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Session ordinaire de 1999-2000 - 21ème jour de séance, 53ème séance

2ÈME SÉANCE DU LUNDI 8 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite) 2

          ENVIRONNEMENT (suite) 2

          QUESTIONS (suite) 2

          TRAVAIL ET EMPLOI 6

          QUESTIONS 32

          ART. 70 34

La séance est ouverte à quinze heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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ENVIRONNEMENT (suite)

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QUESTIONS (suite)

Mme Nicole Bricq - Mon collègue Jacques Fleury ne pouvant être là cet après-midi, je reprends la question qu'il voulait poser sur les déchets, en l'appliquant à l'Ile-de-France.

Ce matin, notre rapporteur s'est inquiété de la faible augmentation des crédits destinés au traitement et à la revalorisation des déchets ménagers, dont la responsabilité incombe aux collectivités locales. L'inquiétude est générale sur ces bancs, mais pour des raisons variables ; il est malencontreux de faire, comme certains collègues, le lien entre la mise en place de la TGAP et les difficultés budgétaires. La TGAP est un impôt moderne et intelligent, qui redonne au pouvoir politique le choix des priorités. Vous avez ainsi souligné, Madame la ministre, que l'aide accordée par l'ADEME doit être réservée aux investissements environnementaux, notamment en vue d'une collecte sélective.

La région Ile-de-France a une politique très innovante dans le domaine des déchets ménagers ; depuis 1992, elle a lancé une politique contractuelle que la nouvelle majorité de gauche a reprise en 1998, en la réorientant vers les pratiques de collecte sélective, mais qui risque d'être remise en cause par la faiblesse des moyens de l'ADEME.

Que comptez-vous faire, Madame la ministre, pour soutenir la valorisation des déchets ?

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Je vous remercie d'avoir souligné la souplesse et l'efficacité de la TGAP pour financer les priorités. La politique des déchets fait partie de celles-ci puisque nous avons un rendez-vous en 2002.

Un travail considérable a été réalisé par la direction de la prévention des pollutions et des risques pour revoir chacun des plans départementaux de traitement des ordures ménagères. J'ai parlé ce matin des différents outils à notre disposition : réduction de la TVA applicable à la collecte sélective des déchets de 20,6 à 5,5 % ; augmentation de la taxe sur la mise en décharge des déchets ménagers ; augmentation des moyens de l'ADEME, permettant un engagement effectif de près d'1,2 milliard. Il est vrai que l'ADEME est victime de son succès : à l'approche des élections municipales comme de l'échéance de la loi de 1992, les dossiers affluent. Je proposerai au Premier ministre, dans le cadre du collectif budgétaire, des autorisations de programme supplémentaires ; mais il faut mobiliser l'ensemble des outils à notre disposition qui, d'après le calcul évoqué ce matin par Mme Peulvast-Bergeal, abaissent de 18 % le coût restant à la charge des collectivités.

S'agissant de l'Ile-de-France, les plans départementaux sont à des niveaux très hétérogènes. Des décisions ont été prises pour rééquilibrer la charge des déchets entre Paris et la périphérie. Nous souhaitons que les équipements lourds ne soient pas systématiquement localisés dans l'Est parisien ; chacun a pris en conséquence sa part de l'effort.

M. Jean-Pierre Dufau - L'augmentation de près de 9 % des crédits de l'environnement traduit une priorité dont la majorité plurielle se félicite.

Ma question porte sur la procédure des «contrats de rivière», dont le but est d'améliorer la qualité des eaux. Actuellement, elle est lourde et centralisée. Pourquoi ne pas confier à l'échelon déconcentré des DIREN l'instruction et la validation des contrats d'intérêt local, l'échelon centralisé concervant sa compétence sur les dossiers majeurs ?

Mme la Ministre - Les contrats de rivière sont un élément important de la politique de contractualisation. 135 ont été passés, en plus de 15 contrats de baie, ce qui montre bien l'intérêt porté par les élus à cette démarche que j'entends continuer à soutenir.

A l'expérience, il apparaît que le bon déroulement d'un contrat conduit les collectivités locales, et plus généralement les usagers de l'eau, à développer une approche commune au niveau du bassin, qui peut aboutir à un schéma d'aménagement et de gestion des eaux -SAGE, souvent bien nommé. Nous envisageons en effet de déconcentrer la procédure au niveau de la région ou du bassin, en maintenant la capacité d'expertise de la commission d'agrément.

Mme Nicole Bricq - Depuis deux ans le Gouvernement et la majorité ont beaucoup fait pour améliorer l'indemnisation des riverains victimes du bruit autour des grands aéroports. Pour ce qui concerne notamment Roissy-Charles-de-Gaulle, je suis attentive, comme notre rapporteur M. Blazy, au respect des engagements pris lors de la décision de construire deux nouvelles pistes.

Je l'ai dit, des avancées réelles ont eu lieu sous cette majorité : augmentation de la taxe sur le bruit, désormais intégrée dans la TGAP ; développement des plans de gênes sonores ; création d'une autorité indépendante ; prise en compte des bâtiments publics tels que les écoles et les hôpitaux ; extension des droits des riverains ; prise en compte du niveau de revenus dans le montant des aides... Tout cela a permis une meilleure information des riverains, d'où résulte une augmentation du nombre des dossiers. Ceux-ci, précédemment gérés par Aéroports de Paris, sont désormais repris par l'ADEME. Il y a 2 028 dossiers en stock pour Roissy et Orly. Un redéploiement interne des crédits de l'ADEME, intervenu en septembre, permettra à la commission consultative d'aide aux riverains, qui se réunira le 18 novembre, de traiter quelque deux cents dossiers. Il en restera plus de mille huit cents, sans préjudice des nouveaux dossiers, de sorte qu'une certaine impatience se fait jour chez les riverains et les élus. L'ADEME a fait un effort de redéploiement, mais il sera insuffisant en 2000. Comment comptez-vous faire face à ces besoins ? Envisagez-vous de recourir au collectif budgétaire ? Nous vous aiderons à obtenir une augmentation de vos dotations budgétaires. Il s'agit d'une priorité absolue, car sinon les réels efforts déployés depuis deux ans risqueraient d'être réduits à peu de chose.

Mme la Ministre - Ma réponse sera proche de celle que j'ai faite sur les déchets. Dans l'un et l'autre domaines, l'ADEME sort d'une période assez molle, et les difficultés qu'elle connaît viennent de ce qu'elle prend désormais les problèmes à bras-le-corps. Nous avons augmenté l'an dernier la taxe sur le bruit, désormais intégrée à la TGAP. Mais cette augmentation n'a rapporté que 82 millions, alors que près de 205 millions auront été affectés fin 1999 : on mesure l'ampleur des besoins, et le souci du Gouvernement et de l'ADEME d'y faire face. Cela dit, vous avez raison : il y a plus de deux mille dossiers en souffrance. C'est en partie l'effet de l'extension des conditions d'indemnisation fin 1998, de la prise en compte des bâtiments publics sensibles, de celle du niveau de revenus, et du développement des commissions consultatives. Il faut rattraper le retard. Nous avons demandé à l'ADEME d'y consacrer les moyens nécessaires ; s'il le faut, elle procédera en cours de gestion à des redéploiements de plusieurs dizaines de millions.

Pour ce qui est du collectif budgétaire, j'ai saisi le Premier ministre au sujet des déchets ; je n'exclus pas de le faire sur le bruit, mais ce n'est pas envisagé pour l'instant. Je compte sur vous pour m'apporter les éléments objectifs, et si possible chiffrés, qui pourront étayer cette demande.

M. Marc Reymann - La présence du stand de tir Desaix en face d'un habitat social à l'entrée de Strasbourg constitue une pollution sonore inacceptable. En 1987, puis en 1997, j'ai souligné la nécessité de transférer cet équipement, propriété de l'Armée. La dernière fois, le ministre de la défense m'a indiqué que le stand n'était plus utilisé qu'à 30 %, du fait de la réforme de l'Armée, et qu'une soulte de 15 millions en faveur de celle-ci était nécessaire pour conclure le dossier.

Mais l'aménagement concerté des deux rives du Rhin rend plus aiguë la question de ce transfert. Je sais, Madame la ministre, que vous n'êtes pas le maître d'_uvre de cette opération, qui engage l'Armée et la ville de Strasbourg ; mais le ministre de l'environnement doit être attentif à de telles nuisances. J'attends de vous une incitation en faveur du déplacement de ce stand.

Mme la Ministre - Ce cas de nuisance sonore pose des problèmes qui ne relèvent pas vraiment de la compétence ministérielle, mais plutôt d'une capacité de médiation entre le ministère de la défense et la ville de Strasbourg. Je ne manquerai pas d'en référer à mon collègue de la défense, mais je ne saurais me substituer à lui ni à la municipalité pour régler le problème.

M. Pierre Micaux - Ma question concerne les taxes sur les activités polluantes. Elles correspondent à une augmentation des prélèvements publics, qui ont atteint 45,3 % en 1999. Elles pénalisent la consommation. Je serais d'ailleurs curieux de savoir ce que contiendront les décrets qui fixeront le degré de nocivité des produits : tiendrez-vous compte des risques de fermeture d'entreprises ? Quant aux taxes sur les nitrates ou les produits phytosanitaires, elles frapperont l'agriculteur. Enfin ces taxes ne seront pas efficaces pour la protection de l'environnement. On peut craindre en effet que les pollueurs n'acquièrent un droit à polluer. Ces taxes s'inscrivent dans une logique qui n'est pas environnementale, mais budgétaire, qui les conduira probablement à s'alourdir au fil des budgets, la boulimie de Bercy aidant. Je propose d'appeler ces taxes «TGAPS» : taxe générale anti-production et anti-sociale... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre - Je regrette que vous n'ayez pas été là ce matin pour entendre mon argumentation. J'ai dit qu'il ne s'agissait pas de mettre en place des taxes supplémentaires, mais de manifester notre volonté de dissuader les comportements polluants et d'encourager les comportements vertueux, tout en réduisant les taxes sur l'emploi. J'ai dit d'autre part que ma préoccupation n'était peut-être pas identique à celle du ministère des finances : j'entends bien garder le lien direct entre le montant de la taxe et le caractère polluant de l'activité. C'est ainsi que les deux tiers des produits phytosanitaires mis sur le marché ne seront pas taxés.

En outre une longue concertation avec la profession agricole a permis de clarifier le caractère plus ou moins polluant d'un certain nombre de produits. Les pesticides sont aujourd'hui présents dans 47 % des points d'eau, 50 % des eaux côtières, 20 % des eaux souterraines, et ils sont la cause du quart des cas d'eau impropre à la consommation humaine... Un député de votre groupe avait d'ailleurs souligné la gravité de cette pollution après la parution du rapport de l'IFEN. La réponse est aujourd'hui à la mesure du problème. Nous souhaitons obtenir que les produits les plus dangereux voient leur usage sévèrement restreint. La TGAP nous aidera à convaincre les fabricants de ces produits, les agriculteurs et les consommateurs...

M. Germain Gengenwin - Et à financer les 35 heures !

Mme la Ministre - Non, mais à financer la baisse des charges, ce qui est un de nos engagements depuis deux ans. C'est pourquoi nous avons voulu que la TGAP soit inscrite au budget de la Sécurité sociale. J'avais cru comprendre que la baisse des charges sur le travail était aussi une préoccupation de l'opposition...

L'effet de la mesure sur l'industrie des produits phytosanitaires doit d'ailleurs être relativisé. Le montant de 300 millions attendu en 2000 représente 2 % du chiffre d'affaire 1998 des entreprises productrices. La taxe sur les granulats, de 60 centimes par tonne, représente moins de 1 % du coût de l'extraction. Si le ministre de l'environnement avait un regret à formuler, ce serait peut-être que nous n'ayons pas donné de signes plus forts, notamment sur l'extraction de granulats en milieu humide.

M. Jean-Claude Mignon - J'appelle votre attention, Madame la ministre, sur les graves difficultés que connaît le SMITOM -syndicat mixte intercommunal de traitement des ordures ménagères- du centre-ouest Seine-et-Marnais, qui traite les déchets de 64 communes regroupant 285 000 habitants, à la suite de la baisse des subventions de l'ADEME.

Je vous en ai saisie en juillet, mais n'ai pas obtenu de réponse.

Le SMITOM avait prévu un investissement de 550 millions, dont 505 subventionnables, dans le cadre d'un contrat « Terres vives » signé le 21 janvier dernier afin d'obtenir un financement de divers partenaires, dont l'ADEME. Or celle-ci a décidé, de manière unilatérale et soudaine, de réduire ses subventions de 50 à 20 %. Ainsi, dans le cadre de l'enveloppe globale de 18 millions prévue pour le centre de tri, l'ADEME a ramené à deux millions les 7,5 millions prévus initialement pour les plates-formes de compostage, et les 65 millions prévus pour l'usine d'incinération se sont réduits à 20.

Au total, ce sont 65 millions qui feront ainsi défaut et risqueront d'entraîner une hausse très importante de la taxe sur les ordures ménagères.

Pendant le même temps, l'ADEME est en train de faire construire un nouveau siège à Angers pour un coût de 80 millions. Il est inconcevable que l'Etat puisse revenir ainsi sur les contrats signés par lui et se défausser sur le contribuable. Votre explication par « le volume très important de demandes de soutien financier » revient à avouer que vous ne dotez pas en crédits suffisants les politiques que vous mettez en _uvre.

Je vous remercie donc de bien vouloir faire en sorte que l'ADEME puisse verser, comme elle s'y était engagée, les 65 millions de subventions au SMITOM.

Mme la Ministre - Le contrat « Terres vives » d'Ile-de-France vise à développer la collecte sélective, à créer des plates-formes de compostage et une usine d'incinération, et à organiser la résorption des décharges sauvages. Ce programme étalé sur 4 ans, mobilisant environ 500 millions hors taxe, peut bénéficier d'une aide allant jusqu'à 320 millions, dont 95 provenant de l'ADEME. Ce taux d'aide est exceptionnel eu égard aux moyens dont dispose l'Agence, un peu moins d'un milliard. Il n'était envisageable que si la relative atonie des demandes d'aides des collectivités locales constatée en 1997 et au début de 1998 subsistait. C'est pourquoi le contrat comporte une clause d'actualisation. S'il est heureux que les demandes d'aides à l'ADEME aient connu récemment une forte croissance, cette évolution a contraint l'Agence à revoir à la baisse ses taux d'aides. Cette situation est regrettable pour votre syndicat, mais par ailleurs le taux d'aide d'éco-emballage a été sensiblement augmenté cette année, et le taux de TVA applicable à la collecte sélective des déchets a été ramené à 5,5 %. Selon des simulations récentes, ces deux décisions font plus que compenser la diminution des taux d'aide de l'ADEME intervenu en mai dernier.

M. Jean Launay - Les structures actuelles de la gestion de l'eau ne permettent pas d'organiser comme il convient la gestion opérationnelle des grands fleuves français. Il nous faudra y réfléchir à fond.

Les moyens financiers de l'Etat dévolus à cette gestion étant insuffisants, les départements et parfois les régions se sont regroupés au sein d'établissements publics territoriaux de bassin, pour intervenir sur certains aspects de la gestion de ces fleuves pourtant domaniaux, qu'il s'agisse des annonces de crues ou de l'entretien des berges. Pourtant, ces compétences ne figurent pas explicitement dans la loi de décentralisation. Des fonctions sont ainsi tacitement déléguées sans aucun transfert de moyens correspondants.

L'augmentation de votre budget permet-elle de donner aux établissements publics territoriaux de bassins les moyens d'agir de façon cohérente ? Une partie de la TGAP portant en particulier sur l'extraction de granulats pourrait compléter ces ressources.

Peut-être faudra-t-il envisager une contractualisation particulière entre l'Etat et les établissements publics territoriaux de bassin, voire modifier les répartitions de compétences en matière d'environnement et de gestion de l'eau.

Mme la Ministre - Le rôle de ces établissements publics est particulièrement utile dans le domaine des études, de la restauration des rivières et de l'annonce des crues. J'ai salué en 1997 la création de l'association qui les réunit, et dont j'ai reçu les responsables en deux occasions.

Le rôle de ces établissements tend à coordonner l'action des collectivités à côté du rôle bien identifié de l'Etat et des comités de bassin, auxquels ils ne sauraient se substituer. Dans ce cadre, ils peuvent bénéficier des crédits de mon ministère, en particulier au titre du fonds national de solidarité pour l'eau. C'est ainsi que mon ministère est partenaire de l'EPALA sur le plan Loire ou encore de l'établissement public de la vallée du Lot.

M. Jean-Pierre Dufau - Sur la qualité des eaux de baignade, les résultats annoncés à l'année N avant la saison estivale proviennent d'analyses effectuées à l'année N-1. Ce décalage peut conduire à publier des informations inexactes au préjudice des stations concernées.

Ne serait-il pas possible, dans le cas de mauvais résultats à la saison N-1, de lancer un contrôle suivi du lieu incriminé ? Ainsi lors de l'année N les mauvais résultats pourraient être confirmés ou infirmés dans la durée.

Serait-il concevable, dans le cadre des contrats Etat-région, de créer une ligne budgétaire qui aiderait les 1 000 communes littorales à prendre en charge ces frais d'analyse ? Le nombre limité, et en diminution, de points noirs de pollution rend cette mesure accessible à un moindre coût. Bien entendu, cela n'empêche pas d'agir sur les causes de pollution des eaux de baignade, au contraire.

Mme la Ministre - La qualité des eaux de baignade fait l'objet d'un suivi attentif, en collaboration avec le ministère de la santé. Dans les dix dernières années cette qualité s'est beaucoup améliorée.

En 1998, 95 % des eaux de baignade ont été déclarés conformes aux normes. La plupart des élus sont devenus conscients de remédier au plus vite à l'annonce de mauvais résultats. Le ministère de l'environnement, en liaison avec les secrétariats d'Etat au tourisme et à la santé, ont lancé la campagne Pavillon Bleu, destinée à élargir les critères de qualité à l'état du sable, et l'absence de déchets, à l'accueil et à l'information. Des crédits du Fond national de solidarité pour l'eau, à hauteur de 600 000 F viendront se joindre en 2000 au financement par le ministère de la santé d'une large campagne d'information sur la qualité des eaux. Les analyses relèvent du budget du ministère de la santé.

Je suis à votre disposition pour examiner comment moderniser le dispositif, en présentant par exemple les chiffres actualisés sur Internet, afin que les collectivités qui ont tiré les leçons d'un épisode de pollution de ne pas être durablement pénalisées.

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne Aménagement du territoire et environnement. II. Environnement.

Les crédits des titres III et IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits des titres V et VI de l'état C.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement pour l'environnement (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

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TRAVAIL ET EMPLOI

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité, concernant le travail et l'emploi.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances pour le travail et l'emploi - La situation de l'emploi s'améliore en France, nous nous sen félicitons tous. Le taux de chômage n'était plus que de 11,1 % de la population active en juin 1999 contre 12,56 % deux ans plus tôt. Notre population active continuant de croître rapidement, ce résultat tient essentiellement à l'accélération des créations d'emplois, qui se font désormais au même rythme qu'aux Etats-Unis. 750 000 emplois ont été créés en deux ans, dont 560 000 dans le secteur marchand : un tel rythme n'avait pas été observé depuis 1969. La diminution du chômage continue de bénéficier aux jeunes mais elle commence aussi de profiter aux personnes les plus éloignées du marché de l'emploi. Le chômage de longue durée a régressé de 11,8 % en un an.

La relance de la croissance par le soutien de la consommation et le développement d'emplois du futur, notamment dans le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication, a contribué à enrichir le contenu de la croissance en emplois. Tous les acteurs se mobilisent aujourd'hui dans la lutte contre l'exclusion.

Les budgets successifs de votre ministère, Madame la ministre, reflètent la priorité donnée par le Gouvernement à la question de l'emploi. Ils portent aussi votre marque personnelle avec l'accent mis sur l'activation des dépenses passives du chômage et le recentrage des aides en faveur des demandeurs d'emploi les plus en difficulté.

L'évaluation des politiques publiques de l'emploi n'en est qu'à ses débuts, notamment sur le plan européen avec la surveillance communautaire des engagements pris par les Etats membres.

La commission des finances de l'Assemblée n'est pas restée inactive pour l'évaluation des aides à l'emploi. J'ai travaillé, en son nom, tant au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques qu'au sein de la Mission d'évaluation et de contrôle. Certaines propositions de la Mission ont déjà trouvé une traduction législative, par exemple avec la suppression du crédit d'impôt pour création d'emplois.

Les compensations par l'Etat des exonérations de charges sur les bas salaires et de cotisations d'allocations familiales, ainsi que des aides accordées au titre de la réduction du temps de travail figuraient en 1998 au budget des charges communes. L'année dernière, elles avaient été regroupées au sein du budget de l'emploi. Cette année, la création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales conduit à sortir de ce périmètre les compensations d'exonérations sur les bas salaires et à transformer les crédits au titre de la réduction du temps de travail qui y demeurent en contribution de l'Etat à ce fonds. Le dispositif y gagnera en clarté.

Le budget de l'emploi ne comporte donc plus à ce titre que le montant nécessaire au financement des conventions conclues au titre de la loi du 11 juin 1996, soit 2,7 milliards et de la contribution au fonds créé par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000, soit 4,3 milliards.

Avec un total de 122 milliards, il progresse de 2,3 %, soit de 1 % de plus que l'ensemble des dépenses civiles de l'Etat, marquant ainsi la priorité accordée à la politique de l'emploi.

Les actions en faveur des jeunes montent en puissance : les emplois-jeunes bénéficient de 21,34 milliards, l'objectif étant de parvenir à la conclusion fin 2000 de 300 000 conventions, tous ministères confondus. Les crédits du programme d'accompagnement personnalisé vers l'emploi, TRACE, augmentent de 16,5 % pour les prestations réalisées par des opérateurs autres que les missions locales ou les PAIO et de 12 %, à structure constante, pour celles de ce réseau d'accueil et d'orientation. L'objectif est d'accueillir 60 000 jeunes en 2000, objectif ambitieux puisque seuls 35 000 l'ont été en 1999.

Les aides à l'emploi en faveur des publics prioritaires seront recentrées. Le projet de budget prévoit le financement de 60 000 contrats emploi-consolidé de plus qu'en 1999, l'objectif étant de réserver 70 % des contrats aux personnes ayant les plus sérieuses difficultés d'accès à l'emploi. 9 milliards sont prévus pour le financement des contrats emploi-solidarité, l'objectif étant de conclure 360 000 contrats en 2000, soit une diminution de 50 000 entrées dans le dispositif par rapport à 1999. Enfin, 7,013 milliards devraient permettre de conclure 155 000 nouveaux contrats initiative-emploi.

L'objectif a également été fixé de doubler en trois ans les capacités d'accueil des entreprises d'insertion et de travail temporaire d'insertion. 400 millions serviront à encourager la création d'entreprises nouvelles par les allocataires de minima sociaux. Les crédits du FNE, quant à eux, passent de 7,7 milliards en 1999 à 6,17 milliards en 2000. Le nombre d'allocations AS-FNE serait de 19 000, en tenant compte du dispositif proposé aux salariés ayant commencé leur carrière jeunes et ayant effectué des travaux pénibles ou étant particulièrement menacés par les adaptations technologiques. La contribution des entreprises sera relevée. Enfin, le nombre d'entrées en préretraite progressive diminuerait à nouveau en 2000, ramené de 18 000 à 12 600.

Je souhaite maintenant insister sur le renforcement des moyens du service public de l'emploi. 130 millions de mesures nouvelles permettront de créer 130 emplois, en grande majorité dans les services déconcentrés, dont 15 emplois d'inspecteurs et 88 emplois de contrôleurs du travail ; de poursuivre le plan de résorption de l'emploi précaire, pour l'essentiel dans la catégorie C ; enfin, de rapprocher le corps de l'inspection du travail de celui de la formation professionnelle.

S'agissant du fonctionnement, l'abondement d'un million de francs des crédits de statistiques et d'études générales permettra de mettre au point une nouvelle génération de panels, qui contribueront à une évaluation plus efficace des différents dispositifs de la politique publique de l'emploi, comme le recommandait d'ailleurs la MEC.

L'ANPE a fait par le passé l'objet de critiques, souvent fondées, de la part des usagers comme des entreprises. Je tiens ici à saluer l'ensemble de ses personnels. Ils ont réussi très rapidement à améliorer le service rendu par l'Agence aux entreprises et aux demandeurs d'emploi, ses relations avec les collectivités locales et les acteurs du développement local, comme les comités de bassins d'emploi et les missions locales, tout en répondant aux attentes du Gouvernement. Le troisième contrat de progrès signé en janvier dernier entre l'Etat et l'ANPE dénote un effort sans précédent pour réussir l'insertion professionnelle des jeunes, prévenir le chômage de longue durée, soutenir les publics les plus en difficulté, lutter contre l'exclusion. L'ANPE a su développer des partenariats innovants. Ainsi ai-je assisté récemment à Toulouse à l'inauguration du premier Point Relais Emploi qui réunit dans un même lieu, autour de l'ANPE, l'ensemble des institutions participant à la lutte contre l'exclusion. Les personnes les plus éloignées de l'emploi relèvent en effet souvent d'une prise en charge globale.

Il est donc tout à fait justifié que la subvention de l'Etat à l'ANPE progresse en 2000 de 10,7 % par rapport à 1999 -elle sera passée de 5,16 milliards en 1997, année où elle avait régressé de 0,9 %, à 6,38 milliards en 2000. Elle permettra de financer 500 emplois nouveaux en 2000, 1000 ayant déjà été créés en 1998-1999. Ainsi les moyens du service public de l'emploi auront été progressivement portés au niveau de l'effort consenti dans les autres pays européens, conformément à la recommandation de la MEC.

Je terminerai par deux interrogations.

Vous proposez que les aides de l'Etat aux Centres institutionnels de bilans de compétence, qui représentent plus de 50 % de leurs recettes, soient intégrées dans la subvention à l'ANPE. Ces 112 centres, répartis sur l'ensemble des territoires, donnent des conseils d'orientation professionnelle, effectuent des bilans de compétence et mènent des actions expérimentales, à la fois en direction des salariés et des demandeurs d'emploi. Ils craignent que leur action ne soit désormais uniquement ciblée vers le public de l'ANPE, au détriment de leur mission globale. Il convient de les rassurer à cet égard.

Le décret rééquilibrant la charge des préretraites AS-FNE à partager entre l'Etat et les entreprises est en cours de rédaction : pouvez-vous nous donner des précisions sur cette réforme ?

Ce budget de l'emploi traduit une volonté politique forte au service de l'emploi et de la lutte contre l'exclusion : la commission des finances l'a adopté, le groupe socialiste et la majorité le soutiennent bien entendu (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le travail et l'emploi - Le chômage a diminué de 8,9 %. C'est le résultat d'une politique globale : soutien à la croissance, réduction du temps de travail, programme emplois-jeunes, allégement des charges sociales, politique d'insertion par l'économie.

La politique d'allégement des charges sociales a été poursuivie, mais aussi corrigée pour englober les salaires moyens et éviter ainsi d'encourager le maintien de salaires bas. En outre, un lien a été établi entre l'effort budgétaire et la création d'emplois. C'est un effort sans précédent puisque le coût du travail pour ces postes est réduit de 5 %.

Second point marquant, la réussite du programme d'emplois-jeunes. 200 000 emplois ont été créés fin juin 1999, l'objectif pour fin 2000 est de 300 000. Les crédits s'élevent à 21 milliards, avec priorité aux zones urbaines en difficulté. La pérennisation de ces emplois semble bien engagée dans les secteurs du tourisme et de l'environnement.

Troisième point sur lequel je voudrais insister, la mobilisation des moyens d'insertion pour ceux que la croissance a laissés au bord de la route parce qu'ils manquent de qualification ou présentent d'autres problèmes, de santé par exemple. Le budget 2000 est exemplaire à cet égard : tous les moyens annoncés par la loi de 1998 sur l'insertion y sont inscrits. Par exemple le programme TRACE devrait accompagner 60 000 personnes. Il faudrait cependant mieux l'articuler avec le fonds d'aide aux jeunes, dont les crédits ne sont consommés que pour moitié, malgré une circulaire de juillet 1999 de votre ministère.

Plusieurs députés UDF et RPR - Le système est trop complexe !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis  - Les départements ont tout à fait la possibilité de simplifier l'accès à ces aides, qui peuvent assurer aux jeunes un revenu dans les périodes d'attente d'une formation ou d'un contrat. Ce n'est pas un problème de crédits, mais plutôt de volonté de la part des autorités décentralisées.

Le programme «nouveau départ» devrait bénéficier à un million de personnes en 2000, et 500 postes sont créés à l'ANPE pour réaliser cet accompagnement.

Aujourd'hui 200 000 personnes bénéficient d'un emploi consolidé -les CEC. Le budget en prévoit 60 000 de plus. Il arrive cependant qu'en fin de contrat les bénéficiaires se retrouvent au chômage. Peut-être faudra-t-il en venir à des contrats d'insertion à durée indéterminée.

Dernier indicateur du respect des engagements pris dans la loi sur l'insertion, les crédits en faveur des entreprises et associations d'insertion progressent de 22 %.

Je terminerai par une question et un souhait.

La question concerne les salariés en pré-retraite : la validation de leurs droits à retraite pour la période 1996-1999 avait été promise, qu'en est-il ? Je sais que les négociations avec l'ARRCO et l'AGIRC sont complexes, mais il faut trouver une solution.

Mon souhait est que soit élaborée une grande loi sur la création d'entreprises et d'activités. Il faudrait ce pilier supplémentaire pour étayer une politique de l'emploi qui est en train de réussir. Nous voterons ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial de la commission des finances pour la formation professionnelle - Au nom de la commission des finances, je vous proposerai d'adopter le budget de la formation professionnelle, budget de transition, de reconduction, avant les réformes annoncées.

Sa structure pourrait être plus claire. On se demande pourquoi les dotations de l'AFPA ne sont pas intégrées à l'agrégat «Participation de l'Etat à la formation professionnelle». Mais je sais par expérience combien il est difficile de modifier la présentation budgétaire...

Les crédits représentent au total 30,6 milliards de francs, dont 26 milliards pour la participation de l'Etat, soit une baisse de 1,6 %, et 4,7 milliards pour l'AFPA, soit une progression par rapport à 1999.

Au sein de l'agrégat, les crédits pour la formation en alternance s'élèvent à 12 milliards, soit une baisse de 2,4 % due au recentrage des contrats d'apprentissage sur les bas niveaux de qualification. Certes ces actions relèvent de la compétence des régions, mais l'Etat finance les primes d'apprentissage, à raison de 4,1 milliards, les exonérations de cotisations sociales des apprentis à raison de 4,7 milliards et les primes de contrats de qualification pour 2,6 milliards.

Les chiffres d'apprentissage sont stables et je le regrette, d'autant qu'une pénurie de main-d'_uvre qualifiée se fait jour dans certaines régions. L'apprentissage peut permettre aux jeunes une entrée dans ces branches. J'observe d'ailleurs que l'Education nationale envisage de développer des sections d'apprentissage dans les lycées professionnels et techniques.

Le budget prévoit 220 000 contrats d'apprentissage, 125 000 contrats de qualification et 15 000 contrats de qualification adultes, innovation de la loi contre les exclusions.

La création d'un fonds de concours m'oblige à interpeller le ministre du budget : va-t-on multiplier indéfiniment les fonds de concours dans le budget de l'Etat ? Ce n'est pas une bonne procédure.

Bien sûr, ces 500 millions iront quand même à la formation permanente, ce qui est déjà bien, mais on ne les retrouvera pas dans les inscriptions initiales.

M. Germain Gengenwin - C'est un détournement de fonds.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial - Pour les actions de formation restant à la charge de l'Etat, les crédits de 5,8 milliards baissent de 2,8 % ce qui est peu significatif. Cette partie est vraiment disparate puisqu'on y trouve la politique contractuelle avec l'intervention du fonds social européen, la part « formation professionnelle » des contrats de plan Etat-région pour environ 400 millions, le programme national de formation professionnelle, qui comprend la lutte contre l'illettrisme. A ce propos, vous nous direz peut-être un mot du rapport de Mme Marie-Thérèse Geoffroy. La part la plus importante de cet agrégat est enfin constituée par les rémunérations des stagiaires de l'AFPA pour un milliard.

La dotation de l'AFPA passe de 4,452 milliards à 4,695 milliards afin de financer les nouvelles orientations du contrat de progrès 1999-2003. Sur cette période on devrait passer de 80 000 à 250 000 personnes concernées. L'action prioritaire envers les demandeurs d'emploi devrait leur offrir un service personnalisé d'appui à un projet professionnel. L'AFPA devrait aussi développer un système d'information.

Enfin 5,5 millions seront consacrés à renforcer les capacités d'évaluation des psychologues travaillant dans les COTOREP. Les investissements de l'AFPA augmentent également.

La commission est heureuse de constater que les objectifs de l'AFPA sont mieux précisés. Cela dit, il faut poursuivre l'effort de gestion et de productivité. Les commissaires aux comptes ont certifié les comptes 1998 avec les mêmes réserves qu'en 1997. Une comptabilité analytique a été mise en place début 1999 et il y aura 22 comptables régionaux. Il y a un effort, il faut qu'il se poursuive. Désormais les prestations de l'AFPA sont tarifées à des prix issus de la comptabilité analytique. Elle doit renforcer l'action à l'échelon local et la coopération avec l'ANPE, avec laquelle un accord-cadre a été conclu en avril 1999. L'action devra être poursuivie.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - On dit ça tous les ans.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial - Il y a un progrès certain dans la mise en place des outils. Il faut le souligner. Puis nous jugerons les résultats. Il faudra enfin que l'AFPA soit partie prenante lors de la négociation des contrats de plan Etat-région.

Enfin les dotations de décentralisation suivent l'évolution de la DGD.

Pour me résumer, un léger recul de ce budget n'est pas significatif. Il n'apporte rien de bien nouveau, mais constitue plutôt un budget de transition. Mme Péry a publié un Livre blanc, M. Lindeperg a remis un rapport, et la mission d'évaluation et de contrôle a poursuivi un certain nombre de travaux dans ce domaine. La MEC a voulu que l'on dynamise le dispositif de collecte et qu'on le contrôle mieux ; qu'on connaisse mieux le coût du fonctionnement des OPCA et qu'on fasse un vrai bilan du FONGEFOR ; enfin qu'on mette en avant une approche de qualité. Nous voudrions être sûrs que le Gouvernement y est attentif.

M. Lindeperg a aussi fait des propositions judicieuses, par exemple pour que les comités de coordination régionaux ne se contentent pas de juxtaposer des programmes de formation continue, et pour valoriser la fonction non financière des OPCA.

Que pense le Gouvernement de ces propositions ? Nous reviendrons sur l'article 70. Des décrets sont en préparation sur les conditions d'appréciation des excédents du congé individuel de formation. On va aussi étoffer le personnel, mais nous ne savons pas si c'est en faveur de l'inspection du travail ou du contrôle de la formation professionnelle.

Pour conclure, quand aura lieu la réforme de la formation professionnelle ? Le Premier ministre a parlé de mesures en 2000 et d'une loi en 2001. Mais votre rencontre avec les partenaires sociaux a été reportée. Est-ce sine die ? Que sera-t-il de la négociation qui devait fournir les bases d'un projet de réforme pour 2001 sur la validation et la réforme des compétences ?

Sur le fond, comment instaurer une véritable « formation tout au long de la vie » ? Comment s'organisera le nouveau dispositif de validation des compétences et celui du droit individuel à la formation, transférable et garanti collectivement ? Quel bilan retirez-vous, Madame la ministre, des actions expérimentales menées en 1999 ? En particulier, le dispositif du congé individuel de formation ne mérite-t-il pas une profonde réforme ?

« L'employabilité » dépend de la formation. On ne l'assurera pas avec le dispositif actuel. Il a bien fonctionné, mais date de 1971. Les besoins ont changé. Le temps presse pour adapter et moderniser le dispositif, sans reproduire celui de l'Education nationale.

J'ajoute que la commission des finances souhaite que le Parlement soit associé activement à ces réformes de fond qui touchent au c_ur de notre modèle social français et européen (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation professionnelle - La formation professionnelle doit relever de grands défis dans une société en mutation. Tout en examinant les expériences de nos partenaires, il faut s'engager dans des réformes permettant d'assurer « la formation professionnelle tout au long de la vie ».

Rapporteur pour la deuxième année, je constate que la formation professionnelle est de nouveau une priorité de l'action publique, et je m'en réjouis. La création d'un secrétariat d'Etat propre à mis fin à la baisse de l'effort financier. Les fonds sont attribués en priorité aux jeunes en difficulté et aux demandeurs d'emploi. Selon le mot d'un syndicaliste « la formation aujourd'hui, c'est la sécu de 1945 ».

Dès lors, on doit s'interroger -et le Gouvernement le fait- sur le caractère inadapté du dispositif de formation professionnelle et réfléchir aux réformes nécessaires. La France a pris aujourd'hui du retard.

D'après les résultats provisoires du compte économique de la formation professionnelle, la dépense totale s'élève à près de 140 milliards pour 1997, soit une progression de 0,6 % en francs courants par rapport à 1996. Il y a stabilisation, mais à un niveau relativement bas puisque l'engagement de formation reste inférieur de 0,21 point, au niveau record de 1993, retombant à 1,72 % du PIB.

Ce niveau trop bas exige un effort accru de chacun des financeurs.

De ce point de vue, les crédits de la formation professionnelle pour 2000 ne répondent pas complètement aux attentes. Ils représentent 28 % de la section emploi du ministère de l'emploi et de la solidarité et passent de 34,92 milliards l'an dernier à 34,47 milliards de francs soit une baisse de 1,29 % en francs courants.

Après l'augmentation de 2,5 % en 1998 et de 3,65 % en 1999, le budget 2000 marque une pause.

C'est d'abord qu'avec les rattrapages opérés en 1998 et 1999, il y a quelquefois saturation de la demande. Ensuite, l'amélioration de la situation de l'emploi conduit à la contraction de certaines actions comme les conventions de conversion ; enfin, un recentrage s'opère sur les publics prioritaires.

De ce fait, la plupart des postes de dépenses sont en légère diminution ou restent stables : c'est le cas des financements décentralisés -qui sont indexés sur la dotation générale de décentralisation-, de l'allocation formation reclassement, des SIFE ou des stages FNE en faveur des cadres, ainsi que des dépenses relatives à l'apprentissage même si le nombre d'entrées est maintenu à son niveau de 1999.

Priorité est donnée aux dispositifs d'insertion, aux contrats de qualification et aux actions menées par l'AFPA, recentrée sur ses missions de service public de l'emploi.

Comme vous, Mesdames les ministres, j'aurais naturellement préféré des moyens plus importants, mais il ne faut pas s'en tenir au nombre de bénéficiaires de tel ou tel dispositif. Les carences de notre système de formation professionnelle et son vieillissement appellent de toute évidence des réformes. Le Gouvernement les met en _uvre avec le soutien actif de notre assemblée, dans le but d'assurer une plus grande justice sociale, et non, comme cela avait été proposé sous les gouvernements précédents, de sacrifier la formation aux intérêts à court terme des entreprises et à la logique de profit.

Ma contribution à la réflexion est fondée sur les échanges du groupe des députés communistes et apparentés, qui ont abouti à la proposition de loi du 12 juillet dernier et alimenté le débat sur la réduction du temps de travail. Nombre d'observations figurant dans le rapport découlent du colloque organisé le 27 octobre dernier à Alès.

Je voudrais d'abord insister sur la totale illisibilité du système de formation professionnelle pour ceux qui devraient en être les bénéficiaires. Comment un jeune faiblement qualifié ou un chômeur de longue durée pourraient-ils se retrouver dans un tel maquis d'organismes ?

M. Germain Gengenwin - Très bien !

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis - Malgré les efforts entrepris par le Gouvernement pour rationaliser le réseau, la multiplicité des guichets contribue à l'exclusion de certains publics.

Deuxième problème : l'enchevêtrement des compétences. Il a fallu à votre rapporteur plusieurs dizaines de pages pour présenter, et encore de manière sommaire, les actions menées par les différents partenaires. Il faut favoriser la constitution de partenariats plus structurés et favoriser l'émergence d'un guichet unique pour une action de formation déterminée.

Nous déplorons, enfin, l'opacité financière du système. L'abondance des cofinancements, la multiplicité des transferts accroissent les doutes sur l'efficacité de l'ensemble. Il est extrêmement difficile d'avoir un bilan du coût et des résultats d'une action de formation donnée.

Le Gouvernement, conscient de ces difficultés, a publié un livre blanc qui propose quatre axes de réforme : création d'un droit individuel, transférable, géré et garanti collectivement ; professionnalisation des jeunes ; meilleur prise en compte de l'expérience professionnelle ; clarification du rôle des différents acteurs. Le Premier ministre a fourni le 27 septembre des indications sur le calendrier législatif.

Je salue le travail de la mission parlementaire animée par notre collègue Gérard Lindeperg, dont le rapport au Premier ministre ouvre des pistes concernant la clarification du rôle des acteurs, le développement des synergies entre services, la mobilisation croisée des financements en faveur des adultes, la formation dans les PME et la validation des acquis. Je fais miennes ces recommandations qui visent à favoriser la constitution d'un service de proximité plus accessible aux bénéficiaires et à faire en sorte que les entreprises forment leurs salariés sans les pénaliser sur le plan financier.

Il est essentiel d'assurer l'adéquation entre l'offre de formation et les attentes des intéressés comme des entreprises. A quoi sert de bien former, s'il n'y a pas de débouchés ? La formation n'est pas un pis-aller : elle doit déboucher sur un emploi, être pour le salarié un occasion d'épanouissement et de meilleure insertion.

Persuadée que tel est l'esprit dans lequel le Gouvernement utilisera les crédits de la formation professionnelle, la commission a émis un avis favorable à leur adoption (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Après avoir salué la qualité des rapports qui viennent d'être présentés, je me contenterai de quelques remarques personnelles.

D'abord sur l'emploi. Il y a quelques années, il fallait encore une croissance de 2,5 % pour qu'elle ait un effet sur l'emploi, aujourd'hui la plupart des analystes considèrent que cet effet apparaît dès que la croissance atteint 1,5 %. Autrement dit, la croissance est devenue plus riche en emplois. Les causes sont multiples : meilleure anticipation, meilleure prise en compte des problèmes de l'emploi, emplois-jeunes, réduction du temps de travail. A cet égard, il faut souligner qu'à la fin de l'année, 150 000 emplois auront été créés ou protégés, 20 000 accords auront été signés, concernant plus de 2,5 millions de salariés. A noter aussi la volonté nouvelle des entreprises d'examiner leur système d'organisation du travail ; les chiffres de l'ANACT sont à cet égard éloquents.

La situation actuelle amène les conjoncturistes à évoquer la perspective d'un retour au plein emploi, mais accompagné d'un «chômage structurel» de 4 à 5 %. Celui-ci ne signifie pas autre chose que l'exclusion de plus d'un million de personnes... Derrière le langage technocratique, il y a une réalité sociale. Je sais, Madame la ministre, que c'est pour vous un sujet de préoccupation.

Le parcours TRACE commence à montrer son efficacité. Le «nouveau départ» se met aussi en place. Mais nous nous heurtons à un problème de resocialisation qu'il faudra prendre en compte.

Peut-être faudra-t-il aller plus loin dans la territorialisation des politiques de l'emploi, dans une conception plus dynamique du paritarisme.

Si l'on considère que ce problème de l'exclusion est un enjeu majeur pour nos sociétés, je ne peux que m'étonner de ne pas voir cette obligation figurer dans le texte important du Medef «pour une nouvelle constitution sociale». A moins qu'on ne renvoie entièrement à l'Etat -dont pourtant le même texte juge les interventions proliférantes et paralysantes- le soin de faire face à la fracture sociale, sans s'interroger sur ses causes, ses conséquences et les responsabilités à son égard. Mais alors il faut avoir le courage de dire ce qu'on pense.

J'ajouterai qu'il est nécessaire, dans ce paritarisme renouvelé, de conduire une réflexion sur la condition ouvrière, et j'en donnerai pour exemple l'ouvrage très intéressant de MM. Beaud et Pialoux sur la condition ouvrière à Peugeot-Sochaux. Le paritarisme, c'est vrai, est une construction typiquement française. C'est le moyen de mettre côte à côte -si ce n'est pas face à face- des structures syndicales ouvrières et patronales souvent éclatées, parfois affaiblies, et de corriger cet éclatement et cette faiblesse. Mais il ne peut se pérenniser qu'à la condition d'une transparence et d'une définition claire des règles. Nous ne pourrons que nous réjouir si la table ronde prévue sur l'UNEDIC permet de clarifier les responsabilités financières de cet organisme et de l'Etat ; c'est ce que nous avons entrepris dans le débat sur la loi de financement.

En relisant le texte du Medef -texte important puisqu'il prend en compte les réactions de l'ensemble du patronat, dont nous avons besoin pour développer davantage la politique de l'emploi- je considère comme inacceptable que le paritarisme et sa pérennité soient pris en otage. Il faut cesser d'opposer, comme le fait ce texte, démocratie sociale et démocratie politique. C'est un non-sens et cela peut conduire à des dérives que, j'en suis certain, personne ne souhaite.

Nous pouvions ouvrir la discussion sur l'activation des dépenses passives. Le Gouvernement a bien perçu que les organisations syndicales n'y étaient pas prêtes : soit. Il est revenu en arrière, avec l'appui de sa majorité. Mais je ne puis comprendre que, dans le même texte, le Medef demande la mise en route sans délai du plan stratégique pour la Sécurité sociale, donc pour l'hospitalisation, sans prendre en compte ce que seront les SROS, les politiques de santé, mais aussi les politiques de l'emploi... Que se passerait-il si nous obéissions à cette sorte de diktat ? Il faut raison garder. Au début du texte, il est dit qu'on ne peut pas développer une vraie politique de l'emploi et de la formation professionnelle s'il ne peut y avoir en même temps réussite économique et sociale. Soit ! Nous prenons ce propos à la lettre et nous sommes prêts à engager la discussion avec les partenaires syndicaux -nous le faisons sans cesse- mais aussi patronaux. Mais discussion veut dire dialogue et le dialogue implique que chacun assume sa responsabilité. Avec le vote de vos budgets, Madame la ministre, nous lions discussion sur la politique sociale et responsabilité politique. En soutenant vos budgets, nous assumons totalement nos responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Germain Gengenwin - Avant d'en venir à notre budget, Madame la ministre, je veux évoquer le projet de décret modifiant le financement des CFA et la répartition de la taxe professionnelle. Ce décret suscite de nombreuses inquiétudes et pose plus de questions qu'il n'en résout. Une remarque d'abord sur la méthode : en d'autres temps ces questions importantes étaient débattues ici, avant qu'on passe au décret. Certaines mesures prévues, notamment sur la péréquation, ne changent rien par rapport à la loi Barrot de 1996. D'autres sont plus lourdes de conséquences. Ainsi la disposition modifiant l'article R.199 du code du travail tend à interdire aux organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage de sous-traiter la collecte -pour aussitôt atténuer la portée de cette mesure en prévoyant un régime dérogatoire. Quelle est donc la portée de cette disposition, si nous voulons lutter contre une certaine évaporation de la taxe ?

A mes yeux, la mesure la plus importante de ce projet de décret est la procédure d'agrément des collecteurs. Quelles sont les véritables intentions du Gouvernement ? Envisage-t-il de fusionner la collecte de la taxe d'apprentissage avec celle du 0,4 % alternance que les entreprises versent pour les contrats de qualification notamment ?

Est-ce à dire que les OPCA seront une fois de plus les collecteurs de cette taxe ? Une fois de plus ce serait une centralisation des moyens financiers, alors que la logique voudrait qu'on décentralise le plus possible. Je reconnais là une vieille revendication des partenaires sociaux nationaux, au détriment de leurs homologues en région. Ce fut déjà le cas pour les OPCA de branche dans la loi quinquennale sur l'emploi : nous nous étions alors laissés abuser par un dispositif qu'ont totalement dénaturé les décrets d'application. C'est également le cas pour le capital temps formation et le FONGECIF. Mais dites-moi comment un salarié de ma commune de Schaeffersheim pourra contacter le COPACIF, organisme national, pour bénéficier du capital temps formation ! Une telle opération est contraire au bon sens.

Vous projetez par ailleurs d'augmenter les quotas et de réduire le hors quotas. Au niveau comptable, ce sera plus complexe. Mais surtout cette nouvelle répartition frappe les établissements qui fonctionnent surtout avec du hors quotas ; je n'ai pas besoin de préciser lesquels.

J'en viens à votre budget. Ma critique ne porte pas sur le montant des crédits, mais sur les orientations retenues et leurs répercussions sur le terrain. Tout d'abord, chacun a constaté le manque de lisibilité du «bleu» budgétaire. Cela se traduit sur le terrain par une sorte de mille-feuilles indigeste, une superposition de mesures s'adressant à un même public, mais éparpillées entre différents services. Prenons l'exemple des actions en faveur des jeunes en difficulté : ne serait-il pas plus rationnel que toutes les formations soient mises en oeuvre par les conseils généraux ?

Je déplore d'autre part le désengagement de l'Etat envers les chômeurs de longue durée, subrepticement renvoyés vers les régions. Les crédits d'Etat qui leur sont consacrés diminuent, tous dispositifs confondus, de 450 millions. Certes le chômage recule, mais il reste 2,8 millions de demandeurs d'emploi, et ce serait une erreur de relâcher l'effort.

Même remarque sur les CES, sur lesquels vous économisez 2,377 milliards, exonérations de charges comprises. J'observe d'ailleurs que les bénéficiaires n'en sont pas seulement des jeunes, mais souvent des personnes en fin de carrière, notamment des femmes. Envers ces personnes, vos services dans les départements devraient montrer plus de souplesse dans l'application des textes.

Le titre obscur «nouveaux services et nouveaux emplois» retrace en réalité la montée en puissance des emplois-jeunes : la hausse est de 65 %, soit 21 milliards. Vous n'aurez pas les 350 000 emplois prévus, mais j'ai tendance à trouver cela excusable. Ce qui me préoccupe surtout, c'est la question des débouchés futurs de ces jeunes, notamment dans l'Education nationale. Celle-ci n'a pas les moyens de créer autant de postes : on va donc renvoyer ces «chômeurs de l'insertion». Il vaut certes mieux pour les jeunes être occupés que dés_uvrés, mais nous n'avons pas le droit de les engager dans une impasse, pendant que d'autres acquièrent une expérience professionnelle reconnue.

Un mot sur l'importance de l'orientation, et notamment du PRDF, le plan régional de développement des formations. J'ai présidé ce dispositif avec le recteur de l'académie. Il s'agissait surtout de faire participer les entreprises et les chambres consulaires à l'élaboration du projet, pour éviter ce qu'on constate trop souvent : le manque de personnels qualifiés. Ce dispositif a été quelque peu laissé à l'abandon.

Je ne peux laisser passer sans réagir le détournement de fonds auquel vous procédez au détriment du capital temps formation. Ce capital individuel appartenant à chaque salarié résulte d'un prélèvement de 0,1 % sur le FONGECIF. Ces moyens sont peu utilisés parce que peu connus. Hélas, vous n'avez pas résisté à la tentation de leur faire subir une ponction de 500 millions... Bien sûr, vous les attribuez à l'apprentissage. Mais celui-ci fait partie intégrante du domaine régalien de l'Etat.

Pour toutes ces raisons, et parce que la présentation de votre budget manque de cohérence, le groupe UDF ne pourra pas vous suivre (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Yves Cochet - Il y a deux ans et demi, nous héritions d'un pays miné par le chômage et d'une économie aux abois. Aujourd'hui le chômage a diminué, ne dépassant guère 11 %, le niveau le moins élevé depuis février 1993.

L'approche offensive du chômage conçue par la majorité plurielle conduit à oser enfin reparler d'un concept jusqu'alors tabou, celui de plein emploi.

Je me félicite que la promotion de l'emploi demeure le premier objectif de votre ministère. Les crédits du travail et de l'emploi augmentent de 2,3 %. Les moyens consacrés au service public de l'emploi progressent ainsi de façon notable. Je prends acte du transfert du financement d'aide sur les bas salaires vers le PLFSS. La montée en régime des actions en faveur des jeunes est essentielle pour favoriser leur intégration durable dans le marché du travail, à travers le renforcement du dispositif des emplois-jeunes. J'ai constaté sur place que les emplois-jeunes marchaient bien dans les pays de la Loire, environ 5 000 en un an et demi.

La diminution des mesures relatives au retrait d'activité des travailleurs âgés démontre la volonté du Gouvernement de procéder à bref délai à une réforme indispensable.

La réduction négociée du temps de travail possède dans les Verts de fervents défenseurs. A preuve nos quelques dizaines d'amendements à votre projet de loi, dont beaucoup ont été adoptés. Nous avons toutes les raisons d'être fiers d'une telle avancée.

A présent nous veillons au succès du financement. En année pleine, il en coûtera environ 105 milliards, et les 65 milliards nécessaires pour l'an prochain sont garantis. Dans la suite, je vous suggère, pour trouver les 12 à 15 milliards incertains, de supprimer la ristourne Juppé aux entreprises qui ne seraient pas passées aux 35 heures. Je redéposerai cet amendement à l'article 11 en deuxième lecture, car il est à double dividende : inciter fortement au passage aux 35 heures, financer votre projet.

En attendant, les Verts voteront les crédits Travail et Emploi.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - La politique gouvernementale en matière d'emploi a fait l'objet de longs développements ces dernières semaines. Néanmoins, ce budget sera pour nous aujourd'hui l'occasion d'exprimer nos plus extrêmes réserves à ce sujet.

A la suite de Jacques Barrot et de la Cour des comptes, constatons que le ministère de l'emploi est mal géré. La Cour stigmatise «un effort de maîtrise des dotations budgétaires insuffisant» et juge que ce budget fait l'objet de «marges de gestion non négligeables». Il eût été de bonne pratique de commencer un pilotage plus serré du deuxième budget civil de l'Etat. Or, vous proposez triomphalement la création de 130 emplois, principalement des inspecteurs du travail.

M. Yves Cochet - Il en faut !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Lorsqu'on instaure, il est vrai, un système d'heures supplémentaires avec deux périodes transitoires, trois modes de paiement et quatre taux de taxation, il faut du monde pour faire fonctionner la machine à verbaliser. Ces créations étaient d'autant plus injustifiées que, selon la Cour, «la description des effectifs ne correspond pas à la réalité». Tout cela serait moindre mal si vous n'aviez depuis 1997 engagé une politique de l'emploi aventureuse et coûteuse avec la réduction obligatoire du temps de travail et les emplois-jeunes.

La réduction du temps de travail n'est pas un moyen de lutte contre le chômage. Seules la croissance et l'innovation peuvent conduire au plein emploi. La réduction du temps de travail peut être un progrès social à condition que la santé de l'entreprise et la concurrence n'obligent pas les salariés à ne payer les 35 heures par la baisse du pouvoir d'achat, le durcissement des conditions de travail et la flexibilité. Toutes sortes de questions restent en suspens, mais c'est sur le financement du dispositif que vous avez enregistré votre plus sérieux échec. Vous avez créé dans la PLFSS un fonds d'allégement des charges sociales.

Je précise à ce sujet que les charges ne diminuent pas au sens strict, mais que, simplement, les surcoûts liés aux 35 heures sont partiellement compensés.

Pour financer les 110 milliards nécessaire en année pleine, vous avez dû renoncer à ponctionner directement les organismes sociaux, remplaçant à la hâte leur participation par le produit de la taxation des heures supplémentaires et d'une partie de la taxe sur les alcools affectée au FSV.

Pour compenser cette perte, les régimes de Sécurité sociale resteront ponctionnés à hauteur de 5,6 milliards à travers une nouvelle répartition de la CSG de 2 % sur les revenus financiers.

Le caractère aventureux de ce coûteux mécanisme a été relevé par Jérôme Cahuzac qui précise que les ressources du fonds sont plus qu'incertaines. Dans le budget pour 2000, la subvention de l'Etat au fonds n'est que de 4,3 milliards.

En fait, le financement de cette affaire ne serait possible que si la création d'emplois était proportionnelle à la réduction du temps de travail et vous savez que ce pari-là, vous l'avez d'ores et déjà perdu, si tant est que vous y ayez jamais cru.

M. Yves Cochet - Ça, alors !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Sur ce sujet, on ne peut mieux dire qu'Edmond Maire : «La façon dont se déroule le processus des 35 heures est une caricature de la société française. Il est absurde de vouloir réussir une réduction du temps de travail sans l'implication des employeurs, et il fallait mal connaître l'immense diversité des entreprises pour imaginer qu'elles pourraient toutes, dès 2000, appliquer la loi dans de bonne conditions.» Nous n'avons rien à retirer à l'appréciation de ce grand leader syndical.

Notre opposition aux emplois-jeunes est d'une autre nature. Nous avons toujours estimé indispensables l'existence d'un sas d'emplois protégés à la jointure du secteur économique et de l'action sociale. Nous lui fixons la double mission d'insérer et d'explorer la piste de nouveaux emplois. Mais vous avez très vite abandonné cette seconde démarche pourtant prometteuse.

Le dispositif est un indéniable succès quantitatif ; comment pourrait-il en être autrement ? Mais il en coûte au total 33,84 milliards alors que les interrogations sur l'avenir de ces jeunes sont de plus en plus pressantes. Une étude commandée par Claude Allègre fait apparaître l'absence de projet professionnel chez les deux tiers des jeunes employés dans l'Education nationale.

Les emplois-jeunes sont un système injuste pour les personnes en difficulté, car il n'établit de critères d'entrée que d'âge. Dans ce cadre, le programme TRACE suscite critiques et déceptions, et la baisse de 10 % des CES touchera un public qui appartient au noyau dur du chômage.

Les emplois-jeunes sont aussi un système injuste pour ceux qui y entrent, car ces emplois sont source de déqualification et de précarisation.

Derrière les communiqués triomphalistes que vous permet une croissance retrouvée bien avant votre arrivée au pouvoir...

M. Yves Cochet - M. Juppé n'y croyait pas !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - ...certains secteurs économiques sont en grande difficulté et tout particulièrement les industries de main-d'_uvre soumises à la concurrence internationale. Dans mon département, Gep La Fourmi et ses 1 000 emplois sont menacés. Et ne me dites pas que les 35 heures vont être la panacée alors que chez Mendès l'accord de réduction du temps de travail a supprimé les pauses et que l'entreprise a décidé de délocaliser au Portugal. Notre pays, et plus spécialement le Maine-et-Loire, subit de plein fouet les importations. Nous n'avons vu nulle part dans ce budget la prise en compte des extrêmes difficultés de ce secteur. Au contraire, le surcoût salarial du passage aux 35 heures n'est pas intégralement compensé par le baisse de charges. C'est une politique ambitieuse qu'il nous faut pour sauver nos industries de main-d'_uvre. Vous vantiez vos excellentes relations avec M. Strauss-Kahn. J'espère que M. Sautter bénéficiera de cette même bienveillance et qu'avec le ministre de l'industrie vous allez nous présenter une stratégie claire. Il faut que la déclaration de M. Pierret au Monde : « Nous nous battons pour réussir » devienne enfin réalité : objectifs et moyens doivent suivre.

Nous ne voterons pas ce budget. En effet, il ne saisit pas la chance historique d'une croissance économique exceptionnelle pour moderniser le service public de l'emploi ; il délaisse des secteurs en grande difficulté et concentre ses moyens sur des actions inefficaces et hasardeuses. Je conclurai en citant une fois de plus Edmond Maire : « Aujourd'hui, la France recule et l'espoir de voir s'installer dans ce pays des relations économiques et sociales normales s'éloigne. Le Gouvernement et la majorité parlementaire ont réinventé la lutte des classes et gâché de façon absurde les chances de la réforme ». Dont acte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Maxime Gremetz - Le budget de l'emploi, on le sait, ne reflète qu'en partie la politique de l'emploi. Ainsi diverses mesures figurant dans le projet de la seconde loi sur les 35 heures et dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale expliquent que ses crédits propres diminuent de près de 25 % en 2000, passant de 162 à 122 milliards.

Le Gouvernement avait initialement prévu de faire financer une grande partie des aides à la réduction du temps de travail par la Sécurité sociale et l'UNEDIC. Il y a renoncé et nous nous félicitons qu'il ait tenu compte des protestations des partenaires sociaux. Malheureusement les aides, devenues pérennes, tireront encore les salaires vers le bas. Le montant total des allégements de cotisations accordés aux entreprises, soit 105 milliards de francs par an, justifie pleinement la bataille menée par les députés communistes pour que la seconde loi sur les 35 heures, comme la première, conditionne les aides à des objectifs de créations d'emplois. Ils ont de même souhaité et obtenu que l'utilisation des aides à l'emploi puissent être mieux contrôlées au niveau des entreprises et au niveau des branches. Ainsi les syndicats signataires d'un accord de réduction du temps de travail ou les représentants du personnel pourront demander à l'administration de suspendre ou de supprimer des aides si les engagements, notamment sur les créations d'emplois, ne sont pas respectés. Les députés communistes ont également déposé une proposition de loi visant à créer une commission nationale de contrôle des fonds publics pour l'emploi, que le Gouvernement s'est engagé à examiner.

Malgré les avancées importantes obtenues au terme de la première lecture, la seconde loi sur les 35 heures doit encore être améliorée pour conduire vraiment à des créations d'emplois. Il faut revoir ses dispositions relatives aux heures supplémentaires, aux cadres et au travail à temps partiel.

Le Gouvernement doit également dégager des moyens suffisants pour permettre une bonne application des 35 heures dans les trois fonctions publiques, où elle doit s'accompagner également de créations d'emplois.

L'augmentation du pouvoir d'achat est essentielle à la relance d'une croissance créatrice d'emplois. La progression des salaires et la revalorisation des minima sociaux sont cruciales pour des millions de nos concitoyens. Elles sont aussi indispensables à la relance de la consommation. On ne pourra redynamiser l'économie en appauvrissant la population.

C'est d'ailleurs pourquoi nous nous opposons aux mesures actuelles qui tendent à abaisser toujours plus le coût du travail, d'autant que la France ne se situe plus qu'au douzième rang des grands pays industrialisés pour le montant des prélèvements sociaux sur les salaires.

La politique de l'emploi doit inclure des dispositions spécifiques en faveur des catégories les plus durement touchées par le chômage.

Nous avons approuvé la création des emplois-jeunes car la jeunesse, c'est l'avenir de notre pays. Le Gouvernement, qui prévoyait à l'automne 1997 d'en créer 350 000, a révisé son objectif à la baisse puisqu'il n'est plus que de 300 000 à la fin de 2000. Ce n'est pas la seule préoccupation à propos de ces emplois. Plusieurs collectifs se sont mobilisés pour dénoncer les difficultés liées à l'accès aux formations et à la qualité de celles-ci. Les luttes des aides éducateurs, dans l'Education nationale, illustrent bien le malaise et les inquiétudes des jeunes. Le volet formation du dispositif doit donc être très sérieusement corrigé afin de remédier aux graves carences observées et de répondre aux engagements de 1997. Pour que ces emplois puissent être pérennisés, il faut qu'il s'agisse d'emplois nouveaux et que leurs bénéficiaires reçoivent une formation adéquate. Il importe de soutenir activement les efforts visant à pérenniser ces emplois-jeunes.

Les contrats emplois-consolidés peuvent eux aussi servir l'emploi, sous certaines conditions. Les objectifs -formation, pérennisation- doivent être les mêmes que pour les emplois jeunes. A cet égard, la diminution des contrats emplois solidarité à leur profit va dans le bon sens.

Mais aucune politique sérieuse de l'emploi ne peut occulter les fermetures, les restructurations, les délocalisations d'entreprises et leur cortège de suppressions d'emplois. La lutte pour la création d'emploi passe par la lutte contre les licenciements.

Le groupe communiste a déposé en mars une proposition de loi sur les licenciements pour motif économique. Il propose de rendre plus contraignants les critères d'appréciation des difficultés ; de responsabiliser davantage les donneurs d'ordres par rapport aux sous-traitants, de mieux informer les salariés et leurs représentants et de mieux prendre en compte leur avis. Il faut en finir avec cette logique absurde, qui réduit le travail à un coût alors qu'il est source de richesses.

Si le nombre d'emplois préservés ou créés est une donnée essentielle de la politique de l'emploi, nous devons aussi veiller à la forme et au contenu des emplois, ainsi qu'à leurs conditions d'exercice.

La précarité se développe de façon alarmante. Toutes les enquêtes confirment que les salariés sous contrat précaire sont moins payés, moins respectés, ont plus difficilement accès à la formation et aux comités d'entreprise. Ils subissent davantage la pression ; ils sont aussi plus souvent malades et plus pauvres. Ce n'est pas acceptable. Les contraintes supplémentaires liées à ces contrats doivent recevoir de véritables contreparties.

Le groupe communiste a régulièrement demandé au Gouvernement de taxer le recours abusif au travail précaire. Celui-ci s'est engagé à prendre les mesures nécessaires au moment du budget.

J'insisterai maintenant sur la forte dégradation des conditions de travail dans tous les emplois et toutes les professions.

Dans ces conditions, la création de deux postes de médecins du travail l'an prochain n'est qu'un premier pas. La protection de la santé, en lien avec une amélioration notable des conditions de travail, est l'un de nos objectifs prioritaires. Nous travaillons à une proposition de loi visant à prévenir et à réparer les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Les médecins du travail, en plus grand nombre, devraient disposer de plus de moyens pour la prévention et voir leur indépendance garantie. De même, le rôle, les pouvoirs, et la mission des comités d'hygiène et de sécurité doivent être élargis, ce qui suppose des moyens suffisants et adaptés.

Beaucoup de salariés âgés sont usés et fatigués par des années de travail. Le dispositif du FNE, quand il est réellement justifié par la situation de l'entreprise, peut répondre à leurs attentes. L'élargissement du dispositif de l'ARPE, qui impose une embauche pour chaque départ de salarié âgé, est toutefois meilleur pour l'emploi et le rajeunissement de la pyramide des âges.

S'agissant de la formation dont Patrick Leroy traitera plus longuement, je m'étonnerai seulement de l'annulation de 4 millions de crédits destinés à la formation des militants syndicaux. En effet, la mise en _uvre des 35 heures exigera des investissements en formation, notamment pour les salariés mandatés, souvent inexpérimentés.

Le groupe communiste s'est à maintes reprises expliqué sur son opposition aux privatisations. Celles-ci entraînent en effet des suppressions d'emplois. Mais au-delà, un service public, démocratique et modernisé, s'appuyant sur de hautes technologies est indispensable pour construire de grands projets industriels.

Pour conduire une politique de justice, de progrès social et démocratique, assurant le plein emploi, les formidables moyens financiers dont dispose la France doivent être affectés à un développement humain durable.

Une partie des 2 136 milliards de profits, des 6 740 milliards de capitalisation boursière, des grandes fortunes qui explosent, doit être mobilisée. Comme le disait le Premier ministre, il faut rééquilibrer dans la valeur ajoutée la part des salaires, qui a baissé au profit du capital. Tel est bien le sens de nos propositions.

Ce budget ne va pas, selon nous, assez dans ce sens et nous entendons poursuivre le débat. L'amélioration obtenue du projet de loi sur les 35 heures, certaines des mesures positives qu'il contient amène toutefois le groupe communiste à voter ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Gérard Lindeperg - En raison de la légère baisse qui affecte le budget de la formation professionnelle, certains avant moi ont parlé de budget de reconduction. Ce propos doit être nuancé. Ainsi le budget de l'AFPA augmente alors que les crédits consacrés aux dispositifs en alternance diminuent légèrement. Alors que la croissance et la baisse ciblée de la TVA ont de fortes répercussions sur la demande de main-d'_uvre qualifiée, l'AFPA doit pouvoir apporter des réponses rapides. Les contrats de qualification pour adultes devraient aussi se développer, même si on note avec satisfaction que leur nombre passe cette année de 10 000 à 15 000.

S'agissant de l'apprentissage, il sera difficile de faire des analyses globales tant qu'on n'aura pas remis à plat l'ensemble du dispositif. Alors que le BTP forme 20 % des apprentis, il ne reçoit que 6 % du produit de la taxe pendant que certaines grandes écoles rattachées aux chambres de commerce recueillent des fonds disproportionnés pour des formations de niveau 2 ou 1.

Il ne suffit pas de déplorer le décalage entre les besoins des entreprises et les intérêts des jeunes, qui délaissent certaines formations débouchant pourtant sur des emplois, comme le bâtiment, la mécanique, la chaudronnerie. La formation, en effet, ne peut pas tout. Ces métiers délaissés ne pourront redevenir attractifs que par un effort des entreprises pour améliorer les rémunérations et les conditions de travail et par un effort des éducateurs et des familles pour revaloriser les métiers méconnus ou méprisés.

Aux difficultés d'ordre social et matériel s'ajoutent des comportements racistes. Des jeunes d'origine maghrébine se voient ainsi refuser des contrats d'apprentissage ou de qualification. Samedi matin est venu à ma permanence un Algérien de 35 ans, né en France et titulaire d'un diplôme d'ingénieur agronome. Faute de trouver un emploi, il a passé un CAP d'horticulteur, puis un permis de conduire pour les transports publics, mais en vain : les transporteurs lui disent que la clientèle n'accepterait pas un chauffeur portant un nom algérien.

Ce sont souvent les mêmes qui pratiquent cette ségrégation et qui déplorent l'inadéquation entre la formation et les besoins.

Je voudrais m'attarder sur deux sujets, l'AFPA et les centres institutionnels de bilan de compétences.

L'AFPA a fait l'objet d'une analyse fouillée de la mission d'évaluation et de contrôle et les recommandations de notre collègue Jacques Barrot vont dans le bon sens. Je souhaite, comme lui, qu'une partie des nouveaux postes de contrôleurs soient affectés au contrôle de la formation professionnelle. Plus celle-ci restera opaque, plus elle sera entravée par des méfiances et des suspicions.

Depuis le rapport de la Cour des comptes pour la période 1986-1995, l'AFPA a amélioré sa gestion. Ses missions ont été redéfinies et le plan national pour l'emploi lui ouvre de nouvelles perspectives de collaboration avec l'ANPE. Nous sommes donc sur la bonne voie, même s'il reste des efforts à accomplir.

Je souhaite qu'un accord intervienne rapidement sur les 35 heures afin que l'AFPA puisse jouer pleinement son rôle.

Mais, au-delà de l'AFPA, se pose la question du rôle de l'Etat. La formation professionnelle est au carrefour de trois légitimités, la légitimité politique de l'Etat, la légitimité économique et sociale des partenaires sociaux et la légitimité du suffrage universel pour les conseils régionaux. Cette compétence partagée nécessite une redéfinition des rôles afin que des partenariats puissent se nouer dans la clarté.

Si la décentralisation doit être approfondie, l'Etat doit, lui aussi, disposer de moyens d'agir car il doit garantir l'équilibre entre les régions, l'égalité d'accès à la formation et le caractère national des diplômes et aussi stimuler l'innovation.

Pour ce faire, l'Etat a besoin de moyens budgétaires et d'outils comme ceux que propose l'AFPA, qui assure la prise en charge globale des usagers : orientation professionnelle, formation, hébergement, restauration, accompagnement médico-social, paie.

Alors oui, l'AFPA doit encore améliorer sa gestion et ses performances, mais de grâce, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain ! Avant d'aborder les CIBC, je voudrais remercier les rapporteurs d'avoir été attentifs au rapport que j'ai présenté au Premier ministre en octobre.

Je souhaite que le consensus qui a présidé au vote de la loi de 1971 se poursuive également à l'avenir. C'est un fait que l'accueil et l'information sont un des maillons faibles de notre système de formation. Selon un sondage, 40 % des salariés désireux de suivre une formation ne savent pas à qui s'adresser et seuls 4 % savent précisément ce qu'est le congé individuel de formation. Par ailleurs, il ressort du Livre blanc du secrétariat d'Etat à la formation professionnelle que la validation des acquis professionnels devrait constituer l'un des piliers d'une grande réforme pour une formation tout au long de la vie.

Sur ces deux points essentiels, l'expérience acquise depuis 15 ans par les CIBC doit être valorisée.

A un moment où plusieurs pays européens s'intéressent à ces dispositifs novateurs, la question est de savoir comment préserver cet esprit d'innovation tout en développant les fonctions de service public.

Je crains que le transfert de la ligne CIBC à l'ANPE ne soit pas une réponse satisfaisante. Les CIBC ont fait la preuve de leur efficacité : entre 1996 et 1997, le nombre des bilans effectués a augmenté de 17 % et 50 % des bénéficiaires sont des femmes. Sur un total de 92 000 bilans réalisés en 1997, 47 000 l'ont été par les CIBC. Ils reçoivent tous les publics demandeurs d'emplois, y compris les salariés en activité. Ce sont des lieux d'innovation méthodologique, où opèrent des équipes pluridisciplinaires, et qui travaillent en partenariat avec les différents acteurs économiques.

Nous avons besoin d'un système de validation des acquis professionnels accessible à tous les publics.

Je ne suis pas sûr que le transfert de la ligne budgétaire des CIBC à celle de l'ANPE aille dans ce sens. Qu'est-ce qui le justifie du point de vue des utilisateurs ? Je vous ai posé, Madame la ministre, une question écrite à ce sujet le 19 janvier 1999 : je n'ai pas eu de réponse (« Oh ! » sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Je souhaite que vous m'apportiez cette réponse et qu'on préserve les spécificités des CIBC : accueil de tous les publics, indépendance par rapport aux organismes de formation, recherche et innovation.

Il faut éviter la standardisation et des normes trop contraignantes. La formation professionnelle des adultes, trop souvent considérée comme une simple appendice technique des politiques de l'emploi, se situe au c_ur des priorités gouvernementales : les efforts entrepris pour moderniser la formation professionnelle initiale n'auront leur pleine signification que s'ils sont étroitement articulés à la formation continue.

Nous avons donc à répondre à un défi politique majeur, de même nature que celui qui a été relevé par les fondateurs de la République lorsqu'ils ont créé l'école gratuite, laïque et obligatoire.

La formation tout au long de la vie conditionne à la fois la performance de nos entreprises, la garantie des salariés contre les aléas de la vie professionnelle et l'épanouissement d'une citoyenneté pleinement assumée.

Cette réforme, annoncée pour 2001, doit être préparée par une concertation avec les partenaires sociaux et les autres acteurs concernés notamment au niveau des régions.

C'est pourquoi je souhaite qu'on intègre dans le prochain DMOS l'une des 36 propositions de mon rapport, à savoir la création de comités de coordination régionaux emploi-formation à la place des actuels COREF.

La formation professionnelle doit cesser d'être l'apanage de quelques spécialistes pour devenir l'affaire de la nation tout entière.

Bref, il faut redonner une dimension politique à la formation professionnelle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Goulard - Il est d'usage de mesurer la qualité d'un budget à sa progression et à cet égard le vôtre n'est pas mauvais. Toutefois c'est là une approche très formelle.

Nous savons que le budget du ministère de l'emploi ne fait pas l'emploi et que le recul du chômage auquel nous assistons n'est pas imputable aux politiques que permet ce budget (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Il est dû à la croissance économique et a d'ailleurs débuté quelques semaines avant que vous n'accédiez aux responsabilités, et ce pour des raisons parfaitement connues : d'une part il n'était plus nécessaire de réduire le déficit budgétaire pour répondre aux critères de Maastricht ; d'autre part, après une période de taux d'intérêt très élevés imposés par la création de l'euro, vous avez bénéficié de la baisse de ces taux, qui a stimulé la croissance.

Ce budget se caractérise avant tout par un transfert financier considérable -nous en avons abondamment parlé déjà- pour financer les 35 heures, à hauteur de 64 milliards cette année et de 105 à 110 milliards en régime permanent. Nous critiquons cette débudgétisation. Il est de mauvais aloi de disperser ainsi les crédits de la politique de l'emploi. Nous critiquons aussi la présentation que vous en faites officiellement. Distinguer 47 milliards qui seraient consacrés à la diminution des cotisations sur les bas et moyens salaires des 17 milliards d'aides à la mise en place des 35 heures est parfaitement artificiel.

Ces prétendues baisses de charges ne compensent pas le surcoût salarial dû aux 35 heures. Selon le rapport de M. Boulard, c'est à 1,3 SMIC que le taux d'exonération sur le salaire brut atteint 11 %, soit la hausse du coût salarial due aux 35 heures.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial - C'est plutôt mécaniste !

M. François Goulard - Pour l'employeur qui paye le même salaire et obtient 4 heures de travail en moins, c'est une hausse de 11 % qui, mécaniste ou pas, est bien réelle. C'est à 1,3 SMIC donc, que la compensation atteint 11 %. Sinon, elle est partielle.

Votre budget appelle un certain nombre d'autres remarques, mais de moindre importance. Les moyens du ministère augmentent légèrement, mais ce sont les crédits de communication qui augmentent le plus. On aurait aimé qu'il en aille de même, en particulier pour les services déconcentrés qui, dans beaucoup de départements, sont difficiles à joindre pour qui veut être conseillé.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Quels services ?

M. François Goulard - La direction du travail et de l'emploi, dans mon département par exemple.

S'agissant des emplois-jeunes, le rapporteur s'est à juste titre inquiété de leur pérennité au terme des cinq ans. Comme l'a observé M. Gremetz, l'effort de formation, en particulier quand l'Etat est employeur, n'est pas à la hauteur des besoins.

Malgré l'amélioration du marché de l'emploi, une action énergique est nécessaire pour aider ceux qui ont le plus de mal à trouver du travail. Sur le terrain, le dispositif TRACE a eu du mal à entrer dans les faits. Nous attendions une refonte complète de dispositifs trop complexes et rigides. A ce sujet, je ferai une suggestion. Beaucoup de communes seraient prêtes à donner un emploi à ceux qui ont le plus de peine à en trouver. Mais elles se heurtent au statut de la fonction publique territoriale et aux concours, même pour les moins qualifiés. Ne peut-on, dans ces cas, alléger les règles de recrutement ?

S'agissant de la formation permanente, je regrette que beaucoup de demandeurs d'emploi ne trouvent pas auprès de l'AFPA les stages dont ils auraient besoin. Je regrette aussi que le nombre d'entrées en apprentissage n'augmente pas. Dans des secteurs où les besoins existent, comme le bâtiment, c'est pourtant la formule la plus efficace.

Nous sommes en désaccord avec les grandes lignes de votre politique de l'emploi, la réduction imposée du temps de travail et ses modalités de financement, et les emplois-jeunes dont on attend toujours l'extension au secteur privé.

Enfin, à travers les péripéties du financement des 35 heures, s'est affirmée clairement chez les partenaires sociaux, et pas seulement du côté patronal, la volonté de préserver le dialogue social et la négociation collective, y compris de l'intervention du législateur. Il y a là un enjeu réel, et un véritable espace de liberté à protéger (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Pierre Carassus - La croissance devrait être de 2,3 % en 1999 et de 2,8 % en 2000. Cette embellie économique, qui permet à l'emploi de retrouver un dynamisme, n'est ni spontanée ni inexplicable, Monsieur Goulard. Le Gouvernement a su actionner différents leviers qui ont eu un effet d'entraînement, en soutenant la consommation des ménages, en diminuant la TVA, relançant les secteurs créateurs d'emploi, en mettant en place des dispositifs de solidarité, les emplois-jeunes, la réduction du temps de travail.

Les députés du MDC considèrent qu'il y a là des mesures positives à mettre en _uvre avec plus de force encore. Le chômage a baissé de 3 % en septembre, mais à 11,1 % selon la définition du BIT, son taux reste élevé. Une embauche sur quatre se fait par contrat précaire et l'intérim a beaucoup progressé. De plus, les inégalités persistent. 10 % des ménages possèdent 53 % de la fortune. Les bénéfices des multinationales augmentent de 20 % par an et elles mènent une politique désastreuse de licenciements pour faire le plus de profits. En même temps, plus de 10 % des ménages vivent sous le seuil de pauvreté, deux millions de Français dépendent du RMI, six millions des minima sociaux.

Le Gouvernement a agi. La loi de 1998 contre les exclusions, les dispositions relatives au surendettement, la CMU, les emplois-jeunes portent leurs fruits. Il faut renforcer cette politique.

C'est bien la volonté qui s'affirme à travers votre budget. A 253 milliards, il augmente de 4,3 %. Le budget de l'emploi proprement dit, soit 122 milliards, progresse de 2,3 % -52,8 milliards de crédits financeront le retour à l'emploi des plus fragiles. C'est 7,6 % de plus qu'en 1999. On finance également 60 000 contrats emploi consolidé supplémentaires et on affecte 9 milliards aux contrats emploi-solidarité et 7 milliards aux contrats initiative-emploi. Nous souhaitons que tous ces outils servent vraiment à réintégrer durablement les personnes sur le marché du travail. A cet égard, il serait judicieux qu'un partenariat s'organise entre les structures associatives et publiques qui accueillent celles-ci et l'ANPE, afin de leur faire des propositions, notamment à l'issue d'un CES.

Nous notons avec satisfaction que les entreprises d'insertion par l'économique bénéficieront de crédits supplémentaires. Nous nous félicitons que le budget de la formation professionnelle soit consolidé à hauteur de 34 milliards.

Le programme emplois-jeunes doit à notre avis être amplifié. Par ailleurs, les créations d'emploi à l'ANPE et à l'inspection du travail sont encore insuffisantes, notamment s'agissant des inspecteurs du travail, au regard des besoins liés à la mise en _uvre de la loi sur la réduction du temps de travail.

Considérant que le Gouvernement s'est engagé dans la bonne voie, mais en souhaitant qu'il accroisse les moyens en personnel et fasse de la loi sur les 35 heures une loi au service du progrès social et de l'emploi, les députés du MDC comme l'ensemble des députés du groupe RCV, voteront ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean Ueberschlag - Il y a quelques années, la formation professionnelle bénéficiait d'une présentation et d'une discussion budgétaire spécifiques. Elle n'était pas prétexte, comme aujourd'hui de la part de certains rapporteurs, à des polémiques politiciennes. On arrivait à faire la mesure des choses, alors que maintenant, tout est mélangé dans la présentation des crédits.

Nous n'avons même pas pu interroger le Gouvernement, puisque maintenant les ministres ne viennent plus devant les commissions. Est-ce mépris du Parlement ? Refus de la confrontation ? Mauvaise conscience ? A moins, Mesdames les ministres, que vous manifestiez ainsi votre dépit de ne pas voir figurer vos budgets parmi ceux qui bénéficient de la procédure expérimentale...

Les moyens de l'emploi et de la formation professionnelle passent devant ceux de la défense ; mais comment cheminer dans ce labyrinthe de chiffres que constituent vos multiples budgets ?

Dénonçons, pour commencer, une supercherie : la baisse du chômage résulte de la croissance internationale et du vieillissement de la population et non de votre action. Il n'y a aucune raison de considérer comme vous le faites que les accords passés sur les 35 heures ont permis de créer ou de préserver 120 000 emplois. D'ailleurs, nous ne faisons pas mieux que nos voisins puisque le taux de chômage est passé dans la zone euro de 10,9 % à 10,6 % pendant qu'il passait en France de 11,7 à 11,2 %. En outre, les aides financières étant offertes sans véritable contrôle, on peut penser qu'elles ont eu un effet d'aubaine, autrement dit que les emplois créés ont été seulement un peu anticipés.

Plus grave encore, rien ne prouve que ces emplois ne seront pas rapidement détruits en raison du coût du dispositif. Il serait nécessaire d'évaluer de façon rigoureuse les effets de la loi mais il faudrait pour cela que le ministère communique ses statistiques...

La Commission de Bruxelles, le 8 septembre dernier, jugeait seulement « passable » la stratégie pour l'emploi développé par la France ; l'OCDE, en février 1999, notait l'entrée de notre pays dans une période favorable, mais soulignait la nécessité que « les réformes structurelles en cours, en particulier la réduction du temps de travail, soient mis en en oeuvre d'une façon telle qu'elles n'aboutissent pas à l'effet inverse de leurs objectifs affichés ».

S'agissant de la gestion du marché du travail sur la plan qualitatif, on constate tout d'abord qu'en sept ans, le nombre de stagiaires a été multiplié par 1,5 mais que sur plus de 11 millions d'entrées en formation, on ne compte qu'1,5 million d'anciens chômeurs... De plus, la durée moyenne de formation est tombée de 105 à 74 heures. Ajoutons que le marché de la formation compte plus de 40 000 prestataires, pas toujours bien contrôlés.

Le consensus dont faisait l'objet la formation continue depuis la loi de 1971 est ébranlé par le débat sur la réduction du temps de travail. Si une proportion importante de salariés n'est pas hostile au co-investissement, sous la forme d'un temps de formation non rémunéré, il reste un problème de frontière avec la nécessaire adaptation du salarié à l'évolution de son emploi.

Quid des autres modalités d'accès à la formation que représentent le compte épargne-temps, la combinaison d'un emploi précaire et d'une formation, le travail en temps partagé dans le cadre de groupements d'employeurs ?

La réforme de la formation professionnelle est devenue un serpent de mer. Depuis juin 1997, nous sommes toujours » à la veille de... » Il reste que l'effort des entreprises n'augmente pas, que les différences vont s'accentuant entre régions, que le chômage de longue durée est de plus en plus long, que la formation professionnelle est le champ de querelles d'intérêts...

La gestion qualitative du marché du travail est, en outre, de plus en plus, contradictoire. Elle relève souvent du bricolage. Comment se satisfaire, en particulier, des mesures prises concernant l'alternance ? Devant le succès de celle-ci, vous avez choisi, pour cause d'économies, de la décourager... S'agissant de l'apprentissage, le risque existe de le voir redevenir une filière de pauvres, sous prétexte de lutte contre l'exclusion.

Le budget de l'Etat est grevé par le coût exorbitant des 35 heures. Il reste peu de moyens pour la qualification et la promotion des hommes... On lutte contre l'exclusion par la formation. Or le budget de l'apprentissage diminue, le budget de l'alternance diminue, les crédits de la formation professionnelle diminuent ; tout le reste n'est que fariboles !

Quelques mots encore sur le paritarisme et la négociation sociale. Du MEDEF la CFDT, on se plaint des décisions imposées par l'Etat. Les partenaires sociaux ont échappé de justesse à une contribution forcée au financement des 35 heures.

M. le Président - Je vous prie de conclure.

M. Jean Ueberschlag - On a dit que le XXIème siècle serait moral ou ne serait pas. Il pourrait bien ne guère l'être. En effet dès l'an prochain, dans un pays où il faut déjà payer pour se former mieux, pour se protéger du chômage, pour garantir la décence de sa retraite, il faudra aussi payer pour travailler moins ! Et grâce à nos recettes sur le tabac et l'alcool, ceux qui ne sauraient que faire de leur temps libre paieront aussi pour s'ennuyer... Si on vous laisse faire, les Français devront payer pour vivre au XXIème siècle. Vous l'aurez compris, le groupe RPR ne peut voter ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Patrick Leroy - Au cours de la discussion de la deuxième loi sur la réduction du temps de travail, nous avons unanimement reconnu l'ampleur des défis auxquels est confrontée la formation professionnelle. La France s'était placée au premier rang dans ce domaine avec l'accord interprofessionnel de 1970 et la loi de 1971. Mais depuis lors les besoins ont évolué. Le Gouvernement a pris l'engagement de présenter un nouveau projet de loi sur ce thème et Mme Péry en a entamé la préparation. Dans ce cadre, des enquêtes ont montré d'importantes inégalités dans l'accès à la formation, une efficacité insuffisante en termes de promotion sociale, et un manque de certification des acquis.

Les inégalités sont flagrantes. Un tiers seulement des salariés accède à une formation de l'ordre de quarante heures par an. Les ouvriers non qualifiés des PME en sont quasiment exclus, et plus encore les jeunes travaillant à temps partiel. Le taux d'accès varie considérablement selon la taille des entreprises, les catégories sociales, les sexes, les branches d'activité.

Ces constats ont influencé le groupe communiste dans sa préparation d'une proposition de loi sur le droit à la formation tout au long de la vie. Cette proposition est le fruit d'une collaboration avec de nombreux acteurs de ce secteur, et la discussion se poursuivra pour l'affiner. Notre réflexion s'inscrit dans la volonté de mettre en place un plan « sécurité-emploi-formation », trois aspects indissociables pour donner toute sa dimension à la formation professionnelle. Notre idée est que la formation doit accroître le niveau de compétence et de qualification. C'est un facteur décisif dans la compétition économique. Il y va donc de l'intérêt général, et il serait injuste d'imposer aux salariés la responsabilité de leur employabilité. L'Etat, les régions, les représentants des salariés et des employeurs doivent négocier des plans de formation répondant à l'intérêt général.

Pour lutter contre les inégalités, nous proposons un fonds de mutualisation qui permettrait de développer l'accès à la formation dans les PME. Nous insistons d'autre part sur l'importance d'affirmer un droit individuel à la formation, comme il existe un droit au logement ou à la santé. Cela faciliterait l'accès des précaires et des chômeurs.

Dans le débat sur la réduction du temps de travail, un amendement a été retenu, qui réaffirme le devoir d'adaptation des entreprises, qui doit être financé par l'employeur et compté dans le temps de travail effectif. Quant aux formations personnelles, elles doivent faire l'objet de négociations, et l'accord écrit du salarié est obligatoire. Ce texte doit être amélioré. Des notions comme celles de compétence et d'adaptation doivent être précisées, car dans l'état actuel du droit elles peuvent servir à réduire les formations payées.

Les députés communistes veulent apporter des propositions constructives à la future loi sur la formation professionnelle. C'est dans cet esprit qu'ils voteront le présent budget (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Gaëtan Gorce - La politique de l'emploi n'est pas une politique comme les autres : elle est au c_ur de l'action du Gouvernement et de la majorité. Je ne reviendrai pas sur les mesures prises depuis deux ans et demi : elles montrent que, n'en déplaise à M. Goulard, le recul actuel du chômage n'est pas le fruit du hasard. La conjoncture a certes évolué, mais les résultats obtenus l'ont été par une volonté bien ajustée à la situation économique. La relance de la croissance par le pouvoir d'achat, les emplois-jeunes, la réduction du temps de travail, la baisse des cotisations patronales, les actions en faveur des nouvelles technologies illustrent cette volonté. Les résultats ont suivi, à un rythme qui mérite d'être souligné : nous avons créé autant d'emplois sur les six premiers mois de 1999 que pendant toute l'année 1998. Ainsi la croissance s'enrichit en emplois, et les résultats de cette politique, notamment de la réduction du temps de travail, se font sentir. Selon M. Goulard, ces résultats étaient prévisibles quelques semaines avant juin 1997. Si c'est vrai, ceux qui ont alors pris certaines décisions politiques étaient mal informés ou mal conseillés... Mais je crois plutôt que ces résultats sont le fruit d'une politique.

Elle n'obéit pas seulement à des préoccupations économiques et sociales, mais traduit un vrai choix de société. La plupart des difficultés de notre pays trouvent en effet leur source dans le chômage. Faire reculer celui-ci, c'est rendre la confiance, un projet, une perspective. Nous avons fait le choix d'être le parti de l'emploi, et demain, je l'espère, du plein emploi ; je regrette que l'opposition veuille nous rappeler qu'elle a été le parti du chômage. Je songe à un Hercule au berceau qui, pris de berlue, n'étranglerait pas les serpents chômage et exclusion, mais la croissance et l'emploi... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR)

Examinons quelques points du budget qui sert de support à cette politique. L'objectif est d'accompagner la croissance pour l'enrichir en emplois. C'est ce que nous faisons avec les 35 heures. Elles ont déjà créé ou préservé 120 000 emplois, et l'objectif de 150 000 sera probablement atteint avant la fin de l'année. Soyons attentifs à certaines mesures d'accompagnement, notamment l'appui-conseil. On connaît le succès de ces mesures, mais les crédits se mobilisent difficilement ; je crois, Madame la ministre que vous y êtes attentive dans ce budget.

C'est vrai aussi de la formation. Notre politique de l'emploi a des résultats, mais appelle un ajustement entre les besoins d'emploi et la situation de certains salariés qui souhaitent revenir à l'activité. A cet égard la formation est cruciale.

Il faut également renforcer les moyens du ministère. Vous le faites, et en particulier pour les inspecteurs du travail : je suis heureux que cette revendication, que nous formulons chaque année, trouve un début de satisfaction.

Après le souci d'accompagner la croissance pour l'enrichir en emplois, le deuxième objectif est de lutter contre les inégalités face à l'emploi. Elles touchent notamment les jeunes, durement frappés par le chômage au cours des années passées, et qui sont précisément les principaux bénéficiaires de la reprise de l'activité. Les emplois-jeunes jouent à cet égard un rôle important. Certains parlent d'une allocation formation insertion, pour prendre en compte les jeunes qui sont allées directement vers l'emploi.

Il existe une autre inégalité, entre les territoires cette fois : le taux de chômage y varie du simple au double, voire plus. Les solutions relèvent certes de la politique d'aménagement du territoire, mais la politique de l'emploi doit mettre l'accent sur la nécessité de stratégies locales.

Il faut au demeurant lutter contre toutes les formes de fragilité sociale. Ces dernières années la situation des salariés s'est affaiblie. Les rapports de force dans la négociation sociale et dans l'entreprise sont en train de se rétablir, mais appellent souvent un support législatif. Nous l'avons ménagé dans certaines dispositions de la loi sur les 35 heures. Il faudra continuer, notamment pour la prévention des licenciements. Nous voulons accroître les pouvoirs des salariés dans ce domaine, et les obligations des entreprises en matière d'adaptation, de reconversion, de reclassement.

Telles sont les orientations dont nous souhaitons que, dans les mois qui viennent, le Parlement puisse être saisi, pour que la législation progresse. Il va de soi que le groupe socialiste soutient ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Claude Hoarau - La politique du Gouvernement commence à porter ses fruits. Le chômage vient de connaître la plus forte baisse de ces dix dernières années. Les deux tiers des emplois créés en Europe l'ont été en France.

A la Réunion, si le taux de création d'emplois est également dynamique, le chômage ne diminue guère et nous détenons toujours le triste record de demandeurs d'emploi. Pourquoi une même politique ne produit-elle pas les mêmes effets ? C'est que, si la courbe démographique est en train de s'inverser en France métropolitaine, elle ne s'infléchira à la Réunion qu'aux alentours de 2010.

Un tel contraste montre à quel point les dispositifs de droit commun doivent être assortis de mesures dérogatoires.

Prenons l'exemple du programme «Nouveaux services, nouveaux emplois». Plus de 5 000 emplois-jeunes sont aujourd'hui en activité. Ce dispositif, plébiscité par les jeunes, a contribué à la non-aggravation du chômage à la Réunion en 1998.

Véritable bouffée d'oxygène, il révèle tout à la fois l'aspiration énorme des jeunes à travailler et les difficultés qui se présentent à eux. De fait, plus de 61 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans sont au chômage. Pour un emploi-jeune, il y a quatre demandeurs d'emploi.

Aussi le conseil régional a-t-il proposé un certain nombre d'adaptations, inspirées par l'expérience de terrain, afin de permettre le recrutement de 10 000 jeunes en trois ans. Nous vous les avions présentées ici l'an dernier, en vain. Nous craignons beaucoup que, sans elles, l'objectif des 10 000 emplois-jeunes ne puisse être atteint.

La jeunesse réunionnaise attend. Aussi allons-nous saisir l'occasion de la prochaine loi d'orientation sur l'outre-mer pour proposer à nouveau ces mesures dérogatoires. Nous comptons sur votre soutien.

Vous vous êtes inquiétée des dérives qui pourraient perturber la mise en _uvre des emplois-jeunes. En fait, les dossiers présentés sont sérieux et les rares dérives qu'il faut sévèrement sanctionner ne doivent pas contrecarrer une augmentation significative du nombre des emplois-jeunes qui peuvent contribuer à ce qu'à 25 ans un jeune Réunionnais ne soit plus un chômeur de longue durée (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

La séance, suspendue à 18 heures 35, est reprise à 18 heures 40.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - La politique de l'emploi est la pièce maîtresse de l'action du Gouvernement. Gaëtan Gorce a magistralement expliqué comment nous étions passés des discours aux actes. De fait les résultats sont là : la croissance, plus forte, profite à tous ; la baisse du chômage s'accélère, à un rythme deux fois et demi supérieur à celui de l'an dernier. Mais les chiffres ne sont pas tout, beaucoup de gens restent au chômage, et il est douloureux pour eux de voir le train passer sans pouvoir y monter.

M. Gremetz l'a dit, les emplois précaires ou à temps partiel subi, s'ils diminuent, sont encore trop nombreux, et nous devrons prendre des mesures dans ce domaine.

Notre budget 2000 s'inscrit dans la démarche tendant à rendre le plus efficace possible les aides à l'emploi, sujet sur lequel la MEC a choisi de faire porter ses travaux dès sa première session. Il s'inscrit aussi dans l'objectif fixé par le Premier ministre de financer intégralement par l'argent public les priorités décidées par le Gouvernement tout en maîtrisant l'évolution des dépenses de l'Etat. La Cour des comptes, Madame Bachelot-Narquin, lorsqu'elle examinera les tout derniers budgets, pourra constater notre recherche systématique de l'efficacité.

Le budget du travail et de l'emploi s'élève à 122,6 milliards, en hausse de 2,3 %. La progression nette est de 2,7 milliards, mais recouvre des mouvements inverses de grande ampleur : 10,4 milliards de dotations supplémentaires destinées principalement aux emplois-jeunes et aux moyens du service public de l'emploi, mais 7,4 milliards d'ajustements négatifs, pour beaucoup suggérés par la MEC.

Cet effort de rigueur dans l'emploi des moyens budgétaires n'est pas nouveau. De 1997 à 2000, l'augmentation nette de 10,7 milliards du budget de l'emploi est la compensation de 37,2 milliards de progressions et de 26,5 milliards d'ajustements en baisse. J'espère que ces chiffres rassureront Mme Bachelot-Narquin.

J'en viens aux lignes de force de ce budget : poursuite des réformes structurelles et des programmes prioritaires, lutte contre les exclusions ; amélioration des services du ministère.

Les emplois-jeunes, dispositif clé de notre politique de l'emploi, ont été un grand succès avec pour 217 550 postes créés, 203 200 embauches réalisées fin octobre. M. Boulard l'a souligné, je n'y reviens pas. Nous nous sommes efforcés, Madame Bachelot-Narquin de répondre à des besoins nouveaux au travers de ces emplois et nous avons donné la priorité au qualificatif plutôt qu'au quantitatif. Le projet de budget pour 2000 prévoit la création de 320 000 à 330 000 emplois, ce qui correspond bien, Monsieur Bapt, à 280 000 à 300 000 embauches effectives. Nous avons voulu, avec les emplois-jeunes, passer d'une politique de guichet à une logique de projet, autour de laquelle se sont activement mobilisées beaucoup de régions, de collectivités et d'associations, je m'en félicite. La dotation prévue en 2000 s'élève à 21,3 milliards, dont 90 millions pour l'ingénierie des projets dont M. Boulard a souligné l'importance.

Monsieur Hoarau, 6 000 emplois-jeunes ont été créés à la Réunion, dont 4 100 dans les associations et les collectivités locales. Seuls 20 % des jeunes recrutés ont un niveau de formation supérieur au baccalauréat. La qualité des projets est un souci constant du préfet et de la DDTE : 30 % des projets déposés ont par exemple été rejetés.

Monsieur Gremetz, il n'y a pas lieu de s'insurger contre l'annulation de 4 millions de crédits pour la formation des militants syndicaux car ces crédits seront, je l'espère, pris comme en 1998 et 1999 sur la réserve parlementaire. Vous avez en revanche raison d'insister sur la nécessité d'une formation spécifique pour les salariés mandatés. Un crédit supplémentaire de 10 millions a été inscrit à cet effet. L'aide apportée aux organisations syndicales s'élèvera au total à 97 millions en 2000.

Pour mesurer l'impact budgétaire des deux mesures structurelles désormais liées que sont la réduction du temps de travail et l'allégement du coût du travail, une vue consolidée du budget de l'emploi et du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de Sécurité sociale est nécessaire. Sept milliards sont affectés à la réduction du temps de travail dans le budget de l'emploi, dont 2,7 milliards au titre du dispositif de Robien et 4,3 milliards au titre des aides liées aux 35 heures. Sur les 105 milliards d'allégements de charges dont vont bénéficier les entreprises, 40 milliards correspondent à l'aide structurelle accordée en compensation de la réduction de la durée du travail. Le coût du travail pour les salaires inférieurs à 10 000 F sera ainsi abaissé de 5 %. J'ajoute que le coût d'un emploi créé par la réduction du temps de travail variera de 55 000 à 75 000 F selon la taille des entreprises, ce qui en fait, de loin, l'aide à la création d'emplois la moins coûteuse depuis vingt ans. Je précise enfin que le projet de budget constitue une provision, puisque tout dépendra des négociations, du rythme desquelles nous ne décidons pas.

Le coût de la ristourne dégressive, qui n'aura été rattaché au budget de l'emploi qu'en 1999, est évalué à 39,5 milliards pour 2000. C'est pourquoi nous avons affecté au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales une part équivalente du produit des droits sur les tabacs qui servira à la financer. Il s'agit bien là seulement d'un transfert car le niveau de ces droits restera inchangé.

Contrairement à ce qu'ont prétendu certains, l'existence d'un fonds spécifique favorisera la transparence, tant des dépenses que des recettes. Le contrôle exercé par le conseil de surveillance mais aussi par le Parlement en sera facilité. C'est important car, comme l'a souligné M. Gremetz, on est en droit d'exiger que l'utilisation des aides publiques à l'emploi soit contrôlée.

Madame Bachelot, l'avenir du secteur du textile et de l'habillement me tient à c_ur, tout comme d'ailleurs celui des cuirs et peaux et de la chaussure. Simplement, plutôt que de proposer une loi qui n'était pas conforme aux engagements européens de la France (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), nous avons préféré mettre en place un dispositif général et durable que vous n'aviez pas, vous, créé, ne sachant comment le financer.

La montée en puissance des mesures structurelles en faveur de l'emploi exige de mieux apprécier le rapport coût/efficacité des différents dispositifs. La mission d'évaluation et de contrôle s'est, à juste titre, intéressée aux dispositifs d'incitation au retrait anticipé d'activité. Dès mon arrivée au ministère, j'ai limité le recours au FNE aux seules entreprises en réelle difficulté. Il n'est plus acceptable que la solidarité nationale finance la restructuration d'entreprises qui peuvent parfaitement en assumer le coût. Nous avons par ailleurs doublé la contribution Delalande en cas de licenciement d'un salarié de plus de 50 ans. Nous conserverons le FNE, outil essentiel de solidarité. Mais nous allons mettre en place un nouveau dispositif qui mettra davantage les entreprises à contribution et permettra à des salariés ayant commencé leur carrière jeunes et ayant effectué des tâches particulièrement pénibles de cesser plus tôt leur activité. Les crédits des allocations spéciales FNE, qui se montent à 4,15 milliards, intègrent ce nouveau dispositif.

Monsieur Boulard, nous poursuivons les discussions avec l'ARCCO et avec l'AGIRC. Alors que nous nous étions mis d'accord avec les deux présidents, les conseils d'administration ont renforcé les exigences des organismes vis-à-vis de l'Etat. Espérons que chacun saura, le moment venu, prendre ses responsabilités.

Deuxième axe de notre action : la lutte contre les exclusions. Nous avons retiré de la panoplie, les outils qui suscitent des effets d'aubaine ou des effets pervers. Nous avons par exemple supprimé l'exonération Madelin, réformé l'abattement accordé pour les emplois à temps partiel, révisé les primes à l'embauche dans le cas de contrats d'apprentissage ou de qualification.

Nous avons par ailleurs commencé de recentrer l'action sur les publics prioritaires et ce mouvement se poursuivra en 2000. Ainsi, alors que seulement 57 % des contrats emploi-solidarité s'adressaient en 1997 à des publics prioritaires, cette proportion est aujourd'hui de 75 % et sera demain de 80 %. Il ne s'agit pas de réduire notre aide, mais bien de la réserver aux personnes les plus en difficulté. Le nombre des contrats emploi-consolidé, ouverts à des personnes sans perspective d'emploi, continuera de croître pour atteindre 60 000 en 2000. Pour ce qui est des contrats initiative-emploi, le premier recentrage, opéré en 1996, sera poursuivi. La proportion de chômeurs de longue durée bénéficiaires de ces contrats est ainsi passée de 37 % en 1997 à 42 % en 1999.

D'autres mesures de la loi contre les exclusions vont dans le même sens. La réforme de l'insertion par l'économique est entrée en vigueur et ses crédits progresseront de 22 % en 2000. De même, le programme TRACE se développe. Il a certes démarré lentement, comme l'a souligné Monsieur Goulard, notamment dans les régions qui ont refusé de le financer...

M. François Goulard - Voilà que c'est de notre faute !

Mme la Ministre - Non, pour une fois, les choses sont plus nuancées. Il n'est en tout cas pas normal que des régions refusent de financer les pré-qualifications à l'intention des jeunes incapables d'entrer directement en qualification, alors que les moyens de la formation professionnelle ont été déconcentrés. Cela étant, la situation s'améliore et 60 000 jeunes devraient pouvoir bénéficier de ces parcours personnalisés d'insertion pouvant aller jusqu'à 18 mois.

Des crédits sont également prévus pour le développement des contrats de qualification destinés aux adultes et pour le dispositif EDEN qui sortira en 2000 de sa phase expérimentale.

Je tiens à rendre un hommage appuyé au service public de l'emploi, tout particulièrement à l'ANPE qui a déjà offert un accompagnement personnalisé à 600 000 demandeurs d'emploi, dont la moitié étaient directement menacés par l'exclusion. Des résultats très positifs ont déjà été obtenus puisque le taux de sortie atteint 50 %, voire 65 % chez les jeunes.

M. Michel Hunault - Evidemment, on les a rayés des listes !

Mme la Ministre - Pas du tout. Vous ne connaissez pas les chiffres. En octobre, on a dénombré 435 000 sorties de l'ANPE et seulement 14 000 radiations, le plus souvent d'ailleurs des personnes qui ont entre-temps retrouvé un emploi. Monsieur le député, s'ils n'étaient pas radiés, vous diriez certainement que l'ANPE fait mal son travail. Mais sans doute votre critique s'explique-t-elle par votre regret de voir le chômage diminuer autant sous ce gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

J'en viens aux moyens de mon ministère et du service public de l'emploi.

Nous créons 130 emplois nets, dont 121 au bénéfice des services déconcentrés. Il s'agit principalement de 90 postes de contrôleurs et de 20 postes d'inspecteurs du travail. M. Gremetz a souligné la création de deux postes de médecins-inspecteurs régionaux et de sept postes d'ingénieurs de sécurité.

Deuxième point fort, nous poursuivons la résorption des emplois précaires, la transformation massive des emplois de catégorie C et la revalorisation des rémunérations : l'enveloppe augmente de 11,7 % et profitera à l'ensemble des agents du ministère, qui en ont bien besoin car ils mènent des actions très lourdes.

L'ANPE recevra un renfort de 500 agents supplémentaires. L'AFPA bénéficiera des moyens prévus par le troisième contrat de progrès qu'elle a signé avec l'Etat et sa subvention est augmentée de 5 %.

Si l'Etat a un rôle majeur à jouer pour ouvrir des pistes, fixer le cap, et mobiliser les acteurs, nous sommes tous convaincus ici que l'action des partenaires sociaux est un élément-clé. Mais le paritarisme, ce n'est pas seulement gérer des fonds communs, c'est aussi se réunir autour d'une table pour discuter. Les entreprises le font aujourd'hui sur la réduction du temps de travail, nous souhaitons qu'elles le fassent demain sur la formation professionnelle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - Le budget de la formation professionnelle s'élève en 2000 à 33,9 milliards de francs et marque donc la continuité de notre effort.

Je me concentrerai sur les quatre sujets qui provoquent le plus d'interrogations, comme j'ai pu le mesurer par mon courrier et à travers le débat.

Le premier concerne les crédits de la formation en alternance. Nous sommes déterminés à maintenir l'effort de l'Etat : le nombre des contrats d'apprentissage restera au niveau de 1999, soit 220 000, et celui des contrats de qualification passera de 120 000 à 125 000. Les crédits correspondants représentent 12 milliards, soit le tiers de ce budget.

L'année 1999 a, en effet, vu progresser légèrement le nombre de ces deux types de contrats, contrairement aux prévisions pessimistes de certains l'an dernier. Je peux donc rassurer M. Ueberschlag.

Vous avez été plusieurs à évoquer le transfert de 500 millions de francs du comité paritaire du congé individuel de formation, le COPACIF, vers les aides à l'embauche des apprentis. L'article 70 du présent projet étend le champ de compétence du COPACIF au capital de temps de formation et les excédents détenus à ce titre par les organismes collecteurs paritaires au 31 décembre 1999 seront versés au COPACIF, et non au Trésor public comme le prévoient les textes actuels. Cette disposition a reçu l'accord des partenaires sociaux ; elle permettra de mieux répondre aux demandes de congé individuel de formation -en 1998 seules 27 600 demandes ont été acceptées.

Toutefois, compte tenu du montant des excédents -un milliard fin 1998- le Gouvernement a souhaité qu'une partie soit affectée au budget de la formation professionnelle. Mais je suis d'accord avec M. Barrot, cette mesure doit rester exceptionnelle et j'accepterai donc votre amendement (« Ah ! » sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

Second sujet qui a suscité de l'émotion, le transfert à l'ANPE des crédits des CIBC. Il ne traduit nullement un doute sur la qualité des prestations assurées par ces derniers. Les missions des CIBC et le soutien financier de l'Etat ne sont pas modifiés. L'objectif est simplement de construire un nouveau partenariat au service de l'orientation des demandeurs d'emploi. Une convention sera conclue, garantissant les spécificités des CIBC, l'accès diversifié des publics et leurs fonctions d'animation.

Troisième sujet, l'AFPA. M. Barrot et M. Lindeperg ont insisté sur la nécessité d'élaborer une stratégie à long terme. C'est aussi notre objectif. Il s'agit d'accroître l'efficacité de l'AFPA et de la faire contribuer à la réalisation du plan national d'action pour l'emploi, notamment en ce qui concerne l'égalité des chances entre hommes et femmes.

L'AFPA devra, dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle, contribuer à la validation des acquis professionnels, en particulier de ceux dont le niveau de formation initiale est faible. L'échelon régional étant le niveau de coordination des actions en matière de formation professionnelle, les missions de l'AFPA devront être mieux intégrées dans les politiques territoriales, sans que soit remis en cause son statut national.

Ces orientations nouvelles impliquent des moyens correspondants, d'où l'augmentation de 206 millions, soit 5 %, des crédits affectés à l'AFPA.

Le quatrième point concerne le contrôle de la formation professionnelle. Il concerne à la fois les employeurs, les organismes collecteurs et les organismes de formation.

Je rappelle que le contrôle administratif et financier ne porte pas sur la qualité pédagogique de l'enseignement. Or, il y a une attente forte à cet égard. C'est pourquoi l'Etat doit accompagner les démarches de qualité telles que celle engagée par la Fédération de la formation professionnelle à travers l'office professionnel de qualification des organismes de formation -550 organismes sont qualifiés à ce jour.

Le rapprochement de l'inspection de la formation professionnelle avec l'inspection du travail est maintenant chose faite, ce qui accroîtra le nombre de contrôleurs disponibles. Je rappelle qu'en 1998 2 388 contrôles sur pièces et sur place ont été effectués, conduisant à des redressements pour 120 millions. Ces vérifications ont porté sur 1 533 entreprises, 33 organismes collecteurs et 822 organismes de formation.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la question de l'illettrisme : ce budget prévoit des moyens supplémentaires -plus d'un million- et un groupement d'intérêt public va débuter ses travaux en 2000.

Je terminerai par le calendrier de la réforme. Elle vise à faire de la formation un droit exercé tout au long de la vie et comporte quatre axes.

Le premier axe est le soutien aux formations en alternance sous toutes leurs formes. Pour l'apprentissage, nous réfléchissons à une réduction du nombre des organismes de collecte, à l'affichage des coûts de formation dans les CFA, à une redistribution concertée de la taxe. Des négociations sont en cours depuis plusieurs mois et aboutiront à des dispositions réglementaires et législatives au cours de l'an 2000.

Le deuxième axe est la validation des acquis professionnels, ce qui nécessite une harmonisation des systèmes de certification et une modification de la loi de 1992. Ces deux points font également l'objet d'une concertation permanente qui devrait aboutir à des modifications législatives et réglementaires en l'an 2000.

M. Barrot a évoqué l'ajournement de la réunion prévue le 6 novembre. J'avais invité l'ensemble des partenaires sociaux à une table ronde, une réunion de travail portant sur plusieurs des sujets que je viens d'évoquer. Certaines organisations patronales ont demandé que la date en soit reportée. Je ne peux croire qu'un tel enjeu puisse souffrir longtemps de comportements plus politiques que sociaux. La formation professionnelle est un excellent sujet si les partenaires sociaux veulent exercer cette responsabilité qu'ils revendiquent.

Pour mener à bien une réforme, il faut clarifier le rôle des partenaires sociaux. Comme l'indique M. Lingeperg dans son excellent rapport au Premier ministre, cela suppose d'impliquer fortement les partenaires dans la construction et la gestion du système, de donner un rôle croissant aux régions et d'accentuer le caractère interministériel de la politique de formation professionnelle.

J'ai souhaité également conduire des expérimentations avec des régions. J'ai déjà signé un protocole d'accord avec la région Centre courant octobre sur la mise en réseau des aides et je m'apprête à en conclure un avec la région Poitou-Charentes sur l'égalité d'accès à la qualification par la validation des acquis.

Au cours du débat, nombre d'entre vous ont souhaité une réforme sur cet enjeu de société majeur. Martine Aubry et moi-même sommes déterminés à la mener à bien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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QUESTIONS

M. Michel Hunault - En 2000, 21 milliards, soit 53 % de plus qu'en 1999, seront consacrés à financer 10 000 emplois-jeunes supplémentaires. A terme 33 milliards seront consacrés à financer 350 000 emplois-jeunes. En 1997 vous vous étiez engagée à en créer 700 000, 350 000 dans le public et 350 000 dans le privé. Pour le privé nous n'avons rien vu, pour le public le coût est important. Et que se passera-t-il au bout de cinq ans ? Collectivités et associations se demandent comment sera assurée la pérennité du financement. D'autre part, alors que la formation était considérée comme importante initialement, on a omis de leur en parler. Pouvez-vous revenir sur ces questions légitimes ?

Mme la Ministre - Les jeunes n'ont pas à se plaindre de la politique du Gouvernement. Le chômage de cette catégorie a diminué de 25 % en deux ans. Outre les emplois-jeunes, les contrats d'apprentissage et de qualification ont progressé de 15 % ce qui, sur 3 ans, a permis à 130 000 jeunes supplémentaires d'entrer dans une formation en alternance. L'ARPE, négociée par les partenaires sociaux, a conduit à 100 000 embauches, dont deux tiers de jeunes. Les contrats initiative-emploi bénéficient à des jeunes en grande difficulté.

42 % des emplois occupés par des jeunes dans le secteur privé sont des emplois aidés, alors que le pourcentage global est de 9,5 %. En dehors des emplois-jeunes, les aides sont donc importantes. De même le projet EDEN sur la création d'entreprises concernera 200 000 jeunes en 1999, le projet TRACE en concernera 60 000 en 2000.

S'agissant de la pérennisation, j'ai toujours dit que l'Etat investissait par anticipation sur des besoins que le marché allait solvabiliser. C'est déjà le cas. J'ai rencontré des aides-bibliothécaires qui ont vendu leurs services à des maisons de retraite et à des cliniques privées. Des offices d'HLM ont considéré que le travail des emplois-jeunes pour réduire les dégradations ou aider au paiement des loyers est rentable, et sont prêts à le prendre en charge. Nous sommes dans la logique de l'activation des dépenses passives, après que l'Etat a favorisé le démarrage.

La professionnalisation est nécessaire. J'ai bien dit que je ne souhaitais pas que l'on se précipite dans des occupations ou des formations sans connaître précisément les métiers auxquels elles correspondent. Nous ferons le point en décembre sur de grands secteurs comme la médiation, l'environnement, la jeunesse et les sports, et nous définirons des cadres de référence pour différents métiers, en précisant les compétences nécessaires et les formations à mettre en place. Des plates-formes régionales ont été créées avec presque tous les conseils régionaux pour contribuer à une réelle professionnalisation et les fonds européens de l'objectif 3 soutiendront ce type d'action. La professionnalisation contribuera aussi à la pérennisation de ces emplois.

M. Yves Nicolin - Devant l'autosatisfaction qu'affiche le Gouvernement au sujet de la baisse du nombre de demandeurs d'emploi, je voudrais vous citer une petit annonce de l'ANPE de Roanne. Un établissement de 3 à 5 salariés, dans le secteur des organisations associatives recherche pour un CDD de 28 jours, avec un horaire de une heure hebdomadaire, un BAC + deux -DEUG ou licence de littérature- pour un salaire horaire de 70 F. Débutant accepté. La personne qui acceptera cette offre gagnera 280 F brut par mois. Or l'article L. 311-5 du code du travail précise que les personnes qui, sans motif légitime, refusent d'accepter un emploi, quelle que soit la durée du contrat de travail offert, compatible avec leur spécialité ou leur formation antérieure, leurs possibilités de mobilité géographique compte tenu de leurs situation personnelle et familiale, et rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région, peuvent être radiées après deux ou trois refus.

Le directeur d'agence de Roanne serait donc fondé à appliquer cette règle à la jeune femme à laquelle cette annonce a été proposée, d'autant que l'administration a reçu la recommandation de l'appliquer avec discernement, mais avec fermeté.

Le nombre de demandeurs d'emploi diminue. Mais celui des radiations s'est considérablement accru. En outre, un décret de juillet dispense les chômeurs d'au moins 55 ans ayant cotisé 160 trimestres et ceux de 57 ans et demi, même sans cette condition, de chercher un emploi.

La croissance mondiale a amélioré la situation de l'emploi. Pensez-vous que le Gouvernement a une quelconque responsabilité dans la diminution du chômage, étant donné le nombre de radiations que ce décret ou ce type d'offre d'emploi entraînent ?

Mme la Ministre - Je répondrai avec sérieux à une question qui ne l'est pas beaucoup. Chaque mois 400 000 à 450 000 personnes sortent des statistiques de l'ANPE pour 300 000 à 400 000 entrées et les radiations qui oscillent entre 10 000 et 17 000 représentent 4 % de ces sorties. Comment dire que la baisse du chômage vient de là ?

Quant à l'offre d'emploi que vous avez citée, il fallait rappeler toutes les conditions légales, à savoir qu'on ne peut en aucun cas proposer un contrat d'une heure de travail à quelqu'un qui demande un temps plein ou un mi-temps. Dans ce cas, on ne saurait tenir compte de son refus.

Nous avons en effet pris un décret, à la demande des partenaires sociaux, pour exonérer les personnes âgées de plus de 55 ans et qui totalisent 160 trimestres de l'obligation de renvoyer chaque mois leur déclaration à l'ANPE. Cela a concerné 14 000 personnes ; et j'ai pris soin de souligner alors son effet sur les statistiques.

Depuis deux ans, on dénombre 440 000 chômeurs en moins et 715 000 emplois créés. Comme je ne suis pas de ceux qui croient que les chômeurs sont des tricheurs ou des paresseux, je souhaite que les contrôles se poursuivent, afin de montrer que les personnes qui sont radiées avaient en général omis de dire qu'elles avaient retrouvé un emploi et, parfois mais très rarement, ne souhaitaient pas retravailler. Il est normal de s'assurer que les cotisations qui sont versées par un smicard ou une entreprise servent bien aux chômeurs qui en ont besoin ; c'est vrai dans la quasi totalité des cas.

Depuis dix ans, l'ANPE a fait passer son taux de réponse aux offres d'emploi des entreprises de 20 à 40 %. Dans la dernière enquête, 84 % des entreprises interrogées se disaient satisfaites du service qu'elle rend. Elle se mobilise aujourd'hui pour accueillir et suivre les chômeurs de longue durée. Vraiment, ses agents méritent mieux que le procès que vous leur faites !

M. Yves Nicolin - Nous ne faisons pas le procès des agents !

Mme la Ministre - Je ne leur ai pas, pour ma part, demandé de faire preuve de fermeté ; je leur demande tout simplement de faire leur métier à l'égard des entreprises comme des demandeurs d'emploi, en effectuant les contrôles qui sont normaux en démocratie. Je suis étonnée que la démagogie vous pousse à dire le contraire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Nicolin - La démagogie est plutôt le fait de l'autre côté de l'hémicycle...

Pour lutter contre le chômage, ce gouvernement a choisi une voie purement idéologique, en instaurant les 35 heures, à contre-courant du reste de la planète et en mettant en place les emplois-jeunes, qui viennent prendre la place de stages parkings et font figure de gadget. Pendant ce temps, des dizaines de milliers d'emplois disparaissent dans le textile et dans toutes les industries manufacturières exposées à la concurrence internationale.

On ne peut pas miser seulement sur les nouvelles technologies et les personnels hautement qualifiés. Que vont faire celles et ceux qui auront perdu leur emploi dans des industries sacrifiées par les dirigeants politiques et qui ne pourront pas se tourner vers d'autres métiers ? Quand allez-vous prendre sur le plan fiscal, social et administratif, des mesures susceptibles d'aider les entreprises soumises à la concurrence internationale à se défendre ?

Mme la Ministre - Quand les entreprises de main-d'_uvre soumises à la concurrence internationale vont-elles mieux se porter ? Quand la loi de financement de la Sécurité sociale sera votée, puisqu'elle réduit les charges sociales jusqu'à 1,8 fois le SMIC. Les secteurs peu capitalistiques comme le textile-habillement ou les cuirs et peaux attendaient depuis des années une telle mesure. Contrairement au plan Borotra, les dispositions que nous prenons sont conformes à nos engagements européens.

Par ailleurs, il faudrait que la grande distribution allège sa pression sur le secteur agro-alimentaire. Nous travaillons actuellement avec le ministère de l'économie et des finances sur ce sujet. Il serait formidable que les organisations patronales qui, aujourd'hui, crient beaucoup, examinent comment certaines entreprises en obligent d'autres à fermer ou à se délocaliser ! De même, il serait bon que les banques accompagnent davantage les entreprises qui se créent ou qui se développent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Germain Gengenwin - En l'absence de mes collègues Weber et Abelin, je suis autorisé par la présidence à poser une autre question, sur laquelle, Madame la ministre, j'accepterai très volontiers un complément de réponse écrit.

J'aimerais connaître les critères de répartition des crédits du Fonds social européen, objectif IV. Dans une répartition qui date de début octobre, l'Alsace était à 0.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je vous adresserai des informations complémentaires. Je suis en mesure de vous dire aujourd'hui que l'Alsace bénéficie d'un agrément à hauteur de 106 millions pour la période 1995-2000, dont 59 millions pour les seules années 1999 et 2000. La première avance 1999 a été faite le 13 septembre pour un montant de 16 millions.

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Emploi et Solidarité : I - Emploi ».

Les crédits inscrits aux titres III et IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits inscrits aux titres V et VI de l'état C sont successivement adoptés.

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ART. 70

M. Germain Gengenwin - Je regrette de défendre un amendement qui, tendant à supprimer cet article, s'oppose à celui que défendra mon ami Jacques Barrot au nom de la commission. Je propose de supprimer le prélèvement qu'opère le Gouvernement sur le capital temps formation. Je sais que vous affectez cette somme à l'apprentissage. Mais la prime de l'apprentissage diminue simultanément de 417 millions : c'est donc bien en remplacement d'une dépense de l'Etat que vous ponctionnez ce qui appartient aux salariés, à savoir le CIF.

Dans une question orale au printemps, j'avais demandé pourquoi on ne pourrait pas attribuer une partie de ces crédits inutilisés au FONGECIF, qui n'arrive pas à faire face parce qu'il est quasiment amputé de la moitié de ses ressources. L'objet de mon amendement 25 est donc de supprimer l'article 70, et éventuellement d'attribuer au FONCECIF les moyens dont il a besoin.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial - Je rassure M. Gengenwin : il n'y a pas de contradiction réelle entre son amendement et celui de la commission des finances. Au sein de la MEC, nous avons voulu dénoncer les trésoreries dormantes. Mais bien sûr, dans le cas présent, il y a un dilemme. Ou bien on refuse tout transfert des excédents, même momentané ; ou on l'accepte à titre exceptionnel, ce qui est la position pragmatique qu'a prise la commission. Celle-ci n'a pas examiné votre amendement, Monsieur Gengenwin, mais elle aurait sans doute préféré le sien. Il consiste à dire au Gouvernement : essayons de faire en sorte qu'il n'y ait plus d'excédents ; mais tant qu'il y en a, mieux vaut les affecter à la formation.

M. le Secrétaire d'Etat - J'ai déjà dit à M. Gengenwin que je ne pouvais accepter son amendement. L'article, outre le prélèvement qu'il opère, étend le champ de compétence du comité paritaire au capital temps formation, ce qui permettra d'avoir plus de fonds pour le CIF. En le supprimant, vous supprimeriez aussi cette extension du champ de compétence.

M. Jean Ueberschlag - Chaque budget apporte des dispositions destinées à écrêter et à s'approprier les excédents des collecteurs des fonds de la formation, et ce n'est pas bon. Il existe une disposition, issue de la loi de finances pour 1985, qui permet de transférer des fonds de l'alternance, c'est-à-dire du 0,4 %, vers l'apprentissage, à condition qu'il existe un accord de branche étendu. Il faut éviter de toujours court-circuiter les accords de branches. Nous avons besoin d'un paritarisme véritable et qui ne tende pas à contraindre les partenaires sociaux.

L'amendement 25, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial - L'article 70 permet de mieux gérer les excédents du capital temps formation en les faisant gérer par le COPACIF, et c'est un point sur lequel M. Gengenwin pourra être d'accord. Ce qui l'ennuie, et moi aussi, c'est le prélèvement sur ces excédents, qui ira abonder les primes pour l'apprentissage. On pourrait estimer que c'est à l'Etat de payer ces dernières. Cela étant, la commission va à la rencontre des v_ux de MM. Gengenwin et Ueberschlag en proposant, par l'amendement 39, de préciser que ces concours ne peuvent intervenir qu'exceptionnellement -terme suggéré par notre collègue Douyère.

Les disponibilités financières gérées par le COPACIF pourront ainsi exceptionnellement concourir à des actions de formation, alors qu'il il y a eu dans le passé des prélèvements qui allaient tout simplement abonder le budget de l'Etat... Je m'en suis trop indigné pour accepter quelque chose de semblable. Mais je crois que la rédaction de la commission procure pour l'avenir l'assurance que ces excédents, s'il y en a, ne seront pas utilisés à n'importe quoi : l'amendement 39 substitue aux mots «concourent notamment» les mots «peuvent exceptionnellement concourir». Cela étant, Madame la ministre, nous souhaitons vraiment que le capital temps formation, voulu par les partenaires sociaux, soit mieux connu de ses utilisateurs potentiels.

Il faut en finir avec ces excédents, alors que les besoins de formation sont considérables.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis favorable. Le terme « notamment » ne me paraissait pas heureux.

L'amendement 39, mis aux voix, est adopté.

L'article 70 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité concernant le travail et l'emploi.

La suite de la discussion de la loi de finances est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu demain, mardi 9 novembre, à 9 heures.

La séance est levée à 19 heures 50.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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