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Session ordinaire de 1999-2000 - 19ème jour de séance, 47ème séance

1ÈRE SÉANCE DU JEUDI 4 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE DE Mme Nicole CATALA

vice-présidente

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite) 2

          ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS 2

La séance est ouverte à quinze heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les transports terrestres - La politique étant affaire de priorité, vous présentez, Monsieur le ministre, un bon budget qui met l'accent sur le transport ferroviaire, l'entretien des routes, la sécurité routière et, dans une moindre mesure, les transports collectifs urbains. Il aurait certes pu être plus orienté vers l'avenir, mais il est difficile d'agir, à niveau constant de crédits.

Les crédits des transports terrestres, des routes et de la sécurité routière s'élèveront à 7,34 milliards en autorisations de programme et à 52,17 milliards en crédits de paiement, soit une augmentation de 23 % pour les premières et une diminution de 0,9 % pour les seconds. Les bases sont donc les mêmes que les années précédentes. La diminution des crédits de paiement est en partie compensée par les dotations du FITTVN, qui, pour 4,33 milliards de recettes prévues, se répartiront ainsi : 1,52 milliard pour le réseau routier national, 500 millions pour les voies navigables, 2,3 milliards pour les transports ferroviaires et le transport combiné.

Mais, avec le FITTVN, Bercy nous joue le coup des vases communicants puisque, même si l'on en tient compte, les crédits de paiement diminuent de 0,2 %. Cette stabilité permet certes de respecter les engagements de l'Etat, mais elle démontre surtout que l'augmentation continue des crédits du FITTVN a pour corollaire, l'affaiblissement du budget des transports. Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, le Gouvernement a pris l'engagement de réexaminer l'utilité de ce fonds, dont la commission des finances souhaite la suppression. J'ai du mal, Monsieur le ministre, à saisir votre attachement à une création d'origine balladurienne par laquelle l'Etat reprend d'une main ce qu'il donne de l'autre. Je ne puis cautionner des modes de gestion illusionnistes, et vous constaterez que le rapporteur pour avis de la commission de la production est du même avis.

En bref, respectez la volonté du Parlement, qui ne travaille pas pour le seul service des archives, et présentez-nous, en 2000, un projet de budget sans FITTVN !

J'en viens maintenant à l'examen de vos crédits et je relève la stabilisation des dépenses de personnel, qui démontre une certaine sagesse dans la gestion des crédits. Si je me réjouis de la budgétisation des rémunérations annexes des personnels techniques de l'Equipement, j'observe que les crédits des transports collectifs urbains se caractérisent par une continuité qui empêche de répondre aux défis qui se posent. L'engorgement des villes et l'accentuation de la pollution atmosphérique conduisent à remettre en cause l'utilisation immodérée de l'automobile. Pourquoi, dans un tel contexte, appliquez-vous la TIPP et, plus particulièrement, la récente augmentation de la taxe sur le gazole aux transports collectifs ?

On voit bien, pourtant, qu'ils sont l'avenir, à condition toutefois d'être replacés dans une réflexion d'ensemble sur l'aménagement urbain. Il ne suffit pas d'investir dans des matériels roulants plus rapides et moins polluants, il faut aussi définir les aires consacrées à la circulation, au transit et au stationnement, et leur tarification.

Certes, l'Etat maintient son effort en province. Les crédits inscrits au titre des subventions d'investissement pour les transports terrestres ont régulièrement augmenté ces dernières années, marquant la priorité donnée par le Gouvernement aux transports collectifs. Ils sont ainsi passés de 524 millions en autorisations de programme et 457,3 millions en crédits de paiement en 1997 à 649 millions en AP et 566,8 millions en CP en 1999. Le projet de budget confirme cette tendance et une dotation budgétaire est allouée aux infrastructures de transports en site propre. Les 693 millions prévus permettront de poursuivre les opérations en cours et d'en entreprendre de nouvelles à Rouen, Maubeuge, Bordeaux ou Caen.

A ce budget, qui rencontre l'approbation de la majorité, que manque-t-il ? Sans doute de faire porter l'effort sur le renouvellement des matériels roulants et, surtout, de promouvoir la coordination des modes de transport individuels et collectifs. Cela relève certes de l'aménagement urbain, et donc de la compétence des maires, mais nos concitoyens apprécieraient de disposer de couloirs pour les autobus, les vélos et les rollers, tous modes de transports économiques et non polluants. Une incitation financière de l'Etat permettrait sans doute un progrès décisif.

Pour ce qui concerne le transport collectif en Ile-de-France, l'année 1999 est marquée par le renouveau du trafic ferroviaire, après plusieurs années de désaffection. Avec l'opération «Transîlien», la SNCF veut attirer une nouvelle clientèle vers les transports collectifs. L'ouverture de lignes de banlieue à banlieue, un matériel roulant plus moderne et l'évolution modérée des tarifs ont convaincu les habitants d'Ile-de-France de revenir vers ce mode de transport.

M. Francis Delattre - Il reste beaucoup à faire !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial - S'il reste encore beaucoup à faire, c'est que beaucoup n'avait pas été fait avant 1997 ! Il s'agit, vous ne l'ignorez pas, d'un effort collectif, et les retards pris l'ont été collectivement. L'Etat et les collectivités locales doivent donc poursuivre cet effort, surtout pour renforcer la sécurité des agents et des usagers. La violence qui règne sur certaines lignes est cause de désaffection ; il appartient à la puissance publique d'assurer la liberté fondamentale d'aller et venir ainsi que la sûreté et l'utilisation rationnelle du réseau.

Les concours de l'Etat diminuent de 4,2 % par rapport à 1999, et sa contribution aux transports collectifs parisiens passe de 5,62 milliards en 1999 à 5,389 milliards. L'indemnité compensatrice versée à la RATP diminue en effet de 475 millions en raison de l'amélioration des comptes de l'entreprise. Les autres postes sont en légère augmentation. Votre budget traduit donc une heureuse inflexion des crédits vers la province.

J'en viens au transport ferroviaire, élevé une nouvelle fois au rang de priorité. L'engagement de l'Etat se traduit par le soutien au désendettement de la SNCF, par le biais de Réseau ferré de France. Pour assurer sa viabilité économique, le Gouvernement s'est engagé à apporter à RFF 37 milliards au cours des années 1999, 2000 et 2001.

S'agissant de la SNCF, je salue le travail réalisé par tous les personnels dans une nouvelle phase d'expansion ; on ne peut que se réjouir de l'amélioration de ses résultats financiers. L'Etat peut ainsi stabiliser ses concours au niveau de 44,2 milliards, qu'il s'agisse de subventions d'investissement ou de compensations tarifaires.

En ce qui concerne le ferroutage, la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc a montré que plusieurs zones sensibles du territoire ne supportaient plus la circulation intense de poids lourds. Or le transport combiné n'est toujours pas une priorité.

Autre sujet d'inquiétude, le régime de retraite des cheminots. Les compensations atteignent 18 milliards, dont 13 au titre de l'Etat, le solde étant constitué par la compensation entre régimes spéciaux.

Vous avez estimé, Monsieur le ministre, que la mission de la SNCF nécessitait une gestion des risques spécifique, tenant à la mission de service public qu'elle exerce. Les salariés sont extrêmement attachés au système qu'ils ont contribué à créer. Cependant, le montant des compensations en compromet l'indépendance. Comment entendez-vous donc la préserver ? Enfin, pourquoi ne pas exonérer la SNCF de la TGAP sur les transports d'ordures ménagères, comme le souhaitent plusieurs d'entre nous ?

Le budget des routes permet de maintenir le patrimoine routier, on ne relève pas d'inflexion de la politique autoroutière malgré les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle. Les crédits s'élèvent à 7,3 milliards en autorisations de programme (+ 27,2 %) et diminuent de 8,6 % en crédits de paiement, avec une dotation de 7,8 milliards.

De plus, contrairement à la vocation initiale du FITTVN, les travaux financés par ce biais ne constituent pas en totalité de nouveaux programmes. La débudgétisation ainsi opérée nuit à une lecture claire des crédits. Nous nous félicitons, en revanche, de la politique vigoureuse menée en faveur des ouvrages d'art et de l'entretien des routes. De même, le changement de nomenclature budgétaire permet d'individualiser les dépenses entre l'Ile-de-France, les autres régions et l'outre-mer.

Reste la politique des autoroutes, largement débattue au sein de la MEC et lors de la remise du rapport de la Cour des comptes. A cette occasion, vous aviez annoncé la mise en place du «nouvel objet autoroutier». On n'en trouve nulle trace dans votre projet de budget. Où en est votre réflexion en la matière ?

Il convient, enfin, de féliciter le Gouvernement d'avoir accentué l'effort en faveur de la sécurité routière et de s'être fixé l'objectif ambitieux de diviser par deux le nombre des tués au cours des cinq prochaines années.

Votre budget, Monsieur le ministre, poursuit les actions engagées au début de la législature. Dans un secteur où les investissements sont lourds, une vision pluriannuelle s'impose.

C'est donc sans réserve ou presque que la commission des finances a, sur ma proposition, adopté les crédits des transports terrestres et demande à l'Assemblée de le faire à son tour (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour l'équipement et les transports terrestres - Il aura fallu deux événements tragiques, l'incendie du tunnel du Mont-Blanc et la catastrophe de Paddington, pour qu'il soit admis qu'en matière de transport, le laisser-aller ne peut tenir lieu de politique. L'opinion publique exige aujourd'hui que les transports soient orientés vers les modes les moins polluants et les plus sûrs.

Nos concitoyens nous aident ainsi à mettre fin aux entreprises de ceux qui voulaient imposer la libéralisation totale du mode ferroviaire.

Les tenants de cette politique oublient qu'il ne peut y avoir de politique globale des transports sans intervention de l'Etat, en terme de soutien, d'organisation et de financement. Une politique volontaire des transports exige de la cohérence sur l'ensemble du territoire et des prolongements européens. Si tel n'était pas le cas, l'engorgement des infrastructures qui en découlerait serait insupportable pour la vie sociale et l'environnement.

L'extension dans les entreprises du système de production en flux tendus a entraîné la multiplication des transports routiers.

Depuis vingt ans, la part du transport ferroviaire n'a cessé de régresser et l'intégration dans l'espace économique européen des pays d'Europe centrale et orientale opère également un surcroît de trafic routier. Ainsi, sur la période 1989-1998, le transport de marchandises en transit routier a doublé et un poids lourd sur trois circulant sur le réseau national est étranger. Le parcours moyen en partie française est de l'ordre de 856 kilomètres et le nombre de tonnes-kilomètres réalisées en transit en France s'est monté l'an dernier à 40 milliards. Actuellement, 80 % des marchandises transportées le sont par la route et le rail ne charge qu'environ 17 %.

Sur le plan environnement, le chemin de fer dispose d'un avantage manifeste. Une tonne équivalent pétrole est transportée par le train complet sur 128 km, par le transport combiné sur 100 km et par le poids lourd seulement sur 57 km. L'efficacité énergétique du transport ferroviaire est donc trois fois supérieure à celle du transport routier, pour le fret comme pour le transport de voyageurs. A cet égard, la concentration de la population dans les zones urbaines entraîne des embouteillages sans cesse plus nombreux, l'offre de transports collectifs n'ayant pas accompagné cette croissance.

Le mérite du Gouvernement est de repenser la politique des transports dans sa globalité. Ainsi, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 tend à l'élaboration de deux schémas multimodaux de services collectifs de transport, l'un concernant les transports de personnes et l'autre le fret. Des succès ont ainsi été obtenus pour éviter la «thrombose» des déplacements et ses conséquences économiques et environnementales. A ce titre, l'expérience, dans sept régions pilotes, du transfert des compétences d'autorité organisatrice de transport ferroviaire aux régions, qui a débuté en janvier 1997, est une réussite.

La création récente du Conseil supérieur du service public ferroviaire a également pour but de «réformer la réforme» qui a conduit à la création de RFF et de garantir la cohésion du système ferroviaire national, et donc du service public qu'il assure dans l'intérêt général.

Votre budget 2000, Monsieur le ministre, conforte ces grandes orientations, dans le respect des droits sociaux des personnels des services de transport. En effet, le développement de l'intermodalité ne peut intervenir que s'il est mis fin au dumping social exercé dans le transport routier, qui met en péril les entreprises respectueuses de la loi et nuit gravement à la sécurité de l'ensemble des usagers de la route. A cet égard, une harmonisation européenne par le haut est indispensable.

Avec 99 milliards, le budget de l'équipement et des transports connaît cette année une progression de 2,6 %. Compte tenu de l'impact des transports sur l'économie nationale et sur la vie quotidienne des Français, je regrette qu'il ne soit pas prioritaire.

Ce budget permettra toutefois au Gouvernement de respecter les engagements qu'il a pris depuis 1997. L'une des priorités est de poursuivre le rééquilibrage en faveur du rail. Il faut pour ce faire maintenir les capacités d'investissement de Réseau ferré de France et stabiliser sa dette ; garantir des moyens financiers suffisants à la SNCF pour qu'elle puisse faire face aux augmentations de péage sans risquer de compromettre le retour à l'équilibre de ses comptes. A cet égard, j'aurais souhaité qu'une aide supplémentaire de 1,5 milliard soit accordée à la SNCF pour lui permettre de continuer d'investir dans des matériels performants, tout en appliquant les 35 heures et en assurant ses missions de service public. Tel n'est pas le cas, je le regrette. Il faut rappeler qu'en 1999, le solde positif d'emplois dans l'entreprise a été de 1 200, auxquels s'ajoutent 900 emplois-jeunes et 1 000 postes d'apprentis. Enfin, le rôle de redistribution intermodale du FITTVN doit être réaffirmé. En effet, bien que la part du ferroviaire soit passée de 39,5 % à 53 % de 1997 à 2000, le FITTVN ne joue pas son rôle d'activateur de nouveaux projets, ce qui pourrait, à terme, le condamner.

S'agissant de l'autre priorité, qui est de renforcer les transports collectifs urbains, tant en province qu'en région parisienne, l'aide de l'Etat a progressé de 37 % en trois ans.

Le réseau routier n'est pas pour autant oublié puisque les crédits destinés à son amélioration augmentent de près de 6 %, ce qui permettra à l'Etat de respecter les engagements pris dans les contrats de plan.

Deux remarques avant de conclure. Lors de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000, j'avais déposé avec Jean-Louis Idiart un amendement tendant à exonérer de la TGAP le transfert par rail ou par voie d'eau des déchets ménagers, que le secrétaire d'Etat au budget a nettement refusé. Nous comptons sur votre soutien, Monsieur le ministre, pour infléchir sa position d'ici à la deuxième lecture où nous déposerons de nouveau le même amendement.

Nous déposerons de même un amendement tendant à faire bénéficier les transports publics de la réduction de sept centimes accordée sur le gazole.

Monsieur le ministre, ce projet de budget pour 2000 vous permettra de poursuivre la politique généreuse que vous avez engagée. Je vous souhaite courage et persévérance pour les futures négociations européennes, qui seront décisives. Je sais que vous n'en manquez pas. Je sais aussi que l'appui du Parlement peut vous être précieux, comme cela a été le cas il y a peu encore.

La commission de la production a, comme je le suggérais, donné un avis favorable à ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les transports aériens et la météorologie - Les crédits de l'aviation civile pour 2000 sont identiques à ceux de 1999 et de 1998. C'est dire que l'on cherche en vain dans ce budget la marque d'une volonté politique. Le secteur du transport aérien est pourtant en pleine mutation. Ainsi, le mois dernier, est né un véritable pôle européen de l'aéronautique civile et militaire, avec la fusion entre Aérospatiale Matra et Dasa. Les pouvoirs publics n'ont cessé de soutenir la construction aéronautique depuis de nombreuses années. Cette fusion s'inscrit dans le droit fil de ce soutien. Elle constitue également un gage d'avenir, à la condition toutefois que notre pays sache négocier la mise en place de la future société européenne. Il faut sur ce point créditer le Gouvernement d'avoir enfin opté pour une philosophie libérale. Mais il faudra poursuivre la restructuration de nos industries de défense afin que notre participation à la nouvelle société ne menace pas nos intérêts vitaux.

En revanche, les a priori idéologiques du Gouvernement concernant le secteur public ont failli isoler Air France, non en raison de son statut mais parce que l'Etat-actionnaire ne semble pas toujours en mesure d'apporter les capitaux nécessaires à son développement. Air France n'a conservé son attractivité aux yeux de Delta Airlines que par son implantation à Roissy, seul aéroport européen à pouvoir envisager un doublement de sa capacité.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Grâce à qui ?

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial - Rien ne justifie le maintien dans la sphère étatique d'une entreprise qui ne remplit assurément pas une mission de service public et qui doit se développer dans un secteur très concurrentiel. La privatisation de la compagnie lui procurerait, d'autre part, les ressources qui lui manquent pour accroître et renouveler sa flotte.

M. Jean-Pierre Blazy - Idéologie !

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial - Le Gouvernement refuse également la privatisation, ou à tout le moins l'ouverture du capital d'Aéroports de Paris. Or la rentabilité de cette entreprise faiblit, d'autant qu'elle doit faire face à un alourdissement de la fiscalité, notamment au titre de la taxe sur les bureaux et les entrepôts en Ile-de-France, à la suppression du régime des ventes hors taxes, et à une aggravation sensible de la concurrence des services en escale.

La croissance économique donne cependant des raisons d'espérer à la plupart des industries du transport aérien. Malheureusement, le Gouvernement, se fondant sur des conceptions désuètes, ne prépare pas les enjeux de l'avenir. L'internationalisation des activités l'obligera, à terme, à opter pour des solutions libérales. Espérons que d'ici là certaines opportunités n'auront pas été perdues.

J'en viens aux crédits de l'aviation civile pour 2000. Je m'étonne que rien ne soit dit des 4 milliards que le Gouvernement va, de manière quasi certaine, devoir rembourser aux compagnies aériennes. En effet, à la suite de multiples contentieux, le Conseil d'Etat a constaté que pour le calcul des redevances aériennes étaient pris en compte les coûts du balisage lumineux des pistes, des services de sécurité, d'incendie et de sauvetage, de diverses installations de la gendarmerie, ainsi même que 57 % des coûts de fonctionnement de l'ENAC, autant de dépenses qui n'auraient pas dû être financées par les redevances. Le Gouvernement a tenté d'accorder le droit au fait, en tentant de valider ces errements dans un DDOEF. Le Conseil constitutionnel a jugé cette procédure non conforme à la Constitution par décision du 25 juin 1998. Le Gouvernement a ensuite obtenu par la loi du 23 décembre 1998 portant diverses dispositions en matière de transport aérien, la validation législative des titres de perception des redevances.

Mais le Conseil d'Etat a fait valoir le 26 mai 1999 que, conformément à l'article 55 de la Constitution, les traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ont, en droit français, une valeur supérieure à celle des lois. Les lois de validation doivent donc être compatibles avec l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme. Le Conseil a donc estimé que le Gouvernement ne pouvait pas, sur cette base, refuser aux compagnies qui le solliciteraient le remboursement des sommes indûment mises à leur charge. J'espère que vous nous apporterez des éclaircissements sur ce point essentiel.

Autre problème : le détournement de la vocation de l'ancien fonds de péréquation du transport aérien, devenu fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien. Devant la nécessité apparemment pressante de trouver de nouvelles ressources, le Gouvernement a modifié fondamentalement la nature de ce fonds initialement conçu pour subventionner les lignes aériennes déficitaires, dans une optique d'aménagement du territoire. L'article 32 du projet de loi de finances pour 2000 affecte en effet 77 % du produit de la taxe de l'aviation civile au budget annexe, l'aménagement du territoire n'en recueillant plus que 23 %.

En outre, le dispositif prévoit une péréquation du financement des aéroports, dont la rationalité économique n'est pas évidente. Il semble que l'Etat, par la création d'une taxe et l'extension du fonds se substitue aux gestionnaires d'aéroports que sont notamment les chambres de commerce. Le risque est que les collectivités locales ne se désengagent, ce qui contraindra le Gouvernement à majorer une fois encore, à terme, les taxes perçues sur les passagers.

Or les dépenses des aéroports ont déjà augmenté du fait notamment de nouvelles normes environnementales alors que leurs recettes ont diminué avec la disparition des ventes hors taxe. Le fonds devra donc les financer de plus en plus, au détriment de la péréquation des lignes.

J'en viens aux crédits du budget annexe de l'aviation civile, qui s'établissent à 8,71 milliards pour 2000. Le produit de la redevance de route est estimé à 4,9 milliards, en diminution de 1,6 % par rapport à 1999 ; celui des redevances pour services terminaux à 1,16 milliard, en augmentation de 3,3 %.

Plus de 80 % des recettes servent à couvrir les dépenses de fonctionnement. Les charges de personnel, en augmentation de 3,6 %, s'élèveront à 4,36 milliards.

M. le Ministre - Ce sont des personnels qualifiés.

M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial - Les principaux investissements concernent la navigation aérienne, avec 1,22 million. La sécurité des aéroports bénéficiera, pour sa part, de 120 millions, dont la moitié pour le contrôle des bagages de soute.

Au-delà de ces chiffres rassurants, je suis préoccupé par l'état déplorable des relations entre la direction générale de l'aviation civile et les professionnels du secteur. Le dialogue est bloqué et le Gouvernement ne joue pas son rôle d'arbitre, si bien que différents dossiers souffrent de retards préoccupants. Ainsi en est-il de la formation des contrôleurs aériens, longue et coûteuse alors que les besoins en nouveaux arrivants vont croissant, du fait des départs à la retraite et de l'accroissement du trafic. Particularité française : le statut d'ingénieur est attribué aux contrôleurs. Il en résulte une prolongation des études et une hausse des rémunérations et des coûts. La France fait ainsi appel à des ingénieurs de formation bac+7, alors que les aviations civiles européennes se contentent en général de techniciens bac+4, voire bac+2. Et en France, un contrôleur reçoit une formation au pilotage.

Les frais de personnels prennent par conséquent une part croissante du budget annexe et représentent 54 % des dépenses d'exploitation -qui ont elles-mêmes augmenté de 15 % en trois ans. Cela ne correspond pas à un accroissement des effectifs mais essentiellement à une augmentation des rémunérations. Cela dit, aucune information sur l'évolution des coûts salariaux unitaires par contrôleur ne m'a été communiquée.

Autre problème sans solution depuis quinze ans : l'accroissement des mouvements d'avions et le doublement des retards qui en résulte. Ce phénomène n'est certes pas propre à la France, mais il y est particulièrement perceptible. Or les crédits d'investissement de la navigation aérienne demeurent à un niveau constant d'environ 1,3 milliard de francs depuis plusieurs années.

Des évolutions techniques sont intervenues en 1999, mais leurs résultats ont été très décevants. D'autres mesures plus efficaces, comme le contrôle franco-suisse de la zone de Genève, ont avorté pour des motifs qui sont apparus aux observateurs avertis comme dus au premier chef à des réactions corporatistes de la CGT. Au surplus, il existe un problème d'affectation de l'espace aérien français dans la mesure où les militaires utilisent 50 % de l'espace pour moins de 10 % du trafic.

Il est clair que les problèmes de coordination de la navigation aérienne en France n'ont donc pas été envisagés jusqu'ici à leur juste mesure.

Même si les services de la navigation aérienne sont très discrets sur leurs investissements, j'ai appris que le programme «Electra» des simulateurs de la navigation aérienne coûterait trois fois plus cher qu'initialement prévu. Il s'agit de plus d'un marché de gré à gré passé sans aucune consultation des compagnies aériennes, pourtant expertes en matière de simulateurs.

Dernier élément d'interrogation, Monsieur le ministre : alors qu'il n'existe aucun rapport entre le pilotage d'un 747 ou d'un A340 et celui d'un avion de loisir, les personnels techniques et administratifs de la direction générale de l'aviation civile s'entraînent, aux frais du budget annexe, au pilotage d'avions de loisir sur l'aérodrome de Melun-Villaroche, au prétexte que leurs fonctions nécessitent la connaissance des man_uvres d'approche des aéronefs. Cette formation gratuite semble en outre déborder le cadre de la DGAC puisque tout ingénieur de l'Ecole nationale de l'aviation civile peut, paraît-il, en bénéficier. Le budget annexe, Monsieur le ministre, n'a pas vocation à financer des dépenses ludiques mais celles liées à la sécurité. Je sais bien qu'il s'agit d'une pratique de longue date dont vous n'êtes pas responsable, mais il serait souhaitable que vous y mettiez bon ordre.

Compte tenu des incertitudes constantes qui pèsent sur le budget annexe, j'ai proposé à la commission des finances de rejeter les crédits. Celle-ci ne m'a pas suivi et vous demande d'adopter les crédits de l'aviation civile et du transport aérien pour 2000 (Applaudissements sur les bancs du groupe DL).

M. François Asensi, rapporteur pour avis de la commission de la production pour les transports aériens - L'analyse du budget annexe de l'aviation civile 2000 est rendue plus difficile par les réformes touchant à la fiscalité aérienne qui ont été engagées. Avec 8,71 milliards, ce budget s'inscrit en très légère hausse. Une part croissante des recettes provient des taxes et redevances acquittées par les compagnies aériennes.

Si les crédits affectés à la construction aéronautique baissent légèrement du fait de l'achèvement de certains programmes de recherche, ceux dédiés aux avances remboursables pour le lancement du très gros porteur A3XX augmentent en revanche fortement.

La présentation de ce budget est aussi l'occasion de faire le point sur les restructurations en cours qui affectent actuellement toute la filière aéronautique. Cette année fut en effet marquée par la passation d'alliances à l'échelle mondiale dans le transport aérien et par un double phénomène de fusions et de privatisations rampantes dans le domaine de la construction aéronautique.

Le transport aérien mondial risque de se retrouver une nouvelle fois en surcapacité. Obsédées par la maîtrise des coûts d'exploitation, les compagnies aériennes européennes continuent à mettre en place des plans d'économie dans le cadre d'une libéralisation du transport aérien pourtant achevée depuis le 1er avril 1997. Les pressions sur les conditions de travail et les droits des salariés se sont multipliées, en l'absence d'un véritable volet social européen et plus globalement d'une politique commune du transport aérien en Europe.

La définition d'un espace commun des transports aériens englobant les Etats membres de l'Union et les Etats-Unis a été approuvée par le Conseil des ministres des transports de juin 1996 et réaffirmée à plusieurs reprises. Il s'agit là d'une alternative à la politique de «ciel ouvert», mais il ne faut pas que cet espace englobe les droits de trafic, sans quoi se réalisera le rêve des autorités américaines d'un grand marché libéralisé dans lequel les Etats membres de l'Union n'auraient plus aucune marge de man_uvre.

C'est dans ce contexte fluctuant que les ailes françaises poursuivent leur redressement. Air France a ainsi franchi un cap décisif dans son développement et ses succès démontrent le réalisme du choix opéré l'an dernier. La preuve est faite qu'il est possible, même dans l'univers ultraconcurrentiel qui est devenu le transport aérien, de demeurer dans le secteur public. A preuve, de grandes compagnies sont intéressées par une coopération avec Air France, alors même qu'elle n'a pas été privatisée.

La croissance du trafic aérien prévue dans les prochaines années tout comme le redressement des compagnies aériennes produisent des effets sur toute la filière aéronautique.

En aval de cette filière, l'augmentation du nombre de passagers nécessite des adaptations de la politique aéroportuaire. Il revient à l'Etat de se montrer volontariste en ce domaine et de prendre en compte à la fois les contraintes environnementales et les exigences d'un aménagement équilibré du territoire.

Ces derniers mois, l'Etat et les différents acteurs du transport aérien ont multiplié les efforts de maîtrise des nuisances sonores, notamment avec la création d'une autorité de contrôle dotée dans ce budget de 5 millions de crédits de fonctionnement. Espérons que cette autorité indépendante jouera pleinement son rôle. Sur le site de Roissy-Charles-de-Gaulle, le seuil des 55 millions de passagers ne doit en aucun cas être dépassé si l'on ne veut pas provoquer une dégradation du cadre de vie et de l'environnement.

Le renouveau de la politique aéroportuaire passe également par le développement d'ADP sur le plan national et international, comme vous l'avez rappelé, Monsieur le ministre, dans une lettre de mission adressée au nouveau président d'ADP, développement qui ne saurait conduire à une privatisation de fait, évidemment. De nouvelles priorités s'imposent en effet : amélioration de la qualité de services offerts, optimisation des capacités, inscription de l'activité aéroportuaire dans une perspective de développement durable, développement du dialogue avec les collectivités locales, amélioration des dessertes terrestres, renforcement des activités à l'international mais aussi rénovation des relations sociales.

L'année 1999 a été marquée par des annonces de regroupements et de fusions. Des opérations de privatisation rampante se sont multipliées, comme en témoignent le rapprochement d'Aérospatiale avec Matra Hautes Technologies puis la fusion surprise d'Aérospatiale Matra avec l'allemand DASA.

Avec les pays partenaires d'Airbus, la France s'est clairement prononcée en faveur de la constitution d'un grand pôle européen. Mais des difficultés sont apparues concernant l'estimation des actifs, la répartition des activités et le partage du pouvoir au sein d'Airbus. Profitant de cette situation, le Gouvernement a décidé de privatiser par fusion Aérospatiale et Matra.

Même si l'Etat reste le premier actionnaire majoritaire d'Aérospatiale Matra et dispose d'une action spécifique, il est permis d'émettre des doutes voire des réserves sur les conditions de cette fusion. Beaucoup d'experts estiment en effet que M. Lagardère n'aurait pas dû avoir plus de 20 % du capital.

La récente annonce de la fusion entre Aérospatiale et l'allemand DASA amplifie le désengagement de la puissance publique, qui ne dispose plus dans le nouveau groupe que de 15 % du capital. Malgré les pressions exercées outre-Rhin, je compte sur votre fermeté pour que l'Etat reste dans le capital de la nouvelle entité qui détient, avec l'espagnol CASA, 80 % du capital d'Airbus. Monsieur le ministre, pouvez-vous garantir que l'Etat gardera ses prérogatives de puissance publique ? A défaut, les marchés financiers réduiront à néant les politiques publiques et l'idée d'une défense européenne indépendante.

La question du statut d'Airbus est à nouveau posée. Reconnaissons que l'actuelle structure GIE a réussi l'impossible : faire travailler ensemble des nations concurrentes, préserver l'indépendance de chacune tout en imbriquant les intérêts, créer une marque européenne unique et reconnue dans le monde entier. Actuellement, son carnet de commandes frôle les 600 milliards. Airbus doit profiter de cette conjoncture, d'autant que la flotte mondiale devrait plus que doubler dans les vingt années à venir.

Si une réorganisation d'Airbus semble aujourd'hui inéluctable, elle ne devra pas peser sur la politique sociale et l'emploi de la future grande entreprise.

Dans ce domaine de la construction aéronautique, je me félicite des avances remboursables consenties au très gros porteur A3XX. _uvrons pour que la réalisation et surtout l'assemblage du futur avion se fassent à Toulouse, ville à forte culture aéronautique.

Alors que le soutien à notre construction aéronautique s'inscrit dans le cadre des limitations imposées par l'accord franco-américain de 1992, la Commission européenne estime que les Etats-Unis ne respectent pas les termes de l'accord, leur secteur aéronautique continuant de bénéficier de financements en provenance de la NASA ainsi que d'avantages fiscaux.

La France présidera le Conseil des ministres des transports de l'Union européenne pendant le deuxième semestre 2000. A cette occasion, je souhaite que vous preniez, Monsieur le ministre, des initiatives fortes pour renforcer la coordination du contrôle aérien européen, coordonner les études et les recherches pour la conception d'une nouvelle génération d'avions supersoniques, lutter contre les nuisances sonores sur tout le territoire de l'Union, proposer une nouvelle structure juridique pour Airbus, aussi performante que le GIE, et définir un volet social qui protège les droits des salariés. Le secteur de la filière aéronautique ne doit pas se laisser aller à un moins «disant social».

A l'heure de la mondialisation des économies, les pouvoirs publics doivent faire preuve de vigilance pour défendre le savoir-faire aéronautique et préserver les droits sociaux des salariés. Aujourd'hui, une nouvelle société se profile, celle des fonds de pension et des stock-options, une société profondément marquée par la recherche effrénée de la rentabilité. Nous risquons d'en subir le contrecoup si l'Etat ne réaffirme pas à temps sa présence et ne conforte pas son rôle de régulateur.

Telles sont les observations que je tenais à faire. La commission de la production a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'aviation civile (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mer - En 1997 et 1998, je rappelais combien la France, deuxième puissance maritime du monde par la surface de ses mers, pourrait être un grand pays maritime.

Ces dix minutes consacrées à ce rapport de la commission des finances au lieu de quinze pour les autres, montrent que notre pays reste les pieds englués dans la glaise...

Ce budget de 6 milliards 321 millions augmente légèrement, mais en réalité les dépenses publiques consacrées à la mer atteignent 10 milliards 500 millions.

Si la subvention à l'ENIM demeure le poste principal, pour la première fois sa part dans le budget est en baisse, passant de 75 % à 71 % et, hors ENIM, les dotations croissent de 15,66 % par rapport à 1999, les dépenses de personnel augmentant de 3,54 %.

Les subventions aux écoles nationales de la marine marchande sont en hausse.

315 postes budgétaires sont inscrits pour intégrer le personnel de l'association de gérance des écoles maritimes et aquacoles dans la fonction publique. Mais, pour rendre cette intégration effective, une modification législative est nécessaire.

La dotation «signalisation et surveillance maritime» augmente de 13,77 %. De plus, un effort est fait en faveur du matériel de signalisation, qui est dans un état de décrépitude avancé.

Pourquoi cet effort en faveur de la sécurité est-il gâché par la baisse incompréhensible de la subvention d'équipement que l'Etat accorde à la Société nationale de sauvetage en mer, dont le plan de modernisation avait pourtant reçu l'accord de votre ministère ?

Faut-il rappeler que les sauveteurs en mer sont très estimés ?

Je me réjouissais l'an dernier qu'on eût renoncé à la détestable habitude de compléter la subvention à la SNSM en «pompant» dans la réserve parlementaire. Aurais-je parlé trop vite ?

La législation européenne va entraîner la disparition de l'activité des courtiers maritimes et la loi actuellement en préparation va supprimer cette profession.

Il faudra donc prévoir pour eux une période de transition.

L'activité de nos ports a été bonne en 1998 et au premier trimestre de 1999. Reste que la part de notre commerce extérieur qui transite par eux est en baisse. On incrimine les coûts de passage portuaire. Je ne crois pas que ce soit la vraie raison.

Ainsi, pour les conteneurs, Le Havre est moins cher qu'Anvers ou Rotterdam.

En réalité, c'est la desserte des ports qui joue un rôle clef. Ils doivent être reliés aux grands réseaux navigables et ferroviaires. Sait-on qu'en France la vitesse moyenne des trains de marchandise est de 14 km à l'heure ?

Nous souscrivons donc à la volonté du Gouvernement de développer le concept de «corridor de fret». Surtout, nos ports doivent être modernes et en bon état... Aussi ne peut-on admettre que les crédits d'entretien stagnent et que les crédits d'investissement soient en forte baisse.

Le recours de plus en plus fréquent aux collectivités territoriales ne saurait être la panacée.

Pourquoi ne pas permettre aux ports de faire des emprunts à très long terme ?

Nous comptons 30 ports nationaux, 7 autonomes et 23 d'intérêt national. Ils sont traités de façon inégalitaire, au point qu'il faudrait revoir le statut élaboré en 1983.

Ont-ils vraiment tous une dimension nationale ? Pourquoi ne pas confier certains d'entre eux aux régions ?

17 de nos ports d'intérêt national sont concédés à des chambres de commerce. Or la lecture du rapport élaboré en mai 1999 par l'inspection générale des finances sur ces dernières est consternante : «De mémoire de l'inspection générale des finances, peu d'enquêtes ont donné lieu à autant de dénonciations».

Il ne s'agit pas de faire le procès des chambres de commerce, mais dès lors que l'Etat leur confie des équipements d'importance vitale, il est normal d'être vigilant.

La disparité des situations des CCI est un obstacle au développement harmonieux de notre façade maritime. Ainsi, de deux ports d'intérêt national voisins, l'un est concédé à la CCI la plus riche de France, l'autre à la plus pauvre !

La protection et l'aménagement du littoral sont heureusement dotés de crédits en nette augmentation.

Notre flotte de commerce est stabilisée à 217 navires sous pavillon français. Le budget comporte le remboursement par l'Etat des contributions sociales patronales pour un montant de 133 millions, auxquels s'ajoutent 70 millions pour les lignes desservant la Corse, mais les armements se plaignent des longs délais de paiement. Le remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle fait l'objet d'une inscription budgétaire.

L'ouverture à la concurrence internationale de la desserte vers les îles risque de mettre en grande difficulté la SNCM ; le Gouvernement doit y être très attentif.

La suppression des duty free depuis le 1er juillet a entraîné pour Sea-France et BAI d'importantes pertes de recettes.

Si un effort important n'est pas consenti au profit de ces deux compagnies, le risque est grand de voir nos voisins britanniques régner seuls sur la Manche !

Les régions de Calais, Boulogne, Dunkerque ont déjà fortement ressenti la perte de trafic, car dans ces villes de nombreux commerces vivent grâce à la clientèle britannique. Le système de GIE fiscal qui s'est substitué aux quirats se met lentement en place.

Le secteur maritime est plus que tout autre soumis à la pression de la mondialisation. L'Etat, doit donc être particulièrement attentif.

Malgré des insuffisances ce budget comporte de nombreux points positifs ; aussi, au nom de la commission des finances unanime, je vous demande de le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. André Capet, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour les transports maritimes et fluviaux - On dit souvent que le secteur de la mer intéresse insuffisamment les parlementaires. La France ne répond pas à l'appel de la mer à l'égal de certains autres pays européens.

Cependant le bilan global de nos activités maritimes et portuaires est honorable, progressant nettement en 1998 par rapport à 1997. Les trafics de fret des ports autonomes ont ainsi augmenté de 6,4 %, avec des situations contrastées, Nantes, Saint-Nazaire et Le Havre s'en tirant mieux que Marseille. Ce dynamisme portuaire est dû à une modernisation profonde, en quelques années, de la manutention. Le transport conteneurisé a progressé en 1998 de près de 7 %. Le Havre traite 1,3 million équivalents vingt pieds, et Marseille a dépassé les 600 000 conteneurs. Cependant nous observons un certain tassement des marges des établissements portuaires.

Nous devons donc poursuivre une politique volontariste d'investissement dans la filière portuaire. Il y va de l'emploi, de notre indépendance et de la garantie de nos approvisionnements, comme l'a reconnu la convention européenne préparant sa directive sur les ports et infrastructures maritimes.

La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de juin 1999 a donné à nos ports maritimes une place capitale dans la filière de transport, les ports réalisant le transfert des marchandises entre la voie maritime et les différents modes de transport terrestre.

Les ports sont le maillon essentiel d'une chaîne de transport multimodale, dans laquelle la qualité de la desserte terrestre joue un rôle déterminant, car le coût de l'acheminement terrestre d'un conteneur sur une distance de 500 kilomètres peut représenter jusqu'à six fois celui du passage portuaire. Les grandes lignes maritimes faisant escale dans un nombre de plus en plus limité de ports, le territoire irrigué par chacun d'eux tend à s'élargir. Or l'essentiel des préacheminements et des postacheminements se fait, en France, par la route à 85 %, alors que d'autres pays s'emploient à favoriser la synergie entre les modes de transport et à transformer les terminaux portuaires en plates-formes multimodales. Il importe donc que la SNCF et Réseau ferré de France soient des acteurs à part entière du développement de l'activité portuaire.

Nul ne s'étonnera que je consacre une part de mon propos, étant élu du Pas-de-Calais, à la nécessité, à l'urgence d'une intervention de l'Etat en faveur de l'armement français sur la liaison transManche. En effet, si le trafic passagers se porte bien en Méditerranée, il n'en est pas de même entre Calais et Douvres, où il a baissé de façon spectaculaire depuis le 1er juillet, date de la suppression des ventes hors taxes et de l'augmentation des tarifs de passage qui s'en est suivie. Le gouvernement français avait pourtant mis ses partenaires en garde contre les risques d'une application brutale de cette décision, prise concomitamment à celle de l'harmonisation des droits d'accise et des taux de TVA, laquelle est loin d'être réalisée.

Dès le mois d'août dernier, le nombre des voyageurs à pied en provenance de Grande-Bretagne a chuté de près de 40 % par rapport au mois d'août 1998. Ce recul n'a pas affecté le transport de fret, qui a progressé de plus de 17 % entre les mêmes dates, mais sa bonne tenue aggrave encore, paradoxalement, la situation de Sea-France, filiale de la SNCF, qui ne peut assurer, avec ses 4 navires de 8 000 tonnes, que 15 passages par jour, avec cinq ou six heures d'attente pour les camions les jours de pointe, quand les 7 ferries de 26 000 tonnes de Stena et P&O, désormais fusionnées, en assurent 35, avec une attente réduite à une heure. Il y a là une concurrence déloyale, à laquelle Sea-France ne pourra faire face que grâce à une recapitalisation en nature, sous forme de cession des quatre bâtiments qu'elle loue, complétée par un soutien financier lui permettant de commander un cinquième navire et, dans l'attente de sa livraison, d'en louer un autre. Il s'agit d'éviter la perte de parts de marché et la constitution d'un monopole sur le trafic maritime.

Je conclurai en me réjouissant de la forte progression, hors ENIM, des crédits des transports maritimes et fluviaux : 15,6 %. Les autorisations de programme augmentent plus sensiblement encore : 520 millions au lieu de 313 millions. Nous pourrons ainsi renforcer notre politique de sécurité, de signalisation et de surveillance maritimes, et soutenir notre flotte de commerce.

Quant aux voies navigables, leurs dotations enregistrent une hausse de 9 %, qui confirme l'engagement du Gouvernement et se traduira bientôt, espérons-le, par le lancement des travaux sur les liaisons Seine-Nord et Seine-Est. Force est de constater cependant que l'essentiel des crédits provient du FITTVN, ce qui constitue une débudgétisation regrettable.

Sous ces réserves, il s'agit d'un bon budget, sur lequel la commission de la production a émis, suivant la recommandation de son rapporteur, un avis favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Gilbert Biessy - Le budget de l'équipement et des transports, en progression de 2,5 %, est mieux loti que la moyenne. Ses choix sont clairs, et nous les partageons, même si des faiblesses demeurent.

Notre premier motif de satisfaction tient aux progrès de la concertation, tant sur le financement des investissements que sur les décisions elles-mêmes, y compris hors contrats de plan. La création du Conseil supérieur du service public ferroviaire est une avancée très intéressante.

En second lieu, nous approuvons les priorités retenues en matière d'investissement. Les autorisations de programme augmentent de plus de 8 % pour atteindre 15,3 milliards, et si je comprends que l'on se méfie des ressources affectées, le recours au FITTVN a le mérite de protéger certains projets vitaux de tentations prédatrices en ces temps de restrictions budgétaires et d'obsession des coûts. Le transport ferroviaire est le premier bénéficiaire de cette augmentation, et sa part dans les dotations du FITTVN sera passée, en trois ans, de moins de 40 % à plus de 50 %, rompant avec l'hégémonie historique de la route. L'engagement ministériel de doubler le fret ferroviaire d'ici 2010 s'en trouve crédibilisé, mais il ne sera pas tenu si les mentalités ne changent pas profondément... et si la vitesse commerciale des trains de marchandises ne dépasse pas 14 kilomètres à l'heure !

M. Jean-Claude Lefort - Autant aller à vélo ! (Sourires)

M. Gilbert Biessy - Depuis la fermeture du tunnel du Mont-Blanc, par ailleurs, toute une population a redécouvert ce qu'était une vallée de montagne sans camions, et des voix s'élèvent pour demander qu'il ne soit pas rouvert. Certes, cette revendication paraît difficile à satisfaire, mais elle souligne l'urgence avec laquelle est attendue une réelle alternative au transport routier et le soutien qu'elle recueillerait chez les riverains, toutes opinions confondues -ce n'est sans doute pas Michel Bouvard qui me contredira...

Autre priorité de ce budget : le transport public urbain, dont l'enveloppe augmente, pour la province, de 8 % par rapport à 1999 et de 37 % par rapport à 1997. C'est une question cruciale, car le développement des réseaux contribue à briser l'isolement de certains quartiers et, partant, à combattre l'exclusion. Nous regrettons cependant que l'Etat n'apporte pas son concours au fonctionnement, car le changement de mentalité des citadins passe par une baisse du prix du billet de bus ou de tram, c'est-à-dire par une aide de l'Etat, laquelle ne peut s'envisager sans un prélèvement important sur la TIPP. Je demande au Gouvernement de commencer, en gage de bonne volonté, par mettre à l'étude l'exonération des transports publics urbains des écotaxes et d'une partie de la TIPP sur le gazole, au même titre que les transporteurs routiers. La priorité au rail et au transport collectif n'est pas une lubie : c'est un enjeu de santé publique, d'environnement, de sécurité, de justice sociale, de civilisation.

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. Gilbert Biessy - Donner la priorité au rail et au transport collectif ne signifie pas abandonner la route : les moyens d'engagement destinés aux routes augmentent de près de 6 %. En tenant compte de la contractualisation, cette augmentation atteint 15 %. Nous nous en réjouissons.

Cependant, l'enveloppe du contrat de plan est très nettement insuffisante au regard des besoins. Une deuxième enveloppe apporterait semble-t-il une dizaine de milliards supplémentaires, mais il en faudrait au moins vingt.

Avec l'objectif de diviser par deux le nombre de tués dans les cinq prochaines années, le Gouvernement a fait de la sécurité routière une priorité, la loi du 18 juin 1999 le démontre. Nous ne pouvons évidemment pas encore en évaluer les conséquences, mais si le nombre d'accidents et de blessés est en baisse constante, celui des tués sur la route est remonté en 1998. Nous sommes donc condamnés à innover. C'est ce que doit permettre ce projet de budget, dans lequel les crédits consacrés à la sécurité routière augmentent de 17,7 %.

La priorité permanente de la majorité est l'emploi. Or un milliard de commandes se traduit par environ trois mille emplois créés ou maintenus.

N'y a-t-il donc pas quelque incohérence à continuer de supprimer des emplois dans les services de l'équipement ?

Certes, le projet de budget réduit le nombre des suppressions d'emplois, qui s'établit à 385. Mais, je le dis tout net, nous ne pouvons nous satisfaire d'un simple ralentissement du rythme des suppressions d'emplois. Nous constatons là un effet pervers de la politique de stabilisation globale des effectifs de la fonction publique, qui est extrêmement dangereuse, car elle conduit forcément à des suppressions d'emplois dans un ministère si l'on crée des postes dans un autre. Personne ne conteste l'utilité de créer des postes au ministère de la justice, de l'environnement ou des affaires sociales, mais nous ne pouvons admettre que cela se traduise par près de 400 suppressions d'emplois au ministère de l'équipement.

Je sais que ces questions font l'objet de très difficiles arbitrages et je me doute que le chiffre auquel nous parvenons est bien inférieur aux propositions de départ. Je sais aussi que d'autres emplois ont été créés dans votre administration. Mais j'invite le Gouvernement à mesurer les conséquences des suppressions d'emplois sur le terrain. En particulier, j'estime indispensable de maintenir le niveau des effectifs dans les départements de montagne, où l'entretien des routes est particulièrement difficile en hiver. Il y va de la sécurité de nos concitoyens, et je souhaite obtenir votre engagement solennel sur ce point, Monsieur le ministre.

En conclusion, le projet de budget des transports engage notre pays dans une politique alternative. Les crédits ne sont certes pas au niveau que l'on souhaiterait, mais rien d'aussi concret n'a été proposé depuis 15 ans.

C'est pourquoi le groupe communiste exprime l'intention de voter ce budget. Il ne désespère cependant pas d'obtenir des engagements formels du Gouvernement sur plusieurs questions évoquées (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Marc-Philippe Daubresse - La discussion du projet de budget de l'équipement et des transports va nous permettre de mettre en lumière deux longues années d'atermoiements qui ne débouchent sur aucune politique à long terme.

La représentation nationale a pu constater que des sommes considérables sont consacrées chaque année à l'équipement et aux infrastructures. Mais la seule question qui vaille est de savoir si, demain, notre pays figurera à la première place de l'Europe des échanges.

Nous attendions donc du budget symbolique de l'an 2000 qu'il réoriente votre politique vers une stratégie de long terme. Notre déception est à la mesure des carences constatées.

Lors de l'examen du projet de budget pour 1998, le groupe UDF avait choisi la modération à votre endroit : vous nous annonciez un rééquilibrage des modes de transport et un fort développement de l'intermodalité, et nous attendions que vos premiers discours, somme toute prometteurs, se trouvent vérifiés dans l'action.

Mais nous avons très vite compris que l'on ne vous avait pas confié ce ministère essentiel pour piloter une stratégie ambitieuse mais en raison de vos qualités évidentes de communicateur et de modérateur politique, celles qui vous ont permis de calmer les syndicats et vos amis communistes, en protégeant le statu quo global qui les arrange, par un conservatisme calculé.

Ainsi, depuis deux ans, le transport routier a connu un développement soutenu pendant que le transport ferroviaire, et notamment le transport combiné, s'effondrait en dépit des fonds injectés sans contrôle dans la SNCF et ses sociétés satellites.

Avec la lenteur chronique qui caractérise l'action de votre ministère, nous en sommes arrivés à la situation dramatique qu'a révélée la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc.

Il faudra en effet attendre 2015 pour que des marchandises puissent de nouveau passer en masse sous les Alpes par la liaison ferroviaire Lyon-Turin ! Or il n'existe pas de véritable alternative car les riverains de la vallée de Chamonix n'accepteront plus qu'un million de camions viennent encombrer leurs routes et répandre une pollution mortelle dont on retrouve les traces sur les glaciers.

Où en sont les études sur le ferroutage ? Quel est le calendrier d'ouverture des nouveaux tunnels ferroviaires français transalpins ?

En laissant RFF et la SNCF seuls face à des responsabilités techniques et sociales qu'elles étaient dans l'incapacité d'assumer, vous avez désespéré définitivement les entreprises de transport routier qui croyaient au transport combiné rail-route et qui avaient investi des sommes considérables pour relever le défi qu'on leur avait proposé. Depuis deux ans, on a laissé se dégrader de manière inacceptable la qualité, la régularité et la compétitivité du service que le rail national était censé leur garantir en contrepartie de cette confiance.

Comme le dit si bien Marcel Pagnol par la bouche de Raimu : «L'honneur, c'est comme les allumettes, ça ne sert qu'une fois !...» Eh bien, Monsieur le ministre, il en va de même pour la crédibilité en matière économique. Il est dommage que toute une profession en fasse la cruelle expérience.

C'est pourquoi lorsque vous nous annoncez que l'objectif de votre politique est de doubler en dix ans le volume des marchandises transportées par la voie ferrée, en augmentant sensiblement les subventions aux opérateurs, nous restons stupéfaits. C'est bien vous, en effet, qui avez, en deux ans, fait plonger le transport combiné rail-route assuré par ces opérateurs !

Non, Monsieur le ministre, ce n'est pas ainsi que l'on développera le transport combiné, mais en renforçant l'investissement sur les lignes et sur les plates-formes de fret, seul moyen de garantir la qualité du service. Pendant que nous tardons, nos voisins européens raflent la mise !

Vous avez eu beau jeu d'annoncer un budget de 160 milliards, en augmentation arithmétique de 2,5 %. Mais je rappelle, pour la vérité des comptes, que ces 160 milliards, hors FARIF depuis cette année, tiennent déjà compte des 12 milliards destinés à RFF pour l'exercice 2000.

Vous avez certes promis 37 milliards à RFF sur 3 ans, mais cette nouvelle structure, qui connaît un grave déficit chronique, est incapable de financer la moindre infrastructure ferroviaire nouvelle, alors que les besoins sont considérables et urgents. Or le président de RFF lui-même estime, a minima, à 20 milliards par an les crédits nécessaires -avec une prime supplémentaire immédiate de 7 milliards- pour faire face au seul trafic actuel. C'est dire si la situation est autrement plus critique que ne le font paraître vos discours rassurants.

Le groupe UDF n'est pas dupe et dénonce cette man_uvre qui vous permet de prétendre à des résultats que vous savez parfaitement de ne pas pouvoir tenir.

L'ensemble de votre budget est de la même veine, et je vous renvoie à ce sujet aux propos tenus par vos propres amis politiques en commission, et notamment aux interrogations fort pertinentes du rapporteur pour avis sur les transports terrestres, Jean-Jacques Filleul.

Comment allez-vous faire, Monsieur le ministre, pour maintenir à un niveau tolérable les péages d'infrastructure que doit payer la SNCF, sans appauvrir un peu plus encore RFF et sans précipiter de nouveau la SNCF dans le gouffre du déficit dont l'ont sortie des gouvernements courageux et responsables, si vous grevez son budget d'un déficit de 4 milliards supplémentaires ?

Quelle recette allez-vous appliquer pour ne pas devoir ajouter aux milliards annuels que coûte aux Français le statut de certains personnels de la SNCF des subventions nouvelles qui dépasseront les comptes que son président s'échine -avec succès- à rétablir avant l'an 2000 ?

Comment allez-vous financer le milliard et demi que coûtera la réduction du temps de travail à la SNCF, que vous avez imposée dogmatiquement et dans l'urgence, alors qu'aucune des fonctions publiques d'Etat n'y parviendra avant 2002 ?

Comment allez-vous aborder la réduction du temps de travail à 35 heures dans le secteur du transport routier ? Persisterez-vous à camper sur une position idéologique, alors que la plupart de nos partenaires européens réclament davantage de flexibilité ?

Vous claironnez que le FITTVN n'a jamais été aussi fourni et que 53 % de ces sommes seront affectés, en 2000, au transport ferroviaire. Mais, de ces 2,3 milliards, seriez-vous capable de nous donner l'exacte ventilation ?

Et des 500 millions que vous promettez au transport combiné, pouvez-vous affirmer qu'une partie ne sera pas consacrée à financer la réduction du temps de travail ?

Pour ce qui est des crédits destinés au transport fluvial, des questions angoissantes se posent. Où en est le canal Seine-Nord, infrastructure stratégique pour la France et pour toute une région déjà mise à mal par vos alliés politiques dans la négociation des contrats de plan Etat-régions ? Où sont passés, dans votre projet les crédits nécessaires ? Où en est le financement des études pour Seine-Est qui devait permettre en 2020 de relier Le Havre et Paris à l'Europe centrale ?

Où est passée l'alternative par la Saône à l'ancien projet du canal Rhin-Rhône, sacrifié à juste titre ? Le budget destiné au transport fluvial permet tout juste d'entretenir les structures existantes.

Pour le transport maritime, vous consacrerez à peine 220 millions au projet Havre 2000, ce qui représente une forte réduction par rapport aux prévisions les plus pessimistes. Comment, dans ces conditions, Le Havre pourra-t-il rivaliser un jour avec Rotterdam ou Anvers.

Les crédits affectés à la sécurité routière augmentent de 18 %. C'est bien. Mais serviront-ils plutôt à des actions de communication ou à des actions de contrôle ?

S'agissant des crédits routiers, les moyens de paiement s'effondrent, diminuant de près de 15 %, ce qui laisse augurer des lendemains difficiles pour les négociations des contrats de plan Etat-régions. Ainsi pour la région Nord-Pas-de-Calais, alors que les crédits routiers du précédent contrat de plan s'élevaient à 1,5 milliard, on nous annonce qu'ils dégringolent à 700 millions. Il en faudrait plus du double si l'on veut relier l'A 1 et la future autoroute A 24 au réseau belge !

Je citerai en conclusion le philosophe André Comte-Sponville, qui considère que si «l'optimisme est d'intelligence, le pessimisme est de raison». Si nous restons optimistes sur les chances de notre pays, nous sommes pessimistes lorsque nous vous entendons depuis deux ans annoncer des mesures que vous ne mettez pas en _uvre et lorsque nous constatons le retard auquel nous conduit votre politique.

Le groupe UDF en appellera donc aujourd'hui à la raison en censurant un budget qui s'en tient à l'incantation, un budget en trompe-l'_il (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jacques Fleury - On vous reprochera bientôt, Monsieur le ministre, de n'avoir pas prévu l'accident du Mont-Blanc !

En progression de 2,6 %, ce projet de budget n'est pas exceptionnel mais il s'inscrit dans une continuité et marque la volonté du Gouvernement de tenir ses engagements. Le groupe socialiste le soutiendra en ce qu'il prévoit un rééquilibrage des moyens au profit du rail, une meilleure répartition des ressources du FITTVN, des mesures d'encouragement au transport combiné et une progression de 9 % des moyens dévolus aux voies navigables. A cet égard, pouvez-vous nous dire, Monsieur le ministre, où en est le dossier du canal Seine-Nord ?

S'agissant des routes, l'effort est soutenu puisque les crédits d'investissement progressent de 6 %. La part du FITTVN affectée à ce secteur permettra de réaliser de grosses opérations. Il en va de même dans le secteur autoroutier, puisque 218 kilomètres de nouvelles autoroutes concédées seront ouvertes à la circulation en 2000. Nous sommes cependant nombreux à considérer qu'il faut aller plus vite dans le maillage routier du territoire afin de désenclaver certaines régions défavorisées. Comme M. Daubresse, je m'inquiète de ce qui est prévu pour l'autoroute A 24, l'autoroute A 1 étant manifestement saturée.

Des efforts sont également réalisés pour promouvoir les transports collectifs urbains, dont les dotations pour investissement progressent de 36 % en Ile-de-France et de 37 % dans les autres régions par rapport à 1997. Malgré tous ces efforts, nos inquiétudes demeurent quant à l'avenir du fer. Il est vrai que les capacités d'investissement de RFF sont sauvegardées, mais la SNCF ne risque-t-elle pas d'en être pénalisée, au moment où elle doit mettre en _uvre les 35 heures ?

Je souhaite revenir à l'occasion de l'examen de ce projet de budget sur ce qui concerne les transporteurs routiers. La loi sur la sécurité routière du 6 février 1998 vise à réduire les risques que créent les cadences importantes auxquelles sont soumis certains conducteurs routiers. L'effort en ce sens est poursuivi puisque votre budget prévoit la création de 37 postes de contrôleur des transports terrestres. Nous sommes inquiets cependant de ne pas voir publié ce décret d'application relatif à l'immobilisation des véhicules en infraction.

Dans un secteur où la concurrence est acharnée, il est crucial que le temps de travail des conducteurs soit réduit. Cependant, une application brutale des 35 heures mettrait en péril nos entreprises si une harmonisation européenne n'intervenait pas dans le même temps car nombre de nos partenaires pratiquent un «dumping social» scandaleux. Quels sont donc vos projets en la matière ?

Je m'étonne également que les crédits d'accompagnement et d'incitation à la formation promotion continue des chauffeurs routiers diminuent dans votre projet de budget au moment où la demande de main-d'_uvre qualifiée est particulièrement forte. Près de 15 000 places resteraient ainsi non pourvues faute de candidats présentant des qualifications suffisantes. Quelles solutions entendez-vous proposer à ce problème ?

Enfin, en ce qui concerne le devenir de la SNCM qui assure les liaisons entre la Corse et le continent, est-elle prête pour l'ouverture à la concurrence qui s'impose à elle ? Il s'agit d'un dossier qui met en cause des milliers d'emplois.

Au final, même si ce budget peut paraître timide et ne lève pas toutes nos inquiétudes, notamment sur l'avenir du fer, le groupe socialiste le soutiendra car il s'inscrit dans la continuité des efforts accomplis depuis deux ans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - J'illustrerai mon propos de deux exemples concrets relatifs aux difficultés que rencontrent les habitants de ma circonscription du Val-de-Marne.

Le premier concerne les transports aériens. En effet, les communes voisines de l'aéroport d'Orly, telles celles de Villeneuve-Saint-Georges, Villeneuve-le-Roi, Valenton, Limeil, subissent les nuisances sonores de l'aéroport d'Orly. Pour améliorer les conditions de vie de leurs habitants, il est impératif de lutter contre le bruit à la source en veillant à la mise en _uvre de quatre séries de mesures : le respect du couvre-feu qui garantit le «droit au sommeil des riverains», le maintien du plafonnement du nombre de mouvements autorisés, la mise en _uvre des procédures de moindre bruit sous peine d'amendes et, enfin, comme cela a été fait à Roissy, la conclusion d'une charte de qualité de l'environnement aéroportuaire liant l'Etat, Aéroports de Paris, les compagnies aériennes, les élus locaux et les associations de riverains. Je vous demande donc de bien vouloir renouveler vos engagements sur le respect de ces mesures, tels que vous les aviez pris au printemps dernier lors du débat sur la création de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires. Instituée par la loi du 12 juillet 1999, l'ACNUSA marque un progrès important, qui sera plus sensible encore lorsque sera intervenue la publication des décrets d'application.

D'autre part, ces mêmes communes, soumises à de fortes contraintes d'urbanisme qui entravent leur développement, doivent recevoir des compensations financières. Du fait des règles actuelles, elles ne tirent que très peu des recettes fiscales de l'activité aéroportuaire, qui reviennent pour l'essentiel à des communes qui ne subissent pas les nuisances, mais sont le siège des compagnies aériennes ou des établissements aéroportuaires. Il faut en finir avec cette injustice et établir un vrai système de péréquation. A cet égard, il conviendrait d'étendre à Orly les propositions de la mission qui avait été confiée au sénateur Lachenaud sur la répartition des recettes engendrées par l'aéroport de Roissy. Vous avez déclaré à plusieurs reprises que vous étiez favorable au principe d'un fonds de péréquation des recettes fiscales engendrées par la plate-forme aéroportuaire, mais je constate que le projet de budget ne comporte aucune disposition en ce sens.

J'ai donc déposé un amendement qui invite le Gouvernement à déposer avant le 30 juin 2000 un rapport au Parlement sur la création d'un tel fonds et qui tend à mettre en place dès l'année 2000 un crédit spécial destiné à accorder des compensations financières immédiates aux communes voisines de l'aéroport victimes des nuisances sonores.

Le second point que je voudrais aborder concerne l'équipement routier. Villeneuve-Saint-Georges est traversée par la RN6, qui supporte une circulation de 60 000 véhicules par jour, dont de nombreux poids lourds. Cette situation provoque de constants encombrements, une forte pollution atmosphérique et des nuisances sonores.

Enfin, cette traversée de la ville entraîne de fréquents accidents, parfois mortels, alors que le Gouvernement a fait de la sécurité routière une grande cause nationale pour l'année 2000. Pour mettre fin à cette situation, le schéma directeur de l'Ile-de-France fait référence à la réalisation prioritaire de la déviation de Villeneuve-Saint-Georges et l'actuel contrat de plan Etat-région comporte des crédits d'études et d'acquisitions foncières pour cette déviation. Si ces moyens peuvent être complétés au XIIème contrat de plan 2000-2006, il convient d'inscrire aussi des crédits de travaux.

Dans les «20 mesures pour le développement de l'aéroport d'Orly» que vous avez présentées à la table ronde du 21 mai 1999, la dixième mesure s'intitulait : «Début des travaux de la déviation de la RN6 à Villeneuve-Saint-Georges avant la fin du prochain plan».

Cette déviation permettrait en effet de surcroît d'améliorer la desserte routière d'Orly. Je vous demande donc instamment, Monsieur le ministre, d'inscrire au XIIème contrat de plan les crédits nécessaires à sa réalisation, conformément aux engagements pris dans le schéma directeur et réaffirmés lors de la table ronde du 21 mai dernier. Il y va de la fluidité du trafic dans ce secteur de l'Ile-de-France, de la sécurité, de la santé, de la tranquillité et du respect du cadre de vie des habitants de Villeneuve-Saint-Georges et des communes voisines. Je voterai avec d'autant plus d'enthousiasme votre projet de budget que l'amendement que j'ai exposé aura été pris en compte (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Francis Delattre - Budget important que celui de l'équipement et des transports. En dépend en effet, pour une large part, la qualité de vie de nos concitoyens. En examinant votre projet de budget pour 2000 et bien que nous l'ayons fait avec une relative bienveillance, nous avons été frappés par la rupture qu'il marque avec les priorités énoncées depuis deux ans.

Première insuffisance : les investissements routiers et autoroutiers sont vraiment les laissés-pour-compte de ce budget. Un rééquilibrage est certes nécessaire entre le transport individuel et les transports collectifs, notamment en région parisienne. Mais le sacrifice des crédits routiers ne saurait améliorer la situation des transports en commun. Les résultats du dernier recensement confirment que le réseau routier est un puissant facteur de désenclavement. Les régions les plus mal desservies voient leur population diminuer.

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur - Ce n'est pas le cas pour l'Ile-de-France.

M. Francis Delattre - Qu'on le veuille ou non, 75 % des déplacements de voyageurs et 85 % des transports de marchandises se font par la route. Votre budget ne peut donc qu'inquiéter.

Suite aux recommandations formulées par la mission d'évaluation et de contrôle, nous attendions des mesures spécifiques en faveur des sociétés autoroutières. Vous n'êtes certes pas responsable de leur très fort endettement, qui remonte à loin, mais force est de constater que la situation ne va pas s'améliorer puisque cet endettement passera de 130 milliards aujourd'hui à 160 milliards en 2005. Les prélèvements croissants opérés sur ces sociétés participent de leur déficit. De même, l'inadaptation des tarifs et l'inadéquation entre la durée des concessions et les délais d'amortissement des investissements les pénalisent. Que dire, enfin, de l'absence dans votre budget de toute dotation visant à renforcer les fonds propres des SEM, hormis Cofiroute, absence déplorée sur tous les bancs ? Nous ne pouvons que constater que vous n'avez rien fait pour remédier aux difficultés de ces sociétés. Vous arrivez certes à sauver la face grâce au FITTVN. Alimenté par un prélèvement sur les sociétés d'autoroutes, ce fonds, qui devait initialement servir à financer des équipements d'aménagement du territoire...

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur - Vous êtes bien le seul à l'avoir cru !

M. Francis Delattre - ...est devenu une source de financement ordinaire. C'est ainsi qu'il vous permet aujourd'hui de sauver la face ! Aussi ne suis-je pas de l'avis de vos collègues socialistes qui souhaiteraient que l'on fasse rentrer ces crédits dans la norme budgétaire.

S'agissant des crédits routiers, 21 milliards sont prévus pour les contrats de plan 2000-2006 contre 27 milliards pour les contrats précédents. Evolution elle aussi inquiétante, d'autant que les crédits opérationnels pour 2000 diminuent de 9,6 %. Votre budget, comme celui de l'Etat de manière générale, consacre de moins en moins à l'investissement et de plus en plus au fonctionnement.

Un mot maintenant de la sécurité routière : ce gouvernement, comme les précédents, en a fait l'une de ses priorités. Multiplier les campagnes d'information et les ronds-points, c'est bien, mais la sécurité sur la route dépend aussi des équipements. Comment peut-on continuer de construire des autoroutes sans revêtir leurs chaussées de bitumes autodrainants, beaucoup plus sûrs que les revêtements traditionnels ?

Une autre insuffisance de votre budget a trait aux transports collectifs en Ile-de-France. Leurs crédits diminuent, tout comme malheureusement leurs parts de marché. Les usagers hésitent à les utiliser en raison de l'insécurité -tout à fait avérée sur certaines lignes après 20 heures- et du manque de fiabilité. J'ai encore reçu il y a peu une pétition de parents me demandant que les crèches et haltes-garderies restent ouvertes au-delà de 19 heures car ils ne sont plus sûrs d'être à l'heure pour récupérer leurs enfants en raison du manque de ponctualité des trains.

S'agissant du transport ferroviaire, je ne comprends toujours pas le refus obstiné du gouvernement français d'ouvrir un tant soit peu le fret ferroviaire à la concurrence, conformément à la résolution européenne adoptée sous la présidence allemande et dont le groupe Démocratie libérale approuve le principe. Si nous ne pensons pas que la privatisation de la SNCF permettrait de régler tous les problèmes de l'entreprise, nous sommes en revanche convaincus que l'introduction d'un peu de concurrence serait une mesure saine. Durant une période transitoire de quatre ans, pourraient coexister un système concurrentiel et un système d'entente : la productivité de l'entreprise y gagnerait certainement et, partant, la charge supportée par les contribuables s'en trouverait allégée.

Votre budget délaisse totalement le transport fluvial. Les investissements qui y sont consacrés ne représentent que 1,1 %, ce qui ne suffit même pas à l'entretien et à la rénovation du réseau.

Enfin, alors que l'on assiste à une véritable explosion du trafic aérien, aucune décision n'est prise s'agissant du troisième aéroport qui permettrait de délester Orly et Roissy. Une décision politique, qui exigera un certain courage, s'impose pourtant d'urgence pour respecter l'engagement pris de plafonner le trafic de Roissy à 55 millions de passagers par an. Il faut dix à quinze ans pour construire un aéroport international et Roissy 2 est bientôt saturé. Tous les riverains de l'aéroport attendent qu'une réponse soit apportée rapidement. Des solutions existent dans les régions voisines de l'Ile-de-France.

Parce que ses crédits sont décevants et qu'il manque d'ambition, le groupe Démocratie libérale ne pourra pas voter votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Michel Bouvard - Le ministère de l'équipement, des transports et du logement étant le premier en termes d'investissements civils, vous disposez, Monsieur le ministre, de tous les leviers nécessaires pour un effet vertueux d'entraînement économique dans l'ensemble du pays et dans tous les types d'activité. Nous n'en regrettons que plus que l'on ne vous en donne pas les moyens.

Une fois de plus, les crédits du FITTVN sont intégrés à votre budget pour en masquer certaines baisses. Même M. Idiart, rapporteur spécial, s'en est ému, ce qui l'a amené à proposer un amendement de suppression du FITTVN, voie dans laquelle je ne le suis pas car, même si le FITTVN est devenu un outil de débudgétisation, les principes qui ont motivé sa création restent valables et il a permis un rééquilibrage des financements publics vers le transport ferroviaire et fluvial ainsi que vers le transport combiné.

Comme toujours, je déplore le manque de lisibilité de ce budget, dont la présentation varie d'une année sur l'autre. Il apparaît toutefois que, hors crédits du FITTVN, le budget global des transports baisse de 0,9 %. Vous avez certes soigné l'agrégat de la sécurité routière, qui augmente de 17,8 %, ce dont je me réjouis, mais, par ailleurs, les routes sont les grandes perdantes de ce budget, puisque les crédits de paiement qui leur sont affectés baissent de 10,6 %.

Vous affichez une priorité pour les investissements ferroviaires. Mais en réalité, le rail ne progresse pas tant que cela. Certes, le Réseau Ferré de France est renforcé de 12 milliards, mesure que nous approuvons -et nous nous réjouissons que chacun apprécie aujourd'hui la réforme de Bernard Pons, pourtant vigoureusement combattue naguère par le parti socialiste. Mais à part cette dotation à RFF, le budget du rail est décevant et sans doute très en deçà de vos propres prévisions. Certes, les crédits alloués aux futurs contrats de plan passent de 1,2 à 4,3 milliards, mais c'est bien peu au regard des perspectives d'investissements ferroviaires à l'horizon des dix prochaines années que vous aviez vous-même présentées à la presse le 8 février dernier : 45 à 55 milliards sont nécessaires, disiez-vous, pour la construction de lignes nouvelles à grande vitesse ; 30 à 35 milliards pour la modernisation du réseau classique ; 40 à 45 milliards pour l'entretien du réseau actuel. Même si la période évoquée ne recouvre pas celle des contrats de plan, ces chiffres illustrent le fossé entre votre discours et vos désirs, d'une part, la dure réalité budgétaire, de l'autre. Ce fossé devrait tempérer l'optimisme de ceux qui se réjouissaient d'un renversement politique en faveur du rail. D'ailleurs, l'IFRET, institut très au fait de la question, nous assure qu'il faut s'attendre à ce qu'une grande partie des projets actuels -TGV entre autres- soient, faute de crédits, encore dans les cartons en 2010.

Il est pourtant urgent de remettre à niveau le réseau existant. La France a aussi besoin de lignes nouvelles et de nouveaux trains de fret. Par ailleurs, le respect de nos engagements internationaux implique la réalisation du TGV Madrid-Barcelone-France. Sans parler de l'urgence des problèmes qui se posent dans les Alpes et les Pyrénées. J'avais évoqué ici même l'an dernier la situation que connaissent ces deux massifs montagneux du fait de l'inadaptation des infrastructures de transports à la croissance du trafic des marchandises. C'était après la publication du rapport Brossier, unanimement condamné par les élus du massif alpin, toutes tendances confondues, car il proposait de s'en remettre aux travaux engagés par nos voisins helvétiques dans le cadre du programme Nouvelles liaisons ferroviaires alpines. Depuis est malheureusement intervenue la catastrophe du Mont-Blanc qui a agi comme le révélateur d'une situation que les élus de la montagne dénoncent depuis près de 20 ans.

Nous souhaitons que, dans le prolongement du sommet franco-italien, les gouvernements français et italien décident d'engager les travaux du nouveau tunnel sous les Alpes à l'automne 2000. Cela suppose des moyens financiers qui n'existent pas dans votre budget, Monsieur le ministre, ce que nous comprenons. Il est donc urgent d'élaborer un protocole «transports» qui, par un système de prélèvements financiers sur l'ensemble des passages alpins, dégage les ressources nouvelles nécessaires. Un tel investissement suppose aussi que nous disposions à nouveau de prêts à long terme et à taux réduits. Pour ce faire, je demande que des discussions soient engagées avec la Caisse des dépôts et consignations.

Alors que la planification lancée par le général de Gaulle a permis à la France de se doter au cours des quarante dernières années des moyens nécessaires à son développement et à son aménagement, les prochains contrats de plan couvrant la période 2000-2006 marquent hélas un désengagement de l'Etat puisque sa part annuelle passe de 17,6 à 15 milliards. La plupart des choix opérés par le Gouvernement traduisent une volonté de freiner la réalisation des grands équipements structurants dont la France a besoin, même si Mme Voynet en conteste l'utilité. Vous êtes donc obligé de renoncer à des centaines de kilomètres de routes, de rails, de voies navigables et de liaisons transfrontalières, pourtant indispensables.

Vous nous parlez de la désormais fameuse deuxième enveloppe, mais son montant est sans rapport avec les promesses faites par chaque ministre sur son utilisation.

Vous connaissez, Monsieur le ministre, l'extrême vigilance du groupe RPR sur toutes les questions touchant au ferroviaire. Ce souci de défendre les intérêts du chemin de fer français nous a d'ailleurs amenés à voter, en juin dernier, pour la proposition de résolution relative au chemin de fer communautaire qui tendait à rejeter les propositions de la Commission européenne. Le groupe RPR réaffirme par ma voix son attachement au caractère public de la SNCF et entend que le Gouvernement défende la position française face aux objectifs de libéralisation chers à la Commission européenne et posés, -faut-il le rappeler ?-, à l'époque où Jacques Delors la présidait.

Les efforts en faveur de la sécurité sont réels mais méritent d'être accentués, car il y a urgence comme en témoigne par exemple la délinquance dans les transports en commun parisiens et l'inflation des actes de dégradation du matériel et des agressions sur les agents.

Autre sujet de préoccupation : le transport collectif. M. Filleul a utilement rappelé que, cette année encore, rien n'était prévu pour les transports collectifs de personnes afin de compenser le surcoût de taxation du gazole. Il y a là une différence de traitement avec les transporteurs routiers, qui ont obtenu dès le début le reversement. Et cette différence de traitement sera encore accentuée par l'instauration de la TGAP.

Le coût global de ces mesures représentera environ 250 millions pour une entreprise comme la RATP, alors même qu'elle s'est enfin lancée dans un ambitieux programme de renouvellement de son parc de bus, qui répondra dans sa totalité dès 2002 aux normes Euro 3.

Il serait souhaitable qu'une solution soit trouvée dès cette année pour compenser ces surcoûts et mettre les transports collectifs à égalité avec le transport routier de marchandises, quitte à les inciter à renouveler leur parc avec des véhicules plus écologiques. Je rappelle que les principales victimes de cette situation sont les réseaux de transport urbain de province, qui, contrairement à l'Ile-de-France, ne bénéficient pas de dotations d'équilibre.

Compte tenu des effets pervers de la TGAP, que le groupe RPR a déjà longuement dénoncés lors de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, c'est tout le principe du fameux «double dividende» qui s'effondre.

M. Yves Cochet - Mais non !

M. Michel Bouvard - Par ailleurs, contrairement à l'exonération en vigueur dans 9 pays de l'Union européenne, la TIPP frappe en France les transports publics qui demeurent pourtant l'un des principaux moyens de lutte contre la pollution. A cette flagrante anomalie, régulièrement dénoncée, s'ajoute la nouvelle éco-fiscalité Aubry qui pénalise le développement des transports publics.

MM. Quentin et Besselat évoqueront les crédits de la marine marchande. Je ne m'y arrête donc pas. Je me félicite simplement des mesures prises en faveur de l'opération Port 2000.

Au total, Monsieur le ministre, les carences de votre budget sont évidentes. Cette année encore, de nombreuses opérations ne pourront pas être réalisées dans les délais.

Cela reflète l'ensemble des orientations budgétaires du Gouvernement : la baisse des crédits des titres V et VI ne peut en effet que pénaliser un budget d'investissement comme le vôtre, Monsieur le ministre.

Par conséquent, beaucoup de questions restent en suspens. Qu'en est-il, ainsi, de l'avancement des études pour le TGV Rhin-Rhône ? Pouvez-vous nous rassurer et démentir la rumeur d'une concurrence entre le projet Rhin-Rhône et le TGV Est ?

Un rapport du Sénat datant de juin 1998 avait fait ressortir l'impérieuse nécessité de réduire les écarts territoriaux et de valoriser la situation centrale de la France en Europe.

Dans cet esprit, plusieurs membres du groupe RPR -dont MM. Inchauspé, Deniaud et moi-même- avons déposé une proposition de loi relative au schéma directeur national des autoroutes. Elle reprend celle du Sénat sur le même sujet et a pour objet de préserver la qualité du modèle autoroutier français, unanimement saluée.

L'augmentation de 0,5 % de la taxe sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes ne va pas dans le sens des recommandations de la Commission européenne ni de celles de notre propre mission d'évaluation et de contrôle. Pour toutes ces raisons, le groupe RPR ne peut pas approuver votre budget. Je souhaite que la négociation des contrats de plan permette d'améliorer la situation des infrastructures, qui sont indispensables au bien commun (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Daniel Paul - La géographie et l'histoire ont doté notre pays d'atouts maritimes considérables. Pourtant, depuis trente ans, les gouvernements successifs ont manqué de volonté politique dans ce domaine et bradé un secteur important quant à l'emploi et à l'indépendance nationale.

Actuellement, la majorité des trafics qui intéressent notre pays passe par Anvers et Rotterdam. La France est au 28ème rang pour sa flotte et de grands armements n'hésitent pas à supprimer le pavillon national et même le registre Kerguelen.

Je souhaite que la nation et le Gouvernement réaffirment la vocation maritime de la France. Depuis 1998, les budgets que vous nous présentez rompent avec les tendances antérieures. Nous approuvons donc celui-ci.

Mais il faut aller plus loin, alors que l'environnement international est dominé par l'ultralibéralisme et sa recherche exclusive du profit. L'ignorer conduirait à l'échec, l'imiter serait nous contredire.

C'est donc en usant de nos atouts géographiques et en plaçant les hommes au c_ur de notre politique que nous devons agir. Ainsi il est nécessaire de former des marins, et sur ce point l'intégration de 315 emplois des écoles est bienvenue, même si les besoins s'élèvent, semble-t-il, à 382 postes. Je souhaite aussi la création d'un diplôme commun pour les navigations maritime et fluviale.

Face à l'existence d'épaves flottantes -nous en avons au Havre- et des risques qu'elles font peser, il est indispensable d'élaborer une réglementation internationale contraignante. Dans le même souci de sécurité, et comme l'a écrit François Liberti, il convient de donner à la SNSM les moyens nécessaires à la construction d'une trentaine d'embarcations entre 2000 et 2005, pour un montant de 60 millions.

De plus, la médecine maritime mérite une attention particulière. L'autorisation d'embarquer, qui ne devrait valoir que pour un an, court en fait sur deux ans, ce qui n'est pas sans danger. Dans le secteur du fret, j'appelle de mes v_ux un plan de cabotage, avantageux à la fois pour le transport, l'emploi et les activités navales.

Les armateurs réclament une exonération des charges sociales. C'est un air bien connu de la part du patronat.

L'emploi doit être au c_ur des négociations, à peine de voir disparaître chez nous le métier de marin. Il en va de même pour la question du pavillon.

Les cessations anticipées d'activité doivent servir à l'embauche de jeunes, et non pas à réduire le nombre des marins nationaux. Enfin, il faut mettre en application la réduction du temps de travail, face à la volonté des adeptes de la pensée unique ultra-libérale de mettre en cause les conditions de travail et les statuts, et de transformer les quais et terminaux portuaires pour les dédier à un opérateur. Seule la concurrence, pensent-ils, rendra nos ports compétitifs.

C'est oublier qu'un port comme Le Havre peut accueillir, charger ou décharger un navire 24 heures sur 24 et 365 jours par an, ce qui signifie, de la part des personnels, une souplesse totale dans l'organisation du travail. En présence de cette tentative pour tout mesurer à l'aune du plus grand profit et pour organiser à tout prix la concurrence, je vous ai demandé une clarification rapide.

Nous connaissons votre combat dans les instances européennes, et nous savons que seule la concertation permet de régler les problèmes qui peuvent affecter nos places portuaires. Celles-ci, sur ce plan, doivent devenir exemplaires. Vous avez à ce sujet rappelé par écrit des vérités d'évidence.

Les organisations syndicales estiment que 2 000 embauches sont possibles à condition que l'accord tripartite sur la PRP pour les dockers s'applique effectivement, que la réduction du temps de travail soit mise en _uvre, ainsi que l'accord de branche conclu avec l'UPPACIM. L'âge moyen des personnels portuaires atteignant 43 ans, il convient d'élaborer un dispositif de cessation anticipée d'activités. Sur 4 ans, 1 567 personnes sont concernées. C'est dire l'importance de l'enjeu.

Député du Havre, je me félicite des décisions relatives à Port 2000, en espérant que les derniers problèmes de financement seront bientôt réglés. Souhaitons que ce projet témoigne de notre volonté de placer les hommes, toujours, au c_ur de nos préoccupations (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Blazy - Je suis toujours étonné que nos collègues de l'opposition, apôtre du libéralisme, proposent avec constance en première partie de réduire les dépenses publiques et les impôts, et vous reprochent en seconde partie, comme l'ont fait MM. Delattre et Bouvard, de ne pas avoir assez à dépenser.

Pour ma part, je me félicite de la qualité de votre budget, qui augmente de 2,6 %. A la veille de la signature des contrats de plan, je salue la reconstitution des capacités d'investissement du ministère.

En faveur des transports collectifs urbains, l'effort est important, particulièrement pour l'Ile-de-France.

M. Michel Bouvard - Evidemment !

M. Jean-Pierre Blazy - Il se justifie par les retards accumulés au cours du XIème plan. Si le compte n'y est pas encore tout à fait, la deuxième enveloppe y pourvoira. Je me réjouis également que la région entre au conseil d'administration du Syndicat des transports parisiens, dont la structure va être réformée.

Le développement durable appliqué aux transports appelle une lutte efficace contre le bruit des transports terrestres, mis en évidence par le rapport Lamure. Mais alors que le plan de réduction prévoit un milliard par an sur 10 ans, 350 millions seulement sont inscrits dans le budget. L'effort méritoire, n'est donc pas à la hauteur des besoins, d'autant que le rapport Lamure souligne les risques pour la santé auxquels expose le bruit à proximité des infrastructures.

A ma question du 12 octobre dernier sur la saturation du ciel parisien, vous m'avez répondu que vous procédiez à des recrutements de contrôleurs aériens. Combien créerez-vous de postes en 2000 ? Si je me félicite de l'inscription d'une ligne budgétaire ACNUSA, je m'interroge sur le montant de sa dotation. Les textes réglementaires relatifs à la loi portant création de l'ACNUSA seront-ils prêts à la mi-décembre ?

Autour de Roissy, populations riveraines et élus se sont beaucoup plaints. Certains engagements pris sont tenus, d'autres ne le sont pas encore.

Il est notamment important de renforcer la solidarité et de favoriser un développement économique respectueux de la qualité de l'environnement des collectivités territoriales situées autour des zones aéroportuaires. A ce sujet, vous vous étiez engagé à mettre en _uvre un dispositif inspiré du rapport Lachenaud. Dans la prochaine loi de finances rectificative, des dispositions seront-elles bien prises, qui pourront être mises en _uvre au 1er janvier 2000 ?

Le plafonnement du trafic sur Roissy à 55 millions de passagers prévu pour 2015 sera dépassé dès 2010. Il est donc urgent de repenser la politique aéroportuaire à l'échelle du territoire national.

M. Yves Cochet - Très juste !

M. Jean-Pierre Blazy - Nous devons donc nous interroger sur l'opportunité d'une meilleure répartition du trafic dans le cadre des futurs schémas de services des transports. Or rien n'apparaît dans le budget concernant la construction du troisième aéroport, que j'approuve.

M. Yves Cochet - Ah non !

M. Jean-Pierre Blazy - Ainsi, la décision récente de Delta Air Lines associé à Air France de créer une ligne quotidienne directe entre Lyon et New York à partir du 14 avril 2000 remet en cause la doctrine de la compagnie nationale consistant à concentrer le trafic transatlantique sur Roissy. Cela montre que le troisième aéroport parisien peut être éloigné d'une ou deux heures de la capitale, pour peu que l'on fasse le pari de l'intermodalité.

La pression américaine a conduit le dernier conseil des ministres européens des transports à envisager le report de la directive interdisant, à partir de mai prochain pour les flottes européennes et de 2002 de façon générale, la circulation des avions «hush-kités», très anciens et très bruyants, dont les Etats-Unis restent les seuls producteurs dans le monde. Je vous demande solennellement de tout faire pour que leur interdiction entre en vigueur dans les délais prévus.

M. Yves Cochet - Très bien !

M. Jean-Pierre Blazy - La réduction du temps de travail dans le domaine aérien est également de votre compétence. Pouvez-vous nous dire où en sont les discussions, quelles sont les difficultés rencontrées et quels moyens supplémentaires vous pensez dégager pour renforcer l'inspection du travail, notamment sur les plates-formes parisiennes.

Enfin, la presse s'est fait l'écho, à plusieurs reprises, des problèmes rencontrés par les voyageurs handicapés sur les lignes de la compagnie nationale. Hier encore, un quotidien du matin titrait : «Des sourds indésirables sur Air France». Quelles décisions envisagez-vous de prendre sur cette question sensible ?

Je vous remercie de l'attention que vous voudrez bien accorder à mes observations et des réponses que vous voudrez bien m'apporter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

La séance, suspendue à 17 heures 45, est reprise à 18 heures.

M. Yves Cochet - Comme on le sait, la politique publique des transports consiste depuis des années à développer le réseau routier, d'une part, le trafic aérien, d'autre part. Le fait est que le trafic aérien s'accroît de 7 % chaque année. Le fait est, aussi, que le pays ne peut plus supporter la politique du «tout-autoroutier» ou du «tout-routier» plus longtemps, les manifestations qui font suite à la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc le montrent bien. Les exigences nouvelles en matière de sécurité et de préservation de l'environnement font que le Gouvernement doit s'engager sans plus tarder dans le ferroutage. Imagine-t-on le scandale qui se déclencherait si 8 000 personnes perdaient la vie chaque année en prenant le train, comme 8 000 meurent chaque année sur la route ?

Quant aux avions, ils consomment quatre fois plus d'énergie que les trains. Ils sont pourtant utilisés, en majorité, pour des voyages d'une distance inférieure à 800 km. Il est, de surcroît, plus facile de supprimer les bruits dus au passage des trains que les nuisances sonores dues aux aéronefs, ces nuisances auxquelles des centaines de milliers d'habitants du Val-d'Oise sont exposés quotidiennement. Quelles sont, à ce sujet, les conclusions de l'étude sur la gêne sonore ? Et à quel stade d'avancement sont les décrets prévus ?

J'ai entendu mon collègue Schwartzenberg demander que le couvre-feu soit maintenu à Orly. L'heureux homme ! De couvre-feu, il n'y a point à Roissy ! Une alternative existe, pourtant, pour le transport du fret, puisqu'il suffirait d'aménager l'aéroport de Vatry en Champagne.

Qu'en est-il, par ailleurs, du troisième aéroport d'Ile-de-France, cette légende à laquelle je ne crois pas, cet aéroport dont je ne veux pas ? Le Gouvernement a-t-il définitivement renoncé à une implantation à Beauvilliers ?

S'agissant des voies d'eau : ce mode de transport nous intéresse, mais les choses ne doivent pas se faire dans n'importe quelles conditions. Mon collègue Hascoët a beaucoup travaillé sur le canal Seine-Nord et nous nous félicitons de la transparence et de la volonté de concertation dont VNF fait preuve.

Nous sommes, vous le savez, très attachés à la multimodalité à condition que, conçue à l'échelle européenne, elle n'en ait pas moins des traductions régionales.

J'en viens au FITTVN. Du point de vue du parlementaire, de tels fonds sont, en effet, une mauvaise chose. Mais si l'on s'en tient à l'efficacité du dispositif... force est de constater que le FITTVN doit être défendu, car il permet un rééquilibrage des investissements au profit du rail. D'une manière générale, l'objectif national devrait être, comme en Ile-de-France, de viser deux tiers des investissements en faveur des transports en commun et un tiers pour la route.

Je sais qu'un projet de loi sur le développement durable des villes est en préparation, auquel j'ai, à titre personnel, donné le nom «urbanisme-habitat-transport». Je souhaite que nous soyons associés à son élaboration...

M. le Ministre - Vous le serez !

M. Yves Cochet - Il s'agira d'un projet de civilisation. C'est dire que des initiatives gouvernementales ou parlementaires sont, en la matière, insuffisantes et que des actions citoyennes, associatives et démocratiques devront être suscitées.

J'ai, certes, formulé quelques critiques, mais le projet de budget est bon et nous le voterons (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Dominique Bussereau - Vous ne serez pas surpris, Monsieur le ministre, que je vous dise, après mon collègue Delattre, que le groupe Démocratie libérale ne votera pas votre projet de budget.

En ce qui concerne les transports ferroviaires, je souhaite vous interroger sur le rachat, par la SNCF, de l'entreprise VIAGTI. Ce rachat inquiète l'ensemble des élus, toutes tendances politiques confondues. On comprend très bien la décision du président de la SNCF mais... une critique facile serait de dire qu'il s'agit d'une nationalisation, à propos de laquelle le Parlement n'a pas été consulté. J'ai été surpris d'apprendre cette nouvelle par la presse.

Mais le problème de fond est autre : c'est celui de la concurrence, pour les entreprises qui, jusqu'à présent, traitaient, d'une part, avec VIAGTI et, d'autre part, avec la SNCF et qui doivent soudain affronter un interlocuteur unique, sans contrepoids. Dans certains cas, la SNCF sera en situation de monopole, au point que l'on peut parler d'abus de centralisation par rapport au pouvoir des élus locaux.

Mais l'on peut aussi se réjouir de cette affaire, puisque VIAGTI exploite des lignes ferroviaires à l'étranger, en Allemagne et en Suède notamment. Je suppose donc que, puisque vous autorisez cette acquisition, vous admettez qu'à terme la SNCF elle-même soit mise en concurrence dans les régions. Comment concevoir en effet qu'elle puisse concurrencer la Deutsche Bundesbahn ou d'autres opérateurs en Europe et rester, en France, en situation de monopole ? Telle est la suite logique qu'aura cet achat, quel que soit le gouvernement en place.

Sur un tout autre plan, je me dois de vous dire que le compromis que vous avez obtenu à Bruxelles est boiteux et incompréhensible. Je le sais, je ne suis pas d'accord sur ce point avec M. Bouvard... cela peut arriver. Quelques explications de texte me seraient nécessaires...

Autre sujet de divergence avec vous : la véritable usine à gaz que constitue le Conseil supérieur que vous installez et qui comprend onze syndicalistes pour dix élus...

Je vous ai demandé des précisions sur son coût et ses moyens le 13 septembre dernier dans le cadre d'une question écrite. J'espère que la réponse me parviendra bientôt.

S'agissant de la politique ferroviaire, vous ne faites rien pour prévenir les conflits ou pour instaurer l'indispensable service minimum. J'appelle cependant votre attention sur le fait que lors de la dernière grève des contrôleurs, plus de mille trains de marchandises sont restés «en carafe» et que cette situation de non-acheminement est de nature à décourager définitivement des entreprises d'avoir recours au fer ou au transport combiné -si le service minimum n'est pas institué, l'arbitrage des entreprises sera toujours favorable à la route.

Dans le domaine du transport aérien, votre refus de sortir Air France de son statut exceptionnel d'entreprise étatisée compromet son redressement et nuit à la qualité de ses partenariats. La compagnie nationale se trouve ainsi alliée à des compagnies de seconde zone et n'a pas de partenaire asiatique, ni de grand associé européen. Comme le souhaite M. Laurent Fabius lui-même, il est temps de revenir sur le statut d'Air France !

Un député socialiste - C'est de l'idéologie !

M. Dominique Bussereau - En matière de transport aérien, il faut également agir dans le sens d'une meilleure ponctualité. Les taux de retard sur les vols intérieurs sont excessifs. Je n'ose parler de privatisation car je m'exposerais à vos imprécations, mais il faut trouver des solutions à ce problème.

J'en viens aux crédits routiers, qui baissent comme l'ont dit les orateurs précédents.

M. Michel Bouvard - C'est une situation insupportable !

M. Dominique Bussereau - Si nous partageons votre objectif de trouver un meilleur équilibre entre le fer et la route, il ne faut pas déshabiller Pierre pour habiller Paul ou tomber dans l'idéologie en déclarant qu'il faut lutter contre l'hégémonie routière. Soyons positifs et disons plutôt que nous sommes favorables à l'intermodalité ! Comme l'a très bien dit M. Daubresse, il n'y a plus de politique de soutien au transport combiné.

En ce qui concerne la progression des crédits de sécurité routière, que ne l'avez-vous décidée plus tôt ? Elle fera l'effet d'un placebo si, dans le même temps, les crédits tendant à la sécurisation de l'équipement routier diminuent.

Enfin, s'il est un domaine, Monsieur le ministre, où vos décisions sont très attendues, c'est bien celui de l'application des 35 heures au transport routier. Il s'agit pour ce secteur d'une véritable menace qui met en jeu sa survie.

En résumé, votre politique du transport ferroviaire n'est pas la bonne, vous n'apportez pas de solution au statut pénalisant d'Air France et vous diminuez les crédits routiers. Ces différents éléments ne peuvent nous conduire qu'à voter contre le projet de budget de votre ministère (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Odile Saugues - Consommation d'espace, pollution atmosphérique, bruit, insécurité, la population mesure l'impact des transports dans le cadre de vie. Face à cet enjeu, les pouvoirs publics doivent introduire des critères environnementaux dans les mécanismes de régulation du secteur.

En matière de pollution atmosphérique, des progrès sensibles ont déjà été réalisés sur les émissions de plomb, de monoxyde de carbone et d'hydrocarbures.

Pour progresser encore, il faut dépasser le stade des mesures incitatives ou des contraintes fiscales, pour atteindre une vérité des coûts des infrastructures et des coûts d'usage directs et indirects. Une évaluation intermodale exhaustive reste à établir. Elle conduira à réfléchir en profondeur sur la situation des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Des critiques et des mises en garde réitérées ont été formulées par la Cour des comptes en 1973, 1986, 1990, 1992 et récemment, dans un rapport publié le 24 juin dernier. La transparence de la politique autoroutière française doit être totale.

S'agissant du transport routier de marchandises, la vérité des coûts et des prix dans un contexte de concurrence mettrait en évidence l'avantage du transport ferroviaire en général et du transport combiné fer-route en particulier. C'était déjà la conclusion du rapport du Conseil national des transports, il y a un an. Le transport combiné permet des horaires de travail plus raisonnables. Il est plus sûr et permet de désengager certains axes.

Cette priorité de rééquilibrage se retrouve, Monsieur le ministre, dans votre budget, où les choix politiques sont clairement affichés.

Je me réjouis en particulier des annonces que vous avez faites à propos de la ligne Clermont-Ferrand - Neussargues - Béziers.

La prise en compte de l'environnement dans la politique des transports pose aussi la question des déplacements au sein des agglomérations. Le futur projet de loi urbanisme-habitat-déplacements sera une arme décisive pour traiter ce sujet, mais, déjà, cette priorité se dessine dans le cadre de ce budget.

Le développement des transports collectifs urbains doit être encouragé. La nécessité de disposer d'un cadre de vie agréable et d'une circulation fluide se traduira par des choix : réalisation de certaines lignes en site propre, modernisation du réseau ferroviaire régional, réutilisation d'emprises ferroviaires urbaines. Ainsi, votre budget propose une augmentation de 8 % de la dotation pour les investissements en faveur des transports urbains de province.

Enfin, face à la nécessité d'affirmer une politique des transports respectueuse des enjeux environnementaux, la puissance publique reste garante de l'intérêt général.

La répartition spatiale, temporelle et modale des trafics doit se faire dans le cadre d'une concurrence loyale, ce qui exige un contrôle de l'application des réglementations, notamment pour les règles sociales.

Ce budget renforce les moyens de l'inspection du travail dans le secteur du transport routier de marchandises : le nombre de contrôleurs des transports routiers atteindra ainsi l'an prochain 440 agents. La loyauté de la concurrence intra et intermodale comme le développement durable dépendent de la qualité du contrôle qui sera exercé, dans le cadre d'une coopération étroite entre les ministères des transports et de la justice.

Ce souci de régulation doit s'exprimer par la réglementation, mais aussi par des choix d'investissements. Le choix, en matière d'investissements dans les infrastructures, est une idée neuve. Il exige cohérence et continuité. Il nécessite des adaptations qui ne pourront satisfaire tout le monde. On ne pourra répondre efficacement aux problèmes d'environnement, à la consommation d'espace, au respect des normes sociales et à la sécurité sans réorienter en profondeur notre politique de transports. Les crédits que nous examinons aujourd'hui constituent une étape importante dans la nécessaire définition des choix pertinents (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Philippe Vuilque - Je me félicite de l'augmentation de 2,6 % de votre budget. Dans une année de négociation des contrats de plan, il était important que les moyens d'investissement permettent une reconstitution des capacités d'investissement de l'Etat autour de grands projets de développement d'intérêt national et européen.

Si le budget des routes enregistre une diminution des crédits de paiement, les crédits d'investissement augmentent de près de 6 %, ce qui devrait permettre à l'Etat de respecter ses engagements sur les contrats de plan et d'engager un partenariat rénové avec les collectivités territoriales.

A ce propos, nous l'espérons, la «deuxième enveloppe» sera conforme aux attentes des élus car, dans de nombreuses régions, les besoins d'investissement en infrastructures routières sont importants.

Nous sommes attachés à l'équilibre entre les grands modes de transport. Encourager le transport ferroviaire et les transports combinés est une nécessité ; mais elle ne doit pas faire obstacle à la mise à niveau des infrastructures routières dans certaines régions, qui restent en deçà de l'équipement normal indispensable à leur développement économique et donc à l'emploi.

Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple de la région Champagne-Ardenne que je connais bien.

Voilà une région qui souffre toujours d'un sous-équipement en infrastructures lié au sous-investissement de l'Etat. C'est pourtant une région de passage et l'histoire y est peut-être pour quelque chose, puisque nos voisins avaient pris la fâcheuse habitude de passer chez nous que ce soit en 1870, en 1914 ou en mai 40 !

Lorsque l'on compare son taux d'équipement avec celui des autres régions, on constate que depuis 20 ans, la Champagne-Ardenne a reçu seulement 2 % des crédits d'investissement de l'Etat et le prochain contrat de plan sera loin de combler le déficit.

Au-delà, je voudrais, Monsieur le ministre, appeler de nouveau votre attention sur un projet d'intérêt national, le futur axe Marseille-Rotterdam -encore appelé «Eurocorridor»- qui concerne directement la Champagne-Ardenne. Il ne s'en faut sur son territoire que de 40 kilomètres pour qu'en 2005 cet axe soit achevé. Ce chaînon manquant fait cruellement défaut sur le plan départemental, sur le plan régional et sur le plan national. Il permettrait la connexion des réseaux autoroutiers belges et français et offrirait une alternative aux autoroutes A1 et A31, saturées, dangereuses et donc coûteuses. Certes, l'équipement coûterait 1,2 milliard. C'est toutefois sans commune mesure avec un éventuel doublement de l'A1 ou de l'A31. Et les retombées positives à en attendre pour la région et pour le département des Ardennes tout particulièrement sont considérables.

Le conseil régional de Champagne-Ardenne et le conseil général des Ardennes sont prêts à s'engager sur ce projet d'intérêt national bien au-delà des clés traditionnelles de financement. Cet investissement devra faire l'objet d'un engagement spécifique de l'Etat en-dehors du contrat de plan, comme cela a été le cas pour l'A75 à travers le Massif central ou l'aménagement de la RN10. Les élus de Champagne-Ardenne souhaitent négocier avec l'Etat, pour aboutir à une programmation pluriannuelle et des engagements réciproques. Ils comptent sur vous pour que ce dossier fasse l'objet d'une contractualisation spécifique. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que cet équipement d'intérêt national puisse être achevé rapidement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Baeumler - En 1998, 8 312 personnes ont trouvé la mort sur les routes de France. Cette augmentation inacceptable de 4 % du nombre de tués sur la route par rapport à 1997 rompt avec la baisse continue constatée depuis le début des années 1970. Preuve qu'il ne faut pas baisser la garde. Le budget de la sécurité routière pour 2000, en augmentation de 17 %, montre que telle n'est pas votre intention.

L'hécatombe routière n'est pas une fatalité. Depuis 25 ans, les gouvernements successifs ayant fait de la sécurité routière une priorité nationale, le nombre de tués a été divisé par deux, et ce alors même que le trafic a augmenté. La limitation des vitesses, l'obligation du port, à l'avant comme à l'arrière, de la ceinture de sécurité, le renforcement de la lutte contre l'alcool au volant, l'amélioration des infrastructures et l'instauration du contrôle technique des véhicules ont permis ce résultat.

Le Premier ministre a déclaré, lors du CISR du 2 avril 1999, la sécurité routière grande cause nationale en 2000. En cinq ans, le nombre de décès sur les routes doit être réduit de moitié, tel est l'objectif.

Au-delà des déclarations, le Gouvernement conduit une politique globale, cohérente et volontariste de sécurité routière en intervenant à la fois dans les domaines de l'aménagement du territoire, de l'environnement, de l'éducation et de la santé.

Le dispositif législatif adopté en 1998 s'inscrit dans cette démarche. Il est dissuasif avec la création du délit de grand excès de vitesse, l'instauration de la responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule en cas d'infraction grave, le dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel. Il est aussi pédagogique avec le renforcement de la formation des jeunes à la «citoyenneté automobile» et l'obligation pour les conducteurs novices auteurs d'une infraction grave de suivre un stage de formation. Quels premiers enseignements peut-on tirer de son application ? L'impact de cette loi sera renforcé par les décisions arrêtées par le comité interministériel du 2 avril 1999.

Le projet de budget de la sécurité routière pour 2000 vise à développer une politique de communication plus incisive. Il dégage de nouveaux moyens pour les campagnes de communication. Le doublement des fonds par rapport à 1988 constitue un effort sans précédent, en rupture avec les amputations successives pratiquées de 1993 à 1997. La participation des compagnies d'assurance au financement de ces campagnes, comme en Australie, et l'affectation d'une partie du produit des amendes de police permettraient d'en accroître l'ampleur. Toute politique de sécurité routière exige d'expliquer les mesures décidées. Il faut faire passer des idées simples, comme «la conduite dangereuse, ce n'est pas toujours les autres», afin que les comportements changent. Les campagnes d'information ont un impact sur la population que seuls égalent les contrôles des forces de l'ordre.

Il faut à cet égard saluer la nouvelle campagne de la sécurité routière diffusée cet été à la télévision. Pour la première fois, des images réelles d'accidents ont été montrées, les spots de Raymond Depardon adoptant un ton plus dur et plus direct, visant à frapper les esprits. La campagne d'affichage «l'alcool ne tue pas toujours» reprend le même ton.

L'opération Label Vie, lancée en 1999 et poursuivie en 2000, permettra de démultiplier localement l'impact des campagnes nationales. L'appel à projets auprès des jeunes avec la participation de partenaires locaux et associatifs constitue une autre priorité du budget, je m'en félicite. C'est en développant ce type de partenariat avec les collectivités locales, les associations, les partenaires privés comme les discothèques que l'on responsabilisera les plus jeunes de nos concitoyens.

Le budget pour 2000 donne également la priorité à l'amélioration de la sécurité des infrastructures. En effet, si 95 % des accidents mortels ont pour origine des problèmes de comportement, dans 40 % des cas l'infrastructure routière n'y est pas étrangère. Le Gouvernement propose d'intégrer systématiquement dès les phases d'étude, la dimension de la sécurité dans les nouveaux projets routiers, je m'en félicite. Les risques d'accidents doivent faire partie intégrante du cahier des charges des constructeurs. Notre collègue René Dosière avait défendu un amendement au projet de loi sur la sécurité routière tendant à imposer un contrôle technique des voiries. Les investissements routiers constituent un volet fondamental de toute politique cohérente de sécurité routière. Il faut donc se féliciter de l'augmentation de 5 % des sommes allouées à l'amélioration de la sécurité et au traitement des zones d'accumulation d'accidents. La prise en compte de la sécurité est un des critères prioritaires dans le choix des opérations inscrites dans les contrats de plan. L'engagement de deux programmes pluriannuels visant à installer des protections pour les motards et à traiter les obstacles latéraux sur les routes nationales en sont l'illustration.

Troisième priorité : moderniser l'exploitation de la route. Avec une dotation de 318 millions, l'exploitation des routes va gagner en efficacité. La mise en conformité des carrefours à feux avec les normes européennes sauvera de nombreuses vies. L'installation dans le cadre du schéma directeur d'exploitation de la route de postes d'appel d'urgence, de panneaux à message variable et de caméras améliorera de manière significative les conditions de circulation de nos concitoyens.

Dernière priorité : rendre les contrôles plus efficaces et les sanctions effectives. En effet, hélas, la pédagogie ne suffit pas. La peur du gendarme reste indispensable. L'augmentation de 25 % des crédits consacrés aux équipements de contrôle est une mesure de bon sens.

Les jeunes de 15 à 25 ans ont représenté plus du quart des tués et près du tiers des blessés graves en 1998 alors qu'ils constituent 15 % de la population. Comme y invitait le CISR du 2 avril 1999, l'éducation routière de la maternelle au lycée doit permettre de sensibiliser dès leur plus jeune âge et de manière continue les futurs conducteurs. L'usage de la route fait partie intégrante des cours d'éducation civique. Tout ce qui concourt à inspirer de nouveaux comportements aux plus jeunes est à saluer. L'objectif de recruter 500 emplois-jeunes y contribuera.

Dernier point : il faut impérativement accélérer l'harmonisation européenne des politiques de sécurité routière. L'uniformisation des vitesses, du taux d'alcoolémie, de la signalisation et des normes des véhicules consolideraient la légitimité et l'efficacité des actions nationales.

La réussite d'une politique de réduction drastique des accidents sur les routes de France passe par la mobilisation de tous. Si chacun s'implique dans cette grande cause nationale, l'impact des campagnes sera démultiplié. «Si chacun fait un peu, c'est la vie qui gagne». Le nouveau slogan de la sécurité routière le résume parfaitement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont - Pour la première fois, la moitié des dotations du FITTVN seront affectées au chemin de fer. Tout en partageant ce souci de rééquilibrage, j'appellerai votre attention sur le dossier routier. Je me félicite de la hausse substantielle des crédits consacrés à l'entretien du réseau, domaine dans lequel des retards colossaux s'étaient accumulés, et de l'importance des moyens accordés à la sécurité routière.

Je me permets d'insister sur le rôle déterminant des déviations urbaines, non seulement pour l'environnement mais aussi pour la sécurité. Il n'est plus tolérable que certaines villes aient, à l'aube du XXIème siècle, à subir en leur c_ur un transit ininterrompu, tout particulièrement de poids lourds.

M. Michel Bouvard - Très bien !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont - Je pense bien sûr à Bellac.

M. Michel Bouvard - C'est aussi le cas de Chambéry.

M. Jean-Pierre Baeumler - Et de la RN 66 !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont - Pendant des décennies, entretien et sécurité ont été négligés ou du moins sous-évalués, aussi les sommes à mobiliser aujourd'hui sont-elles considérables. Vous vous êtes saisi du problème, je vous en donne acte.

Pour autant, peut-on s'en contenter ? Je m'inquiète de la baisse sensible de l'enveloppe affectée aux routes dans les prochains contrats de plan, et cette inquiétude est largement partagée.

Les investissements routiers ont parfois mauvaise presse, d'aucuns considèrent qu'ils coûtent cher et dispensent d'avoir des idées neuves moins budgétivores. Il convient cependant de regarder la réalité en face. Les premiers résultats du recensement de 1999 démontrent que des zones fragiles du territoire ont pu enrayer leur déclin démographique dès lors qu'elles étaient devenues plus facilement accessibles et que celles qui restaient enclavées s'enfonçaient dans la spirale de la déprise. Loin de moi l'idée de prétendre que les infrastructures assurent à elles seules le dynamisme et l'activité économique, mais elles y contribuent grandement !

M. Michel Bouvard - Très bien !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont - Il ne s'agit pas de faire de la voirie autoroutière la panacée, mais bien de corriger des déséquilibres patents et de mettre à niveau certains territoires qui, à l'heure de l'Europe, ne peuvent rester coupés des grands courants d'échanges. Le choix des tracés doit donc obéir à des critères incontestables sur lesquels puissent se fonder des arbitrages en faveur du long terme et en rapport avec les besoins réels en termes d'aménagement du territoire. Dans cet esprit, il convient de donner la priorité aux projets communs à plusieurs régions et assurant la continuité de grands axes de gabarit européen. Il serait évidemment vain de préconiser la mise en réseau de villes moyennes comme alternative à l'hypermétropolisation si ces villes ne sont pas reliées par des infrastructures routières dignes de ce nom !

Le financement d'investissements routiers lourds ne devrait-il pas faire une plus large place à l'emprunt ? Emprunter pour investir n'est pas de mauvaise gestion, mais au contraire prépare l'avenir. De plus, les taux bas que nous connaissons et l'état de nos finances publiques, magistralement remises en ordre en deux ans et demi nous offrent l'opportunité d'une nouvelle donne.

Pour conclure, je souhaite que les fonds européens, dont chacun déplore à ce jour la sous-consommation ou le mauvais ciblage, bénéficient davantage aux grands travaux d'infrastructures. Les finances européennes ne s'en porteraient pas plus mal, les contrôles des juridictions des comptes en seraient facilités et, enfin, l'Europe y gagnerait en crédibilité, ce dont elle a quelque peu besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Launay - Monsieur le ministre, vous nous avez présenté en commission le bilan du dernier Conseil européen des transports et, s'agissant du transport ferroviaire de marchandises, vous nous avez dit que la partie était loin d'être gagnée, même si l'étape de la libéralisation totale n'a pas été franchie. La gagner, cela voudrait dire : obtenir une interopérabilité des réseaux, faire circuler des trains de bout en bout sur un réseau européen dédié au fret, chaque pays devant affréter des voies -exclusivement ou du moins prioritairement par rapport au transport de voyageurs- au transport de marchandises.

Mais comment atteindre cet objectif alors que le transport ferroviaire part avec le handicap de n'être a priori rentable que sur longue distance, nécessite des infrastructures lourdes et ne permet pas le porte à porte ?

Il ne sera à mon avis possible d'y parvenir que si l'on règle la question du temps de travail des routiers qui conditionne le coût du transport routier, et qui si l'on applique réellement le principe pollueur-payeur. Actuellement, le transport routier n'intègre jamais dans ses coûts la pollution qu'il engendre : on a même, conformément à une disposition de la loi de finances pour 1999, remboursé aux transporteurs routiers l'augmentation du diesel. Et alors que la SNCF paie pour le fret ferroviaire un péage d'infrastructure à RFF, le transport routier n'a, lui, jamais participé au coût de l'infrastructure routière que pourtant il dégrade six fois plus que les voitures particulières.

Permettez-moi de vous donner un exemple particulièrement édifiant. A Bretenoux-Biars, dans la circonscription dont je suis l'élu, se situent des ateliers SNCF qui reçoivent et expédient des traverses bois. Jusqu'en 1993, ils l'ont fait uniquement par wagons. Mais depuis, prétextant des difficultés d'approvisionnement dues à la fermeture de nombreuses gares de triage, l'entreprise nationale a commencé à recevoir des traverses par la route. Et pour la première fois en 1998, le trafic «entrées» par la route a supplanté le trafic «entrées» par le rail !

La même chose est en train de se passer avec les expéditions. De 1994 à 1998, elles se sont faites uniquement par le rail. Mais il y a une quinzaine de jours, la SNCF a annoncé qu'il lui fallait acheminer par la route 2 500 traverses, soit 10 camions, à destination de la plate-forme multimodale de Bordeaux Hourcade. Certes, il n'y a pas de liaison ferrée directe entre les ateliers magasins de Bretenoux Biars et cette plate-forme, mais on aurait tout de même pu prévoir un acheminement par train sur la plus longue distance, c'est-à-dire jusqu'à Bordeaux.

Comme vous le voyez, la SNCF ne donne pas le bon exemple. J'ajoute que les ateliers magasins paient le tarif fort, comme un client occasionnel.

Si les arbitrages d'une entreprise normale se font en faveur de la route et si ceux de la SNCF vont dans le même sens, comment espérer rééquilibrer le transfert de marchandises en faveur du rail ? Où sont les chances du fret ferroviaire si les moyens accordés aux opérateurs ne sont pas suffisants pour entraîner une redistribution intermodale ? Quel sera le montant du FITTVN consacré au fret ferroviaire et quel sera le montant de l'aide de l'Etat à la SNCF au titre du développement du transport combiné ?

Deux trains desservent chaque jour les ateliers de Biars sur Céré, mais le nombre de leurs wagons diminue... Cet exemple symbolique pose la question de l'avenir de la gare et de la ligne Brive-Aurillac, mais surtout du rééquilibrage entre les modes de transport (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme la Présidente - A la demande du Gouvernement, nous allons suspendre la séance quelques instants.

La séance, suspendue à 18 heures 50, est reprise à 19 heures 10.

M. le Ministre - Une nouvelle fois, je constate la qualité et la richesse des rapports présentés, dont j'en remercie les auteurs, même si sur certains points, le Gouvernement peut avoir une autre opinion.

L'ensemble des crédits disponibles s'élève à plus de 147 milliards, en augmentation de 2,5 % soit près de trois fois le taux de progression moyen des dépenses de l'Etat.

Si l'on rattache à cet ensemble la dotation de 12 milliards à Réseau Ferré de France et les crédits du FARIF, ainsi que les crédits supplémentaires que le Gouvernement propose par amendement pour compenser l'assujettissement à la TVA de la dotation à RFF, et tenir compte de la modification du régime de surcompensation de la CNRACL, ce sont environ 165 milliards qui deviennent disponibles. Monsieur Bouvard, comment considérer que ce budget est en baisse ?

J'évoquais devant vous il y a un an la crise des grands ensembles urbains, et ma volonté de faire progresser dans la ville la mixité, l'échange et, pourquoi pas, l'urbanité. A cet effet, j'ai avec Louis Besson, entrepris au printemps dernier un débat dans 6 villes différentes auprès des élus et de leurs habitants.

A la demande du Premier ministre et dans l'esprit indiqué par M. Cochet, nous préparons un projet concernant la rénovation et la solidarité urbaines.

M. Yves Cochet - Très bien !

M. le Ministre - Nous devons retrouver une vision globale de l'urbanisme, de l'habitat et des déplacements. Nous ne pouvons nous satisfaire d'une évolution qui a amené certains quartiers à être marginalisés dans la ville.

Pour que la liberté de circuler soit compatible avec la qualité de l'environnement, nous aurons à concevoir une approche plus intégrée des outils de déplacements, avec la montée en puissance d'autorités organisatrices.

C'est dans les grandes agglomérations, que le choix d`un développement accru des transports collectifs est particulièrement décisif, tant au point de vue social qu'économique et environnemental. C'est pourquoi, Monsieur Cochet, le budget 2000 marquera une nouvelle avancée en faveur de ce mode de transport.

Ainsi, pour l'Ile-de-France, les autorisations de programme progressent de 36 % et s'élèvent à 470 millions, permettant de bien commencer la première année du contrat de plan : prolongation de Météor, tangentielles, prolongation du métro, bus en sites propres, tramways...

Pour les agglomérations de province, les AP s'élèvent à près de 750 millions, soit, une progression de 37 % en trois budgets. Les opérations portent essentiellement sur 8 projets de tramways et 3 projets de métro. Au total, 175 kilomètres de voie de transport collectif sont à ce jour pris en considération.

On ne peut à la fois encourager les transports en commun et les laisser à la merci de l'insécurité. C'est pourquoi une attention particulière a été portée à la présence humaine, soit par des redéploiements, soit par de nouveaux recrutements, d'emplois-jeunes en particulier. En Ile-de-France, 4500 agents supplémentaires seront en contact avec le public. De plus, les peines encourues pour atteintes aux agents du transport public ont été aggravées. Quant à l'extension aux transports collectifs de l'avantage fiscal accordé au transport routier, je tiens à dire à MM. Biessy et Idiart que j'y suis très ouvert et qu'elle est d'ailleurs à l'étude.

La réforme en cours du Syndicat des transports parisiens se traduira par l'entrée de cinq représentants de la région au conseil d'administration et par la contractualisation des rapports entre l'Etat, qui apportera 5,4 milliards l'an prochain, le STP, les collectivités territoriales et les entreprises de transport.

Les priorités du budget qui vous est présenté sont la sécurité, l'investissement, la solidarité et l'emploi, dans un contexte marqué à la fois par la géographie, par l'Europe et par le partenariat. La France est en effet un pays de transit, et l'intégration européenne a surtout été affaire de concurrence, de «marché intérieur» et de liberté de circulation. Il faut aller plus loin et conjuguer, au nom même de l'efficacité, harmonisation fiscale et harmonisation sociale -par le haut, naturellement.

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. le Ministre - L'ensemble des décisions d'infrastructures sont désormais prises en partenariat avec les collectivités locales, dans le cadre des contrats de plan ou non. Les contraintes budgétaires et les nouvelles règles de financement destinées à éviter le surendettement des entreprises publiques expliquent cette évolution. Avec les récentes décisions relatives au TGV Est européen, les règles du jeu sont devenues plus claires. Je rappelle à ceux d'entre vous qui ont souhaité une modification des modes de financement que le Gouvernement a décidé, en juillet, d'étendre l'utilisation des fonds du livret A à certains investissements d'intérêt général à très longue durée d'amortissement, dont les maîtres d'ouvrage pourront désormais emprunter à trente ou quarante ans ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste).

La sécurité routière, ainsi que l'ont souligné MM. Biessy et Baeumler, est enfin réhabilitée, grâce à l'accroissement de 17 % de ses moyens. Les actions de communication, nationale et locale, pourront ainsi progresser de moitié, la sécurité routière étant déclarée «grande cause d'intérêt national» en 2000. Il est important de responsabiliser tous les usagers de la route, en leur faisant prendre conscience des drames humains que dissimule la froideur des statistiques. Les crédits consacrés à la formation des conducteurs passent de 38 à 55 millions, permettant d'améliorer le contrôle des auto-écoles et de recruter 30 nouveaux inspecteurs du permis de conduire.

Pour éviter que se reproduisent des accidents tels que ceux qui ont frappé l'opinion cette année, nous mettrons en _uvre, sur les dotations du FITTVN, des programmes spéciaux de renforcement de la sécurité des tunnels routiers et ferroviaires. Je ferai d'ailleurs une communication à ce sujet lors d'un prochain Conseil des ministres. Quant aux aménagements de sécurité sur la voirie nationale, leurs autorisations de programme progressent de 5 %.

Priorité est également donnée à la sécurité en mer et dans les ports. Grâce à l'augmentation de 14 % des moyens de paiement, les centres de surveillance et de sauvetage pourront assumer leurs nouvelles obligations de service, et le plan de professionnalisation de ces centres sera poursuivi, de même que la modernisation des phares et balises, engagée en 1998.

MM. Capet et Lengagne ont regretté la baisse d'un million de francs de la subvention attribuée à la Société nationale de sauvetage en mer, baisse qui ne doit pas masquer l'effort considérable accompli pour la sécurité en mer. Je vous annonce néanmoins que je viens d'obtenir le rétablissement du million manquant dans le collectif de fin d'année (Applaudissements sur tous les bancs).

D'une façon générale, mon ministère a retrouvé sa capacité d'investissement, et il est de notre responsabilité d'engager dès maintenant les opérations qui verront le jour au cours du XIIème plan. En écoutant M. Daubresse, j'ai cru entendre le catalogue des infrastructures promises par nos prédécesseurs, et non financées. Peut-être sa difficulté à discerner nos orientations à long terme tient-elle à l'effet de rémanence de la politique des précédents gouvernements...

Depuis notre arrivée aux responsabilités, les dépenses en capital auront progressé de 5,7 % par an. Dans le présent budget, les autorisations de programme augmentent de 8,1 % pour atteindre 15,3 milliards. D'aucuns font valoir que les crédits de paiement baissent, mais sans doute oublient-ils que le retard accumulé s'élevait, en 1997, à 3 milliards et que nous avons dû rattraper, cette année même, 80 millions ! Si l'on tient compte de cette donnée, la baisse n'est pas de 11 %, mais de 4 %. On me dira encore que ce n'est pas satisfaisant, mais je puis annoncer que j'ai obtenu du ministère des finances, toujours dans le cadre du collectif de fin d'année, 300 millions de plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Francis Delattre - C'est le Père Noël !

M. le Ministre - A cela s'ajoutent les réductions d'impôts, qui aident le secteur du logement pour un montant de 28 milliards et contribueront non seulement à l'équité, mais encore à l'investissement dans le logement social et surtout à la réduction du chômage. Après six années de recul de l'activité, 1998 a été l'année de la reprise de la construction, dont la croissance a été de 5,7 % au deuxième trimestre de 1999. On s'attend, pour cette année, à une hausse de 40 000 des effectifs salariés, ce qui rend nécessaire une politique de recrutement et de formation fondée sur le principe suivant : «Si tu sais, on te prend ; si tu sais pas, on t'apprend !»

L'amélioration concerne à la fois le bâtiment et les travaux publics eux-mêmes où l'on constate une tendance au redressement, même si, il faut le reconnaître, elle est encore modeste.

J'en viens aux principaux modes de transports. A mesure que notre économie progresse, la demande de déplacements s'accroît. Nous devons y répondre par des infrastructures nouvelles mais aussi en utilisant mieux les réseaux existants.

Il faut tirer parti des avantages de chacun des modes de transports, en assurant leur complémentarité et en opérant les rééquilibrages nécessaires au profit du transport ferroviaire et de la voie d'eau, ce qui contribuera à améliorer la sécurité et minimiser les impacts environnementaux.

M. Yves Cochet - Très bien !

M. le Ministre - La conjoncture économique et sociale est aussi favorable dans le secteur des transports.

Ainsi, les transports terrestres de marchandises sont en progression de plus de 5 %, l'activité des ports français progresse de 6,5 % en moyenne, les transports de voyageurs, contrairement à ce qui a été dit, progressent de 3 à 4 % dans les transports collectifs urbains d'Ile-de-France et l'activité voyageurs de la SNCF se maintient à son niveau de 1998, qui était haut.

Dans le transport aérien, la croissance se poursuit et l'activité d'Air France progresse sensiblement : de 15 % à l'international, de 9 % en transport intérieur, ce qui montre que le déclin inexorable promis par certains à la compagnie si elle n'était pas privatisée ne s'est pas produit. Cette croissance nous oblige à mener une politique active de maintien de la sécurité et de préservation de l'environnement. Des choix sont nécessaires, qui visent à maintenir la part du transfert de marchandises par le rail et les voies navigables. Le budget porte la marque de ce choix éminemment politique de rééquilibrage.

Ainsi, dans le secteur ferroviaire, la volonté du Gouvernement de renforcer les capacités d'investissement de RFF est clairement affirmée.

La consolidation financière de RFF se poursuit, avec une dotation en capital de 12 milliards, qui traduit l'engagement d'apporter à l'établissement public 37 milliards en trois ans. Ainsi, Monsieur Bouvard, RFF pourra bel et bien investir quelque 12 milliards par an, tout en stabilisant son endettement.

S'agissant du FITTVN, les crédits consacrés au transport ferroviaire et au transport combiné augmentent fortement, avec 2,3 milliards, soit le double de la dotation de 1997.

J'ai fixé l'objectif ambitieux mais nécessaire de doubler le volume des marchandises transportées par la voie ferrée au cours des dix prochaines années, et même de le quadrupler dans les Alpes et les Pyrénées. J'ai eu l'occasion d'en parler avec M. Bouvard, avec lequel je suis d'accord sur ce point.

Cela implique un développement du fret ferroviaire beaucoup plus soutenu que dans le passé, et la mobilisation de tous.

Que M. Launay sache que la subvention au transport combiné sera de 500 millions, soit un quasi-doublement, en 2000.

Au conseil des ministres européens des transports du 6 octobre, la France n'a pas ménagé sa peine pour que soient adoptées des conclusions plus conformes à ses attentes. Loin de la libéralisation forcenée prônée par MM. Bussereau et Delattre, ces conclusions peuvent laisser présager une ère nouvelle pour le développement du fret du chemin de fer en Europe. Beaucoup reste à faire avant le prochain conseil des ministres des transports, le 10 décembre. Je souhaite que les propositions de la France soient entendues, pour développer le fret ferroviaire de transit dans l'espace européen, par la voie qui convient le mieux à chacun de Etats, la coopération et la réciprocité pour les uns, la libéralisation pour les autres s'ils le souhaitent.

Lors de ce même conseil européen, la France a déposé un mémorandum sur le transport dans les Alpes, qui a été accueilli favorablement par plusieurs Etats membres. La commission a déjà entrepris une réflexion sur la sécurité dans les tunnels.

Concernant les traversées alpines, et pour répondre à MM. Bouvard et Daubresse, la détermination du Gouvernement est grande. L'accent a été mis sur des expérimentations en matière de ferroutage. Par ailleurs, s'agissant du Lyon-Turin, j'ai annoncé, avec mon homologue italien, l'accélération des études préalables. Je le retrouverai en mars pour préparer avec lui le conseil de décembre.

Le système ferroviaire français aura connu, en trois ans, de grandes transformations. J'ai donc souhaité créer une structure nouvelle d'étude et de propositions, à laquelle est associé le Parlement : le Conseil supérieur du service public ferroviaire. Certains orateurs ont semblé regretter qu'un trop grand nombre de syndicalistes y participent. Cela ne pourra que renforcer l'unicité et la cohésion du secteur public ferroviaire.

Le conseil, qui lancera les états généraux du fret ferroviaire européen, devra aussi donner un avis sur la généralisation de l'expérimentation en matière de services régionaux de voyageurs. Le dispositif permettant le transfert de compétence de ces services aux régions devrait être intégré dans le projet de loi «urbanisme, habitat et déplacements».

Le premier poste d'investissement du ministère demeure celui des infrastructures routières. Au cours des huit premiers mois de 1999, on a enregistré une progression du trafic de 4,2 % sur les routes nationales et de 6 % sur les autoroutes.

De réels problèmes de sécurité et d'environnement sont posés. Je propose donc d'agir dans plusieurs directions : la maintenance des infrastructures, une action visant à améliorer le comportement des usagers, la rationalisation de l'usage de la voirie et une politique volontariste en faveur de l'intermodalité.

L'ensemble des moyens d'engagement pour les routes s'établissent à 8,6 milliards, en hausse de 5 %.

Les négociations des contrats de plan avec les régions ont révélé une forte exigence de modernisation du réseau routier. Nous pourrons faire face aux futurs engagements du XIIème plan avec, pour 2000, une enveloppe de 3,6 milliards d'autorisations de programme, en progression de 17 %.

Certains orateurs ont insisté sur le fait que l'enveloppe précédente était plus généreuse, omettant de préciser qu'elle n'avait pas été complètement utilisée. Si, donc, comparaison il doit y avoir, c'est entre 23,5 milliards véritablement dépensés et la première enveloppe qui vous est proposée aujourd'hui. En tenant compte des crédits qui figurent dans le contrat de plan et des crédits hors plan, et sans même parler de la seconde enveloppe, on parvient à des montants équivalents.

Par ailleurs, les grandes opérations de désenclavement du Massif central que sont l'autoroute A75 Clermont-Ferrand-Béziers et la RN7 entre Nevers et Roanne ainsi que la sécurisation de la RN10 dans les Landes seront poursuivies. Il en sera de même avec les travaux de la route centre Europe Atlantique -RCEA- entre la Saône-et-Loire et la Charente-Maritime.

En matière d'entretien et de maintenance de la voirie nationale, les inflexions amorcées depuis 1998 sont poursuivies. Ainsi, la dotation consacrée à la réhabilitation des ouvrages d'art s'élèvera à 362 millions, en hausse de 28 %. Elle sera pour partie consacrée à la rénovation du pont d'Aquitaine, à Bordeaux.

Enfin, dans le cadre des discussions sur le collectif pour 1999, je viens d'obtenir 300 millions de crédits de paiement supplémentaires pour les routes. Je tiendrai donc les engagements que j'avais pris, avec mon collègue Dominique Strauss-Kahn, en septembre dernier.

L'opération de rattrapage des crédits de paiement routiers engagée en 1997 touche donc à son terme. On constatait alors, je vous le rappelle, plus de deux milliards de retard par rapport aux autorisations de programme ouvertes.

Vous avez, Monsieur Idiart, évoqué le nouvel objet routier. La prudence commande de tester cette nouveauté technologique avant de la généraliser, pour s'assurer qu'elle ne met pas en cause la sécurité.

Les moyens que le Gouvernement consacre aux investissements fluviaux progressent de plus de 40 % depuis 1997. Si vous estimez que ce n'est pas suffisant, c'est que l'on était tombé bien bas -ce que je pense. Une dotation de 500 millions du FITTVN est prévue, en augmentation de plus de 11 %. Versés pour l'essentiel à l'établissement public Voies navigables de France, ces crédits permettront, notamment dans le cadre des contrats de plan, de poursuivre la restauration et la mise en valeur du réseau existant. A cet égard, le projet Seine-Nord doit s'entendre comme une liaison globale entre le port du Havre, Paris, Dunkerque et le bassin de l'Escault. Les aménagements sur le tronçon Dunkerque-Escault, comme le relèvement des ponts, doivent permettre d'accueillir un nouveau trafic européen de grand gabarit. Le tronçon Oise-aval et la Seine peuvent aussi être modernisés pour améliorer la gestion des crues. Enfin, je dois très prochainement m'entretenir avec les élus concernés avant de prendre une décision sur le tracé de la partie centrale du projet.

Par ailleurs, que M. Daubresse se rassure : après l'abandon du canal Rhin-Rhône, des investissements ont été prévus pour rénover complètement la liaison Freycinet entre la Saône et le Rhin et pour étudier la liaison TGV Rhin-Rhône sans attendre la réalisation du TGV Est.

Pour améliorer durablement la compétitivité de nos ports, il nous faut réaliser les extensions portuaires.

Pour ce qui est du budget de la mer, je remercie M. Guy Lengagne d'avoir bien voulu noter l'évolution très significative des crédits maritimes et portuaires qui, avec 1,8 milliard hors ENIM, connaissent une hausse de plus de 15 %. La plus importante des extensions portuaires concerne Le Havre avec le projet «Port 2000». Les travaux doivent débuter en 2000, en vue d'une mise en service fin 2002-début 2003. Le projet de budget permet l'engagement d'une première tranche de travaux, avec 220 millions dès 2000.

D'autres investissements, plus modestes, devraient être engagés, notamment dans le cadre des futurs contrats de plan Etat-régions : la modernisation du terminal agroalimentaire de Montoir à Nantes-Saint-Nazaire, ou encore des requalifications et des aménagements de quai à Marseille-Fos et à Dunkerque. Par ailleurs, l'année 2000 verra l'achèvement de l'infrastructure du terminal à conteneurs de la Pointe-des-Grives, à la Martinique.

Comme vous l'avez souligné, l'amélioration de la desserte terrestre des ports est un élément décisif de leur compétitivité. C'est aussi une de mes priorités pour les prochains contrats de plan.

S'agissant du cabotage maritime, Monsieur Capet, je souhaite voir aboutir l'harmonisation des règles européennes afin de favoriser ce mode de transport écologique et sûr.

Mais l'efficacité, ainsi que vous l'avez souligné, Monsieur Paul, tient également à la qualité des rapports sociaux, notamment au niveau local.

J'ai été amené à le réaffirmer récemment et je continuerai à la favoriser, notamment dans les dossiers importants que sont les préretraites et la réduction du temps de travail.

M. Fleury a évoqué la SNCM. L'assemblée territoriale Corse va bientôt se prononcer sur l'organisation de l'appel d'offres sur la continuité territoriale. L'Etat actionnaire s'efforcera de placer la compagnie dans les meilleures conditions pour y répondre.

S'agissant du transport aérien, la croissance attendue du trafic à l'horizon 2020, notamment au niveau européen à partir des aéroports de province, conduit à envisager de développer les capacités d'accueil des aéroports.

Les schémas de services de transports doivent permettre d'évaluer les besoins et les priorités en fonction des niveaux de services attendus. Je pense notamment à l'éventualité d'un troisième aéroport pour le grand bassin parisien (M. Yves Cochet manifeste son scepticisme), à la perspective de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes pour le Grand Ouest, à la recherche d'un site pour un nouvel aéroport toulousain, à la démarche de précaution pour l'aéroport de Lyon-Satolas qui s'est traduite par l'approbation de l'avant-projet de plan de masse.

J'en viens au volet emploi et solidarité, et plus largement aux multiples professions concernées par ce ministère. Je pense aux emplois du ministère que M. Biessy a évoqués, à ceux des entreprises sous tutelle, et également à ceux qui résultent des investissements effectués sous la responsabilité de mon ministère.

Je crois honnêtement que, dans son ensemble, ce ministère concourt à la réalisation de l'objectif de plein emploi à l'horizon de dix ans fixé par le Premier ministre.

En tant qu'employeur direct, l'Etat a une lourde responsabilité pour préserver l'emploi. De ce point de vue, j'ai tenu à infléchir la tendance des réductions d'emplois qui voulait que depuis 15 ans, ce ministère perde environ 1 000 postes par an. Je me suis attaché à mettre fin à un mouvement qui était de nature à compromettre le bon exercice des missions assurées par les services et notamment par les DDE.

Les réductions des effectifs ont ainsi été ramenées à 490 emplois en 1999 et 365 dans le projet de budget 2000, soit une rupture très nette avec les politiques passées. En ce qui concerne les agents d'exploitation, la réduction d'emplois est ramenée à 130, soit quatre fois moins que par le passé.

Ceci permettra de prendre en compte, comme le demande M. Biessy, la situation de la vingtaine de départements où les difficultés liées à la viabilité hivernale sont les plus grandes et de n'y supprimer aucun poste d'agents d'exploitation.

Par ailleurs, une création nette de 180 emplois est prévue dans la navigation aérienne, et je viens d'obtenir 30 recrutements supplémentaires, dès 1999.

Au total, les effectifs du ministère baisseront de 0,18 %, soit six fois moins que lorsque nous sommes arrivés.

L'action du ministère est d'abord l'_uvre des 110 000 hommes et femmes implantés sur l'ensemble du territoire, dont le sens du service public est très apprécié des citoyens, des élus et des partenaires professionnels. Je souhaitais leur rendre hommage.

Je voudrais également souligner le rôle des entreprises publiques du secteur des transports dans la bataille pour l'emploi, sous l'effet en particulier de la réduction du temps de travail, mais aussi du développement des services et de l'activité.

La SNCF a ainsi programmé 25 000 embauches en 3 ans. Comme me le disait le Président Gallois il y a quelques jours lors de notre déplacement sur la ligne ferroviaire Béziers-Neussargues, c'est la première fois depuis 50 ans que la SNCF crée des emplois statutaires. Telle est la réalité même si je me doute que chacun ne s'en réjouira pas.

Air France a programmé 5 000 emplois supplémentaires, que l'entreprise doit créer entre 1997 et 2002. Et je pourrais parler des créations d'emplois statutaires prévues à la RATP.

Enfin, plus de 17 000 emplois-jeunes ont été créés dans les entreprises et services des secteurs du logement, des transports et du tourisme.

M. Cochet remplace Mme Catala au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

M. le Ministre - A ce stade de ma présentation, je n'évoquerai que pour mémoire certaines des professions et activités de ma sphère de compétence, alors même que les enjeux en terme de sécurité et de compétitivité y sont très importants.

Je veux parler notamment des conducteurs routiers. Je ne suis pas de ceux, chacun le sait, qui opposent un mode à un autre. Il faut des solutions socialement acceptables. Nous avons besoin des conducteurs routiers qui sont au c_ur de la croissance dans l'espace européen.

Ils méritent des règles et des conditions de travail positives, qui procèdent d'une harmonisation sociale par le haut. S'agissant, Monsieur Fleury, de l'aide à la formation professionnelle, celle-ci a été reconduite alors même que les engagements du contrat de progrès étaient terminés en 1999. J'en profite pour vous dire qu'il n'y a pas besoin de nouveau décret pour procéder à l'immobilisation des poids lourds. Une loi a été votée à l'unanimité et près de 30 000 immobilisations étaient déjà intervenues en février 1998.

Je veux aussi parler des bateliers, qui seront confrontés, à compter de l'an prochain, à la suppression du «tour de rôle».

Je souhaite, enfin, souligner l'importance de l'Institut géographique national et de Météo-France. Je salue, enfin, la qualité des programmes de recherche conduits sous l'égide de mon ministère dans ses écoles ou à l'INRETS.

Je reviendrai un peu plus longuement sur les secteurs maritimes et aériens. S'agissant du transport maritime le budget 2000 poursuit la politique de soutien à la flotte de commerce et à l'emploi maritime.

Comme l'a souligné M. Lengagne, la flotte de commerce française a connu une forte décroissance à partir des années 1970 pour se stabiliser autour de 210 navires. Par les mesures arrêtées au comité interministériel de la mer d'avril 1998, le Gouvernement est déterminé à redresser la situation de notre flotte de commerce, dans le respect de la réglementation européenne.

Je rappelle que le soutien de l'Etat à l'investissement naval fait l'objet, depuis 1998, de mesures d'allégement fiscal pour les groupements d'intérêt économique, les GIE «fiscaux» qui acquièrent un navire. Cette mesure a permis de soutenir depuis 1998 l'investissement dans 7 navires de transport pour un montant dépassant le milliard de francs. Une vingtaine de dossiers sont à l'étude, représentant une trentaine de bateaux, ce qui prouve l'efficacité du système qui s'est substitué à celui des quirats.

Par ailleurs, le projet de budget pour 2000 reconduit le dispositif d'aide à la flotte de commerce mis en place en 1999. Les entreprises confrontées à la concurrence internationale se voient ainsi rembourser les contributions sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie et accidents du travail des marins. La dépense pour 2000 est estimée à 133 millions.

Enfin, Monsieur Capet, les conséquences de la fin du commerce hors-taxe sur les armements français ont largement été anticipées par les pouvoirs publics qui ont élaboré un plan pour assurer l'avenir de Sea-France. La décision de recapitaliser Sea-France a été reprise et l'actionnaire SNCF a autorisé l'entreprise à lancer les études pour l'acquisition d'un nouveau bateau. Il faut également regarder l'ensemble des compagnies françaises.

La protection du littoral et sa mise en valeur constituent un enjeu important d'aménagement d'un territoire qui compte 5 500 km de côtes. Ce budget enregistre un quasi-doublement des crédits -43 millions contre 22 en 1999 Sur ce thème, je suis assez fier d'avoir contribué à faire aboutir le dossier du Mont-Saint-Michel, menacé par l'ensablement.

L'année 2000 verra enfin la création d'un service public de l'enseignement maritime, avec le passage sous statut public du personnel de l'association de gérance des écoles maritimes et aquacoles ; 315 postes budgétaire sont créés dans le projet de loi de finances à cet effet.

Le secteur aérien est l'un des atouts majeurs de la France. La dimension internationale et concurrentielle est caractéristique du transport aérien. Mais j'aurais garde d'oublier son rôle dans l'aménagement du territoire, le développement économique ou l'environnement.

J'ai été sensible à la pertinence du rapport de M. Asensi sur les enjeux du transport aérien, dont M. Gantier n'a manifestement pas saisi toute la dimension, tant il est persévérant dans sa défense du libéralisme.

Chacun connaît la place particulière, en France et en Europe, de la construction aéronautique civile et son importance pour l'emploi. Je ne reviens pas sur les succès d'Airbus. J'évoquerai seulement le lancement de l'A318 dont la bimotorisation permettra aux compagnies aériennes des économies de gestion et le rôle joué par la SNECMA qui a su développer les partenariats nécessaires pour fabriquer ce moteur, avec General Electrics. Lorsque l'intérêt est mutuel, il n'y a pas d'obstacle à ce que travaillent ensemble des entreprises sous statuts différents.

Les chefs des gouvernements français et allemand ont annoncé le 14 octobre la fusion entre Aérospatiale Matra et DASA. Cette opération, baptisée EADS, constitue une étape dans le regroupement des capacités aérospatiales civiles et militaires, permettant de constituer un groupe européen susceptible de rivaliser avec ses concurrents américains.

Cette opération renforce l'axe franco-allemand et souligne que, loin d'être un handicap, la place d'un actionnaire public constitue un atout et un facteur de stabilité pour l'avenir. Des inquiétudes se sont exprimées sur les conséquences sociales de telles fusions et je les ai entendues. Avec 15 % de participation dans EADS, certains se demandent aussi s'il n'y avait pas intérêt à privatiser.

M. Francis Delattre - C'est vous qui allez le faire !

M. le Ministre - On me dit aussi : «Pourquoi ne pas privatiser Air France ?» Mais parce qu'Air France se porte très bien tel qu'il est ! La participation de l'Etat dans EADS s'est en outre accompagnée de garanties, notamment sur les décisions stratégiques et les cessions, ainsi que par la priorité de rachat accordée à la partie française.

Les crédits dont je disposerai en 2000 pour l'industrie aéronautique permettront de soutenir la recherche et le développement dans les entreprises. Je pense à la poursuite des deux grands programmes de l'hélicoptère EC 165, aux nouvelles versions de l'Airbus A340 et tout particulièrement au projet A3XX pour lequel est prévu, dès 2000, une dotation de 240 millions. Ce projet qui élargira à l'horizon 2005, la gamme d'Airbus est indispensable. Une des conditions essentielles à son lancement est désormais satisfaite avec la constitution d'EADS.

Pour la quatrième année consécutive, Air France présente en 1998-1999 un résultat d'exploitation positif. Seul M. Gantier ne voit pas ce redressement. Mais il a au moins compris qu'Air France n'était pas privatisée. Le soutien de l'Etat a été déterminant pour accompagner les efforts consentis par les personnels.

Air France a décidé de bâtir à son tour une alliance globale, qui va au-delà de simples accords de partage de code et permet d'offrir aux passagers, un réseau mondial constitué par l'ensemble des réseaux de chaque partenaire. Dans cette perspective, Air France et Delta Air Lines ont signé le 22 juin 1999, un accord exclusif afin de créer avec d'autres partenaires «une alliance globale» dans le transport aérien.

Si la forte croissance du trafic aérien -plus de 4 à 5 % en moyenne par an- est bénéfique, elle provoque aussi des nuisances contre lesquelles nous devons lutter.

L'ouverture de deux nouvelles pistes à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle s'est accompagnée de mesures de lutte contre les nuisances sonores, aujourd'hui toutes mises en _uvre, M. Blazy les a rappelées. L'engagement que j'avais pris de maintenir le niveau de 1997, de jour comme de nuit, a été respecté en 1998 et le sera en 1999.

L'Autorité indépendante de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'ACNUSA, créée par la loi du 12 juillet dernier, sera opérationnelle début janvier et compétente sur les neuf principaux aéroports. Le projet de décret va être transmis au Conseil d'Etat et la représentation parlementaire sera consultée. Les crédits de 5 millions prévus doivent permettre de couvrir les dépenses de l'Autorité.

Beaucoup d'entre vous, notamment MM. Blazy et Schwartzenberg, ont évoqué les suites du rapport Lachenaud : j'y reviendrai plus précisément dans la soirée.

J'avais ouvert un large débat sur l'avenir de l'aéroport d'Orly et de sa zone d'activité économique. Afin de lutter contre son déclin, j'ai proposé vingt mesures, en cours de mise en _uvre. Ainsi, pour améliorer le synergie entre Roissy et Orly, j'ai souhaité la création d'une gare TGV à Rungis-la-Fraternelle permettant de relier les deux aéroports en moins d'une demi-heure.

M. Francis Delattre - Ce ne serait pas mal.

M. le Ministre - Le FIATA, fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, a été mis en place l'an passé pour répondre aux décisions du Conseil d'Etat en matière de financement des dépenses de sûreté et de sécurité dans le transport aérien.

Avec la nouvelle taxe, les gestionnaires d'aéroport disposent désormais de ressources juridiquement sûres pour financer les tâches de sûreté et de sécurité qui leur incombent. Nous parachèverons le dispositif en 2000 pour lui donner davantage de transparence : le FIATA reprendra les dépenses directes de l'Etat en matière de sûreté, précédemment inscrites au budget annexe de l'aviation civile, et recevra 23 % du produit de la taxe de l'aviation civile contre 10 % en 1999, le reste de cette taxe allant au budget annexe. Le projet de budget du FIATA, qui comporte aussi les subventions à certaines lignes d'aménagement du territoire, s'établit ainsi à 361 millions.

S'agissant du contentieux avec les compagnies aériennes sur les redevances, je vous annonce, Monsieur Gantier, que les demandes des intéressées pourront être satisfaites dès lors que celles-ci respectent les prescriptions relatives au droit de recours. Il est vrai que les ressources du budget annexe de l'aviation civile sont stabilisées, voire réduites pour certaines d'entre elles. Mais nous avons volontairement choisi de baisser les taux de redevance, de manière à ne pas renchérir le coût du transport aérien et donc à ne pas pénaliser l'usager. Le niveau de la taxe de l'aviation civile, qui rapportera 1,3 milliard en 2000, est inchangé. Le taux de la redevance de route sera diminué de près de 9 % et celui de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne de 1,70 %. L'aviation civile contient donc l'augmentation de ses coûts à 3,1 % en 2000, alors même que le trafic croît très fortement.

Les moyens mis à la disposition de la navigation et du contrôle aérien seront revalorisés afin d'assurer un haut niveau de sécurité. Les dépenses de personnel, qui s'élèvent à 4,36 milliards, progressent de 3,9 % ce qui permettra de créer 180 emplois pour faire face au développement de l'activité et aux besoins de formation. Une centaine de contrôleurs aériens seront recrutés en 2000. Enfin, nous bouclons ce budget grâce à une subvention de 215 millions du budget général et un emprunt de 830 millions, égal à celui de 1999. Nous visons à stabiliser l'endettement dans le budget annexe.

L'augmentation très forte du trafic aérien exige des efforts considérables pour maintenir le niveau de sécurité ainsi que la qualité du service, et améliorer la capacité des infrastructures. Nous faisons tout pour que la situation s'améliore ou au moins ne se dégrade pas. Des mesures sont envisagées au niveau international sous l'égide d'EUROCONTROL, mais aussi au niveau national avec l'amélioration des moyens de contrôle et de coordination. Ces mesures suffiront-elles ? Il convient de pousser plus avant la réflexion : il y va de l'avenir du transport aérien.

En conclusion, je développerai quelques thèmes ouvrant des perspectives.

La réforme du financement de sociétés concessionnaires d'autoroutes, les SEMCA, est en cours. Vous êtes nombreux à l'attendre, M. Idiart m'a encore interpellé tout à l'heure, après les travaux de la Cour des comptes et ceux de la mission d'évaluation et de contrôle, que je remercie d'ailleurs pour la qualité de ses propositions.

J'ai accéléré la réflexion après la condamnation, en février 1998, par le Conseil d'Etat, des procédures d'attribution de la concession de l'A 86 Ouest. Quels sont les objectifs de la réforme ? Améliorer la transparence et la rationalité du choix de construire une autoroute concédée ou d'aménager à deux fois deux voies une route nationale ; accroître de manière sensible les moyens pour l'entretien, l'exploitation et la remise à niveau du réseau ; poursuivre le programme autoroutier, la sécurité routière étant mieux assurée sur les autoroutes que les routes nationales ; consentir un effort particulier en ville où les coûts de construction sont plus élevés.

Cette réforme était nécessaire pour se mettre en conformité avec la directive européenne du 14 juin 1993 sur les marchés de travaux. Les projets de concession devront désormais être publiés de manière à faire jouer la concurrence et à garantir des conditions d'égale concurrence. La technique de l'adossement ne pourra plus être utilisée. Chaque nouvelle concession devra être financièrement équilibrée en jouant sur la durée de la concession, les tarifs des péages, et s'il y a lieu, des subventions publiques en cas d'insuffisance du trafic. Pour présenter des offres en vue d'une nouvelle concession, les SEMCA devront fonctionner sans distorsion de concurrence, avec des règles comptables et fiscales de droit commun.

Cette réforme exige, pour être menée à bien, certaines évolutions. Tout d'abord, la modification du régime d'amortissement, qui sera plus proche de l'amortissement physique et comparable à celui pratiqué par COFIROUTE.

Ensuite, la suppression des clauses de garantie de reprise de passif par l'Etat. Enfin, l'allongement des concessions d'environ vingt ans, nécessaire pour financer les autres éléments de la réforme.

Cependant, comme cet allongement n'est conforme ni au droit européen ni à la directive «travaux», dès juillet 1998, nous avons engagé une négociation avec la Commission, qu'il était prévu de boucler en mars 1999. La démission des commissaires a perturbé le calendrier et retardé la conclusion de la négociation. La nouvelle Commission a été saisie dès septembre de la demande d'allongement des concessions. Cette négociation devrait être conclue fin novembre.

Cette réforme se concrétisera par un projet de loi prévoyant l'allongement de la durée des concessions et des dispositions modifiant le code de la voie routière, qui devrait être déposé avant la fin de l'année. Des dispositions financières sur l'affectation des dividendes seront également prévues dans le collectif 1999

Cette réforme prend du temps mais elle n'était pas simple. Nous n'avons pas attendu son aboutissement pour commencer à nous mettre en accord avec le droit communautaire. Des avis de nouvelles concessions sont désormais publiés : ce fut le cas de celle de l'A 86 Ouest qui vient d'aboutir, ce sera prochainement le cas de celle du Viaduc de Millau, toutes deux validées par le Conseil d'Etat. Je souhaite que les SEMCA, dès lors qu'elles disposent des fonds propres nécessaires et qu'elles se situent dans des conditions normales de concurrence, puissent présenter des offres.

Monsieur Idiart, je ne partage pas votre point de vue. Vous souhaitez que dans l'attente d'un projet de loi de programmation des infrastructures de transport, aucune nouvelle autoroute ne soit lancée. C'est un peu abrupt et cela ne tient pas compte de l'avis de vos collègues qui, sur tous les bancs, me réclament une autoroute pour leur région. Les objectifs que vous recherchez dans la loi de programmation seront satisfaits par les schémas de service.

J'aborderai maintenant la question des comptes d'affectation spéciale qui font partie intégrante de mon budget : le FARIF et le FITTVN.

Le projet de loi de finances pour 2000 a supprimé le FARIF. Cette solution, proposée par le ministère des finances, m'a semblé à moyen terme, de nature à préserver les financements et les priorités de l'Etat en Ile-de-France. En effet, depuis la loi Pasqua de 1995, les ressources de ce fonds étaient amputées de 120 millions supplémentaires chaque année. J'ai veillé à ce que des chapitres budgétaires spécifiques Ile-de-France soient créés dans mon budget de manière à assurer une totale transparence sur l'évolution des crédits destinés à ce territoire.

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur le FITTVN en décembre 1997, rappelant que les comptes d'affectation spéciale étaient soumis à l'approbation du Parlement dans le cadre de la loi de finances. Ni la clarté des comptes publics, ni l'exercice par le Parlement de ses prérogatives budgétaires n'étaient donc affectés.

Le Conseil a également précisé que le financement des investissements et du gros entretien du réseau routier national ainsi que de dépenses entrant dans le cadre des contrats de plan Etat-régions ne contrevenait pas aux missions assignées à ce fonds. J'avoue que je ne comprends pas l'acharnement contre le FITTVN. Le fait qu'il ait été instauré sous un gouvernement précédent n'est pas un argument suffisant pour justifier une condamnation sans appel.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Ministre - Bien sûr, comme l'a souligné la Cour des comptes, il y a peut-être trop de comptes d'affectation spéciale qui bénéficient de ressources affectées. Le ministère des finances a d'ailleurs commencé à en supprimer. Mais pourquoi vouloir à tout prix remettre en cause un outil qui est en train de conquérir un caractère intermodal ? Car, en 2000, pour la première fois, les crédits destinés au secteur ferroviaire et au transport combiné représenteront plus de 53 % des ressources du fonds. Et je me dois de rappeler qu'avant 1997, aucun crédit d'Etat n'était affecté au financement des TGV, d'où le surendettement destructeur de la SNCF. C'est par le FITTVN qu'on a pu financer les opérations engagées par mon prédécesseur sur le TGV Méditerranée.

Désormais, le FITTVN constitue l'instrument financier d'une politique intermodale des transports. Comme MM. Biessy, Delattre et Cochet, je considère que l'on doit conserver et développer un tel outil. Le respect des engagements de l'Etat dans les futurs contrats de plan est à ce prix.

Je terminerai sur deux mots, «développement» et «actionnariat public», qui témoignent du chemin accompli.

Qu'il s'agisse d'Air France ou d'EADS, la place de l'actionnaire public n'est plus contestée. Désormais, la présence de l'Etat au sein d'une entreprise du secteur concurrentiel est plutôt considérée comme un élément de stabilité et de régulation.

Cette réhabilitation du public et de l'intérêt général est facteur de dynamisation des entreprises, qui ont compris qu'elles aussi n'ont d'autre choix que de jouer la carte du développement pour se positionner durablement dans la compétition européenne.

Pour conclure, je voudrais une fois encore souligner combien ce budget est positif. Il assure en effet une progression des moyens, notamment d'investissement, ce qui constitue une bonne base pour les futurs contrats de plan. Et il s'inscrit dans le cadre d'une politique globale des transports, du logement social et du tourisme qui prend mieux en compte les problèmes fondamentaux de la société et qui fait émerger une alternative à une conception ultra-libérale de la construction européenne, dangereuse pour la cohésion sociale et territoriale. La nôtre n'a rien d'une conception défensive et craintive. Je pense même qu'elle représente une solution plus efficace pour un développement respectueux des intérêts de chacun (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 45.

La séance est levée à 20 heures 20.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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