement des finances sociales. La première manipulation coupable a consisté à prélever 5,6 milliards sur la taxe sur les alcools, réservée jusqu'à cette man_uvre au FSV. La deuxième est dans cet amendement, improvisé sous la pression des partenaires sociaux, lundi dernier. Aujourd'hui, grâce à l'architecture perverse retenue par le Gouvernement, la moitié du produit de la CSG sur l'épargne est détournée en direction du fonds de réserve au détriment des branches famille et vieillesse que vous privez de leurs ressources pérennes. Les communistes ont d'ailleurs montré combien ils étaient attachés à l'idée que la taxation sur l'épargne vienne conforter les régimes sociaux. Il est inadmissible de procéder à de telles man_uvres et de déstabiliser ainsi les finances sociales. On voit là la «crypto-perversité» du Gouvernement. Car la majorité, quant à elle, n'a pas compris le montage. Le résultat de ces subterfuges, c'est que ce sont toujours les finances sociales qui paient la facture des 35 heures.

M. Denis Jacquat, rapporteur - L'amendement 199 est accepté par la commission, qui n'a pas examiné les sous-amendements de M. Accoyer.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis défavorable aux sous-amendements 813 et 812.

M. Bernard Accoyer - Pourquoi ? Nous voulons des explications ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Goulard - Je vous remercie, Monsieur le Président, de me donner la parole, car le sujet est d'importance, surtout après le feuilleton des prélèvements sur l'UNEDIC et les régimes sociaux.

Le Gouvernement a d'abord annoncé qu'il renonçait à ces prélèvements. Or l'article 2 est toujours financé. En même temps, nous n'avons vu apparaître ni ressource nouvelle, ni prélèvement nouveau. Est-ce que par miracle 5,5 milliards seraient tombés du ciel ? En réalité, le Gouvernement a opéré le tour de passe-passe qui consiste à gonfler un excédent au-delà de toute prévision antérieure et à prélever sur ce montant, en l'occurrence pour financer les allégements de charges prévus au titre des 35 heures.

J'ajoute que Mme Aubry, questionnée sur le prélèvement sur l'UNEDIC, a prétendu que le Conseil d'Etat n'avait soulevé aucune réserve relative à la constitutionnalité sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Elle mentait effrontément et n'aurait pas manqué de le faire à nouveau aujourd'hui si elle était restée en séance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Jean Bardet - Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, qui ne manque pas une occasion de faire la leçon aux absents, n'est plus là ! J'ai demandé dans la nuit de mardi à mercredi par quel tour de passe-passe le Gouvernement comptait alimenter le fonds de réserve. J'ai fait de même à propos de mon amendement de suppression de l'article 10 sans obtenir davantage de réponse. Nous posons des questions précises. Nous attendons des réponses qui le soient aussi et elles ne viennent pas. Je demande donc une interruption de séance de trente minutes.

M. le Président - Avant de suspendre la séance pour quelques minutes, je mets aux voix l'amendement 199 et ses sous-amendements.

Les sous-amendements 813 et 812, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 199, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 45, est reprise à 16 heures 55.

M. le Président - Mme la Secrétaire d'Etat a présenté l'amendement 198, sur lequel des sous-amendements sont présentés.

M. François Goulard - En proposant par le sous-amendement 784 de réduire le taux du prélèvement, nous entendons protester contre un procédé malhonnête destiné à financer les 35 heures.

M. Bernard Accoyer - Les sous-amendements 808, 809, 810 et 811 portent également sur le taux et offrent au Gouvernement la possibilité de réaliser un hold-up de moindre importance sur les recettes de la CSG.

Monsieur le Président, je trouve très désagréable que les membres du cabinet du ministre se moquent des orateurs (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). S'ils sont incapables de fournir au Gouvernement les réponses que nous lui demandons sur les raisons de ce détournement de la CSG, qu'au moins ils respectent leur devoir de réserve ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Terrier - C'est inadmissible ! Pour qui vous prenez-vous ?

M. le Président - Je n'ai observé aucun comportement particulier de la part des collaborateurs de Mme la ministre.

M. Bernard Accoyer - Que le Gouvernement assume donc la responsabilité de ce détournement...

Mme la Secrétaire d'Etat - Ça suffit !

M. Bernard Accoyer - ...de la moitié du produit de la CSG sur l'épargne au profit du fonds de réserve et au détriment des caisses de protection sociale.

Le Gouvernement en est arrivé là parce qu'il a dû reculer sous la pression des partenaires sociaux. Que la ministre nous l'explique ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alfred Recours - Elle l'a fait cent fois !

M. Denis Jacquat, rapporteur - La commission n'a pas examiné les sous-amendements 808, 809, 810 et 811, elle a repoussé le 784.

Par l'amendement 198, le Gouvernement propose un nouveau dispositif, prenant sur les excédents des différents régimes, pour compenser la diminution de recettes du FSV. C'est de la tuyauterie. Cela étant, la commission a émis un avis favorable.

M. Alfred Recours - Et elle a eu raison.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis défavorable sur les sous-amendements.

Le sous-amendements 808, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les sous-amendements 784, 809, 810 et 811.

L'amendement 198, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - J'indique que le groupe RPR demande un scrutin public sur l'article 10.

M. Jean-Luc Préel - Mon amendement 299 devrait rencontrer l'assentiment général puisqu'il reprend une proposition du président Fabius : créer des fonds partenariaux de retraite.

Nous sommes bien sûr très attachés au principe des retraites par répartition, mais nous pensons que ce système doit être consolidé par un «troisième étage». C'est dans ce but que nous avions voté la loi Thomas. Malheureusement, la majorité actuelle n'a pas publié les décrets et parle même d'abrogation.

Les fonds de partenariat retraite que l'UDF propose d'instituer seraient ouverts à tout citoyen et devraient investir au moins 50 % de leurs avoirs en actions françaises.

M. Denis Jacquat, rapporteur - Cet amendement est extrêmement intéressant, mais je suis obligé de dire que la commission a émis un avis défavorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. Léonce Deprez - Nous avons cherché à faire oeuvre constructive et nous sommes donc très déçus de l'attitude constamment négative du Gouvernement, avec lequel il n'y a pas de possibilité de dialogue. Pourtant, nous présentons là un amendement d'esprit moderne, qui va dans le sens de ce que préconise le Président Fabius et de ce qu'attendent beaucoup de Français.

M. Pascal Terrasse - Une partie de cet hémicycle souhaite substituer la capitalisation à la répartition. C'est son droit mais pourquoi anticiper sur les conclusions du dialogue que le Premier ministre a engagé avec les partenaires sociaux ? La réflexion a commencé sur la base du rapport Charpin et des décisions seront prise l'an prochain. Nous rediscuterons alors de tout cela.

M. Yves Bur - Comme la TGAP, ces fonds de retraites assureraient un «double dividende» : améliorer les pensions mais aussi favoriser l'emploi, puisque les avoirs seraient investis en actions françaises. On éviterait ainsi que des fonds de pensions étrangers déterminent l'avenir de l'emploi en France.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement ne refuse pas le dialogue, Monsieur Deprez, mais respecte le travail de la commission et par conséquent suit son avis. Cela n'empêche pas le débat et la réflexion de se poursuivre publiquement. Rendez-vous quand le dossier sera mûr. Vos arguments seront pris en compte car, pour ma part, je respecte le Parlement !

L'amendement 299, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Mme la ministre nous a dit que nous approfondirions l'an prochain le débat sur le fonds de réserve. Cela ne suffit pas à dissiper nos inquiétudes et nos réticences à son sujet. C'est pourquoi nous voterons contre l'article 10.

En revanche, nous voterons l'article 11 car nous prenons acte des efforts annoncés : 1 % d'augmentation pour le minimum vieillesse à partir de janvier et 2 % pour les pensions de réversion. Les retraites bénéficient quant à elle d'un coup de pouce de 1 % en deux ans. Je ne dirais pas que c'est rien, bien sûr, mais tout de même : «Peut mieux faire».

M. François Goulard - Mme la secrétaire d'Etat semble estimer que le débat est clos dès lors que la commission a pris position et s'étonne que nous voulions le reprendre dans cet hémicycle. Nous n'avons pas la même conception de la discussion parlementaire. Nous estimons en effet que c'est notre droit plein et entier que de reprendre en séance publique des arguments déjà échangés en commission.

Ils figureront ainsi au Journal officiel, ce qui permettra à tous le Français d'en prendre connaissance et de comprendre l'enjeu du débat d'aujourd'hui : la démocratie est à ce prix !

M. Bernard Accoyer - Le groupe RPR votera contre cet article parce qu'il est illusoire de penser que la branche vieillesse puisse dégager des excédents suffisants pour alimenter le fonds de réserve comme il convient. En outre, l'amendement qu'a déposé le Gouvernement pour financer la réduction du temps de travail après le rejet de premières dispositions par les partenaires sociaux, illustre une politique à la sapeur Camember : on comble des trous en en creusant d'autres !

En destinant au fonds de réserve la moitié du produit de la CSG prélevée sur l'épargne, auparavant affectée aux branches famille et vieillesse puis, pour partie, à la CMU, le Gouvernement se livre à un nouveau détournement de fonds sociaux, qui obligera à relever encore les cotisations pour combler le déficits. Nous condamnons ces man_uvres pour lesquelles on ne nous a d'ailleurs donné aucune explication -ce qui est le propre de tous ceux qu'on prend en flagrant délit !

A la majorité de 30 voix contre 15 sur 51 votants et 49 suffrages exprimés, l'article 10 modifié est adopté.

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APRÈS L'ART. 10

M. le Président - Je vous informe que l'amendement 10 de la commission a été retiré.

M. Jean-Luc Préel - Je défendrai ensemble les amendements 475, 300 et 576, qui ont tous trois trait au fonds veuvage.

Ce fonds, financé par une cotisation de 0,1 % prélevée sur tous les salaires, est excédentaire depuis l'origine : on n'en utilise qu'environ le quart pour verser l'assurance veuvage. Nous souhaiterions donc qu'un rapport soit présenté au Parlement pour faire le point sur ce fonds et avancer des propositions. Les trois amendements ne diffèrent que pour la date limite proposée pour le dépôt de ce rapport : le 1er mars 2000 pour le 475, le 2 avril pour le 300 et le 1er juin pour le 576. Je m'en remets pour le choix à la sagesse de l'Assemblée, l'important étant que le Parlement soit éclairé.

M. le Président - Pourquoi le 2 avril, et non le 1er ? (Sourires)

M. Jean-Luc Préel - Il importe que le sujet soit pris au sérieux !

M. Denis Jacquat, rapporteur - La commission n'a examiné que les deux premiers de ces amendements, rendant un avis favorable. Je ferai de même, à titre personnel, pour le troisième. Quant au choix, je m'en remettrai, par courtoisie, à Mme la Secrétaire d'Etat.

M. le Président - Comment la commission peut-elle être favorable à des amendements concurrents ?

M. Denis Jacquat, rapporteur - Elle examine les amendement par séries et nous ne pouvons toujours nous souvenir de tous nos votes. Mais, sur le fond, vous avez raison.

M. Jean Bardet - D'où l'utilité de la discussion en séance publique.

Mme la Secrétaire d'Etat - Désolée, mais je ne puis accepter aucun de ces amendements, compte tenu des dispositions dont bénéficieront les veufs et les veuves au titre de l'article 10. Plutôt que de commander un nouveau rapport, mieux vaut poursuivre notre politique de solidarité en continuant de verser à ce fonds les sommes nécessaires.

M. Denis Jacquat, rapporteur - La commission a accepté les deux premiers amendements à l'unanimité. Toutefois, je proposerai de retenir plutôt le troisième, qui propose la date du 1er juin.

Les amendements 475 et 300 sont retirés.

M. François Goulard - Contre l'amendement, pour des raisons que M. Préel comprendra, j'en suis sûr. Depuis l'été 1997, le ministre des affaires sociales n'a cessé de multiplier les effets d'annonce et de créer des groupes de travail ou d'études. Il a également bénéficié d'innombrables rapports : sur les suites du groupe de travail sur la santé publique, sur le laboratoire du fractionnement, sur les UFR de pharmacie, sur les suites du rapport des professeurs Reynaud et Parquet sur les personnes en difficulté avec l'alcool, sur les suites du rapport Biot sur les technologies médicales, sur l'état de l'organisation de la médecine scolaire, sur les suites du rapport préparatoire «réflexion et prospective sur la conférence nationale de santé», sur le troisième cycle de médecine, sur les suites du groupe de travail sur la gynécologie médiale, sur les suites des rapports Reynaud-Parquet-Lagrue sur la santé des 15-25 ans, sur les suites du rapport du docteur Wieviorka sur les toxicomanes dans la cité... Encore passerai-je sous silence les rapports de parlementaires ! Or quel usage le ministère a-t-il fait de tous ces rapports, remis au rythme d'un par mois à peu près ? Que se passe-t-il en son sein pour que de tous ces documents et de tous ces groupes de travail, jamais rien ne sorte ?

M. Denis Jacquat, rapporteur - Je ferai simplement observer à M. Goulard que l'un de ces trois amendements était commun aux trois groupes de l'opposition...

M. le Président - Au surplus, M. Goulard a déposé, avant l'article 14, six amendements... pour demander des rapports ! (Sourires)

M. Claude Evin, rapporteur - Je partage l'avis de M. Goulard sur cette question -à ceci près qu'il conviendrait de distinguer entre les rapports demandés par le Gouvernement pour éclairer ses décisions et les rapports demandés par le Parlement au Gouvernement. Ceux-ci peuvent être utiles et nos demandes peuvent avoir quelque portée, je pense, mais à une condition : que nous ne les multipliions pas à tout propos. C'est pourquoi je me prononcerai contre l'amendement.

L'amendement 576, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ART. 11

M. Jean-Luc Préel - Comme l'a confirmé M. Jacquat en commission, le pouvoir d'achat des retraités a baissé ces dernières années, notamment en raison de l'extension forte de la CSG.

En proposant un taux de revalorisation de 0,5 %, vous prétendez donner un coup de pouce de 0,3 %, à strictement parler, vous avez raison, mais en réalité, les retraités ont interprété ce qu'ils ont obtenu en 1999 comme un rattrapage des années antérieures.

M. Pascal Terrasse - Des années Balladur et Juppé !

M. Jean-Luc Préel - Non ! Cela fait de nombreuses années que le pouvoir d'achat des retraités baisse. Vous y avez largement contribué en instituant la CSG puis en y soumettant les revenus de placement par lesquels les retraités complètent souvent leurs pensions modestes.

L'inflation prévue pour 2000 est de 0,9 % mais le taux de croissance du PIB qui comprend notamment le loyer, de 1,2 %. Dans ces conditions, la revalorisation de 0,5 % peut être considérée non pas du tout comme un coup de pouce, mais comme correspondant à une baisse du pouvoir d'achat des retraités.

M. Jean Bardet - L'année dernière, on a anticipé sur l'augmentation de cette année ; de ce fait, celle-ci est moindre. Il n'en reste pas moins que les retraités vont ressentir cette évolution négative. Le Gouvernement montre bien par ces dispositions qu'il n'a aucune politique à l'égard des personnes âgées.

M. François Goulard - L'explication technique du Gouvernement est recevable : c'est vrai. L'inflation a été plus faible que prévu en 1999 ; il peut donc considérer qu'il faut corriger le tir. Les retraités, c'est certain, n'en seront pas satisfaits.

Ce n'est rien à côté de ce que les retraités auront à subir à partir de 2006. En 2040, il y aura 7 retraités pour 10 actifs.

M. Pascal Terrasse - On le sait !

M. François Goulard - Alors ? De tels chiffres appellent autre chose que la tactique de l'édredon ! Mme la ministre reste de marbre et continue de faire son courrier ; pourtant, on ne peut pas être indifférent au problème des retraites. Depuis 1997, on nous a dit : qu'il ne fallait pas faire les fonds de capitalisation ; que, somme toute, la question méritait d'être posée ; qu'on allait commander un rapport ; qu'il est parfaitement concluant ; qu'il est donc urgent d'engager une concertation ; qu'il est urgent d'avoir un rapport sur les résultats de cette concertation ; que Mme Aubry va se concerter avec son collègue de l'économie et des finances -qui est, certes, un éminent jurisconsulte, d'après ce que nous lisons dans la presse... N'est-il pas temps d'agir, quand il y a le feu à la maison ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

Mme Muguette Jacquaint - J'ai déjà dit que, s'agissant de la revalorisation des retraites, cet article ne faisait pas le compte ; il aurait été souhaitable de retenir le taux d'évolution des salaires moyens. Cependant il y a des avancées sur le minimum vieillesse et les pensions de réversion. Nous voterons donc cet article.

M. Pascal Terrasse - M. Préel a reconnu que le pouvoir d'achat des retraités avait diminué ces dernières années...

M. Jean-Luc Préel - A cause de la CSG !

M. Pascal Terrasse - Depuis deux ans, ce pouvoir d'achat augmente. Avec le mécanisme mis en place par le gouvernement Balladur en 1993, il n'évoluerait que de 0,2 % ; or Mme la ministre nous propose 0,5 %. On ne peut pas à la fois nous reprocher d'être laxistes dans la gestion des finances publiques et nous demander toujours plus...

Je voudrais insister sur la situation parfois dramatique des personnes relevant de la CAMAVIC, la caisse de retraite des prêtres. Mes collègues Marie-Françoise Clergeau et Robert Gaïa sont très attentifs à ce problème.

Mme la Secrétaire d'Etat - Monsieur Goulard, rassurez-vous, je n'écris pas mon courrier ! Je prends scrupuleusement des notes pour établir un florilège de vos affirmations.

M. François Goulard - Pardonnez-moi, je me suis emporté.

Mme la Secrétaire d'Etat - Les règles de revalorisation des pensions mises en place en 1993 viennent à échéance fin 1999. Une règle pérenne sera définie dans le cadre de la concertation sur la réforme des régimes de retraite. La mesure prise cette année, même si elle peut vous paraître insuffisante, tranche avec la pratique des gouvernements précédents, qui avaient augmenté les prélèvements pesant sur les retraites de 4,2 points entre 1993 et 1997. Depuis 1997, nous avons augmenté le pouvoir d'achat des retraités.

Les règles précédentes conduiraient pour 2000 à une revalorisation limitée à 0,2 %. Le Gouvernement, souhaitant faire profiter les retraités des fruits de la croissance, propose de la porter à 0,5 %. Le pouvoir d'achat des retraités aura ainsi augmenté d'un point sur deux ans.

Le coût de la revalorisation est d'1,7 milliard pour le régime général, dont 1 milliard pour la majoration de 0,3 point. Cette revalorisation s'applique aussi à d'autres régimes de retraite ainsi qu'aux pensions d'invalidité et rentes d'accidents du travail ; le coût global de la mesure est de 3 milliards.

Monsieur Terrasse, l'intégration au régime général de la caisse de retraite des cultes a été décidée en 1998. Le déficit sera pris en charge par le régime général ; la loi portant création de la CMU a réduit les cotisations maladie pour les prêtres payant la CSG ; le coût pour la collectivité est de 100 millions. Pour examiner le problème que vous soulevez, nous allons recevoir des représentants des cultes la semaine prochaine.

L'article 11, mis aux voix, est adopté .

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APRÈS L'ART. 11

M. Bernard Accoyer - L'amendement 341 appelle l'attention sur la situation financière des veuves, qui a été malmenée par ce Gouvernement, comme d'ailleurs les prestations sociales et les avantages fiscaux réservés aux femmes seules ayant élevé des enfants.

Nous proposons que les crédits du fonds national d'assurance veuvage servent exclusivement à la couverture sociale des veuves de moins de 55 ans, conformément à l'objet du fonds.

M. Denis Jacquat, rapporteur - Je rappelle qu'il y a aussi des veufs, même s'ils sont trois fois moins nombreux que les veuves.

Jean-Luc Préel, en tant que président du groupe d'étude sur les conjoints survivants, insiste régulièrement sur la nécessité d'améliorer la situation de ces personnes. Mme Aubry nous a annoncé des propositions. Nous les attendons.

La commission a rejeté l'amendement.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis défavorable.

L'amendement 341, mis aux voix, n'est pas adopté

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ART. 12

M. Yves Bur - Je voulais m'exprimer au nom de mon collègue Gérard Grignon et dire sa satisfaction de voir prorogé le dispositif visé par cet article.

M. François Goulard - L'article 12 proroge les dispositions limitant le cumul entre retraite et emploi.

Pour ma part, je ne vois pas le caractère nocif d'un tel cumul. C'est une erreur de croire qu'un retraité qui travaille occupe l'emploi d'un plus jeune : ce raisonnement part de l'idée simpliste qu'il y aurait dans le pays un nombre déterminé d'emplois, ce qui est inexact. En réalité quand quelqu'un continue à travailler pendant sa retraite, il est créateur de richesse et cette richesse contribue à créer de l'emploi.

Les incitations financières à ne pas poursuivre d'activité ne sont ni souhaitables ni justes. Pourquoi quelqu'un qui a cotisé ne pourrait-il toucher sa retraite ? C'est d'autant plus injuste que le revenu d'activité vise souvent à compléter une retraite trop faible.

Dans nos assemblées, nous admettons fort bien que ceux d'entre nous qui sont retraités touchent une indemnité parlementaire. Pourquoi ne pas reconnaître le même droit aux salariés modestes ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Aujourd'hui, 280 000 personnes cumulent un emploi et une retraite, mais la plupart n'ont qu'une activité occasionnelle. Seules 70 000 ont une activité stable rapportant plus que le SMIC. Il s'agit essentiellement d'anciens militaires ayant pris une retraite précoce pour se reconvertir dans le secteur privé.

Si le dispositif actuel n'était pas reconduit, le cumul des ressources ne serait pas limité et cela aurait un impact négatif à la fois sur le taux de chômage et sur la situation financière des caisses, qui devraient faire face à un nombre très important de demande de liquidation de droits anticipés.

Une mission a été confiée le 30 juillet à M. Balmary pour étudier un aménagement des règles actuelles, dans le cadre de la réforme des retraites.

Je tiens à vous rassurer : les rapports demandés par le ministère sont suivis d'effet et celui-ci alimentera une réflexion, qui donnera lieu à des propositions soumises à votre assemblée.

L'article 12, mis aux voix, est adopté.

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ART. 13

M. Bernard Accoyer - Cet article 13 concernant un régime particulier de retraites, c'est l'occasion de réfléchir au caractère éclaté et inégalitaire de nos régimes de retraite. Le régime général, les régimes particuliers et les régimes spéciaux diffèrent tant par le niveau des cotisations que par celui des prestations ou l'âge de départ à la retraite.

La caisse des géomètres-experts, visée par cet article, n'est pas la seule à connaître des difficultés financières ; plusieurs régimes sont en quasi-cessation de paiements.

Je fais également remarquer que les retraites du secteur public, qui s'élèvent à quelque 150 milliards par an, ne sont pas clairement distinguées des rémunérations. Nous demandons avec insistance la création d'une caisse des agents publics de l'Etat pour mieux identifier ces dépenses, qui représentent 10 % du budget de l'Etat, et qui ne sont pas couvertes par les seules cotisations : les contribuables y participent à raison de 50 milliards de francs. Ces transferts mériteraient d'être mieux évalués.

Les projections à l'an 2010 font apparaître un déficit supplémentaire de 65 à 120 milliards. Si on y ajoute les 370 milliards de la CADES et le déficit prévisionnel de 60 milliards par an de la CNAV, le montant du fonds de réserve paraît dérisoire. C'est en réalité une dérobade très grave.

Cet article 13 intègre une caisse à faibles effectifs dans une caisse plus importante. Chaque année, la loi de financement de la Sécurité sociale comporte des opérations de consolidation de ce type, qui se font dans des conditions plus ou moins satisfaisantes.

L'intégration des ministres des cultes, en 1998, s'était faite dans de bonnes conditions, celle des notaires et clercs de notaires avait été beaucoup plus contestée.

Ce que vous proposez pour les géomètres-experts dans l'article 13 me paraît très satisfaisant et je l'approuve.

Mais vous ne serez pas étonné que j'évoque aussi, à cette occasion, le sujet des retraites des fonctionnaires. Nous avions déposé un amendement que la commission a déclaré irrecevable et qui visait à instituer une caisse des agents de l'Etat, ceci dans un souci de clarté. Les fonctionnaires n'y perdraient rien, mais nous aurions une vision d'un coût actuel, et surtout futur, de ces retraites...

M. Jean-Luc Préel - Il faudrait prévoir une gestion paritaire.

M. François Goulard - Absolument.

L'article 13, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 13

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 755 vise à permettre aux artisans et aux commerçants, qui n'ont pu, pour des raisons diverses, acquitter leurs cotisations de retraite avant 1973, de régulariser leur situation. La possibilité leur est ainsi offerte, pour la quatrième fois, de racheter pendant une durée d'un an des points de retraite. Le coût du rachat est calculé pour être neutre sur l'équilibre à terme des caisses de retraite. Cette mesure de bienveillance concerne environ 3 000 artisans et commerçants, tenant compte des aléas qui affectent ce secteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur - Avis favorable.

M. Bernard Accoyer - Nous aurions souhaité que la solidarité nationale se déploie plus largement. Le délai de rachat, fixé à un an, est trop court. Si nous avons été matériellement empêchés de sous-amender, je tiens à souligner que le Gouvernement procède à un nouveau détournement.

Il faut ouvrir aux anciens commerçants un droit de rachat permanent donnant lieu à avantage fiscal. Depuis 1967, un régime de retraite par capitalisation est ouvert aux agents publics. Il ne serait que justice d'offrir les mêmes facilités au reste de la populaiton. Par parti pris, le Gouvernement refuse de progresser franchement sur la voie de l'équité. Nous voterons néanmoins cet amendement.

M. Maxime Gremetz - Ah !

M. François Goulard - Nous aussi. Cependant, il aurait été opportun de faire état de la concertation intervenue préalablement avec les représentants des catégories intéressées.

L'amendement 755, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

M. le Président - Je vous félicite, Madame la ministre...

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AVANT L'ART. 14

M. François Goulard - Suivant attentivement, Madame la ministre, l'action de votre département, je constate que les annonces sont nombreuses et les actes beaucoup moins...

J'ai noté par exemple que votre prédécesseur avait annoncé qu'il fallait doubler le nombre de lits d'hospitalisation à domicile et je partage son point de vue. Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Mon amendement 615 tend, plutôt qu'à demander un rapport de plus, à obtenir des informations sur vos décisions en la matière.

Dans le même esprit, l'amendement 616 vise à connaître vos projets en ce qui concerne la refonte de la carte hospitalière, après les annonces de votre prédécesseur. Celui-ci avait aussi fait des déclarations qui m'ont semblé contradictoires sur l'existence d'un seuil de dangerosité des maternités : celles qui réalisent moins de 200 accouchements par an seraient dangereuses ; puis il a contesté la notion de seuil... Quelle est aujourd'hui la doctrine du Gouvernement sur ce point ? Telle est la question que pose mon amendement 621. Dans la même logique de demande d'information, mon amendement 622 porte sur la grande campagne nationale d'information sur la contraception. Il en va de même de mon amendement 625 au sujet de la prise en charge à 100 % du dépistage systématique de trois cancers particulièrement meurtriers -côlon, sein, utérus. Enfin, mon amendement 626 a trait à l'annonce qui avait été faite de la prise en charge du forfait de sevrage du tabac.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance maladie et les accidents du travail - Ces amendements n'ont pas été examinés en commission. M. Goulard évoque des sujets importants. Toutefois, l'annexe B du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000, pour méconnue qu'elle soit encore, constitue une mine d'informations sur nombre de points, dont certains viennent d'être soulevés par notre collègue. Veillons à ne pas multiplier les rapports.

A juste raison, M. Goulard a évoqué la question des maternités «viables» ou dangereuses : à cet égard, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, dans le cadre de ses recommandations globales sur la sécurité des accouchements et de la procédure d'accréditation, mène l'action nécessaire. Je suis donc défavorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - Quelques précisions sur l'hospitalisation à domicile : il s'agit, pour répondre à un souhait grandissant de la population et notamment des personnes atteintes de maladies chroniques graves, d'offrir à domicile des soins de qualité équivalents à ceux qui pourraient être dispensés à l'hôpital. La formule reste malheureusement peu développée dans notre pays : cinquante deux départements en sont dépourvus et il n'y a au total que 3 900 places, 58 % relevant de l'action d'associations et 42 % de structures participant au service public hospitalier. Le Gouvernement entend développer ce type d'hospitalisation, qui se marie bien avec l'objectif d'un travail de santé en réseau, comme avec celui de la maîtrise des dépenses hospitalières ou encore avec le plan biennal de développement des soins palliatifs présenté le printemps dernier. Je m'en suis d'ailleurs entretenue avec le sénateur Neuwirth qui est très attaché à cette question. Des dispositions tendant à développer l'hospitalisation à domicile interviendront dans les mois qui viennent.

Comme l'a dit Claude Evin, le rapport annexé au plan de financement apporte des réponses à plusieurs de vos questions.

La périnatalité est une priorité de santé publique. C'est bien sur la base de rapports existants qui peuvent vous être communiqués que nos projets sont élaborés et je ne crois pas qu'un rapport de plus soit nécessaire. Il en va de même pour la contraception. La campagne d'information financée par le budget 1999 et qui est en cours de réalisation a été conçue à partir des informations que nous avions recueillies sur l'insuffisante prise en charge de la fécondité, sur le nombre de grossesses non désirées qui en découlaient, ainsi que sur les IVG.

L'amendement 615, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 616, 621, 622, 625 et 626.

M. François Goulard - Rappel au Règlement sur la base de son article 58 relatif à l'organisation de vos travaux. Nous n'arrivons qu'après de longues heures de débat au chapitre essentiel relatif à l'assurance maladie. Je trouve regrettable que nous soyons ainsi amenés à en débattre pendant toute la nuit...

M. Maxime Gremetz - Pourquoi ? On peut continuer samedi et dimanche...

M. François Goulard - ...en l'absence de nombreux collègues, empêchés. Cela n'est nullement imputable à l'attitude de l'opposition qui n'a usé ni des suspensions à répétition ni des demandes de vérification du quorum, mais bien à la façon dont sont organisés nos débats et au temps consacré à l'examen de l'article 2 qui n'avait qu'un rapport ténu avec la Sécurité sociale.

Je regrette aussi que Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité ne soit pas là au moment où nous abordons ce sujet...

Mme la Secrétaire d'Etat - Je suis là, moi !

M. François Goulard - ...qui, Madame, relèvent plus de sa compétence que de la vôtre, même si vous représentez, bien sûr, tout le Gouvernement. Je souhaite donc que nous terminions nos travaux ce soir à une heure raisonnable et que l'on trouve un autre moment pour inscrire la suite de ce débat, en présence de Mme Aubry (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - J'ai pris acte de vos observations. Je noterai que la longueur des débats est pour une part imputable au nombre des amendements, supérieur à ce qu'il était dans le passé.

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ART. 14

M. Jean-Luc Préel - Nous progressons puisque nous en sommes au quatorzième des 31 articles. Il est vrai que l'article premier et le rapport annexé seront examinés à la fin de la discussion.

Le budget de la santé est très modeste. Peut-être est-ce pourquoi le ministère entend se décharger sur la CNAM de deux responsabilités importantes : les consultations de dépistage anonyme et gratuit du virus du sida et les centres de planification et d'éducation familiale. Je n'ai pas déposé d'amendement, mais j'aimerais savoir si l'Etat entend apporter à la CNAM, hors ONDAM, une compensation pour ces 30 millions de charges nouvelles. Les établissements de santé seront-ils «rebasés» hors dotation globale, afin d'en tenir compte ?

M. Bernard Accoyer - Cet article nous montre comment le Gouvernement entend assumer ses responsabilités en matière sociale : il transfère sur la CNAM la charge des centres de dépistage du VIH et des centres d'éducation et de planning familial.

Pourtant l'éducation sanitaire, la prévention, sont bien du ressort de l'Etat. La France est très en retard en ce domaine et ce n'est pas avec un budget de la santé inférieur à 0,5 % du budget de l'assurance maladie que cela ira mieux. Ce manque de volonté politique, qui relègue la France au rang des pays sous-développés, me désole. A-t-on déjà oublié que l'allongement considérable de la durée de vie est lié essentiellement aux progrès de l'hygiène et des vaccins ? Il est vraiment regrettable que le Gouvernement se désintéresse de la prévention.

Biens sûr, on me répondra qu'une grande loi de santé publique est en préparation, mais il n'est pas de grande loi sans moyens.

M. Jean Bardet - Je m'associe à la protestation de M. Goulard. On ne peut prétendre que c'est en raison de l'obstruction de l'opposition que nous n'abordons que ce soir l'assurance maladie. Nous avons passé quatre jours à discuter de dispositions qui n'auraient pas dû figurer dans ce projet.

M. Bernard Accoyer - Très bien !

M. Jean Bardet - Je me souviens du temps où certains, aujourd'hui ministres, prenaient la parole des heures durant pour défendre des motions de procédure.

M. Bernard Accoyer - Et où il y avait 4 000 amendements !

M. Jean Bardet - Et s'il y avait moins d'amendements jadis, Monsieur le Président, c'était sans doute parce que les textes étaient plus précis.

J'en reviens à l'article 14. Nous assistons depuis l'an dernier à un désengagement de l'Etat en matière de santé. L'an dernier, c'étaient les Centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie qui en avaient pâti, ainsi que le programme national de dépistage des cancers. Cette année, ce sont les consultations de dépistage anonyme et gratuit -CDAG- et les centres de planification ou d'éducation familiale -CPEF. Bien entendu, une compensation financière est prévue, de l'Etat vers l'assurance maladie : 27 millions pour les CDAG et 2,72 millions pour les CPEF. Mais l'on sait, hélas, ce qu'il advient de ces compensations avec le temps. Nous n'avons aucune garantie que ces dotations resteront à des niveaux satisfaisants.

L'article 14 me paraît donc inadapté aux exigences d'une prévention moderne.

M. François Goulard - L'article 14 a un enjeu financier apparemment modeste -2,72 millions pour les CPEF, pour ne citer qu'eux. J'admire au passage la précision du chiffrage et je note que l'on consacre quand même toute une page du projet à cette mesure d'apparence modeste...

M. Bernard Accoyer - Alors qu'il n'y a que vingt lignes sur les retraites !

M. François Goulard - Au-delà des sommes elles-mêmes, quels sont les rôles respectifs de l'assurance maladie et de l'Etat en matière de santé publique, de dépistage et de prévention ?

Je n'ai rien de spécial contre cet article mais je m'étonne, Madame la secrétaire d'Etat, que vous anticipiez ainsi sur la grande loi de santé publique que vous annoncez. Pourquoi ce petit bricolage ?

M. Bernard Accoyer - Les 35 heures vont développer le bricolage...

M. François Goulard - La question des rôles respectifs de l'Etat et de l'assurance maladie ne doit-elle pas être posée plutôt dans le cadre de la grande réforme à venir ?

M. Jean Bardet - L'impact financier du transfert prévu par cet article est précisé, ce qui est un progrès par rapport à l'an dernier, mais alors même que les dépenses transférées entreront désormais dans l'ONDAM, il n'est pas prévu de fléchage particulier permettant leur suivi. Surtout, il est inacceptable que l'Etat se désengage ainsi.

C'est pourquoi mon amendement 34 tend à la suppression.

M. Bernard Accoyer - Je vais présenter en même temps mes amendements 343 à 348, qui sont des amendements de suppression totale ou partielle de l'article, sauf le 345 qui tend à ce que le transfert de charge de l'Etat vers l'assurance maladie soit soumis à l'avis conforme du conseil d'administration de la CNAM. J'observe en effet que le Gouvernement se sert trop souvent de celle-ci comme d'un bouclier alors que c'est lui qui provoque le conflit avec les professionnels de la santé et bientôt avec les usagers.

Je déplore par ailleurs que la lutte contre le sida ne soit plus une priorité pour le Gouvernement. Certes, cette maladie s'est en quelque sorte banalisée, mais précisément elle n'en est que plus redoutable car tout un chacun peut être contaminé, quelles que soient ses pratiques. J'ajoute qu'il n'existe toujours pas de traitement guérissant le sida et que le virus pourrait fort bien muter et prendre des formes encore plus redoutables. La lutte contre le sida doit donc rester une priorité de santé publique.

M. Claude Evin, rapporteur - J'approuve ce qui a été dit sur la nécessité de développer la prévention, mais tel n'est pas directement le sujet de l'article 14, qui opère un simple transfert de financement vers les caisses de sécurité sociale. Le dépistage anonyme et gratuit reste pris en charge à 100 %.

Avis défavorable, donc, sur les amendements de suppression.

Mme la Secrétaire d'Etat - Il est logique que tout ce qui relève de la prévention secondaire soit pris en charge de la même manière, en l'occurrence par les comptes de la Sécurité sociale. Le mouvement a été engagé l'an dernier avec les CHAA, il se poursuit cette année avec les CDAG et les CPEF. La prévention apparaît ainsi clairement comme un acte de santé publique, pris en charge par la protection sociale. L'Etat récupère ainsi un potentiel financier qui lui permet de mener d'autres actions de santé publique et d'éducation à la santé. Et c'est la loi qui fixe les missions des organismes concernés.

M. Jean-Luc Préel - Vous me permettez de vous interrompre ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Non, vous nous avez déjà abreuvés de vos arguments (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jean-Luc Préel - Je vous en prie ! Mesurez vos propos, vous êtes un ministre de la République ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Secrétaire d'Etat - Et vous un membre de la représentation nationale (Exclamations sur les bancs du groupe UDF)

Allons, Monsieur Préel, je veux bien retirer le mot «abreuvés». Je voulais simplement dire que vous nous aviez largement dispensé vos arguments et que nous en avions fait notre miel (Sourires).

A l'origine, les dépenses des CDAG étaient prises en charge par l'Etat à hauteur de 30 % et par l'assurance maladie à hauteur de 70 %. Pourquoi ? Parce qu'à l'époque la détection des anticorps anti-VIH n'était pas remboursée à 100 % par l'assurance maladie. Il était donc naturel que l'Etat contribue, pour partie, à la prise en charge des dépenses dans un dispositif qui se voulait gratuit et anonyme. En 1992, la participation de l'Etat à été ramenée à 15 % et depuis 1993, l'assurance maladie prend en charge à 100 % les frais de dépistage ; il n'y a donc plus lieu de prévoir un financement spécifique de l'Etat. Il ne s'agit en rien d'un désengagement puisque les crédits alloués par la loi de finances à la lutte contre le sida et les maladies transmissibles se monteront au total à près de 525 millions en 2000, soit une augmentation de 5,6 %.

Le transfert du financement des CDAG et des CPEF à l'assurance maladie permet en revanche une réallocation des moyens de l'Etat à d'autres actions : les crédits dont disposeront les services déconcentrés croîtront de 6 650 000 F et, pour la première fois, les actions de solidarité thérapeutique internationale seront dotées de 21 millions.

Que l'assurance maladie prenne à sa charge la prévention individuelle est logique. Et si elle finance le dépistage des maladies aux conséquences mortelles évitables, c'est que le Parlement en a décidé ainsi, en adoptant l'article 20 de la loi de financement pour 1999. Ce mouvement s'inscrit dans une évolution de l'assurance maladie, qui travaille de plus en plus à prévenir. Par ailleurs, conformément à la loi sur la couverture maladie universelle, les missions des consultations de dépistage, ont été étendues à d'autres maladies transmissibles, comme l'hépatite C. Comme l'infection à VIH, celle-ci demande une prise en charge globale, ce qui conduit à réfléchir à un système de paiement plus adapté que le paiement à l'acte. La prise en charge par l'assurance maladie constitue donc une mesure de simplification et de cohérence.

De même, le transfert aux organismes d'assurance maladie de la part à la charge de l'Etat pour les dépenses des dépistages et des traitements réalisés par les centres de planification et d'éducation familiale pour les mineurs et les personnes ne relevant d'aucun régime d'assurance maladie, simplifie le remboursement de ces centres, qui n'auront désormais à s'adresser qu'à un unique interlocuteur.

Aussi le Gouvernement ne peut-il être que défavorable à la suppression de l'article.

M. Jean Bardet - Cette fois, nous ne pouvons vous reprocher d'avoir répondu trop brièvement... Mais vous nous inspirez une double inquiétude. Ce transfert de charges, avez-vous dit d'abord, permettrait de dégager des crédits pour mener d'autres actions : cela ne signifie-t-il pas que vous ne rendez pas tout à l'assurance maladie, que vous vous gardez un pécule ?

D'autre part, vous jugez normal que l'Etat ait contribué au financement du dépistage du sida lorsque celui-ci n'était pas pris en charge à 100 % par la Sécurité sociale, mais qu'il ne le fasse plus maintenant que cette prise en charge est totale. Mais c'est reconnaître que la Sécurité sociale assume une charge supplémentaire... et que l'Etat se désengage. C'est précisément ce que nous dénonçons !

Mme la Secrétaire d'Etat - Je veux dissiper tout malentendu : l'ONDAM prend bien cela en compte. Et l'argent que l'Etat consacrait aux actions de dépistage va maintenant l'être à des actions de prévention et d'éducation à la santé, comme vous le demandez. Je ne comprends donc pas que vous nous cherchiez des poux dans la tête, si vous voulez bien me passer cette expression familière.

M. le Président - Je vais mettre aux voix les amendements de suppression (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Les amendements 34 et 343, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que les amendements 344 à 348.

L'article 14, mis aux voix, est adopté.

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ART. 15

M. Jean-Luc Préel - Comme le précédent, cet article organise un désengagement de l'Etat et un transfert financier non compensé, au détriment de l'assurance maladie comme d'autres le sont au détriment des collectivités locales.

Modifiant l'article 3 de la loi du 31 décembre 1970, relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie, il organise en effet le transfert à l'assurance maladie des dépenses de cures nécessitant un hébergement dans un établissement de santé. L'Etat abandonne ainsi deux missions régaliennes : l'assistance aux personnes en situation de faiblesse et la garantie de l'ordre public.

Le transfert financier devrait porter sur 73 millions : les hôpitaux recevront-ils une dotation hors enveloppe ? Qui prendra en charge le forfait journalier pour les toxicomanes hébergés ?

M. Bernard Accoyer - Cet article mérite en effet d'être dénoncé au même titre que le 14. Il n'est pas admissible que l'Etat se défausse ainsi de ses responsabilités et c'est d'autant plus grave en l'occurrence que ce transfert va aboutir à une difficulté de taille : lorsqu'une juridiction aura prononcé à l'encontre d'un toxicomane une injonction thérapeutique, nous ne sommes pas assurés que l'ONDAM, que la dotation des établissements concernés permettent de satisfaire à cette obligation de traitement.

Du point de vue symbolique, également ce désengagement est désolant à un moment où la toxicomanie progresse. Ce sera une raison de plus de repousser cet article.

M. Jean Bardet - Cet article a en effet des implications judiciaires. Je ne suis pas sûr que le Gouvernement l'ait perçu mais, s'il l'a fait, ce transfert serait une faute encore plus grave.

Le transfert à l'assurance maladie des dépenses de cure nécessitant un hébergement dans un établissement de santé conduira à terme l'Etat à renoncer à deux de ses fonctions régaliennes, comme l'a souligné M. Préel.

Outre le milieu médical, qui prodigue les soins, et les acteurs du système socio-éducatif, qui s'occupent de prévention et de réinsertion, les juridictions sont directement concernées par la toxicomanie. Le code de la santé publique prévoit que le Parquet ou la juridiction de jugement peuvent rendre une ordonnance d'injonction thérapeutique contre les usagers de stupéfiants. Ne peut-on craindre que, faute de crédits, demain, ceux qui auront reçu une telle injonction ne puissent trouver de place dans un établissement de santé ? Il est en effet prévu que les dépenses afférentes à ce transfert seront incluses dans le budget global. Si, pour 2000, il n'y va que de 73 millions, qu'en sera-t-il des années suivantes, surtout dans les hôpitaux dont la dotation globale est inférieure au taux directeur moyen ? Sans parler de conséquences pour sa santé, on mesure aisément la situation dans laquelle se trouverait le justiciable. Comme il ne s'agit pas d'une mesure de placement, l'autorité judiciaire n'a pas, en effet, à rechercher de structure d'accueil.

C'est pourquoi ce transfert n'apparaît pas souhaitable.

M. François Goulard - Sur l'aspect judiciaire de cet article, je souscris à ce qu'a dit votre collègue Bardet.

Comme à l'article précédent, on déplace la frontière entre l'Etat et l'assurance maladie. Même si le transfert financier n'est pas énorme -73 millions, dites-vous dans l'exposé des motifs-, ce n'est pas opportun. Notre opposition à cet article se fonde donc sur les mêmes critiques que précédemment.

Mme la Secrétaire d'Etat - Oui, la toxicomanie est un mal terrible, mais cet article ne constitue en rien un désengagement. Il y a simplement transfert vers l'assurance maladie du financement des cures de sevrage réalisées en milieu hospitalier, en raison de leur caractère médicalisé. Il s'agit bien de soins, dispensés dans le cadre d'une hospitalisation continue d'une durée moyenne de 8 jours. On évalue à 4 000 le nombre de cures de sevrage réalisées par an.

Ce système protégera sans doute mieux l'anonymat des bénéficiaires que celui dans lequel l'hôpital se retourne vers les représentants départementaux de l'Etat pour se faire rembourser. Tout en clarifiant les responsabilités, il simplifie la procédure budgétaire, en intégrant cette charge au sein de la dotation globale hospitalière. Pour le patient, les principes de gratuité et d'anonymat, qui sont essentiels, demeurent.

Je rejette les amendements de suppression.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Madame la ministre, j'aimerais savoir comment vous avez évalué l'impact financier du transfert à 73 millions, et comment la répartition des moyens sera faite. Un CHU comme celui de Nice, qui est le deuxième quant au volume des soins dispensés aux toxicomanes, pourra-t-il se prévaloir de l'importance de son activité dans ce domaine ?

Mme la Secrétaire d'Etat - L'évaluation financière du transfert se fonde sur les factures présentées pour remboursement aux services déconcentrés de l'Etat. Les dotations seront attribuées aux centres hospitaliers selon des arbitrages qui s'appuieront sur l'activité constatée.

M. Jean Bardet - Mon amendement 35 tend à supprimer cet article. A force de dire que les hôpitaux sont dans les clous, Madame le ministre, vous finissez par le croire... Pourtant, la plupart des services hospitaliers, dès ce mois d'octobre, sont obligés, faute de moyens financiers, de reporter des soins à l'année prochaine ou de transférer leurs malades.

Pour certaines pathologies, cela n'a pas une grosse importance d'attendre un mois ou deux ; mais qu'en sera-t-il pour un toxicomane ?

Vous êtes en train de rire, Madame le ministre, mais savez-vous ce que c'est que le budget global ? Quand la somme est dépassée, le directeur de l'hôpital vous interdit de dispenser des soins !

M. Bernard Accoyer - Nous sommes affligés de la légèreté dont fait preuve le Gouvernement quand nous lui posons des questions d'une telle gravité (Mme la Secrétaire d'Etat proteste).

Le sida, la toxicomanie sont des fléaux des temps modernes. Or l'Etat se désengage. Peut-être, Madame la Secrétaire d'Etat, n'avez-vous pas encore eu le temps depuis votre arrivée au Gouvernement de vous pencher sur le problème du budget global et de l'insuffisance des dotations hospitalières (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) ; vous allez sûrement recevoir les organisations syndicales représentatives des personnels hospitaliers, qui vous diront toutes leur inquiétude devant la dégradation de la situation. Parce que cet article charge encore un peu plus l'hôpital public, j'en demande la suppression par l'amendement 350.

Les amendements 35 et 350, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés

L'article 15, mis aux voix, est adopté.

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ART. 16

M. Yves Bur - Cet article concerne les centres de santé. Il est normal que leur activité s'inscrive dans le cadre d'un dispositif conventionnel ; nous aurons d'ailleurs l'occasion de débattre des objectifs qu'il conviendrait de leur fixer, comme on le fait pour les professionnels de santé.

Je conviens du rôle que jouent ces centres en matière de prévention ; mais faut-il leur reconnaître en ce domaine une capacité d'intervention beaucoup plus facilement qu'aux professionnels de santé, dont la rémunération à ce titre n'est d'ailleurs pas prévue ?

Cela me choque d'autant plus que certains centres utilisent la prévention comme prétexte pour demander des subventions. J'ai reçu une revue qui fait état d'une enquête de l'IGAS. L'IGAS relève que la plupart des centres ne tentent pas particulièrement de répondre aux besoins des populations les plus démunies (Protestations sur les bancs du groupe communiste). La venue de marginaux -SDF, toxicomanes, étrangers- ne semble guère appréciée. Au total, la clientèle des centres n'est ni plus ni moins défavorisée que la moyenne du quartier (Mêmes mouvements).

Mme Muguette Jacquaint - C'est n'importe quoi, votre revue !

M. Yves Bur - Pas du tout, on y retrouve même la signature de Mme Jacquaint ! (Sourires)

J'aimerais que le Gouvernement nous informe des suites qu'il compte donner à ce rapport de l'IGAS. Dans un certain nombre de cas, ces centres n'ont pas d'action de prévention et se contentent de dispenser des soins sans autre vocation que de concurrencer la médecine libérale ("Ah ! Nous y voilà !" sur les bancs du groupe communiste) en reportant leur déficit sur les collectivités locales ou la Sécurité sociale.

M. Bernard Accoyer - Certains articles d'un projet de loi sont comme un chiffon rouge agité devant un taureau ! C'est le cas de celui-ci pour les professions de santé libérales. Alors qu'elles sont déjà en ébullition, vous avez décidé, Madame la ministre, d'allumer un turbo sous la marmite ! (Interruptions sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

Les centres de santé, cela nous ramène à M. Ralite, ministre de la santé de M. Mauroy, c'est également l'enfant chéri de M. Claude Evin, qui est un garçon sympathique, mais qui a quelques marottes... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Cet article est préoccupant pour plusieurs raisons. D'abord, comme l'a dit Yves Bur, un rapport récent de l'IGAS devrait nous amener à nous interroger sur le rapport entre le service rendu et le coût, car nombre de centres relèvent de mutuelles ou d'associations.

En cherchant à les pérenniser, vous allez, Madame la ministre, semer encore plus le trouble chez vos interlocuteurs naturels, les professionnels de santé libéraux, qui étaient dans la rue il y a peu.

Le bilan de l'action médico-sociale de ces centres est loin d'être satisfaisant et le coût des soins qui y sont pratiqués est élevé : par exemple les centres dentaires mutualistes ont un déficit important et ce sont les mutualistes qui doivent le combler. C'est aussi sur eux que va peser l'essentiel du coût de la CMU et ils commencent à s'en inquiéter.

Vous prévoyez de passer des conventions avec ces centres, mais vous ne prévoyez pas de système de régulation de leurs dépenses et la CNAM a saisi tous les parlementaires pour demander qu'ils présentent un amendement en ce sens.

Le système de subventionnement automatique des centres de santé par les caisses d'assurance maladie va aggraver encore les charges pesant sur celles-ci. Ce n'est pourtant pas le moment !

Mme Muguette Jacquaint - Cela représente seulement 1 % des dépenses !

M. Bernard Accoyer - 1 % des dépenses, c'est la moitié de l'ONDAM ! Nous nous opposerons à cet article.

M. Jean Bardet - A l'évidence, cet article est idéologique (Protestations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). Il va dans le sens du collectivisme (Rires sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). Chers collègues, assumez donc vos responsabilités : vous êtes pour le collectivisme de la médecine, ne dites pas le contraire !

Cet article remet au premier plan de l'actualité une structure qui était en train de disparaître d'elle-même. Ces centres avaient été créés par le ministre de la santé communiste, Jack Ralite (Interruptions sur les bancs du groupe communiste), lors du premier gouvernement de Pierre Mauroy et les socialistes l'avaient accepté parce qu'ils devaient -déjà !- donner des gages aux communistes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). L'histoire se répète...

Ces centres de de santé sont devenus sans objet depuis la création de la CMU dont vous affirmez qu'elle permettra l'accès aux soins de tous, y compris des plus démunis, aussi bien dans le secteur libéral que dans le secteur hospitalier.

Il est évident qu'en aucun cas ils ne devraient être des concurrents de la médecine libérale ("Ah !" sur les bancs du groupe communiste).Oui, je défends la médecine libérale et je n'en ai pas honte ! Vous défendez un autre type de médecine, c'est votre choix, assumez-le !

Leur rôle devrait être uniquement la prévention et l'éducation sanitaire, qui sont d'ailleurs les parents pauvres de votre projet. Pourquoi, par exemple, la vaccination contre la grippe n'est-elle pas remboursée ?

M. Jean-Claude Lefort - Qu'est-ce que cette question a à voir avec les centres de santé ?

M. Yves Bur - Monsieur le rapporteur, M. Spaeth nous a dit deux choses importantes : qu'il était contre l'article 2 -sur lequel depuis lors le Gouvernement est revenu- et qu'il ne trouvait pas normal que les centres de santé ne soient pas encadrés financièrement, à la différence des autres structures médicales.

C'est pourquoi nous proposons la suppression.

M. Pascal Terrasse - Il ne convient pas d'opposer le secteur libéral et les centres de santé, tous deux ont leur place dans le champ sanitaire.

Cet article vise à inscrire leurs missions et leur statut dans le code de la santé et à instaurer un dispositif conventionnel.

Ces centres répondent à des besoins très divers et remplissent notamment des missions de solidarité. Leur travail en matière de prévention et de lutte contre la toxicomanie et le sida est particulièrement apprécié dans les quartiers difficiles.

Ce projet reconnaît leur spécificité, il réserve la possibilité d'ouvrir de tels centres aux collectivités locales et aux organismes à but non lucratif -c'est un élément très important- et il organise leur conventionnement sur la base d'un accord national passé entre leurs organisations représentatives et l'assurance maladie.

Je pense qu'il faudrait aller plus loin en donnant à ces centres la possibilité de pratiquer le tiers payant. La commission des affaires sociales a déposé un amendement en ce sens ; je souhaite qu'il soit repris par le Gouvernement et débouche rapidement sur un décret d'application ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Muguette Jacquaint - Je tiens à dire à mon tour qu'il n'y a pas de concurrence entre les centres de santé et la médecine libérale. Dans le système de soins, les centres de santé occupent une place originale qui tient, Monsieur Bardet, à leur histoire. Il y a trente ans, il y avait des dispensaires, créés par les communes mais les spécialistes et même les médecins généralistes y étaient trop peu nombreux. Les centres de santé ont été créés à l'initiative de M. Ralite et d'autres, pour que les populations modestes bénéficient enfin de soins de qualité, et pas pour faire de l'ombre à la médecine libérale.

M. Pascal Terrasse - C'est le langage du c_ur !

Mme Muguette Jacquaint - Il faut rappeler l'histoire du droit à la santé pour tous qui a conduit non à la création d'une médecine de pauvres mais à l'accès à des soins de qualité pour le plus grand nombre. La pratique du tiers payant, la polyvalence des consultations, le plateau technique sont les facteurs essentiels d'accès aux soins.

La situation des centres, malgré les décrets de 91, est complexe. Le projet de loi de l'année dernière avait relevé des lacunes, comme l'exclusion des centres de la campagne de prévention bucco-dentaire des jeunes de 15 ans. Les acteurs des centres qu'ils soient mutualistes, associatifs ou municipaux, ont donc demandé une réforme de la réglementation.

Depuis plusieurs années, cette mobilisation a permis des avancées. Ainsi, le code de la santé publique reconnaît leur spécificité. Ensuite, le code de la Sécurité sociale fixe un certain nombre de règles de fonctionnement, et notamment l'intégration des décrets de 91 et de la subvention dite Teulade. Toutefois, il est nécessaire d'intégrer dans cet article la pratique de la dispense d'avance de frais, indispensable pour les assurés sociaux. Enfin, les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les centres sont intégrés dans une convention entre les partenaires. Sur ce dernier point, il convient de préciser les notions d'«organisation représentative» et de «consultation» des professionnels de la santé, afin de les associer à la démarche.

D'autres améliorations doivent intervenir, qu'il s'agisse du droit à la formation médicale continue ou de l'équité du financement de la maîtrise de stage des étudiants en médecine.

Naturellement, cet article rencontre notre approbation à condition que la notion de tiers payant soit précisée (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme la Secrétaire d'Etat - Dans sa première partie, cet article inscrit dans le code de la santé publique les missions et les modalités de gestion des centres de santé. Dans sa seconde partie, il organise le cadre conventionnel de leurs relations avec l'assurance maladie.

S'agissant des missions et des modalités de gestion des centres de santé, les différents acteurs ont souhaité que la loi reconnaisse leur spécificité. Convaincus de leur place particulière au sein de l'offre de soins, nous avons accédé à leur demande. Nous procédons ainsi à la reconnaissance de la vocation médicale et sociale des centres de santé, qui sont situés au plus proche des besoins et, souvent, dans des quartiers où l'offre de soins est rare. Cela ne signifie pas que ces structures seraient subsidiaires et qu'elles ne devraient naître que par défaut, là ou nul autre ne souhaite s'installer.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - Très bien !

Mme la Secrétaire d'Etat - La reconnaissance de la vocation sociale de ces structures nous a conduits à réserver le «label» ainsi créé à celles dont l'objet social était conforme à ces principes, c'est-à-dire les centres gérés par des organismes à but non lucratif ou par des collectivités locales. Celles qui ne remplissent pas les conditions ainsi posées continueront à exister et peuvent opter pour une autre forme d'organisation.

S'agissant du cadre conventionnel, je souhaite insister sur la grande attente des centres de santé, qui ont été largement associés à la réforme et qui sont satisfaits du texte. Plusieurs m'ont écrit en ce sens, et la très grande diversité de leurs origines, religieuses, laïques, associatives ou mutualistes, démontre que nous ne poursuivons pas là une démarche collectiviste...

M. Jean-Claude Lefort - Ou alors le collectivisme progresse ! (Sourires)

Mme la Secrétaire d'Etat - La situation financière des centres de santé est souvent délicate. Le cadre conventionnel dans lequel s'inscrivent leurs relations avec les caisses d'assurance maladie est aujourd'hui inadapté car il repose sur un dispositif de nature réglementaire. En revanche, le cadre conventionnel national que prévoit ce texte permet à chaque centre d'y adhérer librement ou de faire un autre choix.

Certains soulignent la «mollesse» de cette convention, dépourvue de mécanismes de régulation spécifiques aux centres de santé. Mais il faut proportionner les efforts aux enjeux. Les dépenses des centres de santé représentent moins de 1 % des dépenses remboursées en soins de ville. Il n'y a pas lieu de prévoir un objectif spécifique ou un règlement minimal conventionnel pour des dépenses aussi faibles. En outre, les mécanismes généraux d'ajustement sont applicables aux professionnels des centres de santé comme à l'ensemble de leurs confrères exerçant en libéral.

Enfin, je sais que les professionnels et les gestionnaires des centres de santé se sont émus de voir la pratique traditionnelle du tiers payant soumise à la négociation et à la conclusion de l'accord national. Un amendement a donc été déposé pour que les centres bénéficient du tiers-payant et le Gouvernement l'accueillera favorablement, car il conforte leur vocation sociale.

M. le Président de la commission - Très bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 45.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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