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Session ordinaire de 1999-2000 - 24ème jour de séance, 58ème séance

2ÈME SÉANCE DU LUNDI 15 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite) 2

          OUTRE-MER 2

          QUESTION 45

La séance est ouverte à quinze heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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OUTRE-MER

M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les départements d'outre-mer - Le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 2000 sera de 6,365 milliards, soit une hausse de 13,6 % par rapport à 1999 et de 31 % par rapport à 1997.

Il faut cependant nuancer : cette progression s'explique par 326 millions de transferts provenant des budgets de l'éducation nationale, de l'économie, ainsi que de la jeunesse et des sports. Je constate, par ailleurs, que rien n'est fait pour maîtriser le budget de l'outre-mer.

L'ensemble de l'effort budgétaire de l'Etat en faveur des DOM s'élève à 45,244 milliards, en hausse de 12 %, mais seule une petite partie de ces crédits transitent par le budget du secrétariat d'Etat. Le plus gros contributeur est le ministère de l'éducation nationale, avec 32 % du total.

L'Etat semble avoir du mal à gérer les financements dont bénéficient les DOM et auxquels viennent s'ajouter différents avantages.

Votre objectif affiché est l'insertion. Les crédits du fonds pour l'emploi dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon, en hausse de 16 %, seront portés à 2,1 milliards en 2000. Il financera, à hauteur de 1,4 milliard, 64 500 mesures nouvelles d'insertion.

Les crédits de la ligne budgétaire unique d'aide au logement dans les DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon n'augmentent quant à eux que de 2,3 %, soit un montant de 918 millions. Il est prévu de financer la construction ou l'amélioration de 13 400 logements.

La situation du logement dans les DOM est préoccupante. Le parc est assez réduit, ce qui se traduit par une inflation des loyers aggravée par les «sur-rémunérations» de la fonction publique.

Or les DOM sont au bord de l'explosion sociale. L'année 1999 n'a été qu'une succession de crises. Les taux de chômage se situent entre 21 % en Guyane et 36 % à la Réunion. Le nombre des bénéficiaires du RMI atteint des niveaux sans précédent. Les secteurs productifs sont en déclin et les finances locales en difficulté, malgré l'importance des transferts publics, y compris en matière de fonctionnement.

Le travail illégal, en outre, a pris dans les DOM une importance considérable. Selon le rapport Fragonard, on compterait 27 000 travailleurs illégaux à la Réunion et leurs revenus cumulés représenteraient 1,2 milliard. Encore s'agit-il de chiffres que tout le monde s'accorde à juger sous-estimés.

Ces revenus échappent évidemment à toute imposition et ces travailleurs illégaux ne bénéficient d'une protection sociale qu'en tant que chômeurs ou allocataires du RMI. Le coût pour la collectivité est énorme.

Il faut regretter l'absence de stratégie cohérente de lutte contre le travail illégal. Des moyens doivent être donnés aux services concernés pour que ce phénomène soit combattu. Il est inacceptable que le travail illégal soit considéré comme une fatalité.

Certains fonds publics sont mal utilisés. Dans leur ensemble, les collectivités territoriales des DOM souffrent d'une trop grande dépendance à l'égard des dotations de l'Etat, qui augmentent encore de 12 %. Les dépenses de personnel, dans les budgets locaux, représentent une part écrasante des dépenses de fonctionnement et elles ne cessent de s'accroître : + 25 % à la Réunion, + 6,2 % en Guadeloupe. Alors que les dépenses de fonctionnement dans les DOM représentent plus de 4 000 F par habitant, contre 2 500 en métropole, l'investissement et l'épargne restent faibles.

Le RMI est une des sources principales de gaspillage des fonds publics...

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour l'outre-mer - Oh !

M. François d'Aubert, rapporteur spécial - ...du fait d'une évolution anarchique du nombre des bénéficiaires.

En décembre 1998, on comptait dans les DOM 118 822 bénéficiaires, soit une croissance de 6,8 % par rapport à fin 1997, contre 3,8 % en métropole. Corrélativement, les dépenses d'allocation augmentent. Elles ont atteint 2,271 milliards en 1998. Cette explosion est due au caractère lacunaire des contrôles. Devenu un véritable dispositif d'assistance pour des bénéficiaires qui exercent parallèlement une ou plusieurs activités non déclarées, le RMI perd toute sa raison d'être et constitue une rente indûment perçue. Le coût de cette négligence est élevé, surtout pour des départements exsangues.

Autres sources de dépenses : les «sur-rémunérations» des fonctionnaires, dont le coût a été évalué à 8 milliards dans le rapport Pêcheur de juillet 1996. Il faudra les réduire, voire les supprimer, car elles ont perdu leur justification.

Je souhaite connaître la position du Gouvernement sur ce point. Ces «sur-rémunérations» creusent un véritable fossé social outre-mer. Il n'est pas acceptable qu'un fonctionnaire, à responsabilités égales, gagne 2,5 à 3 fois plus outre-mer qu'en métropole. L'argument selon lequel le coût de la vie n'est pas le même n'est plus qu'un alibi.

Quant aux dépenses fiscales en faveur des DOM, elles représentent 8,4 milliards. On nous explique que la vie est plus chère outre-mer, mais le taux normal de TVA n'y est que de 9,5 % et le taux réduit de 2 %, ce qui nous coûte 4,3 milliards par an. Or cet avantage fiscal profite aussi à ceux qui perçoivent des «sur-rémunérations».

S'agissant de l'impôt sur le revenu, je ne vois pas pour quelle raison on bénéficie d'un abattement de 40 % quand on habite la Réunion et de 30 % quand on vit aux Antilles. Cela coûte 1,2 milliard à la collectivité. L'argent public ne pourrait-il pas être mieux utilisé ?

Tous ces cadeaux fiscaux, encore une fois, profitent aussi aux fonctionnaires, et ceux d'entre eux qui décident de prendre leur retraite dans un DOM bénéficient d'une revalorisation tout à fait anormale de leur pension.

Ces avantages nourrissent un sentiment d'injustice et aggravent les tensions sociales. Il faut y mettre fin, non pour récupérer des crédits au budget général, mais pour aider les DOM d'une manière plus fructueuse.

Par ailleurs, les DOM manquent de moyens pour combattre l'immigration clandestine et le trafic de drogue.

L'immigration clandestine s'y est fortement développée. Attirés par les mécanismes d'aides sociales, les clandestins représentent une grande partie de la population locale. Ainsi, pour un total d'environ 35 000 habitants, la commune de Saint-Martin compte un tiers d'étrangers, sans compter 5 000 étrangers en situation irrégulière.

Le trafic de drogue est l'autre grand «mal» qui gangrène les DOM, placés au contact du grand trafic international de cocaïne et la consommation locale de cocaïne et de crack est en pleine expansion. La conséquence directe en est l'augmentation de la violence. C'est en Martinique qu'ont été réalisées 92 % des saisies de l'année dernière et les vols à main armée ou avec violence y ont augmenté de 31 %.

Le trafic local se développe ce qui se traduit par des entrées de capitaux illégaux. Saint-Martin, en effet, offre des opportunités importantes en matière de blanchiment -et je ne parle que de la partie française de l'île.

La lutte contre le blanchiment est aussi indispensable que difficile. Les tentatives du ministère des finances pour recouvrer les impôts se heurtent à l'opposition violente des contribuables. Ces comportements ne sont pas dignes d'un Etat de droit. Tout renoncement des pouvoirs publics stimulerait les fraudes et les trafics en tous genres.

On le voit, des redéploiements sont nécessaires pour renforcer les moyens de l'Etat, en particulier pour lutter contre l'immigration clandestine qui, aux Antilles, vient de Haïti, et en Guyane, du Surinam et du Brésil. Voilà autant d'efforts à mener dans les années qui viennent.

Ce manque de moyens pour lutter contre l'immigration clandestine et le trafic de drogue m'avait conduit à émettre un avis négatif au vote des crédits, mais la commission des finances, pour sa part, a adopté le budget de l'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les départements d'outre-mer - Avec une croissance de ses crédits de 13,6 %, pour atteindre la somme de 6,36 milliards, soit une hausse de 31 % en trois ans, le secrétariat d'Etat à l'outre-mer peut afficher des objectifs ambitieux. De fait, les crédits du fonds pour l'emploi dans les DOM progressent de 16 %, ceux relatifs au logement de 3,7 % et ceux destinés à l'action sociale et culturelle de 30 %.

Ces chiffres ne représentent qu'environ 11 % des sommes que verse l'Etat.

C'est cependant au secrétariat d'Etat qu'il revient de coordonner la politique de solidarité entre la métropole et l'outre-mer. Pour en prendre la mesure, la commission des lois a mené cette année une mission d'information conduite par notre présidente, Mme Tasca, à Mayotte et à la Réunion, et une autre par votre rapporteur, en Guyane, Martinique et Guadeloupe et à Saint-Martin.

Les résultats de ces missions ont permis à la commission de préparer les débats de la loi d'orientation que le Premier ministre a confirmée lors de son récent voyage aux Antilles.

Nous avons pu aussi constater que la loi de départementalisation de 1946 a créé les conditions juridiques d'un essor économique et social, dont les bases se révèlent cependant fragiles.

La départementalisation a servi les intérêts des DOM, et nous devons veiller à ce que l'article 73 de la Constitution, qui dispose que «le régime législatif des départements d'outre-mer est le même que celui des départements métropolitains, sauf exceptions déterminées par la loi», serve effectivement les intérêts de nos compatriotes. De plus, il nous faut veiller respectivement à ce que la situation particulière de Mayotte, de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy puisse évoluer favorablement.

Le traité d'Amsterdam a reconnu le principe d'adaptation des dispositions d'ordre communautaire aux DOM.

Cependant l'assimilation de ces derniers dans l'Union européenne selon ces nouvelles règles n'a fait encore l'objet d'aucune mesure interprétative ni d'aucune jurisprudence communautaire. L'équilibre peut paraître difficile à trouver entre les spécificités domiennes et le principe communautaire selon lequel «les mesures d'adaptation ne peuvent nuire à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique communautaire».

Mais il est indéniable que les DOM ont acquis toute leur place au sein de l'Union européenne, grâce aux formidables progrès accomplis dans le cadre départemental pour passer d'une économie de type colonial à celle de pays développés.

Ainsi, dans les quatre DOM, de 1970 à 1994, le PIB a été multiplié par 17 en francs courants contre environ 10 pour la métropole.

De même, la Guadeloupe et la Martinique affichent un PNB par habitant de l'ordre du double des pays environnants. Le PNB par habitant de la Guyane est d'environ 40 % supérieur à celui du Brésil, et dans l'océan Indien, La Réunion obtient le meilleur résultat devant l'île Maurice et les Seychelles.

De plus les infrastructures publiques, pour l'éducation, la santé, les transports sont particulièrement développées. Cependant la situation demeure fragile.

Ainsi, la décentralisation peut sembler en difficulté. Les marges de man_uvre des différentes collectivités sont réduites en matière de ressources financières. La fiscalité locale indirecte pèse fortement sur les particuliers, la fiscalité locale directe sur les entreprises. Pour les départements, les dépenses totales par habitant s'élèvent en moyenne à 5 300 F contre un peu moins de 3 700 F en métropole. Pour les régions, elles sont 2,5 fois plus élevées qu'en métropole. Sans doute les différents niveaux d'interventions des collectivités sur un même territoire, exigu, sont de nature à compliquer les mécanismes. La prochaine loi d'orientation devra permettre une clarification. De plus, les dépenses de personnel de la plupart des collectivités locales sont lourdes.

Le déséquilibre des échanges avec la métropole montre à quel point les DOM doivent réfléchir à un développement tourné vers leur propre environnement. Les secteurs traditionnels, tels que la canne et la banane, doivent continuer d'assurer une part de la richesse. Sur ce point la France, devant l'OMC, doit se montrer ferme. Le tourisme doit lui aussi évoluer.

Afin d'aider tous les secteurs économiques des DOM, des dispositifs particuliers, fiscaux et réglementaires, doivent être recherchés, afin de répondre à une attente encore plus forte de nos concitoyens des DOM, et en particulier des entrepreneurs. Un des enjeux de la loi d'orientation sera que les entreprises domiennes parviennent à une meilleure compétitivité. Songeons à la situation des entreprises de Saint-Martin, en proie à la concurrence directe de l'autre partie de l'île, qui bénéficie d'un statut tout à fait différent. Il faudra que nous trouvions rapidement des réponses claires. Car le résultat de tous ces problèmes, c'est le chômage ! En dehors du chômage des jeunes, qui connaît une pause toute relative, le reste de la population continue de subir un taux de chômage digne, ou plutôt indigne, des plus mauvais scores de certains quartiers métropolitains. Le dialogue social doit être relancé. On peut être surpris du ton employé, de part et d'autre, lors des mouvements sociaux, qui peuvent vite tourner au drame. Cela n'est pas digne d'un pays comme le nôtre. De la même façon, le climat d'insécurité atteint un niveau souvent bien supérieur à celui de la métropole. Il faut impérativement y mettre un terme.

On le voit, le Gouvernement doit faire feu de tout bois pour donner à nos compatriotes des DOM de bonnes raisons d'espérer. Chaque élu, chaque citoyen des DOM devrait se sentir concerné et associé.

Le projet de budget montre que le Gouvernement prend la mesure des difficultés. Henry Jean-Baptiste évoquera la situation de Mayotte, qui doit être clarifiée. Tout au long de l'année, je m'efforce de relayer du mieux possible, à l'Assemblée, les préoccupations de nos concitoyens des DOM.

La commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits pour les DOM (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les pays et territoires d'outre-mer - L'ensemble des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer s'élève à 6,364 milliards contre 5,604 milliards en loi de finances initiale pour 1999. La progression réelle est en fait de 9,3 %. En effet, 326 millions sont transférés de différents budgets pour abonder les ressources globales destinées à la Nouvelle-Calédonie, dont un autre transfert de 336 millions en provenance du ministère de l'emploi finance les CES.

En 2000, le secrétariat d'Etat à l'outre-mer consacrera aux TOM et à la Nouvelle-Calédonie 1,46 milliard en dépenses ordinaires et crédits de paiement et 489 millions en autorisations de programme. Au total, les sommes consacrées par l'Etat aux pays et territoires d'outre-mer s'élèveront à 11,4 milliards.

La Cour des comptes a souligné la sous-consommation des crédits contractualisés, qui se traduit par l'augmentation des reports. Ainsi, le taux de consommation des crédits du chapitre 68-90 est de 39 %. Avant de demander plus de moyens pour les contrats de développement, les responsables doivent donc étudier les moyens d'accélérer les procédures d'instruction et de financement des dossiers. Par ailleurs, il convient de faire en sorte que les chambres régionales des comptes de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie, nées de la scission de l'ancienne juridiction financière, disposent des moyens matériels et en personnel nécessaires à leur bon fonctionnement.

Quelles sont les nouveautés de ce budget ?

Tout d'abord, il prend en compte le changement institutionnel intervenu en Nouvelle-Calédonie, selon le principe général de compensation des charges. 87 emplois de fonctionnaires sont créés, en contrepartie de la suppression de 66 emplois d'agents contractuels, pour un coût de 4,7 millions. Un nouveau chapitre budgétaire, «Dotations globales pour la Nouvelle-Calédonie», comprend une dotation globale de compensation de 11,7 millions et une dotation globale de fonctionnement de 393,9 millions. Cette dernière, versée aux provinces, est abondée de manière à évoluer comme la DGF des collectivités de métropole ; cela risque de poser un problème à terme, compte tenu de la nature des dépenses, qui sont constituées pour l'essentiel des traitement des enseignants.

Le fonds d'équipement et de promotion pour la Nouvelle-Calédonie est alimenté en cours d'exercice par une répartition de crédits en provenance du chapitre 68-93 «Actions diverses pour le développement de la Nouvelle-Calédonie». La loi organique a modifié les composantes de ce chapitre, dont les crédits sont ainsi ramenés de 390 à 320 millions.

En ce qui concerne la Polynésie française, la convention pour le renforcement de l'autonomie économique signée le 25 juillet 1996 prévoit le maintien des flux financiers -recettes de nature douanière et dépenses ayant un impact économique sur le territoire- qui résultaient de l'activité du centre d'expérimentation nucléaire, le CEP ; l'engagement de l'Etat se trouve donc plafonné à 990 millions par an. Les crédits nécessaires sont inscrits au budget de la défense. Au titre de la compensation des dépenses ayant un impact économique, l'Etat apporte son financement à un programme stratégique ; en 1999, environ 470 millions ont été ainsi affectés au Fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française. J'ai l'intention d'aller l'année prochaine voir sur place quelle utilisation est faite de ces sommes très importantes.

Quelques observations, enfin, sur la situation financière des collectivités.

En Nouvelle-Calédonie, il n'y a pas de collectivités trop lourdement endettées. Néanmoins, l'ex-territoire souffre d'une situation de trésorerie un peu tendue, la collectivité ayant accordé de nombreux dégrèvements d'impôts et des aides. Un réexamen de sa fiscalité sera sans doute nécessaire. La situation de la province du nord et, dans une moindre mesure, des îles, est plus préoccupante.

En Polynésie française, la TVA, entrée en vigueur le 1er janvier 1998, devrait rapporter 600 millions en 1999. Comme en Nouvelle-Calédonie, ce sont les communes qui manquent de ressources propres, elles sont donc dépendantes des transferts en provenance de l'Etat et des territoires.

Il faudra veiller à ce que les projets de réforme des statuts du personnel des communes de Polynésie comme du personnel contractuel de Wallis-et-Futuna n'aient pas pour conséquence, en pesant trop fortement sur les finances de ces collectivités, de limiter encore leurs possibilités d'investissement.

Le rapport spécial contient un développement sur les enjeux du nickel pour la Nouvelle-Calédonie, et particulièrement sur les conditions de la réalisation de l'usine de transformation située en province nord, sur le site de Koniambo, par la Société minière du Sud Pacifique et l'entreprise canadienne Falconbridge. Cette opération a donné lieu aux «accords de Bercy», en février 1998, qui ont organisé le processus d'échange de massifs miniers entre la SLN, filiale d'ERAMET et propriétaire du Koniambo, et la SMSP qui a, en échange, donné Poum. Cet échange, réalisé suivant une procédure juridique complexe associant trois sociétés par actions simplifiées, a amené l'Etat à verser, via l'Agence française de développement, une soulte de 1 milliard à la SLN et à ERAMET. J'émets une série de réserves : sur le versement de cette indemnité à partir du compte d'affectation spéciale 902-24, qui concerne le produit des cessions d'actifs et qui est un compte d'investissement ; sur la localisation à Jersey, paradis fiscal, de la personne morale assurant la présidence de l'entité qui contrôle le processus ; sur le montant très élevé de l'indemnisation et sur son versement avant les conclusions de l'étude des deux banques conseil ; sur l'utilisation du produit temporaire de cette somme pour acquitter les frais de fonctionnement -ce qui constitue une gestion de fait couverte par le ministère de l'économie et des finances- ; enfin, sur les capacités financières de la SMSP, qui ne fait pas l'objet d'un suivi convenable de la part des autorités locales. En outre, les conditions du transfert prévu d'une partie du capital de SLN et d'ERAMET à une structure territoriale de Nouvelle-Calédonie demeurent imprécises.

Le changement de statut de la Nouvelle-Calédonie et le processus électoral qui en a résulté se sont déroulés dans d'excellentes conditions. Désormais, il convient de veiller à ce que les transferts de compétences s'effectuent normalement, tant sur le plan fonctionnel qu'en ce qui concerne les aspects financiers. Il n'est pas sûr que les mécanismes d'indexation des dotations prévus soient bien adaptés. Enfin, le contrôle de l'utilisation des dotations, notamment par le juge des comptes, doit être réellement assuré.

Le bon déroulement de ce processus permet d'espérer qu'il en sera de même pour la Polynésie française, une fois la modification constitutionnelle intervenue.

La commission des finances, dans sa majorité, a approuvé ce projet de budget.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie - L'examen de ce projet est l'occasion de faire le point sur la situation des territoires d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie et sur les moyens dont ils disposent. J'adresse tous mes remerciements à vos services, Monsieur le ministre, ainsi qu'à ceux de la commission, qui m'ont aidé dans ce travail délicat de compilation et de comparaison des informations.

Sur le plan institutionnel, la diversité des situations traduit une volonté politique d'adaptation pour tenir compte de l'évolution historique des territoires et des souhaits émis par les représentants des populations démocratiquement désignés. Le mythe du statut parfait a vécu.

A cette diversité, correspond l'universalité de certains principes, telle la nécessité d'assurer une représentation démocratique des habitants, ce que leur inégale répartition géographique sur le territoire et leur éloignement rend parfois malaisé -comme le montre l'exemple de la Polynésie française. Autre principe : la répartition claire des compétences entre l'Etat et les pouvoirs locaux considérés comme des interlocuteurs responsables pour _uvrer au développement des territoires.

Ces principes universels et cette nécessité d'adaptation à chaque territoire produisent des situations diverses.

Après les accords de Nouméa et la réforme constitutionnelle, les nouvelles institutions de la Nouvelle-Calédonie se mettent en place et le taux de participation aux élections prouve l'existence d'un lien démocratique très fort.

Quant à la Polynésie française, après l'adoption de la réforme constitutionnelle, elle évoluera vers un statut de pays d'outre-mer.

L'archipel de Wallis-et-Futuna reste doté d'un statut de territoire d'outre-mer qui semble être adapté à ses exigences actuelles.

Pour ce qui est du plus particulier de nos territoires, les terres arctiques et australes, elles sont désormais administrées depuis la Réunion.

Cette diversité, qui contribue au renforcement et au rayonnement de notre République, n'a d'égal que celle des relations internationales de la France.

Après cette approche institutionnelle, j'en viens au développement des territoires, que les grands indicateurs de développement permettent d'évaluer. Je vous renvoie à mon rapport écrit pour leur analyse détaillée, mais j'observe que les TOM ont, en moyenne, atteint un niveau de développement bien supérieur à celui des pays de la zone de taille comparable. Toutefois, de grandes disparités subsistent entre les différents territoires d'outre-mer et au sein même de chacun d'entre eux.

A titre d'exemple, l'espérance de vie à la naissance est de l'ordre de 70 ans dans les TOM et en Nouvelle-Calédonie, contre 80 ans environ en métropole, mais entre 60 et 70 ans dans les pays comparables de la zone. Autrement dit, les efforts entrepris en faveur de nos TOM depuis des décennies n'ont pas été vains.

De même, alors que le PIB métropolitain est d'environ 140 000F par habitant, il est de l'ordre de 100 000 F en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, mais se situe seulement entre 5 000 et 20 000 F dans les pays de la zone. Là encore, ces chiffres marquent de grandes disparités et il reste beaucoup à faire.

Mais les institutions qui font de ces territoires des interlocuteurs responsables tracent la voie à suivre : celle du contrat entre l'Etat et les responsables locaux pour définir les priorités, pour arrêter les moyens et pour construire l'avenir.

Les collectivités des TOM sont parfois dans une situation financière fragile, notamment parce que leurs ressources dépendent pour beaucoup des transferts de l'Etat et parce que l'impôt sur le revenu y est modeste.

Ce budget est-il cohérent avec ces évolutions statutaires ? Sans revenir sur l'augmentation très sensible des crédits destinés aux TOM et à la Nouvelle-Calédonie, la réponse est assurément affirmative. J'en veux pour preuve les dispositions qui accompagnent les nouvelles institutions calédoniennes. Pour tous les territoires, les différents contrats sont honorés. Si l'engagement des crédits est parfois insuffisant, cette raison ne doit pas être invoquée pour réduire les moyens budgétaires mis au service d'un développement indispensable.

C'est sur la base de relations confiantes que l'avenir se construira à condition de garantir la représentativité démocratique de nos interlocuteurs -cela vaut pour le futur statut de la Polynésie française- de respecter les contrats et de donner à l'Etat les moyens d'assumer son rôle de contrôle et de régulation. Loin d'exclure les contrôles, la confiance s'en nourrit. Il faut éviter tout soupçon, souvent injustifié, et toute dérive, jamais acceptable.

En conclusion, le Gouvernement mène une politique cohérente pour les TOM et la Nouvelle-Calédonie. La France bénéficie désormais d'une image positive dans le Pacifique et ces territoires sont ses meilleurs atouts pour assurer son rayonnement et celui de l'Europe dans cette zone.

Une dynamique d'avenir se dessine... Dans la mesure où le présent budget la confortera, je suis certain qu'il sera adopté à une très large majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour l'outre-mer - En examinant ce budget, Monsieur le ministre, chacun y trouve traditionnellement des arguments pour vous féliciter ou pour vous critiquer. Mais cette année ne sera pas comme les autres, car ce budget s'inscrit dans un contexte particulier marqué par l'élaboration et l'adoption de plusieurs textes qui engageront l'avenir de l'outre-mer pendant la prochaine décennie.

Le vote de la loi d'orientation pour les DOM, la signature des contrats de plan pour la période 2000-2006, celle des documents de programmation en matière de fonds structurels européens, la définition du contenu de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, constituent les principales échéances de la prochaine année.

S'agissant de l'avant-projet de la loi d'orientation, si je me félicite de l'initiative que vous avez prise de nous réunir demain pour nous le présenter, je regrette toutefois que cette réunion intervienne après le présent débat, car ce texte suscite parmi les populations concernées une forte attente renforcée par les propositions contenues dans les rapports préparatoires.

Dès lors, comment examiner sereinement ce budget quand tant d'attentes et tant d'espoir, ne trouveront leur réponse que demain ?

MM. Philippe Chaulet et Michel Meylan - Très bien !

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis - En outre, lors de nos discussions relatives à cette loi d'orientation, il avait été dit, que compte tenu de ses délais d'élaboration et d'application, certaines mesures pourraient l'anticiper dans le budget 2000. Je n'en ai trouvé aucune trace, et ce sera mon deuxième regret.

Pour autant, ce budget est bon. Il traduit la volonté politique du Gouvernement à l'égard des populations de nos territoires. Avec un total de 6,3 milliards, il augmente de 13,6 %, soit une hausse supérieure à 20 % en deux ans, et supérieure à celle du budget général qui est de 0,9 %. Il faut toutefois considérer la part non négligeable des transferts opérés des autres ministères vers celui de l'outre-mer.

Si l'on tient compte de ces derniers, votre budget augmente tout de même de 9,3 %. Quant aux interventions de l'Etat dans nos régions, leur progression est de 2,6 % puisqu'elles passent de 50 172 à 51 481 millions.

L'emploi demeure, bien entendu, la priorité, absorbant 40 % du budget global ; 58 000 nouvelles solutions d'insertion pourront ainsi être financées. En y ajoutant les mesures en cours d'exécution, les contrats-emploi consolidés et les emplois-jeunes, ce sont 79 000 personnes qui pourront être employées sur les crédits de lutte contre le chômage : un tel chiffre n'avait jamais été atteint !

S'agissant des emplois-jeunes, ils ont permis de créer 5 000 emplois rien qu'à la Réunion -si l'on gardait la même proportion pour la métropole, on en serait là à 500 000 ! La mesure, sans précédent, a suscité un véritable engouement dans notre jeunesse. Pourtant, elle n'a pu inverser la courbe du chômage : c'est beaucoup, mais ce n'est encore rien !

Il me semble que, si l'on avait appliqué notre proposition de forfaitiser la contribution de l'Etat et de ramener la durée du travail à 35, voire à 32 heures, on aurait pu créer bien davantage d'emplois.

M. Elie Hoarau - En effet !

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis - En ce qui concerne le logement, j'inclinerais en revanche à parler de stagnation tant la progression est modeste.

Nous avons quatre préoccupations : la première porte sur l'augmentation progressive des crédits de la ligne budgétaire unique au sens strict. Il faut l'égalité devant le RMI car, comme on dit à la Réunion : « Nou lé pas z'enfants batards », mais il ne faut pas en profiter pour réduire le nombre de logements construits.

Deuxièmement, il faut pérenniser le FRAFU, qui a montré son efficacité à la Réunion, et le doter correctement.

Troisièmement, il faut revoir l'allocation logement qui, telle qu'elle est calculée, laisse un «reste à vivre» tellement faible aux familles modestes qu'elles ne peuvent accéder au logement locatif.

Enfin, il faut d'urgence régler le problème posé par l'application mécanique d'un décret de juin 1999, qui impose désormais aux familles accédant à la propriété de consacrer 25 % de leurs revenus à leur mensualité. Cette décision met en cause un «avantage acquis», légitime celui-là, des familles pauvres.

S'agissant de l'économie, je me bornerai à redire combien tous les intervenants économiques sont attachés aux exonérations fiscales et sociales, au moins tant que des solutions alternatives crédibles et créatrices d'emplois n'auront pas été proposées (Applaudissements sur plusieurs bancs).

M. Henry Jean-Baptiste - Très bien !

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis - Votre budget porte par ailleurs trace, pour la première fois, des réformes introduites par la loi organique du 19 mars dernier, pour la Nouvelle-Calédonie. Un nouveau chapitre budgétaire vise à organiser le transfert des compétences de l'Etat : il comprend une dotation globale de compensation et une autre de fonctionnement.

Convaincu que vous êtes presque autant que nous préoccupé de la grave situation que connaissent nos régions et que vous avez su faire partager cette préoccupation à tout le Gouvernement, conformément à l'avis donné par la commission de la production, j'invite mes collègues à voter ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Dominique Bussereau - L'an passé, quand nous avons débattu de votre politique générale, Monsieur le secrétaire d'Etat, j'avais souligné au nom de mon groupe combien ces départements et territoires d'outre-mer étaient une chance pour la France et méritaient donc notre attention. Or cette discussion budgétaire a aujourd'hui un caractère quelque peu surréaliste, ou est en tout cas rendue plus difficile du fait que nous ignorons encore la teneur de la loi d'orientation. Le comportement du Premier ministre aux Antilles n'a pu, à cet égard, qu'aviver nos inquiétudes. Philippe Séguin a eu raison de relever le «Pas ici !» qui a choqué nos compatriotes ultramarins et l'apostrophe adressée à un chef d'entreprise n'était pas non plus de nature à encourager les investisseurs... Je mettrai cependant tout cela au compte de la pré-campagne électorale.

Il n'en reste pas moins que la situation économique outre-mer doit nous préoccuper : 100 000 chômeurs, dont 70 % de longue durée, à la Réunion sur une population active occupée de 170 000 personnes, 30 % de chômeurs à la Martinique et en Guadeloupe, 22 % en Guyane ; 20 % de RMistes à la Réunion, 12 ou 13 % aux Antilles...

La situation politique n'est guère meilleure. M. Caullet a eu raison de dire qu'il ne fallait pas faire du statut unique la bible mais, personnellement, j'ai le sentiment que la coexistence d'une assemblée départementale et d'une assemblée régionale peut faire difficulté, surtout quand toutes deux mènent des politiques différentes sur un petit territoire, bien qu'appartenant à la même majorité plurielle. Mes collègues du sud de la Réunion me pardonneront aussi si je dis que, dans cette île, la priorité serait plutôt d'améliorer la carte des communes que de se lancer dans la création d'un second département.

Malgré un optimisme de façade, je note aussi que l'équilibre reste fragile en Nouvelle-Calédonie. J'ai voté avec joie la loi constitutionnelle sanctionnant le compromis de Nouméa car je considère qu'il garantissait la paix mais le Gouvernement rencontre des difficultés de fonctionnement réelles.

M. Jean-Baptiste m'en voudrait si je ne disais un mot des problèmes statutaires qui se posent à Mayotte et que la commission des lois a constatés. Encore un petit geste, Monsieur le secrétaire d'Etat, pour encourager encore quelques signataires à se rallier à la déclaration ! Nous nous inquiétons encore de l'agitation sociale permanente qui, dans les Antilles, fait obstacle au développement du tourisme.

Enfin, s'agissant de la sur-rémunération des fonctionnaires, la commission des lois a rencontré sur place aussi bien des interlocuteurs crispés que d'autres ouverts à une évolution. Il est peut-être habile de reporter celle-ci à 2002 mais mieux vaudrait régler le problème plus tôt, au lieu de laisser cette patate chaude à vos successeurs !

Même si ce budget est honnête et votre bonne volonté évidente, ces crédits ne sont pas à la mesure des difficultés que je viens d'évoquer et vous comprendrez donc que mon groupe ne puisse le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Michel Tamaya - Je pourrais ici reprendre in extenso ce que je disais l'an passé : la situation économique et sociale n'a pas fondamentalement changé et les mêmes difficultés restent pressantes même si les statistiques font apparaître une lueur d'espoir. Celles de la DDTPEF de fin septembre montrent en effet que la situation de l'emploi se dégrade plus lentement que par le passé à la Réunion : le nombre de demandeurs d'emplois est inférieur à celui qui était enregistré l'an dernier, à même époque. Mais de là à parler même de très légère embellie... L'INSEE, de son côté, note que ce nombre de chômeurs est repassé en-dessous de la barre des 100 000 et que les effectifs salariés ont crû dans le BTP.

La lettre de l'IEDOM d'octobre 1999 nous donne des indications intéressantes sur quelques grands secteurs d'activité : taux de fréquentation hôtelière, en hausse de 5 % ; nombre de passages aux aéroports, en augmentation de 4,4 % ; production électrique, plus 5 % ; production sucrière, plus 11,3 % ; trafic maritime, plus 3,2 %. Enfin, le résultat net agrégé des établissements de crédit s'est accru de 40 %.

Ces indicateurs montrent tous une évolution, trop lente certes mais positive, de la situation économique et sociale à la Réunion. Bien sûr, ces progrès sont sans commune mesure avec les excellents résultats enregistrés en métropole dans la lutte contre le chômage qui y représente 11,1 % de la population active contre 35,7 % à la Réunion.

Je trouve dans ce budget des motifs de satisfaction qui montrent que ce gouvernement a pris la mesure des défis de l'outre-mer. En effet, les crédits augmentent de plus de 30 % en trois ans. Priorité est donnée à l'emploi : 40 % des crédits y sont consacrés, qui permettront le financement de 58 000 solutions d'insertion grâce au FEDOM. En outre, plus de 3 000 emplois-jeunes supplémentaires pourront être créés.

Le dernier recensement fait état d'une croissance démographique encore importante dans les quatre DOM où la population est passée de 1 460 000 habitants en 1990, à 1 670 000 en 1999, la Réunion représentant plus de la moitié de l'accroissement total. Les besoins en logement y sont donc encore très importants et de nombreux bidonvilles subsistent.

Le budget 2000 permettra la construction ou la réhabilitation de plus de 13 000 logements sociaux, soit une progression de 3,7 %, ce qui sera toutefois insuffisant pour répondre aux besoins. Mesure phare sur le plan fiscal : le taux de TVA appliqué aux travaux dans les logements est passé de 9,5 % à 2,1 %. Cette mesure bénéficiant aux locataires et aux propriétaires, y compris aux bailleurs sociaux, permettra de soutenir fortement l'emploi et de lutter contre le travail clandestin. Enfin, une aide exceptionnelle aux ménages pour les acquisitions de terrains situés dans la zone des 50 pas géométriques devraient mettre fin à certaines situations difficiles.

Monsieur le ministre, les mots forts que vous avez prononcés ici-même l'année dernière, sur les problèmes de discrimination dont sont victimes nos compatriotes d'outre-mer vivant en métropole nous rappellent que notre appartenance à la République française ne doit pas se faire au prix de la négation de nos spécificités culturelles. Mais la recherche de notre identité, le respect et la protection de notre culture, avec la signature de la charte des langues minoritaires, qui intègre les différents créoles, ne doit surtout pas se traduire par un repli communautaire. Le Premier ministre a annoncé aux Antilles que des instructions avaient été données afin que «dès la rentrée prochaine, les programmes scolaires nationaux prennent davantage en compte l'outre-mer et son apport au patrimoine national». Relevons aussi que les crédits consacrés à la culture et à l'action sociale augmentent de 30 % et que la ferme volonté du Gouvernement de favoriser les échanges entre l'outre-mer et la métropole se traduit par la création d'un fonds d'aide aux échanges artistiques et culturels, financé à parité avec le ministère de la culture.

Ce budget témoigne de l'intérêt que vous manifestez vis-à-vis de ces terres lointaines, à la fois créoles, françaises et européennes. Mais les efforts consentis ne sauraient suffire. Le Gouvernement l'a d'ailleurs bien compris puisque pour mieux appréhender à la fois les réalités et les aspirations profondes des populations domiennes, plusieurs rapports lui ont été remis, les rapports Mossé et Fragonard, ainsi que celui que j'ai moi-même préparé avec Claude Lise, sénateur de la Martinique. Ces rapports ont certainement contribué à nourrir les propositions contenues dans la loi d'orientation dont je souhaite qu'elle soit bientôt présentée pour avis aux assemblées locales. L'annonce de cette loi d'orientation a suscité un réel et immense espoir dans les DOM, c'est pourquoi j'insisterai sur quelques points concernant plus particulièrement la Réunion.

En premier lieu, il convient de réaliser l'égalité sociale et plus particulièrement l'alignement du RMI sur les bases métropolitaines. Depuis 1946 le principe d'identité législative a permis un mouvement de rattrapage des droits sociaux. Il est aujourd'hui temps de parachever ce mouvement et le Gouvernement doit annoncer le principe d'alignement du RMI avant la fin 2000. Parallèlement, comme l'indique le rapport Fragonard, il faut activer les dépenses passives, renforcer les contrôles et procéder aux suspensions et radiations fondées. Il faut faire de même pour toutes les autres prestations pour lesquelles subsiste un écart. Il revient à la gauche d'achever le mouvement qu'elle a engagé en 1946.

Ma deuxième préoccupation a trait bien évidemment à l'emploi. Comme le préconise le rapport Fragonard, il faut aujourd'hui mettre en _uvre un pacte pour l'emploi outre-mer. Il convient notamment d'encourager les départs à la retraite anticipés, ce qui permettrait de libérer plus de 4 000 emplois en six ans.

Un effort particulier doit aussi être fait en faveur des exonérations de charges sociales pour les entreprises, surtout les plus petites, qui constituent une part très dynamique du tissu économique de la Réunion. Mais, auparavant, il faut assouplir les règles applicables à la commande publique, dont le poids est essentiel dans l'économie des DOM. Il est donc indispensable d'adopter un moratoire pour permettre aux entreprises qui ne sont pas à jour de leurs obligations fiscales et sociales de soumissionner, Mme Lebranchu y est favorable.

De même, le recours à l'allotissement devrait être amélioré, car le blocage juridique actuel fait que plusieurs millions de marchés publics sont en attente. Il faudrait aussi accepter la constitution des groupements d'entreprises, afin de permettre aux PME de soumissionner à certains «gros marchés», et encadrer plus strictement le régime de la sous-traitance.

De telles mesures doivent être appliquées rapidement dans nos départements, sans attendre la réforme du code des marchés publics. Les DOM seraient ainsi un intéressant champ d'expérimentation.

Les entrepreneurs et les acteurs du développement économique ont besoin de perspectives claires pour contribuer au succès de ce pacte pour l'emploi. La réflexion doit être poursuivie sur les procédures de défiscalisation. Le dispositif qui succédera à la loi Pons doit être rapidement annoncé aux acteurs économiques afin qu'ils l'intègrent à leurs projets d'investissements.

Enfin, les DOM sont concernés par les zones de coopération régionale. Lors de son voyage aux Antilles, le Premier ministre a clôturé les «rencontres sur la coopération régionale dans la Caraïbe et le plateau des Guyanes» en déclarant que «le développement de la coopération régionale répond à une large et profonde aspiration de nos départements».

Deux objectifs doivent guider le Gouvernement : accroître et mieux coordonner les moyens accordés au développement de la coopération, permettre aux élus de nouer de nouveaux liens avec les Etats de notre proche environnement.

Dans cette perspective, je me réjouis que la proposition formulée dans mon rapport, de permettre aux élus de «conduire, dans leurs domaines de compétences, des négociations en vue de l'élaboration d'accords avec nos Etats voisins» ait recueilli un avis favorable du Gouvernement. Il faudra dans ce cadre s'intéresser aussi au régime des visas d'entrée pour les responsables et pour les acteurs politiques, économiques et culturels.

Renforcer la coopération régionale, c'est offrir de nouveaux horizons à notre jeunesse. C'est tracer de nouveaux chemins où s'exprimeront ses talents et son ambition, déclarait M. Jospin.

Je ne saurais conclure sans évoquer le problème du statut des employés communaux, crucial en raison du nombre d'entre eux qui ne sont pas titulaires de la fonction publique territoriale -13 000 à la Réunion, 2 500 pour ma seule collectivité de Saint-Denis. L'absence de statut suscite l'inquiétude et rend le climat social difficile. La charge est lourde pour les budgets de nos collectivités locales et la titularisation serait difficile à supporter. C'est pourquoi je souhaite qu'une solution rapide soit apportée. J'ai tracé pour cela un certain nombre de pistes dans mon rapport.

La volonté d'agir du Gouvernement est forte et je ne doute donc de retrouver tous ces éléments dans la future loi d'orientation. C'est pourquoi je voterai ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Ernest Moutoussamy - Jamais la discussion d'un budget de l'outre-mer ne se sera déroulée dans un contexte aussi ouvert sur l'avenir, avec le projet de loi d'orientation, le contrat de plan Etat-région, et alors que vient le temps des réformes. Mais l'ambiance est aussi fébrile, car nous terminons ce siècle, à la Guadeloupe, avec beaucoup d'angoisse devant la montée inexorable du chômage, de l'exclusion, de la toxicomanie, de la délinquance, de l'assistance, devant aussi le constat de faillite du système actuel, caractérisé par le délitement du lien social et les peurs d'une jeunesse privée d'idéal et de repères.

Notre débat doit être donc à la hauteur des attentes pour maintenir l'espoir. L'augmentation de plus de 13 % des crédits ne peut que nous satisfaire. Avec 1 780 millions pour le logement, 2 500 millions pour l'emploi, 185 millions pour l'action sociale et la culture, vous reprocher de n'avoir pas obtenu de bons résultats dans les arbitrages interministériels serait vous faire un mauvais procès.

Cependant, ces crédits ne représentent que 10 % de l'ensemble des interventions de l'Etat outre-mer et je regrette que nous débattions pendant quelque 6 heures des 6 milliards de votre budget sans pouvoir dire un mot du reste. Ne sommes-nous pas dans un faux débat ?

M. Henry Jean-Baptiste - C'est vrai !

M. Ernest Moutoussamy - C'est en raison de cette absence de débat politique, sur des dossiers aussi essentiels que la santé, l'éducation, la culture, la sécurité, les transports, l'agriculture et l'aménagement du territoire que des organisations professionnelles et syndicales sont obligées, légitimement, de plaider directement leur cause auprès du Gouvernement.

Privés de boussole, nous avons l'impression d'être dans un bateau ivre, sur une route du rhum interminable, vers des pays où l'on mangerait la banane par les deux bouts, pour paraphraser Aimé Césaire (Sourires). On reste donc, sur le terrain, dans une logique de rapport de force, avec bien entendu comme corollaire l'impuissance, pour ne pas dire l'inutilité des élus. Cela ne grandit pas la démocratie.

Saurons-nous saisir l'opportunité de la loi d'orientation pour traiter véritablement la question de la responsabilité, débarrasser le système actuel de ses vices et élaborer enfin un projet politique moderne ?

Après la visite, utile et nécessaire de M. le Premier ministre aux Antilles, j'ose le croire. Certes, il convient de traduire rapidement, par des propositions concrètes, certains engagements, comme le plan d'urgence pour la banane, l'examen des dettes fiscales et sociales des petites entreprises, la baisse du coût du travail. Il faudra trouver des solutions aux problèmes des transports, de la coopération régionale, de la sécurité, du logement en accession différée, de la zone des cinquante pas géométriques, de la politique de la ville et pour garantir l'avenir de la langue créole. Vos réponses, Monsieur le secrétaire d'Etat, sont attendues, mais au-delà de ces questions d'actualité, je veux rappeler la déclaration du Premier ministre : «La place de la Guadeloupe dans la République ne peut être que celle que les Guadeloupéens souhaitent», a-t-il dit avant d'ajouter : «Les DOM doivent devenir un terrain privilégié pour la réforme de l'Etat et spécialement pour la déconcentration». Nous apprécions cette déclaration. Notre recherche d'une meilleure assise dans la République ne doit cependant pas se heurter aux préjugés, aux résistances et aux tabous de la haute administration et de la technocratie. Il en va de la crédibilité du dialogue républicain. C'est seulement en nous donnant le droit de gérer nos affaires de manière démocratique qu'on mettra fin aux dérives autoritaristes et racialistes de ceux qui promettent monts et merveilles en prônant l'indépendance.

Il faut prendre en compte la spécificité des régions ultra-périphériques, reconnue par le traité d'Amsterdam : il s'agit là d'une référence statutaire nouvelle, à laquelle le Gouvernement doit donner rapidement une base juridique. Je ne suis pas convaincu que la notion de région ultra-périphérique nous enferme dans le statut départemental et qu'elle interdise de disposer d'une assemblée unique et d'une législation spécifique. J'ai plutôt la conviction que c'est le jacobinisme, le réflexe conservateur et assimilationniste, qui empêchent la prise en compte de nos spécificités.

Pour construire l'Union européenne, la France a dû renoncer à certains attributs de souveraineté. Je comprendrais mal qu'on nous oppose la muraille constitutionnelle pour nous empêcher de prendre en main la gestion de nos affaires.

Si la Constitution se révélait intouchable dès lors qu'il s'agit des DOM, il serait difficile de nous faire admettre qu'un tel conservatisme n'aurait pas des relents de colonialisme. Cela ne ferait que conforter ceux pour qui la place de la Guadeloupe n'est pas dans la République.

Il faudrait alors s'attendre au développement du «macoutisme» et à l'accentuation de la dérive racialiste. Ces expressions «Blan déwo», «Nèg à blan» continueront à être présentées comme des arguments pour régler nos problèmes.

Donner une réplique intelligente et porteuse d'espoir aux rapports Lise-Tamaya, Fragonard et Mossé nécessite courage et audace.

Le futur projet de loi devra mettre fin au régime d'assistance pour faire de la solidarité nationale un instrument de développement. Puisqu'il va rentrer en application à un moment où la croissance est au rendez-vous en France métropolitaine, il devra renforcer la justice républicaine.

Nous pouvons ainsi donner une chance sérieuse à nos milliers de jeunes diplômés en mettant en place une politique de départ à la retraite dans la fonction publique qui aille au-delà des propositions du rapport Fragonard : il faudrait fixer l'âge de départ pour tous à 58 ou 60 ans et agir sur la prime de vie chère pour les nouvelles recrues.

En outre, une forte déconcentration est nécessaire pour rendre plus efficace l'action de l'Etat, trop souvent éloignée des réalités du terrain.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que le Gouvernement autorise le cumul des lois Perben et Aubry, en vue d'une application réelle des 35 heures, et qu'il commande à l'ODEADOM une étude sur l'avenir agricole de la Guadeloupe, afin de traiter des problèmes de la banane, de la diversification en fruits et légumes, de l'agro-tourisme et de la filière biologique et cannière.

Il me paraît, enfin, indispensable que la France s'investisse davantage, par DFA interposés, dans l'Association des Etats Caraïbes. A cette fin, nous comptons sur votre soutien pour organiser en Guadeloupe, en juin 2000, une rencontre sur la culture et le tourisme.

En attendant avec impatience le projet de loi d'orientation, je voterai votre budget (Applaudissements sur divers bancs).

M. Léon Bertrand - La préparation du budget du projet de loi de finances appartient au Gouvernement. Les régulations budgétaires sont de sa seule autorité. Reconnaissons donc qu'il est demandé aux parlementaires d'avaliser un projet sur lequel ils n'ont quasiment aucune prise, ni en amont, ni en aval. J'en veux pour preuve la parution tardive des rapports.

Quand il s'agit de terres lointaines, le désintérêt est double, ce qui explique pourquoi nous, parlementaires d'outre-mer, déplorons chaque année que les travées soient vides de nos collègues de métropole.

Pourtant, s'ils écoutaient les exposés que nous présentons chaque année pour dénoncer l'évolution dramatique de nos régions, ils comprendraient que la vigilance est de mise et qu'il est temps de réagir.

En effet, nos régions sont le laboratoire grandeur nature de ce qui risque de se passer ici, en pire.

Il faut s'appuyer sur le passé pour construire l'avenir. Socrate ne disait-il pas, cinq cents ans avant notre ère : «Prends en considération que la grande richesse et l'extrême pauvreté rendent l'homme malheureux, car l'une engendre le luxe, la paresse et des troubles révolutionnaires, et l'autre la gêne, le travail de mauvaise qualité et des troubles révolutionnaires» ?

Votre budget bénéficie d'une forte augmentation, ce dont je vous félicite. Puisque les possibilités de l'amender sont minimes, profitons de ce débat pour exposer nos idées afin d'alimenter la réflexion sur le projet de loi d'orientation.

Nous disposons certes des rapports de nos collègues Lise et Tamaya, ceux de Mme Mossé et de MM. Fragonard et Merle, ainsi que des résultats du sondage effectué sur votre demande. Mais il nous appartient aussi, à nous, élus de ces régions, d'apporter notre contribution.

Pouvez-vous nous exposer votre méthode, Monsieur le secrétaire d'Etat : calendrier, consultation, concertation avec les partenaires politiques, économiques et sociaux ?

A propos du sondage, j'aimerais dire ceci à nos compatriotes : à quoi bon rappeler notre volonté de rester français et, dans le même temps, cautionner par notre silence les minorités qui s'expriment en notre nom dans le sens contraire ?

De même, je dirai au Gouvernement : montrez où se trouve la force de la loi et sanctionnez en conséquence.

Je citerai de nouveau Socrate : «Pour que la justice règne, il faut que le courage soit toujours au service de la raison et jamais des appétits».

Au moment où arrivent à échéance de nombreux dispositifs -loi de défiscalisation, loi Perben, contrats de plan Etat-région et contrats de ville, programmes européens-, pourquoi ne pas revoir tous ces outils afin de les adapter à chacune de nos régions ultra-périphériques ?

Pour les communes de Guyane, il faudrait d'ores et déjà reconsidérer les dispositions de l'article 9 de la loi de finances de 1974, confirmées par l'article 17 de la loi relative à l'octroi de mer de 1992, autorisant «à titre exceptionnel» un prélèvement de 35 % sur les recettes de l'octroi de mer au seul bénéfice du département, dont il s'agissait à l'origine d'assainir la situation financière. Cette disposition «exceptionnelle» perdure, empêchant les communes d'apporter leur contribution financière aux projets de développement, sans pour autant assurer le redressement des finances du département.

J'aimerais savoir pourquoi mes propositions de loi sur la bidépartementalisation et la création d'entreprises franches n'ont pu être prises en considération.

Par ailleurs, quel sort entendez-vous réserver au service militaire adapté, notamment à Saint-Laurent du Maroni ? Il joue un rôle capital en matière de formation, d'insertion sociale et d'aménagement du territoire. Dans le cadre de la réforme des armées, est prévue une réduction des effectifs alors que le potentiel est fort dans la région.

Quant au projet sucrier, toutes les études ont montré sa pertinence. Il créerait plusieurs centaines d'emplois. Pourquoi est-il toujours bloqué ? Quoi qu'en dise le président de la Chambre d'agriculture de la Réunion, notre projet ne peut en rien léser les intérêts de son département, puisqu'il repose notamment sur un volume de quotas non utilisés.

Ne globalisons pas la situation des DOM et cessons d'assimiler l'outre-mer à la métropole.

Les Guyanais souhaitent la restauration d'un climat de confiance qui leur donne des raisons d'espérer.

L'outre-mer confère à la France une dimension planétaire. Le projet de loi d'orientation qui lui est nécessaire ne peut être voté en catimini ; il doit recueillir l'approbation de la représentation nationale tout entière. C'est le prix du rayonnement de la France dans le monde (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Emile Vernaudon - Pour le premier budget du troisième millénaire, le Gouvernement a décidé de mettre l'accent sur l'emploi, le logement social et l'accompagnement des évolutions institutionnelles engagées en Nouvelle-Calédonie. Les crédits de l'outre-mer augmentent ainsi de 13,6 %, témoignant de la solidarité nationale et de la politique volontariste voulue par le Premier ministre à l'égard des DOM-TOM, et bientôt DOM-POM.

Pour la Polynésie française, l'arrêt des essais nucléaires a donné lieu à une compensation au titre du fonds de reconversion économique, qui se traduit par un transfert annuel durant dix ans de 990 millions de francs français, soit 18 milliards de francs pacifiques. D'autre part, les négociations pour le contrat de développement de 2000-2003 sont en cours de négociations alors que celui de 1994-1998 portait sur un montant de 3 milliards, soit 55 milliards de francs pacifiques.

En présence de cette masse d'argent importante, j'ai demandé à ce qu'une Chambre territoriale des comptes soit créée en Polynésie dès janvier 2000. En effet, l'institution d'une autonomie renforcée ne doit pas conduire au désengagement de l'Etat en matière de contrôle budgétaire.

Vous avez affirmé à l'occasion de votre déplacement en Polynésie que la Chambre territoriale des comptes sera mise en place dès le mois de janvier. Les crédits de fonctionnement de ce service figurent-ils dans votre budget ? M. Auberger n'en fait pas état dans son rapport.

Le fonctionnement de nos institutions doit se démocratiser. Il y va de la réussite de notre plan de reconversion et de la paix sociale.

Le Congrès se réunira le 24 janvier 2000 pour adopter la révision constitutionnelle pour la Polynésie française, désormais dotée d'une autonomie élargie puisqu'elle pourra voter des «lois de pays».

Disposer d'un outil institutionnel performant est une condition nécessaire mais non suffisante, car il faut y associer des personnes animées d'un esprit de service public. Une restauration des mentalités locales est donc indispensable.

Durant ces deux dernières années, le gouvernement territorial s'est lancé dans des projets titanesques, impliquant des dépenses somptueuses voire somptuaires. Je me fais l'interprète de l'ensemble des partis de l'opposition pour vous rendre sensible à la manière dont sont utilisés les fonds publics.

Ainsi le palais présidentiel a coûté 200 millions, soit 3,5 milliards de francs pacifiques. Est-il normal que des crédits destinés à la reconversion économique aient été ainsi employés ? Une telle construction est-elle une priorité pour un pays d'à peine 220 000 habitants ?

Avec ces centaines de millions dilapidés au vu de tout le monde, on aurait pu construire 1 000 logements sociaux supplémentaires.

Vous connaissez la situation lamentable dans laquelle vivent de nombreuses familles, que vous avez rencontrées. Comme vous l'avez dit, ces images ne sont dignes ni de la République ni de la Polynésie. Vous avez pris des engagements, auxquels je m'associe, pour que cette population démunie bénéficie d'un logement décent à la veille du nouveau millénaire.

Le projet de tunnel sous le lagon coûterait plus de 800 millions pour un tronçon de route de 3 kms environ, soit 270 millions le km. Le président du gouvernement se bat corps et âme pour réaliser ce projet.

Oui, il faut une route de contournement de l'agglomération de Papeete pour fluidifier la circulation en centre ville. Mais pourquoi vouloir à tout prix passer sous le lagon quand on connaît les risques de ce type d'ouvrage -souvenez-vous de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc- et alors qu'une solution par la plaine est possible et beaucoup moins onéreuse ?

La route des plaines sur la côte ouest montre qu'il existe une alternative. Pour 4,5 km, son coût global s'élève à 302 millions, soit 67 millions le km. Cela se passe de commentaire !

Le choix de la rocade par la plaine est évident. Seul le Président n'en est pas convaincu. On se demande pourquoi.

Vous comprenez pourquoi la gestion des deniers publics en Polynésie française nous inquiète !

L'Etat doit pouvoir décider de l'opportunité de certains grands projets d'investissement sans être en porte-à-faux avec l'esprit du statut d'autonomie.

La Polynésie française est à un tournant de son histoire. Réussir son développement doit être la préoccupation constante de ceux qui conduiront le pays vers sa destinée, le paradis terrestre et non un paradis fiscal.

Je forme donc le v_u que l'Etat reste le partenaire de la Polynésie française et l'accompagne dans son développement.

« Mauru'uru e laorana ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Henry Jean-Baptiste - Ce projet de budget n'appelle, selon la formule fameuse, ni excès d'honneur ni indignité. Son premier mérite tient à sa progression de 13,6 %, même si elle est due à l'importance des transferts de crédits, sans lesquels la hausse ne serait que de 7,75 %. Ces moyens accrus d'intervention permettront au secrétariat d'Etat d'exercer au mieux sa fonction d'impulsion et de coordination. Vous avez raison de vous donner des priorités fortes, principalement l'emploi et le logement, dont l'insuffisance se fait particulièrement sentir à Mayotte.

Mais c'est en fait un budget de transition que vous nous présentez, dans l'attente d'une loi d'orientation dont personne ne sait encore ce qu'elle sera exactement. Ce budget ne peut donc pas témoigner de la volonté de réforme que vous affichez.

L'actualité, liée au voyage du Premier ministre aux Antilles et relayée par une presse parfois démagogique, nous conduit à nous interroger sur notre mode de développement. Plusieurs journaux parisiens se sont montrés très critiques : économies sous perfusion, solidarité dévoyée en assistance, disparités de revenus au profit des agents publics... Ces diagnostics réducteurs, qui ne sont pas sans effet dans l'opinion, montrent en tout cas qu'un certain type de développement outre-mer a montré ses limites. Il nous faut passer d'une situation de dépendance et d'assistance à une conception plus dynamique et plus responsable du développement. Cet objectif appelle des choix politiques qui doivent impliquer tous les intéressés. Or on sait combien, dans nos petites sociétés insulaires, il peut être difficile de faire converger vers un projet commun toutes les forces qui les composent.

Il nous appartient donc de promouvoir une réorientation du développement donnant toutes leurs chances au dynamisme et à la créativité locaux, qui existent bel et bien, n'en déplaise à nos censeurs.

Dans son rapport au nom de la commission des lois, notre excellent rapporteur, M. Jérôme Lambert, nous recommande à propos du développement économique de «faire preuve de modestie», en ajoutant qu'«il est inutile de créer de faux espoirs». Je ne partage pas ce qui me paraît ressembler un peu trop à de la résignation : les DOM ont créé entre 1992 et 1997 plus de 20 % d'emplois nets dans le secteur privé, pendant que la métropole n'en créait que 7 % ; l'opération récente des «défis-jeunes» a révélé de nombreux projets et de futurs créateurs d'entreprises aux Antilles, à la Réunion et à Mayotte, dans des domaines porteurs d'avenir.

La politique budgétaire doit désormais servir une volonté réformatrice, avec une stratégie de développement élaborée dans chacun de nos départements et territoires. C'est probablement la forme la plus intelligente de décentralisation économique.

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis - Bravo !

M. Henry Jean-Baptiste - Je parle de l'ensemble de la politique budgétaire et non pas seulement du budget du secrétariat d'Etat qui ne regroupe que 12 à 13 % des crédits publics consacrés à l'outre-mer. Il ne s'agit pas de «dépenser plus», mais de «dépenser mieux», en fonction d'un vrai projet de développement.

Votre budget fait, à juste titre, de l'emploi une priorité forte. Le FEDOM enregistrera pour l'an prochain une augmentation de 16,2 %, qui confirme l'impact sur l'emploi de la loi Perben, votée en 1994 malgré les vives critiques de l'opposition d'alors, et dont vous venez de publier un bilan d'ensemble très positif, montrant que les secteurs bénéficiaires des exonérations de charges ont accru leurs effectifs de 14 %, soit quatre fois plus que les secteurs non exonérés.

Cependant, les contrats d'accès à l'emploi et les primes à l'emploi sont en forte baisse par rapport aux solutions d'insertion dans le secteur public ou parapublic, c'est-à-dire les emplois-jeunes et les CIA. Je sais bien qu'il faut parer au plus pressé, mais la lutte contre le chômage ne peut être gagnée que grâce aux entreprises, dont la création et le développement durable doivent être encouragés. Je songe en premier lieu aux PME du secteur artisanal, mais aussi aux entreprises innovantes. Qu'il s'agisse des dispositifs d'allégement du coût du travail ou des aides à la création d'emplois en faveur des industries exportatrices que nous proposons depuis longtemps de convertir en «entreprises franches», ou des propositions du rapport Fragonard sur l'accès des PME aux marchés publics, il convient de mener contractuellement une politique à long terme.

Les entreprises, outre-mer comme ailleurs, ont besoin de cohérence et de stabilité. Chacun se souvient des péripéties de la loi Pons ; on a, paraît-il, au Gouvernement des projets concernant la loi Perben. Je considère qu'il faut éviter de modifier des dispositifs qui ont montré leur efficacité au gré des alternances politiques ou sous prétexte de mettre fin à tel ou tel abus. Le meilleur moyen d'encourager l'esprit d'entreprise réside dans l'utilisation cohérente des aides, l'amélioration du statut fiscal des entreprises et la formation des hommes.

Votre projet de loi d'orientation peut apporter ce cadre de référence à condition toutefois que les autorités publiques nationales et locales aient le souci d'une concertation approfondie.

S'agissant des problèmes institutionnels, vous avez eu raison, Monsieur le ministre, de consulter par sondages les opinions publiques locales. Elles sont favorables aux mesures de décentralisation et de large déconcentration, mais ne souhaitent ni la remise en cause, ni le bouleversement du statut départemental.

Cet objectif général vaut évidemment pour Mayotte, qui a fait, depuis longtemps, de la stabilité statutaire une condition nécessaire de son développement, et du statut départemental, avec toutes les adaptations requises, une garantie de sa liberté et de ses progrès dans la République. Beaucoup de chemin a été parcouru, mais nous sommes dans la dernière ligne droite ; il s'agit de mieux répondre aux aspirations de la population, à travers un compromis dynamique.

Les élus mahorais accordent une absolue priorité à l'éducation, à la formation et au rattrapage pour les jeunes exclus du système scolaire. Rien ne nous oblige à reproduire à Mayotte des erreurs qui ont été commises ailleurs ! J'appelle donc votre attention sur les risques de retards très graves dans la réalisation du programme de construction des établissements du second degré ; nos capacités d'accueil demeurent très insuffisantes.

Nous vous remercions d'avoir compris qu'il fallait une ligne de crédit spécifique «Emploi et insertion à Mayotte», au chapitre 46-94, qui regroupe des moyens de financement des contrats emplois-solidarité ou emplois-jeunes, mais aussi des mesures nouvelles destinées à l'apprentissage et à la création de notre premier centre de FPA.

En revanche, je regrette la stagnation des moyens alloués au SMA de Mayotte, filière de formation, d'éducation, de socialisation et d'insertion professionnelle. On ne forme qu'une centaine de stagiaires par an, alors que nous avons une liste de 700 postulants.

J'appelle votre attention sur la création de l'Institut de formation des maîtres, en même temps que l'unification statutaire du personnel enseignant ; la politique du logement, qui suppose la maîtrise du foncier et du «foncier aménagé». Nous souhaitons que soit enfin créé le Fonds d'aménagement foncier et urbain ; il est vrai que cette création pose, comme pour le SMA, le problème de l'accession de Mayotte aux fonds européens.

J'ai proposé à M. le Premier ministre l'expérimentation à Mayotte d'une formulation de revenu minimum d'activité -RMA- afin de limiter les effets pervers de certaines prestations : la solidarité ne saurait être dévoyée en assistance, dépourvue de toute incitation à l'activité.

Quelles que soient les difficultés, l'outre-mer doit relever les défis de la mondialisation, c'est-à-dire de la libéralisation des échanges, mais aussi de leur régulation. Nous ne pouvons, bien entendu, tout demander ni tout attendre de l'Etat. Encore faut-il que celui-ci assume toutes ses obligations en soutenant nos recherches de nouvelles voies du développement et en veillant à la juste application des lois, en particulier de celles qui sauvegardent la paix sociale et l'ordre public. C'est l'une des conditions essentielles du progrès des sociétés d'outre-mer.

Le groupe UDF déterminera son vote en fonction de vos réponses à nos questions ainsi qu'à mon appel relatif au statut de Mayotte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. André Thien Ah Koon - Le fossé est grand entre les besoins et les décisions politiques qui vous reviennent... Bien que la situation soit explosive dans l'ensemble des départements d'outre-mer, en particulier aux Antilles, on constate, en dépit des discours, un profond immobilisme. A la Réunion, nos médecins sont victimes des caisses de retraites budgétivores qui s'approprient leurs revenus, nos pêcheurs artisans restent les grands oubliés de la loi Perben, nos agriculteurs et nos artisans sont écrasés par le poids des charges, nos allocataires du RMI perçoivent une allocation minorée, nos journaliers autorisés n'ont toujours pas de statut, nos policiers, nos gendarmes et nos gardiens de prisons sont agressés et en sous-effectifs, nos commerçants subissent la loi des groupes monopolistiques.

Il y a près de 45 % de chômeurs à la Réunion, mais les conseillers et hauts fonctionnaires des ministères ne semblent pas conscients de la gravité de la situation...

Comment admettre que la loi d'orientation ne soit votée qu'en 2000 et que ses premiers décrets d'application ne paraissent qu'à partir de 2001, soit plus de quatre ans après l'arrivée de votre gouvernement au pouvoir ?

En outre, les propositions qui apparaissent dans différents rapports -ceux de Mme Mossé, de M. Fragonard et de MM. Lise et Tamaya- sont plus inquiétantes les unes que les autres.

Par exemple, la suppression de l'abattement de 30 % de l'impôt sur le revenu ferait que les familles les plus modestes seraient désormais imposées, et la plupart des foyers concernés subiraient une hausse de 43 % des impôts.

De même, il est injuste de faire passer les fonctionnaires pour des nantis, quand on sait que le coût de la vie dans l'outre-mer est 20 % à 30 % supérieur à celui de la métropole.

Si l'appel à la solidarité locale n'est pas condamnable pour accélérer le développement des départements d'outre-mer, celle-ci ne doit cependant pas se substituer à la solidarité nationale, qui n'est pas à la hauteur de ce qu'elle devrait être.

Il est injuste que l'Etat diminue de 40 % la dépense publique par habitant par rapport à ce qu'elle est en métropole alors même que le département de la Réunion est classé parmi les régions où le produit intérieur brut est inférieur de 25 % à la moyenne communautaire.

Des mesures urgentes s'imposent.

Pourquoi, après cinquante ans de départementalisation, l'égalité sociale n'est-elle toujours pas réalisée ? De quel droit les populations des DOM perçoivent-elles un RMI inférieur de 20 % à celui de la métropole ? Cette discrimination s'apparente à une forme de racisme social dans un pays qui se permet de donner des leçons au monde entier en matière de droits de l'homme !

L'alignement du RMI sur celui de la métropole est une mesure de justice et d'équité sociale propre à réduire les poches de misère. Le gouvernement qui le prendra sortira grandi devant l'histoire.

Il en est de même de l'intégration définitive des employés communaux non titulaires, notamment des très nombreux contractuels jetés à la rue au cours de ces derniers mois pour non-renouvellement de contrats dans les mairies, et ceci, semble-t-il, à la demande de votre ministère.

Sur le plan économique, la réforme du code des marchés publics s'impose pour mettre fin au désespoir des petites entreprises victimes d'un texte qui fait l'unanimité contre lui et qui tue jour après jour nos derniers artisans.

D'autant que la mainmise de quelques grands groupes sur l'économie des DOM bénéficie de plus en plus de la passivité, sinon de la duplicité, de certaines administrations. D'une manière générale, les monopoles représentent un danger. Empêchant une concurrence loyale, ils accélèrent la désertification rurale, déséquilibrent la production et imposent leur loi sans partage, et cela en contradiction avec la loi Voynet en faveur d'un aménagement équilibré du territoire.

Dans le domaine alimentaire, les monopoles menacent la sécurité d'approvisionnement des départements d'outre-mer. Pour parer à ce risque, il faut que la loi limite les parts de marché qui peuvent être détenues par un même groupe.

Il est temps aussi de prendre des mesures pour lutter contre la délinquance, car sans stabilité sociale, aucune réforme profonde ne peut être sérieusement engagée. Il faut rétablir la crédibilité de l'Etat.

Lutter contre le chômage, c'est former nos jeunes pour leur assurer un emploi grâce à la qualité de leurs diplômes européens. La Réunion doit être une terre de formation pour tous les pays de la zone océan Indien grâce au développement de l'Université.

Cette stratégie doit s'accompagner de la création d'entreprises franches tournées vers l'exportation, d'un port franc et d'un secteur offshore, afin que la Réunion joue pleinement son rôle de département français et de porte d'entrée de l'Europe dans cette partie du monde.

Pour y parvenir, il faut boucler définitivement l'évolution institutionnelle et administrative, qui est source d'incertitude statutaire.

Votre gouvernement, Monsieur le ministre, souhaite approfondir la décentralisation dans les départements d'outre-mer. C'est une excellente initiative, mais il faut aller jusqu'au bout de cette logique sans inquiéter nos populations ni les investisseurs en créant des institutions spécifiques. Je veux évidemment parler de ce Congrès qui pourrait être à l'origine d'un changement de statut et faire de nos départements des Républiques bananières avec des ministres cocotiers (Rires sur divers bancs). Nous n'en voulons pas ! Nous voulons le droit commun. Nous sommes contre la création d'un Congrès à la Réunion, cette assemblée unique déguisée dont l'institution serait une injure à plus de trois siècles d'appartenance à la République. Nous refusons l'aventure autonomiste et indépendantiste.

Si nous voulons ancrer définitivement la Réunion au sein de notre mère patrie, la France, nous n'avons d'autre solution que la bidépartementalisation, c'est-à-dire le droit commun institutionnel, avec deux départements dans une région française de l'océan Indien, à laquelle s'ajoutera tôt ou tard l'île de Mayotte.

M. Henry Jean-Baptiste - Très bien !

M. André Thien Ah Koon - La bidépartementalisation, réclamée unanimement par les cinq députés de la Réunion, est inscrite dans l'histoire. A défaut d'en faire son thème majeur, la future loi d'orientation perdrait sa raison d'être.

La bidépartementalisation mettra un terme définitif au chantage au statut qui divise inutilement les Réunionnais et retarde le développement économique.

Il faut aussi corriger les déséquilibres entre le nord et le sud : 45 % de chômeurs dans le sud contre 30 % dans le nord ; 37 % de jeunes diplômés dans le sud contre 53 % dans le nord ; 14 % de RMistes dans le sud contre 7 % dans le nord !

Une telle injustice a suscité une révolte des consciences qui a conduit les maires, toutes tendances politiques confondues, à faire bloc pour doter le sud des leviers nécessaires à son développement.

Tels sont les points essentiels que j'ai tenu à aborder.

Je n'ai pas le sentiment, Monsieur le ministre, que dans votre projet de budget, vous ayez réellement mesuré la gravité de notre situation.

Les Réunionnais, responsables et travailleurs, ne cessent de démontrer par leur patience face aux difficultés combien ils restent attachés à leur mère patrie. Il serait irresponsable de ne pas prendre en considération cet attachement et leurs mérites. Ils savent que leur avenir dépend de décisions courageuses du Gouvernement. Vous ne pouvez plus vous soustraire à vos responsabilités.

Les décisions que vous prendrez durant les prochains mois seront décisives pour l'outre-mer. Elles engagent notre avenir non seulement dans nos environnements régionaux respectifs, mais plus encore, au sein même de la République française.

Ne prêtez pas l'oreille aux augures de certaines officines politiques qui prédisent l'aventure en méconnaissant des siècles d'attachement à la mère patrie. Les Français d'outre-mer ont prouvé par le passé combien ils lui sont fidèles.

La dimension mondiale de la France passe par l'outre-mer. Je vous remercie, Monsieur le ministre, de ce que vous ferez pour concrétiser cette réalité ! (Applaudissements sur divers bancs)

M. Léo Andy - Le voyage aux Antilles du Premier ministre a confirmé la volonté du Gouvernement de prendre la mesure de nos difficultés, de nos inquiétudes, de nos aspirations et d'y apporter les réponses adaptées. Le Premier ministre a affirmé que le projet de loi d'orientation pour un développement durable des DOM s'attaquera aux problèmes chroniques qui nous assaillent, notamment dans le domaine de l'emploi. Il constituera une première réponse à nos demandes concernant l'évolution statutaire des DOM et la reconnaissance à ces départements de responsabilités accrues, notamment dans leurs relations avec les Etats voisins. Le troisième millénaire débutera ainsi pour les DOM avec un vaste chantier porteur d'espoir.

Cependant, il serait catastrophique que, d'ici là, nous nous retranchions dans l'attentisme, voire dans l'immobilisme, tant est dramatique la situation outre-mer, en particulier en Guadeloupe, où le climat social ne cesse de se dégrader.

Des dossiers prioritaires doivent être traités. Le problème le plus urgent reste évidemment celui du chômage qui poursuit inexorablement sa courbe ascendante, augmentant jour après jour le nombre des exclus, des marginaux, des RMistes, des drogués, des désespérés... L'urgence, c'est aussi la lutte contre le crime et la violence, contre l'insécurité qui est le lot quotidien de la population... L'urgence, c'est enfin de réduire une fracture sociale dont l'ampleur est telle, chez nous, que des séismes sont à craindre à tout moment.

Votre budget consacre bien la priorité à l'emploi, auquel seront consacrées plus de 39 % des dépenses : 61 000 solutions nouvelles d'insertion sont prévues, soit mille de plus que l'an dernier. Cependant, si les prévisions se réalisent, la Guadeloupe aura bénéficié cette année de près de 10 900 de ces solutions, soit de moins d'un sixième du total alors que sa population représente un quart de celle des DOM et de Saint-Pierre-et-Miquelon et qu'en matière de chômage, elle a le triste privilège de talonner la Réunion. Dans la répartition que vous ferez pour l'année prochaine, il faudra corriger ce déséquilibre.

De même, la Guadeloupe a été désavantagée sur une longue période par rapport à la Réunion et à la Martinique, en ce qui concerne l'attribution des crédits d'Etat, DGF et DGD notamment, et ce alors que notre retard de développement devrait nous assurer plutôt un avantage.

Je suis toutefois conscient que ces mesures ne peuvent régler le problème de fond, qui est celui d'une fragilité économique due à l'extrême faiblesse de notre secteur productif et à notre dépendance totale de l'extérieur. Il nous faut absolument rompre avec une croissance exclusivement tirée par la consommation de biens importés -la Guadeloupe ne couvrant ses importations qu'à hauteur de 8 %- et donc encourager résolument des productions de substitution. Nous disposons pour cela de ressources considérables, notamment dans le secteur agroalimentaire qui représente 42 % de nos importations. A l'heure du «poulet dioxiné» et de l'engouement pour les produits bio, la Guadeloupe a une carte maîtresse à jouer, qui pourrait assurer une quasi autosuffisance alimentaire ; je pense à l'implantation d'usines de jus de fruits exotiques ou à la fabrication de panneaux d'aggloméré à partir de la bagasse.

Cette diversification doit aller de pair avec la sauvegarde et la consolidation des secteurs traditionnels, aujourd'hui en crise et en butte aux incertitudes, du fait des règles ultra-libérales édictées par l'OMC et de notre intégration au marché unique européen. Le Premier ministre a annoncé un plan d'urgence pour régler les difficultés immédiates des producteurs de bananes, mais le problème de fond demeure : celui de l'avenir de l'OMC-banane, après l'arbitrage rendu par l'OMC, le 7 avril dernier. La Commission vient de proposer, après une phase transitoire qui durerait jusqu'en 2006, et pendant lequel le volume global des importations des pays tiers augmenterait de 150 000 tonnes, le système du «tarif only». Faute de mesures d'accompagnement, cela ne peut qu'aggraver le surapprovisionnement, et donc la chute des cours. Monsieur le secrétaire d'Etat, je viens de prendre connaissance de votre communiqué et je me félicite de votre décision de vous opposer à cette proposition de la Commission comme de votre volonté d'obtenir une réforme de l'aide compensatoire, mais je m'inquiète de constater qu'à terme, la solution du système tarifaire n'est pas remise en cause.

Nous continuons, d'autre part, de nous interroger à propos de la modulation des aides directes, dans le cadre de l'agenda 2000 : les aides compensatoires octroyées à la banane seraient réduites, de même que les aides POSEIDOM à l'agriculture. Qu'en est-il réellement ?

De même, la communication publiée le mois dernier par la Commission sur sa stratégie en vue de parvenir à un marché intérieur totalement intégré, ne mentionne pas la situation particulière des régions ultra-phériphériques et, bien évidemment, ne fait aucune référence à l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, ce qui n'est pas de bon augure pour le maintien des dispositions spécifiques. Je compte sur le Gouvernement pour veiller à ce que cette lacune soit comblée. Je souhaite également que, comme l'a préconisé le rapport Fragonard, les PME et les artisans qui ne sont pas à jour de leurs obligations fiscales et sociales, puissent accéder aux marchés publics sitôt qu'ils auront établi un plan d'apurement. Compte tenu du poids de la commande publique, cela donnerait un nouveau souffle à ces entreprises qui, si endettées soient-elles, restent chez nous les premiers pourvoyeurs d'emplois.

A cet égard, je me félicite de la priorité que ce budget accorde au logement, ainsi que de la baisse du taux de TVA, ramené de 9,5 % à 2,1 % pour les travaux sur les habitations, et de l'engagement que vous avez pris de répercuter intégralement dans les DOM la baisse du taux du livret A.

Enfin, je me réjouis de la création du nouveau fonds de garantie des crédits bancaires, qui remplacera avantageusement le dispositif de réescompte de l'IEDOM. Toutefois, les taux d'intérêt dans les DOM étant de 1,5 à 3 points supérieurs à ceux pratiqués en métropole, il me semble qu'une réflexion s'impose sur la politique de crédits, dans le cadre de la loi d'orientation.

Autre domaine où agir est urgent : la sécurité. En effet, la délinquance violente a augmenté de 145 % en août dernier et de 40 % entre le 1er janvier et le 31 août. Selon la police judiciaire, le nombre de crimes et délits enregistrés a été multiplié par 2,2 depuis 1980 alors que la population ne l'était que par 1,3. Celui des vols, qui constituent les deux tiers des infractions, a quadruplé en seize ans ! Tout cela est en partie lié au trafic et à la consommation de drogues dures, auxquels aucune politique cohérente n'a été opposée. L'absence de coopération internationale n'a fait qu'aggraver encore la situation.

Le Premier ministre a annoncé le renforcement, d'ici la fin de l'année, des effectifs de la police nationale, ainsi qu'un développement de la police de proximité. Je m'en réjouis mais, de toute évidence, il faut aussi redéfinir une politique globale de prévention, de dissuasion et de répression et prévoir les moyens d'assurer la fonction régalienne de sécurité des personnes et des biens.

Les Guadeloupéens ont écouté attentivement le Premier ministre lors de son passage chez nous et ont apprécié son objectivité, sa sincérité et sa volonté de dialogue. La chaleur de leur accueil est sans doute le symbole de la confiance, mais aussi de l'espoir, qu'ils ont placés dans ce gouvernement. Ils sont prêts à agir dans un esprit de responsabilité, pour un avenir de dignité, de bien-être et de bonheur tout simplement. Je suis convaincu que ces volontés conjuguées nous permettront de construire des lendemains meilleurs dans une Guadeloupe plus solidaire, plus unie, plus forte... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Asensi - En augmentation de 13,6 %, ce budget revêt cette année un caractère exceptionnel, venant après le voyage du Premier ministre aux Antilles, en pleine élaboration des contrats de plan et à la veille de la discussion du projet de loi d'orientation. Le groupe communiste le votera, mais souhaiterait faire part de quelques observations d'ordre général.

Si des engagements financiers sont pris pour le traitement social du chômage, les crédits ne sont pas utilisés avec toute l'efficacité que réclamerait un chômage endémique et déstabilisateur. Contrairement à ce qui se passe en métropole, le taux de ce chômage a constamment et fortement augmenté depuis quinze ans. D'autre part, les postes convoités par les jeunes diplômés de l'outre-mer sont souvent occupés par des métropolitains, qui leur bloquent ainsi l'accès à la fonction publique et leur interdisent de rentrer au pays. Ainsi, dans les douanes, 50 % des mutations sont accordés à des métropolitains. Comment n'y aurait-il pas frustration et, chez certains, une radicalisation politique qui peut aller jusqu'à la revendication de l'indépendance ?

Malgré l'élaboration d'objectifs ambitieux, les consultations menées en vue des contrats de plan n'ont pas encore débouché sur de véritables plans régionaux. Or les économies domiennes sont fortement marquées par la crise de la banane et des autres cultures traditionnelles, telles que la canne à sucre. L'Union européenne a en effet été sanctionnée par l'OMC pour son système d'importation de bananes. L'arbitrage rendu en faveur des Etats-Unis remet en cause l'accès de la banane ACP au marché communautaire, de même que les modalités de répartition des contingents et d'attribution des licences. Il interdit à la France et à l'Union de garantir un prix à la production. En face, les multinationales américaines, pratiquant allègrement le dumping social, affichent une compétitivité arrogante avec laquelle les Antillais ne peuvent rivaliser.

Je me réjouis que le Premier ministre ait annoncé un plan d'urgence pour les producteurs touchés par la baisse des cours et menacés par cette réorganisation. J'en suivrai l'application avec d'autant plus d'attention que l'Union européenne n'est toujours pas parvenue à présenter un règlement satisfaisant pour tous. Ne cédons pas au diktat de l'oncle Sam et réaffirmons notre attachement à la convention de Lomé !

La crise du modèle de développement porte en elle une aggravation des inégalités et des ségrégations. La dégradation des rapports sociaux, toujours marqués par la mémoire de la traite, reste préoccupante. Aujourd'hui encore, dans les îles, le pouvoir économique est largement détenu par les Békés. Il est temps de briser la relation de type colonial qui perdure entre la métropole et l'outre-mer et de répondre aux inquiétudes des domiens en soutenant des politiques publiques plus volontaristes et solidaires. Ainsi, comment accepter que le RMI outre-mer soit inférieur à celui de la métropole ? L'équité exige une ligne budgétaire spécifique pour l'aide sociale.

Le projet de loi d'orientation devra garantir de nouveaux moyens de développement économique et institutionnel, sur la base du rapport Fragonard et du rapport Lise et Tamaya.

La voie du progrès dans les DOM passe par l'exercice d'un véritable pouvoir politique. Si la proposition de créer un Congrès peut dessiner un avenir pour les Antilles et la Guyane, il en va tout autrement à la Réunion, où la création d'un deuxième département est indispensable au rééquilibrage du territoire comme au développement économique.

Inventons aussi de nouveaux cadres pour que ces départements soient plus autonomes dans leurs relations avec leurs voisins. Faisons confiance à l'esprit créatif des peuples pour construire ensemble un avenir commun, dans le cadre de la République.

Enfin, les originaires d'outre-mer méritent une attention toute particulière, en raison de leur engagement militant et associatif, or nombre d'entre eux sont encore victimes de discriminations raciales intolérables et leurs droits en matière d'emploi, de congés bonifiés, d'identité culturelle sont souvent méconnus. Je suis persuadé que vous porterez un regard attentif à leurs problèmes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme Huguette Bello - Mon intervention dans ce débat aurait été différente si une série d'événements récents n'avait souligné les évolutions alarmantes de la société réunionnaise et rappelé aux pouvoirs publics à quel point il est urgent de résoudre les problèmes de façon radicale. Le temps n'est plus aux déclarations d'intention et aux demi-mesures.

En visite à la Réunion, un ministre a été invité à participer à un journal télévisé. Celui-ci se résumait à une série de grèves, de manifestations, de barrages, de violences qui étaient aussi bien le fait d'étudiants, de fonctionnaires, de travailleurs du privé que de chômeurs.

La semaine dernière, une manifestation contre des factures d'eau trop élevées a dégénéré. Deux jours plus tôt, un commerçant d'une commune rurale du sud surprenait une quinzaine de mineurs en train de cambrioler son magasin ; il tuait l'un d'eux d'un coup de fusil. Presque chaque jour, des jeunes se rassemblent pour réclamer des emplois. Il envahissent des entreprises, prennent d'assaut les locaux des services publics, se retournent contre les maires comme si ces derniers détenaient le sésame des créations d'emplois. L'insécurité et l'angoisse font des ravages. Bourrées de systèmes d'alarme, les villas sont transformées en bunkers. Les liens de voisinage se disloquent. Aucune commune n'est épargnée.

Que ceux qui élaborent les budgets et les textes de loi pour l'outre-mer entendent enfin l'appel que je lance ici ! Qu'ils cessent de se contenter du respect des équilibres financiers ! Qu'ils réfléchissent aux moyens d'inverser le processus en cours !

La société réunionnaise est profondément inégalitaire. Et cette inégalité est, en quelque sorte, légalement organisée. Tandis que les salaires de la fonction publique sont majorés de 53 % par rapport à ceux de la métropole, les revenus du RMI sont minorés de 20 %.

Sans doute le principe d'égalité républicaine n'est-il pas contesté, mais on insiste sur les défaillances de la politique d'insertion et sur ses effets pervers, l'assistance et le travail au noir qu'il encouragerait, laissant ainsi entendre que les choses iraient mieux si cet encombrant RMI n'existait pas...

Tout le monde parle du RMI, mais que sait-on de la réalité quotidienne des allocataires ? J'en rencontre tous les jours et au-delà des statistiques, ce qu'ils disent de leur vie devrait être pris en considération quand il s'agit de prendre les décisions qui les concernent.

Ainsi Marie, mère de six enfants, vit officiellement de différentes allocations, qui sont loin de lui suffire. Alors, trois mois par an, elle récolte des piments. Son employeur ne la déclare pas, c'est à prendre ou à laisser. Elle accepte donc d'être hors la loi, c'est-à-dire de rester dix heures par jour debout, à douze francs de l'heure, sous un soleil de plomb, pour cueillir un à un ces piments qui l'obligeront le soir, pour atténuer la brûlure de ses mains, à s'attaquer sans délai à la lessive.

J'évoquerai aussi ce couple qui habite Sans-Souci : c'est le nom ironique de leur quartier. Avec trois enfants et 4 400 F par mois, ils calculent tout : le riz, les grains, le sel, le lait des enfants, le gaz qu'ils remplacent dès que possible par du bois. Pour se permettre un extra, il leur arrive de travailler au noir : pour 120 F, ils désherbent un champ.

Il y a sans doute des abus, mais constituent-ils vraiment les injustices les plus insupportables dans un monde où, comme l'écrivait Balzac, «règnent l'omnipotence, l'omniscience, l'omniconvenance de l'argent» ?

Je souhaite que la loi d'orientation que nous avons tous à l'esprit en examinant ce budget tienne compte de ces réalités. Rendez-vous est pris pour l'adoption prochaine d'un texte qui réponde loyalement aux aspirations du plus grand nombre (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste, du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe du RPR).

M. Gérard Grignon - Ce budget semble acceptable même si les graves difficultés de l'outre-mer appelleraient sans doute des efforts supplémentaires. Je ne discerne toutefois pas derrière les chiffres de politique ambitieuse, rationnelle et cohérente, mais peut-être la loi d'orientation remédiera-t-elle à cette carence. Aussi me bornerai-je à parler de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Depuis quelques années, l'archipel fait face à l'une des crises économiques les plus dures de son histoires. Les causes en sont l'échec de l'arbitrage frontalier de New York en 1992, l'arrêt total des activités de pêche industrielle à la morue et la fermeture des usines de transformation à partir de 1993, l'abandon du port, un ralentissement considérable de l'activité qui entraîne pour les budgets des collectivités des pertes de recettes douanières importantes auxquelles il faut ajouter 40 millions de pertes de recettes liées à la disparition du commerce de l'alcool et du tabac sur Terre-Neuve, la disparition quasi totale des droits de quai, la suppression du FIDOM départemental et du FIDOM général hors contrat de plan.

Malgré ces difficultés, malgré la perte depuis 1994 dans cette petite collectivité, de plus de 300 emplois directs dans les secteurs de la pêche industrielle et de la transformation de la morue, la collectivité a assaini et équilibré son budget et la situation de l'emploi s'améliore.

Ces résultats sont dus à une politique budgétaire rigoureuse ; à des investissements sans précédent dans les infrastructures et les équipements aéroportuaires, portuaires, sociaux, économiques, culturels ; à la création d'une agence de développement économique ; aux efforts financiers demandés aux Saint-Pierrais et Miquelonnais ; à la concrétisation d'opérations liées à l'aluminium canadien destiné à l'Europe et dédouané dans l'archipel. Ils sont dus aussi à l'initiative locale et à l'apparition d'un nouvel état d'esprit et, bien évidemment, au soutien de l'Etat.

Ainsi, depuis 1994, 125 projets économiques ont été étudiés, dont la moitié ont débouché, provoquant la création de 206 emplois. En 1998, le taux de chômage moyen a été de 10,6 %, il est même tombé à 7 % aux meilleurs mois de l'année.

Pour sortir de la crise, l'archipel a décidé de tirer partie de l'ensemble de ses ressources naturelles aussi modestes soient-elles, de son statut, de sa qualité de territoire associé à l'Union européenne, de sa situation géographique aux portes de l'Amérique du Nord.

A Saint-Pierre-et-Miquelon, nous avons décidé de ne pas céder à la fatalité. La population a choisi de prendre en main son avenir, de ne pas tout attendre de l'Etat. C'est cet état d'esprit, cette volonté de sortir de la crise et de l'assistance qui expliquent le redressement économique et les résultats actuels. Mais ces résultats fragiles pourraient être annihilés si le Gouvernement ne mettait pas en place rapidement une politique ambitieuse pour l'outre-mer et ne s'attachait pas à défendre un certain nombre de dossiers.

Votre budget affiche comme première priorité l'emploi pour lequel vos crédits augmentent de 16,20 %. Mais ces crédits sont presque exclusivement destinés à financer l'insertion et les emplois-jeunes. C'est certes indispensable, mais c'est d'emplois durables que la jeunesse d'outre-mer a besoin, de véritables emplois nés de l'implantation d'activités nouvelles ou du maintien des activités existantes.

L'essentiel de nos efforts risque d'être anéanti si les dispositions visant à alléger le coût du travail ainsi qu'à encourager la transformation des produits destinés à l'exportation ne sont pas pérennisées et si la diversification n'est pas favorisée.

Je vous ai fait des propositions pour améliorer le système. Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?

Comment ne pas évoquer également le besoin de financement externe des entreprises d'outre-mer ? La loi d'orientation doit prévoir un mécanisme nouveau et efficace qui se substituera à la loi Pons. Est-ce là l'intention du Gouvernement ?

Toujours à propos de l'emploi, je vous ai fait part à plusieurs reprises, Monsieur le ministre, des difficultés rencontrées par nos jeunes diplômés pour accéder à la fonction publique. Près de 30 % de la population de l'archipel a moins de 20 ans et le conseil général accorde des bourses à 215 jeunes qui font leurs études dans les lycées et les universités métropolitaines.

Quelles dispositions comptez-vous prendre pour organiser l'accès à la fonction publique afin que les jeunes Saint-Pierrais et Miquelonnais ne soient plus laissés au bord du chemin alors que des fonctionnaires de passage viennent occuper les postes qu'ils espéraient ? Ne laissons pas se développer un dangereux état d'esprit xénophobe. Responsabilisons au contraire la jeunesse en l'encourageant !

J'ai évoqué les investissements sans précédent réalisés par la collectivité territoriale depuis 1994. L'aéroport, financé aux deux tiers par l'Etat, coûte néanmoins 100 millions à la collectivité territoriale qui a aussi investi pour le port de Miquelon, le musée Archives, le logement social, les travaux d'eau et d'assainissement. Les recettes nouvelles apportées par les opérations concernant l'aluminium canadien sont indispensables au remboursement de la dette ainsi qu'au financement des opérations en cours et des nouveaux projets.

Or ces opérations, qui s'appuyaient sur la décision de 1991 du Conseil de la Communauté ainsi que sur la loi statutaire de 1985, sont actuellement suspendues dans l'attente d'une décision de la Commission à la suite d'une enquête de l'OLAF. Quelle est à ce propos l'opinion du Gouvernement ? Savez-vous où en est la réflexion de la Commission ? Pour l'exercice budgétaire 1999, cet arrêt se traduit par 20 millions de recettes en moins et la collectivité territoriale pourrait être dans l'impossibilité de proposer un budget pour 2000 si la réponse de la Commission était défavorable.

Le coût du fret maritime et les tarifs aériens sont des obstacles majeurs au développement et à la diversification économique de l'archipel.

Les coûts du transport des marchandises, malgré la subvention de l'Etat, sont beaucoup trop élevés, mais l'inspecteur général Hamon est actuellement sur place pour analyser cette question.

Les tarifs aériens font obstacle à la circulation des personnes et à toute velléité de développement touristique. En outre, deux décisions récentes d'Air France, scandaleuses et en contradiction avec l'investissement de 372 millions pour le nouvel aéroport, porterait le prix aller et retour d'un billet Paris/Montréal/Halifax/Saint-Pierre en classe économique de 10 742 F à 18 964 F. Comment le Gouvernement entend-il remédier à cette situation ? Comment va-t-il faire en sorte que la nouvelle infrastructure aéroportuaire réponde aux attentes de la population ?

Dans le cadre de la diversification des activités économiques de l'archipel, je viens de déposer une proposition de loi visant à créer un registre d'immatriculation des navires à Saint-Pierre-et-Miquelon, ce qui permettrait de résoudre la crise profonde de notre marine marchande.

Ce serait une source de recettes pour la collectivité territoriale. Quelles sont, à cet égard, les intentions du Gouvernement ?

En vertu d'un amendement à la loi de finances pour 1999 adopté par le Parlement, les exploitations d'hydrocarbures autour de Saint-Pierre-et-Miquelon devront être assujetties à une taxe levée par la collectivité territoriale. Or, dans les négociations engagées avec le Canada, la délégation française travaille beaucoup trop dans l'improvisation. Il n'est pas normal que ses membres débattent de la stratégie à adopter en pleine réunion bilatérale ! Ne renouvelons pas la douloureuse expérience de l'arbitrage de New York.

Je voudrais aussi, Monsieur le secrétaire d'Etat, appeler votre attention sur la situation de la commune de Miquelon dont la population traverse une période difficile en raison de la fermeture de Miquelon S.A. et de l'arrêt, que nous espérons momentané, des activités de quarantaine animale.

Je souhaite que les dossiers relatifs à cette commune soient examinés avec toute l'attention qu'ils méritent.

Il me paraît indispensable de procéder à une analyse comparative de notre système de protection sociale et de celui de la métropole. Nous avons vu les questions qui se posent en ce qui concerne la CMU. Il en est d'autres : faut-il, par exemple, appliquer la loi de 1975 en matière d'invalidité ou conserver les dispositifs locaux ?

Le coût de la vie est élevé dans l'archipel et les dernières augmentations du prix du fuel -la part du chauffage dans le budget des ménages étant importante- mettent en difficulté les retraités du secteur privé. La plupart d'entre eux ne perçoivent en effet que de maigres pensions, le système d'assurance vieillesse n'existant que depuis 1987.

La plupart des marins retraités se trouvent dans la même situation, leur pension n'étant toujours pas majorée des 40 % qu'ils réclament depuis plusieurs années.

De même, Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez été saisi de la juste revendication des agents hospitaliers et des agents des collectivités locales concernant leur retraite.

Il faut donc revoir notre système local de protection sociale, en étroite concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux. Le Gouvernement l'envisage-t-il ?

S'agissant, enfin, des marins observateurs de l'archipel, les crédits correspondant à leurs contrats ont-ils été reconduits ?

Je serai très attentif à vos réponses, Monsieur le secrétaire d'Etat, qui détermineront le sens de mon vote (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Daniel Marsin - La discussion de ce budget intervient dans un contexte économique, social et politique plutôt chahuté à la Guadeloupe. Grèves, manifestations, mais aussi délinquance et violences. Les médias nationaux s'en sont faits largement l'écho, avec quelques excès d'ailleurs.

La situation actuelle en Guadeloupe ne fait que traduire le mal développement et le réel mal-être de notre société.

Le désarroi de l'ensemble des couches sociales est propice à toutes les dérives, les acteurs apparents étant souvent entraînés dans des mouvements dont ils ne maîtrisent pas toujours les tenants et les aboutissants.

C'est le malaise que je percevais déjà lorsque, l'an dernier, à l'occasion du grand débat sur l'outre-mer du 23 octobre, j'appelais votre attention sur le désarroi de ces nombreux exclus, installés dans le chômage, la pauvreté, dans des conditions de logement indignes de notre temps et qui constituent une armée de gens qui n'ont rien à perdre et qui ne demandent qu'à en découdre avec le système.

J'avais à cette occasion évoqué, et cela avait pu faire sourire, l'idée «du volcan qui gronde mais dont on ne peut prévoir avec certitude et précision le moment de son éventuelle explosion».

Le contexte reste le même et il nous faut agir rapidement, aussi bien sur les manifestations du mal que sur ses causes.

C'est conscient de cette exigence que vous aviez, en conclusion du débat du 23 octobre 1998, annoncé, Monsieur le secrétaire d'Etat, une loi d'orientation pour les DOM.

Beaucoup de nos compatriotes avaient caressé le rêve que cette loi entre en vigueur en l'an 2000, mais des contraintes de divers ordres n'ont pas permis de transformer ce rêve en réalité. Qu'à cela ne tienne, gageons plutôt que les dispositions de cette loi d'orientation, qui sera votée l'an prochain, n'en seront que plus pertinentes, à la mesure de l'enjeu. Je veux féliciter le Gouvernement pour sa démarche d'analyse et de concertation. Je veux parler des excellents rapports déjà cités par mes collègues, mais également de la volonté du Gouvernement d'engager prochainement la consultation des élus, et à travers eux, des forces vives, avant de formaliser le projet qui sera soumis au Parlement.

Vous avez eu raison, en attendant ce projet, d'accorder dans votre budget la priorité à l'insertion.

En augmentant de 16,2 % les crédits du FEDOM, vous vous donnez les moyens de votre ambition : le financement de 58 000 nouvelles solutions d'insertion, des CES aux emplois-jeunes en passant par les CAE. Il reste à mobiliser l'ensemble des partenaires concernés, publics ou privés. De ce point de vue, l'information en direction des bénéficiaires potentiels comme des entreprises et des associations sera un gage de succès. S'agissant des collectivités locales, on peut s'attendre à une certaine frilosité de leur part, en raison de leur fragilité financière.

Toujours dans le registre de l'emploi, vous avez répondu à notre attente, Monsieur le secrétaire d'Etat, en confortant le service militaire adapté dans ses missions de formation et d'insertion et en le dotant des crédits nécessaires pour 600 emplois nouveaux en l'an 2000. Nous nous en félicitons.

En matière de formation, outre l'effort général que vous faites pour offrir à nos jeunes des parcours qualifiants, l'apport de l'Etat à l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, à hauteur de 43,7 millions, doit être salué et pérennisé.

Vous avez eu raison de maintenir à un bon niveau -918 millions- les crédits du logement social.

Dans ce registre, je voudrais saluer la décision d'inscrire au budget la somme de 30 millions pour favoriser l'acquisition du foncier par les familles concernées par l'application de la loi sur les 50 pas géométriques.

Pour autant, Monsieur le ministre, pour que les dispositions de ce budget trouvent leur plein effet, un certain nombre de conditions doivent être réunies. Tout d'abord, les procédures de mobilisation de la ligne budgétaire unique doivent être rendues plus fluides. Ensuite, il faut rendre les marchés captifs pour nos entreprises artisanales qui, aujourd'hui, sont trop souvent exclues du fait de leurs déboires fiscaux et sociaux. En ce sens, un dispositif particulier devrait être envisagé en leur faveur dans le cadre de la loi d'orientation, afin de les réinsérer dans le circuit économique. Par ailleurs, les dispositions légales et réglementaires relatives au logement social doivent être plus cohérentes.

Sans m'attarder sur les prêts reconstruction-démolition, je soulignerai la contradiction qui semble exister entre les dispositions du décret du 28 juin 1999 portant revalorisation des allocations-logement et celles de l'arrêté du 29 avril 1997, visant à favoriser l'accession très sociale dans les DOM.

De même, j'encourage vivement le Gouvernement à revoir la réglementation en matière de propriété du sol à l'occasion des opérations d'amélioration des logements en diffus.

Enfin, c'est avec satisfaction que j'ai pris connaissance de la charte pour le développement des PACT ainsi que l'annonce du Premier ministre concernant la mise en place prochaine d'un fonds régional d'aménagement foncier et urbain à la Guadeloupe.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le 29 juin dernier, vous avez réaffirmé votre volonté de mettre en valeur la richesse culturelle de l'outre-mer, en créant le fonds d'aide aux échanges culturels pour l'outre-mer, destiné à «favoriser la circulation des _uvres et des artistes et de développer les échanges artistiques et culturels entre l'outre-mer et la métropole, l'Europe et les pays situés dans leur environnement régional». Le budget de l'an 2000 vous donne l'occasion de doter ce fonds de moyens substantiels : 18 millions, dont 9 pris en charge par le ministère de la culture. Les projets qui seront soutenus devront s'inscrire dans les deux dynamiques complémentaires d'échanges entre l'outre-mer et la métropole, d'une part, de coopération régionale, d'autre part.

Je reviens de Saint-Domingue, où j'ai participé à un colloque sur la coopération décentralisée. J'ai pu mesurer combien nos voisins de la zone Caraïbe souhaitent coopérer avec nous et avec quelle attention ils ont suivi les propos du Premier ministre en conclusion du séminaire de Fort-de-France sur la coopération régionale. Votre action va donc dans le bon sens et trouvera sa pleine mesure avec la future loi d'orientation qui doit donner de nouvelles compétences aux collectivités locales.

Votre projet de budget dégage également les moyens financiers nécessaires pour permettre à l'Etat d'engager le XIIème plan dès l'an 2000. Je m'en réjouis.

Je souhaite à cet égard que la Guadeloupe puisse consacrer ces nouvelles ressources à garantir son développement durable. On dit trop souvent qu'elle s'équipe, mais ne se développe pas.

Votre budget vous donne les moyens de répondre aux préoccupations immédiates de nos compatriotes d'outre-mer et c'est pourquoi je le voterai. Pour autant, j'ai conscience que les objectifs poursuivis ne seront atteints que si nos sociétés s'inscrivent dans une logique de développement durable qui valorise nos atouts et produise de la valeur ajoutée.

Cela suppose la reconstitution de la capacité financière des collectivités locales, le réajustement de la législation applicable à nos entreprises, une clarification des domaines d'intervention des différentes collectivités territoriales, des compétences accrues aux décideurs locaux, avec une urgence particulière pour les accords de pêche, tout cela en procédant aux ajustements institutionnels qui s'imposent, sans complexe ni parti pris.

Toutes ces mesures doivent trouver place dans la loi d'orientation tant attendue. Nous vous faisons confiance pour que cette loi nous rende fiers de ce que nous sommes, de ce que nous faisons chez nous, tout en étant fiers de vivre sous la bannière de la République.

Forts de notre appartenance à la majorité, de notre éthique de la responsabilité, de notre connaissance du terrain, nous vous aiderons à faire les bons choix (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Buillard - Vous l'avez dit lors de votre visite, pour la Polynésie française une nouvelle période va s'ouvrir. Sachez que l'Etat est prêt à y prendre sa part, avez-vous ajouté.

De fait, la Polynésie est à présent sur la voie d'une économie plus indépendante et plus diversifiée.

L'Etat s'est engagé en signant le contrat de développement pour la période 1994-1999 et la convention pour le renforcement de l'autonomie économique. L'objectif est de réduire la dépendance extérieure et de développer l'emploi.

Aujourd'hui, cette volonté commune commence à porter ses fruits. Avec un taux de 11,8 %, le chômage est contenu à un niveau proche de celui de la métropole. De 6,7 % en 1992, le taux de couverture des importations par les exportations est passé à 15 % en 1998. Ce développement n'aurait pas été possible sans la loi de défiscalisation. Ne relâchons pas nos efforts, bien au contraire, et que le budget pour 2000 traduise la volonté de l'Etat de nous y aider. Tel est du moins notre souhait, que la lecture du budget ne confirme pas, à moins que vous m'indiquiez comment le lire avec le même regard que vous.

L'effort doit porter d'abord sur le logement. 1 000 logements sociaux en construction bénéficient du soutien de l'Etat. Autant que pour votre ministère, c'est aussi une priorité pour la Polynésie. Je souhaite que l'esprit de partenariat qui l'anime se maintienne.

En matière d'insertion et de formation des jeunes, nos préoccupations rejoignent les vôtres car nos jeunes représentent 51 % de la population.

La loi d'orientation de 1994 dispose que «l'Etat contribuera aux mesures ayant pour objet de favoriser l'insertion sociale des jeunes du territoire». C'est pourquoi les chantiers de développement ont été mis en place. Or le chapitre qui finance ce dispositif est en baisse de 22 %.

Le développement de l'enseignement supérieur est lié aux besoins de cadres de la Polynésie. A l'université de Polynésie française qui vient d'être créée, il convient de donner les moyens de fonctionner et d'accueillir les étudiants. Les infrastructures d'hébergement se révèlent insuffisantes, le nombre d'étudiants augmentant constamment, 23 % en quatre ans. Nous comptons 1 685 étudiants en 1998-1999. Le territoire vient de lancer un nouveau programme de logements universitaires, mais en nombre insuffisant si nous devons développer les échanges avec les universités de la région. L'université de Polynésie française contribue au rayonnement de la civilisation française dans le Pacifique et à ce titre elle mérite le soutien de l'Etat.

Priorité doit être donnée à la recherche, vous est-il arrivé de dire. Mais vos crédits n'augmentent que de 1,6 % dans ce domaine, alors que le développement économique nécessite un effort accru de recherche.

Vous avez souhaité pour notre territoire «un développement respectueux des personnes, mais aussi de la terre, de l'eau, de l'air». Il est d'autant plus regrettable de constater la disparition des crédits pour la Polynésie en provenance du ministère de l'environnement.

Pour les TOM, le budget de la culture s'élève à 20 millions. Quelle part en reviendra à la Polynésie ?

Indépendamment du projet de loi de finances, pouvez-vous nous assurer que, dans le prochain contrat de développement, les montants des concours de l'Etat ne diminueront pas ?

Pour le financement du fonds intercommunal de péréquation, le Gouvernement a-t-il trouvé la solution juridique permettant de compenser l'arrêt de l'intervention de l'Etat ?

Enfin, la vétusté du centre pénitentiaire de Nuutania est telle que son maintien en l'état n'est pas envisageable dans le pays des droits de l'homme.

Trop de discours politiques ont précédé le projet de budget. Nous y avons cru, nous voulons y croire encore. Nous découvrons hélas tous les jours la dure réalité, et nous finissons par nous y habituer. Le Gouvernement sait qu'il a des devoirs envers ses peuples d'outre-mer mais lorsque vient le moment de les assumer, on se rend compte qu'il n'a pas les moyens de sa politique. C'est là où réside la frustration des peuples d'outre-mer, marqués par leur culture de la parole donnée. Ils ont mis leur confiance dans la République française, sachons mériter leur confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Elie Hoarau - Le budget de l'outre-mer augmente beaucoup plus que le budget général et nous vous en félicitons. C'est pourquoi je le voterai. Cependant le moment est venu de constater que le modèle de développement des DOM atteint ses limites.

Ce n'est pas que les résultats soient inexistants : le taux de croissance est bien plus élevé dans les DOM que dans n'importe quelle autre région de l'Union européenne et le nombre d'emplois créés chaque année est appréciable. Mais, rapportés aux besoins toujours plus élevés de la population, ces résultats ne permettent pas de résoudre durablement le problème de l'emploi.

Il faut donc nous tourner vers d'autres choix économiques qui rendront notre appareil de production capable de conquérir de nouveaux marchés et de répondre à la demande d'un marché local pouvant atteindre, à la Réunion, un million d'habitants d'ici vingt-cinq ans.

Pour cela nos entreprises devront bénéficier d'exonérations de charges, ce qui suppose, en attendant l'élaboration de nouvelles mesures, la prorogation des dispositifs existants. Pouvez-vous nous confirmer que tel sera le cas ?

Les nouvelles mesures, pour être plus performantes, devront être débarrassées de tout risque de dérives, et aussi être assorties de l'obligation d'embaucher. Car la lutte pour l'emploi ne doit pas se cantonner au seul traitement social du chômage qui confine des dizaines de milliers de jeunes dans la précarité.

Nos jeunes ont besoin de voir leur horizon s'éclaircir. Leur bon niveau de formation doit nous inciter à envisager un transfert de notre savoir-faire, débouchant sur un vaste champ de coopération avec nos voisins. Qu'en est-il de l'idée d'offrir aux bénéficiaires d'emplois-jeunes la possibilité de mettre leur compétence au service de la coopération régionale ? Celle-ci ne se développera que si les élus des DOM sont en mesure de mener des actions significatives avec les pays voisins. Sans empiéter sur les pouvoirs diplomatiques de l'Etat, il convient d'attribuer certaines compétences à la région, en particulier si l'on souhaite assurer la compétitivité des productions des départements d'outre-mer par rapport à celle des pays ACP voisins, ou simplement les protéger d'accords de libre-échange tels que ceux passés récemment entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud.

Toutes ces mesures doivent conférer la cohérence au développement de nos pays. Ce sera, je l'espère, l'objet de la future loi d'orientation, qui devra donner aux élus et aux autorités locales les moyens d'agir plus efficacement.

Il est prévu d'y inclure un volet relatif à l'aménagement du territoire ; il devrait être l'occasion de corriger les déséquilibres dont souffrent le sud et l'est de la Réunion, résultat de la concentration des centres de décision et des services dans le nord -où se trouvent le port et l'aéroport.

Avec mes collègues de la Réunion, j'affirme que la création d'un deuxième département est la seule réponse à l'attente des populations défavorisées de l'est et du sud, le seul moyen de donner aux autorités locales les outils de décision nécessaires au développement de ces régions, lesquelles regroupent plus de la moitié de la population réunionnaise (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV).

Mme Christiane Taubira-Delannon - Cette discussion budgétaire se situe entre rapports et loi d'orientation. Cela peut être très commode pour vous, Monsieur le ministre, tant la tentation peut être grande de renvoyer nos questions et nos observations à la discussion à venir du projet de loi... Mais c'est aussi assez inconfortable pour nous, qui pouvons considérer que l'exécutif est suffisamment éclairé par les rapports souvent rédigés par des parlementaires, de hauts fonctionnaires ou des experts. Je puis attester de leur poids, moi qui les emporte à la force de mes bras pour les étudier chez moi la nuit ! La liste est bien longue, tant la commande de rapports est inscrite dans les méthodes du Gouvernement.

A ces rapports s'ajoutent d'excellents documents élaborés chez nous, dans une autre perspective que celle de renseigner l'Etat et de lui suggérer quelques mesures pour désamorcer une impatience légitime. Je pense notamment au rapport de l'Union des médecins libéraux de Guyane, à des rapports sur l'éducation et les méthodes pédagogiques innovantes, sur la santé publique en milieu rural, sur la justice et l'accès au droit, sur le troisième âge... Je ne recense pas les ouvrages et articles qui nous instruisent sur notre passé, notre présent et nos avenirs possibles.

L'amoncellement des rapports me rappelle une délicieuse bande dessinée sud-africaine sur les relations entre les maîtresses blanches et leurs suivantes noires, pendant et après l'apartheid : les humoristes ont imaginé d'aligner les pages de tous les albums, mais quand ils ont pensé au vent qui les disperserait, à la pluie qui les détremperait, aux passants qui les piétineraient, ils ont renoncé à leur projet... Il reste que je m'émerveille de la mobilisation de tant de matière grise pour nous expliquer pourquoi 15 % de nos populations relèvent du RMI, contre 3,1 % ici, et pour nous dire comment le système s'affolerait si l'on procédait à l'alignement du RMI avant d'avoir maîtrisé le dispositif. On nous explique également comment il faut organiser l'accès au congé-solidarité pour les allocataires de plus de 50 ans, afin qu'ils perçoivent 2 500 F par an -c'est énorme !- au lieu de 1 700. J'ai une réelle estime pour les auteurs de ces rapports, mais force est de constater le hiatus entre ce que l'on fait ici et l'attente qui s'exprime sur le terrain. Lorsque l'audace la plus grande consiste à prôner l'alignement du RMI, nous sommes à la borne de la logique de l'égalité sociale. La fraude au RMI, réelle sans doute mais néanmoins dérisoire, et délibérément non combattue, ne justifie ni des pratiques inégalitaires, ni des mesures infantilisantes, ni des considérations humiliantes.

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis - Bravo !

Mme Christiane Taubira-Delannon - Le bilan du FEDOM, clair et rigoureux, illustre l'impuissance de tous ces dispositifs. Quelles sont les perspectives pour un jeune entre 20 et 26 ans ? Il sait que la formation n'est pas un réel facteur de réussite ; très rapidement, il apprend ce que sont les CES, CAE, CIA et emplois-jeunes ; il découvre souvent précocement ce qu'est l'arrivée en France, où il doit se débrouiller sans aide particulière -parce qu'il est Français- mais où il subit des discriminations -parce qu'il ne l'est pas de manière suffisamment visible.

S'agissant de ce budget, rappelons que 80 % des crédits correspondent à des services votés : la marge de man_uvre n'est donc que de 20 %. Le regroupement des crédits dispersés peut aboutir à une croissance surfaite, même si l'on gagne en cohérence. Par ailleurs, ce budget ne représente que 10 à 12 % des sommes injectées outre-mer. Surtout, en entretenant une consommation qui fera appel à l'importation, il subventionne des économies productives extérieures plus qu'il ne stimule la création de richesses locales.

Je ne voudrais pas m'en tenir à ce constat ; je préfère, Monsieur le ministre, vous demander quelques précisions.

Qu'en est-il de la circulaire foncière que nous attendons depuis le décret de septembre 1998 ? Quelle part l'Etat entend-il prendre dans le budget de l'EPA ? Va-t-on répondre à l'attente d'une législation forestière ? L'Etat a cédé à France-Télécom pour un franc symbolique un terrain susceptible d'accueillir aujourd'hui un lycée et d'autres équipements publics ; qu'allez-vous faire pour que la transaction ne se réalise pas dans les conditions actuellement prévues par France-Télécom ? En matière judiciaire, la création d'une cour d'appel de plein exercice est nécessaire. Il serait urgent d'installer une structure opérationnelle dans l'ouest guyanais, de même que d'honorer une dette de plusieurs années à l'égard des interprètes de justice et de s'interroger sur leur statut. J'ai saisi Mme la garde des Sceaux de ces sujets.

S'agissant des financements européens, pourriez-vous nous donner un état des consommations réelles de crédits ? Quelles sont vos intentions de programmation ?

Pouvons-nous avoir une information d'étape sur les agences départementales d'insertion ? Quelles informations pouvez-vous nous donner sur la convention conclue entre votre département ministériel et le ministère de la culture ? Avez-vous prévu un dispositif pour pérenniser les activités économiques ? Quid du remplacement des agents et des cadres de la police, équipée pour lutter contre le trafic de stupéfiants et combattre l'insécurité ?

Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien m'apporter.

En attendant, votre secrétariat d'Etat a commandité, avec d'autres ministères, une enquête portant notamment sur la loi d'orientation, sur le rôle de l'Etat et des collectivités locales, sur le travail clandestin, sur les conflits sociaux et sur la commémoration de l'esclavage. Cette démarche intéressante a donné des résultats assez inattendus mais la formulation de certaines questions et des réponses auxquelles elles ont donné lieu appellerait quelques commentaires.

Je m'attarderai plus particulièrement sur le rôle de l'Etat. Ainsi, 53 % à 64 % des personnes interrogées considèrent que l'Etat favorise trop les intérêts de la métropole. Encore faudrait-il savoir ce que représente l'Etat. S'agit-il du Gouvernement, des préfets, des directions départementales ? Ce serait une précision utile pour déterminer les politiques publiques à mener.

Ces réponses ont conduit l'IPSOS à conclure, dans une note de synthèse, qu'il y avait une forte demande d'Etat pour rétablir l'ordre public. Et si cette demande d'Etat n'était qu'une demande de suppression des désordres liés au chômage, à l'insécurité, à la dégradation de la santé publique, bref, la demande d'une société qui ressent le péril de sa dilution ? Si ces citoyens qui réclament davantage d'Etat étaient surtout inquiets de leur vulnérabilité croissante, de l'accumulation des difficultés structurelles ? Comment le savoir ? On aurait pu formuler autrement les questions : que pensez-vous des défaillances de l'Etat en matière de lutte contre la toxicomanie, contre l'accaparement des terres, contre les lois foncières discriminatoires ?

M. le Président - Il faut conclure.

Mme Christiane Taubira-Delannon - Tant qu'à poser des questions impertinentes, on aurait pu demander : êtes-vous favorable au maintien des indemnités et primes de moustiques ? (Sourires) Appréciez-vous les primes à l'incivisme dont profitent ceux qui construisent des immeubles et des magasins sans permis, ceux qui se soustraient à l'impôt, ceux qui ignorent les règles sociales ? Il serait aussi intéressant de savoir si l'annonce du lancement d'Hélios suscite l'enthousiasme des enfants guyanais privés d'eau potable !

La qualité des débats que nous avons eus sur la reconnaissance du génocide arménien ou de l'esclavage et de la traite me conduit à penser que le temps est venu de réfléchir sur l'héritage de l'empire. L'outre-mer doit cesser d'être le lieu sacré de tous les consensus les plus mous. Un pays comme la France, qui est capable de survivre à une diversité telle qu'il maintient le lien entre une population majoritairement musulmane, comme à Mayotte, un territoire habité par des Amérindiens et des nègres marrons se réclamant du droit coutumier, comme en Guyane...

M. le Président - Il faut vraiment conclure ! Ne m'obligez pas à couper le micro !

Mme Christiane Taubira-Delannon - ...un statut de souveraineté partagée, comme en Nouvelle-Calédonie, a certainement des ressources insoupçonnées pour affronter la différence et cultiver l'altérité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Avec 2 500 excuses, Monsieur le Président ! (Sourires)

M. Philippe Chaulet - Les orateurs précédents ont largement commenté votre budget, pour en souligner les uns les vertus, les autres les insuffisances. En ce qui me concerne, votre budget m'inspire les mêmes réflexions que celui de l'année dernière et je pourrais reprendre mot pour mot mon intervention du 23 octobre 1998, pour vous interroger sur l'utilité de votre budget face à la crise extrême que traverse l'outre-mer.

Ce budget ne répond en aucune manière aux aspirations de l'outre-mer et encore moins à celles de la Guadeloupe. Il est sans portée, sans relief ni dynamisme, pour ne pas dire atone, en un mot, sans perspective d'avenir.

Vous avez pu mesurer l'intensité du «domo-pessimisme» qui plombe les sociétés de la Guadeloupe et de la Martinique. Croyez-vous que vos actions d'insertion, vos actions sociales et culturelles sauront raviver l'espoir d'un meilleur lendemain en Guadeloupe ?

Croyez-vous sincèrement que l'augmentation artificielle de votre masse budgétaire vous permettra réellement de satisfaire le besoin de logement et de créer des emplois durables outre-mer ? Croyez-vous que grâce à ce document budgétaire, les producteurs de bananes des DOM seront moins exposés aux pressions de la concurrence mondiale ?

Si je ne doute pas de l'honorabilité de vos intentions, je doute de l'efficacité de vos moyens. A vrai dire, votre budget est en fait un acte de gestion courante que votre majorité se chargera d'entériner.

Pour ma part, et sans hypocrisie, je dis d'ores et déjà que je ne voterai pas ce texte, puisque c'est un tout autre débat que j'attends, portant sur des mesures propres à assurer le développement économique et social des sociétés des DOM qui se veulent responsables pour construire leur avenir.

Des mesures d'extrême urgence s'imposent face à des situations locales d'extrême tension.

En Guadeloupe, la situation, plus que tendue, se caractérise : par le manque de compétitivité des entreprises, en raison des surcoûts dus à l'éloignement et à l'insularité, d'une part et, d'autre part, à des grèves à répétition du fait d'un intégrisme syndical ; par des taux bancaires supérieurs de 2,5 % en moyenne aux taux européens ; par des charges sociales excessives ; par une forte concurrence des produits et services européens et caraïbéens ; enfin, par un endettement important des entreprises, en particulier des agriculteurs.

Dans ce contexte atypique, vous gérez encore les affaires avec les instruments que la droite vous a laissés : la loi Pons, que vous avez passablement défigurée, et la loi Perben, que vous voulez proroger.

En vérité, vous êtes à la recherche d'une stratégie globale pour l'outre-mer, et les rapports Mossé, Lise-Tamaya et Fragonard vous ont fourni une matière première destinée à pallier l'absence de politique gouvernementale cohérente et constructive pour notre département. Voilà maintenant votre doctrine définie ! Reste à espérer que les mesures qui figureront dans le projet de loi d'orientation prendront corps rapidement ; mais j'en doute fortement.

Si vous déposez votre texte au début de l'année 2000, votre réforme ne sera opérationnelle qu'à la fin 2000, ou même début 2001. Et c'est sans compter les délais nécessaires pour publier les décrets d'application !

Vous nous proposez aujourd'hui un budget sans relief ; demain, vous nous soumettrez un projet d'application différée, et d'ores et déjà orienté. Le débat actuel est vide de symbole, et la croissance dont on ne cesse de nous parler au niveau national n'apparaît pas au niveau local.

Je souhaiterais partager l'euphorie du Gouvernement, mais le contexte dans lequel je vis me l'interdit.

Monsieur le ministre, les cinq minutes dont je disposais ne m'ont pas permis de vous poser un certain nombre de questions concernant la banane, l'emploi en Guadeloupe, le logement en accession différée, les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy et le transport terrestre de personnes. Je vous les ai donc transmises et je vous remercie de bien vouloir y répondre, même si la procédure est peu orthodoxe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Alfred Marie-Jeanne - Je n'ai pas l'habitude de me plaindre, mais le délai de cinq minutes qui m'est imparti me paraît bien court, Monsieur le secrétaire d'Etat, pour exposer les réflexions que m'inspire ce budget.

Il connaît une mini hausse de 1,75 % pour les DOM, déduction faite des divers montants en provenance d'autres ministères. Néanmoins, l'amorce de regroupement des crédits doit se poursuivre et devenir la norme, pour une meilleure utilisation des fonds publics.

Cela dit, votre budget ne saurait se satisfaire d'un simple réaménagement.

En ces temps de crises et d'incertitudes, il doit insuffler une direction nouvelle et forte, en impulsant enfin le développement tant attendu par tous.

A cet effet, la mobilisation de moyens appropriés et modulés selon les secteurs les plus prometteurs devrait s'imposer sans plus tarder.

En fait, il conviendrait de se concentrer sur deux fronts à la fois : celui de l'existant, en cherchant à combler le retard criant, en maints domaines, tels que la politique sociale du logement ; celui de l'innovation, qu'il faut encourager pour ne pas se laisser distancer de façon irrémédiable.

Votre budget répond-il à ces exigences et à ces attentes ? J'ai le sentiment qu'il est amputé du deuxième volet et que l'assistance si déplorée par ailleurs, est érigée par commodité en seul outil de la politique économique. Pourtant, une profusion des mesures dites de solidarité ne saurait tenir longtemps lieu d'une politique de développement harmonieux, endogène et durable.

Pourtant, les rapports ne vous ont pas manqué : il y eut, coup sur coup, le rapport Mossé sur l'économie, qui mit en lumière le privilège donné aux importations au détriment de la production interne ; puis le rapport Fragonard sur l'emploi, qui a montré que le chômage atteignait des sommets en Martinique -30 % de la population active touchée, soit 50 000 personnes, dont 884 diplômés de niveau bac+4- et qu'on y importait pourtant de la main d'_uvre en prenant le risque d'aggraver l'exclusion de nos compatriotes qualifiés. Enfin, vint le pseudo-rapport Lise-Tamaya, sur les institutions, qui semble, lui, avoir eu toute la faveur, toute la tendresse fraternelle du Gouvernement bien qu'il «s'enlise» dans des complications à nulles autres pareilles. C'est, tout de go, la démocratie qu'on y propose de violenter : ne recommande-t-il pas de n'envisager le moindre déblocage institutionnel qu'après que 60 % des élus des deux conseils s'y seront déclarés favorables ?

Ainsi, voici venu l'ère du rafistolage, au moment où les peuples aspirent à la reconnaissance de leur identité, à la coopération et à plus de souveraineté !

Sans être alarmiste, je veux tirer la sonnette d'alarme. Budget après budget, plan après plan, la situation n'a cessé d'empirer. La canne ? Déjà au musée ! Le rhum ? En passe d'être discriminé par les directives européennes ! L'ananas ? Passé à la trappe ! La banane ? Fortement contestée par l'OMC ! Le dialogue social ? Faussé ! Tels sont quelques-uns des ingrédients jetés dans la marmite sociale, mais il faut aussi y ajouter une responsabilité réduite à rien pour les élus. C'est Bruxelles qui directive, Paris qui légifère et l'administration qui réglemente. A tout propos et hors de propos, vous nous ressortez la sempiternelle rengaine assimilationniste. Et pourtant, que d'atouts à valoriser ! C'est l'agriculture à diversifier et ses produits à transformer pour couvrir un maximum de besoins. C'est le tourisme à aider pour en faire un facteur d'entraînement, c'est le transport à réaménager et à moderniser, ce sont la pêche et l'aquaculture à pratiquer de façon scientifique, les secteurs industriels novateurs à encourager, les énergies renouvelables à enfin exploiter pour en finir avec une totale dépendance.

N'oublions pas non plus que la Martinique se trouve enchâssée dans la Caraïbe ; la pire des politiques de coopération serait de vouloir la confiner dans le rôle de simple relais d'intérêts.

Les temps ne sont plus où l'on pouvait télégouverner. Une loi programme d'initiative commune, assortie d'un bond en avant institutionnel et soumise à référendum populaire, apparaît plus que jamais opportune, nécessaire et salutaire.

Continuer avec le tourne-en-rond habituel «kon an topi mabial» c'est se condamner à l'absurde. «Il n'y a que l'obscurité qui puisse servir de défense à ce qui est absurde», disait John Locke, Hegel observant : «A ce dont un esprit se satisfait, on mesure la grandeur de sa perte».

Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut savoir s'affranchir des sirènes de l'absurde et des ramollisseurs de consciences. Ne tergiversez pas. Accompagnez plutôt l'histoire en misant sur un partenariat débarrassé de tout complexe, de toute arrière-pensée rétrograde, de toute tutelle sclérosante !

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis - Très bien !

M. Camille Darsières - Avec ce budget, vous vous attaquez aux maux de l'outre-mer : il est par exemple excellent d'avoir augmenté le fonds pour l'emploi... pourvu aussi que l'on aide les jeunes à appréhender plus sereinement le terme de ces cinq années, lorsqu'ils cesseront d'émarger aux emplois-jeunes. Il importerait donc de vérifier que les employeurs leur assurent une formation.

Excellent encore de donner aux acquéreurs de terrains situés dans les 50 pas géométriques l'aide promise... pourvu que soient prises en compte les circonstances de l'occupation : la faillite de l'économie sucrière a poussé des milliers de chômeurs à chercher embauche au chef-lieu ou dans les bourgs qui, à quatre exceptions près, se situent sur la côte. L'Etat ne faisant rien pour l'habitat social, ces chômeurs ont occupé la zone des 50 pas géométriques, qui était abandonnée. Or, proche de la mer et de la mangrove, cette zone s'est révélée mal appropriée à la construction, en sorte que, souvent, il ont dû fabriqué à leurs frais et de leur sueur, le sol sur lequel ils ont bâti. Il serait donc injuste de le leur faire payer.

Excellent encore de faire un effort pour les constructions scolaires... pourvu qu'on n'oublie pas la grande misère des 259 écoles primaires de nos 34 communes. Rien qu'à Fort-de-France, une quinzaine ont besoin d'être consolidées, voire reconstruites.

Mais tous ces efforts budgétaires risquent d'être mis à néant si devait persister à la Martinique un désordre social récurrent -grèves qui sont autant de souffrances pour les travailleurs, refus absurdes de négocier, suicidaires pour les entreprises, barrages de route, paralysie du port, le défaut de dialogue social fait le lit de populistes, soutenus par une alliance confusionniste de conservateurs en mal de promotion et d'indépendantistes en panne de projet, le tout sur fond de mal-être pour le travailleur, dans un pays aux 35 % de chômeurs ; et de mal-être pour le citoyen, dans un pays excentré où chacun sent que ses élus n'ont aucune prise.

Le mal-être du travailleur, c'est la loi d'orientation qui devra s'y attaquer. Préparée notamment par les rapports Lise-Tamaya et Fragonard ainsi que par la mission de la commission des lois, ce devrait être une loi de développement apportant enfin à nos agriculteurs surendettés, à nos marins-pêcheurs délaissés, à nos artisans et artistes, à nos PME-PMI et à notre jeunesse la thérapeutique dont ils ont besoin.

S'attaquer au mal-être du citoyen ? Je renvoie au constat que faisait Aimé Césaire devant le général de Gaulle, en mars 1964 : «... La France a fait dans ce pays une _uvre admirable... elle a forgé l'homme. Mais que serait cet homme si, pour prix d'avantages matériels, il était amené à abdiquer son âme ?...». A Gaston Defferre présentant la grande loi de décentralisation, Césaire, toujours, confiait de cette tribune en juillet 1981 : «... malgré les mesures que vous proposez et dont je ne nie pas l'intérêt, les départements d'outre-mer continueront à faire problème... Toutes les spécificités que j'ai évoquées, il faudra bien que, tôt ou tard, vous les preniez en compte dans un statut qui, de quelque nom qu'on l'appelle, ne peut être qu'un statut spécial».

Alors, il est temps d'approfondir, en partant de ce qui ne peut être nié. Si un peuple est « l'ensemble des gens appartenant à une communauté nationale ou culturelle », les Martiniquais en sont un, ayant été historiquement façonnés par les apports culturels amérindien, européen, africain, indien : un peuple qui n'entend ni se renier ni se replier sur lui-même. Au bout de trois siècles d'histoire commune, nous avons la volonté de vivre ensemble, dans le respect réciproque : qu'en ferez-vous ?

Ce n'est pas la quadrature du cercle, car le droit est matière vivante, que la réalité façonne : à preuve l'article 299 du traité d'Amsterdam, forgé de toutes pièces pour tenir compte de ce que sont les régions ultra-périphériques. Plutôt donc que de faire du juridisme, inspirons-nous du préambule de la Constitution : «La France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires...». Chaque mot ici a son poids : «gérer eux-mêmes, démocratiquement» signifie gérer par des mandataires nommés et sanctionnés par le peuple ; «leurs propres affaires», c'est-à-dire toute les affaires qui exigent d'être traitées par les seuls élus du terrain. Les attributions doivent être simples et claires et, d'abord, dévolues à une assemblée unique. Il faut que rien de ce qui relève de la communauté nationale ne soit l'affaire des élus locaux, sauf à solliciter leur avis lorsque le pays d'outre-mer est concerné.

En corollaire, rien de ce qui est proprement martiniquais ne devra être exclu des compétences du peuple martiniquais, même si l'Etat devra être invité à dire ses observations. Faute d'imbrication des prérogatives des élus locaux et des droits de l'Etat, Paris ne pourra plus s'arroger la faculté d'annihiler les initiatives locales et il ne restera plus aux nostalgiques de la centralisation qu'à faire une petite révolution culturelle... S'il faut un nom à cette structure institutionnelle, je n'en vois pas d'autre que l'autonomie.

Soigner le mal-être du citoyen suppose que l'on sorte du ronronnement de phraseurs sans imagination et de la logorrhée sciemment trompeuse des indépendantistes. Pour faire renaître la confiance en soi du Martiniquais et le motiver à construire son pays, en solidarité avec la France, il faut un climat de clarté institutionnelle qui, seul, encouragera l'investissement, la création d'activités économiques nouvelles, d'emplois nouveaux.

C'est pour que les efforts budgétaires, dont nous vous savons gré, Monsieur le ministre, ne soient pas vains que je dis ma conviction qu'en même temps qu'il prépare une loi de développement durable, le Gouvernement doit _uvrer au support d'authenticité politique d'où renaîtra la paix sociale, indispensable à la relance de notre économie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Pierre Petit - Après l'excellent débat qui s'est tenu ici-même le 23 octobre 1998 et après toutes les résolutions prises par le Gouvernement, on pouvait s'attendre à ce que ce budget ouvre une nouvelle ère dans les relations politiques entre l'Etat et nos régions.

Cependant ni les rapports, ni le tonitruant voyage du premier ministre aux Antilles n'ont laissé filtrer la moindre décision ni même le moindre changement d'orientation.

Certes, les crédits relatifs à l'action de l'Etat en matière d'emploi et de logement augmentent mais je m'interroge sur l'ambition réelle de ce budget, qui ne comporte aucun élément annonciateur de la loi d'orientation promise pour le printemps prochain.

Ce n'est pas une simple tension conjoncturelle qui frappe l'outre-mer et singulièrement la Martinique, mais une véritable crise structurelle dont la solution ne peut être que politique.

Alors que chaque année, depuis dix ans, les crédits augmentent, la situation sociale ne cesse de se dégrader.

Si le chômage a commencé à décroître en métropole, il a augmenté de 4,9 % en un an à la Martinique et les érémistes y sont désormais 25 000. Dans le même temps, les principaux supports de notre économie -banane, ananas, rhum, vanille, fleurs- sont progressivement écartés du marché européen.

L'outre-mer ne demande pas davantage de crédits mais voudrait que l'on dépense moins en dépensant mieux. Cela vaut tant pour la politique du logement social que pour celle de l'emploi. Nous voulons seulement que l'on nous aide à mettre en synergie notre potentiel endogène.

En attendant la loi d'orientation, je me ferai le porte-parole d'une Martinique en quête d'un avenir meilleur, qui attend que l'Etat accepte de lui donner des moyens politiques et financiers mieux adaptés à une nouvelle dynamique de développement. Les Martiniquais veulent poursuivre avec la France et avec l'Europe sur la voie de la coexistence, tout en affirmant leur identité et en préservant leurs capacités productives. Le rôle de l'Etat pourrait être ici primordial si le Gouvernement acceptait d'abandonner le centralisme jacobin qui domine les relations de l'Etat avec les départements d'outre-mer, notamment en mettant en _uvre un nouveau partage des compétences et en confiant aux élus locaux les leviers de commande de l'action économique et sociale. Cela rendrait plus efficace la lutte contre le chômage et stopperait le dépérissement social de nos régions où la délinquance liée au trafic de stupéfiants s'aggrave. Il faudrait pour cela favoriser une nouvelle dynamique fondée sur l'entreprise et l'initiative privée.

Il conviendrait aussi que le Gouvernement imagine un nouveau statut fiscal et social pour l'entrepreneur, pour l'entreprise et pour toutes les activités porteuses de croissance et créatrices d'emplois. Ce statut devrait s'accompagner d'un nouveau mécanisme de financement de l'économie comprenant non seulement des incitations fiscales de type loi Pons ; mais aussi la création de fonds locaux de développement, financés pour partie par l'épargne populaire.

Monsieur le secrétaire d'Etat, empêchez que les DOM deviennent le quart-monde de la mondialisation ! Nous ne sortirons pas de l'engrenage assistance-chômage sans une volonté politique forte du Gouvernement.

Quelques questions, enfin, relatives aux préoccupations de mes compatriotes.

A quand la nécessaire évaluation de l'impact du droit, en particulier de la loi Sapin, sur la Martinique ? Ne faudrait-il pas associer des juristes des DOM à l'élaboration des décrets d'application qui nous concernent ? La loi est en effet souvent affadie quand elle arrive de l'autre côté des océans.

Jusqu'à quand votre gouvernement continuera-t-il à refuser de se saisir avec nous du dossier du personnel non titulaire des communes ? Vous le savez, nos collectivités ne pourront pas répondre favorablement à toutes les légitimes demandes de titularisation, ce qui nuira à la paix sociale.

D'autre part, je suis convaincu, à l'instar de nombre de mes compatriotes, que dans cette petite île de 80 kilomètres sur 30 qu'est la Martinique, s'il y avait une volonté forte d'empêcher l'arrivée de la drogue, nous pourrions éviter la flambée de toxicomanie qui mine la sécurité et le développement.

Enfin, je vous exhorte une fois de plus d'essayer d'obtenir que la région nord Caraïbe de la Martinique soit mise en zone franche. C'est sa seule chance de développement, notamment pour le tourisme.

Je voterai votre budget en reconnaissant votre bonne volonté et vos efforts de compréhension mais, de grâce, hâtez-vous de ne pas nous décevoir (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Anicet Turinay - L'Assemblée s'apprête à se satisfaire d'un budget en augmentation pour les départements d'outre-mer. La progression de 13,6 %, comprend un transfert de plus de 326 millions en provenance des ministères de l'éducation nationale, de l'économie, de la jeunesse et des sports et destiné à la mise en _uvre de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie. Un transfert de 291,7 millions financera, dans le cadre du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, les contrats emplois consolidés et un transfert de 44,75 millions alimentera le nouvel article relatif à l'emploi, à la formation et à l'insertion à Mayotte.

Déduction faite de ces transferts, l'augmentation de la dotation budgétaire se réduit donc à 1,76 %...

Comme à l'accoutumée, le budget des DOM privilégie l'emploi, l'insertion, le logement. Ainsi, 2,5 milliards sont consacrés à l'emploi dont 2,1 milliards au fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour le logement, 918 millions sont inscrits en crédit de paiement, 96 millions pour la résorption de l'habitat insalubre.

Mais cela n'entraînera aucune amélioration sociale dans les DOM. A la Martinique, notre taux de chômage culmine toujours à près de 30 %, malgré les emplois-jeunes, les CES, les CIA. Le nombre de RMistes ne cesse d'augmenter. Le climat social se dégrade fortement, la délinquance et la toxicomanie progressent. L'exclusion s'aggrave ainsi que l'alcoolisme et la mendicité. De nombreuses grèves paralysent notre île pendant des semaines, voire des mois. Blocages du port, de l'aéroport, des routes, occupation du domaine militaire, non-respect du droit au travail des salariés non grévistes, tout cela tue peu à peu notre économie. A la suite des grèves de 1998, on dénombre plus de 900 faillites et il devrait y en avoir 30 % de plus en 1999. Les principaux secteurs d'activité, l'agriculture et le tourisme, sont en déclin. La formation des jeunes n'est toujours pas à la hauteur de leurs attentes. Ils se dirigent de plus en plus vers les filières techniques afin d'avoir un diplôme procurant des débouchés. On manque de places dans ces filières qui sont pourtant les plus adaptées aux besoins du marché de l'emploi. Pourquoi ne pas former plus de jeunes sur place, ce qui limiterait le coût de la mobilité ? Nous avons outre-mer nombre de personnes suffisamment formées pour dispenser un bon enseignement. L'école doit en outre s'impliquer davantage dans la formation du sens civique des élèves. Les structures d'encadrement pour endiguer l'errance des jeunes qui consomment de plus en plus de drogues dures sont très insuffisantes.

Peut-on croire que le transfert de flux financiers suffira à arrêter l'hémorragie ? Il est évident que la politique que le Gouvernement pratique à la Martinique n'est pas adaptée à ce département. J'appelle donc de mes v_ux une politique plus audacieuse. On tient trop compte des susceptibilités pour gérer les affaires outre-mer ; la politique du Gouvernement dans les DOM n'est pas assez courageuse. Nous demandons plus de responsabilité, mais l'Etat doit tout mettre en _uvre pour nous aider à l'exercer. Il doit assurer le maintien de l'ordre et veiller à ce que la vie économique ne soit pas entravée. A quoi servent les incitations fiscales à l'investissement si les entrepreneurs et les investisseurs ne peuvent être assurés du maintien de l'État de droit ?

Dans mon département, les élus locaux, notamment les maires, sont parmi les plus grands pourvoyeurs d'emplois, mais le personnel fait fortement pression pour la titularisation des contractuels. Or les communes ne disposent pas aujourd'hui des moyens financiers suffisants pour supporter l'augmentation de la masse salariale qu'elle entraînerait. Une solution devra être trouvée dans la future loi d'orientation. Nos difficultés tiennent à la grande disparité entre le pouvoir d'achat des salaires du privé et celui du traitement des fonctionnaires.

Lors de son passage à la Martinique les 27 et 28 octobre dernier, le Premier ministre a déclaré : «L'Etat est à vos côtés pour faire face aux crises les plus aiguës». Je souhaite vraiment qu'il agisse pour que la population martiniquaise puisse ressouder le pacte républicain.

Ce n'est pas à coups de subventions que les acteurs économiques seront invités à créer des emplois durables. L'emploi résulte avant tout de la création de richesses. Je fonde donc de grands espoirs sur la loi d'orientation, à condition qu'elle favorise le développement économique. Un dispositif sans précédent d'allégement des charges sociales pour les entreprises les plus fragiles et les secteurs les plus exposés est prévu. Prenons un exemple tout simple : la Martinique produit de l'igname, un des légumes à la base de notre alimentation, mais son coût de production est si élevé au niveau local, que nous voyons arriver sur nos marchés des Antilles de l'igname produite en métropole et qui, malgré le coût du transport, revient moins cher que la production locale. Conclusion : le Martiniquais mange de l'igname hexagonale et le petit agriculteur martiniquais, en désespoir de cause, s'inscrit au RMI.

En ce qui concerne les cultures d'exportation, je souhaiterais savoir comment l'Etat envisage de défendre à Seattle les productions agricoles des DOM, et notamment la banane.

A la Martinique, pratiquement tout ce que nous consommons est importé. Il faudrait promouvoir la commercialisation et l'écoulement des produits locaux sur nos marchés. A ce propos, les chefs d'entreprise m'ont fait part de leurs inquiétudes quant à l'évolution des dispositifs protecteurs que sont la défiscalisation, l'octroi de mer et les mécanismes agricoles européens. En outre, ils manquent de moyens pour faire face aux conflits sociaux, ne pouvant compter sur le soutien des établissements de crédit. Toutes ces craintes freinent leurs perspectives d'investissements et limitent leur capacité d'embauche.

Il faut encourager l'emploi et non le chômage. En métropole, 15 % des allocataires du RMI le perçoivent pendant plus de cinq ans sans pouvoir retourner à l'emploi. Je vous laisse imaginer ce qu'il en est dans les DOM. Il faut renforcer les contrôles et modifier les dispositifs sociaux actuels. Faisons une loi courageuse, sans tabous. Dans son rapport, M. Bertrand Fragonard nous donne de très bons axes de travail. Nous devons encourager les bonnes volontés prêtes à investir. Il faut prolonger le dispositif de la loi Perben.

Nous devons en outre mener une véritable politique de coopération régionale et l'organiser en signant des accords et des conventions tendant à faciliter la circulation des biens, des services et des personnes. La politique étrangère de la France doit venir au secours des DOM. Il est nécessaire de maîtriser l'anglais et l'espagnol pour communiquer avec les pays de la zone Caraïbe, le créole que nous utilisons avec nos plus proches voisins étant peu répandu.

Il faut aider les entreprises des Antilles et de la Guyane à conquérir des marchés dans la région. L'Etat n'exploite pas cette opportunité que représente l'existence des départements français d'Amérique.

Il ne s'agit pas seulement, comme l'a dit le Premier ministre, d'amitié et de solidarité avec nos voisins. L'amitié et la solidarité existent depuis longtemps entre nous, elles sont même spontanées compte tenu de nos similitudes culturelles. Il faut aller plus loin, renforcer le rôle économique des DFA et les associer aux pays ACP pour remédier à certains problèmes graves, comme le trafic de drogue. Les assemblées locales doivent avoir davantage de pouvoir. Il faut aussi faciliter l'obtention des visas et revoir notre politique des transports. Un vol de la Martinique à la Guyane, qui dure deux heures, coûte actuellement plus cher qu'un vol de huit heures pour Paris !

Monsieur le secrétaire d'Etat, votre politique n'est pas assez ambitieuse pour que j'adopte votre budget, à moins que vous me garantissiez de prendre en considération mes remarques dans l'élaboration de la future loi d'orientation.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Je veux, en premier lieu, remercier les rapporteurs pour leur travail et leurs remarques.

Comme je m'y étais engagé devant vous le 23 octobre 1998, à l'occasion du débat consacré à l'outre-mer, le Gouvernement présentera au Parlement, au début de l'année prochaine, un projet de loi d'orientation relatif aux DOM. Ce texte a été préparé tout au long de cette année 1999.

A l'occasion de sa récente visite en Martinique et en Guadeloupe, le Premier ministre a indiqué les lignes de forces du projet. Il y a un peu plus de cinquante ans, la départementalisation a traduit dans les institutions l'aspiration de nos compatriotes des Antilles, de Guyane et de la Réunion à l'égalité civique et sociale. Il est temps, maintenant, de favoriser dans les DOM un développement économique qui leur permettra de répondre au défi démographique et qui respecte les mesures sociales et écologiques de notre pays et de l'Europe.

Je veux, comme plusieurs orateurs m'y ont invité, préciser le calendrier. Dans les prochains jours, un document d'orientation, arrêté par le Premier ministre, sera transmis aux parlementaires, aux élus locaux, aux responsables économiques et sociaux. Ce document sera également soumis aux autorités de l'Union européenne. Lorsqu'il sera finalisé, le projet sera présenté aux assemblées locales, dans le respect des dispositions statutaires, avant qu'il ne soit arrêté par le Gouvernement, puis soumis à votre examen au premier semestre 2000. Je souhaite, comme MM. Hoarau et Chaulet, que le travail parlementaire permette de parvenir à un vote avant la fin de l'année prochaine.

L'effort global pour l'outre-mer, tous ministères confondus, progresse de 2,85 %, passant d'un peu plus de 56 milliards à près de 58 milliards. Cette progression est plus que trois fois supérieure à la moyenne nationale.

On peut regretter, comme MM. Moutoussamy et Jean-Baptiste, que nous ne discutions pas de l'ensemble de ces crédits. Je m'efforcerai de vous en donner les principales évolutions.

Concernant mon secrétariat d'Etat, le budget s'élève à 6,36 milliards, en hausse de 13,6 %, ce qui porte la progression des crédits de l'outre-mer enregistrée depuis la constitution de ce gouvernement à 31 %. Pareille augmentation n'avait jamais été enregistrée depuis les transferts sur ce budget de la ligne budgétaire unique et du fonds pour l'emploi dans les DOM.

A périmètre constant, la progression est de 2 %, soit plus du double de la moyenne.

Un transfert de 405 millions fait suite à l'adoption de la loi organique du 19 mars 1999, relative à la Nouvelle-Calédonie. Le montant des dotations me semble réaliste.

MM. Caullet et Bussereau m'ont interrogé sur la mise en place des nouvelles institutions prévues par l'accord de Nouméa. Le gouvernement a été constitué en juin 1999, sous la présidence de M. Leques et sur la base des représentations au Congrès. Après une période de rodage, j'ai bon espoir qu'il trouve sa cohésion.

S'agissant de l'emploi, le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer bénéficie de l'inscription des moyens correspondant au financement des contrats emploi consolidé ainsi qu'aux mesures propres à Mayotte. Techniques en apparence, ces mesures traduisent une véritable ambition politique. Le secrétaire d'Etat à l'outre-mer dispose désormais de l'ensemble des moyens inscrits au budget de l'Etat en faveur de l'emploi dans les DOM. De la même manière, une dotation unique regroupe désormais le financement des actions en faveur de l'emploi, de l'insertion et de la formation professionnelle à Mayotte.

Alors qu'en métropole on assiste à une diminution du nombre des demandeurs d'emplois, la situation outre-mer demeure préoccupante. On assiste à une stabilisation du chômage dans les DOM, à un niveau deux à trois fois supérieur à celui de la métropole. Comme l'a indiqué M. Tamaya ces mauvais résultats ne sont pas dus à un manque de dynamisme économique, mais s'expliquent par la croissance démographique..

Les charges des entreprises seront allégées.

Je veux dire à M. Chaulet que l'article 72 du projet de loi de finances que vous allez voter tend à prolonger la loi du 25 juillet 1994.

S'agissant de la coopération régionale, elle sera renforcée, y compris dans sa dimension économique.

J'indique à M. Hoarau que la circulaire sur les emplois-jeunes dans les DOM est actuellement examinée au ministère de l'emploi et que 30 contrats d'emploi consolidé vont être conclus pour la coopération dans l'océan Indien.

Les crédits consacrés à l'emploi et à l'insertion progressent de 16,2 %.

Doté de 2,1 milliards contre 1,8 milliard, l'an dernier, le FEDOM permettra de financer 58 000 nouvelles solutions d'insertion. En particulier, 7 000 contrats d'emploi consolidé seront financés par le FEDOM, pour un coût global de 292 millions .

Le FEDOM subventionnera aussi 3 000 emplois-jeunes supplémentaires ce qui portera leur nombre à 11 000, en plus des 137 emplois d'adjoints de sécurité et des 2 500 postes d'aides éducateurs créés à ce jour.

Pour Mayotte, une dotation de 55 millions est dégagée, ce qui permettra de gérer de manière plus fine le dispositif d'insertion et de formation professionnelle. Ainsi, 2,5 millions iront au centre de formation pour adultes qui ouvrira à Sada en l'an 2000.

J'ai été interrogé par plusieurs orateurs sur la situation des agences départementales d'insertion. L'ordonnance sera prise prochainement, après avoir été soumise aux assemblées locales. Elle réglera, dès le début 2000, les questions non résolues. Cette réforme importante va dans le sens de la décentralisation voulue par tous les parlementaires.

Les chantiers de développement se verront dotés, comme l'an dernier, d'un peu plus de 35 millions. Monsieur Buillard, la Polynésie recevra 14 millions comme cette année, et Mayotte 8 millions.

Le service militaire adapté, dont ont parlé MM. Bertrand et Henry Jean-Baptiste, est à considérer dans le cadre de la professionnalisation des armées. Le succès rencontré dans le recrutement de 500 volontaires pour cette année à conduit à créer 600 postes en 2000, ce qui entraîne en contrepartie une réduction de 1 000 du nombre des appelés et la suppression de 80 emplois de gradés. Le budget du SMA sera porté à 507 millions. Aucun centre ne sera fermé et naturellement pas, Monsieur Bertrand, celui du Maroni. Nous compterons donc à la fin 2000 1 100 volontaires, ce qui nous rapprochera du chiffre de 1 800 fixé pour 2002.

Le ministère de l'éducation nationale supporte l'essentiel de l'effort de formation outre-mer, avec près de 18 milliards, soit une hausse de 2,3 %. Un effort sans précédent a été réalisé en faveur des constructions scolaires, bien qu'elles relèvent de compétences décentralisées. 45 millions ont été affectés à la Réunion pour le premier degré, et 36 millions à la Guyane, qui a bénéficié de 40 millions pour le second degré, la Guadeloupe recevant 15 millions. 300 millions figurent dans les contrats de plan pour les lycées et collèges en Guadeloupe et en Guyane. 800 millions seront consacrés à l'enseignement supérieur et à la recherche, deux fois plus qu'entre 1994 et 1999. Nous serons attentifs, Monsieur Buillard, à la situation de nos deux universités du Pacifique.

Le ministère de l'éducation a créé outre-mer, pour l'éducation, 1 253 postes en 1998 et 1 501 en 1999. Comme l'a souhaité M. Asensi, beaucoup d'enseignants originaires d'outre-mer et affectés en métropole pourront revenir dans leur département d'origine.

Les crédits pour la culture et la jeunesse et les sports passent de 4 millions à 9 millions. Nous avons créé avec Mme Trautmann un fonds d'aide aux échanges artistiques et culturels. Nous souhaitons annoncer un fonds analogue pour les échanges sportifs avec Mme Marie-George Buffet.

Dans le domaine de la santé, la dotation pour les hôpitaux augmentera de 3,86 %. Le contrat de plan de la Martinique devrait inclure la reconstruction des hôpitaux du Lamentin. Un effort exceptionnel a été décidé en faveur du centre hospitalier de Pointe-à-Pitre-Les Abymes. En Guyane, les centres de santé seront transférés du conseil général à l'Etat au 1er janvier 2000. A Saint-Pierre-et-Miquelon, le projet de reconstruction du centre hospitalier François-Dunan est bien avancé, tandis qu'à Mayotte l'ensemble mère-enfant est achevé.

Je signerai jeudi la convention de 5 ans avec la Polynésie française, c'est-à-dire la contribution au régime de solidarité territoriale. 195 millions seront versés chaque année à ce titre. 5 millions contribueront en 1999 à l'aide au logement, et la convention organise des dotations de 9 millions sur cinq ans pour la prévention et de 17,5 millions pour la formation des personnels sanitaires. L'agence de Wallis fera l'objet d'une ordonnance, comme en dispose la loi d'habilitation. La CMU s'appliquera dans les DOM dès le 1er janvier 2000, et nous pourrons, avec une subvention de 2 millions, mettre en _uvre outre-mer la campagne nationale en faveur de la contraception.

Les crédits consacrés au logement, mentionnés par Mme Bello, MM. Andy et Chaulet et M. le rapporteur Hoarau, atteignent près de 1,8 milliard si l'on intègre la créance de proratisation. Ils devraient permettre de construire 11 000 logements neufs, d'améliorer 2 400 logements et d'aider 2 200 familles dans le cadre de la résorption de l'habitat insalubre.

De même, nous avons élaboré une nouvelle action avec la Fédération nationale des PACT, afin, comme l'a souligné M. Marsin, d'améliorer la gestion de ces institutions. Des crédits sont inscrits à l'article 47 du projet de loi de finances pour appliquer la loi sur les 50 pas géométriques en 2000. Parmi les deux décrets encore nécessaires, celui relatif aux cessions de terrains est en cours de signature.

Pour appliquer l'ordonnance foncière en Guyane, Madame Taubira-Delannon, deux décrets sont encore nécessaires, qui seront examinés demain par le Conseil d'Etat, ainsi qu'une circulaire.

M. Grignon m'a interrogé sur l'évolution des tarifs de transport aérien entre la métropole et l'outre-mer. Cette question s'adresse en premier lieu à Air France. Pour la desserte de Saint-Pierre-et-Miquelon, la compagnie a précisé le 11 novembre que les tarifs actuels seraient maintenus jusqu'au 15 janvier prochain. J'ai cependant demandé à mes services de se mettre en contact avec ceux de M. Gayssot.

Préserver un environnement de qualité constitue outre-mer une exigence fondamentale. Les plans départementaux d'élimination des déchets et les schémas de développement et d'aménagement de la gestion des eaux, pourront commencer à se concrétiser dans le cadre des prochains contrats de plan. De même l'Etat entend favoriser la mise en place de réseaux d'espaces protégés, par exemple des observatoires sur les cétacés ou les tortues, ou encore la protection des coraux, avec la création de l'IFRECOR, initiative française.

Les enveloppes des contrats de plan des DOM, pour la première tranche, progressent. Les crédits fixés le 23 juillet au CIADT d'Arles passent de 3,8 milliards à 4,5 milliards, et les quatre régions d'outre-mer se trouvent déjà en tête dans la répartition des crédits. Cette première enveloppe devrait être complétée d'ici une quinzaine, de même que seront arrêtées les enveloppes de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie, de Wallis-et-Futuna, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Déjà, dans le budget 2000, figure un volume de crédits tenant compte des opérations prévues et aussi des retards de paiement évoqués par M. Auberger. Les crédits du FIDOM progressent en conséquence de 205 millions à 220 millions, à rebours de la tendance antérieure. Les crédits du FIDES vont également remonter, consolidant les FIP de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie.

Monsieur le rapporteur Lambert, vous aviez souligné l'an dernier l'insuffisance des CP pour le FIDOM décentralisé. Une mission est en cours, qui devrait bientôt faire connaître ses conclusions. Une provision très significative sera dégagée à ce titre.

Comme l'ont indiqué MM. Buillard et Vernaudon, la Polynésie bénéficie du fonds de l'après CEP, dont les crédits s'élèvent à 990 millions. Mais sont imputés sur ce fonds une partie des dépenses militaires de démantèlement des installations du SMA, et un montant représentatif des droits de douane. Le système monte toutefois en puissance, puisque les crédits versés à la Polynésie passent de 10 millions en 1996 à 376 millions en 1998, et devraient atteindre 600 millions l'an prochain. Le contrat de développement complétera ces mesures, et comme l'ont souhaité MM. Auberger, Caullet et Vernaudon, l'emploi de ces crédits est soumis au contrôle public. La chambre des comptes sera installée début 2000. L'Etat, je l'ai souligné en Polynésie, n'a pas vocation à s'effacer avec le renforcement de l'autonomie. Il restera un partenaire actif, veillant à la bonne gestion des deniers publics, en particulier dans le domaine du logement. Nous sommes en discussion, au niveau européen, sur l'avenir de l'OCM- banane. La France s'est opposée fermement à la proposition actuelle de la Commission. Le ministre de l'agriculture tente actuellement, au Conseil européen, de rallier nos partenaires à notre position.

Monsieur Grignon, le ministre de l'agriculture a demandé une augmentation de nos quotas de pêche dans la zone de l'OPANO.

Les éléments du dossier ont été transmis à Bruxelles et la question a été évoquée au cours d'une réunion la semaine dernière. Les antériorités de pêche ont été constituées par Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Gouvernement est résolu à maintenir la pression politique sur nos partenaires européens.

En réponse à M. Auberger, je voudrais faire le point sur le nickel de Nouvelle-Calédonie.

Le site de Goro fait l'objet d'un projet de la société INCO. Dans cette perspective, le service des mines et de l'énergie a vocation à être prochainement renforcé du potentiel d'expertise nécessaire. En effet, même si l'environnement est une compétence dévolue aux Provinces, les décisions sont prises par celles-ci sur proposition du directeur des mines en ce qui concerne les installations classées. Le conseil des mines et le comité consultatif des mines, prévus par la loi organique, seront mis en place dès que le transfert des compétences en matière minière sera effectif, c'est-à-dire le 1er janvier 2000.

S'agissant de l'usine du nord, objet des accords de Bercy intervenus avant l'ouverture des négociations politiques qui ont conduit aux accords de Nouméa, il s'agissait pour le Gouvernement de créer les conditions de sa réalisation, promise depuis plus de 30 ans. Les études engagées par l'opérateur canadien Falconbridge, associé à la SMSP, société d'économie mixte liée à la Province nord, visent à un démarrage d'ici 2005.

Tout en vous déclarant favorablement impressionné par les premiers résultats de ces études, vous exprimez, Monsieur Auberger, plusieurs réserves. En ce qui concerne la personne morale chargée de présider l'entité regroupant les titres miniers, qui exécute toutes les dispositions du protocole, la solution du trust a été retenue par les industriels signataires du protocole de Bercy, et non par l'Etat. Dès lors, l'entité ne pouvait être localisée que dans un pays de droit anglo-saxon, le plus proche possible de la France. Telle est la raison du choix de Jersey, qui n'a, du point de vue fiscal, et ainsi que vous l'a précisé le ministre de l'économie et des finances, aucune incidence sur le statut de l'indemnité versée aux sociétés ERAMET et SLN.

En ce qui concerne l'indemnité relative à l'échange des massifs, la somme versée était une provision censée couvrir une charge certaine, dont le niveau exact devait être déterminé dans un délai de six mois. La comparaison que vous faites entre coût d'investissement et valeur des réserves n'est pas pertinente car les gisements d'une compagnie minière peuvent constituer jusqu'à 40 % de la valeur totale de l'entreprise.

En réponse à votre interrogation sur la capacité de la SLN et de ERAMET à rembourser la soulte si le projet ne voyait pas le jour, je vous précise que la part de l'indemnité susceptible d'être remboursée a été placée en fonds monétaires français, de façon à en garantir la liquidité.

L'échange Poum/Koniambo a nécessairement un coût pour la société ERAMET. Ce coût est cependant bien moindre pour la collectivité que celui d'un scénario envisagé par le gouvernement précédent, qui aurait consisté à démanteler ERAMET et donc à désintéresser ses actionnaires minoritaires.

Les relations de la SMSP avec Falconbridge ne concernent pas l'Etat, pour autant que les engagements pris dans le cadre du protocole de Bercy sont respectés par toutes les parties, notamment les obligations d'information sur l'avancement du projet d'usine du nord.

Le protocole de Bercy dote la SMSP d'un actif important qui doit permettre à cette société d'avoir sur le marché bancaire une capacité d'emprunt suffisante pour faire face, aux côtés de Falconbridge, au financement de la construction de l'usine.

Enfin, le dénouement de l'opération de transfert des parts de l'Etat dans ERAMET et la SLN au profit d'intérêts calédoniens devrait intervenir rapidement et faire l'objet d'un examen lors du collectif budgétaire 1999.

Nous devons faire évoluer les modes de financement de l'économie. La loi de défiscalisation a été prolongée jusqu'en 2002, mais beaucoup d'entre vous ont souligné que ce n'était plus un système approprié. Le rôle de l'Etat est bien sûr de garantir les conditions de la compétitivité de nos départements d'outre-mer.

S'agissant des conflits sociaux qui se sont déroulés notamment aux Antilles, nous en avons appelé au dialogue social. Des commissions de conciliation ont été créées par décret fin septembre dans chaque DOM. L'Etat a joué un rôle de médiation, notamment lors du conflit chez Toyota en Martinique, mais il ne peut se substituer aux partenaires sociaux. Il doit veiller, dans le respect du droit de grève, à ce que l'État de droit soit garanti, afin que nos économies d'outre-mer ne soient pas paralysées.

Quelques mots sur les îles du nord de la Guadeloupe. Saint-Martin et Saint-Barthélémy ne peuvent être assimilés, comme l'a fait M. d'Aubert, à des paradis fiscaux ou à des plaques tournantes pour le trafic de drogue et le blanchiment d'argent, même si la coexistence d'une commune française, Saint- Martin, et d'un territoire étranger qui dépend des Antilles néerlandaises appelle une vigilance accrue.

Saint-Martin et Saint-Barthélémy connaissent des contraintes particulières, ne serait-ce que leur éloignement du reste de l'archipel de la Guadeloupe, mais leurs spécificités ne vont pas jusqu'à leur conférer un statut fiscal dérogatoire au droit commun. Le Conseil d'Etat s'est à plusieurs reprises prononcé sur ce point. Le gouvernement précédent avait tenté une réforme du droit fiscal en 1996, mais il s'est heurté au Sénat, au nom du principe d'égalité devant l'impôt. C'est donc dans le cadre du statut de communes du département de la Guadeloupe que des solutions sont aujourd'hui à l'étude. Elles viseront, notamment par le biais de conventions, avec d'autres institutions publiques, à donner à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy une meilleure maîtrise de leur développement.

Monsieur Jean-Baptiste, la situation statutaire de Mayotte, qui a fait l'objet d'une mission de la commission des lois, doit être consolidée. Je souhaite vivement que l'accord tant recherché, ce compromis dynamique dont vous avez parlé, soit signé par les parties.

La situation financière de la collectivité de Mayotte retient également l'attention du Gouvernement. Le dossier de financement par l'AFD est débloqué ; de surcroît, la collectivité pourra disposer avant la fin de l'année d'une dotation exceptionnelle, en attendant les conclusions de la mission de l'inspection générale des finances diligentée par Christian Sautter et moi-même.

Je confirme que la délocalisation du siège des Terres australes et antarctiques françaises vers la commune de Saint-Pierre de la Réunion, est en cours. La livraison des bâtiments est prévue au printemps 2000.

Mme Taubira-Delannon a souhaité un accroissement des moyens de la justice en Guyane. Nous avons transmis cette demande à la Chancellerie. D'ores et déjà, une maison de justice a été créée à Saint-Laurent-du-Maroni et un magistrat a été affecté en surnombre dans la fonction de juge d'instance.

S'agissant des établissements pénitentiaires à la Réunion, Mme Guigou a annoncé une dotation de 200 millions.

En ce qui concerne les méfaits du trafic de drogue et du blanchiment de l'argent, la loi antiblanchiment est pleinement appliquée. Dans les départements français d'Amérique, la France a pris l'initiative d'une véritable coopération avec les pays de la zone. L'action menée par TRACFIN a été complétée par l'implantation d'un échelon de la direction des enquêtes douanières à Fort-de-France et d'une antenne de ce service à Saint-Martin.

En matière de sécurité, les effectifs de la police nationale ont été augmentés de 119 personnes depuis 1997 ; s'ajoute le recrutement de 209 adjoints de sécurité -137 dans les DOM et 72 dans les TOM. Lors de son récent déplacement aux Antilles, le Premier ministre a annoncé des mesures complémentaires. S'agissant de la gendarmerie, la réorganisation des structures dans les Antilles-Guyane s'est ajoutée à l'augmentation des effectifs de 69 gendarmes entre 1998 et 1999.

L'emploi et le développement économique nécessitent, plus que jamais, un soutien actif et résolu de la puissance publique. En 1988, la gauche s'était fixé l'objectif de l'égalité sociale, tournant la page de la parité sociale. Les députés de la Réunion ont placé l'alignement du RMI au centre de leurs préoccupations ; chacun conçoit que cette mesure doit se réaliser par étapes et parallèlement à des actions en faveur du retour à l'activité. Le Gouvernement fera connaître sa position dans les prochains jours.

J'ai pu constater à l'occasion du forum national des jeunes créateurs d'entreprises d'outre-mer l'existence d'une jeunesse nombreuse, formée et dynamique, qui est une chance non seulement pour l'outre-mer mais pour la nation tout entière. 80 % des lauréats des bourses défi-jeunes créent leur entreprise, contre 30 % en métropole. 70 % des projets primés sont portés par des femmes.

La gravité de la situation économique et sociale de l'outre-mer est un défi que le Gouvernement entend relever. Le dynamisme, la jeunesse, l'enthousiasme qui le caractérisent sont des forces sur lesquelles nous savons tous pouvoir compter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

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QUESTION

M. Alfred Marie-Jeanne - Certaines grosses entreprises de Martinique sont loin de donner la priorité à l'emploi, comme vous dites le faire avec ce budget.

Tout d'abord, France-Télécom délocalise certains de ses services. Après le retrait du service de télégrammes téléphonés, il est question de transférer à Nantes celui de la comptabilité -vingt emplois sont concernés- et celui de l'informatique -huit emplois sont concernés. Une telle décision nuirait aux autres entreprises en leur imposant des délais supplémentaires pour le paiement des factures.

D'autre part, American Air Lines cesse ses activités de transport aérien en Guadeloupe et en Martinique : trente-cinq emplois sont supprimés, dont dix-neuf en Guadeloupe et seize en Martinique. Et sa filiale American Eagle ne reprend pas les salariés de la société mère. On sacrifie ainsi les travailleurs martiniquais dans un pays déjà ruiné par le chômage.

Est-il encore temps d'agir, Monsieur le secrétaire d'Etat, pour éviter de telles hécatombes ?

M. le Secrétaire d'Etat - American Air Lines, dont l'activité fut reprise en 1986 par sa filiale American Eagle avec le même personnel, a fait connaître sa décision de cesser ses activités en juillet 1999. La seule solution offerte au personnel licencié est d'être redéployé sur Paris, sur les Etats Unis ou sur d'autres escales. Dans la mesure où les conditions de licenciement de ces personnels ne semblent pas respecter le droit français, il appartient aux salariés d'user des procédures et voies de recours qui leur sont juridiquement ouvertes.

Quant à France-Télécom, elle a regroupé ses services informatiques en quelques sites ; celui de Martinique a été installé à Nantes. Mais une nouvelle génération d'autocommutateurs sera bientôt installée dans les locaux du Lamentin. D'autre part, d'après mes informations, la légère baisse des effectifs de la direction régionale Antilles-Guyane ne résulte pas de licenciements et les départs de personnels sont compensés en nombre par le développement de la filiale France Caraïbes mobiles, qui est implantée en Guadeloupe et dédiée au téléphone portable.

Enfin, France-Télécom a ouvert une négociation sur les 35 heures et j'espère que, compte tenu de ses obligations de service public, elle sera soucieuse de préserver l'emploi.

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OUTRE-MER

Les crédits inscrits aux titres III et IV et l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits inscrits aux titres V et VI de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 72, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion de la loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, mardi 16 novembre, à 9 heures.

La séance est levée à 20 heures 20.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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