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Session ordinaire de 1999-2000 - 17ème jour de séance, 44ème séance

2ÈME SÉANCE DU MARDI 2 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

MOUVEMENT AU PARQUET DE PARIS 2

MNEF 2

SERVICES DÉPARTEMENTAUX D'INCENDIE ET DE SECOURS 3

INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE 4

INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE 5

TVA SUR LES TRAVAUX D'ENTRETIEN 6

POLITIQUE HOSPITALIÈRE 6

35 HEURES DANS LA FONCTION PUBLIQUE 7

PERSPECTIVES DE PLEIN EMPLOI 8

DOM 9

PRODUCTEURS DE VOLAILLE 9

ACCUEIL D'URGENCE 10

DÉMISSION DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE 10

FINANCEMENT DE LA SÉCURITE
SOCIALE POUR 2000 (suite) 11

EXPLICATIONS DE VOTE 14

LOI DE FINANCES POUR 2000 - deuxième partie- (suite) 20

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, RECHERCHE ET TECHNOLOGIE (suite) 20

QUESTIONS 39

La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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MOUVEMENT AU PARQUET DE PARIS

M. Henri Plagnol - Les développements de l'enquête sur la MNEF ont conduit ce matin à la démission, à la suite d'un choix personnel, du ministre de l'économie et des finances.

S'agissant d'une enquête aussi sensible, vous avez la mission, Madame la Garde des Sceaux, de veiller scrupuleusement à l'indépendance des magistrats du siège qui en ont la charge. Or, troublante coïncidence, nous avons appris ce week-end que Mme Fulgeras, qui était à la tête de la section des affaires financières du Parquet de Paris, allait être remplacée brutalement. Et, parmi les dossiers dont elle a la charge, figure notamment celui de la MNEF.

Cette coïncidence est d'autant plus fâcheuse que son remplacement a été provoqué sans respecter ni les usages ni la tradition en vigueur pour les titulaires de postes sensibles. Il n'y a eu aucun appel à candidature et ce départ ne se rattache pas au mouvement général des parquetiers.

Comment expliquez-vous le départ aussi soudain d'une magistrate confirmée, en poste depuis huit ans ? Etait-elle volontaire ? Dans ce cas, craignait-elle un conflit avec la hiérarchie ? A-t-elle fait jouer la clause de conscience ?

Comment expliquez-vous ce jeu de chaises musicales pour le moins maladroit au lendemain du réquisitoire supplétif visant le ministre de l'économie et des finances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Mme Fulgeras occupait les fonctions de premier substitut au Parquet de Paris et était un des deux chefs de la section à l'intérieur du Parquet financier. Elle était à ce titre sous l'autorité hiérarchique du Procureur de Paris, M. Dintilhac (Murmures sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) et du chef de la section financière, M. Marin.

Elle était depuis neuf ans à ce poste et une mobilité lui a été proposée (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). La mobilité est en effet une bonne chose dans la fonction publique, en particulier pour les magistrats. Ce mouvement n'avait à être examiné ni par le CSM ni par la Chancellerie puisqu'il s'agit d'une mobilité interne à une juridiction, comme il s'en produit des dizaines chaque jour, sous l'autorité et à l'initiative des chefs hiérarchiques. Cette décision ne relève pas davantage du Garde des Sceaux. Elle a été prise par les responsables compétents, c'est-à-dire par le procureur de Paris, M. Dintilhac, et par le chef de la section financière, M. Marin (Mêmes mouvements). Je leur fais pleine confiance (Mêmes mouvements) pour continuer à faire fonctionner le Parquet de Paris.

J'ajoute que c'est ce Gouvernement qui a donné à la section financière, enfin, les moyens dont elle avait besoin pour mener à bien ses investigations, en créant le premier pôle économique et financier dans notre pays, en l'installant dans de nouveaux locaux, en fournissant à chaque magistrat un ordinateur et un bureau (Mêmes mouvements), ainsi que des crédits et des assistants spécialisés venant du ministère des finances et de la Banque de France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Le Parquet de Paris continuera à fonctionner dans la sérénité et avec les moyens dont il a besoin pour démêler les dossiers complexes de délinquance économique et financière (Mêmes mouvements).

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MNEF

M. Charles de Courson - Ma question s'adresse au Premier ministre et porte sur le dossier de la MNEF, dont la gravité vient d'être soulignée par la démission du ministre de l'économie.

Vous avez été premier secrétaire du parti socialiste de 1981 à 1987 et, de nouveau, de 1995 à 1997. Estimez-vous normal que la MNEF, mutuelle qui gère, avec d'autres, la sécurité sociale étudiante grâce aux cotisations des Français, ait été mise au service des intérêts de votre parti ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Qu'elle ait servi de «pouponnière» à votre parti (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe socialiste), comme l'a déclaré un ancien responsable de la MNEF ? (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Le ministre de l'économie vient de démissionner. Mis en cause dans une procédure judiciaire par sa mention dans un réquisitoire supplétif, il a estimé que cette situation n'était pas compatible avec l'exercice de ses fonctions.

Nous avons naturellement parlé ensemble de cette question depuis deux jours. Mon approche se fondait sur trois préoccupations : laisser la justice agir librement, s'inspirer du principe du respect de la présomption d'innocence, ne pas tirer de conséquence automatique, dans une situation incertaine, en fonction d'une pratique antérieure qui a contraint certaines personnalités à démissionner pour, ensuite, ne pas être condamnées.

Dominique Strauss-Kahn a pris la décision que vous savez, je salue son acte qui témoigne d'une haute conception de ses devoirs d'Etat (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Je rends hommage à l'exceptionnelle qualité du travail qu'il a accompli depuis deux ans et demi. Il a conduit une politique économique et industrielle remarquablement efficace. Il est respecté, estimé, écouté par ses pairs sur la scène internationale. Je lui exprime devant vous ma sympathie et mon amitié fidèle. J'espère qu'il reviendra vite parmi nous (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Plusieurs députés UDF et RPR - Et la MNEF ? La question !

M. Lionel Jospin, Premier ministre - J'ai demandé au Président de la République, qui l'a accepté, de bien vouloir nommer M. Christian Sautter ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le reste relève de spéculations ou de polémiques politiques auxquelles je ne participe pas. Le reste est de la responsabilité de la justice et je m'interdis de parler sur les affaires judiciaires en cours et respecte totalement sa liberté (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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SERVICES DÉPARTEMENTAUX D'INCENDIE ET DE SECOURS

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Monsieur le ministre de l'intérieur, ma question a trait aux difficultés financières des services départementaux d'incendie et de secours.

La loi du 3 mai 1996 a posé pour principe l'organisation départementale du système de distribution des secours et a abouti à la création, à la charge des départements, d'établissements publics dotés de leurs propres institutions et chargés de définir la politique des risques, et à une mutualisation des ressources et des moyens. Cependant, cette réforme ne s'est pas accompagnée d'un transfert financier en direction des collectivités locales. Son coût a été sous-estimé. Le mode actuel de financement n'est pas adapté aux besoins en ressources nouvelles résultant du nouveau régime indemnitaire des sapeurs pompiers professionnels, de l'allocation de vétéran des sapeurs volontaires, de la réforme des transmissions, de l'harmonisation des régimes de travail.

Ainsi, dans les Hautes-Pyrénées, c'est un effort de 8 millions -soit en augmentation de 13 %- qui sera consenti par les collectivités dans le cadre du budget 2000. Malgré cet engagement important, deux dossiers majeurs ne pourront être financés : le plan de recrutement de personnel opérationnel, la construction et la rénovation des casernements, que la loi de 1996 transfère aux SDIS.

Quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour répondre à l'inquiétude légitime de nombreux élus locaux ? Que pense-t-il de l'intéressante proposition de loi de M. Lajoinie visant à instituer une contribution des compagnies d'assurances au financement des SDIS ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - En effet, l'application de la loi du 3 mai 1996 accroît le coût des services d'incendie et de secours, désormais départementalisés. Ce coût est estimé à 15 milliards et la hausse peut atteindre le chiffre que vous avez cité, en raison du régime indemnitaire, de la remise à niveau des services, des équipements, des casernements, des mesures prises pour améliorer la situation des sapeurs pompiers.

Le financement des SDIS relève de la seule compétence des collectivités locales, l'Etat prenant à sa charge les unités d'intervention civile, la flotte de bombardiers d'eau et d'hélicoptères, les renforts nationaux.

J'ai exploré plusieurs pistes, dont celle que vous avez évoquée. Une concertation est engagée avec les établissements hospitaliers. La contribution des assurances est également analysée avec le ministère de l'économie et des finances, bien qu'il s'agisse d'un secteur soumis à une forte concurrence européenne.

S'agissant de l'Etat, je m'oriente vers l'attribution d'une dotation globale d'équipement spécifique, au moins pour la période de remise à niveau, qui pourrait atteindre plusieurs centaines de millions, dès lors que les départements et les communes seraient d'accord pour y contribuer, au moins en partie, ce qui implique une concertation au sein du Comité des finances locales. J'ai, d'autre part, rencontré le président de la Caisse des dépôts pour étudier, en accord avec le ministre des finances, la possibilité d'un financement à long terme et à bas taux d'intérêt pour les investissements immobiliers. Ces mesures doivent être concertées avec les présidents des SDIS. J'installerai prochainement une commission de suivi et d'évaluation, pour analyser les conditions de mise en _uvre de la loi de 1996, dont je note qu'elle n'a fait à l'époque l'objet d'aucune étude de faisabilité financière (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Louis Debré - Ce n'est pas vrai !

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INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE

M. Bernard Accoyer - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, qui aura sans doute à c_ur d'y apporter des réponses précise, car elle touche à l'indépendance de la justice. En février 1998, M. Gabriel Bestard, procureur de la République à Paris, a été évincé, battant le record de brièveté à ce poste. Son remplaçant est M. Dintilhac, ancien directeur de cabinet de M. Nallet, Garde des Sceaux socialiste. Est-ce une coïncidence ? En novembre 1998 M. Laurent de Mesle, sous-directeur des affaires pénales et des grâces, est à son tour évincé après avoir publié, dans un ouvrage de la collection «Que sais-je ?», des opinions avec lesquelles Mme la Garde des Sceaux s'est déclarée en désaccord. Est-ce une coïncidence ?

La semaine dernière, enfin, Mme Aune-José Fulgeras, chef de la section financière du Parquet de Paris, était soudainement écartée de son poste. Elle avait assumé la veille un réquisitoire supplétif concernant un membre éminent du Gouvernement, pour faux et usage de faux, dans le cadre du dossier relatif à la MNEF. Est-ce une coïncidence ? ("Non !" sur les bancs du groupe du RPR) Alors que la plupart des membres de l'administration centrale de la Chancellerie ont été remplacés par notre Garde des Sceaux, comment expliquez-vous ces coïncidences, et pensez-vous que cette série est terminée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Je vais vous donner quelques indications sur la manière dont ce gouvernement conçoit l'indépendance de la justice (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. Gabriel Bestard a été nommé par ce gouvernement, en conseil des ministres, procureur général d'une des plus importantes cours d'appel, celle d'Aix-en-Provence : c'est-à-dire qu'il a bénéficié d'une promotion (Mêmes mouvements). Son poste est des plus importants, car la cour d'appel d'Aix est une des plus encombrées, et elle a besoin qu'on s'occupe d'un bon fonctionnement de ses services. Il n'y a eu dans ces nominations ni favoritisme, ni passe-droit, d'autant que M. Bestard avait été nommé procureur général à Paris par le précédent gouvernement.

En deuxième lieu, ce gouvernement a pris l'engagement -par la voix du Premier ministre, ici même, dans son discours de politique générale en juin 1997- que plus aucune nomination de procureur ne se ferait sans l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Et nous avons tenu parole : chaque fois que l'avis du Conseil était négatif sur une personne proposée, celle-ci n'a pas été nommée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe RCV). Ce n'était pas le cas quand vous étiez aux responsabilités.

En troisième lieu, j'ai proposé au Gouvernement un projet de loi constitutionnelle afin de permettre au Conseil supérieur de la magistrature d'être plus indépendant et d'exercer des responsabilités accrues. Cette réforme n'attend plus qu'un vote conforme en Congrès. Par conséquent, Monsieur le député, votez le 24 janvier pour la réforme du Conseil : peut-être alors serez-vous plus crédible dans les leçons que vous essayez, bien maladroitement, de nous donner !

Quatrième point, enfin : c'est ce Gouvernement qui a supprimé les instructions individuelles dans les dossiers judiciaires. Il n'y a pas eu, depuis que nous sommes là, la moindre intervention dans les dossiers individuels. Il n'y a pas eu, il n'y aura pas d'exception à cette règle. Vous êtes loin de pouvoir en dire autant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE

M. Yves Fromion - Il me semble que la tournure prise par les affaires de Corse devrait conduire Mme la Garde des Sceaux à montrer moins d'assurance... (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie. On a annoncé il y a quelques jours la création de la société aéronautique et spatiale EADS, qui va notamment intégrer l'Aérospatiale. Ce regroupement conforte la position de l'Europe. Mais les salariés de Aérospatiale-Matra expriment de fortes inquiétudes. Nul ne doute en effet qu'à terme la création d'EADS se traduira par des restructurations, concernant aussi bien la production que les bureaux d'études. Il est logique de penser que les décisions stratégiques dans ce domaine prendront en compte la réalité sociale et fiscale des différents pays européens. Or la France est devenue une sorte de laboratoire social, en expérimentant la réduction imposée du temps de travail. Celle-ci entraînera des contraintes très importantes, qui pourront induire des décisions défavorables à la pérennité des sites français. L'inquiétude des salariés doit d'autant moins être prise à la légère que le Gouvernement a accepté qu'EADS soit une société de droit néerlandais, pour bénéficier de la fiscalité des Pays-Bas et échapper à la nôtre ! Quelle opinion auront les cadres et les ouvriers français, en voyant qu'on délocalise notre industrie la plus prestigieuse pour qu'elle échappe à notre propre fiscalité ? Le Gouvernement a-t-il pris des dispositions, ou obtenu des assurances, garantissant que les contraintes qui pèsent sur le travail en France, et le poids de notre fiscalité, ne seront pas des obstacles au maintien des sites français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Alain Richard, ministre de la défense - Je rappellerai, d'abord, que la structure du capital d'EADS donne aux actionnaires français -qui sont l'Etat, le groupe Lagardère et un groupe d'investisseurs financiers- un droit conjoint à approuver toutes les décisions stratégiques. Il ne faut donc pas raisonner uniquement en pourcentage d'actionnariat. L'actionnaire public sera associé à toutes les décisions stratégiques. D'autre part, vous ne prenez pas en compte les gains de compétitivité et les gains potentiels de parts de marché qui se traduiront sans doute dans les deux pays par un solde positif d'emplois, grâce aux progrès que nous faisons sur plusieurs marchés, civils -on connaît la situation d'Airbus- mais aussi militaires, compte tenu des consolidations en matière de satellites et de missiles. Si, enfin, vous considérez le coût relatif du travail, ce n'est pas avec l'Allemagne que la comparaison est la plus défavorable pour nous. Et il faut tenir compte des capacités techniques et de la productivité des salariés dans les deux pays. De ce point de vue, les composantes françaises sont bien placées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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TVA SUR LES TRAVAUX D'ENTRETIEN

M. Gilbert Meyer - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances. La baisse à 5,5 % du taux de TVA sur les travaux de réhabilitation de l'habitat a suscité un formidable espoir chez les petites entreprises. Aujourd'hui, cependant, l'euphorie cède la place à l'angoisse, particulièrement chez les artisans et entrepreneurs soumis au régime de TVA du «forfait simplifié». Cette inquiétude résulte du mécanisme de récupération de la TVA. Les entreprises achètent leurs fournitures au taux normal de 20,6 %, et ne refacturent leurs clients qu'à 5,5 %. Elles financent donc temporairement la différence. Or les délais de récupération de la TVA sont terriblement longs : la déclaration se fait trimestriellement, voire annuellement, et le remboursement intervient deux mois plus tard. Une entreprise peut donc financer pendant quatorze mois le différentiel de TVA, qui dépasse parfois 15 % du montant des achats de matériel. Aucune entreprise n'est capable de faire le banquier si longtemps sur des sommes si importantes. Dans l'immédiat, la baisse de la TVA crée donc de graves risques pour la vie des entreprises. Quelles modalités sont envisagées pour réduire au plus vite ces décalages dans le versement de la TVA ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Vous avez raison de le dire, la baisse de la TVA de 20,6 à 5,5 % sur les travaux d'entretien des logements a été une source d'espoir pour les PME du bâtiment, secteur longtemps négligé. Nous en attendons quelque 30 000 emplois. Vous soulignez que les artisans achètent le matériel à 20,6 % et le facturent à 5,5 %. Mais ils ont en conséquence un crédit d'impôt, qui vient en déduction de la TVA qu'ils paieraient normalement. Ainsi certains paient moins qu'avant, et d'autres, moins nombreux, ont un vrai crédit d'impôt, qui leur sera remboursé dès qu'ils auront fait les déclarations. Je ne vois là aucun motif d'inquiétude (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). L'immense majorité du secteur voit d'ailleurs dans cette baisse de la TVA un message d'espoir et d'encouragement pour l'artisanat du bâtiment tant il est certain qu'elle y servira l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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POLITIQUE HOSPITALIÈRE

M. Bernard Outin - Les bilans des schémas régionaux d'organisation sanitaire de deuxième génération, censés adapter l'offre hospitalière aux besoins de la population, vont paraître dans quelques jours. Si nous souscrivons à cette démarche, force est de constater que par le passé, les SROS ont surtout conduit à fermer des services, en particulier de proximité, et à rationaliser l'offre de soins pour faire des économies. Ainsi, en sept ans, 60 000 lits ont été supprimés. Ce ne peut être là l'aboutissement des SROS alors même que nos hôpitaux sont de plus en plus sollicités -l'activité des services d'urgences a crû de 6 %- et doivent remplir de nouvelles missions, issues de la loi contre les exclusions et de la loi instituant la couverture maladie universelle.

Nos hôpitaux, qui constituent un maillon essentiel de l'aménagement du territoire, devraient être dotés des moyens supplémentaires nécessaires. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, quelles mesures comptez-vous prendre pour que notre système hospitalier soit à la hauteur des besoins qui s'expriment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Dès septembre 1997, nous avons engagé la révision des SROS afin d'organiser l'offre de soins au plus près des besoins de la population et, d'autre part, de créer dans chaque région et dans chaque bassin de vie des pôles d'excellence, notamment dans le domaine des urgences, de la périnatalité et de la cancérologie.

Trois objectifs avaient été assignés aux SROS : améliorer la qualité et la sécurité des soins -il reste encore des progrès à faire sur ce point ; réduire les inégalités dans l'accès aux soins ; enfin, adapter l'offre de soins aux besoins de la population et aux évolutions technologiques.

Le bilan de la quasi-totalité d'entre eux sera publié dans quelques heures. Seuls manquent les résultats des régions Picardie et Guadeloupe qui paraîtront dans quelques semaines. Il ressort de ce bilan que les SROS permettent en effet d'améliorer la qualité et la sécurité des soins. Grâce aux investissements nouveaux prévus, chacun pourra désormais, où qu'il habite et de quelque origine sociale qu'il soit, accéder aux meilleurs services de cancérologie par exemple, en fonction de la gravité et de l'état d'avancement de sa maladie. Vingt-cinq régions ont considéré les urgences comme la priorité des priorités tant il est vrai que beaucoup de nos concitoyens recourent à leurs services en dernière extrémité, alors que leur état de santé est déjà fortement dégradé.

S'agissant de l'accès aux soins, dix SROS ont prévu un volet spécifique pour l'accueil des plus démunis. Les budgets alloués aux hôpitaux dans le cadre des contrats passés avec l'Etat pour 2000 tiendront également compte de cette nécessité pour l'hôpital de sortir hors ses murs. De même, les pôles d'excellences qui existent déjà en cancérologie seront renforcés dans 24 régions. L'effort portera également sur des activités nouvelles ou insuffisamment développées jusqu'à présent comme le traitement de l'insuffisance rénale chronique -des investissements importants sont prévus dans onze régions- de la douleur ou bien encore les soins palliatifs. Enfin, la plupart des SROS ont également donné une priorité à la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme, à la prévention du suicide. Des efforts locaux seront également consentis dans le domaine de la réanimation et de la diabétologie.

S'agissant de la réduction des inégalités entre régions, le Gouvernement a décidé, comme vous le savez, d'y affecter une enveloppe substantielle qui permettra à trois régions de rattraper leur retard en cinq ans, mais aussi aux directeurs d'ARH de tout faire pour résorber les inégalités qui peuvent exister au sein d'une même région, comme c'est le cas en Ile-de-France.

Monsieur le député, si des lits d'hôpital ont été fermés, c'est d'abord parce que les besoins évoluent -par exemple, un opéré de la cataracte ne reste aujourd'hui hospitalisé qu'une demi-journée contre une semaine il y a cinq ans. C'est aussi pour mieux garantir la qualité des soins. Dans la quasi-totalité des cas, les services ont été reconvertis pour accueillir des personnes âgées ou handicapées, secteurs dans lesquels les besoins sont criants.

Pour le Gouvernement, l'hôpital public est une priorité, c'est même le c_ur de sa politique de santé. D'où les moyens qu'il lui accorde et sa ferme détermination à faire évoluer ce pôle d'excellence, reconnu par tous, doté d'un personnel compétent qui _uvre chaque jour pour que tous nos concitoyens puissent accéder aux meilleurs soins. Soyez assuré, Monsieur le député, que le Gouvernement accompagnera comme il se doit ces évolutions, notamment pour les personnels (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et plusieurs bancs du groupe communiste).

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35 HEURES DANS LA FONCTION PUBLIQUE

M. Jean Vila - Les syndicats des fonctionnaires qui lient, eux aussi, la réduction du temps de travail à l'emploi, sont très attentifs à l'application des 35 heures par l'Etat-patron dans la fonction publique d'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière intégrant bien sûr les 1,4 million de non-titulaires.

Dès la remise du rapport Roche, vous avez, Monsieur le ministre de la fonction publique, consulté les organisations syndicales et les associations d'élus puis défini une méthode et un calendrier, sans envisager l'emploi comme un élément central du dispositif alors que 43 % des fonctionnaires partiront en retraite d'ici à 2010. A cet égard, le quasi-gel des emplois prévus à l'horizon 2010 est particulièrement mal venu.

Les services publics peuvent jouer un rôle essentiel dans la lutte contre le chômage, notamment celui des jeunes. Quels moyens le Gouvernement entend-il débloquer pour satisfaire cette urgente revendication ? Si des dispositions particulières ne sont pas prises, les collectivités locales risquent en effet d'avoir à trancher entre réduire les services rendus à la population, ce qui sera inévitable si les effectifs stagnent, ou augmenter la pression fiscale sur les ménages (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - La première phase de concertation avec les organisations syndicales et les associations d'élus qui s'est achevée le 7 octobre a d'ores et déjà révélé certains points de convergence. Oui, les fonctionnaires ont le droit de bénéficier, comme les autres salariés, du passage aux 35 heures qui doit être l'occasion d'améliorer encore le service rendu. Oui, un accord-cadre inter-fonctions publiques devra être recherché, d'ici janvier 2000, assez souple pour pouvoir tenir compte des discussions qui auront lieu ultérieurement au niveau des ministères, des collectivités et des hôpitaux.

Les syndicats ont posé la question de l'emploi, celle-ci n'est pas taboue. Mais dans la fonction publique, la finalité première de la réduction du temps de travail n'est pas la création d'emplois. Celle-ci ne pourra qu'être la conséquence des discussions futures. D'ailleurs, beaucoup de collectivités locales, appliquent déjà les 35 heures, sans être parmi les plus pauvres...

Cela étant, nous examinerons la question de l'emploi. La transformation d'heures supplémentaires en emplois et la poursuite de la résorption des emplois précaires constituent des pistes. Raisonnablement, nous devrions avoir terminé ces ajustements fin 2001 ou 2002. C'est pourquoi aucune incidence notable n'est perceptible sur le budget pour 2000. Soyez assuré en tout cas, Monsieur le député, que le Gouvernement souhaite travailler dans la concertation et la transparence avec les fonctionnaires et leurs représentants en associant pleinement le Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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PERSPECTIVES DE PLEIN EMPLOI

M. Jean-Pierre Pernot - Le chômage a connu une baisse record en septembre : près de 84 000 chômeurs de moins, le taux le meilleur de la décennie. Ce résultat s'inscrit dans une continuité mais aussi marque une accélération spectaculaire, d'autant que la baisse concerne tous les secteurs d'activité et toutes les classes d'âge. Je m'en réjouis avec, j'en suis persuadé, l'ensemble des parlementaires. Les Français eux-mêmes, qui mesurent dans leur vie quotidienne les effets d'une politique économique dynamique, sont désormais optimistes. Oui, tel est bien le fruit de la politique volontariste conduite par ce Gouvernement.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, les faits aujourd'hui justifient la politique ambitieuse que vous avez menée contre vents et marées. Pouvons-nous espérer un retour prochain au plein emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - J'espère, tout comme vous, que chacun se félicite ici de la baisse record du chômage en septembre ("Oui !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Cette baisse sans précédent tient en effet à la politique d'un gouvernement qui a fait de l'emploi sa priorité. Nous avions choisi de relancer la croissance par la relance de la consommation. Et c'est Dominique Strauss-Kahn, avec tout le talent qui est le sien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), qui a conduit cette politique qui permet aujourd'hui à la France d'avoir l'un des meilleurs taux de croissance, tendance qui, de l'avis de tous les conjoncturistes, devrait se confirmer dans les années à venir. Nous avons _uvré pour une économie à la fois plus performante et plus solidaire. La revalorisation des minima sociaux et de l'allocation de rentrée scolaire ont bénéficié à la relance.

Nouvelles technologies, emplois-jeunes, réduction de la durée du travail, baisse des charges sociales, voilà autant de moyens qui nous permettront de continuer à faire baisser le chômage, même s'il se produit quelques à-coups.

Depuis deux ans, un quart des jeunes qui étaient au chômage ont retrouvé du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste). Grâce à la loi contre l'exclusion et au travail de l'ANPE, le nombre de chômeurs de longue durée a diminué de 170 000.

Le Premier ministre a fait de l'emploi une priorité et au-delà des discours, nous agissons. Pour la première fois depuis 1975 les Français ont de nouveau confiance en l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste).

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DOM

M. Jérôme Lambert - Le Premier ministre, accompagné de certains membres du Gouvernement, a conduit une visite en Martinique et en Guadeloupe pour préparer la loi d'orientation sur les DOM. Les responsables locaux attendaient ces rencontres et la population a fait au Premier ministre un accueil enthousiaste (Murmures sur les bancs du groupe du RPR). La singularité et les difficultés propres de ces départements ont été prises en compte. Quel bilan tirez-vous de cette visite de travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Le Premier ministre s'est rendu aux Antilles accompagné de cinq ministres pour une visite de quatre jours. Il a eu avec les responsables un dialogue franc et la population lui a réservé un accueil chaleureux et sympathique (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

Des mesures ont été prises rapidement pour répondre à des questions urgentes comme la crise de la banane ou le renforcement des effectifs de sécurité dans les agglomérations. Pour répondre de façon plus globale aux attentes, le projet de loi d'orientation en cours d'élaboration sera discuté au Parlement au premier semestre 2000. Les grandes lignes en seront communiquées aux élus et aux responsables locaux le 15 novembre et après leurs réactions et propositions, un avant-projet sera établi en début d'année.

Cette loi d'orientation permettra de donner plus de responsabilités locales et de renforcer le développement économique. Elle prendra en compte la singularité des Antilles et manifestera notre volonté de conforter l'appartenance des DOM à la République. 1848 fut l'étape de la liberté avec l'abolition de l'esclavage, 1946 celle de l'égalité avec le statut départemental, 2000 sera celle de la responsabilité et du développement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

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PRODUCTEURS DE VOLAILLE

M. Yvon Abiven - La situation de la filière volailles se dégrade. Face à la concurrence du Brésil et des Etats-Unis, la part de la France dans les exportations mondiales a diminué de 45 % de 1993 à 1998. Les producteurs souffrent de l'insuffisance des restitutions. Dans le Finistère, le revenu annuel d'une exploitation avicole serait passé de 145 000 F en 1990 à 99 000 F en 1999, pour l'exercice clos au 30 juin.

La durée des vides sanitaires est supérieure à celle des périodes d'élevage. Cette filière risque de disparaître. En Bretagne, où elle est localisée pour 60 %, plus de 40 000 emplois sont en jeu. Il est donc essentiel que dans le cadre des négociations de l'OMC une clause «de paix» assure le maintien des restitutions de la dernière année cadre, jusqu'en juillet 2001.

Comment entendez-vous soutenir dans l'immédiat les agriculteurs les plus en difficulté ? Quelle politique allez-vous mener à moyen terme pour que la filière volailles conserve sa vocation exportatrice face à la concurrence américaine ?

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat - M. Glavany, retenu par une négociation agricole, m'a prié de vous répondre. Cette filière, touchée par une baisse des exportations, est fortement dépendante des restitutions. Depuis la remise du rapport Perrin en juillet, la concertation avec les professionnels a permis de dégager plusieurs orientations. Au niveau européen, nous agirons fortement pour que les restitutions soient bien défendues. Ensuite, M. Glavany juge important, en attendant des reconversions de la filière, de soutenir les exploitations. 40 millions ont été dégagés, les modalités d'attribution sont en discussion avec les professionnels. Pour les prochaines semaines, 10 millions seront consacrés au soutien des agriculteurs en difficulté. Le ministre sait aussi que la Bretagne, représentant 80 % de la production, doit avoir un traitement particulier et il s'engage à ce que les crédits déconcentrés soient utilisés de façon à éviter les faillites (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur certains bancs du groupe communiste).

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ACCUEIL D'URGENCE

M. Francis Hammel - Le Gouvernement a inscrit 60 millions au budget pour améliorer la prise en charge de l'urgence sociale. La dotation des centres d'hébergement et de réinsertion sociale a été augmentée de 2,95 % et atteint plus de 2,5 milliards. Une mesure nouvelle de 42 millions permettra de créer 500 places de CHRS comme en 1998 et 1999. S'y ajoutent 31 millions pour la masse salariale et 100 millions pour l'amélioration des bâtiments.

Dans une déclaration commune du 28 octobre, M. Besson et Mme Gillot ont annoncé la mise en place d'un plan de construction et de rénovation en Ile-de-France.

M. Philippe Vasseur - La question ! La question !

M. le Président - Monsieur Vasseur, les questions sont retransmises à la télévision jusqu'à 16 heures 05. Laissez la séance se dérouler normalement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Hammel - Hélas, des sans-abri meurent encore dans la rue. Le Gouvernement veut lutter contre cette situation. Pouvez-vous nous détailler les mesures prévues pour que les SDF passent l'hiver sous un toit ?

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - L'Etat fera face à ses devoirs. Les capacités d'accueil de l'hiver dernier ont été reconstituées. En Ile-de-France 5 500 places sont ouvertes ou prêtes à ouvrir et 500 places peuvent l'être du jour au lendemain en cas de grand froid. Néanmoins il reste trop de structures précaires. La situation immobilière à Paris freine notre action. Il en résulte que les crédits ouverts par l'Etat ne sont pas intégralement consommés.

Pour le seul hébergement d'urgence, les crédits sont passés de 126 millions en 1995 à 210 millions en 1999. Il y a désormais 3 200 places à Paris dont 2 200 ouvertes toute l'année. 12 espaces de solidarité et d'insertion assurent un accueil toute la journée, et trois autres seront ouverts prochainement. On a, enfin, augmenté considérablement le nombre d'équipes de vie qui vont vers ceux qui ne s'adressent pas aux centres (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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DÉMISSION DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE

M. François Goulard - Monsieur le Premier ministre nous avons entendu votre brève réponse à propos de la démission de votre ministre de l'économie. Vous prétendez laisser la justice agir librement. Au même moment nous apprenons le déplacement pour le moins suspect d'un magistrat (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Vous invoquez la présomption d'innocence. Chacun d'entre nous la respecte mais vous conviendrez que votre réponse est un peu courte pour une affaire qui met gravement en cause l'un des principaux ministres de votre gouvernement, ainsi que plusieurs élus et responsables de votre parti. Vous ne pourrez vous abriter plus longtemps derrière la présomption d'innocence... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Cette affaire pose un problème de nature politique à votre majorité et à votre gouvernement !

Plusieurs députés socialistes - Tiberi !

M. François Goulard - Monsieur le Premier ministre, êtes-vous solidaire des agissements de vos amis politiques, dont certains sont très proches de vous ? Tous les Français se posent aujourd'hui la question. Le groupe communiste a annoncé ce matin de manière très soudaine qu'il voterait contre votre projet de budget social, il semble finalement qu'il s'abstiendra. Dans d'autres démocraties, un tel événement aurait fait tomber le Gouvernement ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Vous êtes, Monsieur le Premier ministre, face à une crise politique. Nous vous demandons donc de réserver à la représentation nationale l'annonce des initiatives que vous entendez prendre pour la surmonter (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Puisque vous insistez, je vais donner quelques indications précises sur la pratique de vos amis en matière de nomination de magistrats (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

En 1995, le Procureur de Nanterre a été nommé contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

En 1997, à la veille des élections législatives, un décret a évincé de ses fonctions l'inspecteur général des services judiciaires cependant qu'un autre décret nommait comme numéro deux contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature, un ancien fonctionnaire de la Ville de Paris (Mêmes mouvements).

Le 24 juillet 1996, en un seul jour, une rafale de trois nominations de trois personnalités qui étaient en poste au cabinet du Garde des Sceaux ou à la Chancellerie est intervenue. Ces personnes étant toujours en poste, je tairai leur nom.

S'agissant de la démission de M. Dominique Strauss-Kahn...

Un député du groupe du RPR - Sors ton mouchoir !

Mme la Garde des Sceaux - Je voudrais dire ici qu'il a eu en effet le courage de démissionner pour se défendre et que cette décision l'honore car elle montre son sens élevé de l'Etat et de ses responsabilités. Nous, ses amis, sommes tristes de son départ et nous voulons dire à nouveau combien nous apprécions son talent et sa compétence (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous en avons terminé des questions au Gouvernement.

M. Patrick Ollier remplace M. Laurent Fabius au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER

vice-président

FINANCEMENT DE LA SÉCURITE SOCIALE POUR 2000 (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote de l'ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Au terme de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000, je remercie M. le président de la commission des affaires sociales et les différents rapporteurs pour le travail qu'ils ont accompli et pour leur implication personnelle dans le débat.

Même s'il s'en tient aux éléments financiers, la présentation de ce projet est l'occasion d'un débat important. Aussi, dans le cadre du vote de la loi sur la santé publique et les droits des malades qui doit intervenir au printemps prochain, le Gouvernement souhaite qu'un grand débat sur la santé publique se tienne, qui permettra d'aborder les questions de fond. Chaque année, avant l'été, un tel débat pourrait intervenir pour préparer l'examen à l'automne du projet de loi du financement de la Sécurité sociale.

Ce troisième projet apporte cependant un élément conséquent dans la mesure où les comptes de la Sécurité sociale enregistrent cette année un excédent de deux milliards, encore trop faible mais qui contraste avec les 54 milliards de déficit constatés il y a trois ans. Nous voulons poursuivre les réformes de structures engagées dans le domaine de la santé, qui font que les honoraires des médecins, généralistes et spécialistes, sont restés dans le cadre des objectifs fixés par le Parlement. Les hôpitaux et les cliniques font de même et bien que la consommation pharmaceutique reste à un niveau excessif dans notre pays, sa progression a diminué par rapport aux années précédentes et se situe aujourd'hui à un niveau acceptable. Nous avons de même engagé une grande réforme du médicament, avec le développement du médicament générique, avec la politique fondée sur le service médical rendu ; nous devons à présent l'étendre aux matériels médicaux, qui continuent à connaître des évolutions négatives pour les finances de la Sécurité sociale et en ce qui concerne la transparence qu'attendent les malades vis-à-vis de ces matériels.

Ensuite, la loi clarifie le rôle respectif de l'Etat et de la CNAM, pour répondre au plan stratégique du conseil d'administration de la CNAM comme au v_u de plusieurs députés emmenés au sein de la commission des affaires sociales par M. Claude Evin. La médecine de ville est dorénavant régulée par la CNAM au sein d'une enveloppe unique ; la caisse reçoit ainsi tous les moyens pour mener une politique conventionnelle incitative ou pour prendre les mesures qui s'imposent pour respecter l'objectif défini. L'hôpital et les cliniques sont traités de la même manière, avec une politique d'accréditation, l'introduction progressive de la tarification à la pathologie. Cela ne signifie pas que l'hôpital sera moins bien traité, car les statistiques montrent que compte tenu des obligations de service public qui lui incombent, l'hôpital public ne paraît pas plus coûteux que les cliniques. De plus, à leur différence, l'hôpital ne trie pas les maladies traitées et joue un rôle actif en matière de recherche et d'éducation.

Il faut également poursuivre une politique d'amélioration de l'accès aux soins. Au cours de ce débat, beaucoup ont insisté sur les progrès qui restaient à réaliser en matière de dentisterie, d'optique ou de prothèses, tous domaines dans lesquels notre système de protection sociale est encore insuffisamment protecteur pour beaucoup de nos concitoyens.

Maintenant que nous avons rétabli l'équilibre et que nous pouvons disposer de ressources complémentaires, nous devrons, après la CMU, poursuivre le remboursement des pathologies qui ne sont pas assez bien prises en compte par la Sécurité sociale.

Je m'engage à faire en sorte que nous puissions améliorer ces remboursements dès l'année prochaine.

En ce qui concerne la famille, nous poursuivons la politique ambitieuse qui a été menée avec l'ensemble des organisations familiales, des organisations syndicales et patronales. Nous savons que l'objectif de cette année réside dans la prise en compte des problèmes de garde des jeunes enfants mais aussi des enfants adultes encore présents au foyer. A la demande de ces organisations, une clause est inscrite cette année dans le projet de loi selon laquelle les recettes de la branche famille évolueront en fonction de la richesse nationale.

En ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles, beaucoup a été fait pour reprendre l'ensemble du dispositif relatif aux maladies professionnelles, afin que les réponses soient plus rapides, que les tableaux soient plus complets et qu'au final, ceux qui en sont victimes soient mieux aidés. A ce titre, nous étendons cette année la préretraite aux travailleurs de l'amiante.

S'agissant des retraites, le Premier ministre annoncera plusieurs mesures en début d'année et nous avons d'ores et déjà prévu, outre la revalorisation à hauteur de 1 % du minimum vieillesse et de l'allocation veuvage, de continuer à alimenter le fonds pour les retraites à hauteur de 20 milliards.

Enfin, je le dis très clairement pour prévenir tout malentendu, pour la première fois, le financement de la Sécurité sociale s'ouvre, s'agissant des cotisations patronales, au-delà des seuls salaires.

Cette mesure était très attendue : nombreux sont ceux pour qui rien ne justifie, en effet, que le financement repose sur les seuls salaires. Certains de ceux-là -je les ai entendus et, puis-je le dire ?, je les comprends- considèrent que le Gouvernement n'est pas allé assez loin dans cette voie. Pour autant, il s'est bel et bien engagé, ainsi qu'il l'avait annoncé, dans la réduction contrôlée des charges sociales, au profit de l'emploi.

Je rappelle encore que, comme il en avait pris l'engagement, le Gouvernement présentera le bilan de la réduction du temps de travail à la commission nationale de la négociation collective, au fonds de réduction des charges sociales mais aussi au Parlement, conformément à la demande qui s'est légitimement exprimée.

Vous l'aurez constaté : le Gouvernement s'est penché, en priorité, sur le sort des populations les plus fragiles. En témoignent non seulement la création de la CMU mais aussi les mesures prises en faveur du minimum vieillesse et aussi des familles les plus modestes.

Je n'aurai pas la prétention de dire que le projet est parfait. Le texte nous rapproche toutefois de l'excédent, et il nous donne donc de nouvelles marges de man_uvre. Je suis heureuse que, de la sorte, l'avenir de la Sécurité sociale puisse être envisagé de manière plus optimiste et que nous puissions envisager d'améliorer encore la situation des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste).

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les recettes et l'équilibre général - Le Gouvernement présente pour la troisième fois le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Une mise en perspective est donc possible, qui montre les progrès accomplis.

Le budget de l'assurance maladie augmentera de 2,5 % si l'on s'en tient aux recettes constatées, mais de 4 % si l'on se rapporte aux critères antérieurs. Nous sommes donc loin de la restriction des dépenses de santé que certains se permettent de dénoncer.

Le projet de loi prévoit la généralisation du tiers payant dans les centres de santé, et la délégation entière des dépenses de la médecine de ville à la CNAM. Il améliore aussi le conventionnement avec les cliniques privées. C'est dire que nous progressons, dans un domaine qui nous est cher.

Des améliorations sensibles ont été apportées à la politique familiale puisque, après avoir été successivement porté à 19 puis à 20 ans, le plafond d'âge des enfants entrant en compte dans l'attribution de l'allocation logement et le complément familial a été porté à 21 ans. Ainsi le Gouvernement traduit-il dans la loi le fait que les frais d'entretien des jeunes adultes est particulièrement élevé. D'autres progrès marquants doivent être soulignés, comme la pérennisation de l'ARS et des allocations familiales.

Dans la branche accidents du travail, d'autres mesures ont été prises dont on se félicitera même si, à mon sens, elles sont encore insuffisantes : ainsi de l'indemnisation des victimes de l'amiante et, surtout, de celle des victimes d'accidents du travail répétés.

Comment ne pas approuver, encore, l'augmentation de l'allocation vieillesse, et celle de l'allocation veuvage ? Autre motif de satisfaction, les 20 milliards alloués au fonds de réserve des retraites. En 1998, 2 milliards lui avaient été affectés, et beaucoup avaient glosé. Je ne pense pas que la croissance sera exponentielle en 2000, mais les mesures prises permettront ainsi, quelles que soient les intentions qu'exposera le Premier ministre en janvier, d'alimenter ce fonds.

Je soulignerai encore la réduction des cotisations sociales qui touchent les jeunes agriculteurs, et surtout la réforme des cotisations patronales que nous appelions de nos v_ux après qu'en 1998 le basculement vers la CSG eut traduit une première réforme, fondamentale, dont chacun peut déjà constater les effets. La création d'un fonds d'allégement des charges, la cotisation sur les bénéfices et la taxe sur les activités polluantes forment un dispositif qui garantit la pérennisation d'une protection sociale que l'on pensait moribonde il y a trois ou quatre ans. En trois ans, le déficit a été amené de 50 à 4 milliards, et l'on se dirige vers un excédent en 2000.

La commission a bien travaillé. Fidèles au poste, nous vous avons aidée, Madame la ministre, à _uvrer pour le bien de la nation. A titre personnel, je vous remercie d'avoir inscrit dans la loi les dispositions sur le tabac qui mettront fin à une situation qu'il faut bien qualifier de schizophrénique, dans laquelle l'Etat bénéficiait de ce qu'il était censé combattre.

Je me félicite que l'horizon soit enfin dégagé, ce qui permettra aux Français d'être mieux soignés, aux retraites de continuer d'être payées et à la jeunesse de retrouver confiance en son avenir.

Je vous remercie, Madame la ministre, du travail accompli et, à travers vous, le Gouvernement et le Premier ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur de nombreux bancs du groupe communiste).

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Jean-Luc Préel - Nous venons de débattre pendant près d'une semaine de la loi de financement de la Sécurité sociale. Si le débat constitue un progrès démocratique indéniable, dont MM. Alain Juppé et Jacques Barrot doivent être remerciés, force est de constater que nos possibilités d'amendement sont extrêmement limitées et que le Gouvernement impose sa volonté.

L'UDF rejette globalement ce projet, qui ne prépare pas l'avenir du pays puisque rien n'est fait pour la famille, ni pour les retraites, et qui oriente la branche santé vers l'étatisation. Surtout, le Gouvernement a profité de l'occasion pour présenter un financement bricolé de la réduction du temps de travail, après avoir tenté un hold-up sur la protection sociale.

La loi de 1994 était juste, qui prévoyait que pour ne pas pénaliser la protection sociale, l'Etat compensait intégralement les exonérations qu'il décidait. Vous reniez ce principe : c'est une régression condamnable.

Vous faites appel à la taxe sur les tabacs et 39,5 milliards devraient servir à soigner les victimes de tabagisme et à financer la prévention. Vous créez un nouvel impôt sur les entreprises, à hauteur de 4,3 milliards, après avoir pris 7 milliards dans la poche des salariés qui ne seront pas rémunérés pour les heures supplémentaires effectuées. Vous affectez les 3,2 milliards du produit de la taxe sur les activités polluantes au financement des 35 heures alors qu'elle devrait servir à améliorer l'environnement. Le tout, après avoir tenté un hold-up sur les organismes de protection sociale, faisant fi de la gestion paritaire.

Après avoir voulu passer en force, vous avez officiellement reculé devant le front uni des organisations syndicales. Vous nous présentez maintenant un montage très complexe comportant le basculement de la taxe sur les alcools du FSV vers le dispositif de réduction du temps de travail.

Les syndicats se disent satisfaits, mais des négociations sont en cours avec l'UNEDIC sur des dizaines de milliards, et je parie qu'à terme vous leur ferez payer leur résistance.

Pour ce qui est de la protection sociale, vous maintenez le prélèvement prévu de 5,6 milliards répartis sur les trois branches et vous l'affectez au FSV. Ainsi, après l'improvisation et la reculade apparente, voilà le bricolage.

Plus grave encore, ce projet ne prépare pas l'avenir du pays, vous ne profitez pas de la croissance pour entreprendre les réformes nécessaires.

Ainsi, contrairement à d'autres gouvernements, vous n'avez pas de politique familiale. Sans revenir sur vos errements récents, vous abrogez la loi de 1994 qui prévoyait l'extension des prestations au-delà de 20 ans, âge auquel les enfants coûtent le plus cher aux familles.

Vous n'entreprenez aucune simplification d'un dispositif qui compte 23 prestations et 15 000 références. De plus, vous accordez une augmentation limitée à 0,5 % quand l'inflation prévue est de 0,9 % et que le prix implicite du PIB doit augmenter de 1,2 %. Bien loin d'un coup de pouce, vous programmez une perte de pouvoir d'achat pour les familles.

Pour les retraites, les données démographiques sont connues de tous et le rapport Charpin les a confirmées. Or vous ne décidez rien et nous demandez d'attendre. En particulier, vous ne prévoyez rien pour les régimes spéciaux. Quant au fonds de réserve créé en 1998, il est demeuré virtuel pendant un an.

Alors que la branche est excédentaire et que les retraités ont vu leur pouvoir d'achat diminuer ces dernières années, surtout après l'application de la CSG, vous ne proposez qu'une augmentation de 0,5 %, programmant une nouvelle fois une baisse du pouvoir d'achat.

L'UDF souhaite conforter la retraite par répartition en accroissant l'autonomie de la branche. Dans un esprit de transparence, elle demande la création d'une caisse de retraite des fonctionnaires, gérée paritairement, et l'harmonisation progressive des règles appliquées aux divers régimes.

Elle réclame en outre la création d'une épargne retraite, reprenant de la sorte une proposition de notre président, Laurent Fabius, demandant que l'épargne salariale soit investie à 50 % en actions françaises. Vous avez rejeté cette proposition, et votre immobilisme constitue une faute dramatique.

Pour la branche santé, votre gestion est essentiellement comptable, puisque vous ne prenez pas comme base les besoins de la population mais les dépenses de l'année précédente. Vous n'améliorez en rien la prévention et l'éducation à la santé, alors que nous sommes, en ce domaine, dramatiquement en retard.

Mais nos deux reproches essentiels concernent l'évolution inéluctable vers l'étatisation et les lettres-clés flottantes.

Certes, vous confiez, en apparence, la gestion de la médecine ambulatoire à la CNAM, mais vous l'encadrez strictement. Dans le même temps, vous conservez bien sûr la haute main sur les hôpitaux, le médicament et récupérez les cliniques. Pire encore : à une époque où chacun réclame la fongibilité des enveloppes, vous renforcez les barrières. Ce n'est pas un progrès !

Vous instituez les letttres-clés flottantes et, après avoir été sanctionnés l'année dernière par le Conseil constitutionnel, vous nous proposez la plus perverse des sanctions collectives. Nous allons donc déferrer à nouveau cette loi au Conseil constitutionnel.

L'UDF réclame un Grenelle de la santé pour que chacun puisse participer à la sauvegarde et à l'amélioration de notre système. Nous préconisons la responsabilisation des acteurs et, surtout, la régionalisation favorisant une politique de santé de proximité, une meilleure adaptation de l'offre aux besoins, un développement de la prévention.

L'UDF rejette ce projet. Nous désapprouvons le volet recettes, le financement ubuesque des 35 heures. Nous déplorons qu'en ne menant aucune politique familiale, en retardant l'indispensable réforme des retraites, en faisant évoluer la branche santé vers l'étatisation, vous ne prépariez pas l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Georges Sarre - L'équilibre des comptes sociaux est désormais acquis bien que l'assurance maladie accuse encore un léger déficit. Il était un préalable à une véritable réforme de notre système de protection sociale. La correction des inégalités, l'augmentation des prestations familiales et des pensions, l'amélioration des conditions de vie et de travail, sont des mesures préventives importantes. Les maladies professionnelles sont désormais mieux prises en compte, les dossiers des victimes de l'amiante ont été légitimement rouverts. Mais il importe aussi que chaque citoyen, quels que soient ses revenus, ait accès à des soins de qualité, grâce aux progrès de la science et aux moyens financiers dont dispose la collectivité.

Il faut poursuivre cette politique sanitaire et sociale et maîtriser l'évolution des dépenses, en fixant au système de soins des objectifs qui puissent mobiliser les structures et les professionnels et en leur offrant la souplesse dont ils ont besoin pour évoluer.

Une politique de la santé digne de la France doit s'intégrer dans un projet social plus vaste fondé sur l'égalité, et appréhendant l'ensemble des facteurs déterminant la santé de la population. C'est au Parlement qu'il appartient de déterminer une telle politique. Il devrait pour cela voter tous les cinq ans une loi d'orientation sanitaire fondée sur des choix de politique économique et sociale, des choix en matière d'éducation ou d'environnement, des choix propres au secteur de la santé. Le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale deviendrait alors l'occasion de mettre en cohérence les décisions financières annuelles avec les orientations sanitaires quinquennales.

Pour surmonter l'inertie du secteur de la santé, il lui faut un mode de régulation qui ne soit pas un simple contrôle budgétaire, rigide et répressif. Il n'y aura pas de vraie régulation si l'on ne laisse pas aux professionnels de santé l'entière liberté du choix des soins et du contrôle de leur qualité, l'Etat et les Caisses se réservant le contrôle des financements et des objectifs de la politique sanitaire.

Les états généraux de la santé, qui ont connu un grand succès, ont montré combien les attentes des citoyens étaient fortes. Quant à nos débats, ils ont montré notre impatience.

Par notre vote, nous soutenons aujourd'hui l'action du Gouvernement et nous comptons qu'il poursuive avec plus de concertation, les trois objectifs qu'il s'est fixés : promotion de la qualité des soins, réduction des inégalités, adaptation de l'offre de soins aux besoins.

J'ai parlé au nom de toutes les composantes du groupe RCV (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. François Goulard - Les longues heures de débat n'ont pas été de trop pour que nous exprimions les critiques sévères que nous inspire ce projet.

Le financement des 35 heures dans cette loi de financement est profondément anormal. Au bout du compte, c'est bien la Sécurité sociale qui paiera pour les 35 heures, ce n'est pas acceptable, ce n'est pas accepté par les partenaires sociaux !

En parlant d'abaissement des charges sociales pour les entreprises, vous travestissez la réalité. En fait, vous ne compensez pas vraiment la très forte augmentation du coût horaire des salaires liée aux 35 heures. Cela non plus n'est pas acceptable !

M. Jean-Luc Reitzer - Très bien !

M. François Goulard - La taxe sur les activités polluantes ne l'est pas plus, qui n'incitera en rien à réduire la pollution et qui pénalisera notre agriculture, en frappant les produits phytosanitaires. Les agriculteurs apprécieront.

Vous repoussez une fois de plus les indispensables réformes de notre système de retraites. Pour des raisons purement idéologiques, vous refusez la création de fonds de capitalisation qui consoliderait pourtant la retraite par répartition que ne pourra sauver votre fonds de réserve doté d'un montant ridicule.

Sous l'apparence d'une fausse délégation à la CNAM, vous instaurez un mécanisme de sanctions collectives en cas de dépassement des enveloppes globales, car les lettres-clés flottantes ne sont rien d'autre. Frapper ainsi les professionnels de santé qui n'y sont individuellement pour rien n'est pas acceptable moralement !

Vous mettez les établissements privés sous la tutelle de l'Etat. Pour nous, au contraire, ce sont les caisses qui devraient être les interlocuteurs de tous les hôpitaux. L'avenir est à la décentralisation, à l'expérimentation, à la responsabilisation des acteurs et non à l'approche bureaucratique qui est la vôtre.

Vous aviez déjà supprimé par le passé un grand nombre d'avantages substantiels jusque là accordés aux familles. Vous ne faites rien pour améliorer le sort de celles-ci, même des plus modestes et des classes moyennes. Vous n'avez pas conscience de l'ampleur des problèmes à venir.

Pour toutes ces raisons, nous refusons cette loi à court terme, qui ne garantit en rien l'avenir de notre protection sociale qui préoccupe pourtant les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Gérard Terrier - Ce projet de loi aura été l'objet d'une longue discussion dans notre assemblée. Pour y avoir assisté intégralement, ainsi qu'à celle sur la réduction du temps de travail...

M. Jean-Luc Reitzer - Bravo !

M. Gérard Terrier - ...j'ai constaté que l'opposition, après n'avoir parlé que de financement pendant tout le débat sur les 35 heures, n'a cessé de parler des 35 heures pendant l'examen du financement... Un faux débat s'est engagé sur la contribution de l'UNEDIC, comme si cette contribution était le c_ur du projet. Mais elle ne représente que 7,5 milliards au regard des 1 800 milliards du budget de la Sécurité sociale. Nous nous réjouissons par ailleurs que le Gouvernement ait eu la sagesse d'engager sereinement le dialogue avec les partenaires sociaux, afin de clarifier et de préciser leurs relations avec l'Etat.

Oui, ce projet de loi est entièrement financé, et cela n'a pas toujours été le cas ... Oui, ce projet est un grand projet, car il poursuit l'indispensable chantier de la réforme des cotisations patronales, amorcé par le transfert des cotisations sociales vers la CSG et poursuivi cette année par des abaissements de charges sociales. Moins d'un tiers de ces aides sont destinées à financer la réduction du temps de travail. Et plutôt que de les donner sans condition aux entreprises, elles seront réservées à celles qui s'engageront dans la lutte pour l'emploi. Comment être en désaccord avec une telle mesure ? Ce projet va aussi vers plus de justice en appliquant la baisse des charges sociales pour les salaires atteignant 1,8 fois le SMIC, évitant ainsi l'effet trappe à bas salaires du projet Juppé. «Mieux vaut que la Sécurité sociale finance le retour à de l'emploi des chômeurs que leur inactivité» ! Ce projet est bien plus ambitieux. Il fait apparaître un excédent, ce qui n'était pas arrivé depuis des années. Chacun devrait s'en réjouir, d'autant que nous y parvenons sans réduire les dépenses de santé et sans augmenter les cotisations.

L'ONDAM augmentera de 2,5 % et cette augmentation sera fondée sur les dépenses constatées, comme l'opposition l'avait souhaité l'an dernier.

M. Jean-Luc Reitzer - Nous avions donc raison...

M. Gérard Terrier - D'ailleurs le FMI, dans son rapport élogieux de la politique économique française, prône un maintien des dépenses sociales et encourage vivement le Gouvernement à tout faire pour mieux maîtriser les dépenses médicales. Il reconnaît en outre que ce programme de baisse des charges crée des emplois. Ce projet répond à cette attente en garantissant le rôle de l'Etat et en plaçant, après concertation, CNAM, praticiens, hôpitaux, devant leurs responsabilités.

La politique familiale, la politique de santé sont améliorées. Ce projet est une étape supplémentaire vers l'accroissement de la qualité des soins, et vers l'abondement du fonds de réserve des retraites. Bien du chemin reste à faire. Mais nous, socialistes, avons cette farouche volonté d'aller de l'avant, dans l'intérêt de nos concitoyens. C'est pourquoi nous voterons cet excellent projet, encore amélioré, c'est une habitude, par notre assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Bardet - Voici, Madame la ministre, votre troisième projet de loi de financement, et jamais on n'a vu projet si mauvais pour les Français (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), car aucun des problèmes de l'heure, qu'il s'agisse des retraites, de la santé ou de la politique familiale, n'est résolu. Je veux m'élever à nouveau contre le mépris dans lequel a été tenu le Parlement, s'agissant du contenu exact du projet. Jusqu'au dernier moment, en effet, l'article 2 a été présenté dans sa forme initiale, alors que chacun savait qu'il serait modifié, et c'est par la presse que nous avons appris le contenu de ces modifications. Jusqu'en séance publique, nous avons été saisis de cet article sous sa forme initiale, car l'amendement du Gouvernement est arrivé tardivement -alors que d'après l'article 100 de notre Règlement les amendements du Gouvernement doivent être discutés en premier.

Sur le fond, cet article n'a pas sa place dans une loi de financement de la Sécurité sociale ; c'est parce que les 35 heures ne sont pas financées que vous avez dû l'y mettre. Je le maintiens, il s'agit d'un hold-up, d'un détournement de fonds, même si ces termes vous exaspèrent parce qu'ils sont vrais. Le nouveau dispositif est certes plus subtil que le précédent, mais il revient au même : au lieu de piocher directement dans la poche des organismes sociaux, vous le faites indirectement, en changeant l'affectation d'une partie de la taxe sur les alcools qui devait alimenter le fonds de solidarité vieillesse. C'est à la fois une reculade et un tour de passe-passe. En même temps vous prenez dans la poche des travailleurs en taxant les heures supplémentaires -lesquelles d'ailleurs devraient disparaître à terme, de sorte que cette source de financement n'est pas pérenne. Il y a de même détournement objectif des taxes sur les tabacs, ainsi que de la TGAP, puisque le principe «pollueur-payeur» n'est plus respecté.

Pour la santé, vous ne définissez aucun objectif autre que comptable. Vous accordez une aumône aux prestations vieillesse, mais l'urgent problème des retraites est remis aux calendes grecques. Vous vous félicitez que les dépenses de santé augmentent moins que l'année précédente : vous êtes-vous demandé si l'état sanitaire de la population était meilleur ? Vous vous félicitez que l'hôpital soit resté «dans les clous», mais vous êtes-vous interrogée sur la rogne des infirmières, la vétusté des locaux et du matériel ? Sur la santé, ce projet n'apporte aucune vision d'ensemble. Quant à l'annexe, ce n'est qu'un catalogue de bonnes intentions, qui d'ailleurs n'engage personne.

En revanche, si ce projet ne s'intéresse pas à la santé des Français, il avance vers un système de santé étatisé, en donnant tous les pouvoirs à l'Etat sur l'hospitalisation publique et privée, tous les pouvoirs à la CNAM sur la médecine de ville, supprimant au passage l'esprit conventionnel. C'est un match où l'arbitre joue dans l'un des deux camps ! Sur tous les bancs de cette assemblée, à droite comme à gauche, des médecins et des paramédicaux vous ont dit que les articles 18 et 19 étaient mauvais. Par quel entêtement, par quel sectarisme les maintenez-vous ? Je ne suis d'ailleurs pas le seul à m'interroger. Le pas de clerc du parti communiste me conduit à me demander quelles garanties vous lui avez données, pour que, défavorable au projet ce matin, cet après-midi il s'apprête à s'abstenir...

Ce projet est dangereux pour la santé, pour la famille, pour les retraites. Il est empreint de sectarisme et d'idéologie. Il n'apporte aucune vision d'avenir. Le groupe RPR votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Jacqueline Fraysse - Comme chaque année, les réserves du groupe communiste portent sur le mode de financement de la Sécurité sociale. Nous souhaitons réformer les cotisations pour les élargir à tous les revenus, y compris financiers, comme l'affirmait le Premier ministre en juin 1997, et pour rééquilibrer revenus du travail et revenus du capital, comme vous le confirmiez quelques mois plus tard, Madame la ministre. Dans cette démarche, vous avez effectivement augmenté le taux de la CSG sur les placements financiers des ménages. Cette année vous proposez de créer une cotisation sociale de 3,3 % sur les bénéfices des sociétés, ce qui va dans le bon sens. Mais elle ne rapportera que 4,3 milliards. Au regard des 65 milliards d'exonération de cotisations patronales sur les salaires, sa portée est donc modeste. Elle l'est par rapport au rééquilibrage promis, comme à l'efficacité face aux besoins.

Où est en effet le rééquilibrage ? On a d'un côté un allégement de charges qui atteindra à terme 105 milliards, plus deux milliards d'économies pour les entreprises grâce à la réforme de la taxe professionnelle, et la suppression de la taxe sur les bénéfices pour 12,5 milliards. De l'autre côté, on a les taxes sur les heures supplémentaires, sur l'alcool, sur le tabac, qui sont supportées, directement ou indirectement, par les ménages (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), pour des montants très supérieurs à ce que rapportera la contribution sociale sur les bénéfices. C'est pourquoi, nous avons voté contre le projet en commission, le 21 octobre, puis contre l'article 2 la semaine dernière. Aussi l'amalgame que font certains avec les événements récents concernant le ministre des finances ne les grandit pas.

Faute de mesures ambitieuses sur le financement, vous ne pouvez, Madame la ministre, concrétiser les orientations qui figurent pourtant, et à juste titre, à l'article premier du texte, comme l'amélioration des remboursements -je pense en particulier aux prothèses dentaires et auditives et aux lunettes. Vous proposez même une baisse du pouvoir d'achat des pensions de retraite et des prestations familiales, avec une revalorisation de 0,5 % seulement pour une inflation prévue à 0,9 %. Des millions de personnes seront touchées par cette mesure inacceptable (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Certes nous ne négligeons pas les points positifs de ce texte. C'est la reconnaissance des centres de santé ; la garantie dans la loi du tiers payant ; l'extension du dispositif amiante à de nouvelles professions, avec le report du délai de forclusion pour l'ouverture des dossiers. C'est le calcul de la progression de l'ONDAM par rapport aux dépenses réelles, et non à l'objectif, de l'année précédente, ce qui constitue une reconnaissance implicite des besoins. Face au chantage du MEDEF, qui menace de quitter la gestion des organismes sociaux ; face à la droite, qui a montré tout au long de ce débat son attachement au plan Juppé, la meilleure réponse serait de rendre la parole aux assurés sociaux, et d'asseoir la légitimité de leurs représentants, en organisant l'élection des administrateurs des caisses. Nous regrettons que cette proposition ait été rejetée sans débat.

Dans le contexte actuel, certains rêvent de voir chuter le Gouvernement ("Oui !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Puisque, malheureusement, le débat a été placé à ce niveau, le groupe communiste, pour cette seule raison, s'abstiendra (Rires et huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Nous ne pouvons en effet accepter que le pouvoir d'achat des prestations sociales diminue, que l'on continue à fermer certains hôpitaux alors que d'autres se débattent dans des budgets insuffisants ("A la soupe !" sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL) alors que les profits des entreprises ont atteint 2 132 milliards, dont 4,3 seulement iront à la Sécurité sociale. Celle-ci est au c_ur des préoccupations des Français ; c'est une conquête fondamentale du mouvement social, qui a toujours su réagir face aux attaques. Nous voulons avancer. Soyez assurés que les parlementaires communistes reviendront sur ces questions au cours des prochaines lectures (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

A la majorité de 280 voix contre 246 sur 557 votants et 526 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000 est adopté.

La séance, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 heures 10.

LOI DE FINANCES POUR 2000 - deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, RECHERCHE ET TECHNOLOGIE (suite)

M. Bruno Bourg-Broc - Monsieur le ministre de l'éducation, vous êtes sans doute un homme heureux puisque votre budget progresse nettement plus que l'inflation et que la moyenne des crédits budgétaires pour 2000.

Le budget de l'enseignement supérieur pour 2000 s'élève à 52 463 millions, en progression de 2,6 % par rapport à l'an passé. Il s'articule autour de trois priorités : l'amélioration des moyens des établissements, notamment en emplois ; la mise en _uvre du plan Université du troisième millénaire ; la poursuite du plan social étudiant, ou plus exactement de la revalorisation des bourses puisque votre plan social se limite à cela.

Si l'on s'en tenait là, le groupe RPR voterait avec un enthousiasme à faire pâlir les travées de gauche les crédits de l'enseignement supérieur. Mais tel ne sera pas le cas. Si certaines des mesures proposées ne sont pas mauvaises, l'absence de véritable perspective rend inefficaces les augmentations de crédits.

S'il convient certes de maîtriser les dépenses publiques afin d'abaisser les impôts, certains budgets devraient faire l'objet d'un effort particulier, dont celui de l'enseignement supérieur, très inférieur en France à ce qu'il est dans la plupart des grands pays occidentaux. Pour que notre pays relève les défis du prochain millénaire, notamment celui de la bataille de l'intelligence, et conserve toute sa place dans le village planétaire, éducation, recherche et innovation doivent être considérées comme des priorités.

Or l'immobilisme prévaut depuis maintenant trop longtemps. Il ne s'agit certes pas de programmer quelque «grand soir» de l'enseignement supérieur français mais de ne pas se cantonner à une stricte approche budgétaire. Certes, Monsieur le ministre, vous allez sans doute passer en revue votre politique pour tenter de démontrer que vous n'êtes pas resté inactif. Malheureusement, hormis l'harmonisation de la durée des cycles d'études, le désormais célèbre «3-5-8», vous n'avez pas fait grand-chose.

Il est au moins trois directions dans lesquelles vous n'avez pas suffisamment travaillé pour que notre pays puisse gagner la bataille de l'intelligence. La première est la dimension internationale de notre enseignement supérieur. Il faudrait favoriser l'accueil des étudiants étrangers. Vous avez certes abondé les crédits de l'agence Edufrance : nous attendons les premiers résultats de son travail avant de nous prononcer. Il faudrait également améliorer la compétitivité de nos formations supérieures, dont l'image de marque à l'étranger est mauvaise. Excepté la Sorbonne, mondialement connue, nos universités n'ont pas la réputation d'excellence de celles d'autres pays.

Notre système est complexe, nos pôles universitaires de trop petite taille ou trop spécialisés. Sauf l'harmonisation, marginale, de durée de cycles, les autres problèmes ne sont pas traités.

Sans revenir sur l'échec en premier cycle ou l'inégalité des chances, j'observe, à propos de la réforme de premier cycle, que la semestrialisation engagée par votre prédécesseur est en panne ; que sur la nécessité de privilégier les travaux dirigés et le tutorat, de réorganiser une première année ultra-spécialisée, vous n'avez pas avancé.

Je reviendrai sur les flux en première année lors des questions.

Enfin, vous n'avez rien fait pour améliorer l'autonomie des universités, reconnue par tous comme une nécessité dès lors qu'on préserve le caractère national des diplômes, ni sur la mise en place d'un véritable système d'évaluation des formations et des universités.

Toutes les augmentations budgétaires ne suffiront pas à engager la bataille de l'intelligence si vous n'avez pas ces chantiers. C'est pour ces raisons notamment que le groupe RPR ne votera pas ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. Claude Goasguen - Votre budget, comme les précédents n'apporte pas grande innovation. Il augmente, certes. Mais suffit-il d'augmenter un peu les crédits pour convaincre ? Nous ne le pensons pas. La loi de finances ne se réduit pas à un exercice de gestion, c'est d'abord un acte politique.

De ce point de vue, votre budget est terne. Vous nous aviez donné l'habitude des discours tournés vers l'avenir. Mais l'enseignement supérieur ne vous inspire pas. Certains se félicitent que vous ne fassiez pas de vagues. Nous regrettons votre attentisme. Le monde politique serait-il donc tétanisé en permanence par la crainte d'un mai 68 ? Nous manquons tous un peu de courage, alors que la modernisation est nécessaire.

Vous vous targuez de préparer le troisième millénaire. Mais que disent les faits ? Ce budget ne fait que tenter de rattraper le retard accumulé en ce qui concerne le logement étudiant, le patrimoine universitaire ou l'encadrement enseignant. Votre logique comptable, qui ne permettra pas à l'université de retrouver son rayonnement, ne répond pas aux espoirs. Votre attentisme déçoit le monde universitaire.

Le budget augmente de 2,6 %. C'est moins qu'en 1999, moins que la croissance. Sur quatre points, je souhaiterais des explications.

D'abord, pourquoi la désaffection pour les filières scientifiques ? Ensuite, vous faites une priorité du plan social étudiant. Mais l'effort pour les bourses ne doit pas se faire au détriment des conditions de vie dans les villes universitaires. Or que deviennent la restauration, le logement, la médecine universitaires ?

Quant au plan U3M, il renouvelle l'effet d'annonce du plan Universités 2000 -avec la même hypocrisie. Vous faites des promesses qui ne pourront être tenues faute de moyens, et une nouvelle fois l'Etat se défausse sur les collectivités territoriales. Certains objectifs sont posés, et correctement posés, mais c'est trahir l'esprit de la décentralisation que de faire assumer aux régions les défaillances de l'Etat.

De même, le plan U3M ne construit pas, il ravale les façades. Le seul désamiantage de Jussieu représente plus de 20 % des crédits immobiliers. Les bibliothèques universitaires sont délabrées et mériteraient un effort bien supérieur. Pour atteindre un volume par étudiant et par an, il faudrait doubler le nombre d'abonnements et développer massivement les accès électroniques. Cela nécessiterait 1 500 millions par an, non les 890 millions que vous prévoyez.

A l'ère de la mondialisation, la concurrence entre universités n'est pas que culturelle. Elle traduit des enjeux économiques notamment en ce qui concerne la formation des cadres.

Pour réformer il faut engager une vaste réflexion, avec l'opposition qui souhaite y participer pleinement et aboutir à un consensus constructif. Moderniser n'est ni de droite ni de gauche.

Les universités ont besoin d'autonomie financière. Nous avons des suggestions à vous faire, notamment la création de fondations universitaires qui permettront d'avoir un patrimoine, de le rendre actif lorsqu'il existe.

Quant à l'insertion des étudiants, le service public universitaire ne peut se limiter à donner des diplômes. C'est ensuite que les difficultés commencent, or nous laissons les étudiants démunis. Il faut donner aux universités le personnel compétent pour accompagner les étudiants dans la recherche d'un emploi ou d'un stage rémunéré. D'autres pays le font. Nous avons un devoir à l'égard de nos étudiants. Faute parfois de savoir trouver un emploi certains préfèrent la sécurité relative d'une nouvelle inscription à l'université. Favoriser l'insertion permettrait de lutter contre cet allongement de la durée des études et de désengorger certaines filières.

La réflexion, je le répète, doit s'ouvrir au-delà de la majorité, pour parvenir à ce consensus dont l'université a besoin. Au-delà d'une gestion comptable, nous n'avons pas trouvé dans votre projet la volonté de moderniser l'université. Notre groupe est donc contraint de voter contre votre budget en attendant des jours meilleurs (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Georges Sarre - Le budget civil de la recherche et du développement qui nous est soumis préoccupe les députés du MDC. Vous voulez le réorganiser et vous déplorez que les très grands établissements y tiennent trop de place. C'est ce qui justifie l'abandon du projet Soleil.

La France, à vous lire, n'a pas besoin d'un nouveau synchrotron et n'a pas les moyens de le financer seul. C'est pourquoi vous avez annoncé au début du mois d'août la participation de la France à la construction d'un synchrotron de troisième génération sur le sol britannique. Nous considérons, pour notre part, que la recherche française a besoin de cette machine sur notre territoire et je vais donc m'employer à réfuter point par point votre argumentation.

En premier lieu, vous incriminez la part excessive des très grands instruments, au détriment du fonctionnement au jour le jour des laboratoires. Mais vous procédez par amalgames. On ne peut ranger dans la même catégorie les vols spatiaux, Virgo et des équipements d'application directe comme le synchrotron. S'il s'agit de redéployer des crédits vers les laboratoires, votre pratique contredit vos intentions. Avec le FNS et le FRT, vous avez en effet constitué des cagnottes pour distribuer de manière centralisée et sélective -certains diraient discrétionnaire- des crédits de recherche. De plus, les utilisateurs du synchrotron viennent des laboratoires. Il est donc vain de les opposer aux autres scientifiques.

S'agissant des besoins en lignes de lumière, vous affirmez que rien ne prouve que nos ressources seront insuffisantes mais les besoins, estimés à vingt ans, traduisent une augmentation de 120 % par rapport à la production actuelle du LURE d'Orsay. Ce sont les machines de troisième génération et les stations d'expérience sur sections droites qui sont les plus convoitées. Or, en ce domaine, la pénurie menace et le LURE, qui a vieilli, ne permet pas de répondre aux besoins. Est-il pertinent, dans ce contexte, de le prolonger plutôt que de penser à son remplacement ? Quant à l'ESRF de Grenoble, que vous avez qualifié de très bel équipement, il est financé par plusieurs pays et la part de la France y est saturée. Cela ne sera pas suffisant pour maintenir le cap de l'expérimentation française qui a besoin de nouveaux équipements en vingt-quatre lignes, sauf à voir baisser sa compétitivité.

Vous avez dit ensuite que le coût de Soleil était prohibitif et que le projet Diamont et la rénovation du LURE permettraient de disposer de quatorze lignes. Mais Soleil offrait 24 lignes et compte tenu des retours sociaux et des créations d'emploi induites, le coût d'une heure de fonctionnement de Soleil serait deux fois moins élevé que celui des autres équipements qui imposent de surcroît de louer d'autres machines auprès de nos partenaires européens. S'agissant des équilibres internes de votre budget, il faut comparer ce qui peut l'être et il n'est guère raisonnable d'opposer le coût consolidé de Soleil au plan social étudiants.

Enfin, vous estimez que le projet Soleil n'est pas assez européen. Rien n'interdit cependant de l'ouvrir à des participations étrangères de manière à optimiser son utilisation en fonction des besoins scientifiques. Soleil est un facteur de rayonnement pour la France et non de repli. D'ailleurs, le seul point qui ne fait pas débat, c'est l'utilité du rayonnement en lui-même pour l'ensemble des disciplines d'avenir -chimie, biotechnologies...-, toutes confrontées à une compétition internationale de plus en plus vive. Tous les rapports qui ont été publiés vont d'ailleurs en ce sens, à l'exception de celui de M. Clavin, que M. Petroff, actuel directeur de l'ESRF, a jugé faux en grande partie.

M. Claude Cohen-Tanuggi, prix Nobel, a pour sa part démissionné récemment du Conseil national de la science au motif qu'il lui était impossible de faire entendre une voix divergente sur le synchrotron...

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Une voix contre vingt-six !

M. Georges Sarre - Considérant son caractère indispensable pour l'avenir de la recherche française et son coût relatif, le mouvement des citoyens demande fermement la réalisation de Soleil. A défaut de l'obtenir, les députés du MDC seraient conduits à ne pas voter les crédits du budget civil de la recherche (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Pierre Cohen - Dans une période où il est fait sans cesse référence aux logiques de marché, y a-t-il encore une place pour la recherche publique ?

La France, qui veut s'imposer comme un des principaux acteurs de la constitution de l'Europe, se doit d'être au premier rang de la production du savoir. A cet effet, la recherche a souvent été considérée comme une priorité mais l'est-elle encore aujourd'hui ?

Je suis convaincu -et nous l'avons consigné avec M. Jean-Yves Le Déaut dans le rapport sur l'organisation de la recherche que nous a confié le Premier ministre- que la recherche est aujourd'hui à la croisée des chemins. Son avenir est en effet mis en cause par un contexte idéologique qui favorise fortement les recherches finalisées au détriment de la recherche fondamentale et par un environnement économique qui détourne les jeunes de la recherche publique au profit de l'entreprise. Le secteur de l'informatique montre que ce phénomène est déjà d'actualité.

De même, la pyramide des âges du secteur peut affaiblir considérablement des pans entiers de nos pôles d'excellence.

Face à des changements de société rapides, il convient de placer la recherche au rang des priorités nationales. Or, même si nous n'en somme pas encore là, ce budget est en progression pour la troisième année consécutive, contrairement à ce qui s'est produit de 1993 à 1997 et repose sur des priorités clairement affichées.

Vous abondez fortement les deux fonds d'intervention, le FNS et le FRT, qui bénéficient d'une augmentation de 36 %. L'objectif premier est de mettre l'accent sur les biotechnologies et sur les technologies de l'information. On ne peut que soutenir ces choix. Ce financement ne doit pas cependant intervenir au détriment des organismes et il faut rendre les choix transparents.

L'aide aux laboratoires, qui consiste à aider les laboratoires grâce à une enveloppe supplémentaire de 100 millions, va générer une progression des moyens de 3,5 %. Elle doit être amplifiée car nous nous trouvons face à un risque de dispersion.

Vous réitérez votre soutien aux jeunes scientifiques, grâce aux écoles doctorales et aux incitations à la création de nouvelles jeunes équipes. Je tiens également à saluer la décision d'alléger les services d'enseignement des jeunes maîtres de conférences les deux ou trois premières années, afin de favoriser la recherche universitaire.

C'est dans le dispositif d'aide aux technologies et à l'innovation que votre politique est la plus marquée, d'autant que la loi sur la recherche et l'innovation va permettre de transférer plus efficacement les connaissances de pointe vers le monde économique et social.

Sachant que votre objectif était d'orienter davantage le transfert vers les PME/PMI plutôt qu'au bénéfice des grands groupes, je pense que nous pourrons progresser sensiblement dans cette voie.

Enfin, vous soutenez la culture scientifique et technique en proposant à l'office d'évaluation des choix scientifiques et techniques de jouer un rôle actif.

Il reste cependant quelques points d'ombre. Ainsi que je l'ai déjà souligné, votre budget est en croissance de 1,1 % à périmètre constant, ce qui le situe juste au-dessus de l'inflation mais largement en dessous du taux de croissance. De plus, cette année, seuls les remplacements des départs à la retraite pour les chercheurs sont prévus et uniquement 18 postes d'ITA pour tous les organismes.

Je connais votre désaccord, Monsieur le ministre, avec notre proposition mais je voudrais une fois de plus vous signifier le danger d'entrer dans la phase où la pyramide des âges va en quelques années imposer le remplacement de près de la moitié des effectifs. Seul un échelonnement sur une dizaine d'années et dès maintenant permettrait de préserver la qualité de ce secteur. Ne pas faire de loi de programmation de l'emploi scientifique, c'est afficher une stratégie qui modifiera très sensiblement à terme les équilibres de nos structures de recherche. Cet enjeu nécessite une position claire car nous ne pourrions cautionner une telle évolution, mais nous avons un an pour en débattre.

Je conclurai en mentionnant la baisse du budget Espace. M. Pierre Ducout, président du groupe parlementaire sur l'espace, y reviendra plus en détail. Moins que la baisse de 160 millions, c'est l'avenir de ce secteur qu'il me semble urgent de préciser, car la France y joue un rôle déterminant et peut afficher une stratégie concurrentielle face aux Etats-Unis.

Les choix opérés sont les bons, qu'il s'agisse des lanceurs, de la localisation ou de l'observation de la terre. Dans tous les cas, le politique doit jouer un rôle de mise en perspective. Aussi, j'espère que la préparation de la présidence française de l'Union nous permettra d'affirmer nos orientations dans le secteur de l'espace comme pour la recherche.

C'est donc sans passion mais avec espoir que le groupe socialiste votera le budget de la recherche (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Foucher - Avec une hausse deux fois moindre que celle de l'an dernier, le budget de l'enseignement supérieur, qui atteint seulement 52,463 milliards manque évidemment d'ambition. Il ne vise qu'à gérer l'existant et n'innove en rien, puisque les grandes réformes que vous annoncez régulièrement, Monsieur le ministre, sont repoussées à l'année prochaine dans le meilleur des cas. Je crains que le retard de la France ne devienne de la sorte irrattrapable.

Les dépenses ordinaires progressent de 3,5 % tandis que les dépenses en capital sont en baisse de 4,5 %. Ce budget permet de poursuivre la mise en _uvre du plan social étudiant engagé en 1998, et de poser les jalons du plan Universités du troisième millénaire qui sera, pour l'essentiel, financé par les contrats de plan Etat-régions. Cependant, ce budget ne donne pas les moyens de mettre en oeuvre les réformes attendues par l'enseignement supérieur.

Le plan social étudiant devrait avoir pour objectif d'élaborer un statut social de l'étudiant et de créer un dispositif d'aides directes. On peut noter un effort louable sur les crédits à l'action sociale, qui progressent de 8 % par rapport au budget initial pour 1999, ce qui devrait permettre d'améliorer sensiblement les bourses, qui représentent 80 % des dépenses d'action sociale. Les montants en sont revalorisés et le champ d'application élargi, si bien que 36 000 nouveaux boursiers devraient en bénéficier. Voilà qui est bien, mais cela reste du seul domaine des aides. Nul statut de l'étudiant et nulle réponse au problème du logement étudiant, question qui n'est d'ailleurs traitée que dans le cadre du plan U3M, à hauteur d'un quart de l'enveloppe, alors que rénovations et constructions nouvelles importantes de chambres de résidence universitaire sont nécessaires. Considérant que le budget de l'enseignement supérieur ne reflétait qu'un saupoudrage des aides, sans les mesures novatrices annoncées depuis deux ans, le conseil d'administration du centre national des _uvres universitaires et scolaires a d'ailleurs rejeté, le 27 octobre dernier, son projet de budget 2000.

En ce qui concerne les personnels, vous annoncez 400 possibilités de recrutement d'enseignants-chercheurs. Mais cette mesure correspond au transfert de la prise en charge de 400 attachés temporaires d'enseignement et de recherche. Par ailleurs, 796 emplois budgétaires de personnels enseignants sont créés : pour 65 % des postes de maîtres de conférences et pour le reste des postes de professeurs, ce qui contribue, et nous nous en réjouissons, à diminuer le taux d'encadrement.

Cependant, ces créations sont en partie financées par la suppression de 40 % d'heures complémentaires. Or, vous le savez, Monsieur le ministre, ces heures complémentaires sont très utiles dans les formations professionnelles, car elles permettent de recruter des chargés d'enseignement vacataires parmi les cadres supérieurs, ce qui favorise les contacts entre les étudiants et les entreprises. Leur suppression ne sera donc pas sans effet sur l'insertion professionnelle des étudiants concernés.

Quant aux moyens de fonctionnement des universités, abondés de 120 millions, ils sont principalement destinés à permettre le développement des nouvelles technologies. La recherche universitaire bénéficie d'une subvention de fonctionnement d'un peu plus de 28 millions qui devrait autoriser l'accueil de 220 postdoctorants étrangers. Les crédits de fonctionnement des bibliothèques universitaires ne bénéficient que de 10 millions de mesures nouvelles puisque les 5 millions restant ne proviennent que de transferts de crédits. La création de 80 emplois supplémentaires de personnels de bibliothèque représente un progrès, mais de grands efforts supplémentaires sont attendus, car beaucoup de bibliothèques sont dans un état déplorable et la France connaît un retard considérable en la matière. Les heures d'ouverture sont notoirement insuffisantes comme le soulignent très souvent les étudiants qui regardent avec envie les bibliothèques universitaires américaines, ouvertes en continu.

Enfin, le plan Université du troisième millénaire voit ses crédits s'élever à 3,899 milliards en progression de 28 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999. Y sont intégrés les crédits de maintenance pour 600 millions, hors recherche. Mais dans cette dotation, 600 millions sont destinés au désamiantage de l'Université de Jussieu, ce qui grèvera, à hauteur de 20 % les crédits d'investissement destinés aux constructions et aux restructurations ainsi que les crédits consacrés au lancement de nouveaux projets, comme la rénovation du Muséum d'Histoire naturelle ou du musée du quai Branly. Sur le fond, il est à craindre que ce plan n'implique trop les collectivités locales, mises à contribution alors que ce n'est pas leur rôle.

On constate encore que la hausse des crédits de fonctionnement de l'enseignement supérieur ne saurait masquer la baisse de 4,5 % des crédits de paiement et la disparition de 1 600 postes compensée partiellement par la création de 1 260 postes.

D'une manière générale, il est nécessaire d'ouvrir l'enseignement supérieur au monde, notamment par une meilleure harmonisation des études. Europe de l'emploi et Europe de l'éducation vont de pair. C'est un thème que le groupe UDF évoque depuis longtemps, et qui est d'ailleurs relayé dans vos rangs par Jacques Attali. La toute récente conférence de Bologne a permis de définir les grandes lignes d'une telle politique. Certes, le Gouvernement a annoncé la mise en place d'une trame commune, mais, au-delà des ambitions affichées, le présent budget ne propose pas de mesures permettant d'appliquer ces réformes.

Par ailleurs, les enseignants des classes préparatoires connaissent une baisse importante et démotivante de leur rémunération en raison de la diminution de 17 % du taux des heures supplémentaires, qui les atteint tout spécialement. En réponse à mon collègue Pierre Méhaignerie, vous avez indiqué qu'une étude était en cours pour arrêter les modalités d'une nouvelle indemnité compensatrice et nous aimerions des précisions à cet égard.

D'autre part, comme je le souligne chaque année, il me semble indispensable de créer des liens solides entre les entreprises et l'enseignement supérieur. Les grandes écoles ont su le faire depuis longtemps, mais ce n'est pas le cas de l'Université. Certes, vous promettez une licence professionnelle pour 2000, mais il ne s'agit malheureusement que d'un projet. Or l'étudiant français est celui des pays développés qui coûte relativement peu. En redéployant la dépense sociale globale d'éducation, on pourrait envisager de financer correctement une formation professionnalisée, à laquelle les entreprises pourraient participer.

Enfin, des réflexions sont actuellement menées sur la réforme des études médicales, pharmaceutiques et odontologiques au sein de votre ministère. J'y reviendrai par le biais d'une question spécifique car ce projet suscite une grande émotion.

Je souhaite, enfin, souligner le danger, à terme, de la diminution continue des effectifs de l'enseignement supérieur dans les sections scientifiques, alors que le développement des technologies innovantes commande l'arrivée sur le marché d'ingénieurs et de chercheurs plus nombreux. De 1994 à 1998, les effectifs d'étudiants en DEUG de science de la matière ont diminué de 10 %, de 25 % en mécanique et chimie et de 40 % en génie des procédés ! Il semble que l'accent mis sur les filières courtes, les difficultés rencontrées par les jeunes thésards, et le peu d'attrait de l'université découragent les bacheliers de rejoindre ces filières. Dans le même temps, certaines orientations à la mode, comme la psychologie ou les «sciences et techniques des activités physiques et sportives» ouvrent peu de débouchés parce que le marché est saturé. Un effort très important d'information des étudiants doit donc être fait.

Stable en volume par rapport à la loi de finances pour 1999, avec des crédits de paiement ne progressant que de 1,1 % pour un PNB à 2,5 %, le budget de la recherche connaît cette année encore un tassement très net. Il n'est pas prioritaire alors que la recherche comme je l'avais déjà souligné l'année dernière lorsque j'étais rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, est un élément de base du développement et du rayonnement d'un pays. Est-ce parce que la recherche ne dispose plus, hélas, d'un ministère particulier ? Est-ce parce que vos ambitions affichées ne trouvent pas d'écho chez les chercheurs eux-mêmes ? Toujours est-il que ce budget ne correspond ni aux attentes nées des assises de l'innovation de 1998, ni aux souhaits des chercheurs, ni à vos déclarations précédentes.

Vous vous attachez presque exclusivement, d'une part, au renforcement des moyens des laboratoires publics de recherche et, d'autre part, au développement de l'innovation et au renforcement des liens entre recherche publique et entreprise. Il faut reconnaître que, dans ce but, vous renforcez les moyens alloués au fonds national de la science, crédits que le ministère gère directement ! Cela devrait permettre une politique de recherche cohérente. Les crédits du fonds pour la recherche et la technologie et de la diffusion des technologies du secteur spatial progressent eux aussi sensiblement de 35 %. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication et la création d'entreprises technologiques devraient en bénéficier. Mais tous ces chiffres démontrent votre souci majeur : centraliser la gestion. Pour la restauration des moyens des laboratoires des organismes de recherche, la priorité est donnée au soutien de base des unités de recherche, qui augmente de 3,5 %.

Les personnels, quant à eux, connaissent surtout des transformations d'emplois requalifiantes puisque seulement 18 postes d'ITA sont créés et qu'à l'INRA, 30 emplois d'ITA sont transformés en emplois de chercheurs. Aucune création n'est annoncée pour les personnels chercheurs des établissements publics scientifiques et technologiques. Les moyens en personnel sont d'autant plus insuffisants que le taux de renouvellement qui devrait être de 5 % n'atteint que 3 %. Je soulignerai tout de même une mesure intéressante : l'augmentation, à hauteur de 8,3 millions, de la subvention pour les fondations de recherche des instituts Pasteur et Curie. Par ailleurs, quelques dispositions favorisent la recherche universitaire, qui en a grand besoin. Mais il est regrettable que, hors FRT, les crédits de la recherche industrielle gérés par le ministère de l'industrie et les crédits de l'ANVAR soient, globalement, maintenus. Il aurait fallu des mesures concrètes et importantes.

Ce budget se résume donc à une enveloppe serrée dont la distribution très centralisée laisse les organismes de recherche au pain sec, comme l'a écrit récemment un grand quotidien. Les organismes de recherche reconnus voient leurs crédits progresser à peine, quand ils ne régressent pas, comme c'est le cas pour les crédits civils du CNES.

Tel est aussi le cas du budget du CEA, qui fait l'objet d'une présentation en trompe-l'_il. Au titre IV, les crédits semblent abondés de 79 millions mais le budget total est inférieur au budget initial de l'année dernière puisqu'il est basé sur le budget 1999 effectivement alloué, avec 100 millions de crédits en moins qui n'ont jamais été versés. On peut en outre se demander si seront effectivement crédités au CEA 236 millions qui paraissent calculés de manière étrange -50 millions provenant du FRT et du FNS, 165 millions devant venir des industriels et 21 millions provenant du différentiel sur les ventes forcées de certaines filiales, donc du capital. Vous ne tenez pas non plus vos promesses de revalorisation au titre VI puisque le renouvellement des installations n'est pas assuré. Même si ces 236 millions étaient réellement acquis, la situation financière entraînerait un gel des salaires, d'autant qu'il n'est tenu compte ni des effets des 35 heures ni de l'augmentation de la taxe sur les installations nucléaires de base.

Vos choix en matière de grands équipements sont contestables, j'en veux pour preuve l'abandon du projet Soleil, décision prise pendant l'été, contre l'avis de tous les experts et sans aucune concertation.

A l'occasion de ce budget, nous aimerions que vous nous présentiez, Monsieur le ministre, votre vision globale de la recherche française.

Le décalage entre les objectifs affichés et les moyens alloués nous empêchera de voter ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Patrick Leroy - A la lecture du budget de l'enseignement supérieur on se demande aussitôt pourquoi le nombre des inscriptions universitaires diminue pour la première fois depuis 40 ans, alors que la population de cette classe d'âge augmente.

Mes rencontres avec les syndicats et les associations d'étudiants m'ont permis de trouver plusieurs explications : manque de débouchés, obsolescence des méthodes de formation, complexité des inscriptions, manque d'encadrement, carences des bibliothèques, insuffisances de l'action sociale, fonctionnement imparfait des IUFM, mauvais accueil des étudiants étrangers, importance de l'échec en premier cycle. De tout cela sont d'abord victimes les étudiants les plus modestes.

Quelles réponses apporte ce budget ?

Alors que le budget général de l'Etat, comporte une augmentation des dépenses de 0,9 % seulement, le budget de l'enseignement supérieur progresse de 2,63 % pour atteindre 52,4 milliards mais son taux de croissance est inférieur à celui de 1999, ainsi qu'à celui du budget de l'éducation nationale pour 2000. En outre les dépenses ordinaires sont privilégiées au détriment des dépenses en capital. En ce qui concerne les emplois, ce budget a un solde négatif : 1 674 suppressions pour 1 668 créations de postes. Et sur les 1 196 postes d'enseignants créés, 400 ne sont que des postes d'attachés temporaires d'enseignement et de recherche donc des emplois précaires. Sur les 472 emplois administratifs, techniques et de bibliothèques seulement 20 postes d'infirmières et 80 postes de personnels de bibliothèques sont prévus. Ainsi, les effectifs des personnels de bibliothèque progressent d'à peine 2 % alors que le budget de 1999 avait créé 150 postes.

Les crédits de fonctionnement des établissements progressent mais en contrepartie d'une économie de 40 millions sur les heures complémentaires. Les bibliothèques sont dotées d'à peine 10 millions de mesures nouvelles alors qu'elles sont dans un état déplorable.

La dotation consacrée au plan social étudiant est nettement insuffisante par rapport aux objectifs poursuivis et aux besoins en matière de santé, d'hébergement, de restauration et d'aides sociales.

Ce budget consacre 3,300 milliards en AP et seulement 2,850 milliards en CP au financement du plan de l'Université du troisième millénaire pour les dépenses liées aux contrats de plan Etat-régions, pour les opérations de mise en sécurité de Jussieu et pour les constructions notamment celle du quai Branly. Le désamiantage de Jussieu bénéficie de 600 millions en AP.

Une partie des crédits est aussi consacrée à la rénovation du Muséum national de l'histoire dont l'état de délabrement préoccupant a fait l'objet d'une question écrite de ma part.

Le plan U3M est également intégré aux contrats de plan Etat-régions 2000-2006 pour un montant estimé entre 50 et 60 milliards pour lequel l'Etat ne contribuerait qu'à hauteur de 15 milliards, laissant ainsi l'essentiel des dépenses à la charge des collectivités territoriales et se désengageant dans un domaine où sa compétence institutionnelle est exclusive.

Même si je me félicite des efforts faits en faveur du plan social étudiant, encore qu'ils soient largement insuffisants, en faveur des dépenses d'équipement malgré leur évolution erratique, en faveur des travaux de mise en sécurité de Jussieu, je ne crois pas, Monsieur le ministre, que ce budget réponde aux aspirations des personnels et des étudiants. C'est pourquoi le groupe communiste s'abstiendra.

Que dire du budget de la recherche et de la technologie sinon qu'il est insuffisant ? Il régresse de 40 milliards en 1999 à 39 milliards 860 millions en 2000. Pour le budget civil de recherche et développement, la progression est d'à peine 1,3 % avec, cette année, 54 milliards 477 millions de francs. Le Fonds national pour la science et le Fonds de la recherche et de la technologie bénéficient de crédits en forte progression qui passent respectivement de 318 à 565 millions et de 376 à 670 millions en crédits de paiement. Curieusement, ces montants sont très proches des crédits de soutien aux unités de recherche universitaire.

La dotation des établissements publics de recherche, fierté de la recherche publique française, augmente seulement en moyenne de 1,4 % en dépenses ordinaires et en crédits de paiement.

Parmi les établissements publics à caractère scientifique et technologique, si les crédits de l'INRIA augmentent de 4 %, ceux de l'INSERM, de l'INRA et, surtout, du CNRS ne progressent respectivement que de 1,8 %, 1,7 % et 1,1 %. Leurs autorisations de programme et crédits de paiement sont même inférieurs à ceux de 1993. A l'exception du CEA et du CIRAD, les établissements de recherche à caractère industriel et commercial sont soumis à d'importantes restrictions. Ainsi les crédits de paiement du CNES régressent de 10,4 % et ceux d'IFREMER de 5,4 %. Les 50 millions d'autorisation de programme pour le renouvellement de la flotte, supprimés dans le budget 1999, n'ont pas été rétablis dans le budget 2000. Or le remplacement du Nadir, navire vétuste de 25 ans, et la construction d'un nouveau navire support d'engins sont urgents.

Pour les très grands équipements, sans lesquels certaines disciplines parmi les plus pointues ne peuvent progresser, on note l'abandon pur et simple du projet français de synchrotron Soleil. Cette décision ministérielle unilatérale, sans consultation de la communauté scientifique ni des élus, lancée en plein été ne peut que susciter notre ferme désapprobation. Elle risque de faire perdre à la France sa position dans un domaine où elle était pionnière, d'affaiblir le potentiel de recherche français, de nous faire perdre d'énormes retombées économiques. C'est bien à cela qu'aboutirait une participation minoritaire à la construction du synchrotron britannique Diamond sur le sol anglais. A ce propos, pourquoi le Conseil des très grands équipements a-t-il été supprimé ? Pourquoi, par ailleurs, le rapport Paul Clavin sur Soleil est-il tenu secret ? Quand allez-vous répondre, Monsieur le ministre, au courrier que je vous ai adressé le 15 septembre dernier pour en demander la publication ? Mon groupe ayant réclamé, à maintes reprises, un débat ouvert et transparent entre le milieu scientifique et le Parlement, j'ai du mal à comprendre vos déclarations estivales et précipitées. D'éminents scientifiques ont aussi fait part dernièrement de leur total désaccord.

Je regrette vivement que ce budget ne prévoie aucune création d'emploi de chercheur dans les EPST et seulement 18 créations de postes d'ingénieurs, techniciens et administratifs. Comment, dès lors, éviter le vieillissement des chercheurs et des ITA ? Vous vous contentez d'un taux annuel de renouvellement de 3 % alors qu'il faudrait un taux de 5 % pour compenser les départs à la retraite. En outre, rien n'est fait pour inciter au départ. L'emploi précaire se banalise dans les établissements publics et universitaires.

Il y a actuellement au CNRS au moins 4 500 personnes en situation précaire, soit 18 % du personnel ! Que faites-vous ? Sur l'emploi, le rapport Le Déaut-Cohen...

M. Jacques Guyard - Très bon rapport !

M. Patrick Leroy - ...trace des pistes intéressantes qu'il s'agisse d'une loi de programmation de la recherche, de l'emploi scientifique ou du recrutement précoce des jeunes docteurs. Qu'en pensez-vous ?

Un mot, enfin, sur le crédit impôt-recherche censé inciter les entreprises à augmenter leur recherche développement. A l'instar d'Henri Guillaume dans son rapport, nous dénonçons depuis des années l'opacité et l'inefficacité de ce dispositif qui coûte chaque année 3 milliards de francs à l'Etat. Le groupe communiste a proposé lors de l'examen de la première partie de la loi de finances, de lui substituer un impôt recherche libératoire ; note amendement n'ayant pas été adopté, il serait au moins souhaitable qu'une expertise annuelle poussée figure dans le rapport sur l'état de la recherche et du développement technologique annexé au projet de loi de finances. Ainsi pourrions-nous apprécier la réalité des sommes mobilisées, et leur utilisation.

Mon propos n'a rien à voir avec celui, démagogique, de la droite. Il exprime simplement la crainte que certaines de vos décisions aient des conséquences très lourdes pour l'avenir de notre pays dans un domaine aussi crucial que la recherche scientifique.

Je voudrais qu'un gouvernement de gauche puisse s'enorgueillir d'avoir bâti un système plaçant notre recherche au plus haut niveau international.

Nous attendons avant la dernière lecture, des mesures significatives en faveur de l'emploi scientifique et des grands organismes. A défaut, nous ne pourrions que confirmer notre vote négatif (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Pierre Lasbordes - Je concentrerai mon propos sur la partie Recherche de votre budget. Nous ne pouvons qu'être satisfaits des deux axes que vous présentiez dans une note du 20 septembre sur votre conception politique de la recherche : rendre à la recherche française, une place de premier plan dans tous les domaines, et en faire un moteur de l'essor économique et de la lutte contre le chômage. Mais les moyens ne sont pas à la hauteur de ces ambitions. Votre budget de la recherche progresse de 1,1 %, soit à peine plus que l'ensemble du budget : ce n'est donc pas une priorité pour votre gouvernement. Ainsi ce budget n'augmente pas plus vite que l'inflation et sa part dans le PIB diminue, compte tenu d'une croissance prévue de 3 %.

Pour ce qui est des EPST, nous constatons des écarts importants entre eux tant en autorisations de programme qu'en crédits de fonctionnement. Ainsi, le CNRS, qui représente plus de 63 % du potentiel des EPST, paraît puni de son indocilité puisque ses crédits ne croissent que de 1,1 % alors que les autres EPST bénéficient d'une augmentation plus importante. Ce n'est pas là une politique mais plutôt l'effet de réactions d'humeur ! Comme vous le disiez ici même mercredi dernier, depuis que vous êtes ministre, il y a sans arrêt des problèmes (M. le Ministre proteste). Changez de politique, et il y en aura moins !

Nous ne pouvons que saluer la progression de 3,1 % du budget de la recherche universitaire, avec un accent particulier pour l'accélération du plan d'accueil des doctorants étrangers. Pour la formation doctorale, les crédits sont strictement maintenus à 1 750 millions, à l'exception des conventions industrielles de formation et des bourses CIFRE. Aussi, recommandons-nous une réévaluation de ces dernières, qui sont restées au même taux depuis longtemps.

Si les crédits des établissements sont sévèrement contingentés, ceux qui dépendent d'une distribution directe du ministère croissent fortement. Les autorisations de programme du fonds de la recherche et de la technologie croissent de plus de 34 %, la diffusion des technologies du secteur de 50 %, le fonds national de la science de 40 %, ce qui traduit votre volonté d'exercer un pilotage croissant de la recherche. Dans ces conditions, nous nous interrogeons sur la cohérence de vos positions : en tant que ministre de l'éducation nationale, vous défendez la décentralisation, et en tant que ministre de la recherche, la recentralisation !

Ce budget fait état d'un taux de renouvellement de 3 % des personnels chercheurs des EPST. Ce taux semble inférieur à celui des départs à la retraite : est-ce le signe annonciateur d'une politique délibérée de déclin des organismes de recherche ?

Un mot sur votre politique des très grands équipements. Nous sommes favorables comme vous à la modernisation des équipements de laboratoires. Mais il n'est pas opportun d'opposer les laboratoires et les très grands équipements. Ces derniers ne coûtent pas plus cher que les laboratoires, car souvent leurs équipements sont utilisés plus efficacement.

En outre, depuis plusieurs années, le coût des très grands équipements a baissé. Pourquoi ne pas faire profiter votre ministère de la croissance du PIB ? Vous avez là une opportunité de satisfaire les demandes et de crédibiliser vos choix, notamment en favorisant l'équipement des laboratoires.

Pour les très grands équipements, il faut certes une coopération européenne. Mais de grâce, n'utilisez pas -comme pour Soleil- de faux arguments techniques et financiers, que rejettent tous les spécialistes ; je vous renvoie à l'excellente démonstration de M. Sarre. Pourquoi, Monsieur le ministre, avoir commandé plusieurs rapports à des experts que vous accusez aujourd'hui de participer à des comités partisans, pour remettre en cause la décision prise par le gouvernement d'Alain Juppé -certes, à la veille de la dissolution- alors que vous saviez que vous transféreriez ce projet à l'étranger ? Ces faits me confortent dans l'idée qu'il faut ouvrir dans cet hémicycle un débat sur l'avenir de la recherche en France, comme je vous l'avais suggéré l'an passé.

Souhaitant que vous partagiez avec nous l'ambition de donner à la France une recherche publique performante, je dois constater que ce budget n'en est pas le reflet, même s'il comporte des volets positifs. Le groupe RPR ne le votera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Cécile Helle - Le budget de l'enseignement supérieur dépasse les 52 milliards, en hausse de 2,63 %, contre 0,9 % pour le budget de l'Etat, et malgré une baisse de 0,5 % des effectifs étudiants. Cette hausse confirme la volonté du Gouvernement de construire un enseignement supérieur de qualité et accessible au plus grand nombre.

Deux traits essentiels marquent ce budget. C'est, d'abord, la continuité avec les deux précédents, qui permet la poursuite du plan social étudiant, la montée en puissance du plan U3M et la progression des moyens des établissements. C'est, ensuite, la priorité à la création d'emplois et à la reconnaissance des activités de recherche à l'université.

Continuité de l'effort pour la mise en place du plan social étudiant : l'objectif est, sur quatre ans, de revaloriser de 15 % les taux des bourses, et de parvenir à 30 % d'étudiants aidés. Pour 2000, cet objectif se traduit par 677 millions supplémentaires consacrés aux bourses : ils permettent d'augmenter de 4,2 % en moyenne les taux de différentes aides, et d'aider près de 36 000 étudiants de plus. Le plan social étudiant témoigne d'une logique de programmation qui exclut toute pause.

Autre priorité, la montée en puissance d'U3M. Alors que le plan Université 2000 voulait répondre à la croissance des effectifs, U3M concerne principalement les conditions d'accueil des étudiants et la recherche.

Certains de ses éléments ont vocation à figurer dans les contrats de plan Etat-régions, mais d'autres relèvent des crédits d'investissement de l'enseignement supérieur. Avec 4 milliards en AP pour 2000, les crédits immobiliers permettront des opérations de mise en sécurité, de réhabilitation, de construction et des opérations spécifiques comme Jussieu. Les crédits d'investissement immobilier progressent de plus de 25 %, ce qui reflète la montée en puissance d'U3M. Enfin, plus du quart des opérations de ce plan porteront sur l'amélioration de la vie étudiante.

Troisième effort continu : la progression des moyens des établissements et, tout d'abord, des budgets de fonctionnement. Ceci permettra notamment la poursuite de l'effort sur les nouvelles technologies et sur les bibliothèques. Cette progression s'accompagne d'un redéploiement en faveur des IUT, pour tenir compte de leurs effectifs accrus, mais aussi des universités sous-dotées.

Mais la progression des moyens des établissements concerne surtout les recrutements, et c'est le second trait de ce budget : la priorité à l'emploi et à la recherche universitaire. Sont ainsi créés près de 800 postes d'enseignants-chercheurs et de 500 postes non-enseignants. De 22,5 étudiants par enseignant en 1993, on devrait passer à moins de 19 à la rentrée 2000. Or c'est là un facteur crucial de la réussite des étudiants. Quant aux personnels ATOS, le recrutement se caractérise cette année par sa qualité, avec 38 % en catégorie A et 29 % en catégorie B.

La priorité à l'emploi se traduit enfin par la progression du recrutement de jeunes docteurs. Elle permet de renforcer le dispositif de pré-recrutement à l'_uvre depuis 1989.

En cohérence avec cette priorité, le plan de limitation des heures complémentaires est poursuivi, et la prime pédagogique est réformée. Enfin, la recherche universitaire est mieux reconnue, avec une hausse de 3,1 % de ses crédits, la création de 1 250 nouvelles primes d'encadrement doctoral, et surtout l'aménagement du statut des jeunes maîtres de conférence.

Restent les retards pris depuis longtemps, et qui ne peuvent être résorbés en trois ans, mais qui freinent la mise en _uvre de vos réformes. Ainsi nombre d'établissements ont des problèmes de dotation pour les personnels IATOS. La montée en puissance du volet citoyenneté du plan social étudiant fait apparaître avec acuité les besoins. On peut bien sûr demander aux établissements d'améliorer leur organisation, ou de mieux répartir les moyens entre eux. Mais c'est par un effort toujours réaffirmé en moyens humains qu'on pourra réellement accroître les plages d'ouverture des bibliothèques, améliorer le suivi social des étudiants, ou soutenir les initiatives culturelles et sportives. Dans ce domaine comme ailleurs, vous pouvez compter sur le soutien des députés socialistes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Le Déaut - La recherche française est aujourd'hui à un tournant, car la génération des universitaires et des chercheurs de l'après-guerre va partir à la retraite. La moitié des effectifs a un âge supérieur à 48 ans, et sera partie d'ici dix ans.

Dans le même temps, l'université s'est démocratisée. Il a fallu répondre à la demande de formation de haut niveau de deux millions d'étudiants. Enfin, la recherche est devenue le socle des changements économiques au XXème siècle.

Mais nous sommes inquiets de voir décliner l'intérêt des jeunes pour les disciplines scientifiques, ce qui fait craindre à terme une pénurie de diplômés.

Votre budget prépare l'avenir. Non seulement la progression de 22 % des autorisations de programme annonce le retour d'une priorité à la recherche, mais vous donnez une priorité financière à l'aide aux équipes et aux laboratoires. Les pouvoirs publics ont le devoir de soutenir la recherche fondamentale. Et vous souhaitez soutenir les technologies de l'information et de la communication, les sciences du vivant, les sciences humaines et sociales et mener un effort accru d'aide à l'innovation et aux transferts de technologies innovantes.

Bien que par ces choix vous prépariez l'avenir et que notre recherche soit de bon niveau, nous lançons paradoxalement un cri d'alarme : la France doit absolument renforcer son potentiel scientifique. En effet, au XXIème siècle, les créations d'emplois se feront sur les gisements de matière grise. Que comptez-vous faire pour améliorer la situation dans les secteurs les plus fragiles de la recherche française ?

L'insertion des jeunes chercheurs est difficile. Alors que 11 000 thèses sont soutenues chaque année, dont 2 000 préparées par des étrangers à peine plus de 3 000 docteurs intègrent l'enseignement supérieur ou un organisme de recherche, et 1 500 rejoignent une entreprise ou le secteur tertiaire. Certains sont donc contraints à l'exil forcé ou au chômage. Exil forcé d'ailleurs et non fuite des cerveaux, comme le prétendent certains, car beaucoup de ceux qui sont partis espèrent revenir en France.

Dans le rapport que nous avons remis au Premier ministre, Pierre Cohen et moi avons dit n'être pas opposés au postdoctorat mais nous souhaitons que cesse la dérive actuellement observée dans les recrutements, de plus en plus tardifs.

Le nombre de docteurs sans emploi continue à augmenter tant en France qu'à l'étranger. Beaucoup s'expatrient avec l'espoir de revenir en France, mais une fois distendus leurs liens avec leur laboratoire d'origine, il leur est difficile de se réinsérer dans un circuit de recrutement trop hexagonal. Les réorientations de carrière sont malaisées car les entreprises françaises hésitent à accueillir des docteurs de plus de trente ans pour un premier poste dans le privé. Les docteurs partis à l'étranger doivent avoir accès dans de meilleures conditions aux futurs concours de recrutement : il convient pour ce faire d'alléger et de rendre plus transparentes, les procédures, mais aussi que les écoles doctorales aient davantage le souci de l'insertion professionnelle. Les doctorants doivent pouvoir soit enseigner en plus grand nombre dans le premier cycle, soit acquérir une expérience en entreprise. Enfin, un accès prioritaire aux postes de contractuels de l'enseignement secondaire doit être réservé aux docteurs d'État en recherche d'emploi. Quelles sont vos intentions à ce sujet ? Que proposez-vous, d'autre part, pour soutenir la création de nouvelles équipes, portant notamment des projets pluridisciplinaires, et pour accorder plus d'indépendance aux jeunes chercheurs ?

Le deuxième volet de notre rapport concerne l'articulation entre les missions et les métiers de la recherche et de l'enseignement supérieur, totalement imbriqués.

Chercheurs à plein temps, enseignants-chercheurs, ingénieurs, techniciens, administratifs, ouvriers de service sont tous des acteurs de la recherche. Nous proposons une meilleure synergie entre les diverses missions de la recherche, mais surtout une meilleure complémentarité entre ses différents métiers : recherche fondamentale, valorisation des résultats de la recherche, enseignement, conseil et expertise, administration et gestion, coopération internationale, médiation, diffusion de la culture scientifique et technique. Les universités et les établissements publics de recherche doivent travailler en étroite collaboration, vous avez raison d'en faire une priorité.

La mobilité reste pratiquement inexistante en France, notamment parce que hors de la recherche... point de déroulement de carrière. Les autres tâches n'étant pas réellement prises en compte, personne n'a intérêt à exercer plusieurs missions au cours de sa carrière professionnelle et les chercheurs restent chercheurs toute leur vie. Ils refusent d'être détachés temporairement dans une entreprise, car ce serait un handicap pour leur carrière future. Quant aux enseignants-chercheurs, ils consacrent une large part de leur activité à leurs travaux de recherche, sur la base desquels ils seront jugés par leurs pairs.

Nous avons donc formulé des propositions pour inciter à la mobilité, pour diversifier la carrière des enseignants et des chercheurs, pour assouplir les contraintes administratives, pour mieux évaluer et fonder davantage la gestion des personnels sur cette évaluation. Il faut en un mot sortir des sentiers battus. Nous avons notamment proposé d'allouer un crédit-temps et d'alléger les charges d'enseignement des maîtres de conférence en début de carrière. Pouvez-vous préciser ce que vous avez déclaré en commission et indiquer dans quelles conditions les maîtres de conférence nouvellement recrutés pourront bénéficier de ce crédit-temps leur permettant de concilier la préparation d'enseignements nouveaux et le démarrage de travaux de recherche ? Comment allez-vous encourager l'accès des chercheurs et des enseignants-chercheurs aux différents métiers de la recherche durant leur parcours professionnel ?

Nous avons également souhaité que des postes d'accueil soient réservés aux enseignants-chercheurs dans les EPST. Comment comptez-vous y parvenir ? Combien de postes seront réservés et seront-ils durablement inscrits dans le budget ? Comptez-vous favoriser l'ouverture internationale de notre système de recherche en dégageant des postes supplémentaires pour l'accueil de scientifiques universitaires extérieurs dans les différents organismes ? Comment comptez-vous rendre aux ingénieurs, techniciens et administratifs leurs place au c_ur du système de recherche ?

Les crédits de l'INRIA sont insuffisants. Pour développer ses recherches dans le domaine de télécommunications, se redéployer sur le territoire et conduire davantage de recherches pluridisciplinaires, l'INRIA doit bénéficier d'un effort particulier en matière de recrutement dès cette année et à l'avenir. C'est la condition pour que l'Institut atteigne la masse critique en intelligence logicielle, en sûreté des logiciels, en bio-informatique, en télémédecine ou en calcul à haute performance.

Je conclurai par un constat décevant sur notre collaboration avec les pays en voie de développement, qu'expliquent les errements de la politique française de coopération et son manque de perspective. Il faut lancer des programmes communs de recherche entre pays du Nord et pays du Sud. L'IRD et le CIRAD, mais aussi les universités doivent collaborer plus étroitement. Ils doivent être le socle d'une nouvelle politique de coopération qui devrait faire partie des programmes prioritaires de la présidence française de l'Union dans un an. Que comptez-vous faire pour permette une véritable mobilité entre chercheurs du Nord et du Sud : octroi de bourses liées à des projets validés, accueil d'universitaires associés, envoi de jeunes chercheurs français sur le terrain ?

Mieux associer les universités aux grands organismes de recherche, tirer le meilleur parti des compétences des doctorants, des enseignants-chercheurs et des chercheurs confirmés, favoriser l'émergence de nouvelles thématiques, valoriser les technologies innovantes : voilà qui devrait dynamiser notre recherche. Ce budget apporte à cet égard des réponses encourageantes. Mais il faut amplifier cette dynamique pour aborder en position de force les défis du futur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Guyard - La professionnalisation des universités est inséparable de leur démocratisation. Claude Goasguen vous a reproché de n'avoir pas assez professionnalisé les universités, je ne partage pas son avis. Vous avez au contraire fait beaucoup en ce sens avec le développement des IUT, des IUP, des mastères et la multiplication des DESS.

Il faut revoir la place et le statut des professeurs associés. Il est quasiment impossible aujourd'hui pour un professeur associé de diriger une formation de recherche alors même qu'ils sont les seuls capables de le faire dans certaines universités. Venir de l'entreprise et y rester attaché ne doit plus être un péché dans le monde universitaire. Il faudrait aussi accroître le nombre d'étudiants dans les disciplines scientifiques, mais il s'agit plus là d'un problème d'orientation dans le second degré.

La meilleure preuve que votre politique va dans le bon sens, Monsieur le ministre, est que toutes les universités nouvelles ont un taux d'étudiants en formation professionnalisée ou en alternance plus élevé que la moyenne des autres universités.

Vous avez eu le courage, Monsieur le ministre, de rompre avec le passé s'agissant des choix prioritaires en matière de recherche. Cela n'a pas été sans soulever quelques questions mais cela a aussi insufflé un dynamisme nouveau. J'approuve tout particulièrement la priorité que vous avez donnée aux sciences du vivant, dont la génopole d'Evry est une éclatante illustration. La France a quelque peu raté le train des nouvelles technologies de l'information et de la communication il y a vingt ans. Il importe qu'elle soit aujourd'hui au rendez-vous pour les sciences du vivant.

La recherche doit aussi se prolonger dans l'université, ce qui exige une plus grande mobilité entre les deux secteurs, mais aussi dans l'industrie. En en ce domaine, beaucoup reste à faire, en liaison notamment avec le ministère de l'économie et des finances, même si beaucoup a déjà été fait. Le démarrage des entreprises créées par des chercheurs reste en effet difficile, faute des mécanismes de financements adéquats. Notre recherche scientifique et technique est aussi gênée par les procédures d'appels d'offres. Il est presque impossible à un laboratoire de s'acheter un matériel expérimental ou un prototype : les appels d'offres constituent aujourd'hui un frein à l'innovation.

Je conclurai en évoquant la situation de la recherche dans le secteur d'Orsay et de Saclay, dont la population de chercheurs vieillit et qui souffre d'un manque de perspective. Si les très grands équipements, financés au niveau européen, n'ont pas de ce fait vocation à être tous implantés en France, il est indispensable de remobiliser les chercheurs d'Orsay et de Saclay autour d'un projet fédérateur d'avenir -je pense par exemple à l'optique et à l'optronique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M . Wiltzer remplace M. Ollier au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Pierre-André WILTZER

vice-président

M. Pierre Ducout - Les membres du groupe parlementaire sur l'espace ont apprécié votre souci d'engager avec la représentation nationale un dialogue franc et direct, préalablement au débat en séance publique. Je souhaite, en leur nom, que ce dialogue de qualité puisse se pérenniser.

Le troisième projet de budget que vous nous présentez, Monsieur le ministre, permet de mieux apprécier votre politique en matière spatiale, que nous partageons pour l'essentiel.

La représentation nationale est sensible à votre volonté de lutter contre ce qui ne va pas, plutôt que de dresser des lauriers autour de ce qui va. Mais, au-delà de vos critiques justifiées, il manque à votre message une orientation plus positive qui permettrait à ceux qui vous écoutent de mieux discerner votre cap.

Depuis 1997, vous n'avez cessé de souligner la nécessité de réformer les grands établissements. Le CNES n'a pas fait exception. Nous prenons acte de votre volonté de réforme, mais également de la méthode «forte» que vous avez choisie puisque les crédits du CNES connaissent une nouvelle baisse, de 160 millions. Cette méthode est probablement justifiée au regard de relations tumultueuses avec la tutelle, même si beaucoup d'entre nous auraient préféré une autre voie sous le signe du dialogue.

Désormais, le message est clair.

Reste que la réforme doit s'appuyer sur des principes fondamentaux. Vous proposez un contrat d'objectifs sur trois ans. Il doit s'accompagner, de notre point de vue, d'un engagement financier clair de l'Etat.

Une première liste de dix objectifs a été élaborée. Ils sont encore trop vagues pour être efficacement mis en _uvre. Je vous indique donc, en complément, ce qui doit à notre avis conduire les réflexions de la direction du CNES.

D'abord, il faut recentrer le CNES autour des activités de recherche et d'innovation qui ne peuvent être déléguées à aucun autre acteur.

Ensuite, il faut maintenir ses compétences de maître d'ouvrage pour les projets complexes innovants.

Il faut, d'autre part, favoriser le transfert vers l'industrie des programmes récurrents, comme Spot ou Jason. Pour commencer, ne pourrait-on accorder plus de liberté aux filiales et même confier à certaines leur propre avenir ?

Il faut aussi inviter le CNES à chercher des partenariats publics au-delà du secteur spatial. L'association du ministère des transports au programme Galileo est l'exception qui confirme la règle.

Enfin, il faut renforcer l'action du CNES en matière de communication afin de valoriser le savoir-faire, en particulier auprès des petites et moyennes entreprises, et de sensibiliser le grand public aux enjeux du spatial. L'effort est réel mais encore insuffisant.

Enfin, les coopérations internationales, comme celles conduites avec la NASA pour le programme martien, doivent être développées. Surtout, le cadre européen est le niveau pertinent des enjeux économiques, de souveraineté et de culture, avec l'accès à l'espace, les télécommunications, la navigation ou la localisation, en concurrence forte avec les Etats-Unis.

Par ailleurs, le CNES est aujourd'hui au c_ur du projet de «réseau des centres européens». Le cadre communautaire va s'imposer, mais il serait dangereux de laisser la Commission avancer seule. Dès que l'Europe de la défense sera en _uvre, l'espace suivra sans délai. Il faut préparer dès maintenant ces basculements.

La France présidera l'Union européenne au cours du second semestre 2000. Nous sommes convaincus de votre volonté d'y conduire une initiative d'envergure en matière spatiale. Soyez assuré de notre plus total soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - Je présente ce budget pour la troisième année, dans un souci de cohérence. Mais j'ai aussi le sentiment que le dialogue n'a pas lieu.

M. Jean-Michel Dubernard - Il fallait venir en commission des affaires sociales.

M. le Ministre - Je ne refuse jamais de venir en commission.

Beaucoup d'interventions montrent en effet qu'il y a moins désaccord de fond que méconnaissance -dont je suis certainement responsable- de la politique de la recherche. Cela étant, des choix sont faits et je les assume sans ambiguïté.

Le regroupement dans un seul ministère permet de mener des actions qui ne pouvaient l'être auparavant, par exemple pour le développement des nouvelles technologies à l'école ou les rapports entre médecine et technologie. D'autre part, sans polémiquer puisque M. Goasguen a parlé d'un consensus, quand on votait les budgets de la recherche du gouvernement Juppé qui diminuaient de 2 % l'an, on ne peut refuser de voter celui-ci au prétexte qu'il n'augmente pas assez, comme l'a fait M. Lasbordes. Je pourrais répondre que dans le classement de l'OCDE, pour le budget global éducation-recherche-nouvelles technologies, la France est la première avec la Suède.

Mais même si le fait d'être revenu à ce niveau me satisfait, je reconnais que le problème est qualitatif. A ce propos laissez-moi rappeler quatre faits significatifs : nous n'avons pas eu de prix Nobel en biologie et en médecine depuis 32 ans ; nous étions les seconds pour la création de médicaments il y a vingt ans, nous sommes au huitième rang aujourd'hui ; nous sommes le dernier des pays industriels pour la création d'entreprises innovantes ; 85 % des budgets du CNRS sont consacrés aux salaires et en 2015 il n'y aura plus de crédit pour les équipements et le fonctionnement. D'autre part le CNRS consacre 85 % de ses crédits à 11 sites. Enfin, il n'a pas de secteur propre des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il s'autoreproduit avec les mêmes thèmes, dans les mêmes régions.

On sait bien qu'il n'y a pas là un problème de budget -lequel a d'ailleurs été approuvé par le CSRT par 18 voix contre une et une abstention.

Le premier défi à relever est de faire que la science française alimente la croissance économique et donc l'emploi. Notre Gouvernement s'est attaqué à ce problème comme aucun autre ne l'avait fait auparavant. Les fonds publics allaient pour 85 % à huit groupes industriels, il n'y avait pratiquement aucune mobilité des chercheurs vers l'économie ; laboratoires et entreprises entretenaient des relations méfiantes. Qu'avons-nous fait ? En 1996 le FRT versait plus de 200 millions à de grands groupes, en 1998 il leur a versé 90 millions et ce montant continuera à diminuer, l'argent allant aux laboratoires et aux PME. Avec le FRT, nous avons reconstitué un outil d'intervention efficace dont les crédits sont passés de 412 à 900 millions en deux ans. Nous avons repris une méthode efficace de Jean-Pierre Chevènement, celle des fonds prioritaires. Des réseaux associant laboratoires et PME sont désormais financés par les grands groupes et développent des produits compétitifs par exemple dans la génomique, les matériaux, les sciences de la communication et de l'information.

Avec Dominique Strauss-Kahn, nous avons réuni les conditions de développement d'entreprises technologiques compétitives. Nous consacrons 600 millions au capital-risque, 200 millions à des fonds d'amorçage et à des incubateurs. La loi sur l'innovation dans la recherche a été votée à la quasi-unanimité. Notre concours sur la création d'entreprises innovantes pour les jeunes a reçu 2 000 dossiers et il y a eu 240 lauréats -chiffre à comparer avec les 320 créations d'entreprises innovantes depuis 10 ans à partir de la recherche publique. Oui, nous avons pris l'argent ailleurs pour financer ces opérations. C'est cela une politique.

Le deuxième défi à relever est de rendre l'Université accessible au plus grand nombre. Lorsque j'ai lancé le plan Universités 2000, je me suis heurté au scepticisme. Tel président d'université disait qu'il n'avait pas vu un sac de ciment sur son campus depuis 10 ans... L'Etat et les collectivités territoriales ont dépensé 42 milliards pour rénover les universités de province -Paris n'en a pas profité, mais l'Etat n'est pas à blâmer. Pour autant, l'effort est insuffisant et il faut faire plus. Mais on ne peut pas régler la question en une seule fois.

En ce qui concerne l'emploi, avant que nous arrivions, 1 200 emplois étaient créés chaque année. En 1998, nous avons recruté 4 500 jeunes et nous en recruterons 4 500 cette année, soit la moitié de la production annuelle de docteurs. Nous continuerons mais dans certaines disciplines, il n'y a plus de vivier de recrutement suffisant.

Le plan social étudiants a été largement abordé. Quatre cents lycéens issus de milieux modestes qui auront obtenu une mention bien ou très bien au baccalauréat bénéficieront cette année de bourses au mérite et je souhaite orienter ces bourses vers les quartiers en difficulté pour aider les plus modestes à réussir. C'est cela l'élitisme républicain bien compris et j'y suis autant que d'autres attaché.

S'agissant du budget du centre national des _uvres universitaires, il a bien été voté à une voix de majorité. Il n'y a donc pas de problème de fond.

Nous avons ouvert un certain nombre de chantiers, tel que le développement de la formation continue diplomante -vingt-trois universités sont ainsi ouvertes toute l'année pour délivrer tous les diplômes en formation initiale ou continue. Dans le premier cycle, afin de réduire les taux d'échec, treize universités expérimentent le travail en petit groupe. Sur le plan international, nous sommes à l'origine du cursus 3-5-8 qui tend à harmoniser les parcours au niveau européen. Il y a en France au moins 14 diplômes différents et les étudiants étrangers ne s'y retrouvent pas. Nous avons donc entrepris les simplifications nécessaires. Dans le même temps, nous favorisons le rapprochement entre les grandes écoles et l'université. Il y aura cette année un concours d'entrée à Polytechnique ouvert aux étudiants de faculté.

On me parle ensuite d'autonomie universitaire, mais c'est bien l'opposition qui l'a réduite en supprimant la politique contractuelle. La recentralisation, qui l'a faite ? Nous avons choisi en revanche de rétablir l'autonomie en relançant la politique contractuelle.

Le programme U3M tend à rétablir l'égalité républicaine en cherchant l'excellence là où elle se trouve. Il faut veiller, sans oublier Paris, Monsieur Goasguen, à ce que les inégalités territoriales soient corrigées. Certaines académies sont en effet désavantagées en raison des moyens qui leur sont donnés et non parce qu'elles sont moins performantes que d'autres. Je pense notamment aux universités du Nord, de Normandie ou de Bretagne. U3M vise aussi à créer un treillis de plates-formes technologiques dans les villes moyennes, afin d'irriguer le tissu économique par la recherche et l'innovation technologique. Dans les grandes villes, les centres nationaux de recherche technologique permettront à la recherche publique et à la recherche privée de travailler ensemble.

Notre troisième défi est de garantir la qualité de la science française. Nous avons une longue tradition de recherche scientifique de qualité. Rien n'est pourtant acquis car l'appareil de recherche a vieilli. Les jeunes ont du mal à y trouver leur place. Par rapport à d'autres pays, l'âge de la séniorité ne fait que croître dans notre système et cela explique que de nombreux jeunes chercheurs choisissent de rester à l'étranger.

Notre système a du mal à se redéployer vers les champs nouveaux du savoir, qu'il s'agisse de la cryptologie, de la génomique ou de la biotechnologie. De même, la recherche est encore trop éloignée de l'enseignement.

Pour rétablir la situation, il faut retrouver l'inspiration qui fut celle du premier gouvernement du général de Gaulle ou du premier gouvernement nommé par François Mitterrand. A ces deux moments clés, les mêmes outils furent utilisés : la constitution de fonds d'investissement au service d'actions prioritaires que les organismes ne peuvent prendre en charge. Dans cet esprit, les laboratoires vont recevoir des moyens considérables grâce au FNS et au FNRT. Ouverture thématique, donc, mais aussi ouverture régionale à travers les centres nationaux de la recherche technologique et la multiplication des génopoles.

J'entends que l'existence de ces fonds est une manifestation de l'autoritarisme du ministre. Ce reproche est risible. Comme d'habitude, il y aura trente-six comités pour le gérer... En revanche, oui, il y a des priorités scientifiques et je les assume totalement. La biologie, les nouvelles technologies de l'information, l'environnement -songez qu'il n'y a pas d'unité d'écologie quantitative au CNRS- constituent nos nouvelles priorités par rapport à la physique lourde, qui était la priorité constante des gouvernements précédents.

Il est cependant tout à fait légitime que la représentation nationale s'inquiète de la transparence de la gestion des fonds d'intervention. Je m'engage à cet égard à transmettre au Parlement au début de l'année prochaine une note d'information exhaustive sur la manière dont auront été affectés les moyens du FNS et du FNRT.

Ensuite, nous favorisons la mobilité des chercheurs, grâce au contrat unique et aux accords d'association. Le rapport Cohen-Le Déaut formule des propositions intéressantes. Un amendement du Gouvernement tendra ainsi à la création d'une provision de vingt millions pour alléger la charge d'enseignement des maîtres de conférence, au profit de leur temps de recherche. Nous renforçons aussi les moyens des équipes qui progressent de 3,5 %. En outre, un rééquipement des laboratoires en équipements mi-lourds interviendra et devra bénéficier à l'ensemble des sites d'une région donnée. M. Le Déaut a fait mention de concours pour la création d'équipes de recherche. Nous avons ainsi lancé un appel d'offres en direction des jeunes chercheurs souhaitant créer une équipe autonome, qui s'est soldée par la présentation de 2000 demandes dont cent ont pu être satisfaites. Nous ferons plus ultérieurement.

J'en viens aux très grands équipements. Depuis dix ans, alors que les moyens ont progressé de 30 %, les ressources affectées aux grands équipements ont augmenté de 70 %. Elles atteignent aujourd'hui un montant de 4,6 milliards, soit une augmentation de 200 millions. Vouliez-vous que je laisse mourir les équipes ? Que je poursuive cette politique aveugle au profit des grands équipements ? J'ai préféré faire le choix des jeunes, des équipes et de la biologie.

Faut-il, pour autant, priver tel ou tel secteur de la recherche française d'un tel équipement ? Certes non. La réponse s'impose alors d'elle-même : c'est l'Europe. Si j'ai supprimé le Conseil des grands équipements, c'est qu'il s'agissait en fait d'un redoutable lobby. Désormais, nous entendrons les avis du Comité européen des grands équipements, l'Europe paiera, et nous dégagerons ainsi plus d'argent pour nos chercheurs.

Je tiens à souligner que la politique de la recherche que suit le Gouvernement est approuvée par M. de Gennes, Charpak, Jacob, Dausset, Lehn et Allais, tous Prix Nobel, ainsi que par le président et le secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences. Ces soutiens en valent d'autres !

La question a été posée, d'autre part, de savoir comment rajeunir les effectifs, la recherche française, et le CEA a été cité en exemple. C'est un fait, le CEA a décidé d'abaisser l'âge de la retraite à 60 ans. C'est, effectivement, un moyen de rajeunir, mais une telle mesure doit-elle être généralisée à l'ensemble des organismes de recherche ? Le débat est ouvert.

Plusieurs orateurs ont demandé que les structures de la recherche soient modifiées. Qu'ils se rassurent, des propositions en ce sens leur seront faites au cours de l'année à venir, qui porteront sur l'évaluation européenne, la place des jeunes et la pluridisciplinarité.

Les bibliothèques universitaires ont également suscité l'inquiétude de la représentation nationale... à juste titre. Je rappelle que M. Jospin, alors ministre de l'éducation nationale, avait confié à M. Miquel, professeur au Collège de France, une mission à ce sujet. Quelle a été l'évolution de la situation ? De 40 heures d'ouverture hebdomadaire, en 1987, on est passé à 50 en 1997, 52 en 1998, 54 maintenant. Nous avons, de plus créé 600 emplois dans ce secteur depuis notre arrivée. L'effort est peut être insuffisant, mais il est incontestable !

Sur un tout autre plan, je rappelle qu'une mission de la culture scientifique et technique a été installée, appelée, en liaison avec les autres organismes intéressés, donc l'OPCST, à favoriser l'indispensable diffusion de la culture scientifique en France. Comment, sinon, les citoyens pourront-ils valablement se prononcer sur le choix faits, qu'il s'agisse des OGM ou du nucléaire ?

M. Le Déaut s'inquiète de la situation des doctorants... moi aussi ! Cependant, 4 500 recrutements sont prévus, dont 4 000 dans le secteur public. On peut, d'autre part, s'attendre à l'augmentation des recrutements dans le secteur privé si l'on suit d'un peu près ce que fait, par exemple M. Beffa. Je m'en voudrais, enfin, de ne pas rappeler l'une des conclusions des «assises Chevènement», selon laquelle il fallait, certes, une formation pour la recherche, mais aussi une formation par la recherche. Or on sait que les effectifs de professeurs sont insuffisants pour certaines disciplines enseignées au lycées, telles que les sciences naturelles et la physique. On pourrait donc envisager que certains doctorants puissent, après avoir réussi un concours, devenir professeurs de l'enseignement secondaire. Ainsi ferait-on d'une pierre deux coups.

Pour en finir sur ce sujet, je rappelle que la France forme un nombre remarquable de doctorants : ils sont 11 000, alors que le Japon s'est fixé l'objectif de 10 000 ! L'avenir de ces jeunes scientifiques n'est donc pas obligatoirement dans la recherche : leur savoir peut irriguer d'autres secteurs.

La question des professeurs associés doit, c'est exact, être rediscutée car, dans certains cas, des abus ont été commis cependant que, dans d'autres cas, des rigidités subsistent indûment. Une mission sera donc créée, appelée à trouver des solutions efficaces à un problème réel.

Pour ce qui concerne le CNES, je me suis expliqué devant le groupe «Espace» et je le répète : la France doit conserver une grande ambition spatiale, mais cela ne se fera pas sans difficultés, non seulement parce que nos prix industriels doivent baisser si nous voulons demeurer le moteur de l'Europe dans ce domaine mais aussi parce qu'il nous faudra redéfinir certains de nos projets -on l'a déjà vu pour Ariane, dont il a fallu renforcer la puissance. Quoi qu'il en soit, l'espace doit être utilisé -ce qui n'a pas toujours été le cas- tant pour les télécommunications que pour l'enseignement ou la médecine. On peut d'ailleurs s'étonner que la France «vante» la télémédecine aux Indiens, mais qu'elle ne la pratique pas elle-même.

Je ne saurai conclure sans parler du synchrotron, respectueux que je suis de la représentation nationale et des préoccupations qu'elle exprime. Je le répète à nouveau, les grands équipements ne faisaient l'objet d'aucun choix en France. Le résultat de cette absence de politique est bien connu : la France est le dernier des pays européens en matière d'investissement en biologie et en médecine. Mais il n'est plus concevable de décider d'un investissement sans en comparer le bien-fondé avec d'autres choix possibles. C'est d'ailleurs aussi le rôle du Parlement et, contrairement à ce qui a pu être avancé ici ou là, je n'ai participé à aucun comité dans ce domaine.

Dans le prochain plan, les crédits d'investissement seront pour la recherche, compris entre 4 et 4,5 milliards. Avec l'apport des régions, on peu s'attendre à quelque 8 milliards en tout. Nous voulions, tout comme MM. Balladur et Juppé qui, eux non plus, n'avaient rien prévu en la matière, diminuer la part, déjà trop importante, je le répète, des grands équipements et nous avons donc estimé ne pas devoir financer le synchrotron.

L'hypothèse avait un moment été retenue de construire un synchrotron avec les Britanniques. Mais le projet Soleil ne comprenait ni participation industrielle ni participation européenne... Nous avons donc décidé d'organiser un groupe européen chargé d'établir le bilan des besoins des chercheurs français, quels que soient leurs lieux de travail -dont chacun sait qu'ils peuvent être indifféremment en France ou à l'étranger. Un rapport a été rendu, qui établit l'absence d'urgence. Je note que les Espagnols, ayant procédé à la même analyse, sont parvenus aux mêmes conclusions, tout comme les Néerlandais, qui ont pourtant le plus grand nombre de Prix Nobel par habitant..

M. Georges Sarre - Et la Suisse ? Ils l'ont fait !

M. le Ministre - Ce n'est pas notre Gouvernement qui a refusé de s'associer au projet suisse, et le synchrotron helvétique est un petit modèle.

Je maintiens qu'il n'était pas raisonnable, pour la France, de se lancer seule dans un tel projet, et je maintiens aussi que ce n'est pas une catastrophe, pour elle, de ne pas le faire. Un comité se réunit cette semaine à Paris pour examiner la question des équipements européens. Et croyez que, si dans deux ans, on s'aperçoit que les chercheurs français manquent d'un synchrotron, on rouvrira le dossier Soleil, je vous en donne ma parole.

Je souhaite, bien sûr, qu'il y ait le plus possible d'équipements européens implantés en France. Mais nous avons déjà l'ESRF et la pile à haut flux à Grenoble, une autre pile à l'ESA à Paris ; 42 % du personnel du CERN à Genève est français et les trois quarts de l'anneau sont en France. Alors, il faut quand même laisser quelque chose à nos partenaires.

J'ajoute que quand on me propose de fermer la pile à neutrons Orphée de Paris ou l'accélérateur à ions lourds de Caen parce qu'ils sont sous-utilisés, je préfère chercher avec d'autres pays européens -l'Espagne, le Portugal- les moyens de les utiliser davantage.

Faisons donc payer l'Europe pour les grands équipements et gardons notre argent pour aider les jeunes, les laboratoires, les disciplines nouvelles !

Sur toutes ces questions, je vous propose de tenir avec les parlementaires qui s'intéressent à la recherche des réunions informelles afin que vous puissiez faire connaître vos sentiments, vos critiques et vos suggestions en dehors des seuls débats budgétaires ou des questions au Gouvernement.

Nous menons une politique de recherche ambitieuse et nos réorientations budgétaires trouveront, j'en suis sûr, une traduction concrète dans quelques années (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe RCV).

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QUESTIONS

M. Bruno Bourg-Broc - Dans nos premiers cycles, les DEUG sont en principe destinés à ceux qui veulent poursuivre des études universitaires longues, les classes préparatoires à ceux qui visent l'entrée dans les grandes écoles et les BTS et IUT sont des filières courtes permettant d'entrer rapidement dans la vie active. Or on assiste depuis plusieurs années à une inversion des flux. La plupart des étudiants en IUT et en BTS reviennent ensuite vers la filière universitaire poursuivre des études longues, les bacheliers généraux optant de plus en plus pour les BTS et IUT qui deviennent un premier cycle, alors que les bacheliers techniques et professionnels se retrouvent en DEUG, ce qui ne correspond pas à leur formation.

Si la création prochaine d'une licence professionnelle est une bonne chose, je crois qu'elle ne changera pas cette tendance. Par quelles mesures concrètes entendez-vous y remédier, Monsieur le ministre ?

M. le Ministre - C'est un vrai problème, que vous avez bien analysé. Je n'ai aucune mesure magique à vous proposer.

Dans le cadre d'U3M, nous allons cependant éviter d'implanter des IUT dans les universités, ce qui incite à la poursuite des études. Des IUT dispersés rapprochent leurs étudiants de l'emploi. Nous essayons aussi d'instituer des quotas pour les bacheliers technologiques dans les IUT. La création de passerelles entre les universités et les grandes écoles après la licence témoigne de la même volonté de modifier les flux. La licence professionnalisée favorisera l'entrée sur le marché du travail. La réforme des programmes scientifiques du secondaire devrait aussi permettre d'enrayer le déclin catastrophique du nombre des étudiants en sciences. Enfin, on note depuis un an une tendance au raccourcissement de la durée des études et à l'entrée plus précoce dans la vie professionnelle.

M. Pierre Lasbordes - Vous vous êtes déjà inquiété, Monsieur le ministre, que chaque année amène 11 000 nouveaux docteurs des universités. Comment pensez-vous faire en sorte qu'ils réussissent leur insertion professionnelle ?

M. le Ministre - Je vous l'ai dit, je vous propose que nous ayons un débat en commission à ce sujet afin d'examiner diverses perspectives.

Je suis déchiré : avoir beaucoup de docteurs est une chance pour un pays mais il ne faut pas en faire des chômeurs. Des solutions existent pour les nombreux étudiants en thèse de biologie qui n'ont pas envie de s'orienter vers la recherche, alors que l'on manque cruellement d'enseignants de biologie dans le secondaire. Il y a aussi des possibilités d'emplois dans le tertiaire.

M. Bruno Bourg-Broc - Le recteur de l'académie de Bordeaux vient de faire des propositions pour l'évaluation du système éducatif. Il est vrai que votre enseignement supérieur manque cruellement d'une évaluation digne de ce nom pourtant indispensable dans la compétition internationale et pour donner plus d'autonomie à l'Université.

Hélas, votre budget ne prévoit rien en la matière. Quand allez-vous réformer le CNE ? Quand créerez-vous une agence indépendante dotée de véritables moyens ?

M. le Ministre - De nombreux ministres, de droite comme de gauche, ont créé des comités d'évaluation. Pour autant, nul n'a jamais mené de véritable évaluation compétitive et intelligente, de peur de gratifier certes les uns mais en faisant mal à d'autres. Je n'ai pas envie de faire de même, ce qui ne veut pas dire que je ne fais rien...

J'ai ainsi demandé au CNE de mener pour la première fois une évaluation compétitive pour la pharmacie. Les universités l'ont fort bien admis et les mal classées cherchent à redresser la barre. Une évaluation identique est lancée pour la médecine clinique.

Une étude évaluative est également en cours pour les disciplines scientifiques, fondée sur la fréquence selon laquelle les auteurs sont cités. Elle sera rendue publique dès qu'elle sera terminée, mais les premiers résultats montrent que, dans certaines disciplines, la France est remarquablement placée. Ainsi en mathématiques, l'auteur le plus cité dans le monde depuis 17 ans est un Français. Mais ce n'est pas vrai dans toutes les disciplines. Cette démarche permettra à chacun de se situer.

En troisième lieu, j'ai demandé à M. Papon, ancien directeur général du CNRS, de faire des propositions sur la manière d'organiser une agence d'évaluation. Enfin, j'ai obligé chaque organisme à se doter d'un visiting committee, composé de personnalités extérieures, qui viennent étudier son fonctionnement. Il y en a eu un au CNRS ; un autre est mis en place à l'INSERM, tous les organismes seront ainsi évalués. On évolue vers un standard international d'évaluation, mais le problème reste difficile.

M. Pierre Lasbordes - Monsieur le ministre, vous avez évoqué le poids inacceptable des rémunérations salariales des EPST, notamment du CNRS, et dit qu'à ce rythme il n'y aurait plus en 2015 de crédits pour l'équipement. Comment éviter cela ? Si c'est par une réforme du CNRS, comment en voyez-vous les grandes lignes ?

M. le Ministre - A cette heure tardive, je n'entreprendrai pas d'exposer les principes d'une réforme du CNRS ! Mais vous avez compris pourquoi cette année nous ne créons pas davantage de postes nouveaux. Tant que nous n'aurons pas trouvé de remède à ce déséquilibre, je l'indique aussi à M. Le Déaut et à M. Cohen, il ne serait pas raisonnable de continuer à augmenter le nombre des postes. Le CEA, qui connaissait la même situation, a rétabli en quatre ans un équilibre cinquante-cinquante... en appliquant la retraite à soixante ans. Je ne suis pas vraiment décidé à choisir cette méthode. Mais la situation est tragique : au fil des ans le budget de la recherche a dérivé peu à peu vers ce déséquilibre que j'ai trouvé. Nous continuons à étudier le problème.

Mme Marie-Hélène Aubert - Ma question concerne l'étude des mers et des océans, et donc les moyens de l'IFREMER, en particulier sa flotte océanographique hauturière. Celle-ci sert également à l'université, à l'ORSTOM, au CNRS. Le navire Thalassa étudie les stocks de pêche qui permettent de définir les quotas. D'autres mènent des campagnes d'étude des grands fonds. La recherche française est très réputée dans ce domaine. L'IFREMER gère, pour toute la communauté scientifique française, une flotte de quatre navires. Ceux-ci ont une durée de vie de vingt-cinq ans. Il existe donc logiquement un plan de renouvellement, mis au point en 1995, quand il y avait cinq navires. Il prévoyait d'en vendre un, d'en améliorer un autre, mais surtout de moderniser le Nadir, qui est le navire support des engins d'intervention sous-marine ; il a vingt-cinq ans et est obsolète. Nous sommes, d'autre part, le seul pays européen à posséder de tels engins.

Pour mettre en _uvre le plan de renouvellement, une ligne budgétaire de 50 millions était inscrite chaque année. En 1999 ce budget a été retiré à l'IFREMER, et le budget 2000 n'apporte pas de nouveau financement. Le budget de l'IFREMER a diminué d'environ 5 % en AP en 1999, et baisse d'autant en CP en 2000. Pourtant l'océanographie française n'a pas attendu les incitations du ministère pour travailler avec ses homologues européens voire mondiaux. Elle a passé accord avec les Anglais et les Allemands pour le partage des «temps bateaux». Mais il est urgent de construire un navire porte-engins, faute de quoi ni le Nautile, ni le robot Victor ne peuvent fonctionner et certaines campagnes deviennent impossibles. Comment comptez-vous, Monsieur le ministre, assurer le développement des recherches de l'IFREMER, recherches utiles et mondialement réputées ?

M. le Ministre - C'est un problème difficile. Permettez-moi de le replacer dans un contexte plus général. Tout d'abord, les bateaux océanographiques coûtent très cher en fonctionnement, 100 000 à 200 000 francs par jour. Dans le monde entier, ils restent à quai souvent trois ou quatre mois, faute d'argent pour le fonctionnement... Il est donc important de rationaliser ces activités à l'échelle européenne, et pas seulement pour des échanges de missions, et qui se fait déjà, quoique insuffisamment. Une réunion se tiendra à ce sujet à la fin du mois, car nos principaux voisins connaissent les mêmes difficultés.

En France, d'autre part, il y a un autre bateau, mais il appartient à un autre ministère : il est utilisé dans les terres australes françaises, mais ne sert que six mois par an ; il faudra examiner cela. Et il se trouve que le service hydrographique de la Marine a lui aussi un problème de changement de bateau. Nous examinons ce problème avec soin, et je vous tiendrai au courant. Mais, comptable de l'argent public, nous nous devons d'optimiser les investissements. Vous évoquez un domaine où j'ai travaillé, et qui m'est cher ; mais la règle est générale. Nous avons du reste l'intention de mener une politique océanographique très vigoureuse. A ce jour on ne s'est pas vraiment occupé de ce problème. Vous dites que les équipes françaises sont réputées. Mais dans certains domaines on constate un déficit considérable, faute de postes budgétaires depuis des années ; il y a des secteurs sur lesquels on n'a que deux ou trois thèses. Nous avons besoin d'une relance générale de l'océanographie. Vous y êtes attentive : moi aussi, et j'aurai l'occasion de m'exprimer à ce sujet dans un avenir qui ne devrait pas être éloigné.

Mme Huguette Bello - Vous avez annoncé en juin le lancement de RENATER 2, qui offrira aux enseignants, aux chercheurs, aux acteurs du développement technologique des formes de travail nouvelles, grâce au transfert en temps réel d'importants volumes de données. Les régions métropolitaines auront des moyens de communication à haut débit. Pour des raisons essentiellement budgétaires, les DOM, victimes de la distance, seront dotés de capacités très inférieures. A la Réunion, les équipements actuels permettent un débit vingt fois inférieur à celui de la métropole ; avec RENATER 2 ce retard ne pourra que se creuser. Sans doute, comme vous l'avez dit, l'excellence ne se décrète pas ; mais elle doit être organisée et favorisée. A la Réunion elle risque d'être contrariée. On connaît le rôle des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans le développement ; je vous demande donc d'être attentif au grave handicap qui pèserait sur une région si un raisonnement trop strictement financier reléguait les notions de service public et d'aménagement du territoire. Nous souhaitons donc que nos chercheurs et nos enseignants bénéficient d'équipements aussi performants que ceux de la métropole.

M. le Ministre - Vous avez raison, et je n'éprouve aucune difficulté à vous dire que la Réunion sera reliée à RENATER comme tous les autres départements. Mais il faut opérer par étapes. Nous avons mis fin en octobre 1998 à la saturation dont souffraient les usagers de la Réunion. Et, grâce à une liaison par satellite assurée par France Télécom, nous avons porté le débit des liaisons à 512 kilobits par seconde. C'était une solution d'urgence. Maintenant nous allons relier peu à peu la Réunion, comme les Antilles -bien que pour celles-ci ce soit plus facile, grâce à la présence du réseau américain. Soyez sans crainte, je n'ai pas l'intention de négliger ce problème.

L'université de la Réunion est en outre une université de qualité ; je le disais récemment à mon homologue sud-africain, avec qui je vais visiter votre île pour établir des relations directes entre notre université et celles de ce pays.

M. Jean-Pierre Foucher - Vous voulez réformer les études médicales, odontologiques et pharmaceutiques pour en finir avec le gâchis humain que produit aujourd'hui le concours de fin de première année de médecine ou de pharmacie. Votre projet serait d'instituer une licence de santé que pourrait préparer tout étudiant, titulaire d'un DEUG, quel qu'il soit, pourvu qu'il l'ait obtenu en deux ans et avec mention.

A la fin de cette licence, un concours classant conditionnerait le passage dans la filière médicale. Le gâchis humain serait donc le même, à ceci près que les étudiants auraient perdu trois ans au lieu de deux. Et le concours classant ne permettrait pas un vrai choix de carrière.

Les étudiants ne commenceraient vraiment leur cursus qu'à bac plus trois. Aux dernières nouvelles il semble que vous ayez pris en compte les remarques qu'a suscitées votre proposition. Quelles sont aujourd'hui vos intentions ? Cette réforme sera-t-elle conduite en concertation ?

M. le Ministre - Votre question, Monsieur le député, est prématurée. Nous n'avons pour l'instant formulé que des idées et il n'existe pour l'heure aucun projet, a fortiori bouclé. Nous avons seulement décidé de mettre en place une commission de réforme des études médicales avec un triple objectif. Tout d'abord, mettre un terme au gâchis considérable auquel conduit le concours de première année de médecine puisque seul un étudiant sur dix est reçu et que pour l'instant, les neuf autres restent donc sur le carreau. Ensuite, organiser au cours de la formation médicale des enseignements communs à d'autres métiers de santé : économie et droit de la santé, éthique, technologies appliquées... Enfin, permettre que, comme dans d'autres pays, un très bon étudiant puisse s'orienter vers des études médicales après un premier cycle sans enseignement de biologie. L'idée est d'attirer vers la médecine le plus grand nombre possible de bons étudiants et de permettre, à terme, à notre pays de combler les retards qu'il a accumulés dans des domaines comme le droit médical ou l'économie de la santé. Voilà où nous en sommes pour l'instant -je vous signale d'ailleurs que nous allons de même mettre en place une commission de réforme des études juridiques. Rien n'a été décidé et comme d'habitude, aucune décision ne sera prise sans la plus large concertation.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

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ÉDUCATION NATIONALE, RECHERCHE ET TECHNOLOGIE

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II - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Etat B - Titres III et IV

M. le Ministre - Le Gouvernement présente un amendement II-68 sur les crédits du titre III de l'état B.

Dans le rapport qu'ils ont remis au Premier ministre, MM. Cohen et Le Déaut estiment nécessaire de donner plus de souplesse à la répartition des charges d'enseignement et de recherche des maîtres de conférence en début de carrière. Ils formulent une proposition intéressante qui sera examinée dans un cadre global intégrant, le cas échéant, d'autres mesures statutaires relatives à la mobilité des chercheurs. A l'effet de mettre en _uvre le dispositif à la rentrée 2000, nous vous proposons d'ouvrir un crédit de quinze millions de francs sur le chapitre 31-96 par diminution du même montant des crédits du chapitre 31-11 et d'engager toutes les concertations nécessaires.

M. Alain Claeys rapporteur spécial de la commission des finances pour l'enseignement supérieur - Avis favorable.

L'amendement II-68, mis aux voix, est adopté.

Les crédits du titre III, ainsi modifiés, puis du titre IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Je note que le groupe communiste s'abstient.

Les crédits des titres V et VI de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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EDUCATION NATIONALE, RECHERCHE ET TECHNOLOGIE

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III - RECHERCHE ET TECHNOLOGIE

Les crédits des titres III et IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Georges Sarre - Avec l'abstention critique du groupe RCV.

Les crédits des titres V et VI de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.

La suite de la discussion de la loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, mercredi 3 novembre, à 15 heures.

La séance est levée à 20 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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