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Session ordinaire de 1999-2000 - 21ème jour de séance, 52ème séance

1ÈRE SÉANCE DU LUNDI 8 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite) 2

          ENVIRONNEMENT 2

          QUESTIONS 23

La séance est ouverte à dix heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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ENVIRONNEMENT

M. Yves Cochet, suppléant M. Michel Suchod, rapporteur spécial de la commission des finances - Le rapporteur spécial, que j'ai remplacé au pied levé...

M. Jean-Pierre Brard - Mais avec quel talent !

M. le Rapporteur spécial suppléant - ...se félicitait de la consolidation budgétaire et de l'innovation fiscale qu'apportait la loi de finances pour 1999.

Le budget du ministère de l'environnement a augmenté de 14,8 % en 1999 hors effet de la création de la TGAP. Il bénéficie à nouveau cette année d'une augmentation sensible de 8,6 %. Nous sommes heureux de cette évolution.

Quel est le bilan pour l'année qui s'achève ? Le ministère a consommé 1 881,5 millions, soit davantage que prévu dans la loi de finances initiale. 1999 aura aussi été l'an I de la fiscalité écologique, et 2000 en sera l'an II. En effet, Madame la ministre, pour reprendre le titre de votre livre-manifeste, vous avez osé «l'écologie et la solidarité».

Incarnation du principe pollueur-payeur, la nouvelle taxe générale sur les activités polluantes poursuit d'abord un objectif écologique : son assiette et ses taux visent à dissuader, par un effet-prix, les agents économiques d'adopter des pratiques nuisibles à l'environnement. Se substituant dans un premier temps à cinq taxes existantes, la TGAP a désormais acquis sa place dans le paysage fiscal français.

Je me félicite que les dispositions relatives à la TGAP figurent désormais dans les projets de loi de financement de la Sécurité sociale et non plus dans les projets de loi de finances. Chacun doit en effet comprendre que cette taxe n'est pas une punition ou un impôt de plus, mais un vecteur de solidarité sociale, puisque son produit sert à réduire d'autres prélèvements, notamment ceux qui pèsent sur le travail. Il servira ainsi en 2000 à financer l'allégement des cotisations patronales de Sécurité sociale.

Je note trois avancées majeures dans le projet de budget pour 2000 : la poursuite du renforcement des moyens du ministère ; l'élargissement de l'assiette de la TGAP ; la régulation budgétaire et l'ADEME.

Les crédits de l'environnement progressent de 8,6 % en 2000 -contre 0,9 % pour l'ensemble du budget de l'Etat- pour s'établir à 4 297 millions, dont près de 54 % seront consacrés à des mesures nouvelles. Plus des trois quarts de ces mesures concernent la prévention de la pollution et les risques.

Les crédits consacrés au soutien des politiques environnementales constituent une nouveauté dans la présentation du budget de l'environnement. Trois secteurs -l'administration générale, la connaissance de l'environnement, la coopération internationale et la recherche- ont été regroupés. Les crédits inscrits dans ce nouvel agrégat augmentent de 19 % en 2000 en dépenses ordinaires et crédits de paiement, passant à 995,5 millions. En revanche, les autorisations de programmes diminuent de 8 %.

La consolidation du ministère s'affirme.

L'essentiel de l'augmentation s'explique par la progression de 16 % des effectifs. Le projet de budget comporte en effet la création de 140 emplois nets et 70 transferts. Enfin, le rebudgétisation des crédits de rémunération d'ingénierie publique et des fonds de concours correspondants entraîne l'inscription de près de 50 millions supplémentaires, soit près du tiers de l'augmentation des dépenses de personnel l'année prochaine.

Ce renforcement n'est pas seulement quantitatif. Une direction des études économiques et de l'évaluation environnementale va être créée, qui sera chargée, en relation avec chaque direction ou délégation du ministère, d'évaluer les politiques publiques au regard des critères d'environnement et de développement durable du territoire. Elle conduira également des missions de réflexion interministérielle, sensibilisera et conseillera les acteurs socio-économiques. 8 millions seront consacrés à sa mise en place.

L'Institut français de l'environnement jouera, lui aussi, un rôle essentiel. Service statistique du ministère de l'environnement, chargé d'élaborer et de diffuser la documentation et l'information sur l'environnement, l'IFEN est aussi appelé à travailler avec les autres ministères.

Les crédits alloués au ministère de l'environnement pour la recherche relèvent du budget civil de la recherche et du développement. En 2000, ils s'élèveront à 82,4 millions en dépenses ordinaires et crédits de paiement.

Enfin, cette dynamique au profit de l'environnement est confirmée par le renforcement du Fonds de solidarité pour l'eau, après une année entière de lutte assidue.

J'en viens à la TGAP. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000 modifie ses taux, élargit son assiette et affecte son produit à l'allégement des cotisations patronales de Sécurité sociale. L'augmentation des taux existants et cette nouvelle affectation ne posent pas de problème. Avec la TGAP, on gagne sur deux plans puisqu'elle incite à des pratiques plus respectueuses de l'environnement et qu'elle a un effet redistributif. C'est la fameuse théorie du double dividende, dont on ne sait si la paternité revient à M. Malinvaud ou à M. Lipietz, et qui est d'ailleurs peut-être même dépassée puisqu'un des rapporteur du projet de loi de financement de la Sécurité sociale a parlé de triple dividende... (Sourires)

Deux craintes exprimées l'an passé par le rapporteur spécial concernant les mesures de régulation budgétaire frappant le ministère de l'environnement et la pérennité des subvention de l'ADEME n'ont plus d'objet.

Ce budget pour 2000 nous laisse toutefois quelques regrets.

Les taxes et les redevances sur les installations classées ont été intégrées dans la TGAP mais la nécessité de taxer d'égale façon décharges internes et décharges externes n'est toujours pas prise en compte. Par ailleurs, nous regrettons l'absence de redevances sur les installations nucléaires de base.

M. Robert Galley - Sans doute pour favoriser l'effet de serre !

M. le Rapporteur spécial suppléant - Ne pensez-vous pas que les INB sont assimilables à des installations classées ?

Cette redevance s'élèverait seulement à 600 millions et ne devrait pas être budgétisée. Je déposerai un amendement à ce sujet. Une solution semblable devrait s'appliquer aux usines d'incinération.

S'agissant des lessives phosphatées, nous sommes fiers d'être parvenus à classer les lessives en trois catégories selon leur toxicité. Mais il ne faut pas baisser la garde. Il n'est pas normal, en effet, s'il s'agit bien d'une écotaxe, que n'existe pas un tranche à taux zéro pour les lessives ne polluant pas ou peu. L'amendement voté par l'Assemblée nationale sur ce point a malheureusement aggravé le dispositif proposé initialement par le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. le Rapporteur spécial suppléant - Enfin, la toxicité des engrais appelle une taxation à l'excédent. Le ministère des finances nous a promis d'introduire cette disposition dans la réforme des redevances pour l'année 2001-2002. Nous le lui rappellerons au moment voulu.

Au total, nombre de dossiers progressent, mais beaucoup de promesses ont été faites, suscitant une immense attente. Le rapporteur spécial suppléant que je suis en prend acte. Le député Vert que je suis s'en enthousiasme, heureux de voir gagnées quelques-unes de nos batailles de longue date, espérant que les prochaines rencontreront l'adhésion de tous les membres de la majorité plurielle. Ce sont les premiers pars vers un développement durable. C'est pourquoi, je vous appelle, Madame la ministre, à défendre nos positions lors des prochaines négociations de l'OMC et lors de la prochaine présidence française de l'Union européenne. Je vous demande, mes chers collègues, de voter ce budget prometteur (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Brard - Enthousiasme sans ivresse !

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis de la commission de la production - Le projet de loi de finances pour 2000 confirme que la protection de l'environnement constitue désormais une des principales priorités du Gouvernement. S'élevant à 4,298 milliards, les crédits de l'environnement progressent de 8,6 % par rapport à 1999, ce qui marque une rupture très nette avec la politique suivie par les gouvernements précédents. Le ministère de l'environnement n'est plus désormais un ministère d'affichage, doté d'un budget modeste, mais bien un ministère de plein exercice.

Ainsi la progression des dotations budgétaires permettra en particulier d'asseoir l'autorité technique du ministère par la création d'une nouvelle direction centrale chargée des études économiques et de l'évaluation environnementale des politiques publiques. La D4E aura la tutelle de l'Institut français de l'environnement, l'IFEN, dont les crédits augmentent fortement et de la commission des comptes de l'économie de l'environnement. Ce sera donc une unité permanente de conseil dans la définition et la mise en _uvre des politiques publiques ayant un impact environnemental.

Madame la ministre, vous avez annoncé, en commission, la sortie prochaine des textes fixant les attributions de la nouvelle direction. Pourra-t-elle s'autosaisir ?

Dans le même temps, la capacité d'expertise est affirmée par le renforcement des directions régionales de l'environnement, les DIREN, qui constituaient un rouage essentiel, mais manquaient de moyens. La modernisation entreprise en 1998 se poursuivra en 2000 par la création de 36 postes, une progression de 20 % des crédits de fonctionnement et une progression de 40 % des crédits d'investissement.

En outre, les crédits affectés par l'Etat au volet «Environnement» des contrats de plan double pour s'établir à 2,6 milliards. S'y ajoutent les dotations des grands programmes inter-régionaux : plan Loire, territoire Saône-Rhin, Mont-Saint-Michel.

Les crédits pour la prévention des pollutions, des nuisances et des risques naturels augmentent de 4,4 %. Les AP pour l'INERIS et l'ADEME progressent respectivement de 24 % et 8 %. Les quatre-cinquièmes des crédits affectés à la prévention des risques naturels -en augmentation de 13,6 %- sont consacrés à l'établissement des plans de prévention des risques naturels prévisibles, les PPR, et aux dossiers communaux synthétiques. Les AP pour la prévention des risques naturels font plus que doubler en 2000.

L'ensemble des dépenses ordinaires et des crédits de paiement relatifs à la lutte contre la pollution atmosphérique progresse de 8,1 %. Plus de la moitié est destinée à la mise en _uvre de la loi du 30 décembre 1996. Je regrette cependant le retard dans la mise en place des plans de déplacements urbains, les PDU, qui doivent constituer le c_ur de la lutte contre la pollution atmosphérique et de la lutte contre le bruit. Peut-on envisager des mesures pour accélérer les choses ? Si l'application de la loi sur l'air est satisfaisante, je suis au regret de constater que, du côté notamment du ministère des transports, certains décrets et arrêtés ne sont toujours pas publiés. Je souhaiterais, Madame la ministre, que vous fassiez le point sur la mise en _uvre des engagements pris par la France à Kyoto il y a deux ans.

Les crédits consacrés à la prévention des risques industriels affichent une progression de près de 40 % et vont permettre la mise en _uvre de la directive «Seveso II» sur les substances dangereuses.

La lutte contre le bruit est une exigence essentielle ; de toutes les nuisances, c'est celle qui perturbe le plus la vie quotidienne de nos concitoyens. M. Lamure, dans un rapport sur la résorption du bruit dû aux transports terrestres remis en décembre 1998, montre les conséquences néfastes de l'exposition au bruit pour la santé humaine, ainsi que la progression de l'inégalité sociale face au bruit. Ce sont les populations les plus fragiles socialement qui sont les plus exposées aux nuisances sonores et on constate une paupérisation des zones les plus bruyantes.

La lutte contre le bruit doit devenir une priorité nationale. En tant que nouveau président du Conseil national du bruit, je ne peux que regretter que les dépenses ordinaires et les crédits de paiement affectés à la lutte contre le bruit dépassent à peine 20 millions, soit 0,9 % des dépenses consacrées à la prévention des pollutions et des risques, même si je me réjouis de l'augmentation de 44 % des autorisations de programmes dans ce domaine. De même, je m'inquiète de la part insignifiante consacrée à la lutte contre le bruit dans le volet «Environnement» des futurs contrats de plan Etat-région -4 millions seulement sur 200 millions dans la région PACA, m'a précisé Michel Vauzelle, en réponse au courrier que j'ai adressé à tous les présidents de conseils régionaux. Comment rattraper sur dix ans les situations existantes si l'Etat n'est pas plus incitatif ? Si votre ministère n'est pas le seul concerné, et de loin, il faut qu'à votre initiative la lutte contre le bruit soit au c_ur des préoccupations de l'action gouvernementale. La qualité de vie de nos concitoyens en dépend.

En ce qui concerne l'ADEME, les critiques sur sa gestion ne sont plus aujourd'hui de mise. Un effort de réduction des dépenses publiques important a d'ailleurs été réalisé s'agissant des déchets. Certes les autorisations de programme qui sont accordées à l'agence au titre de subventions d'investissement représentent 40 % du budget total de l'environnement et sont en hausse de 7,8 %. La création de la TGAP a entraîné la suppression des cinq taxes fiscales et parafiscales, dont deux perçues par l'ADEME, suppression compensée par une dotation budgétaire.

Des inquiétudes se font cependant jour quant à la capacité de l'agence à assumer ses missions en matière d'aide aux riverains d'aérodromes et de gestion des déchets ménagers.

Les dotations consacrées à l'isolation acoustique au voisinage des aéroports sont reconduites à hauteur de 84,5 millions, alors que les besoins seront d'au moins 120 millions à 150 millions au vu des dossiers actuellement à l'instruction. Cette situation est inacceptable. Les mesures positives prises par le Gouvernement pour augmenter le nombre des ayants droit à l'aide à l'insonorisation doivent être financées, d'autant que l'ADEME ne pourra plus, en 2000, jouer sur des redéploiements. L'insonorisation des habitations soumises à des nuisances de plus en plus fortes du fait de la hausse du trafic aérien ne peut être considérée comme un luxe : c'est un droit !

Les crédits consacrés à la politique de gestion des déchets ménagers et assimilés suscitent le même type d'inquiétude. Les collectivités locales sont mobilisées pour mettre en _uvre les plans départementaux d'élimination et préparer pour 2002 la fin de la mise en stockage des déchets non ultimes et l'ADEME est donc saisie de nombreuses demandes de soutien financier à des opérations de collecte sélective, de traitement, de recyclage et d'élimination des déchets. La simple reconduction des crédits 1999 ne pourra donc suffire, malgré la baisse de la TVA et la mise en place d'instruments plus incitatifs par les sociétés Eco-emballage et Adelphe. Cette année, le budget initial de 811 millions a bénéficié de redéploiements pour 320 millions, mais ce total de 1 231 millions s'est avéré insuffisant. L'impasse pourrait atteindre 654 millions en 2000 ! Il est donc impératif qu'à l'occasion du prochain collectif budgétaire l'ADEME puisse bénéficier de moyens supplémentaires dont la consommation sera d'ailleurs favorable à l'emploi. Pouvez-vous nous donner des assurances à ce sujet ?

Les dépenses affectées à la protection de la nature, des sites et des paysages progressent de près de 13 %. Un effort important pour les zones naturelles sensibles permettra de répondre aux exigences communautaires et de combler le retard pris par le précédent gouvernement. Ainsi, le Fonds de gestion des milieux naturels, créé par la loi du 25 juin 1999 et déjà doté par anticipation par la loi de finances pour 1999, bénéficie d'une progression de plus de 26 % de ses crédits, afin de déterminer les sites du réseau Natura 2000 et de poursuivre le soutien aux 37 parcs naturels régionaux. Trois nouveaux parcs devraient être créés en 2000, dont l'un, celui des Trois forêts, me tient particulièrement à c_ur -à vous aussi, Monsieur Cochet !

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant - Et à M. Houillon !

M. le Président - Justement, je voulais vous inviter à conclure, Monsieur Blazy, car vous avez dépassé votre temps de parole.

M. le Rapporteur pour avis - Les crédits alloués aux parcs nationaux augmentent de 5 % en dépenses ordinaires et de près de 15 % en subventions d'investissement afin de financer en particulier le nouveau parc national en Corse, ce qui pourra constituer un moyen original de renforcer l'Etat de droit sur l'île, en permettant de prévenir certaines dérives urbanistiques. Cette augmentation permettra aux 7 parcs existants de poursuivre leur modernisation. De plus, je me félicite qu'un effort particulier soit engagé pour les zones périphériques.

Le budget du conservatoire du littoral et des rivages lacustres reste stable même si un transfert de la section investissement à la section fonctionnement a été opéré pour créer cinq postes supplémentaires. Madame la ministre, si un effort significatif n'était pas entrepris dès l'année prochaine, les missions assignées au conservatoire s'en trouveraient affectées.

M. le Président - Vous avez dépassé de 50 % votre temps de parole. Concluez !

M. le Rapporteur pour avis - Je n'en ai plus pour longtemps.

Pouvez-vous, Madame la ministre, nous rassurer sur ce point ?

Je me félicite de la forte augmentation des dépenses de fonctionnement consacrées à la protection des sites et paysages.

La mise en place d'un nouveau compte spécial du Trésor alimentant le fonds national de l'eau, ainsi que la montée en puissance de la TGAP illustrent la capacité du ministère de mettre en place de nouveaux instruments au service de l'environnement.

M. le Président - Vous avez très largement dépassé votre temps de parole. Je vous demande de conclure maintenant.

M. le Rapporteur pour avis - Elle constitue la première manifestation d'une politique interbassins fondée sur la solidarité.

M. le Président - Si vous ne tenez pas compte de ce que je vous dis, je vais couper le micro.

M. le Rapporteur pour avis - Je conclus. Par ailleurs, 94 millions sont consacrés à des économies nouvelles portant sur l'économie de l'eau en habitat social et sur les opérations de restauration en milieu aquatique pollué.

Ce budget est celui de la maturité. Je souhaite qu'à l'occasion de la présidence française, vous soyez le moteur d'une véritable politique européenne de l'environnement. La progression de 11 % des crédits d'action internationale du ministère traduit votre détermination.

Persuadé que vous répondrez aux questions qui subsistent...

M. le Président - Vous ne tenez pas compte de ce que dit la présidence pour laquelle vous n'avez manifestement aucun respect. Je coupe le micro.

Je suis tolérant, mais vous avez doublé votre temps de parole. Nous passons aux inscrits. En toutes choses il faut de la mesure !

M. le Rapporteur pour avis - Vous n'en avez guère !

M. Bernard Deflesselles - L'environnement est-il encore une priorité du Gouvernement ? Oui, dites-vous en avançant le renforcement de vos moyens et la naissance d'une écotaxe. Non, en fait l'environnement n'est pas une priorité du Gouvernement. La progression du budget ne peut faire illusion. Elle est moindre que l'an dernier, et le montant reste proche d'epsilon : 4,3 milliards sur 1 685 milliards, c'est 0,25 % du budget de l'Etat, l'un des quatre plus petits postes budgétaires.

Vous n'avez donc pas les moyens de votre ambition, qui est de constituer un grand ministère de plein exercice. Nous y sommes d'ailleurs opposés. Nous disons oui à un ministère de mission, de médiation, non à un ministère de gestion tentaculaire, au détriment des administrations voisines d'ailleurs. Non à l'écologie administrée et bureaucratique. Vous souhaitez utiliser quelques centaines de fonctionnaires supplémentaires, nous voulons impliquer 60 millions de citoyens. Vous multipliez la parafiscalité, nous souhaitons substituer une fiscalité écologique à d'autres impositions.

Ce budget est déséquilibré. Les moyens de fonctionnement augmentent très fortement, de 21 % au titre III, les allocations et indemnités diverses de 250 % dont 170 % pour la seule administration centrale. Le titre IV relatif aux interventions publiques progresse de 14 %. Au total, les dépenses ordinaires augmentent de 19,34 %. L'environnement est fonctionnarisé.

A contrario, les investissements exécutés par l'Etat ne progressent que de 5 %. Ces crédits consacrés à l'équipement immobilier des services progressent, ceux destinés à prévenir les pollutions et les risques sont en forte baisse. Les subventions d'investissement sont en très faible augmentation.

Au-delà de ce déséquilibre global -19 % d'augmentation pour le fonctionnement, 2 % pour l'investissement- on relève des déséquilibres sectoriels. Le budget de la recherche ne progresse que de 2 %, et ses 82 millions ne représentent que 1,9 % du budget de l'environnement. Cela ne répond pas du tout aux préoccupations de nos concitoyens, ni aux défis à relever.

D'autre part, les crédits de la politique de l'eau et de la protection des milieux aquatiques baissent de 0,58 % hors fonds spécial. Celui-ci est un nouveau compte spécial du Trésor doté de 500 millions ponctionnés sur les agences de l'eau, dont vous réduisez ainsi l'autonomie de gestion. Ces opérations comptables sous couvert de solidarité remettent en cause l'idée d'une politique ambitieuse.

Vous avez ainsi pris le parti de budgétiser l'ADEME, en échange de quoi vous lui attribuez une subvention d'équilibre qui représente 50 % de son budget. L'agence perd donc ainsi une partie de son autonomie et ses incessants changements de critères, mal compris, la mise à mal de paritarisme, fragilisent la politique qu'elle mène.

En second lieu, ce budget est inefficace. Il l'est dans la gestion des effectifs, la multiplication des structures, la fiscalité. La création de 140 postes et le transfert de 70 autres, l'apparition d'une nouvelle direction marquent le passage d'une administration de mission à une administration de gestion. En outre, il y a une recentralisation des procédures de décision et de gestion. Les structures dépendantes, associées ou extérieures -agences, missions, conseils- se multiplient, s'empilent au détriment de la transparence. 1 500 associations sont agréées et touchent des subventions. Or il n'y a pas de bilan ni d'évaluation de leurs activités en faveur de l'environnement.

Enfin, 1999 devait être une révolution, l'an I de la fiscalité écologique. Force est de constater que vous prenez plutôt une mesure d'ancien régime.

M. Jean-Pierre Brard - Vous êtes expert !

M. Bernard Deflesselles - Moins que vous ! La TGAP avait toutes les qualités. Elle regroupait les taxes existantes et permettait la mise en _uvre du principe pollueur-payeur. Après plus d'un an et quelques révoltes -les agences de l'eau puis les agriculteurs- même les plus enthousiastes sont déçus. Elle devait viser spécifiquement ce qui pollue ; toutes les lessives sont taxées. Elle se voulait moderne ; la passe d'armes avec les agences de l'eau n'a guère laissé de doute sur les motivations du Gouvernement. Elle allait être efficace ; pour les pollutions agricoles on n'a pas retenu dans l'assiette les émissions d'azote, mais les produits phytosanitaires, ce qui laisse tout le monde sceptique. Sa non affectation a fait long feu. La TGAP finance les 35 heures.

M. le Rapporteur spécial suppléant - Non, les allégements des cotisations sociales !

M. Bernard Deflesselles - La TGAP repose sur des assiettes larges, avec des taux faibles, et n'a rien d'une fiscalité incitative. Mais le pire est à venir. En 2001, elle sera élargie aux consommations intermédiaires d'énergie. On en attend 2 milliards cette année, 3 à 3,2 milliards en 2000, 6 à 6,5 milliards en 2001, 8 à 9 milliards en 2002. Mais elle ne se substituera pas aux impôts existants. C'est bien un nouvel impôt sans bénéfice pour l'environnement, mais tout entier utilisé à financer les 35 heures ; c'est finalement un permis de polluer qu'on pourra s'acheter en toute tranquillité.

Le groupe DL votera contre ce projet qui ne relève pas les défis, ne dit pas quelle place tiendront la science et la recherche dans ce domaine, ne répond pas au besoins d'information, de transparence et de sécurité. Les vrais enjeux ne sont pas suffisamment mis en avant : lutte contre le bruit, contre la pollution atmosphérique, sécurité sanitaire et alimentaire, fiscalité allégée sur les carburants propres et encourageant les véhicules électriques. Nous voterons contre une fiscalité qui n'encourage pas la responsabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jacques Pélissard - Ce budget a, bien sûr, des aspects positifs et négatifs. L'augmentation de 8,6 % des crédits et de 5,9 % des AP va dans le bon sens. Bonne chose également que la «consolidation» du ministère pour utiliser le terme de M. Suchod, avec 140 emplois nouveaux dont 50 pour l'inspection générale de l'environnement. La création d'une direction des études et de l'évaluation est pertinente, de même que le renforcement des DIREN -en particulier en Franche-Comté. Pour les DRIRE, avec le renforcement du contrôle des installations classées, 34 postes ne sont pas de trop. Notre jugement est également positif en ce qui concerne la dotation de l'IFEN et les crédits de recherche-développement. Enfin, la dotation du Fonds de gestion des milieux naturels croît de 47,4 %, passant de 164 à près de 242 millions en dotations ordinaires et en crédits de paiement.

Est-ce à dire que tout, dans ce budget, serait beau et clair ? Non car, comme je l'ai fait observer à M. Cochet lorsque nous discutions de la loi de financement de la Sécurité sociale, ce Gouvernement se contente trop souvent de déclamations, en particulier pour la fiscalité de l'environnement. Ainsi, l'an dernier, vous avez décidé de réduire l'écart entre la TIPP sur le super sans plomb et la TIPP sur le gazole, «carburant nocif». Le but a peut-être été atteint, mais n'auriez-vous pu y parvenir sans instituer, comme vous l'avez fait, un nouveau prélèvement sur les entreprises et les ménages ? Entre mai 1997 et août 1999, la charge fiscale pesant sur les deux carburants s'est en effet alourdie.

Deuxième exemple : la TGAP, que M. Cochet voudrait rebaptiser «pollu-taxe» ou «écotaxe». L'an dernier, vous avez proclamé que vous entendiez respecter le principe de l'universalité budgétaire et M. Sautter s'était de même prononcé contre l'affectation de cette recette. En revanche, MM. Alaize et Suchod avaient souhaité que la TGAP serve exclusivement la protection de l'environnement et qu'un lien soit donc institué entre cette taxe générale et les crédits de votre ministère, pour éviter, disaient-ils que ce pari risqué ne se transforme en marché de dupes. Je note qu'aujourd'hui que tous deux se montrent fort discrets : en effet, si cette ressource est désormais affectée, elle l'est aux réductions de charges, au bénéfice des entreprises passant aux 35 heures.

M. le Rapporteur spécial suppléant - N'auriez-vous pas compris le mécanisme du double dividende ?

M. Jacques Pélissard - J'y viens. Mais qui dit double dividende dit premier et second dividendes. M. Suchod que vous suppléez insiste dans son rapport pour que «la poursuite du second dividende ne pervertisse pas la logique écologique de la TGAP», surtout si la fiscalité écologique devait être «étendue à d'autres intrants utilisés dans l'agriculture». Or que constatons-nous ? Les lessives sans phosphates sont taxées comme les autres ! On voit donc bien que le but était avant tout de créer un impôt nouveau !

De même, alors qu'on demande aux collectivités de se doter des moyens de mieux gérer les déchets ménagers, la TGAP est identique que les déchets ultimes soient recueillis dans des centres d'enfouissement et des décharges conformes aux normes fixées pour 2002 et à votre arrêté du 9 septembre 1997 ou qu'on fasse n'importe quoi ! On en arrive ainsi à financer des dépenses qu'on souhaite voir décroître : où est la logique ?

Dernier exemple : le 22 octobre 1998, je vous demandais si l'Etat s'engageait à maintenir les taux de l'aide à l'investissement consentie par l'ADEME. A l'époque, les crédits de l'agence s'élevaient à 811 millions. Mais, dès le début de cette année, elle a gelé une partie des demandes présentées par les collectivités pour financer leurs opérations de collecte sélective et de tri et, dès mai, elle a réduit de quelque 40 % le taux de ses aides, de sorte que beaucoup de collectivités se sont trouvées en situation difficile !

En 1999, les investissements se sont élevés à 4 milliards environ. En 2000, selon une étude de l'ADEME -mais l'association des maîtres d'_uvre des réseaux de chaleur le confirme- ils devraient passer à 7 ou 8 milliards, soit 50 % de plus à peu près. Or les crédits de l'ADEME ne croîtront que de 10 %. On ne voit donc pas comment l'agence ne pourrait pas, à nouveau, revoir les taux d'aide.

Quels que soient les éléments positifs de ce budget, l'organisation de cette fiscalité qui n'a d'écologique que le nom nous inquiète, et ce d'autant qu'il pourrait y avoir extension aux secteurs de l'énergie et de l'eau. D'ores et déjà, le nouveau fonds de solidarité pour l'eau a 4 à 5 % des recettes des agences de bassin : la politique patiente et courageuse menée depuis trente ans ne va-t-elle pas être mise à mal ?

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR ne pourra voter ce budget ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

M. Jean-Michel Marchand - Progression de 8,6 % des crédits de l'environnement et renforcement des moyens destinés à l'aménagement du territoire : c'est bien un ministère de plein exercice que vous avez réussi à construire, Madame la ministre !

Les préoccupations de nos concitoyens sont nombreuses et urgentes : pollution de l'air et de l'eau, lutte contre le bruit, gestion des déchets, prévention des risques, préservation des sites... Je n'aurai garde d'oublier non plus la sécurité sanitaire et la qualité alimentaire : même si ces tâches ne relèvent pas strictement de votre responsabilité, les mesures prises pour la lutte contre les pollutions y participent fort heureusement et l'INERIS pourra, grâce à une augmentation de 24 % de ses capacités d'investissements, intervenir dans le domaine de l'écotoxicologie et assurer ainsi sa place au sein d'une future agence de sécurité sanitaire.

Ce ministère est également de plein exercice parce que vous le dotez d'outils nouveaux : ainsi la Direction des études économiques et de l'évaluation environnementale permettra de lier économie et environnement au bénéfice des initiatives prises ici ou là. Je pense par exemple à ce qui s'est fait à Montreuil-Bellay en Maine-et-Loire, où acteurs socio-économiques et élus ont engagé, sous l'égide du Parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine une réflexion sur la maîtrise de l'environnement au sein de la principale zone industrielle du Saumurois, avec pour objectif le développement durable dans un environnement de qualité.

Vous avez su aussi renforcer l'ADEME, en particulier pour ce qui est de la gestion des déchets ménagers et assimilés. S'ajoutant à la baisse du taux de TVA sur la collecte sélective et à l'aide accrue d'Eco-emballage, il y a là un soutien important aux collectivités locales au moment où s'élaborent les schémas départementaux de traitement des déchets. Vous avez souhaité une diversification des technologies d'élimination des déchets en posant une obligation de tri et de recyclage et vous en avez fourni les moyens.

Il subsiste cependant une distorsion dommageable aux usagers de chaufferies urbaines incinérant les déchets. Ils restent soumis à une TVA à 20,6 % alors que les abonnés aux réseaux de gaz et d'électricité bénéficient du taux réduit. Je souhaite que le budget supprime cette incohérence.

Ce ministère est aussi de plein exercice pour la protection de l'eau et des milieux naturels, grâce aux moyens nouveaux fournis par le Fonds national de solidarité pour l'eau, mais aussi grâce à une politique s'appuyant sur la péréquation interurbaine et la solidarité nationale et grâce aux deux programmes décennaux : le plan décennal de prévention des risques naturels et le plan Loire Grandeur nature.

La loi d'orientation, qui a institué un schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux a aussi créé le Fonds de gestion des milieux naturels. Les retards pris dans ce domaine sont de fait patents. La mise en _uvre de la directive Habitat du réseau Natura 2000 nécessite des crédits, mais aussi beaucoup de pédagogie.

J'étais samedi dans le marais de Guérande et ai constaté que le dialogue y est difficile entre les différents utilisateurs de cet espace fragile. Mais certains élus se plaignent de n'être pas éligibles aux fonds structurels européens alors même qu'ils ne font rien pour accélérer la mise en _uvre du réseau Natura 2000 : n'y a-t-il pas là une incohérence ?

S'agissant de la TGAP, je ne reviendrai pas sur les vertus du double ou du triple dividende qui consacre l'an II de la fiscalité écologique avec la généralisation du principe pollueur-payeur à l'agriculture et au domaine de l'eau, avec les imperfections qu'a rappelées M. Cochet. S'il doit avoir une incidence sur les décisions de nos industriels et sur les habitudes de nos concitoyens, cet impôt a vocation à se tarir grâce à l'abandon progressif des produits polluants au profit de ceux qui respectent l'environnement.

M. le Rapporteur spécial suppléant - On a encore le temps !

M. Jean-Michel Marchand - Cette fiscalité fait cependant courir un risque économique à certains de nos secteurs d'activité qui pourraient se trouver en situation défavorable par rapport à des concurrents étrangers n'adoptant pas un comportement aussi vertueux.

Avant de conclure, je voudrais dire combien nous avons été choqués d'apprendre, lors de la réunion du conseil municipal de Saumur, que le centre nucléaire de production électrique de Chinon demandait le renouvellement de son autorisation de rejeter des effluents liquides et gazeux radioactifs. Est-ce là une bonne illustration de la politique de transparence de la COGEMA et de son objectif « zéro impact sur la santé » ?

En progression sensible, vos budgets, Madame la ministre, traduisent la volonté politique du Gouvernement en matière de protection de l'environnement et d'aménagement du territoire. Vous ne serez donc pas surprise que les Verts les votent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs des commissions).

Mme Annette Peulvast-Bergeal - Ce budget constitue une étape décisive, qui traduit l'arrivée à maturité d'un véritable ministère de plein exercice, vingt-huit ans après la création d'une administration de mission. L'année dernière, ce budget avait progressé de 15,6 %, ce qui marquait la volonté du Gouvernement d'en faire un domaine d'action prioritaire. Cette orientation est confirmée par une hausse des crédits de 8,8 % pour l'année 2000. Le Gouvernement tient ainsi ses engagements, tant au niveau de l'effort budgétaire que des innovations fiscales. 140 emplois créés, 70 emplois transférés vers votre département, 90 emplois nouveaux dans les services déconcentrés, votre v_u, Madame la ministre, de voir renforcer les moyens de votre administration a bien été entendu. Nous notons également la création de la direction des études économiques et de l'évaluation environnementale -la « D4E »- dotée d'un budget de 10 millions et dont la fonction d'expertise concourra à renforcer l'efficacité de votre politique. L'action internationale est également renforcée pour permettre à la France de contribuer efficacement à la mise en place d'une politique de l'environnement mondiale et européenne, notamment dans le cadre de la présidence de l'Union au second trimestre 2000.

Par ailleurs, l'extension de la TGAP, fondée sur le principe de responsabilité du pollueur-payeur, permet de sortir d'une logique de réparation des dommages écologiques au profit d'une approche incitative tendant à faire adopter des comportements vertueux. Cette ressource a été rattachée au budget de la Sécurité sociale, afin de financer l'allégement des cotisations sociales. Elle comporte ainsi la priorité donnée à l'emploi par le Gouvernement. Je me réjouis de cette mesure à double-dividende, annoncée de longue date et qui vient soulager les prélèvements portant sur l'emploi. Et ce d'autant plus que l'ADEME, qui prélevait les différentes taxes composant la TGAP, n'est plus l'établissement moribond que nous avons découvert en 1997 et voit ses crédits de fonctionnement augmenter de 900 millions et ses crédits d'intervention de 133 millions.

Par ailleurs, je voudrais mettre en lumière le décollage en 1999 de la politique de traitement des déchets. L'ADEME a en effet été submergée de projets de valorisation des déchets et a recensé près de 20 milliards d'investissements programmés pour la période 1999-2001, à rapprocher des 16 milliards enregistrés au cours des six années précédentes. Ces évolutions sont le résultat de la politique que vous menez dans ce domaine, afin de tenir le délai fixé par la loi de 1992, qu'il s'agisse des subventions apportées aux projets, de la baisse à 5,5 % de la TVA sur la collecte sélective ou du relèvement des aides versées aux tonnes de déchets triés par éco-emballage. La dotation de l'ADEME consacrée aux déchets ménagers est portée à 900 millions, ce qui, ajouté à la baisse de la TVA, devrait diminuer le coût résiduel de gestion des déchets par les communes d'environ 1 milliard. En deux ans, le coût de traitement des déchets à la tonne aura ainsi baissé d'environ 13 % pour une collectivité de 30 000 habitants.

Pour conclure, deux points me semblent essentiels pour que la politique de l'environnement soit efficace. Il faut d'abord favoriser autant que possible l'information et la concertation, de manière à répondre à l'intérêt de plus en plus vif de nos concitoyens pour les questions d'environnement. Les vertus pédagogiques d'une initiative telle que la journée sans voiture me semblent à cet égard reconnues. Ensuite, il est prévu d'élargir l'assiette de la TGAP pour 2001. Cette fiscalité écologique doit jouer un rôle dans la politique d'aménagement durable du territoire, en prenant en compte les acteurs essentiels que sont les élus locaux, ceux-ci s'investissent en effet de manière déterminante dans la protection de l'environnement et demandent donc un juste retour, en fonction de leurs efforts de réduction des nuisances et des pollutions. Il y a là matière à une large réflexion pour consolider le travail accompli.

Votre budget suscite notre adhésion car sa progression montre que si la pollution doit avoir un coût, la protection de l'environnement en a un (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme Anne-Marie Idrac - Le budget de l'environnement pour 2000 appelle de la part de l'UDF trois niveaux d'interrogations, que j'énoncerai par ordre de gravité croissante.

S'agissant du budget lui-même et de sa présentation, vous nous dîtes, Madame la ministre, que vous êtes arrivée à un budget de plein exercice. Mais comme l'a dit M. Deflesselles, vous conviendrez alors qu'il s'agit d'un petit exercice : seulement 0,25 % du budget de l'Etat. Peut mieux faire, donc (Exclamations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV). Je me souviens d'un temps où les ministres de la culture essayaient d'atteindre le fameux 1 %. Bon courage, peut-être y arriverez-vous...

Mais surtout, ce budget est marqué par un déséquilibre entre les dépenses de fonctionnement, qui augmentent fortement, et les investissements, dont ce n'est pas le cas alors qu'ils devraient être prioritaires. Et comme ce ministère est sans doute en pleine montée en régime, il me paraît important de réfléchir maintenant à son organisation, à ce que doivent être ses effectifs et ses modes de fonctionnement. Mieux vaut y penser au départ que de devoir ensuite supprimer des structures redondantes, réformer.

Le regroupement dans un seul agrégat de l'ensemble des crédits personnel-administration est une bonne chose, mais il faudrait aussi présenter un plan en termes d'objectifs et de moyens, un plan qui soit lisible par nos concitoyens.

J'ajoute que les 4,3 milliards de crédits de ce ministère de plein exercice doivent être mis en regard des 120 milliards dépensés par les collectivités locales pour l'environnement.

Nos critiques concernent, en deuxième lieu, la politique de l'eau. La création du fonds national de solidarité pour l'eau pose en effet plusieurs problèmes. D'abord, elle induit un nouveau prélèvement sur les agences de l'eau -500 millions. Cette reprise en main par l'Etat renforce une tendance à la centralisation que nous avions déjà dénoncée, les agences de l'eau ayant prouvé l'efficacité d'une gestion décentralisée de la politique environnementale. La création du fonds pose en outre le problème de l'articulation des compétences entre les différents échelons dans la mesure où le principe de subsidiarité n'est pas spécifié. Par ailleurs, les modalités de gestion du fonds restent à définir, la lettre de cadrage étant à cet égard à la fois floue et inquiétante. Dernier reproche, la création de ce fonds ne respecte pas la politique de programmation à moyen terme des agences de l'eau.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF défendra un amendement tendant à supprimer ce fonds et le prélèvement sur lequel il repose.

La budgétisation de l'ADEME opérée l'an dernier illustre elle-aussi la tendance centralisatrice du Gouvernement. Nous en avons vu les effets : rationnement des crédits et mise en difficulté des collectivités locales, comme l'on reconnu certains membres de la majorité plurielle.

Troisième objet de critique : la TGAP. Certes, nous sommes favorables au principe de taxer les activités polluantes, mais cette taxe-là, loin de produire un double dividende, s'accompagne d'un double paradoxe. Le premier consiste à ce qu'un ministère dit de plein exercice se fasse dessaisir des fruits de cette taxe. Cette dernière a fait l'objet d'un véritable ping-pong entre Bercy et le ministère des affaires sociales. Et finalement, la politique de l'environnement n'est plus qu'un prétexte pour financer la lourde et coûteuse réforme des 35 heures. Nous voulions quant à nous que la TGAP soit affectée au budget de l'Etat et, contrairement à M. Cochet, nous ne trouvons pas qu'elle soit à sa place dans un fonds dépendant du ministère des affaires sociales, car il s'agit là à la fois d'un démembrement des finances publiques et de la politique de l'environnement.

Le deuxième paradoxe consiste à ce que le Gouvernement fasse exactement le contraire au niveau national des idées qu'il défendait encore récemment au niveau international. Alors qu'à Bonn il s'est opposé aux thèses anglo-saxonnes du droit à polluer, il institue une TGAP qui n'est rien d`autre qu'un droit à polluer. Et comme elle sert à financer les 35 heures, le Gouvernement ne peut qu'espérer que son rendement soit aussi élevé que possible, ce qui suppose un maximum de pollution. Nous ne nous attendions pas à ce qu'un ministre Vert cautionne une telle politique.

La fiscalité écologique peut certes constituer un instrument de lutte contre la pollution, mais elle doit rester incitative. Avec cette taxe punitive, il est évident que l'objectif n'est pas de lutter contre la pollution. Le cas des lessives non phosphatées l'a fort bien montré -ce sujet embarrasse fort M. Cochet- comme l'a montré le sort réservé à nos amendements, qu'il s'agisse d'encourager des contrats de progrès négociés entre les pouvoirs publics et les secteurs polluants, d'abaisser la TIPP sur les carburants propres ou encore d'appliquer le taux réduit de TVA aux travaux de dépollution réalisés par les collectivités locales.

Au-delà de ce budget, je voudrais évoquer quelques enjeux. S'agissant tout d'abord de la lutte contre la pollution atmosphérique, je regrette que la loi sur l'air ne soit pas davantage mise en _uvre. Je pense en particulier aux plans de développement urbain et à la couverture de l'ensemble du territoire par un dispositif de surveillance de la qualité de l'air.

Autre enjeu de taille : la lutte contre les nuisances sonores. Certes, de ce point de vue, la situation s'améliore par rapport à l'an dernier où il n'y avait aucun crédit. Mais cette année, nous restons tout de même sur notre faim, en particulier pour ce qui est des nuisances engendrées par les aéroports.

Troisième enjeu : les transports interurbains. Je ne suis pas sûre, Madame la ministre, que vous soyez consciente de l'effondrement que subit le fret ferroviaire depuis quelques mois, en fait depuis que vous êtes au pouvoir (Protestations sur les bancs du groupe RCV, du groupe communiste et du groupe socialiste), mais il s'agit sans doute d'une coïncidence. Pourtant, redresser cette forme de transport propre et encourager le ferroutage sont des ambitions que nous pourrions partager. Mais, au niveau européen, M. Gayssot bloque les évolutions en cours, ce qui ne va pas dans le sens que nous souhaitons.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF ne votera pas ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Patrick Malavieille - Passant de 3,957 milliards à 4,298, ce budget témoigne de la prise en compte par le Gouvernement de la préoccupation croissante des citoyens pour la protection de la planète. Je centrerai mon intervention sur les problèmes de l'eau.

L'eau est une ressource indispensable à la vie et au développement des sociétés. Nous avons la chance que notre pays dispose de réserves naturelles importantes. Il faut les préserver. Or, la qualité de l'eau se dégrade.

Dans ce projet de budget, un Fonds national de solidarité pour l'eau est créé. Il s'agit de mettre en place une politique de solidarité et de péréquation dans le domaine de l'eau. C'est une décision intéressante. Notons cependant que ce fonds tire ses ressources du budget des agences de l'eau.

L'ensemble des crédits consacrés à la politique de l'eau, à la protection de la ressource et à celle des milieux aquatiques progresse de 48,5 %, par rapport à 1999.

Depuis de nombreuses années, nous rappelons notre souci de voir une autre politique s'appliquer dans ce domaine. Depuis de nombreuses années aussi, on légifère pour améliorer les choses. Pourtant, malgré cet appareil législatif, les réponses apportées restent globalement insatisfaisantes.

Les secteurs et les services publics sont fragilisés depuis longtemps. Et aujourd'hui, les pollutions s'aggravent et se diversifient. Les collectivités sont donc obligées de faire des investissements coûteux. L'effort à fournir est considérable : on l'évalue à plus de 125 milliards de francs.

Le monopole de la CGE, de la Lyonnaise des Eaux et de Bouygues, permet à des trois groupes de piloter la politique de l'eau. Le désengagement de l'Etat et le souci de rentabilité de cette industrie ont conduit à une pression tarifaire sur les usagers domestiques et sur les collectivités locales, seules responsables de la distribution de l'eau et de l'assainissement. Cette pression tarifaire entraîne de graves inégalités dans l'accès des familles à l'eau. On constate par ailleurs que c'est le secteur privé qui pratique les prix les plus élevés.

Une politique de l'eau au juste coût et au mieux des intérêts des administrés devrait être mise en place rapidement. Il faut que l'Etat joue au mieux son rôle et qu'une vraie transparence existe sur les prix.

Des réformes ont certes été entreprises pour améliorer la gestion de l'eau. Certaines vont dans le bon sens, d'autres sont plus discutables, voire dangereuses comme la TGAP.

Mme Anne-Marie Idrac - Très bien !

M. Patrick Malavieille - Mais aucune ne s'attaque aux origines des dysfonctionnements actuels : la mainmise des groupes privés.

Il est donc temps aujourd'hui de rétablir une maîtrise publique de l'eau, de s'assurer que l'eau soit considérée avant tout comme une ressource et non comme une marchandise. Cette politique s'efforcerait de donner leur pleine mesure aux principes énoncés dans les lois précédentes, s'appuierait sur les outils actuels et en définirait de nouveau.

C'est pourquoi nous allons déposer une proposition de loi tendant à la création d'une Agence nationale de l'eau.

Le premier objectif de cette agence serait de proposer au Parlement, en coopération avec les six agences de l'eau, une politique nationale et de s'assurer de sa mise en _uvre ; le second de donner aux acteurs de la politique de l'eau, en premier lieu les élus, les informations, la formation et l'expertise dont ils ont besoin pour agir en toute connaissance de cause.

Vous avez annoncé, Madame la ministre, lors du Conseil des ministres du 27 octobre dernier, les orientations de la réforme de la politique de l'eau que vous souhaitez engager début 2001. Nous espérons que notre proposition retiendra votre attention (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Michel Lefait - Les crédits consacrés aux réserves naturelles dans le budget de l'environnement pour 2000 sont en très nette augmentation. Je m'en réjouis.

Actuellement 146 réserves couvrent 525 800 hectares, soit seulement 0,25 % du territoire métropolitain, mais on y retrouve plus des deux tiers des espèces animales et un tiers des espèces végétales protégées par la loi. Parallèlement aux parcs nationaux, le plus souvent créés dans les zones de montagne, peu peuplées, les réserves naturelles, souvent de taille plus modeste, protègent des secteurs menacés et aident à leur développement, où qu'ils se situent sur le territoire et quelle que soit leur situation économique et sociale.

Elles permettent également de protéger les secteurs des parcs naturels régionaux dont le patrimoine est le plus riche : je pense à la réserve naturelle des hauts plateaux du Vercors dans le parc naturel régional du Vercors ou à la réserve naturelle du massif du Grand Ventron dans celui des Ballons des Vosges.

Enfin, les réserves naturelles expérimentent des programmes européens comme LIFE et permettent à la France de respecter ses engagements internationaux en matière de protection du patrimoine naturel.

En protégeant et en gérant des territoires d'exception, elles sont devenues un acteur majeur du développement local durable et de l'aménagement du territoire.

Plus d'une centaine d'organismes gestionnaires de réserves naturelles relaient sur le terrain la politique nationale. Beaucoup d'entre eux sont devenus de véritables « entreprises-territoires » qui expérimentent des techniques de génie écologique innovantes ; assurent l'accueil des visiteurs -plus de quatre millions par an dans l'ensemble des réserves- ; participent à l'éducation à l'environnement, à la formation, à l'insertion des handicapés et des jeunes en difficultés -120 emplois-jeunes ont été recrutés à ce jour- ; s'associent à des actions coordonnées de police de la nature ; nouent des partenariats avec les entreprises, les collectivités locales, les écoles, les universités.

La création de nouvelles réserves permettra de conforter un réseau structurant d'espaces naturels protégés, outils de développement durable et d'aménagement du territoire, mais aussi de protéger un échantillon assez représentatif des habitats et des milieux naturels français. Ces créations ne doivent toutefois pas se faire au détriment des réserves existantes.

Or l'essentiel des crédits supplémentaires pour 2000 sera affecté aux nouvelles réserves créées en 1999 et près de 20 % des crédits de fonctionnement aux réserves de Guyane et au projet de parc international des Bouches de Bonifacio.

Avec un coût de gestion moyen à l'hectare d'environ 250 F, beaucoup de réserves naturelles sont aujourd'hui au bord de l'asphyxie financière. Salariés sur-qualifiés et sous-payés, manque de personnel d'encadrement, conditions de sécurité insuffisantes, absence parfois de véritable plan de gestion, tel est leur lot.

Pour renforcer le professionnalisme des organismes gestionnaires mais aussi pour les inciter à tisser de nouveaux partenariats susceptibles de développer l'emploi en milieu rural, le budget des réserves existantes doit être réévalué. Chaque réserve doit disposer de moyens renforcés lui permettant d'assumer pleinement ses missions de surveillance et de gestion. Chacune doit pouvoir recruter des gardes conservateurs et des agents commissionnés, mettre en place une signalétique moderne et créer des équipements d'accueil du public.

Pour atteindre ces objectifs, les budgets de fonctionnement et d'investissement des réserves existantes devraient respectivement augmenter de 7 et 6 millions. C'est indispensable pour que tous les gestionnaires de réserves soient sur un même pied d'égalité et atteignent le même niveau d'excellence dans l'exercice de leur mission d'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Vila - Le groupe communiste se félicite de l'augmentation de 8,6 % du budget de l'environnement pour 2000, qui confirme la tendance de l'an passé. L'environnement étant devenu une priorité des citoyens, il est normal que le Gouvernement se donne les moyens de cette politique avec un ministère de plein exercice.

Un proverbe africain nous enseigne que « nous n'héritons pas de la terre de nos parents, mais nous l'empruntons à nos enfants ». C'est pourquoi, dans le souci de laisser aux générations futures une planète propre et saine, il convient de lutter contre toutes le formes de pollution à travers le monde.

1999 a vu l'entrée en vigueur de la TGAP qui doit se substituer progressivement à l'ensemble des prélèvements fiscaux et parafiscaux existant dans le domaine de l'environnement. Elle vise à inciter à des comportements plus vertueux en matière d'environnement. Cette nouvelle application du principe pollueur-payeur doit corriger les défauts antérieurs, nous avez-vous expliqué.

S'il est juste que celui qui pollue paye, nous avons déjà exprimé notre inquiétude l'an passé. En effet, la stricte application du principe pollueur-payeur peut conduire à des aberrations. Ainsi aux Etats-Unis existe un véritable droit à polluer pourvu que l'on paye, les plus riches rachetant les « permis de polluer » des autres. Permettez-nous de douter de l'effet dissuasif d'une telle politique.

Par ailleurs, si la TGAP présente l'intérêt de ne pas exonérer les grandes entreprises de leurs responsabilités, elle risque de mettre à contribution les consommateurs. En effet, son assiette a été élargie cette année aux détergents phosphatés. Le prix de la lessive va donc augmenter. Pourtant, les consommateurs ne sont pas responsables des produits qui leur sont proposés et tous ne peuvent pas se payer une lessive non polluante. Plutôt que d'augmenter le prix des produits polluants, il serait plus équitable de baisser celui des produits les plus respectueux de l'environnement, ou d'abaisser la taxe sur les produits les moins polluants.

L'assiette de la TGAP est également élargie aux pollutions d'origine agricole. Pourtant, peut-on uniquement faire payer les agriculteurs. Il n'est pas raisonnable d'évoquer le comportement des agriculteurs sans parler des politiques agricoles qui les poussent à toujours plus de compétitivité. L'OMC institue une déréglementation qui ne donne pas nécessairement la possibilité aux agriculteurs de choisir des produits non polluants. Mieux vaudrait, là encore, accompagner les agriculteurs pour les inciter à des comportements plus vertueux en matière de protection de l'environnement.

Au demeurant, une taxe avec une assiette aussi large, ne peut donner un véritable signal fort.

Enfin, sa non-réaffectation va imposer aux collectivités locales de nouvelles dépenses pour des investissements environnementaux. Consentiront-elles les mêmes efforts que par le passé pour l'assainissement si nous ne leur en donnons pas les moyens ? L'effet risque d'être contraire à celui recherché.

Le produit de la TGAP servira au financement de l'allégement des charges résultant de la réduction du temps de travail. Cette taxe participe donc, de la lutte pour l'emploi. Toute mesure en faveur de l'emploi emporte l'adhésion des députés communistes. Néanmoins, il leur semblerait juste que le ministère de l'environnement puisse profiter de la progression du rendement d'une taxe sanctionnant les comportements pollueurs.

La TGAP n'a malheureusement pas toutes les vertus d'une politique de lutte contre les pollueurs.

Un dernier mot sur la taxe intérieure de consommation du gaz naturel sur les projets de cogénération. L'exonération de cette taxe ne serait pas reconduite pour les installations mises en service au-delà du 1er janvier 2001. Cela serait tout à fait préjudiciable aux projets en cours qui concernent de gros réseaux de chaleur alimentant essentiellement des logements sociaux, et contraire aux objectifs de notre majorité en matière d'environnement. Pouvez-vous, Madame la ministre, infirmer ou confirmer la reconduite de cette exonération ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. Daniel Marcovitch - Deux mots peuvent résumer votre budget : pari tenu.

Dès votre arrivée au Gouvernement, vous avez voulu avec le Premier ministre, faire du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, un ministère de plein exercice. C'est aujourd'hui chose faite avec un budget de l'environnement en augmentation de 8,6 %, qui atteint cette année 4,298 milliards.

Je ne reviendrai pas sur la TGAP, dont j'ai longuement parlé lors de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, relevant que l'on dissociait, enfin, la taxe elle-même de la notion de réparation. La TGAP se différencie ainsi des redevances des agences de bassin, à caractère plus mutualiste, qui auraient été assimilables à un droit à polluer si l'on avait suivi certains agriculteurs qui voulaient transformer en redevances les taxes sur les phytosanitaires et les gérer eux-mêmes. Polluer est une marque d'égoïsme tant à l'égard de son prochain que des générations futures. Il est donc tout à fait normal que le produit d'une taxe sur l'égoïsme soit affecté à un projet de loi visant à la solidarité ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste).

Le fonds national de solidarité eau, le FNSE, doté de 500 millions, représente le début de la reconquête de la politique nationale de l'eau par la puissance publique. Il ne s'agit pas de remettre en question la politique d'autonomie des agences de bassin. Mais, au-delà de la gestion locale ou régionale de l'eau, il y a des grands choix politiques sur lesquels l'Etat doit s'engager. On ne peut pas moderniser les redevances et faire appliquer le principe pollueur-payeur sans un contrôle effectif. Je me félicite que la police de l'eau voie ses effectifs augmenter de 28 postes au Conseil supérieur de la pêche, de 15 postes dans les directions régionales de l'eau et de 9 postes dans missions interservices de l'eau.

Un fonds de concours des agences de l'eau a permis d'augmenter de 90 millions les moyens techniques des services de l'Etat pour la police de l'eau et une subvention de 50 millions a été attribuée au Conseil supérieur de la pêche pour ses missions de police.

C'est également grâce au FNSE que seront dégagés les 8,4 millions nécessaires au fonctionnement du Haut conseil du service public de l'eau et de l'assainissement. Il exercera un rôle de consultation, de recommandation et d'alerte sur la politique de l'eau et de l'assainissement et il pourra saisir l'Etat, ses représentants ou les instances juridiquement responsables sur les anomalies constatées.

Enfin, autre point fort de votre budget, une ligne de 207 millions pour la prévention des inondations donne des moyens supplémentaires pour l'annonce des crues et la protection des lieux habités. Si tous ces éléments sont indispensables pour moderniser la gestion de l'eau et de l'assainissement en France, ce budget n'est encore qu'un budget de transition, en attendant la grande loi sur l'eau que vous préparez pour 2001.

Ce que l'on appelle aujourd'hui l'Ecole française de l'eau voit ses principes de gestion par bassins versants reconnus, tant au niveau européen qu'au niveau mondial et nous nous en félicitons. Mais il faudrait y ajouter plus de transparence dans la facturation de l'eau et plus de démocratie dans les instances dirigeantes, que ce soit au niveau des bassins ou des commissions locales. Outre qu'elle permettra la transcription de la directive européenne sur l'eau, cette grande loi donnera enfin aux élus de la nation l'occasion de se prononcer sur les orientations techniques et sur les assiettes et les taux des redevances décidées par les agences de bassin lors des programmes quinquennaux, donnant à ces décisions le caractère constitutionnel qui leur manquait.

Il faudra également impliquer beaucoup plus les consommateurs en assurant leur présence dans les commissions, en leur donnant les moyens d'individualiser leur consommation et en mettant en place une véritable politique sociale de l'eau. Je me félicite que 20 millions du FNSE soient consacrés en l'an 2000 à des travaux d'économie d'eau dans l'habitat social. A ce propos, Madame la ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour mettre en application la directive sur le plomb ?

Enfin, il faut rendre aux élus locaux une véritable responsabilité de gestion qui aille bien au-delà de la responsabilité pénale. Les contrats de délégation de service public de l'eau et d'assainissement devraient obéir à des règles plus strictes que celles des autres services publics, compte tenu de l'aspect vital de l'eau et de la situation de monopole de fait en ce domaine.

En attendant l'ouverture de ce vaste chantier, le groupe socialiste votera votre budget, qui est celui qui augmente le plus, après celui de la Ville, marquant ainsi la volonté du Gouvernement de donner à la politique environnementale la place qui est la sienne (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Pierre Brard - Au lendemain des élections européennes, vous nous aviez annoncé, Madame la ministre, que vous aviez obtenu des moyens supplémentaires pour votre ministère. Il s'agissait d'un rééquilibrage face au poids des lobbies de l'agriculture, des transports et de l'industrie, dont il y a quelques porte-voix ici...

M. Bernard Deflesselles - Ils apprécieront !

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur Deflesselles, vous parliez d'écologie administrée, j'ai plutôt vu dans vos propos de l'idéologie atrophiée... (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Madame la ministre, je mesure votre satisfaction, tout autant que votre difficulté à faire entendre votre voix, qui est plus qu'une petite musique, mais pas encore la voix de stentor dont aura besoin l'écologie.

En accordant à ce budget une croissance quatre fois supérieure à la moyenne, le Gouvernement fait un geste important. Mais en valeur absolue, avec 4,298 milliards, ce budget reste modeste et le chemin à parcourir long et difficile.

Pour autant, c'est l'occasion d'aborder des débats essentiels, comme celui de la relation entre l'agriculture et l'environnement. Je regrette d'ailleurs que Mme Idrac n'ait pas lu l'ouvrage de Mme Lepage relatant les difficultés auxquelles elle a été confrontée sous la férule de M. Juppé.

La fiscalité écologique est l'un des axes de la réforme fiscale. Une écotaxe générale et non affectée permet de respecter réellement le principe pollueur-payeur puisque son niveau peut être alors déterminé en fonction de son effet dissuasif. Je pense au problème du plomb, pas seulement dans les peintures, mais aussi dans l'eau. En ce qui concerne l'agriculture, la Cour des comptes et le Commissariat du plan ont dénoncé un système qui revient à financer la dépollution tout en encourageant les pratiques polluantes. L'enjeu est de faire évoluer notre système agricole productiviste, qui a eu ses raisons, mais a trouvé ses limites aujourd'hui.

L'affectation de la TGAP au budget de la Sécurité sociale comporte un risque. La TGAP n'a pas vocation à être variable d'ajustement des comptes sociaux...

M. Bernard Deflesselles - Enfin un peu de lucidité !

M. Jean-Pierre Brard - Le niveau d'une taxe écologique doit être déterminé par son efficacité environnementale et non pas un souci d'équilibre des finances publiques.

Je me félicite du renforcement des capacités d'expertise du ministère, notamment de la création de la DE4, qui sera un outil essentiel pour la prise de décision et permettra de montrer que le respect de l'environnement peut améliorer la compétitivité et créer des emplois.

Vous avez demandé la création d'une inspection de l'environnement composée d'agents venant des corps des Mines, des Ponts et chaussées et du Génie rural. Si leur inclination naturelle ne les a pas toujours conduits dans le passé à défendre ardemment l'environnement, je ne doute pas de leur grande capacité d'adaptation (Sourires).

Je m'étonne de la procédure prévue pour l'examen du code de l'environnement. Ce texte serait inséré dans un projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Priver le Parlement d'un débat sur ce texte me semble regrettable. Rappelons qu'en janvier 1997, votre prédécesseur avait retiré ce projet de l'ordre du jour quelques heures avant la séance...

Nous voterons pour ce budget, sans renoncer à obtenir des améliorations, par exemple l'exonération de la TGAP des lessives non polluantes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Le budget du ministère de l'environnement présenté l'an dernier posait les jalons d'une ambition nouvelle pour une politique exercée par un ministère de plein exercice.

Ce projet consolide et amplifie l'action entreprise.

Avant d'en exposer les priorités, je remercie les deux rapporteurs pour la pertinence de leurs analyses.

J'avais eu la satisfaction de vous annoncer l'an passé que, pour la première fois, le ministère figurait au rang des priorités budgétaires du Gouvernement. Mais je ne vous avais pas caché que dix ans de stagnation autour de 0,14 % du budget de l'Etat impliquait une politique de rattrapage progressif. Ce budget affiche bien une progression de 8,6 %, pour s'établir à 4,298 milliards. Il sera complété par une section d'un compte spécial du Trésor dotée de 500 millions, le FNSE.

Cette croissance témoigne d'un engagement dans la durée. Elle doit être relativisée en égard aux sommes en jeu, qui ne représentent que 0,25 % du budget civil de l'Etat. Il reste du chemin à parcourir et je remercie Mme Idrac d'avoir insisté sur ce point.

Ce projet identifie des priorités et renforce les moyens d'action des instruments que nous avons créés pour y répondre. 350 millions auxquels s'ajoutent 250 millions du FNSE seront mobilisés pour réorienter la politique de l'eau en renforçant la solidarité nationale et les moyens de gérer et valoriser les milieux naturels, et mieux prévenir les risques et les pollutions.

Pour mener à bien ces politiques, nous opérons une réforme d'ampleur des structures du ministère. La création du FNSE -et la solidarité ne sera pas un vain mot- est une étape importante. Le compte spécial du Trésor, alimenté en 2000 par 500 millions de versements des agences de l'eau, se substitue aux deux fonds de concours créés en 1997 et 1999.

La capacité d'intervention de la direction de l'eau sera doublée et, hors redéploiement, 250 millions de crédits nouveaux seront consacrés à cette politique. Le FNDE soutiendra des actions d'intérêt général de restauration des rivières, de solidarité nationale, de connaissance de l'eau et des milieux aquatiques. Un haut conseil du service public de l'eau et de l'assainissement assurera la concertation. L'ensemble des crédits consacrés à la politique de l'eau et à la protection de la ressource et des milieux augmentent donc de 48,5 % en 2000. Mais M. Marcovitch a raison, ce sera une année de transition. Il nous faudra préparer le huitième programme d'intervention des agences ainsi que le projet de loi définissant le cadre d'une politique de l'eau, que je présenterai en 2001. La loi de 1964 a besoin d'un sérieux toilettage. Ce sera l'occasion, comme le souhaitent MM. Malavieille et Marcovitch, d'examiner le poids des grands groupes privés et certaines difficultés des élus, ainsi que d'améliorer la solidarité par des mesures comme la mise en place de compteurs individuels dans l'habitat collectif.

La directive 98-83 consacrée au plomb dans l'eau potable est entrée en vigueur le 15 décembre 1998. La France devra se mettre en conformité avant le 25 décembre 2003. Dans une première étape, nous fixons comme objectif le taux de 25 microgrammes par litre, concentrant l'action sur le traitement de l`eau et le remplacement des conduites publiques en plomb. Dans une deuxième phase, pour atteindre 10 microgrammes par litre, les collectivités devront poursuivre le remplacement d'une partie des branchements en plomb et les propriétaires d'immeubles construits avant 1949 devront remplacer les canalisations intérieures en plomb à mesure des travaux d'amélioration de l'habitat.

On a avancé les chiffres les plus fous. Aujourd'hui, on estime que la mise en conformité des canalisations pourrait coûter aux propriétaires de 40 à 50 milliards. Programmée sur 15 ans, cette dépense représenterait 3 milliards par an, soit 2 % du coût des travaux d'entretien des logements. Elle semble assumable, surtout grâce à la facilité qu'offre la baisse du taux de TVA sur de tels travaux. Pour le réseau public, la dépense est évaluée à 18 milliards sur 15 ans ; s'y ajoutent 8 à 10 milliards pour le traitement des eaux. Ces investissements aurait déjà dû être réalisés pour respecter la norme de 50 microgrammes par litre en valeur instantanée.

Notre deuxième priorité est de renforcer le réseau des espace protégés et zones naturelles sensibles. En dépit d'un incident juridique récent, la mise en _uvre de la directive Natura 2000 a considérablement progressé. 1 029 sites couvrant 4,9 % du territoire ont été notifiés à la Commission européenne. L'élaboration de documents d'objectifs pour chaque site devra être achevée en 2004 à l'issue d'une large concertation.

En 2000, le FGMN sera doté de 242 millions, soit une progression de 27 %. La moitié de ces 52 millions de moyens nouveaux serviront à financer le réseau Natura 2000. Le fonds, qui privilégie les politiques contractuelles, soutiendra entre autres les orientations du futur schéma de service collectif des espace naturels et ruraux, ainsi que la politique de connaissance, d'inventaire et de conservation de la diversité biologique.

Les dotations affectées aux parcs naturels régionaux et conservatoires régionaux des espaces naturels augmentent sensiblement, de près de 10 millions. Cela satisfera M. Cochet, M. Blazy et M. Houillon, si attachés au projet de parc des Trois forêts.

Les moyens consacrés au réseau des espaces naturels protégés augmentent de 24 millions, pour s'établir à 436 millions. Les parcs nationaux bénéficieront de 10 millions de crédits nouveaux et la dotation du conservatoire du littoral passera de 147 à 149 millions en dépenses ordinaires plus crédits de paiement, ce qui permettra d'y créer 5 emplois nouveaux.

M. Lefait a eu raison de souligner le risque d'asphyxie des réserves existantes. Nous leur avons demandé de ne pas se contenter de protéger les espaces naturels, mais de devenir les partenaires de la gestion raisonnée de ces espaces de plus en plus attractifs. La dotation des réserves naturelles est renforcée de 9 millions en dépenses ordinaires plus crédits de paiement, ce qui doit permettre non seulement de créer de nouvelles réserves mais aussi de satisfaire les besoins de celles qui existent.

Enfin mon ministère renforcera sa tutelle sur le Muséum national d'histoire naturelle, dont la dotation budgétaire sera accrue. Cet établissement prépare de nouveaux statuts et une réforme de son mode de financement.

Il est un élément essentiel pour l'agence européenne de l'environnement et assure un travail considérable pour mon ministère.

Globalement, les crédits consacrés à la protection de la nature augmentent ainsi de 14,2 % en 2000.

La troisième priorité de mon ministère sera la prévention des pollutions et des risques, avec une croissance des crédits de 4,5 % en dépenses ordinaires plus crédits de paiement et de 9 % en dépenses ordinaires plus autorisations de programme. L'action préventive sera gage d'une politique citoyenne. Pour être efficace, elle doit s'appuyer sur une bonne connaissance des milieux et des méthodologies d'évaluation des risques. En conséquence l'IFEN disposera d'un budget de fonctionnement de 30,8 millions de francs, en progression de 8 %, et de 5 emplois nouveaux, et ses crédits d'investissement augmenteront de 11 %.

De même, les moyens de l'INERIS progresseront de 27 millions afin de développer les études, les recherches et l'intervention dans le domaine des risques chroniques et accidentels. Ils seront de 157 millions en 2000. J'attends beaucoup de l'INERIS dans des domaines essentiels comme l'écotoxicologie, la gestion des risques et les relations santé-environnement.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant - Et l'agence ?

Mme la Ministre - Le Premier ministre a annoncé sa création. Nous travaillons à un projet de loi en ce sens.

M. le Rapporteur spécial suppléant - Très bien.

Mme la Ministre - L'ADEME sera dotée de 143 millions de crédits nouveaux, dont 100 millions supplémentaires pour la politique de déchets ménagers et huiles usagées.

Beaucoup se sont inquiétés de la capacité de l'ADEME à répondre aux demandes des collectivités locales qui se sont multipliées depuis l'automne 1998. S'il y a crise, c'est la rançon d'un succès dont je me félicite.

Utilisant ses ressources annuelles et les souplesses des redéploiements internes auxquelles l'autorise son statut, l'ADEME a été en mesure d'affecter dès 1999 1 130 millions à la politique de déchets pour une dotation initiale de 811 millions. Mais ses aides directes ne constituent pas, tant s'en faut, la seule forme de soutien à cette politique : nous avons en effet également augmenté les contributions d'Eco-emballages et réduit dès 1999 le taux de TVA applicable sur la collecte sélective et le tri des déchets. L'effet de cette réduction de TVA équivaudra, selon nos estimations, à 500 millions de subventions cette année et à 1 milliard, voire 1,5 milliard, en année pleine.

Tout n'est pas parfait pour autant et je fais mienne la démonstration de MM. Marchand et Vila sur la nécessité de réduire aussi la TVA applicable aux réseaux de chaleur. J'ai milité, vous le savez, en faveur de cette mesure : en vain, hélas. Cependant, je compte bien revenir à la charge, avec votre appui.

M. le Rapporteur spécial suppléant - La réglementation européenne ferait obstacle, paraît-il...

Mme la Ministre - C'est ce qu'on dit. La négociation menée par les ministres des finances n'a pas abouti sur ce point mais rien n'interdit d'essayer de faire évoluer la situation.

J'ai en tout cas demandé au Premier ministre que le collectif pour 1999 comporte des autorisations de programme complémentaires, de manière à renforcer notablement les moyens de l'ADEME. Nous resterons toutefois vigilants sur la qualité des projets car, l'échéance de 2002 se rapprochant, il ne faudrait pas que les collectivités soient tentées d'abaisser le niveau de leurs exigences.

La réduction des nuisances sonores est un autre élément essentiel de notre action contre les pollutions, à la hauteur de la gêne ressentie par nos concitoyens. Les 10 millions supplémentaires qui y seront consacrés en 2000 permettront de développer la recherche sur les points noirs associés aux infrastructures de transport terrestre et de soutenir des projets pilotes. J'ai entrepris de définir, avec les autres ministères concernés, un programme d'action qui donnera lieu après-demain à une communication devant le conseil des ministres. Appliqué à partir de l'an prochain, ce programme devrait permettre de traiter en dix ans au moins 200 000 logements.

S'agissant des transports aériens, j'ai demandé à l'ADEME de consacrer à l'instruction des dossiers les moyens nécessaires pour combler le retard pris par Aéroports de Paris, sachant que l'amélioration des conditions d'indemnisation des riverains décidée en 1998 a entraîné une augmentation des demandes. Je tiens donc à rassurer Mme Bricq et M. Blazy.

Je reste confiante dans la capacité des régions à mener cette lutte contre le bruit, même si la majorité d'entre elles n'ont pas exploité les possibilités offertes par les contrats de plan.

L'effort déployé pour l'élaboration des plans de prévention des risques sera poursuivi : 2 000 ont été mis au point avant la fin de l'été et je souhaite maintenant mettre à contribution le Fonds de prévention des risques majeurs : la loi de finances rectificative y pourvoira. Ce co-financement permettra de progresser en faveur des communes les plus exposées.

Au moment où s'achève la conférence de Bonn, j'entends conforter l'effort mené contre la pollution atmosphérique et l'effet de serre. Les crédits de ce budget destinés à l'application de la loi sur l'air se monteront à 241 millions en dépenses ordinaires et en autorisations de programme, soit, Madame Idrac, 20 % de plus que dans le dernier budget que vous avez soutenu -ces 200 millions n'étant d'ailleurs obtenus que grâce à des redéploiements ! Nous avons d'autre part publié 14 décrets d'application, alors qu'aucun ne l'était en juin 1997... Sur ces 241 millions, 14 millions iront aux études préalables à l'élaboration des plans prévus par la loi, notamment des plans de déplacements urbains pour lesquels nous avons consenti aux collectivités un délai supplémentaire de six mois : nous tenons en effet à ce que la place accordée à la voiture soit revue à la baisse et qu'on ne fasse donc pas comme à Besançon, où le plan pose comme préalable la réalisation d'une « perforante » routière !

55 millions serviront à faciliter le fonctionnement des associations gérant les réseaux de surveillance de la qualité de l'air, 57 financeront des études et 115 seront consacrés à la surveillance du niveau de pollution.

Enfin, le renforcement des moyens propres du ministère demeure la condition sine qua non pour que l'efficacité des dispositifs que je viens de mentionner ne soit pas simplement visuelle. Je vous avais dit en 1999 ma volonté de transformer ce département en un ministère de plein exercice. Le présent projet de budget confortera cette évolution, grâce à 140 créations d'emplois et à 70 transferts en provenance d'autres ministères. Mes effectifs s'élèvent ainsi, hors établissements publics, à 2 760 agents, soit une croissance de 16 % en trois ans, contre 2 % au cours des trois années précédentes.

L'efficacité d'une politique suppose aussi des capacités d'expertise et d'évaluation. D'où la création d'une nouvelle direction d'administration centrale, et d'un service d'inspection de l'environnement. La direction des études économiques et de l'évaluation environnementale, qui recevra une partie des postes nouveaux, aura à évaluer la pertinence des politiques de ce ministère aussi bien qu'à l'analyse de l'impact des autres politiques publiques sur l'environnement. Elle sera également un outil précieux dans les négociations internationales à venir -OMC, conférence des parties à la convention «climat», etc., sans parler de la présidence française de l'Union.

La création d'un service d'inspection de l'environnement, qui doit permettre à notre action d'être mieux visible, devrait intervenir dès le début de 2000.

Les différents services déconcentrés de mon ministère, DIREN, DRIRE et DSV, verront également leurs effectifs confortés pour une meilleure prévention des risques et un contrôle plus strict des installations classées.

L'une des particularités de mon ministère est également de disposer aussi de services mis à sa disposition dans ses domaines de compétences. J'ai toujours eu la volonté de les traiter comme mes propres services déconcentrés et ils recevront donc une part non négligeable des effectifs nouveaux, 44 emplois iront aux DRIRE pour le seul contrôle des installations classées, tandis que les DSV s'en verront attribuer 20 pour le contrôle des installations classées dans le domaine agricole et alimentaire. Les effectifs chargés des installations classées auront ainsi crû de plus de 8 % en deux ans dans les DRIRE, la progression étant de plus de 10 % pour les DSV en 2000. Les DIREN n'ont bien évidemment pas été oubliées avec l'affectation de 36 postes.

Il n'en reste pas moins que nos effectifs demeurent insuffisants pour assumer nos missions nouvelles et que le budget de l'environnement français reste en dépit des efforts consentis, plus faible que dans la plupart des autres pays européens.

Quant à nos crédits de recherche, s'ils restent modestes, Monsieur Deflesselles, ils ont un fort effet de levier -les grands établissements comme l'INSERM ou la BRGM travaillent pour mon ministère sans que les crédits correspondants soient inscrits dans ce budget- et ils ne financent que la recherche, non les rémunérations ou les locaux.

Un mot de la fiscalité écologique. L'année 2000 sera l'an II de la fiscalité écologique, dont je rappelle à M. Deflesselles qu'elle ne constitue pas un prélèvement supplémentaire, mais une façon différente de percevoir l'impôt et de répartir le poids des prélèvements obligatoires.

M. Bernard Deflesselles - Belle formule !

Mme la Ministre - Elle permet de réorienter la fiscalité en faveur de la protection de l'environnement, grâce à un signal prix. Elle devient ainsi l'outil par excellence pour l'application du principe pollueur-payeur, comme l'a souligné M. Brard...

M. Jean-Pierre Brard - Apprenez, Monsieur Deflesselles !

Mme la Ministre - M. Brard a encore raison de souligner que, si l'affectation au financement de la Sécurité sociale permet de réorienter la fiscalité vers l'emploi, constituant ce que nous qualifions de «second dividende», la TGAP n'a pas pour autant vocation à devenir la variable d'ajustement de la Sécurité sociale.

Il ne s'agit pas non plus de financer les 35 heures, mais de poursuivre le mouvement de baisse des charges, en pénalisant les comportements irresponsables en matière d'environnement. Les différents allégements seront donc poursuivis, qu'il s'agisse de la baisse de la TVA sur ce tri à la collecte sélective et des allégements sur les emplois. L'objectif n'est évidemment pas de mettre en place un droit à polluer mais de dissuader les pollueurs. S'agissant par exemple de la taxe sur les produits phytosanitaires à usage agricole ou alimentaire, nous avons souhaité mettre en place une taxation différenciée en fonction de l'intensité du caractère polluant des produits. Deux tiers des produits présents sur le marché relèvent du niveau zéro et peuvent donc être considérés comme non polluants. Le principe de la modulation de la taxe en fonction de la dangerosité des produits vise à inciter les producteurs à revoir leur gamme de produits, les agriculteurs à choisir les produits les moins taxés et, de même les consommateurs à sélectionner les produits les plus «responsables» du point de vue de l'environnement et donc les moins pénalisés. Pour rassurer M. Vila, j'indique que le produit de la taxe sur les phytosanitaires sera de l'ordre de 301 millions, à rapprocher du taux de croissance à deux chiffres du chiffre d'affaires du secteur depuis plusieurs années et des soixante milliards de prime PAC du secteur dont je reconnais avec M. Brard qu'ils ne sont pas toujours répartis au mieux.

M. Jean-Pierre Brard - C'est une litote !

Mme la Ministre - Mme Idrac s'est à juste titre demandé si les moyens affectés à la protection de l'environnement n'en souffriraient pas. Je reconnais que la politique de déconnexion entre le montant des taxes préférées au profit de la protection de l'environnement et celui des ressources affectées à la prévention des pollutions ne peut être totale. Nous aurions sinon du mal à justifier l'augmentation de la TGAP.

Les moyens affectés à la protection de l'environnement se sont sensiblement améliorés et je ne souhaite pas à cet égard me répéter. Je citerai pour mémoire la taxe sur l'extraction de granulats dans les lits majeurs des rivières qui a cette année surtout une vertu pédagogique, mais qui pourra à brève échéance devenir réellement dissuasive.

S'agissant de la taxe sur les lessives et détergents commercialisés, comme MM. Vila et Cochet, je déplore le vote d'un amendement sur l'article 4 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. En fonction d'arguments économique, on néglige le caractère toxique des composants de ces produits et donc le volet «environnemental» de la mesure, ainsi transformée en taxation forfaitaire et horizontale. Je suis attachée à la vocation environnementale de cette taxe et je souhaite que les parlementaires puissent y revenir en seconde lecture afin de conserver l'idée d'une taxation graduée en fonction du caractère polluant du produit. J'ai noté l'engagement tacite de Mme Idrac et de M. Pélissard de nous apporter leur soutien lorsque cet amendement peu satisfaisant reviendra en examen.

Monsieur Pélissard, à propos de la TIPP, vous avez déploré que l'augmentation de la taxation du gazole ne soit pas traduite par une diminution de la taxe sur l'essence sans plomb. Nous avons pris des mesures, qui étaient attendues depuis longtemps, en faveur des moyens de déplacement les plus novateurs en matière d'environnement et aucune augmentation de la TIPP n'a eu lieu depuis plus de deux ans. Je n'ai pas souvenir d'un Gouvernement qui ait fait ce choix dans le passé.

M. Yves Cochet - Cela n'était pas arrivé depuis dix-huit ans !

Mme Nicole Bricq - Depuis vingt ans !

Plusieurs députés RPR - Qui dit mieux ?

M. Jean-Pierre Brard - Vous n'aurez pas l'occasion de dire mieux avant longtemps ! (Rires sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

Mme la Ministre - Je remercie M. Brard pour sa confiance sans faille dans le Gouvernement (Sourires) et je vous remercie de votre attention (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

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QUESTIONS

M. Robert Galley - J'associe à ma question celle de M. Philippe Martin, retenu pour une raison impérieuse. Je voudrais essentiellement revenir sur la TGAP. Vous avez, Madame la ministre, insisté sur l'application du principe du pollueur-payeur. Mais il nous avait semblé que son corollaire était que le produit des taxes prélevées à ce titre soit affecté en totalité à l'environnement, à l'imitation de ce qui se fait pour les actions du fonds national de solidarité de l'eau, financées sur les recettes des agences. En revanche, le produit de la TGAP sera affecté à la réforme des cotisations patronales de Sécurité sociale. Vous avouerez qu'il y a là une interprétation quelque peu extensive de la notion de solidarité. Si l'on considère l'ampleur des besoins, notamment en matière de recherche pour la protection de l'environnement, il est plus que surprenant de voir que la TGAP finance la Sécurité sociale, et quelles auraient été vos protestations si nous avions proposé le même type de mesure !

Ma question porte sur la pollution des nappes phréatiques par les nitrates. En ce qui concerne les céréales, l'apport en azote conditionne directement la teneur en protéine, c'est-à-dire la qualité du produit fini. Comment, Madame la ministre, allez-vous fixer le rendement de telle exploitation par rapport à telle autre ? Allez-vous fixer arbitrairement, pour atteindre un niveau de taxation plus élevé, un taux de protéine relativement bas ?

En second lieu, au cours des vingt dernières années, la quantité d'azote apportée aux betteraves sucrières a diminué de 30 % cependant que son rendement progressait de 40 % -l'excès d'azote est pénalisant, puisqu'il diminue la quantité relative de sucre contenue dans la racine. Dans ces conditions, comment allez-vous déterminer à quel niveau se situe l'excédent d'azote et à partir de quelle valeur les agriculteurs seront taxés ? Je ne vois pas comment on va réussir ce prodige !

En fait, la TGAP est un impôt nouveau qui risque de porter atteinte à la compétitivité des filières agricoles. Pourquoi taxer aussi la production de produits indispensables ? Ma question sera donc simple : avez-vous mesuré l'impact de cette série de mesures, qui sont de nature à inciter nos agriculteurs plutôt à la négligence qu'au respect rigoureux de l'environnement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme la Ministre - Notre travail sur la TGAP s'inscrit dans un cadre européen. Parallèlement à nos premiers pas en matière de fiscalité écologique, d'autres pays, tels l'Italie, le Royaume-Uni ou le Danemark, font le même choix que nous. Tous ont choisi de renoncer à un système de taxes affectées qui présente l'inconvénient de donner aux contributeurs le sentiment qu'ils acquièrent un droit à polluer ou à gérer, dans une logique mutualiste, le produit des fonds dégagés. Un tel système manque également de souplesse, comme en témoignent certaines difficultés de l'ADEME dans le passé.

Je n'exclus pas qu'à certains moments, les engagements financiers de la collectivité en faveur de la protection de l'environnement excèdent le produit de la TGAP et qu'à d'autres moment le montant de la TGAP utile pour dissuader les comportements polluants reste supérieur aux moyens qui sont nécessaires pour réparer les dégâts.

Ainsi, je tiens beaucoup à la déconnexion entre le produit des taxes et le montant des budgets affectés à l'environnement ; en revanche, comme je l'ai dit à Mme Idrac, il serait incompréhensible que la progression du budget de l'environnement ne se vérifie pas alors que se mettrait en place un système complet de fiscalité écologique.

2001 verra l'extension de la TGAP dans deux domaines. Le premier concerne la taxation des consommations intermédiaires d'énergie. La France a déposé un mémorandum européen pour reprendre la discussion dans un cadre communautaire et le ministère de l'économie, en coopération avec le mien, a élaboré un livre blanc, soumis aux industriels du secteur. La discussion aura lieu tout au long de 2000 pour préparer la mise en place de cet outil dans le budget pour 2001.

L'extension de la TGAP à d'autres domaines ne concernera pas les excédents d'azote car nous avons promis au monde agricole et aux agences de l'eau que la taxation de l'azote se ferait dans le cadre de la réforme de la redevance des agences de l'eau. Il ne s'agira d'ailleurs pas de taxer l'azote au premier gramme mais de faire le bilan azoté des exploitations, en comparant les intrants et la consommation. Cela concernera aussi bien l'azote minéral qu'organique.

Un groupe de travail, constitué avec les professions agricoles, se penche sur ces questions. La question de la qualité de l'azote rejeté n'a pas été soulevée à ce stade par nos interlocuteurs. Je ne puis donc vous faire une réponse plus précise aujourd'hui mais je les solliciterai et nous ferons en sorte que tout soit clair dans le budget pour 2001.

M. Jacques Pélissard - Dans une logique écologique, la TGAP doit adresser un signal prix et encourager les comportements responsables. C'est bien pourquoi elle est différenciée pour les lessives, selon leur taux de phosphates, et pour les phytosanitaires. Par contre, elle est identique pour les déchets, quel que soit le traitement subi avant leur mise en décharge. Ne peut-on envisager un taux minoré de TGAP pour les déchets ultimes accueillis dans les décharges conformes aux normes de l'arrêté du 9 septembre 1997 ?

Dans la deuxième partie de ma question, je voudrais souligner l'injustice qui fait que, conformément à la loi de février 1995, l'ADEME verse une dotation de 5 F la tonne aux communes comprenant un site de traitement ou de transit, tandis que les communes qui accueillent une décharge de vrais déchets ultimes -le tout aux normes de l'arrêté cité plus haut- ne reçoivent rien. Pourtant, le «zéro décharge» n'est pas possible, comme le dit fort bien votre circulaire du 28 avril 1998. Une modification de la loi de 1995 est-elle envisageable ?

Mme la Ministre - La taxe sur la mise en décharge des ordures ménagères était de 40 francs la tonne en 1998. Elle a été portée à 60 francs en 1999. J'avais alors annoncé qu'elle progresserait sur un rythme pluriannuel de façon à moins taxer les comportements responsables et à pénaliser ceux qui le sont moins. Mais comme je n'ai pas voulu, cette année, me prêter à une augmentation qui aurait trop ressemblé à un artefact budgétaire, j'ai refusé que cette taxe augmente. Reste qu'il nous faudra poursuivre dans la voie d'un enchérissement des pratiques les moins responsables, tout en diminuant le coût de la collecte, du traitement et du tri.

Peut-on pour autant exonérer complètement de la taxe les déchets ultimes résultant d'une prise en charge conforme aux normes ? Je ne le crois pas, car le déchet ultime ne connaît pas une définition univoque.

Je note d'ailleurs que votre commune, comme toutes celles qui ont fait des efforts pour une prise en charge raisonnable des déchets, a un coût de mise en décharge de ses déchets ultimes bien inférieur à celui des collectivités qui n'ont pas fait cet effort.

Comment encourager les communes qui accueillent ce type d'installation ? L'an dernier, je vous avais dit que j'étais prête à travailler avec vous sur ce sujet ? Nous ne l'avons pas fait, j'en suis évidemment plus coupable que vous mais je continue à souhaiter que nous mettions en place, avec l'Association des maires de France, par exemple, ou avec des parlementaires de la commission de la production, un petit groupe de travail qui réfléchisse à la meilleure manière de rémunérer le service ainsi rendu à la collectivité par ces communes.

M. François Goulard - J'en suis désolé mais ma question portera aussi sur la TGAP, qui est tout de même la grande innovation de l'année.

L'affectation de cette taxe à un fonds de financement de la baisse des cotisations sociales aura à l'évidence un effet pervers : la TGAP n'incitera personne à moins polluer. En effet, comme les besoins du fonds ne faibliront pas, bien au contraire, ses ressources auront elles aussi vocation à s'accroître. Les entreprises concernées ne feront donc pas d'efforts pour moins polluer, sûres qu'elles seront que le prélèvement sur leurs activités n'en sera pas diminué pour autant. Quel que soit leur comportement plus ou moins polluant, elles seront toujours plus taxées. Trouvez-vous cela pertinent ?

Mme la Ministre - Le Gouvernement est solidaire mais je dois reconnaître que mes préoccupations ne se confondent pas totalement avec celles des ministres de l'emploi ou du budget. Je ferai donc en sorte -je l'ai déjà fait- que l'on ne s'éloigne pas de la logique écologique : il s'agit bien, avec la TGAP, de pénaliser les comportements polluants.

Et mon espoir, aussi bien comme ministre que comme citoyenne, est que le produit de certaines taxes, comme celle sur les phytosanitaires, se rapproche aussi vite que possible de zéro. On n'a pas cherché à taxer tout le monde : deux tiers des produits mis sur le marché ne sont pas taxés du tout. Et j'espère que l'on verra les usagers se détourner des produits classés 5, 6 ou 7 pour choisir des produits moins polluants et moins taxés.

Quant à l'amendement qui a été voté à l'article 4 du PLFSS, je souligne que l'objectif pour moi n'est pas que le compte y soit, en l'occurrence 500 millions. Pour moi, il faut que la lisibilité écologique de la taxe soit maintenue. Et je continue à ne pas trouver normal que le savon en paillettes des lessives destiné aux bébés paie pour les lessives lourdement phosphatées.

Dans le même esprit, je n'ai pas souhaité augmenter cette année la taxe sur la mise en décharge des déchets ménagers.

Je tiens beaucoup à une fiscalité qui s'inscrive dans une stratégie environnementale, car s'il ne s'agit que de remplir les caisses, je ne doute pas que tout le monde ait de bonnes idées.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 55.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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