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Session ordinaire de 1999-2000 - 20ème jour de séance, 49ème séance

1ÈRE SÉANCE DU VENDREDI 5 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite) 2

          CULTURE 2

          QUESTIONS 21

          CULTURE ET COMMUNICATION 26

          ÉTAT B 26

          ÉTAT C 26

          RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 27

La séance est ouverte à neuf heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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CULTURE

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial de la commission des finances - J'examinerai d'abord les crédits propres du ministère, puis je poserai un regard, comme l'an dernier, sur trois établissements publics, avant d'aborder la fiscalité des _uvres d'art, sur laquelle la commission des finances m'a demandé un rapport.

Les crédits du ministère de la culture dépasseront 16 milliards en 2000, en hausse de 329 millions, soit 2,1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999. Nous n'atteignons pas tout à fait le 1 % du budget de l'Etat souhaité par le Premier ministre dans son discours d'investiture. Votre rapporteur souligne toutefois l'effort fait en 2000, après deux ans d'efforts déjà substantiels, venant après une période 1993-1997 où le budget du ministère, à périmètre constant, avait diminué de 20 %. L'évolution en montants de 1997 à 2000 est d'un peu plus de 1,5 milliard, soit plus de 10,52 %. Au nom de la commission, Madame la ministre, je salue votre action, qui a permis d'obtenir cette évolution très positive.

A quoi a-t-elle correspondu ? A la base une étape de la reconquête des moyens indispensables à une politique culturelle novatrice. Cela passe d'abord par la démocratisation culturelle. C'est ainsi qu'en 1999 vous avez mis en place la charte des missions de service public pour les spectacles vivants. Et pour 2000, vous annoncez des mesures sur l'éducation et la formation artistiques, avec une charte des enseignements spécialisés, sur laquelle je souhaite des précisions. Par ailleurs, avec la réorganisation des écoles d'architecture en Ile-de-France, vous proposez un alignement des bourses des écoles d'art et d'architecture sur celles de l'éducation nationale, ce qui est très positif. Je souligne votre politique tarifaire offensive pour élargir l'accès aux lieux de culture : tarif unique de 50 F dans cinq théâtres nationaux le jeudi, gratuité le premier dimanche de chaque mois dans les musées nationaux, extension de 12 à 18 ans de la gratuité d'accès aux monuments historiques un dimanche par mois hors saison touristique. Pour faciliter l'accès aux musées archéologiques, je souhaite savoir où en est le projet de loi sur l'archéologie préventive déposé à l'Assemblée mais non encore inscrit à l'ordre du jour. La commission des finances a adopté une observation vous demandant d'insister à ce sujet auprès du Gouvernement.

L'augmentation du budget est imputable pour une part au titre IV qui a conservé la priorité en 1999. Ses montants comportent des augmentations importantes atteignant au total 164 millions, 172 si l'on inclut l'actualisation de la DGD des bibliothèques. En regard, les subventions de fonctionnement aux établissements publics, pour la plupart situés à Paris, n'augmentent que de 81 millions.

Quels sont les moyens humains de cette politique ? Nous avons enfin obtenu quelques résultats dans ce budget 2000. En effet, si 27 emplois ont été créés en 1998, deux seulement l'ont été en 1999 et nous savons quelles difficultés vous avez connues cette année. Pour 2000, le budget de la culture enregistre 295 créations, dont 100 créations nettes et 195 emplois d'agents contractuels transférés de l'Etat vers des établissements publics. Je salue cette technique, qui permet de stabiliser enfin ces emplois. D'autre part, 32 emplois permettront d'accueillir sur des postes d'Etat des personnels précédemment rémunérés par des associations subventionnées remplissant des tâches administratives pour le compte de l'Etat. Ceci répond à une critique de la Cour des Comptes. Enfin, 79 emplois contractuels sont créés dans les établissements publics.

Vous menez donc une vraie politique de démocratisation, mais aussi de décentralisation culturelle. Il y a un effort de réorientation des dépenses culturelles de l'Etat en faveur des régions, comme nous le réclamons tous depuis longtemps. Ainsi les subventions de fonctionnement des établissements publics augmentent de 213 millions, et depuis 1997 les crédits du titre IV se sont accrus de 543 millions. Entre les lois de finances initiales pour 1997 et pour 2000, les montants d'investissement et de réalisation d'équipements culturels locaux auront doublé. Cet effort est d'autant plus remarquable qu'il a permis d'honorer la parole de l'Etat en résorbant les retards pris sur les mandatements de subventions aux maîtres d'ouvrage locaux. Il bénéficie aux archives, aux musées, aux équipements de spectacle vivant, dont la dotation passe de 150 à 204 millions, et aux équipements de diffusion de proximité. L'équipement culturel dans les régions fera presque jeu égal avec les équipements culturels nationaux situés à Paris : 540 millions contre 563, alors qu'en 1997 le rapport était de un à trois. C'est là une action très constructive.

Je souligne également que, depuis 1986, la deuxième part du concours public des bibliothèques, au sein de la DGD, a permis un aménagement culturel du territoire et une vraie démocratisation. L'aide de l'Etat, qui s'élève à 35 % du montant subventionnelle, a permis l'éclosion de milliers de projets. En quinze ans la population desservie par les bibliothèques municipales est passée de 2,6 à 6,6 millions de personnes. Cependant, en 1998, le taux maximal de 30 % d'aide de l'Etat semble avoir diminué dans certaines régions : 20 % en Franche-Comté par exemple. Même en Bretagne, où il est de 30 %, six projets n'ont pu être retenus. En outre les projets relatifs aux nouvelles technologies de l'information ne peuvent plus être honorés, faute de crédits d'Etat suffisants. Cette situation va empirer en 2000, malgré l'augmentation de la DGD. Selon votre ministère, quelque mille projets risquent de ne pas être subventionnés. La commission des finances a donc noté une observation demandant qu'un crédit exceptionnel de 250 millions, permis par les bons résultats économiques de 1999, sort inscrit en loi de finances rectificative pour apurer cette situation.

Ce budget poursuit toutefois l'effort d'entretien du patrimoine. La baisse des crédits pour les grandes opérations, imputés sur les crédits du patrimoine, permettra d'augmenter l'enveloppe destinée aux restaurations de monuments historiques, appartenant notamment aux collectivités locales, qui augmente de 59,6 millions, soit 24,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999. Avec l'achèvement du Grand Louvre, 2000 correspondra en effet à la fin des ouvertures de crédits pour les grands travaux. Entre 1991 et 1999, 7,96 milliards d'AP et de CP auront été accordés à la Bibliothèque nationale de France. Pour la Villette, ce chiffre atteint 6,6 milliards entre 1980 et 1998. Quant au Grand Louvre, la première tranche a été soldée à 2,16 milliards, tandis que la seconde tranche, de 1987 à 1999, a coûté 3,6 milliards. Les opérations annexes seront soldées en 2000 à hauteur de 900 000 francs.

Cependant, je souligne la faible consommation des crédits du patrimoine en région, moins de 70 % au 1er octobre. La commission des finances, par une observation, attire votre attention sur ce point, souhaitant si nécessaire une inspection de vos services.

J'en viens à la deuxième partie de mon rapport. S'agissant de Beaubourg, du musée des Arts premiers et du cinéma, je renvoie, faute de temps, à mon rapport écrit.

Le Centre Pompidou, pour en dire un mot, a reçu au total 145 millions de visiteurs, soit 20 000 par jour en moyenne. Les normes de sécurité n'étant plus respectées, des travaux de réaménagement ont été entrepris, dont la durée a été ramenée de 5 à 3 ans. Ils devraient être achevés pour le 1er janvier 2000. Le nombre de places en bibliothèque passera de 1 800 à 2 000, et de nouvelles salles vont être ouvertes. Ayant milité jadis contre la création du Centre Pompidou, je tiens à souligner sa réussite, et à saluer les efforts du Gouvernement pour le rénover.

Lancé par le Président de la République en 1996, le projet de musée des Arts premiers entrera le 1er janvier dans sa phase active. Une antenne s'ouvrira au sein du Louvre le 1er janvier 2000, et le musée du quai Branly devrait ouvrir à l'automne 2000. Le coût total est estimé à 1,1 milliard.

M. le Président - Veuillez conclure !

M. le Rapporteur spécial - La politique du cinéma a connu une nouvelle orientation, soutenue par des recettes en hausse du compte de soutien.

La troisième partie de mon rapport porte sur la fiscalité des _uvres d'art. Le projet de budget tend à harmoniser au taux de 4,5 % la taxe applicable aux ventes en galerie et dans les espaces publics. En première partie, nous avons débattu de la prise en compte des _uvres d'art dans l'ISF. J'y suis opposé tant que l'ISF n'aura pas été rénové, qui devrait devenir un impôt sur le capital à faible taux mais englobant l'ensemble du patrimoine.

En conclusion, je vous félicite pour l'efficacité de votre action, menée en profondeur et sans esbroufe. Ainsi la commission des finances appelle-t-elle à voter les crédits de votre ministère.

M. Marcel Rogemont - Excellent rapport !

M. le Président - Il serait souhaitable d'achever ce matin la discussion de ce budget. Je demande donc à tous les orateurs de respecter strictement leur temps de parole.

M. Bourg-Broc, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Je regrette que vous n'ayez pas été invitée à présenter votre rapport devant notre commission et ainsi que les réponses à notre questionnaire nous soient parvenues bien tardivement.

Le budget de la culture s'élève à 16,4 milliards, en hausse de 2 %. Cette augmentation est supérieure à celle, en moyenne, du budget de l'Etat, mais inférieure à celle de vos deux exercices précédents.

Les dépenses ordinaires augmentent de 2,7 % avec 172 millions supplémentaires pour les interventions du titre IV. Notons cependant dès à présent la baisse sensible des crédits d'acquisition d'_uvres d'art. La hausse des crédits du titre III permettra de répondre, insuffisamment encore, au problème des emplois.

L'augmentation des dépenses d'investissement de 4,6 % vient compenser la forte régression de 1999, 4 %. Pour les crédits de paiement, le rééquilibrage entre Paris et la province est en bonne voie.

Si ce dernier point est satisfaisant, tout comme l'effort de démocratisation ou la reconnaissance de l'enseignement artistique, il est regrettable que les crédits du patrimoine soient si contrastés et que ceux d'acquisition d'_uvres d'art soient sacrifiés.

Globalement votre budget n'est pas satisfaisant, et je ne peux pas l'approuver. Vos efforts ne compensent pas certains points noirs, en particulier dans les musées, sur lesquels l'Assemblée a créé une mission d'information présidée par Alfred Recours. En faisant partie, j'ai cru bon de lier son travail à mon rapport budgétaire.

J'y insiste, les crédits d'acquisition sont sacrifiés pour la deuxième année consécutive. Après une hausse limitée à 0,6 %, le chapitre 43-92 diminue de 7,1 %. La plupart des directions voient leurs crédits maintenus au niveau de 1999, voire de 1998, sans aucune mesure nouvelle. La dotation de la Délégation aux arts plastiques est même réduite de 1,1 million. Comment assurer dans ces conditions un soutien à la jeune création ? Il en est de même pour les crédits de la direction du spectacle vivant.

Les crédits de la direction des Musées de France n'augmentent pas, ce qui réduit en fait ses capacités d'intervention. Elle est ainsi hors d'état de satisfaire aux besoins d'enrichissement des collections, et de constituer la collection du nouveau musée des Arts et civilisations, à laquelle ne sont affectés que 15 millions en 2000, contre 25 millions en 1999.

La reconduction à 105 millions des crédits du fonds du Patrimoine et la stagnation des crédits directement gérés par la direction permettront-elles vraiment d'agir efficacement ? J'en doute.

Je déplore que ne soit toujours pas inscrit à notre ordre du jour le projet de réforme de la loi du 31 décembre 1992 relative à l'exportation des trésors nationaux. L'Etat ne s'étant jamais donné les moyens d'intervenir sur le marché de l'art, la loi de 1992 n'a pas permis d'empêcher que des fleurons de l'art français rejoignent des collections privées étrangères. Il faut donc la modifier.

M. Michel Herbillon - Il a raison !

M. le Rapporteur pour avis - Quand le Gouvernement inscrira-t-il à notre ordre du jour les projets relatifs à l'archéologie préventive, à la réorganisation des musées et à la réorganisation des archives

La diminution de tous les chapitres de la direction des musées de France s'explique par l'achèvement des grands travaux, mais les sommes correspondantes auraient pu être réaffectées à un rattrapage budgétaire. Or le budget de la direction diminue de 7,52 %. Les dépenses ordinaires baissent de 2,19 %, et les AP de 17,72 %.

Je me réjouis cependant que les concours de l'Etat pour la rénovation et la modernisation des musées classés et contrôlés de nos régions passent de 116,6 à 130 millions.

Ma troisième remarque sortira du champ strictement budgétaire : elle a trait au rôle des musées. A mon sens, ceux-ci servent la démocratie culturelle, contribuant ainsi à réduire des inégalités qui ne tendent que trop à se creuser. Le développement exponentiel des connaissances et celui d'Internet favorisent autant un meilleur accès à la culture qu'une aggravation de ces inégalités : en effet, comme aime à le dire Luc Ferry, de quelle utilité peut être pour un "môme" de banlieue la possibilité d'accéder à la bibliothèque du Congrès s'il ne sait quoi y chercher ?

La démocratisation de l'accès à la culture passe par le développement des enseignements artistiques, auquel le rapporteur de la loi de janvier 1988 ne peut être que très attaché. Des efforts ont été faits cette année : pouvez-vous nous assurer qu'ils seront reconduits, sinon amplifiés, l'an prochain ?

Cette démocratisation exige aussi un effort financier : si trop peu de nos compatriotes fréquentent les institutions culturelles, c'est aussi, très prosaïquement, parce que les billets d'entrée sont trop chers. En juin, votre ministère a décidé de réduire le prix de ces billets et, à compter du 1er janvier 2000 il étendra la gratuité pratiquée le premier dimanche de chaque mois pour l'entrée au musée du Louvre, à l'ensemble des 33 musées nationaux, pour un coût de 18 millions. C'est bien. Dans son dernier livre, Le Gouvernement de la culture, Maryvonne de Saint-Pulgent constate que de plus en plus de Français partagent désormais un "minimum culturel" mais que celui-ci n'a plus grand-chose à voir avec la démocratisation que recherchait Malraux grâce aux Maisons de la culture : il s'apparente davantage à un décevant couperet de la société de masse sur la scène du savoir et de l'art. Les musées sont un instrument pour faire partager par plus de Français encore ce minimum, tout en en élevant le niveau. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de l'extension de cette mesure de gratuité, tout en regrettant qu'elle soit financée au détriment des acquisitions et donc de l'enrichissement des collections.

Mon temps de parole limité m'interdira de traiter des structures et des modes de gestion des musées : je vous invite donc à vous reporter à mon rapport écrit sur ce point.

La commission des affaires culturelles n'a pas suivi l'avis négatif de son rapporteur mais je maintiens qu'en dépit d'avancées réelles -rééquilibrage entre Paris et la province, effort en faveur de la démocratisation-, le négatif l'importe dans ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - Merci pour votre concision.

M. André Aschieri - En 2000, le budget de la culture connaîtra une nouvelle progression, ce dont les députés Verts se réjouissent. Lorsque vous remarquez, Madame la ministre, que la République elle-même est un projet de société sans cesse renouvelé et que votre action doit donc viser à un renouveau des pratiques artistiques et culturelles, nou ne pouvons que partager votre ambition et nous sommes déterminés à vous aider à la porter bien haut !

Malheureusement, la culture est encore trop souvent chez nous une quantité négligeable. Ni les responsables économiques, ni la majorité des politiques ne prononcent dans leurs discours le mot, préférant parler argent, bourse, globalisation, ou méga-fusions.

Avec le développement de l'OMC, nous sommes sommés de choisir entre une conception des activités culturelles comme produits de consommation ou marchandises sur lesquelles on spécule et une conception de la culture comme l'un des piliers de la démocratie. La première qui se confond avec le modèle américain, transforme les citoyens en guignols de la cité. Au travail, l'homme perd chaque jour davantage son identité, devenant un périphérique de la machine, et n'ayant pour toute compensation que la faculté de se jeter dans la consommation aveugle. Les 12 millions de visiteurs de Disneyland Paris et l'arrivée des multiplexs sont les premiers symptômes de la société autiste qui nous menace ("Très bien !" sur les bancs du groupe du RPR).

L'Autriche et la Suisse viennent de nous montrer que la crise économique n'est pas le seul terreau sur lequel prospère le populisme d'extrême-droite. Nous avons besoin de citoyens engagés dans la vie de leur cité et créatifs.

La culture et la pensée ne se déléguant pas, il nous faut favoriser leurs initiatives. Créer comme vous le proposez des ateliers de pratique artistique dans les lycées, peut être un moyen de ce renouveau. Le développement de ces enseignements -je vous avais moi-même proposé il y a deux ans d'associer chaque école à un artiste- est non seulement la condition de toute démocratisation des pratiques culturelles, il est surtout indispensable à la recherche et à la découverte d'une identité.

La priorité doit donc être donnée à l'éducation culturelle, à la créativité de l'enfant. Cela suppose d'accroître les crédits destinés à la recherche dans le domaine de l'éducation artistique, qui ne touche aujourd'hui que 3 % des publics scolaires !

Il semble tout autant nécessaire de combattre la laideur dans la cité et les espaces publics. Je redis donc qu'avec la direction de l'architecture c'est le secteur de l'urbanisme qui devrait dépendre de votre ministère.

La ville est encore trop souvent victime de la rentabilité, de l'automobile, de la pollution esthétique. Construire et restaurer des musées, c'est bien ; réfléchir au moyen de faire entrer l'art dans les lieux de travail serait encore mieux.

Les Verts se félicitent de votre volonté de mieux répartir sur le territoire des équipements culturels ouverts sur leur environnement. Il faut aller jusqu'au bout de cette belle idée. La réduction du temps de travail doit pousser à proposer aux adultes comme aux jeunes de nouveaux moyens de s'exprimer, créer, inventer.

Vous avez décidé d'étendre la gratuité de l'accès aux musées à tous les moins de 18 ans, en permanence, et à tous les publics, une fois par mois. Bravo ! Mais nos musées doivent perdre ce côté "cimetière de l'art" qui les marque encore, pour devenir des lieux de communication, d'échanges et de confrontations qui aident à affronter la vie quotidienne.

Celle-ci, c'est aussi la langue qu'on pratique. Pour la première fois, votre budget comporte 3 millions d'aides spécifiques en faveur des langues régionales. Tout en saluant cette avancée symbolique, nous ne pouvons que constater qu'elle est trop faible.

Tous ces engagements nous permettent d'espérer l'épanouissement de citoyens éclairés, vivant leur République et acteurs de la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Patrick Malavieille - Incontestablement, ce budget est marqué par une certaine ambition : les chiffres, dont on se préoccupe toujours en l'occurrence, sont meilleurs que d'habitude.

Nous partageons la volonté de démocratiser la création et la vie culturelle. Certes, le 1 % symbolique n'est toujours pas atteint, mais c'est pour nous moins un but qu'un plancher à utiliser pour prendre son élan et rebondir !

Dans nos sociétés, la culture, l'art et peut-être même les hommes sont assimilés à des choses consommables, rentables, jetables... Trop souvent, on réduit la culture à du superflu, l'art à de la marchandise et les artistes à des paresseux indemnisés. Il est urgent de comprendre que la culture nourrit l'ensemble des valeurs, des pensées, des langages, des représentations et des échanges entre les personnes. Elle est la trace des civilisations passées et présentes et elle construit notre avenir.

Les choix faits en la matière ont donc d'énormes conséquences et nous devons nous poser trois grandes questions : comment protéger ce bien commun et soutenir la création artistique ? Où commence et où s'arrête l'intervention du législateur ? Comment élargir le cercle des décideurs ?

Des décisions d'une extrême importance vont être prises lors des négociations sur l'OMC. La recherche du profit maximal à court terme s'impose de plus en plus à l'ensemble des productions culturelles. Vous vous êtes prononcée à ce sujet, de concert avec le Premier ministre, dans Le Monde du 13 octobre dernier : "Ces négociations devront préserver et développer la capacité de l'Union européenne et des Etats membres à définir et mettre en _uvre librement les instruments réglementaires et de soutien de leurs politiques culturelles et audiovisuelles". Croyez que les députés communistes et leurs partenaires apprécient cette position et sont soucieux que, sous le vocable de diversité culturelle, on retienne tous les éléments couverts par la notion d'exception culturelle.

Comme vous, nous pensons que les _uvres culturelles ou audiovisuelles ne se résument pas à une question de prix ou de marché.

En 40 ans, la tâche du ministère de la culture a complètement changé, notre pays est dans l'âge de pratiques culturelles de masse. Les relations entre les hommes sont totalement imprégnées de cultures, au pluriel. Mais dans le même temps, l'exclusion sociale écarte un grand nombre de nos concitoyens de pratiques culturelles.

Il importe donc de retravailler à la définition de la culture, non pas pour l'instrumentaliser et la caporaliser -d'autres, malheureusement, s'en chargent, comme dans ma région Languedoc-Roussillon- mais au contraire, pour la libérer, ce qui nécessite de reconsidérer notre relation à la culture et de la doter des moyens financiers nécessaires.

L'augmentation de 2,10 % de ce budget, soit deux fois plus que la progression moyenne des dépenses de l'Etat, lui confère un label de budget prioritaire. Il représentera 0,981 % des charges nettes de l'Etat.

Mais attention à ne pas aborder la culture en termes de catalogue, mais en termes d'enjeu : de quelle culture avons-nous besoin, pour être des citoyens de notre temps ?

Les acteurs de la vie culturelle veulent s'inscrire dans des démarches plus solidaires, plus dynamisantes, qu'il s'agisse des outils nécessaires à la production et à la diffusion culturelle, de l'évaluation et de l'expertise, de la place des langues régionales.

Se pose également, avec la décentralisation et la déconcentration, la question de l'égalité des citoyens face au droit à la culture.

La négociation des prochains contrats de plan devrait constituer la base d'un renouvellement de la politique culturelle menée en partenariat par l'Etat et les collectivités locales.

Dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, votre ministère a obtenu une dotation de 2 milliards au titre de la première enveloppe. C'est une reconnaissance du rôle de la culture dans l'aménagement du territoire.

La démocratisation de la culture passe aussi par le rééquilibrage de la répartition des crédits entre Paris et la province et entre les métropoles de province et des lieux moins connus, comme ma ville de La Grand'Combe, qui vient de se doter d'une médiathèque Germinal. Je me félicite donc de l'augmentation des concours de l'Etat aux équipements culturels locaux : les autorisations de programmes passent de 397  à 790 millions de francs.

Les subventions de fonctionnement aux établissements publics sont stabilisées. Gardons bien à l'esprit leur mission d'irrigation de la culture dans les régions.

Nous apprécions également que le budget entame la résorption de l'emploi précaire, dans les services du ministère et les établissements sans affecter la qualité du service offert au public.

Notre pays ferait _uvre utile pour les générations futures en consacrant toujours plus de moyens financiers et humains à la culture.

Nous voterons ce budget, en prenant acte des efforts accomplis.

Il faut ouvrir grandes les portes de la culture, libérer les potentialités créatrice, aujourd'hui ensommeillées par absence de sollicitations.

Holderlin disait que "là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve". Madame, nous serons à vos côtés pour entendre "ce qui sauve" (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. le Président - La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Marcel Rogemont - Vous aurez du mal à critiquer ce budget !

M. Michel Herbillon - Le budget de la culture revêt à mes yeux une importance particulière, car la culture touche à ce qui fait notre identité et notre ciment commun. L'histoire a d'ailleurs montré qu'il n'y avait pas fatalement une politique culturelle de droite et une politique culturelle de gauche.

C'est donc sans désir d'opposition systématique, mais naturellement sans complaisance, que j'aborde l'examen du budget du ministère de la culture, qui vient de fêter -assez discrètement d'ailleurs- ses 40 ans.

Les crédits de la culture augmenteront de 2,1 %, soit 1,2 % en francs constants. Cette progression modérée vous permettra de poursuivre des actions engagées de longue date ou de prendre certaines initiatives auxquelles nous adhérons.

Ainsi, les mesures de démocratisation, et notamment la politique tarifaire visant à favoriser l'accès aux théâtres, musées et monuments, recueillera l'assentiment général, de même que la poursuite de la politique de vos prédécesseurs en matière de déconcentration des crédits.

Est aussi positive la création d'ateliers artistiques dans les lycées. Toutefois, cette mesure ne peut dissimuler la situation préoccupante de l'enseignement artistique, ni l'absence d'une véritable programmation financière nécessaire à l'application de la loi de 1988. C'est pourquoi le groupe DL avait proposé l'an dernier de créer un chèque d'éducation artistique et culturelle finançant un certain nombre d'heures auprès d'organismes ou d'associations agréées. Je renouvelle cette proposition.

Enfin, m'étant fait l'écho, en février, du malaise profond des étudiants et enseignants en architecture, je suis heureux de l'effort budgétaire consenti en faveur de cet enseignement depuis 1996, et notamment de l'amélioration des bourses. Mais cet effort doit se poursuivre tant les difficultés de l'enseignement en architecture restent nombreuses.

Cependant, l'augmentation des crédits et quelques mesures positives ne font pas pour autant un bon budget et encore moins une bonne politique. La présentation d'un budget est avant tout l'occasion d'afficher une ambition, d'imprimer un élan. Or on a du mal à discerner une vision d'ensemble dans les trois budgets que vous avez présentés depuis votre arrivée à la tête de ce ministère.

M. Marcel Rogemont - Mettez des lunettes !

M. Michel Herbillon - Vous dites vouloir démocratiser l'accès à la culture. Très bien. Mais c'est le minimum que l'on puisse attendre de l'Etat en ce domaine. C'est même l'une des raisons essentielles qui a conduit André Malraux à créer ce ministère en 1959.

Second objectif : atteindre les 1 % du budget de l'Etat pour la culture. Pourquoi pas ! Mais le président Pompidou disait qu'on ne tombe pas amoureux d'un taux de croissance et qui peut croire que le fait de passer de 0,98 % du budget de l'Etat en 2000 à 1 % en 2002 donnera un souffle nouveau à notre politique culturelle ?

Nous regrettons l'absence de réformes qui seraient nécessaire. Ainsi cette année encore, le patrimoine fera partie des points noirs de votre budget. Vous n'avez inscrit que 2 millions de francs de mesures nouvelles pour l'entretien des monuments classés, alors que les besoins sont dix fois plus élevés. L'augmentation des subventions accordées aux propriétaires de monuments classés ne rattrape même pas la baisse décidée l'an dernier. De 50 % en 1960, la part des crédits pour le patrimoine dans le budget de la culture est ainsi tombée à 12 %.

Ce désengagement de l'Etat est préoccupant. Le patrimoine est une question importante : notamment dans les villes de banlieue, dans les quartiers difficiles, les monuments sont des repères, des éléments d'identité sociale. Votre ministère ne peut certes pas faire tout, mais il devrait orchestrer l'action des autres ministères pour entretenir ce patrimoine -je pense au patrimoine des hôpitaux, de l'armée etc.

Les crédits d'acquisition sont également stagnants. Ce n'est pas avec 105 millions de francs que nous pourrons enrayer l'hémorragie de notre patrimoine culturel vers l'étranger, surtout au moment où nous devons procéder aux acquisitions des collections du Musée des Arts premiers.

Il est donc temps d'engager une série de réformes redonnant de vraies marges de man_uvre à notre politique culturelle.

L'Etat devrait d'abord s'interroger sur son fonctionnement en matière culturelle, et notamment sur sa propension à créer et à empiler de nouvelles institutions culturelles, sans vraie réflexion d'ensemble. Ce phénomène a atteint son paroxysme avec les travaux pharaoniques de l'ère Mitterrand, dont nous subissons aujourd'hui les conséquences. La Bibliothèque nationale de France a coûté 8 milliards de francs aux contribuables et ses frais de fonctionnement atteignent 1,3 milliard ! Le bâtiment de l'Opéra-Bastille est déjà dégradé, alors qu'il n'a que dix ans. Comment entendez-vous financer les travaux nécessaires ?

Si nous doutons beaucoup de la pérennité des grands travaux mitterrandiens, nous ne doutons pas de l'explosion de leur coût de fonctionnement. Vous avez donc recruté massivement sur des emplois précaires qui forment désormais 10 % des effectifs de votre ministère. Suite aux mouvements sociaux de ces vacataires, vous avez dû présenter un plan de résorption de l'emploi précaire. C'est bien. Mais cela devrait inciter le Gouvernement à plus d'humilité lorsqu'il fustige le recours aux CDD dans les entreprises !

Par ailleurs, nous nous inquiétons des modalités de mise en _uvre de certains de vos projets. Ainsi le centre de la jeune création s'installera au Palais de Tokyo. Mais il occupera 3 000 m2 sur 18 000. Que fera-t-on du reste ?

Vous créez une maison du cinéma. Est-ce bien le meilleur moyen pour éduquer les spectateurs et notamment les jeunes ? Les vrais enjeux sont d'engager un maillage du territoire à partir de la Cinémathèque et de réfléchir sur l'augmentation du nombre des multiplexes. Une Maison du cinéma ne résoudra pas les problèmes.

Vous n'accordez pas non plus d'attention à une seconde piste de réforme qui est la défiscalisation de la culture. Quand va-t-on réformer la loi sur le mécénat ? Celui-ci représente à peine 0,3 % du financement des activités artistiques, soit dix fois moins qu'aux Etats-Unis. Quand allez-vous prendre des mesures fiscales pour relancer le marché de l'art sur la place de Paris, aujourd'hui cousine pauvre de Londres et New-York ? Réintégrer les _uvres d'art dans l'assiette de l'ISF n'est pas une mesure propice à la rénovation de notre politique culturelle.

A l'heure des négociations de l'OMC, face à un modèle culturel dominant, l'enjeu est désormais d'assurer la survie du cinéma et de la chanson française, de la francophonie, de tout ce qui fait l'identité et la spécificité nationale. Mieux vaudrait s'y préparer. Mais dans ce budget nous ne trouvons ni volonté de réforme ni choix clairement affirmés. Le groupe DL ne peut donc pas l'approuver (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Henri Plagnol - L'opposition est à vos côtés pour qu'à Seattle on défende l'exception culturelle. Au-delà de la droite et de la gauche, il s'agit là du droit inaliénable de chaque peuple à défendre ce qui fait son identité.

Nous espérions trouver dans ce budget un signe fort de cette volonté. On y cherche en vain les traces de ce deuxième souffle, selon l'invitation lancée par le Premier ministre à chaque membre du Gouvernement. Or ce budget s'inscrit dans la continuité, pour ne pas parler de pilotage automatique. Il doit en effet assumer le fardeau de plus en plus lourd du coût du fonctionnement des paquebots hérités de l'ère Mitterrand, ce qui vous prive de toute marge de man_uvre. Vous obtenez une augmentation honorable de vos crédits, qui passent à 16 milliards.

M. Marcel Rogemont - Très bien !

M. Henri Plagnol - Les crédits déconcentrés représentent désormais deux-tiers des crédits d'intervention. L'UDF s'en réjouit comme elle salue votre volonté d'améliorer l'accès du public aux grands équipements culturels, musées et théâtres. Mai cette inflexion reste encore modeste.

Pour le reste, on ne trouve nulle part le souffle qu'on espérait dans ce budget, en raison, je l'ai dit, du coût de fonctionnement des grands travaux mitterrandiens. Il représente désormais 12 % du budget de fonctionnement de la culture au niveau national, soit plus d'un franc sur dix dépensés pour la culture. Il est scandaleux que le budget de la très grande bibliothèque soit le triple de celui du Louvre et que son coût ne fasse qu'augmenter pour une efficacité contestable.

Ce fardeau vous interdit toute politique ambitieuse pour le patrimoine. On ne trouve nulle mention de la fondation du patrimoine qui doit associer mécénat et intervention de l'Etat. Vous renoncez à soutenir les initiatives des entreprises. Nulle trace non plus d'exonérations fiscales, élément essentiel d'une politique culturelle. On constate pourtant le grand succès des journées du patrimoine. Pourquoi cette ignorance ? Elle ne peut avoir de raison politique. Elle traduit donc une absence de vision et de marge de man_uvre.

Je ne reviens pas sur les musées. Mais votre politique théâtrale reste jacobine, puisque l'essentiel des crédits va aux grands théâtres nationaux. Il y a pourtant de plus en plus de petites compagnies privées qui, à force de passion, d'imagination et de courage, travaillent pour l'émerveillement du public. Ainsi la Comédie italienne, un théâtre de Montparnasse qui est le seul à jouer la Comedia dell'arte dans la grande tradition européenne, a failli disparaître parce qu'on a fiscalisé l'activité commerciale des associations à but non lucratif. Votre politique, c'est tout pour les grands théâtres, rien pour les initiatives privées !

M. Michel Herbillon - C'est vrai !

M. Henri Plagnol - A quand une véritable utilisation de l'incitation fiscale ? Une politique du marché de l'art qui rende sa place à Paris ? Une vraie politique en faveur de tous ces amateurs qui pratiquent un instrument de musique ou les arts plastiques, et qu'il faudrait soutenir financièrement en partenariat avec les associations ? Supprimez la frontière entre culture savante et culture populaire pour revenir à la grande ambition de Malraux et poursuivie par Jacques Duhamel ! Par exemple, pourquoi ne pas rattacher au ministère de la culture le réseau associatif d'éducation populaire qui dépend aujourd'hui du ministère de la jeunesse et des sports ? Au lieu de cela, vous êtes incapable de résister à Bercy, qui ennuie les associations par des mesures fiscales. Rompez avec le discours convenu sur le volontarisme politique qui dissimule trop souvent le monopole des fonctionnaires, ouvrez les portes de votre ministère à tous les Français amoureux de la culture.

51-60md49 Cessez d'être le ministère des seuls professionnels et artistes pour être celui de tous les Français, à commencer par les jeunes générations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Patrice Martin-Lalande - Le groupe RPR se réjouit de certains progrès que le projet de budget, en augmentation de 2,1 %, permet de réaliser : démocratisation accrue de l'accès à la culture, début de résorption des emplois précaires, meilleur équilibre entre Paris et la province, augmentation des crédits de l'enseignement artistique -même si l'application de la loi de janvier 1988 reste insuffisante-, recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication pour l'accès du grand public aux _uvres. Ces différents points correspondent assez largement à ce que Bruno Bourg-Broc et moi-même avions demandé les années précédentes.

Ils ne peuvent masquer, cependant, les insuffisances qui demeurent. Du point de vue de la forme, tout d'abord, le projet est difficile à contrôler et à suivre, du fait d'une présentation comptable trop changeante, qui regroupe en outre des dotations disparates dans des chapitres fourre-tout, tel le chapitre 34-97 «Moyens de fonctionnement des services administratifs».

Sur le fond, ce budget pêche par l'absence d'assurance que l'embauche de vacataires sera strictement encadrée et ne compromettra pas le plan pluriannuel de résorption des emplois précaires : souvenons-nous des grèves qui ont perturbé la vie culturelle nationale et l'accueil des touristes étrangers cette année. La diminution des crédits d'acquisition, par ailleurs, prive notre pays de chefs-d'_uvre qui prendront le chemin de l'étranger et réduit d'autant l'aide à la création. Les crédits affectés au patrimoine stagnent, voire diminuent - moins 17 % dans certains secteurs. La Fondation du patrimoine, créée en 1995 à l'initiative du Président de la République, semble privée des moyens budgétaires d'agir. L'insuffisance des dotations menace de bloquer de nombreux projets de bibliothèques municipales, alors même que la sous-consommation des crédits est générale et chronique. Les dysfonctionnements de la Bibliothèque nationale de France restent trop nombreux. Nous n'avons toujours pas de certitudes, enfin, sur les dates d'examen et d'entrée en vigueur de la loi sur l'archéologie préventive.

Ces lacunes sont d'autant plus difficiles à admettre que la conjoncture économique et la prospérité fiscale qui en découle auraient permis d'atteindre cette année l'objectif symbolique du «1 %» et de satisfaire ainsi les demandes les plus légitimes, qui risquent donc de ne pas l'être de sitôt. C'est pourquoi le groupe RPR votera contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La séance, suspendue à 10 heures 20, est reprise à 10 heures 30.

M. Marcel Rogemont - Je salue mes collègues présents, et en particulier mes amis socialistes, car la droite est bien absente...

Je caractériserai ainsi, Madame la Ministre, votre action pour la culture : une arithmétique qui fait chanter les nombres (Rires) ; une organisation rénovée qui exprime la volonté et la rigueur; une démocratisation qui vise à promouvoir la personne humaine.

De 1993, année où fut atteint le mythique «1 %», à 1997, le budget de la culture n'a connu qu'une forte régression, que la mutation annuelle de son contenu n'a pu masquer.

M. le Rapporteur pour avis - Faux !

M. Marcel Rogemont - Ainsi, de 1994 à 1997, à périmètre constant, le budget passe de 13,5 milliards de francs à 12,3 milliards soit une baisse de 8,8 %, sans parler des régulations budgétaires. Et voilà qu'interviennent des hausses successives de 552 millions en 1998, 525 millions en 1999 et 369 millions pour 2000, à s'en tenir aux lois de finances initiales. La progression est forte : 9,7 % en trois ans, contre 4,5 % pour les recettes nettes du budget de l'Etat. Elle l'est quel que soit le périmètre retenu : de 1997 à 2000, nous serons passés au périmètre actuel, de 0,95 à 0,98, et au périmètre 1993, de 0 ;81 à 0,85 % du budget de l'Etat. Si l'engagement du Gouvernement est bien de retrouver le 1 %, et si la question du contenu de cet objectif reste posée, il est clair que cette progression sensible traduit une vraie priorité nationale, à laquelle nous, socialistes, sommes sensibles.

L'évolution est significative, quoi qu'en dise M. Plagnol, notamment pour le titre IV, concernant les interventions du ministère, qui va augmenter de 172 millions, après des hausses de 180 millions en 1998 et 193 millions en 1999. Le titre IV atteint 4,92 milliards soit 12 % d'augmentation depuis 1997 : excusez du peu... En 1993, le titre IV s'élevait à 3,5 milliards soit 4,1 milliards de francs actuels. Pour 2000, nous sommes à 4,92 milliards mais 3,9 si nous prenons en compte le périmètre 1993. Il reste donc à faire un effort de 200 millions pour reconquérir les crédits d'interventions disponibles en 1993. Nous devons nous fixer cet objectif.

Cette arithmétique qui fait chanter les nombres nous rassure sur la capacité du Gouvernement à tenir ses engagements et à assumer ses ambitions. Comment les députés socialistes, Madame la ministre, ne vous apporteraient-ils pas clairement leur soutien ?

Deuxième trait saillant : une organisation de la culture rénovée qui exprime la volonté et la rigueur. A la suite du rapport Rigaud, chacun admettait la nécessité de revoir le fonctionnement du ministère et de requalifier les relations avec les partenaires de la culture. Décentralisation et déconcentration, voulues par notre gouvernement, exigeaient un rééquilibrage des forces du ministère en faveur de l'administration déconcentrée. Ce sont des tâches arides, exigeantes, qui bousculent les habitudes, donc suscitent la critique. Vous les avez menées à bien. Il fallait le faire ! Je l'entends en deux sens. Tout d'abord, c'était réussir une gageure ; beaucoup en ont parlé, peu s'y sont attaqués. Et c'était quelque chose qui devait être fait : une organisation centrale rénovée, une déconcentration des crédits et des décisions, une contractualisation des relations entre l'Etat et ses partenaires.

M. Michel Herbillon - C'est de la langue de bois !

M. Marcel Rogemont - Non pas, mais une action efficace. L'organisation nouvelle du ministère et la déconcentration ont requis une énergie phénoménale, ce qui a créé pour un temps l'impression d'un éloignement du pouvoir, d'un moindre intérêt porté aux acteurs de la culture, d'une moindre lisibilité des objectifs. Mais cette inquiétude est désormais derrière nous : chacun constate aujourd'hui des rapports avec les acteurs de la culture nourris et fructueux, au service de nos priorités. La charte de service public est désormais le fondement des relations ; nous pourrions même souhaiter une application plus forte de ses principes. Pour le spectacle vivant, vous avez déclaré que le mandat des responsables devait être de trois ans renouvelable deux fois, soit neuf ans. C'est un bon principe, et l'on peut se demander s'il est utile de renouveler certains contrats trente ans durant sur un même site. Vous avez rappelé l'importance de l'évaluation et de la rigueur de gestion : nous souhaitons que vous vous en teniez à ces principes de responsabilité, sans lesquels prévaut l'insécurité des relations avec les partenaires de la culture : doit-on faire un déficit pour voir les subventions progresser ? Doit-on privilégier la gestion hasardeuse sur la gestion sérieuse ? Ces questions se poseraient alors tant pour l'Etat que pour les collectivités territoriales et les multiples partenaires de la culture. Sur tous ces points nous sommes à vos côtés, pour affirmer plus encore vos objectifs. Nous soutenons votre volonté d'établir des relations sereines avec les artistes et les acteurs de la culture, de fixer des objectifs et d'en prendre les moyens.

Il faut également mettre à votre crédit un effort sensible de création d'emplois : 295 cette année. C'est l'expression claire d'une volonté de lutter contre la précarité et d'adapter les effectifs à la fréquentation de nos établissements culturels.

Une remarque sur ce point. Quand l'Etat agit dans le domaine social, il crée un organe spécifique, les CCAS, pour agir avec les collectivités territoriales. Dans le domaine culturel, il n'a pas d'établissement spécifique pour affirmer sa volonté de partenariat. Or le besoin s'en fait de plus en plus sentir, car les collectivités territoriales prennent des initiatives collectives. Je souhaiterais connaître vos réflexions sur cette question.

Mais l'arithmétique et l'organisation ne sont rien sans l'objectif qui leur donne sens : la démocratisation pour la promotion de la personne humaine.

Le constat est simple : depuis que la direction prospective du ministère de la culture analyse les pratiques culturelles -je pense aux études de 1973, 1981, 1989, 1997-, le marquage social de la culture n'évolue pas. On le sait, les pratiques culturelles sont d'abord liées au niveau d'éducation. Ensuite intervient l'éducation artistique : cette année, vous ajoutez 17 millions, soit 7,2 % pour nourrir les liens essentiels entre la culture et l'éducation nationale. Le troisième facteur est la médiation culturelle, c'est-à-dire une offre adaptée aux publics, ou encore un accompagnement de certains publics à la découverte de la culture. Vous consacrez 15  millions aux jours de gratuité dans les musées nationaux et 7 millions à la baisse tarifaire dans les théâtres. Nous approuvons cette tentative, dont les premières analyses sur les publics nouveaux montrent le bien-fondé. Nous serons attentifs à l'évaluation de ces actions tarifaires, ainsi qu'à l'intensification de l'éducation artistique et des pratiques amateurs. En effet, si la démocratie nourrit la culture, il convient qu'en retour la culture nourrisse la démocratie. Et votre action, loin des flonflons, s'intéresse à cette question de fond, à la promotion de la personne humaine : continuez dans ce sens, nous vous soutenons.

Nous sommes également satisfaits de constater que, sur 1 milliard 47 millions d'investissements prévus pour 2000, 534 vont à Paris, et 512 à la province. Et je rappelle à nos collègues de droite que le patrimoine n'est pas seulement l'entretien du passé : il se construit chaque jour, et ces investissements y contribuent.

Nous avons donc de fortes raisons pour appuyer votre action et souhaiter que vous poursuiviez dans ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Pierre Lequiller - Rappel au Règlement concernant le déroulement de la séance. Je suis étonné de l'attaque à laquelle s'est livré M. Rogemont au début de son propos. Elle est d'autant plus déplacée que pendant tout le début de la discussion, jusqu'à son intervention, nous étions beaucoup plus nombreux que les socialistes.

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial - Ce n'est pas un rappel au Règlement.

M. le Président - L'article 58 concerne bien le déroulement de la séance. La présidence prend acte de ce rappel.

M. Pierre Lequiller - Tout en m'associant aux propos de M. Herbillon, je concentrerai le mien sur la protection du patrimoine. Elle consiste à le protéger contre tous les types de vandalisme moderne, depuis la sauvagerie iconoclaste des sociétés d'aménagement, qui construisent des infrastructures de transport ou des centres commerciaux à proximité de nos chefs d'_uvre, jusqu'à l'exportation massive d'objets d'art et le dépeçage des châteaux. Je suis député de Louveciennes, ville où se trouve le château de Mme du Barry. Il a fait partie de la dizaine de châteaux acquis par une société japonaise, et dont certains ont été dépouillés de leurs meubles, boiseries et décorations. La commune de Louveciennes est heureusement intervenue à temps pour empêcher le vol des boiseries. Grâce à notre action, en liaison avec l'Etat -la direction du patrimoine, alors dirigée par Mme de Saint-Pulgent- nous avons sauvé le château : classé en 1999, il a aujourd'hui un propriétaire privé de qualité, qui a pu réinstaller les boiseries.

Je soulignerai deux points faibles de votre budget. Les crédits d'entretien des monuments classés n'augmentent que de 2 %, quand il en faudrait 20 ou 30 pour faire face aux besoins. Et les subventions d'investissement aux propriétaires des monuments classés ne sont que partiellement rattrapées, après une perte de 70 millions en deux ans. En outre, la loi de 1913 comporte une carence grave pour le maintien in situ des meubles ou ensembles de meubles. J'ai déposé naguère une proposition de loi pour y remédier, et je compte sur votre appui pour réaliser le changement législatif indispensable.

Il s'agirait de créer une servitude de maintien in situ pour le propriétaire de tout ensemble ou objet mobilier qui constitue le complément historique ou artistique d'un immeuble classé ou inscrit. Cette nouvelle servitude ouvrirait droit à une subvention ou à une déduction fiscale. Il faudrait également introduire une procédure d'inscription à l'inventaire supplémentaire des objets mobiliers appartenant à des personnes privées.

Enfin, il faut renforcer l'obligation pour les propriétaires privés d'objets mobiliers classés d'informer l'administration de la culture en cas de vente.

Je souhaite ainsi qu'on mette fin aux inadmissibles saccages dus en partie aux insuffisances de notre législation, qui doit protéger également les objets mobiliers et les monuments. La protection des monuments date de 1840, avec la liste des 1 000 monuments de Mérimée, alors que rien n'a été fait pour les objets.

La législation actuelle ne laisse à l'Etat que l'alternative entre acquérir les objets dont il ne veut pas qu'ils quittent le territoire national, et les classer en indemnisant les propriétaires.

L'important est de maintenir nos chefs-d'_uvre sur notre territoire, et pour cela d'alléger la fiscalité sur la culture, en particulier pour les propriétaires privés.

M. Michel Herbillon - Très bien !

M. Pierre Lequiller - Nous avons également besoin d'une loi destinée à favoriser davantage le mécénat.

C'est tout l'inverse de la démarche prônée par idéologie par les socialistes, qui veulent accroître la fiscalité sur les _uvres d'art. D'expérience, je vous affirme que pour protéger nos richesses contre le vandalisme étranger, l'instrument fiscal est le meilleur. Comme le disait l'abbé Grégoire, auteur du «Rapport sur les destructions opérées par le vandalisme» : «Gravons dans tous les c_urs cette sentence : les barbares et les esclaves détruisent les monuments des arts, l'homme libre les conserve» (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Christian Martin - Les crédits d'investissement pour les monuments historiques sous maîtrise d'ouvrage d'Etat demeurent au même niveau qu'en 1999. Vous connaissez l'importance de ce patrimoine protégé et je regrette que vous n'ayez pas inscrit les 400 millions nécessaires.

Il en est de même pour le chapitre 66-20-20. Trop souvent le patrimoine classé est prioritaire au détriment des édifices inscrits. Les crédits du chapitre 66-20-20 semblent corrects, mais c'est essentiellement du fait des collectivités locales, qui préfèrent percevoir la DGE tant que les subventions DRAC ne seront pas réévaluées.

Le chapitre 66-20-30, qui concerne les abords et secteurs sauvegardés et espaces protégés est insuffisamment doté.

La région des Pays de la Loire, en dixième position pour le nombre d'édifices protégés se classe au troisième rang en nombre de monuments privés. Le Maine-et-Loire représente 36 % du patrimoine protégé de la région. Deux tiers du parc de la Vendée, de la Mayenne et du Maine-et-Loire sont concernés par des urgences de travaux. Le Maine-et-Loire se situe sur ce plan au deuxième rang en France.

Quand sera restaurée l'église Saint-Evrard à Luzy-sur-Marne en Haute Marne ?

Voilà pourquoi je sollicite une dotation importante pour la DRAC des Pays de la Loire.

Au chapitre relatif au patrimoine rural non protégé, il faudrait inscrire tous les ans la même somme que le conseil régional des Pays de la Loire, ce qui serait un bon exemple de partenariat. Il serait bon aussi de faire le point sur la Fondation du Patrimoine.

Le Maine-et-Loire est avec la Mayenne le seul département des Pays de la Loire à ne pas disposer d'adjoint à l'architecte des Bâtiments de France, un poste pourtant indispensable. Enfin, le conseil général de Maine-et-Loire paie entièrement les cinq personnes affectées à la conservation des antiquités. Trois des quatre agents du service de l'inventaire des Monuments et Richesses Artistiques sont salariés par le conseil général. Le département de Maine-et-Loire fait de gros efforts pour son patrimoine.

M. Marcel Rogemont - Qu'il continue !

M. Christian Martin - Je souhaite que la DRAC puisse faire de même.

Quand les propriétaires d'immeubles protégés pourront-ils déduire de leur revenu le montant des primes d'assurance afférentes à leurs immeubles ?

Le taux de TVA est-il de 5,5 % ou de 20,6 % sur les restaurations extérieures ou intérieures des immeubles protégés ?

Des discussions sont en cours sur les Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, en vue d'une éventuelle réforme de la loi du 3 janvier 1977. Chacun reconnaît l'importance de leur action menée depuis 20 ans. Il faut désormais les conforter dans leurs missions. Ils ne peuvent pas continuer à fonctionner avec un budget alimenté essentiellement par une taxe dont personne ne peut préciser le montant prévisionnel.

Ne serait-il pas souhaitable de laisser aux conseils généraux la possibilité de relever le taux de la taxe départementale bénéficiant au CAUE, en l'harmonisant avec celui de la taxe départementale des espaces naturels et sensibles ? Cela faciliterait grandement les calculs et éviterait les interférences entre les deux taxes.

Ne serait-il pas également normal que les services déconcentrés de l'Etat disposent de moyens fiables et permanents d'évaluation de la taxe départementale affectée au CAUE.

Ne serait-il pas utile que la loi réformant celle du 3 janvier 1977 se prononce clairement sur le financement des CAUE et définisse les possibilités de contractualisation entre ceux-ci et les collectivités ?

Enfin, je vous serais très reconnaissant si vous pouviez doter un peu plus le festival d'Anjou, auquel vous nous avez fait l'honneur de venir cette année (Applaudissements sur bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Marcel Rogemont - Il veut l'argent et la ministre !

M. Etienne Pinte - 34 villes en France possèdent un conservatoire national de région, et dans beaucoup d'entre elles l'Etat a décidé de créer des cours à horaires aménagés de musique, destinés à conduire les élèves au baccalauréat F11. Tout semble parfait, sauf que l'Etat laisse à la charge des communes les rémunérations des professeurs. Pour ma ville de Versailles, la charge pour le budget municipal se monte à 5,2 millions, soit deux points d'impôt. Le coût moyen d'un élève atteint 18 848 F par an. Ces dépenses sont à la charge du contribuable à hauteur de 72 % pour les élèves des Yvelines, et de 91 % pour les autres. Les communes pour lesquelles le poids de ce transfert de charge est insupportable perçoivent des droits d'inscription et de scolarité, ce qui est à la fois déplorable et illégal. 19 de ces villes s'y sont résignées.

Vous m'écriviez le 13 juillet : «Les cours de musique proposés aux élèves de classes à horaires aménagés font partie de l'enseignement spécialisé. A ce titre, ils sont normalement à la charge des collectivités locales concernées». Je m'élève contre cette interprétation erronée des textes. Ces classes, créées par l'Etat, ne relèvent pas de l'article 63 de la loi du 22 juillet 1983, qui ne concerne que les établissements d'enseignement public de la musique, de la danse et de l'art dramatique. Les classes à horaires aménagés font partie du cursus normal de l'enseignement obligatoire et gratuit. Elles sont intégrées dans les écoles, les collèges et les lycées de l'enseignement général et les rémunérations de leurs professeurs doivent donc être financées par l'Etat. Vous ajoutiez : «Le règlement par les familles d'un droit d'inscription et de scolarité se heurte au principe de gratuité de l'enseignement dans les écoles publiques, institué par les lois de 1881 et de 1939». Vous avez raison, mais cela me conduit à vous poser trois questions : pourquoi dix-neuf villes ont-elles institué de tels droits, sous une forme ou une autre ? Pourquoi les préfets n'ont-ils jamais exercé leur pouvoir de contrôle de légalité, sinon parce qu'ils savaient qu'en cas de recours devant les juridictions administratives, l'Etat serait condamné ? (Exclamations sur les bancs du groupe RCV) Je rappelle en effet que les tribunaux administratifs ont contraint le ministère de l'intérieur à accepter qu'un système de quotient familial soit appliqué aux tarifs des écoles de musique. Enfin, et ceci vous concerne directement, pourquoi la ville de Strasbourg fait-elle payer les cours à horaires aménagés de musique entre 510 et 2 100 F, en fonction du quotient familial et de l'origine géographique des enfants ?

Jusqu'ici la ville de Versailles ne s'était pas engagée dans cette voie pernicieuse et illégale mais, pour des raisons budgétaires et juridiques, elle a été obligée d'instituer des droits d'inscription et de scolarité à compter de cette année. Cependant, à la demande des parents d'élèves et en attendant vos décisions, elle a décidé de surseoir à l'application de cette mesure jusqu'au 31 décembre prochain. La balle est donc dans votre camp et dans celui du ministre de l'éducation nationale -en un mot, dans le camp de l'Etat ! Si, dès ce budget, vous ne donnez pas un signe fort de votre volonté, nous serons contraints de faire payer immédiatement ces droits et de mettre progressivement en extinction la filière des cours de musique à horaires aménagés. J'ose espérer que nous ne seront pas acculés à cela : l'avenir de toutes ces classes est entre vos mains, Madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Je remercie les deux rapporteurs pour leurs observations et questions. Je ne puis cependant m'empêcher d'être déçue, Monsieur Bourg-Broc : à la lecture de votre rapport écrit, j'avais cru comprendre que vous vous abstiendriez au lieu de vous prononcer négativement. Mais j'ai noté aussi que l'opposition déployait un effort intense pour trouver des motifs à critiquer un budget plutôt positif !

Le projet de loi de finances marque, cette année encore, une priorité affirmée en faveur de la culture. Les crédits croissent de 329 millions, soit de 2,1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999 -ce qui est plus que le double de l'inflation prévue : 0,9 %. De projet de loi de finances à projet de loi de finances, la progression est même de 369 millions soit de 2,4 %.

En 2000, ce budget représentera précisément 0,968 % des charges nettes de l'Etat ou 0,98 % si l'on se réfère à la structure du budget général en 1998. Nous pouvons donc espérer atteindre, d'ici à la fin de cette législature, l'objectif du 1 % posé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. Cela étant, je conviens avec M. Malavieille que ce 1 % n'est pas un but en soi, mais une étape à franchir.

Par rapport aux deux précédents, ce projet de budget comporte une innovation essentielle : il s'attaque au problème de l'emploi. En 1998, 27 emplois avaient été ouverts ; en 1999, deux. En 2000, il y en aura 295 : 100 par création nette et 195 par transfert d'agents contractuels. En outre, 79 créations figureront au budget des établissements publics.

Nous pourrons ainsi franchir une étape décisive, s'agissant de résorber un emploi précaire qui s'est généralisé au ministère et dans ses établissements en raison de l'insuffisance en emplois statutaires, dont le besoin a fortement augmenté avec l'achèvement des grands travaux.

M. Henri Plagnol - Vous admettez la responsabilité de vos prédécesseurs !

Mme la Ministre - Pour ces grandes réalisations, la collectivité nationale a consenti un effort massif en investissement, mais sans accompagner celui-ci par les créations d'emplois statutaires nécessaires à un service de haut niveau rendu dans des conditions juridiquement et socialement incontestables.

M. Michel Herbillon - L'effort était donc mal pensé !

Mme la Ministre - Le constat vaut pour les majorités successives : la précédente n'a pas su remédier aux problèmes qu'elle avait relevés, ni par le plan Perben ni par le plan Toubon (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Le recours massif à ceux qu'il est convenu d'appeler, d'ailleurs improprement, les « vacataires », est à l'origine de situations sociales difficiles, et de graves perturbations dans le fonctionnement des musées et monuments nationaux.

Depuis mon entrée en fonctions, j'ai affirmé ma détermination de remédier à cette situation et j'estime réunir aujourd'hui les trois conditions nécessaires à une réduction de cet emploi précaire. Par leur ampleur, les créations d'emplois prévues pour 2000 traduisent la reconnaissance, par le Gouvernement, de l'insuffisance en emplois statutaires et sa volonté de traiter la question. Afin d'éviter que la stabilisation de l'effectif précaire n'entraîne une réduction des moyens humains et, par conséquent, des horaires d'ouverture, elle sera assurée grâce à des créations. Enfin, l'emploi précaire sera réduit de manière définitive, et non reconstitué «au fil de l'eau», sous l'effet d'un certain fatalisme contraire à une gestion rigoureuse des ressources humaines. Le 15 octobre, j'ai en effet signé une circulaire qui prohibe le recours à de nouveaux «vacataires», conformément au protocole de fin de grève signé le 8 juin dernier. En outre, aux termes du projet de loi de finances, les crédits de vacation du ministère et de ses établissements publics seront réduits en 2000 afin de prendre en compte les titularisations sur concours réservés. Enfin, l'emploi indifférencié du terme «vacataire» pour désigner les agents recrutés sans assise budgétaire va progressivement disparaître du langage courant, ce qui devrait favoriser une révolution des comportements. Celle-ci bénéficiera en outre d'une clarification du cadre juridique dans lequel il est recouru à certains «vacataires». En effet, la loi de 1984 sur la fonction publique autorise expressément le recours à des contractuels, recrutés sur crédits, pour des besoins saisonniers ou occasionnels ou pour des besoins permanents par nature à temps incomplet. Je souhaite utiliser ces souplesses légitimes, mais j'ai donné consigne de ne pas les laisser dévoyer.

Enfin, j'entends que le travail de ces agents soit désormais mieux reconnu. C'est ainsi que des contrats en bonne et due forme viendront se substituer à des actes unilatéraux de recrutement. De plus, les agents recrutés pour répondre à des besoins permanents par nature à temps incomplet bénéficieront de contrats d'une durée de trois ans.

Notre politique deviendra ainsi plus conforme à l'éthique comme au statut de la fonction publique. On ne défend pas seulement la culture en accroissant les crédits ! ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste)

J'en viens maintenant à la traduction budgétaire de ces priorités. Ce projet de budget permettra des progrès majeurs, qu'il s'agisse d'affirmer le soutien à la création artistique sous toutes ses formes, de mieux répartir l'offre culturelle sur l'ensemble du territoire ou d'élargir l'accès aux lieux de culture.

A propos du premier point, je ferai observer à M. Bourg-Broc que le chapitre 43-92, doté de 253 millions pour 2000, n'est nullement en régression bien au contraire. Les crédits ont crû de 29 millions en 1998 et de 10 en 1999, soit de 17,2 % par rapport à 1997 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). La stabilisation de l'an prochain ne menace donc en rien notre politique d'acquisition.

Quant aux acquisitions pour le futur musée du quai Branly, elles ont bénéficié d'une enveloppe globale de 150 millions, financée à parité par le ministère de la culture et par celui de l'éducation nationale entre 1998 et 2000. L'enveloppe ouverte à mon budget est de 15 millions de francs ; c'est la dernière tranche d'un effort très important. Nous tenons donc parole.

Ce budget permettra également de mettre en _uvre les mesures tarifaires destinées à élargir l'accès aux lieux de culture que j'ai annoncées le 23 juin dernier en conseil des ministres et dont plusieurs orateurs ont souligné l'intérêt : extension à l'ensemble des musées nationaux de la gratuité d'accès le premier dimanche de chaque mois, jusque-là limitée au seul musée du Louvre, gratuité d'accès aux monuments nationaux, le premier dimanche de chaque mois d'octobre à mai, extension aux 12-18 ans de la gratuité d'accès aux monuments nationaux, enfin tarif unique à 50 F le jeudi pour les cinq théâtres nationaux.

Pour être pleinement efficaces ces mesures tarifaires devront s'accompagner d'actions de sollicitations des publics de proximité, trop souvent négligés. Je veillerai à ce que les établissements placés sous la tutelle de mon ministère prennent pleinement en compte cet impératif.

A M. Herbillon, qui a évoqué l'idée d'un chèque personnalisé, je rappelle que j'ai signé en 1997 avec l'Association nationale des chèques-vacances une convention permettant de doubler le nombre de structures culturelles adhérentes -elles sont maintenant au nombre de 4 000, pour 4 millions de personnes. En outre, la loi contre l'exclusion prévoit un chèque personnalisé permettant l'accès à la culture des plus démunis : le décret d'application vient d'être signé. Enfin la charte conclue en juin dernier avec les fédérations d'éducation populaire vise à les impliquer davantage dans les actions de démocratisation culturelles. Nous ne nous contentons donc pas de mesures tarifaires.

Mais il est incontestable que les tarifs constituent un obstacle à une plus grande diversité sociologique de la fréquentation des lieux de culture. Demain, cette barrière sera moins sensible.

Ce budget marque par ailleurs un renforcement de l'action du ministère dans le domaine des enseignements, qu'il s'agisse des enseignements à vocation professionnelle ou de ceux destinés à favoriser une ouverture culturelle, notamment des jeunes.

En effet, c'est dès l'enfance et l'adolescence que le goût d'une pratique artistique doit être développé. Des mesures fortes seront mises en _uvre en 2000 : alignement du régime des bourses des étudiants des écoles d'art et des écoles d'architecture sur celui de l'Education nationale, mise en place d'ateliers de pratiques artistiques dans les lycées, en coopération avec l'Education nationale, enfin renforcement des concours de l'Etat aux écoles nationales et municipales d'arts plastiques et aux écoles nationales et conservatoires régionaux de musique.

M. Pinte a évoqué les tarifs appliqués par les écoles de musique aux élèves des classes bénéficiant d'horaires aménagés. La jurisprudence permet de moduler les tarifs dans le respect des principes généraux. L'Etat ne peut financer la totalité du coût de ces classes, j'y reviendrai.

Au total, les crédits d'intervention consacrés aux enseignements augmentent de 53 millions de francs soit 6,9 %. En outre, les moyens de fonctionnement des écoles d'architecture seront à nouveau augmentés.

La charte de l'enseignement spécialisé, évoquée par M. Douyère, est en cours d'élaboration, en étroite concertation avec les associations d'élus. Ce texte précisera que l'intervention en milieu scolaire est une mission essentielle de ces établissements et mettra l'accent sur les musiques nouvelles.

Le budget permettra, par ailleurs, d'entamer les travaux correspondant à la nouvelle carte de l'enseignement de l'architecture en Ile-de-France et de réaliser des opérations importantes en région. Le montant des autorisations de programme prévues à ce titre est porté de 55 millions à 120 millions de francs.

L'inscription de 172 millions de francs de mesures nouvelles au titre IV traduit la priorité donnée au spectacle vivant. Ce secteur bénéficiera à lui seul de 80 millions de francs de mesures nouvelles, enseignements compris.

En 2000, un haut niveau d'exigence sera maintenu à l'égard des acteurs culturels subventionnés. Si cette orientation n'est pas toujours gage de popularité, elle est nécessaire en raison des dérives observées dans certaines structures subventionnées, au détriment des objectifs de création et de diffusion artistiques. Je crois aussi que la capacité de renouvellement du secteur du spectacle vivant dépend d'une plus grande sélectivité du soutien financier apporté par les collectivités publiques.

Le soutien à la création sera renforcé en direction des compagnies chorégraphiques et dramatiques et des esthétiques nouvelles, telles que les arts de la rue, le cirque et les musiques actuelles. En ce qui concerne la Comédie italienne, évoquée par M. Plagnol, je souligne que le ministère de l'économie et des finances a apuré les dettes fiscales de cet établissement et lui a reconnu un statut favorable. J'ai proposé à la région et à la ville de Paris d'assurer sa pérennité par une subvention tripartite de 600 000 francs par an.

Pour autant les autres secteurs d'intervention du ministère, notamment la préservation du patrimoine, ne sont pas négligés.

Contrairement à ce qu'a affirmé M. Bourg-Broc dans son rapport : à structure constante, les subventions d'investissements attribuées aux propriétaires de monuments historiques n'ont pas diminué en 1999, mais augmenté de 6,4 millions soit 2,7 %. C'est sous l'ancienne majorité que ces crédits étaient passés de 412 millions de francs en 1996 à 239 millions en 1997, soit une réduction de 42 % (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

Quant aux chapitres budgétaires 56-20 et 66-20 concernant le patrimoine, ils représentaient, Monsieur Herbillon, 1,404 milliard en autorisations de programme en 1996 mais 1,174 milliard en 1997 après régulation, soit une baisse de 16 %. J'ai fait passer ces crédits à 1,645 milliard en 1998, 1,690 milliard en 1999 et 1,701 milliard en 2000. Je crois donc que notre volontarisme en ce domaine est évident (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR).

L'effort en faveur des musées, ne décline pas, bien au contraire : les crédits d'intervention du titre IV sont augmentés de 6 millions de francs pour mieux soutenir les expositions d'intérêt international organisées par les musées classés et contrôlés et concourir à la restauration des collections.

Quant aux concours aux investissements dans ces musées, ils sont passés de 75 millions en 1997 à 130 millions en 2000. Les choses avancent donc.

En ce qui concerne les musées nationaux, je souligne qu'en 2000 le musée Guimet va rouvrir ses portes, ainsi que le musée national d'art moderne et contemporain de Beaubourg.

Les moyens destinés aux conventions concernant les villes et pays d'art et d'histoire sont maintenus. Ceux consacrés au développement des conventions ville-architecture seront augmentés.

Enfin, les conventions ville-lecture seront développées afin de favoriser la lecture chez les publics qui en sont éloignés.

Vous vous êtes inquiété, Monsieur le rapporteur, de l'évolution du montant de la DGD par bibliothèque. Le parc des bibliothèques municipales est en effet passé de 930 en 1980 à 2 656 en 1998. Nous travaillons avec mon collègue Jean-Pierre Chevènement à la recherche d'une solution : sur les 1 000 projets déposés actuellement, seule une centaine pourrait être prise en compte si on n'augmente pas la part de la DGD consacrée aux bibliothèques.

Ce projet de budget traduit une autre priorité à laquelle je suis particulièrement attachée : le renforcement du soutien de l'Etat à la réalisation d'équipements culturels locaux dans les régions. La dotation passe de 397 millions à 490 millions de francs et cet effort bénéficiera notamment aux archives, aux équipements du spectacle vivant, aux musées classés et contrôlés et aux équipements culturels de proximité.

Depuis mon entrée en fonctions les subventions d'investissement pour la réalisation d'équipements culturels locaux ont doublé. Elles atteindront 490 millions en 2000, contre 234 millions en 1997. D'autre part nous maîtrisons le nombre et le coût unitaire des nouveaux équipements culturels nationaux à Paris. Le coût prévu pour la cité de l'architecture et du patrimoine est de 294 millions. Pour la maison cinéma, le coût total sera de 314 millions. L'installation du centre de la jeune création au Palais de Tokyo -qui est vide- coûtera 30 millions, l'institut national d'histoire de l'architecture 487 millions, l'ensemble de ces quatre projets coûte donc 1,125 milliard, ce qui est bien inférieur au coût des projets lancés précédemment à Paris.

Désormais les crédits destinés à la réalisation d'équipements culturels dans les régions vont faire jeu égal ou presque avec ceux consacrés aux équipements culturels nationaux à Paris. En 1997, le rapport était de trois à un en faveur de Paris. J'ai pris des engagements formels, je les ai tenus. Ce n'était pas le cas auparavant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Je souhaite faire évoluer cet équilibre dans un sens plus favorable encore aux régions.

Ce budget n'oublie nullement l'effort à mener pour la restauration du patrimoine. Si globalement les crédits du patrimoine n'augmentent que de 11 millions, soit + 0,7 %, les crédits hors opérations portant sur des palais nationaux -Grand Palais, Versailles- progressent de 108 millions, soit + 7,7 %, et même de 31,4 % pour les secteurs sauvegardés et espaces protégés. La ville est notre premier bien culturel, et mon ministère se doit d'améliorer la qualité du patrimoine urbain. Les subventions d'investissement pour la restauration de monuments historiques augmentent aussi de 59,6 millions, soit + 24,9 %. Il est vrai que parallèlement l'enveloppe consacrée aux grands palais nationaux diminue, de façon conjoncturelle. Mais les travaux au Grand Palais et à Versailles en 2001 et 2002 seront financés sur le budget de la culture et non imputés, à moyens constants, sur l'enveloppe des crédits du patrimoine.

On m'a interrogée sur la fondation du patrimoine. Elle est de droit privé et a vocation à s'occuper du patrimoine rural non protégé. Le gouvernement Juppé avait vu dans ce projet un moyen de désengager l'Etat. Il y a quelque contradiction à souhaiter un développement du mécénat et à demander que l'Etat mette de l'argent lorsque les fonds ne viennent pas.

M. Michel Herbillon - Il faut inciter au mécénat privé.

Mme la Ministre - Par ce soutien aux projets locaux et à la restauration du patrimoine, mon ministère pourra mieux répondre aux demandes de ses partenaires. Sur la première enveloppe de 95 milliards pour les contrats de Plan 2000-2006, la Culture, avec 2 milliards, est reconnue comme domaine d'intervention prioritaire de l'Etat. Nous voulons un réel partenariat et j'ai installé hier le conseil représentatif des collectivités locales. Nous y travaillerons au statut de l'établissement culturel local.

Ce budget traduit pleinement mon ambition de mieux faire partager la culture dans toutes ses formes d'expression.

On m'a également interrogée sur mes projets législatifs. Dès cette session vous sera soumis un projet de réforme de la loi de 1992 relative aux exportations d'_uvres d'art. L'Etat doit pouvoir, avec l'argent du contribuable, les acquérir à leur juste prix. Le projet relatif à l'archéologie préventive a été déposé sur le bureau de l'Assemblée et nous voudrions le faire inscrire à l'ordre du jour du premier semestre 2000. Par ailleurs, je souhaite faire évoluer la loi de 1913 qui permet de classer les objets afin de classer également les meubles qui se trouvent dans les monuments historiques.

Plusieurs députés DL - Très bien !

Mme la Ministre - La culture est un bien fragile. Je suis, vous le savez, très attentive aux négociations de l'OMC. C'est aussi un bien dont il faut encourager les formes d'expression dans leur diversité. Ainsi opposer soutien à la création et conservation du patrimoine serait réducteur...

Le partage de ce bien est aussi un aspect de l'intégration à notre société. C'est à cela que j'_uvre au sein du ministère. Où est le souffle, m'a-t-on demandé ? Je préfère le souffle du coureur de fond engagé dans un marathon à celui qui traverse parfois cet hémicycle à l'automne, dispersant les feuilles du budget sans qu'elles puissent former l'humus où s'enracinerait une vraie politique culturelle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur pour avis - J'avais posé deux questions à Mme la ministre sur le projet de loi concernant les musées et les archives. Peut-être aura-t-elle l'occasion de me répondre.

Mme la Ministre - L'avant-projet de loi sur les archives est actuellement soumis à l'examen interministériel. Ce projet sera présenté après celui relatif à l'archéologie préventive. En troisième lieu viendra le projet sur les musées qui est élaboré, mais dont l'inscription n'est pas programmée en raison d'un ordre du jour chargé.

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QUESTIONS

M. André Aschieri - Eviter la rupture entre science et société est un impératif citoyen. L'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques a ainsi organisé la première conférence de consensus sur les OGM. Depuis 1981, le ministère de la culture subventionne les associations qui _uvrent dans ce sens et a financé les centres de culture scientifique et technique régionaux, créé une commission de littérature scientifique au centre national du Livre et il exerce la cotutelle de la Cité des Sciences et de l'Industrie. Vous avez aussi confié à Gérard Paquet une mission de réflexion sur ces questions. Au moment où le ministère de l'éducation réorganise son dispositif dans ce domaine, le ministère de la culture doit tenir toute sa place.

Quelles sont vos orientations générales et quels moyens financiers allez-vous y consacrer, en dehors de la Villette ? Quelles sont les formes de collaboration avec les autres ministères ? Comment rééquilibrer les crédits entre la Cité des sciences et des institutions décentralisées ? Quelles suites seront données à la mission Paquet ? Enfin, comment assurer la présence de sciences à la télévision et quelle est votre position sur le projet de chaîne thématique ?

Mme la Ministre - Il faut en effet penser de façon nouvelle l'accès à la culture scientifique et technique. Suite au rapport Paquet la réflexion est engagée sur la diffusion de cette culture et la coopération entre institutions dépendant respectivement des ministères de l'éducation et de la culture.

J'ai fait valoir à Claude Allègre qu'il serait équitable que le partenariat entre nos deux ministères soit mieux équilibré, afin que le moins bien doté ne soit pas celui qui contribue le plus. Le Musée des arts et civilisations, ainsi que le Muséum rénové, devraient s'inspirer de ce principe, qui permettra d'additionner les atouts, complémentaires, des deux administrations et les compétences de leurs personnels.

M. Pierre Carassus - Trop de nos concitoyens, les jeunes en particulier, demeurent exclus des pratiques culturelles par la faiblesse de leur pouvoir d'achat, le coût de certains biens culturels étant élevé. On peut donc s'étonner que le disque, la vidéo et d'autres produits continuent d'être taxés au taux supérieur de la TVA. Le Mouvement des Citoyens demande au gouvernement français d'intervenir auprès des autres gouvernements de l'Union européenne pour que le taux réduit devienne applicable. Nous suivons également avec une grande attention les négociations de l'OMC, où nous avons à redouter une tentative de remise en cause de l'exception culturelle chère à notre pays. Vous avez déclaré que l'offre culturelle ne pouvait dépendre des seules lois du marché. Ce principe s'accommode-t-il du maintien d'un taux de TVA élevé ?

Mme la Ministre - Je suis tout à fait favorable, et nombre de mes collègues également, à l'abaissement de la TVA, en particulier sur le disque. Les règles communautaires s'y opposent, mais j'ai demandé, au conseil des ministres européens, que la Commission étudie l'ensemble de la fiscalité sur les biens culturels et ses effets, et j'entends profiter de la présidence française pour relancer le dossier.

M. André Aschieri - Le développement des multiplex pose le problème de l'aménagement culturel du territoire. 55 ont été créés à la dernière rentrée, soit 140 000 fauteuils supplémentaires, et 49 nouvelles autorisations ont été délivrées, ce qui portera le total à plus de 300 000. Il s'agit la plupart du temps d'entreprises uniquement commerciales, orientées vers le seul profit, projetant en masse des films américains qui n'auraient eu droit, sinon, qu'à une sortie en cassette. C'est une grave menace pour les salles de proximité, et un risque supplémentaire de dévitalisation pour nos centres-villes : nous rééditons la même erreur qui a été commise en matière d'urbanisme commercial.

M. Michel Herbillon - Très bien !

M. André Aschieri - N'est-il pas temps de décréter un moratoire ? je connais une petite ville qui s'apprête à se doter, avec l'aide du ministère de la culture, d'un complexe culturel comportant trois salles de projection et une médiathèque, tandis qu'un multiplex de 12 salles va voir le jour dans une grande ville très proche. Vous l'aurez deviné : la petite ville, c'est la mienne... (Sourires)

Mme la Ministre - La hausse de la fréquentation liée au développement des multiplex laisse au film français une part insuffisante : à peine plus de 30 % des entrées. Ma politique repose donc sur deux piliers : la maîtrise des implantations et l'aide aux exploitants de proximité, qui souffrent de ce phénomène. J'ai confié à M. Francis Delon, conseiller d'Etat, une étude sur l'adaptation nécessaire du cadre législatif et réglementaire, car la jurisprudence dont la CNEC jette peu à peu les bases ne garantit pas l'existence d'une véritable concertation avec les élus, ni la prise en considération de l'existence des petites salles, municipales ou d'art et d'essai. Je souhaite un développement plus équilibré, favorisant les équipements culturels plutôt que des supermarchés programmant des films déjà amortis sur le marché américain.

M. Gilbert Gantier - Je voudrais vous interroger sur le devenir de quelques musées nationaux situés dans le seizième arrondissement de Paris, sur la colline de Chaillot ou alentour. Il avait été question que le musée de la Marine cède la place au musée des Arts premiers ; je crois que l'idée est abandonnée, mais pouvez-vous me le confirmer ? Qu'en est-il du rapprochement du musée de l'Homme avec ce dernier ? Les travaux de restauration du musée des Monuments français, victime d'un incendie voici quelques mois, sont-ils en bonne voie ? Où en est la rénovation du musée Guimet, dont la réouverture prochaine est annoncée ? Le musée du Cinéma, qui devrait comprendre notamment l'ancienne cinémathèque de Chaillot, s'installera-t-il au palais de Tokyo ?

Mme la Ministre - Le musée de la Marine, qui dépend du ministère de la défense, restera au palais de Chaillot, de même que le musée des Monuments français, qui sera une pièce maîtresse du futur musée de l'Architecture et du Patrimoine. Le musée de l'Homme, en revanche, intégrera le musée des Arts et des Civilisations, rattaché au ministère de l'éducation nationale. Quant au musée du Cinéma et à la Bibliothèque du Film, ils prendront place dans l'ancien American Center, dont la réouverture est programmée pour le début de 2001 ; le coût aurait été deux fois plus élevé si l'option du palais de Tokyo avait été retenue. Ce dernier sera dédié, dans l'attente de son affectation définitive, à la jeune création contemporaine, qui manquait d'un lieu d'accueil dans la capitale ; une direction bicéphale sera chargée de mettre en _uvre, pendant trois ans, un projet artistique suivant un fil directeur. Ma conviction est qu'il ne convient pas de laisser des équipements inoccupés, ne serait-ce qu'en raison de leur coût d'entretien. Enfin, la rénovation du musée Guimet se déroule dans d'excellentes conditions, si bien qu'il rouvrira à l'automne 2000.

M. Jean Rigaud - Une somme de 131 502 072 F (Sourires) est inscrite au titre IV, chapitre 43-20 «Enseignement et formation». Je souhaite savoir quelle part de ces crédits est allouée au Centre national des arts culinaires, fondé en 1985 par M. Lang pour promouvoir l'art culinaire français, et qui gère notamment l'Ecole des arts culinaires, implantée à Ecully, près de Lyon. Ses investissements et son fonctionnement devaient être assurés par des subventions des ministères de la culture et de l'agriculture ; ce dernier s'était engagé à verser 3 millions pour chacune des trois premières années de fonctionnement.

En juillet 1986, après l'alternance politique, le CNAC est mis en sommeil. En 1987, la fondation Brillat-Savarin, créée par le groupe ACCOR, accepte par convention de prendre en charge la gestion de l'école, en y ajoutant une branche hôtellerie. A cette fin la fondation a favorisé la création d'une société anonyme, la SA-SIACH, qui a recueilli 16 millions auprès de partenaires publics et privés ; cette somme a financé le démarrage de l'école.

En 1988, un audit commandé par M. Jack Lang, redevenu ministre de la culture, préconise la suppression de la branche hôtellerie. En conséquence, la fondation Brillat-Savarin se retire en 1989. Pour pallier la défaillance du CNAC, une nouvelle association est créée avec le soutien du ministère de la culture. L'école a ouvert en octobre 1989, en empruntant 9 millions garantis pour 50 % par la ville d'Ecully.

En 1990, le CIACH et le CNAC fusionnent. Leur fonctionnement est assuré par les produits financiers des capitaux de la SA-SIACH, et par des subventions publiques.

M. le Président - Veuillez poser votre question.

M. Jean Rigaud - La commune s'étant engagée à rembourser la garantie de 50 %, le CNAC ne devrait-il pas lui reverser les intérêts perçus sur les 16 millions du groupe ACCORD, placés pour son compte ? (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre - La contribution du ministère de la culture au CNAC est de 1,3 million en 1999, inscrits au titre IV. Le ministère appuie les actions du Centre pour la préservation des savoir-faire d'excellence et l'inventaire du patrimoine culinaire des régions. En 1994 la fondation Brillat-Savarin a souhaité fusionner avec le CNAC, en raison de leur communauté d'objectifs. La dotation de la fondation n'était pas de 16, mais de 5,4 millions. Cette décision du conseil d'administration de la fondation concernait le seul CNAC, avec obligation de ne pas aliéner le capital. Le CNAC ne bénéficie que des intérêts perçus. Il n'a malheureusement pas vocation à financer des institutions d'enseignement des arts culinaires, et ne peut donc contribuer aux activités de l'école d'Ecully.

M. Henri Plagnol - Ma question concerne la fiscalité du marché de l'art. Vous avez reconnu, Madame la ministre, que l'ouverture du marché français des ventes aux enchères publiques devait s'accompagner d'une baisse de la fiscalité sur le marché de l'art, si l'on ne veut pas tuer la place de Paris. D'autant plus que la réforme des ventes aux enchères publiques a pris beaucoup de retard. Je veux évoquer deux taxes qui rapportent très peu au Trésor public, mais contribuent largement à la délocalisation des ventes. C'est tout d'abord la TVA à l'importation : toute _uvre extra-communautaire acquise par un Européen doit payer au moins 5,5 %, et parfois plus de 20 % du prix. Cette taxe, qui n'existe pas à New York, ne rapporte que 40 millions à l'Etat, et contribue fortement à faire fuir les marchés vers les Etats-Unis, ce qui n'est pas votre objectif. En second lieu, le droit de suite permet aux artistes ou à leurs ayants droit de percevoir 3 % de chaque adjudication d'une _uvre d'art moderne ou contemporaine. Ce droit n'existe ni à Londres ni à New York. Vous vous efforcez d'obtenir des Anglais l'application d'une politique aussi dévastatrice que la nôtre, mais cela ne résoudrait rien : les marchés ne feraient que se déplacer vers New York, Genève ou Monaco. Ce droit de suite pénalise grandement le marché de l'art en France. Vous engagez-vous à y mettre un terme ?

Mme la Ministre - Dans un marché très volatil et concurrentiel, il faut veiller à ce que les règles fiscales ne soient pas à l'origine de distorsions de concurrence. Quant à la TVA, une directive du 14 février 1996 a défini les modalités d'uniformisation de la taxation des transactions. Mais l'harmonisation n'était pas parfaite : le Royaume-Uni a obtenu par dérogation, jusqu'au 30 juin 1999, le droit d'appliquer un taux de 2,5 % au lieu des 5,5 % prévus par la directive. J'ai donc agi pour assurer une égalité de traitement fiscal entre les opérateurs français et les autres opérateurs communautaires, en demandant la suppression de la dérogation anglaise : c'est fait depuis le 1er juillet 1999. Quant au dispositif par lequel la France a assuré la transposition de la directive, il me semble mesuré. Il permet en effet aux négociants et aux galeries de ne retenir qu'une marge de 30 % du prix de vente, dès lors qu'ils réalisent des actions de promotion ou qu'ils ont des _uvres en stock depuis plus de six ans.

Les règles actuelles de la TVA ne sont donc pas de nature à nuire à la compétitivité du marché de l'art. C'est la conclusion de la Commission, dans son rapport d'avril 1999 : le code législatif en vigueur, estime-t-elle, suffit pour garantir la prospérité du marché communautaire de l'art. Mais bien sûr la France restera vigilante pour s'assurer du bien-fondé de cette analyse. Supprimer les distorsions de concurrence, mais aussi relancer la demande intérieure par des incitations fiscales ciblées, sont deux axes essentiels de ma politique. J'ai ainsi proposé de ramener de 7  à 4,7 % le taux de la taxe forfaitaire sur les ventes privées réalisées par des particuliers. Cette mesure, qui figure dans le projet de budget pour 2000, permettra d'harmoniser, de simplifier, et de développer les transactions puisqu'à partir du 1er janvier une taxe unique s'appliquera à toutes les ventes, publiques ou privées. D'autre part, pour encourager le mécénat, le projet prévoit d'admettre les versements concernés comme charges déductibles de l'entreprise versante, même si son nom est associé à la transaction.

En revanche, je ne peux pas du tout vous approuver sur le droit de suite. Il n'est pas question de supprimer ce prélèvement, qui correspond à un droit à la sécurité sociale des artistes plasticiens. Les pays attachés à ce qu'il y ait des artistes, et qu'ils soient reconnus, ne sauraient demander qu'il soit supprimé ou réduit. Reste à en convaincre quelques-uns, dont le Royaume-Uni, qui reste sur ce point éminemment libéral, ce en quoi vous semblez le rejoindre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Loos - Vous avez défendu, Madame la ministre, la charte européenne des langues régionales. Sa ratification devrait surtout servir à accroître le temps d'antenne en langues régionales, et le nombre des enseignants de ces langues. Ma question concerne les temps d'antenne de FR3, qui n'a pas assez de créneaux en régions pour faire face aux besoins. C'est vrai pour les langues régionales, mais aussi pour les manifestations culturelles : en Alsace, il n'est pas rare qu'elles fassent l'objet d'un court « flash » sur FR3, mais d'une émission beaucoup plus longue sur la télévision régionale allemande voisine. C'est vrai enfin pour les émissions régionales censées concourir au débat démocratique. La loi Bianco de 1992 comportait des mesures à ce sujet, mais cela ne marche pas. Ainsi les débats sur les dernières élections régionales étaient programmés à 22 heures 45 en semaine ; quant au récent débat sur le contournement de Strasbourg, il l'a été à 11 heures du matin. De tels horaires ne permettent pas à ces débats de contribuer au débat démocratique. Sur ces trois points -débat public, manifestations culturelles, langues régionales- l'insuffisance des émissions régionales est criante. Comment comptez-vous y remédier ?

Mme la Ministre - Cette question concerne peut-être plutôt le débat sur la vocation du service public audiovisuel. Son budget prend en compte pour la première fois la reconnaissance, que j'ai défendue au sein du Gouvernement, des langues régionales et minoritaires comme élément du patrimoine national. Nous avons le français, langue de la République, mais aussi les langues de France, qui doivent être promues. Quant à votre question, c'est dans le cadre de la réforme de FR3, de la redéfinition de ses missions et de sa grille -dans la perspective de la création du groupe France Télévision- qu'il sera possible d'y répondre.

Dans les dispositions que je mets au point avec le président de France 2 et FR3, j'entends bien préciser les voies d'un développement des informations et programmes régionaux, diffusés dans les langues régionales dans les régions où elles sont fortement pratiquées. Mais en même temps je souhaite préserver un équilibre : il ne serait pas bon que les chaînes FR3 en région deviennent des chaînes réservées à chaque région. Je souhaite que les programmes qui viennent des régions circulent sur tout le territoire. La vocation de FR3 est d'être une chaîne des régions, mais aussi une chaîne du lien des Français entre régions ; et à cet égard l'Ile-de-France aussi doit être considérée comme une région à prendre en compte.

M. Jean-Pierre Baeumler - J'ai salué en commission cet excellent budget, qui est à la hauteur de votre détermination, de votre énergie et de votre compétence. Il confirme la priorité que le Gouvernement accorde depuis 1997 à la culture et à la création.

Il va permettre d'élargir et de démocratiser l'accès aux lieux de la culture vivante.

Je relève surtout votre effort renouvelé en faveur des équipements culturels locaux. A la différence de la période 1993-1997, les engagements pris par l'Etat pour la réalisation de salles de spectacle ou de médiathèques seront tenus.

Saluons aussi le rééquilibrage des crédits d'intervention entre Paris et la province. Le taux de déconcentration atteindra 66,48 %, contre 58,9 % l'an dernier. Nous nous réjouissons de cette orientation nouvelle.

Cependant les crédits délégués en régions ne doivent pas être concentrés de façon abusive dans les villes chefs-lieux, mais irriguer l'ensemble des territoires.

Pouvez-vous donc me confirmer votre volonté d'accélérer la mise en _uvre d'une politique de soutien diversifiée des actions conduites par les collectivités locales ? Votre ministère sera-t-il bien un partenaire privilégié des politiques conduites dans le cadre des pays et des agglomérations ? Comment concevez-vous votre intervention dans les contrats éducatifs locaux ?

Mme la Ministre - Je vous remercie de votre appréciation élogieuse (Sourires). Le ministère de la culture sera bien un partenaire privilégié des politiques conduites dans le cadre des pays et des agglomérations. Le conseil des collectivités territoriales dont j'évoquais la création permettra de redynamiser le partenariat entre le ministère et les collectivités.

Les contrats éducatifs locaux bénéficient, au titre de mon ministère, de 7 millions de mesures nouvelles. Nous avons besoin de personnels supplémentaires dans les DRAC pour suivre ces nouveaux contrats.

Nous renforçons les moyens consacrés aux équipements culturels de proximité, en particulier dans le cadre des projets d'agglomération ou de pays. Ces crédits s'élèvent à 61 millions contre 30 millions en 1997. Les quartiers urbains et les zones rurales jusqu'à présent mal pourvus en bénéficieront en priorité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Bloche - A mon tour, je salue votre effort budgétaire et aussi la judicieuse répartition des crédits, en particulier du spectacle vivant, à hauteur de 80 millions, et de la danse.

La démocratisation culturelle n'est pas une entreprise aisée. Les enquêtes le montrent, les pratiques culturelles des Français ne changent guère. Ceux qui ont l'habitude d'aller au spectacle ou au musée continuent de le faire, sans que les publics s'élargissent réellement.

Je salue les mesures tarifaires annoncées, en particulier l'extension de la gratuité dans les musées, ou la place à 50 F le jeudi soir dans cinq théâtres nationaux.

Cependant, je constate comme élu parisien que la politique tarifaire menée par la ville a pour résultat principal que ceux qui vont régulièrement au cinéma, au théâtre ou au concert y vont simplement un peu plus, mais guère les autres.

Quelles mesures d'accompagnement de votre politique tarifaire envisagez-vous ?

Mme la Ministre - Vous avez raison, une politique de démocratisation ne saurait se borner à des mesures tarifaires. C'est très tôt, à l'école, qu'il faut procurer le bagage, la curiosité et le goût d'accéder aux _uvres d'art. C'est pourquoi l'enseignement artistique à l'école est pour nous une priorité.

Je souhaite développer aussi pour les jeunes un système de carte culture, permettant d'accéder pour une somme modique à tous les éléments du patrimoine national. Dans un pays républicain, où l'enseignement est gratuit, l'accès à la culture doit être lui aussi le moins coûteux possible. Nous travaillons dans ce sens avec les collectivités locales, y compris pour favoriser l'accès aux festivals d'été, avec l'aide de la SNCF.

La démocratisation se heurte à l'obstacle du revenu et à la distance sociale. C'est pourquoi nous demandons aux institutions, dans la charte des missions de service public, d'aller à la rencontre des populations exclues du domaine de la culture. Il faut travailler dans les quartiers, en zone rurale, en évitant l'excès de sectorisation.

Les pratiques amateurs offrent aussi un moyen efficace d'accéder à la culture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Bloche - Je salue également votre rôle international au service de la diversité culturelle et du pluralisme linguistique.

Comment amplifier la dimension internationale de l'action de votre ministère ? Je m'interroge aussi comme rapporteur du budget des relations culturelles internationales, qui dépend du ministère des affaires étrangères.

Au plan administratif, comptez-vous renforcer votre département des affaires internationales ? L'Association française d'action artistique s'est profondément réformée sous l'action de son nouveau directeur Olivier Poivre-d'Arvor. Elle se consacre à des opérations d'ingénierie culturelle. Le ministère de la culture devrait y être davantage présent, pour établir une véritable synergie avec le Quai d'Orsay.

L'action culturelle internationale passe aussi par tout ce que représente Paris, face à la concurrence de Londres, Berlin, Milan ou Barcelone. Je ne conteste pas la nécessité de rééquilibrer les crédits avec la province, mais l'Etat doit continuer de remplir dans la capitale son rôle historique de soutien aux grands équipements culturels, puisque la municipalité ne remplit pas ses obligations.

Mme la Ministre - Je souhaite renforcer notre action au niveau international et européen. Nous allons nous impliquer davantage dans la construction communautaire avec le plan Culture 2000, le nouveau programme Médias, le soutien à la création multimédias. Je mesure bien la nécessité d'une action collective lorsque mes collègues nous demandent des expertises dans le domaine des bibliothèques, ou pour la constitution du fonds de soutien à la création cinématographique. Nous disposons d'un DAI, que je souhaite placer auprès de la direction générale pour qu'il coordonne efficacement l'action des différentes directions, en mettant à leur disposition ses compétences juridiques et sa connaissance de la réglementation communautaire et internationale.

Nos interlocuteurs ont été fort étonnés de voir que, chez nous, le Premier ministre, le ministre de l'économie et de finances, celui du commerce extérieur et celui de la culture étaient désormais «sur la même longueur d'onde» ! De fait, nous avons mis au point une position commune à propos de l'AMI mais il faut que nous abordions les négociations de l'OMC en rangs encore plus serrés. C'est pourquoi nous nous emploierons, en nous appuyant sur l'AFAA qui est en effet experte en ingénierie culturelle, à mieux coordonner l'action du Quai d'Orsay et celle de mon ministère. Déjà, pour ne prendre qu'un exemple, j'ai décidé de recourir davantage à nos conseillers «audiovisuel» des ambassades de manière à être présents dans l'ensemble du monde, et j'ai demandé à Unifrance d'élaborer une stratégie internationale de sorte qu'artistes, professionnels de la culture et partenaires publics interviennent partout dans le même sens, en liaison avec les pays les plus proches de nos positions. Par ailleurs, nous ne négligerons ni les ressources de la coopération transfrontalière ni celles de la coopération décentralisée.

Nous progressons mais nous pouvons encore faire mieux. M Védrine et moi-même en avons la volonté, convaincus que nous sommes de la nécessité d'additionner nos budgets et nos efforts pour pouvoir réagir les premiers aux bouleversements de la société de l'information décrits dans votre rapport (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

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CULTURE ET COMMUNICATION

M. le Président - J'appelle maintenant les crédits inscrits à la ligne « Culture et communication ».

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ÉTAT B

Les crédits des titres III et IV, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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ÉTAT C

Les crédits des titres V et VI, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Ministre - Merci.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication, concernant la culture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

La suite de la discussion de la deuxième partie de la loi de finances est renvoyée à la prochaine séance .

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RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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