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Session ordinaire de 1999-2000 - 25ème jour de séance, 61ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 16 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite) 2

          ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (suite) 2

          QUESTIONS 16

          PUBLICATION DU RAPPORT
          D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 29

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (suite)

Mme Martine David - Dans votre allocution du 29 septembre au colloque de Lille, Monsieur le ministre, vous affirmiez que l'enseignement professionnel mène à la réussite. Cette conviction, nous sommes nombreux à la partager ; la charte de l'enseignement professionnel intégré et le présent budget traduisent la même confiance. Les chiffres sont parlants : 700 000 élèves ont choisi cette année l'enseignement professionnel. Chaque année 230 000 en sortent titulaires de l'un de ses diplômes. Cinq ans après, 88 % des titulaires d'un CAP ou d'un BEP ont un emploi. L'enseignement professionnel a donc su évoluer pour s'adapter aux besoins des entreprises, et il faut en féliciter tous les acteurs des établissements, enseignants, proviseurs, personnels administratifs et techniques.

Pourtant, cet enseignement n'est toujours pas reconnu comme il le mérite. On constate un double problème de recrutement : celui des enseignants, qui font défaut dans certaines formations, et celui des élèves, qui continuent à bouder certains métiers de la production -« la peur de l'usine », comme disait un proviseur de ma circonscription. D'où ce paradoxe : alors que le taux de chômage reste trop élevé, on manque de main-d'_uvre qualifiée dans certains secteurs.

Il appartient à l'Etat de relever ce défi, dans la suite de ses efforts précédents, en formant les ouvriers et les techniciens dont nos entreprises ont besoin. L'enseignement professionnel intégré apporte des solutions, en associant culture générale et formation professionnelle, école et entreprise, éducation nationale et monde économique. Le développement des contrats de formation, des plates-formes techniques, l'institution des coordonnateurs au niveau des établissements comme des académies, la création d'un Conseil pédagogique de l'enseignement professionnel intégré et d'un Haut comité éducation-économie-emploi dessinent une architecture cohérente. Elle permettra de développer sur le terrain la concertation nécessaire à la bonne insertion des jeunes dans le milieu économique local, et, sur le plan national, de mieux prévoir les évolutions. A ce sujet, pouvez-vous nous informer plus largement sur les missions que vous avez confiées aux coordonateurs et au Haut comité, et sur les moyens qu'ils ont reçus pour les remplir ?

Vous avez par ailleurs annoncé une rénovation des diplômes, pour mieux tenir compte du développement de emplois aux niveaux de qualification CAP et BEP, mais aussi pour distinguer plus clairement les finalités de ces diplômes. Par quels moyens comptez-vous atteindre cet objectif, et améliorer la perception de ces deux formations par les jeunes et par les entreprises ?

Enfin, vous avez exprimé votre volonté d'engager, dès janvier, des réformes importantes. La réduction des horaires hebdomadaires des élèves est une nécessité reconnue par tous. Parallèlement, vous avez souhaité renforcer la formation générale et assurer l'accès de chacun aux disciplines culturelles et sportives et à l'éducation citoyenne. Comment comptez-vous procéder, étant donné que vous avez aussi souhaité -avec raison- un allégement de la charge de travail des professeurs ?

L'enseignement professionnel en France ne doit plus être un enseignement de relégation, un choix par défaut ; la notion d'intégration est à ce titre particulièrement pertinente, et ouvre de réelles perspectives, pour des jeunes qui souhaitent mettre rapidement en application leurs connaissances et pour les entreprises qui peuvent réaliser ainsi un recrutement de qualité

En répondant, mercredi dernier, à ma question d'actualité, Monsieur le ministre, vous avez évoqué la « réconciliation historique » entre l'école et l'entreprise. Je crois, en effet, que l'enseignement professionnel intégré constitue une étape nouvelle, qui pourra rendre à cette filière ses lettres de noblesse et offrir à de nombreux jeunes un véritable espoir de réussite dans des métiers injustement méprisés. Cet espoir, nous aurons comme vous à c_ur de le concrétiser (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Madame la ministre, il ne s'écoule pas un jour sans que les médias évoquent le problème de la santé scolaire ; il concerne en effet toute la population. Il y a cinq ans le conseil général du Rhône a initié, en souhaitant la collaboration du rectorat, la constitution de bassins de santé à partir du collège et des écoles primaires qui le nourrissent. Du CP à la fin de la troisième, les élèves ont ainsi le même médecin, la même assistante sociale et la même infirmière. Cette continuité crée la confiance. Vous-même, Madame la ministre, avez reconnu l'intérêt de l'expérience dans le livret bleu que vous avez diffusé l'an dernier. Elle a été conduite, point essentiel, en ville et à la campagne, et dans les deux cas les établissements ont été satisfaits des résultats. Le recteur a lui-même été si satisfait qu'il a décidé d'utiliser les sommes importantes dont il disposait pour la lutte contre la violence à l'école à la création de nombreux bassins de santé dans l'est urbain du département.

Mais à partir de janvier le rectorat met fin à cette collaboration avec le conseil général. Pourtant, pour que l'opération soit vraiment intéressante, et puisse s'étendre à la région, voire à la France entière, il faut que les zones rurales aussi puissent continuer à s'organiser de la sorte. Ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire de renouveler la convention avec le département, pour créer de nouveaux bassins dans les zones rurales et semi-rurales, sans attendre que la violence s'installe pour qu'on ait les crédits nécessaires ? Il est d'ailleurs à noter que, d'après le dernier recensement, ce n'est pas la première commune urbaine, mais la deuxième, semi-rurale, qui a vu sa population s'accroître. Il serait donc bon de créer de nouveaux bassins de santé avec les établissements qui ne bénéficient pas de ces crédits.

Un problème se pose quant au recrutement des médecins. Je sais que vous êtes favorable à une coopération avec la médecine libérale ; on devrait donc pouvoir trouver des solutions. Une étroite collaboration entre l'Etat et le conseil général est nécessaire pour un travail en profondeur. Il faut s'occuper de la santé physique et mentale des enfants dans la durée, et avec une continuité du personnel. Le développement des enfants l'exige. Je reste donc à votre disposition, comme vice-présidente du conseil général, pour étudier une nouvelle convention, si votre réponse est positive, afin de mener à son terme cette expérience dont vous-même avez reconnu l'intérêt (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Bernard Perrut - Madame et Monsieur les ministres, je pense ne pas être le seul à avoir regretté que vous ne veniez pas devant la commission des affaires culturelles débattre du contenu de cet important budget. J'avoue être moins optimiste que vous au sujet de la dernière rentrée et de l'état de notre système scolaire, mais je me contenterai ici d'évoquer quelques points particuliers, sans vous tenir pour responsables de tous les problèmes.

L'illettrisme. A l'entrée du collège, 20 % des élèves ne maîtrisent pas les compétences de base en lecture. Les carences sont à rechercher dans nos méthodes d'enseignement ; on peut aussi s'interroger sur le rôle de la famille. Ne faudrait-il pas revenir aux apprentissages fondamentaux, développer le soutien scolaire, voire ouvrir l'école à des adultes, des retraités qui viendraient lire et faire lire à l'heure de l'étude ou du déjeuner ?

La santé. La création de dix postes de médecins scolaires n'est pas à la mesure des besoins. Actuellement, un médecin prend en charge 6 400 élèves en moyenne... Il est regrettable que vous vous contentiez d'augmenter les crédits de vacations.

J'insiste sur la nécessité de la prévention. Il conviendrait d'instaurer un enseignement général relatif à la santé, la nutrition et l'hygiène alimentaire. En effet les jeunes se nourrissent mal et doivent être sensibilisés aux méfaits du tabac, de l'alcool et de la drogue. Il ne faut pas restreindre le domaine de l'éducation à l'instruction.

Par ailleurs, vous ne faites rien pour renforcer le rôle des infirmiers et infirmières scolaires, pourtant précieux auprès de l'ensemble des jeunes et indispensable pour l'accueil des handicapés. A ce sujet, je m'inquiète que dans le département du Rhône, 744 enfants et adolescents handicapés n'aient pas été accueillis à la rentrée. Certes, Madame la ministre, vous vous montrez attentive au problème, mais il reste beaucoup à faire.

La violence. Elle s'installe jusque dans les écoles et les villes les plus calmes. Les mesures prises ne répondent pas à toutes nos attentes. Vous avez demandé aux recteurs de veiller à l'application effective des droits des jeunes dans les établissements, mais ne faudrait-il pas aussi parler de leurs devoirs ? Il faut les éduquer à la citoyenneté, leur enseigner le respect des valeurs et des règles de la société. Et que penser des altercations de plus en plus nombreuses entre parents et enseignants ? La France est le pays le plus mal placé en matière de dialogue parents-enseignants et enseignants-élèves. Que comptez-vous faire ? Etes-vous prêts à donner plus de responsabilité et de faculté d'initiative au chef d'établissement ?

Je pourrais aussi évoquer le manque de personnel ATOS, la nécessaire formation des aides éducateurs, l'inadaptation des manuels scolaires, le développement indispensable du partenariat école-entreprise...

Je ne vous cache pas ma déception et celle du groupe Démocratie libérale devant un tel budget, qui s'en tient au quantitatif, en négligeant la réflexion sur la qualité de l'enseignement. Nous ne pourrons que voter contre (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Bernard Birsinger - J'ai déjà eu l'occasion de souligner les efforts faits par le Gouvernement depuis 1998 concernant la santé et le service social dans l'éducation nationale. Au vu de ce qui avait été fait entre 1993 et 1997, nos collègues de droite sont discrédités pour parler de la médecine scolaire !

Néanmoins, Madame la ministre, le temps n'est pas venu de l'autosatisfaction. En effet, comment répondre aux besoins avec une infirmière pour 2 200 élèves, une assistante sociale pour 2 300 élèves, un médecin pour 6 400 élèves ? Comment assurer la campagne d'information et d'éducation sur la contraception que vient d'annoncer Martine Aubry sans moyens humains supplémentaires ? Il en va de même pour toutes les campagnes de prévention. De même, les effectifs actuels empêchent de faire bénéficier tous les enfants des tests de dépistage de la dyslexie ou d'autres défauts handicapants pour l'apprentissage de la lecture.

En Seine-Saint-Denis, je constate l'efficacité des moyens supplémentaires accordés dans le cadre du plan d'urgence. Il faudrait agir partout de cette manière, mais ce projet de budget ne le permet pas : avec la création de 110 postes d'infirmière, 30 postes d'assistante sociale et 10 postes de médecin, nous sommes loin du compte. Le personnel médical et social doit recevoir une formation adaptée et pouvoir montrer de la disponibilité. Lors de leurs récentes manifestations, les infirmières et les médecins ont exprimé le souhait qu'on en finisse avec une logique comptable. Ces personnels font un travail formidable sur le terrain, mais ils ne veulent pas jouer seulement un rôle de SAMU : ils souhaitent avoir une fonction d'éducation à la santé. Vous avez commencé à prendre en compte cette aspiration notamment en créant les réseaux d'éducation prioritaire. Il faut aller plus loin dans cette logique, en créant beaucoup plus de postes.

On ne peut se satisfaire de fausses solutions ; je pense en particulier à votre proposition d'un statut mixte pour les médecins. Le métier de médecin scolaire nécessite beaucoup d'investissement, de travail d'équipe et les vacataires actuels n'ont pas le temps d'exercer en dehors de l'Éducation nationale. Je crois même qu'il faudrait les titulariser car ils représentent près de 40 % des équivalents plein temps. Il faut dans l'éducation nationale une vraie politique de santé publique, dont le rapport de l'IGAS et de l'IGAEN a souligné l'inexistence depuis de trop longues années. Pour cela, il faut dégager les moyens financiers pour créer des milliers de postes d'infirmières, de médecins, d'assistantes sociales et de secrétaires médico-sociales, en commençant dès cette année. Le groupe communiste souhaite que le Gouvernement s'engage sur un véritable plan pluriannuel (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Aloyse Warhouver - La hausse du budget de l'enseignement scolaire -3,6 %- est considérable dans le contexte actuel, d'autant plus que les effectifs scolaires diminuent : ces moyens permettent de donner à nos enfants un enseignement de qualité. S'il reste des cas d'illettrisme et d'échec scolaire, il faut en chercher les causes ailleurs que dans le manque de crédits.

Mon propos portera sur le projet d'école du XXIème siècle. Le temps est révolu de l'instituteur seul au milieu de la classe. La mise en réseau des écoles et l'apport des aides éducateur permettent d'organiser l'enseignement scolaire selon des modes nouveaux. Les communes ont, de leur côté, consenti des efforts pour moderniser les bâtiments, avec l'aide de la DGE et des départements.

Madame la ministre, je vous encourage à persister dans l'utilisation des « emplois-jeunes ». Le soutien scolaire, la gestion de l'informatique ou de la bibliothèque scolaire sont très appréciés des enseignants et des parents.

Les aides-éducateurs ont souvent un niveau d'études suffisant pour enseigner une langue étrangère : pourriez-vous les y autoriser ? Les expériences menées dans plusieurs académies pour enseigner la langue « du voisin » en même temps que la langue nationale donnent des résultats surprenants dans les écoles maternelles. Dans nos régions frontalières, le bilinguisme est indispensable.

M. Germain Gengenwin - Nous sommes d'accord.

M. Aloyse Warhouver - S'agissant de l'informatique, le retard est largement comblé, mais il faut, en contrepartie de cette course au «tout-technologique», que soit maintenu le contact de l'école avec la nature et la terre, car la rupture est trop brutale, surtout dans nos campagnes : je suis conforté dans cette idée par la lecture de l'excellent ouvrage «L'école de la vie» de Mme Lucette Allègre... (Sourires)

Plusieurs expériences de jardins-écoles sont en cours. Il faut les généraliser.

J'insisterai également sur la nécessité d'harmoniser les horaires scolaires, au moins dans un même département, car il est épuisant, pour les parents, d'accompagner leurs enfants et d'aller les chercher à des heures variables d'un établissement et d'une classe à l'autre. Les inspections académiques pourraient, me semble-t-il, y remédier facilement.

Quant à la médecine scolaire, chacun convient que ses moyens sont insuffisants et qu'elle devrait bénéficier de crédits en augmentation pendant plusieurs années encore.

Enfin, les mesures en faveur des enseignants sont appréciables, mais il serait bon d'accélérer l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles et des PEGC dans celui des professeurs certifiés. Cela dit, je voterai ce budget avec plaisir (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Julien Dray - Je voudrais dire, d'entrée de jeu, à certains de nos contradicteurs qu'il est stérile d'opposer le qualitatif au quantitatif (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Qui connaît un tant soit peu notre système scolaire sait que les améliorations qualitatives ne sont pas possibles sans moyens financiers supplémentaires.

M. Pierre Lequiller - Vous enfoncez une porte ouverte !

M. Julien Dray - Si c'en est une pour vous, défendez donc la nécessaire augmentation du budget de l'éducation nationale, plutôt que de plaider à la tribune pour des changements qualitatifs sans souffler mot des moyens sur lesquels ils reposent !

Prenons l'exemple de la réforme des lycées et de ses deux pierres angulaires : les rythmes scolaires et le contenu des programmes. Actuellement, trop d'enseignements fondamentaux sont dispensés l'après-midi, trop d'heures de permanence viennent allonger les journées, tandis que trop d'activités sont délaissées, voire méprisées, comme l'éducation physique ou les enseignements artistiques, alors qu'elles permettraient, nous le savons, de réinsérer un certain nombre de jeunes en difficulté dans le système éducatif. Mais cela suppose, d'une part, que l'on y mette les moyens, et, d'autre part, que l'on affronte, parfois rudement, un certain conservatisme qui consiste à ne considérer que le volume de ce que l'on enseigne, et non la façon dont on l'enseigne. Il faut à la fois resserrer les programmes et les ouvrir à de nouvelles matières.

M. Pierre Lequiller - Tout à fait !

M. Julien Dray - Or, dans certains établissements, le manque d'équipements sportifs, musicaux, artistiques bloque la réforme et empêche de satisfaire les aspirations des jeunes.

En second lieu, le lycée que nous voulons construire est un lycée citoyen, une école de la citoyenneté. Vous avez souvent parlé, Monsieur le ministre, des droits des lycéens, et dit qu'ils devaient être davantage associés à la vie des lycées, mais nombre de responsables d'établissements sont réticents, et ont tendance à considérer les élèves comme des enfants, alors qu'ils sont déjà, pour une grande part, de jeunes adultes. Si nous voulons combattre l'aggravation de la violence scolaire, il ne nous suffira pas de renforcer les systèmes de sécurité à l'entrée des établissements : il y faudra la mobilisation de toute la communauté scolaire, à commencer par les élèves eux-mêmes, qui peuvent contribuer grandement à tempérer les comportements de certains d'entre eux. Il est indispensable que l'élection des délégués soit un moment de vraie démocratie, de débat et d'échange, et que les lycées ne soient plus seulement des lieux de consommation du savoir, mais aussi des lieux d'apprentissage de la vie civique.

Ce sont toutes ces données qu'il faut prendre en considération lorsque l'on débat du budget de l'éducation nationale, et donc des moyens à mettre en _uvre pour réagir. Ce budget est en augmentation, mais il faudra aller plus loin encore dans les années à venir, car l'éducation nationale, outil essentiel pour permettre aux jeunes de s'en sortir, doit recevoir les moyens de sa nécessaire évolution (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Ernest Moutoussamy - Le fait que ce budget bénéficie, en valeur absolue, de la plus forte hausse au sein du budget de l'Etat confirme que l'éducation demeure au premier rang des priorités du Gouvernement, et nous nous en félicitons. Outre-mer, où le retard en équipements et l'échec scolaire sont bien plus importants qu'en métropole, cette priorité doit être marquée plus nettement encore, comme elle l'a été ces des deux dernières années, au cours desquelles ont été créés 2 753 postes chez nous.

Compte tenu de la vétusté des établissements scolaires de Guadeloupe, de la faiblesse des moyens des collectivités et de la forte croissance démographique, une aide exceptionnelle de l'Etat s'impose pour que l'école reste digne de la République. A Saint-Martin, où l'on créait, jusqu'à présent, 10 classes par an dans le primaire, la situation est préoccupante : il faudrait, selon l'administration, 50 classes de plus dans le seul premier degré, un collège et un lycée supplémentaires. Ma commune de Saint-François, dont la population s'est accrue d'un tiers entre les deux derniers recensements, ne peut faire face à l'afflux, et le ministère est resté sourd à mes requêtes.

Que de chemin à parcourir pour atteindre l'égalité des chances ! Si l'école est gratuite depuis Jules Ferry, les communes de Guadeloupe ne fournissent, à deux ou trois exceptions près, ni livres ni matériels aux enfants, alors que le prix des livres est de 20 % plus élevé qu'en métropole, que le chômage fait des ravages et que nombre de familles n'ont d'autres ressources que les allocations. A quand le prix unique du livre et la vraie continuité territoriale ?

Par ailleurs, toutes les études montrent que la pré-scolarisation fait régresser l'échec scolaire. Aussi le projet académique prévoit-il de la développer, notamment dans les ZEP, ce qui requiert l'ouverture de 19 classes dotées d'équipements spécifiques. Ne serait-il pas possible, pour mener à bien cet effort considérable, de proroger le mode de financement des contrats consolidés ?

Enfin, il est nécessaire de veiller à la bonne adéquation, dans les classes maternelles et élémentaires, entre les postes et le profil des enseignants. Il est souhaitable que ces derniers pratiquent le créole, qui est souvent la langue maternelle des enfants ; cela pose le problème du statut du créole, et donc de la ratification de la Charte des langues et cultures régionales. Il convient également de régionaliser la gestion du personnel, de façon à éviter des mutations qui pénalisent les intéressés et les dégoûtent de la fonction éducative. De plus, la Caraïbe étant largement anglophone et hispanophone, il est important que nos enfants soient initiés le plus tôt possible à la pratique des langues étrangères. Est-il envisagé de créer des emplois-jeunes à cette fin ?

Les besoins sont énormes, mais le Gouvernement a déjà montré sa volonté d'avancer. Je voterai ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Joël Goyheneix - Je suis satisfait, comme mes collègues de la majorité, que priorité soit donnée, une fois de plus, à l'éducation : avec 3,56 % de plus, le coup de pouce mérite d'être salué. Je ne reviendrai ni sur les postes maintenus dans le premier degré, ni sur ceux créés dans le second degré malgré la baisse des effectifs : je mettrai plutôt en exergue les 810 créations d'emplois ATOS, tant le déficit est criant et tant la rupture avec certains budgets antérieurs est flagrante.

Encore convient-il de relever une anomalie, qu'il faudra bien corriger un jour. En améliorant considérablement, depuis la décentralisation, les conditions de scolarité, départements et régions ont également agrandi les surfaces à entretenir. Est-il tout à fait normal que l'entretien courant de ces bâtiments neufs incombe à l'Etat et le gros entretien aux collectivités ? N'y a-t-il pas là une source de conflits d'intérêts ? Ne convient-il pas d'aller plus loin dans la décentralisation ?

Cela étant dit, j'axerai mon intervention sur le malaise des corps de direction et de certains corps d'inspection, malaise dont le rapport Blanchet identifie bien les causes : l'alourdissement des tâches, la disproportion entre les responsabilités et les moyens d'action, une impression de solitude et un sentiment d'incertitude. Or les meilleures réformes nécessitent pour être appliquées des personnes de qualité, et ces personnes ne se trouveront sur le terrain qu'à trois conditions. D'abord, sur le plan pénal, il est nécessaire de préciser par la loi le champ des responsabilités ; il n'est pas normal qu'un proviseur soit condamné parce qu'un panneau de basket a, en cédant, blessé un élève, s'il ne connaissait pas le risque. En matière de faute non intentionnelle, seule la responsabilité de la personne morale devrait être mise en jeu. La judiciarisation de la société qui frappe aussi l'école n'encourage pas les vocations.

En second lieu, la fonction de direction doit être mieux définie, et recevoir les moyens de s'exercer ; le rapport Blanchet montre que c'est trop souvent le cas et les chefs d'établissement n'ont guère le temps de se consacrer à leur tâche essentielle : convaincre, animer, diriger.

Enfin le déroulement des carrières est inadapté. Il n'est pas normal qu'un agrégé qui choisit d'intégrer le corps de direction voit sa rémunération stagner, voire diminuer.

Si la France se trouve parmi les nations comptant le plus d'enseignants par rapport au nombre d'élèves, elle connaît un déficit pour les personnels d'encadrement.

Je sais que le chantier est ouvert, et qu'on ne peut pas tout faire en 30 mois. Mais il reste une moitié de législature pour avancer sur ce dossier, en créant le système d'évaluation efficace que suggère le rapport Monteil, et en redéfinissant les missions de ces corps intermédiaires dont on sait depuis Napoléon que ce sont eux qui gagnent ou qui perdent les batailles.

Il en va du succès des importantes réformes que vous avez lancées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Leroy - La dernière rentrée scolaire a fait apparaître les difficultés propres à la région Nord-Pas-de-Calais. Dans l'enseignement pré-élémentaire, le taux de scolarisation est nettement supérieur à la moyenne nationale, mais tend à diminuer, et à effacer une particularité positive pour notre académie.

Dans l'enseignement élémentaire, 152 postes sont supprimés cette année afin de participer, nous dit-on, à la solidarité nationale envers des académies dont la population scolaire augmente, alors que le taux d'encadrement dans notre région est inférieur de 10 % à la moyenne nationale.

Nous approuvons, Madame la ministre, votre directive du 28 octobre 1997, mais force est de constater que les critères strictement arithmétiques ne sont pas abandonnés comme nous le faisait espérer votre lettre du 5 novembre 1997.

D'autre part, nous sommes fortement touchés par la suppression de classes de perfectionnement, dont font les frais les enfants en difficulté.

S'agissant des collèges, les Sections d'Enseignement Général Professionnel Adapté et les Etablissements Régionaux d'Enseignement Adapté permettent un enseignement approprié aux particularités des élèves concernés. Mais le nombre de places dans ces derniers est nettement insuffisant.

Ainsi, les enfants sortant des anciennes classes de perfectionnement et ne pouvant être accueillis dans un type d'enseignement spécifique, se retrouvant dans l'enseignement traditionnel, sont voués à l'échec.

Dans l'Académie de Lille, les effectifs d'enseignants du secondaire diminuent, alors que la demande sociale des jeunes est forte. Ainsi le collectif SOS Rentrée, en particulier dans le bassins de Lens-Liévin a revendiqué des moyens, donc des postes d'enseignants. Intégrer ces jeunes dans le programme jeune de la région Nord-Pas-de-Calais apparaît donc comme un transfert de l'enseignement initial vers la formation continue.

Le nombre de places dans nos lycées professionnels ne permet pas non plus de répondre à toutes les demandes de titulaires d'un BEP, en dépit de la circulaire rectorale de mai dernier, dont nous attendons les moyens de mise en _uvre.

Il arrive souvent aussi que l'orientation première choisie par les jeunes ne soit pas satisfaite, et la rigidité du système des pôles de formation limite le recrutement de jeunes dans des filières porteuses. Ainsi, dans l'arrondissement de Valenciennes, alors que des offres d'emplois existent dans le secteur industriel, les formations sont consacrées au secteur tertiaire.

Une bonne orientation est déterminante pour atteindre le but fixé par les directives ministérielles. C'est-à-dire amener les jeunes au niveau 5.

Enfin, l'Académie de Lille subit la pression exercée sur les effectifs dans la fonction publique, alors que la déconcentration de la gestion de l'éducation nationale va s'accélérant.

Mon intervention, reflet de nombreuses rencontres, montre le chemin qu'il nous reste à parcourir, afin que chaque jeune puisse bénéficier des conditions de formation qu'il est en droit d'attendre (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste) .

M. Lionnel Luca - Pour la première fois, le premier budget de l'Etat dépasse les 300 milliards ; ils augmentent de 3,5 %. Quel décalage cependant entre ces chiffres et la réalité vécue ! Aucun problème n'est résolu ni n'est en voie de l'être (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

La commission d'enquête du Sénat a dressé un catalogue de dysfonctionnements que le budget aurait dû commencer de pallier. Ainsi les enseignants en surnombre sont évalués à 10 000, pour un coût d'environ 3 milliards. Le volant d'heures supplémentaires représente 30 000 postes, soit 10 % des effectifs enseignants du second degré. Le système d'options en lycée est coûteux. Un élève entrant en seconde, déclare un recteur, se trouve face à 130 combinaisons. Le système est parfois détourné par les familles averties de manière à échapper à la sectorisation, ce qui crée une véritable ségrégation entre les établissements. Les décharges syndicales représentent 1 518 postes à temps plein et concernent environ 7 000 agents. La déconcentration du mouvement combinée avec la cogestion peut conduire à accroître ces décharges. La cogestion paritaire monopoliserait à elle seule 220 enseignants pendant deux mois. La division des personnels non affectés en académie aboutit à créer une sortie d'académie virtuelle, la 31ème de France.

On compterait ainsi 15 000 enseignants détachés. 1 150 enseignants sont également mis à la disposition d'organismes divers. Cela n'a pas empêché de retirer à la société des agrégés la seule mise à disposition dont elle bénéficiait. Allez-vous la rétablir ?

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Non.

M. Lionnel Luca - On peut qualifier de rente démographique l'augmentation du nombre d'enseignants alors que celui des élèves diminue. Ainsi, depuis trois ans, le nombre de postes mis aux concours est-il de 30 % supérieur aux besoins.

Enfin, de manière illicite, 1 400 maitres-auxiliaires ont été embauchés en deux ans, si bien que subsiste actuellement un volant de 21 000 MA.

41 000 titulaires académiques n'ont pas d'affectation stable.

Au total votre ministère ne peut pas préciser le nombre d'emplois budgétaires réellement créés en fin d'exercice. De même vous ne connaissez pas l'effectif réel des enseignants.

Si on ajoute à ces dysfonctionnements internes un illettrisme catastrophique qui porte tort à l'égalité des chances, la violence qui dans certains quartiers transforme le quotidien des enseignants en parcours du combattant, l'insuffisance en personnel de surveillance formé et en agents techniques, le besoin en assistantes sociales, en particulier pour les élèves pour lesquels l'école constitue le dernier lieu de socialisation, on mesure combien ce budget est rétrograde et conservateur (Rires sur les bancs du groupe socialiste) .

En témoigne aussi la suppression et le renvoi sine die de l'aménagement des rythmes scolaires qui constituait une grande chance. Il n'y a donc aucune raison de voter ce budget. Le mammouth fait toujours du gras et il s'essouffle !

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Vos rapporteurs ont excellemment décrit ce projet de budget et je les en remercie, ainsi que tous les orateurs qui se sont exprimés dans ce débat. Je regrette que nos discussions en commission n'aient pu être plus longues. Je voudrais dire à l'opposition qu'elle a la mémoire courte. En 1997, vous avez supprimé 3 875 emplois à l'éducation nationale. En deux ans, nous en créons 6 608.

Plusieurs députés socialistes - Ils ont oublié !

M. le Ministre - Dans le budget 1997, vous avez supprimé 100 postes d'ATOS et je ne parle pas des postes de médecins. Votre bilan est accablant et le rapport du Sénat ne dit pas autre chose. En matière d'éducation, tous les gouvernements de droite ont un bilan catastrophique ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Oui, Monsieur Bourg-Broc, je suis prêt à faire le bilan gouvernement par gouvernement. En France comme dans le reste de l'Europe, c'est la gauche qui défend l'éducation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Lequiller - Excessif ! Tout ce qui est excessif est ridicule !

M. le Ministre - Dans vos symposium sur l'éducation, vous n'invitez que des orateurs de la gauche la plus archaïque et vos seules propositions sont celles de Démocratie libérale qui tendent à supprimer le service public ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Je vous invite à vous souvenir du passé et à vous reporter aux chiffres. Il est normal que l'opposition critique. Si vous êtes contre le service public, dites-le !

M. Pierre Lequiller - Nous n'avons jamais dit cela. C'est de la parodie !

M. le Ministre - Vous êtes favorable à l'affaiblissement du service public.

M. Pierre Lequiller - Ridicule !

M. le Ministre - Ce n'est pas ridicule. C'est inscrit dans les chiffres.

Si l'opposition ne joue pas son rôle en reconnaissant quelques points d'accord, le débat ne peut progresser.

Ce budget a le mérite de la cohérence avec notre politique de modernisation et de développement du service public de l'école. Le service public de l'école, c'est un lien particulier entre la République et chaque citoyen pour donner à chaque enfant une chance de réussite à la mesure de ses talents, quelle que soit son origine sociale, là où il se trouve. C'est donner accès à la citoyenneté et à une forme de savoir qui ne doit conduire ni au chômage, ni à l'ignorance dans un monde gagné par la technique. Or, ce patrimoine est menacé. De l'extérieur, par la tentation du marché, d'une éducation marchandise dont certains voudraient que l'OMC se saisisse. L'essor des nouvelles technologies de l'information et de la communication ouvre un large espace aux opérateurs marchands. C'est pourquoi il nous fallait progresser dans ce domaine où nous sommes passés en deux ans du huitième au premier rang européen.

Les menaces viennent aussi de l'intérieur et tendent à faire perdre sa légitimité à notre service public éducatif.

L'essor incroyable des connaissances lance un défi à la structuration rigide des disciplines. Le progrès technique met en question l'organisation traditionnelle du système. Notre système est aussi menacé par ses propres succès, par le développement considérable de la scolarisation. Nous avons tenu la promesse de garantir à tous l'accès aux études ; il nous reste à offrir à tous des chances de réussite. Or, l'école est aujourd'hui trop souvent tenue pour responsable là, où on incriminait jadis la société dans son ensemble. On dit désormais : « J'ai été orienté »...

Face à ces menaces, quelles sont les réponses possibles ? Il y a la réponse « quantitative », qui passe par toujours plus de moyens. Mais l'OCDE a indiqué que si l'on considère le budget intégré de l'éducation et de la recherche, la France se situe au premier rang, à égalité avec la Suède. Alors, où est la limite ? Le budget de l'éducation est déjà de 30 milliards supérieur au rendement de l'impôt sur le revenu ; la dépense par élève du second degré a crû de 60 % en francs constants en vingt-cinq ans. Le budget global de l'éducation, qui est la priorité du Gouvernement, a progressé de 10 % depuis le début de la législature.

Il y a ensuite la réponse nostalgique, qui invoque l'école d'autrefois, ce lycée élitiste qui sélectionnait pour se constituer en sanctuaire dédié à l'ascèse de l'apprentissage pour un petit nombre. Mais cette école-là entretenait une forme de ségrégation sociale en n'accueillant que 400 000 élèves alors qu'elle s'ouvre aujourd'hui à plus d'1 500 000.

Il y a encore la réponse défaitiste de ceux qui ne croient pas au service public et se féliciteraient de le voir dépérir.

Le Gouvernement apporte une autre réponse : la modernisation résolue et cohérente du service public, car loin d'être opposés, modernité et service public sont indissolublement liés. Le Gouvernement fait le choix d'une école ouverte, pivot de la société, qui accueille, qui structure les savoirs et donne des repères.

Quant aux enseignants, ils n'ont plus rien à voir avec des prêtres laïcs isolés ; ils sont des citoyens moteurs des évolutions de la société. L'égalité, c'est la diversité, l'ouverture aux talents les plus divers.

Avec Ségolène Royal, nous conduisons les réformes de fond que nous avons annoncées et qui se mettent en place malgré les conservatismes et les oppositions. L'aménagement des rythmes scolaires n'est pas abandonné, il est adapté pour profiter à tout le monde et pas seulement à ceux qui en ont les moyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La réforme des collèges et des lycées, c'est l'accès aux enseignements artistiques pour tous, le développement des nouvelles technologies, l'enrichissement de l'enseignement des langues avec le concours d'intervenants extérieurs, -nous en avons fait venir trois mille depuis deux ans, parfois de pays lointains. La réforme des lycées, c'est aussi l'aide apportée à l'élève pour qu'il gagne en autonomie, la rénovation de l'enseignement des sciences pour éviter que la désaffection des sections scientifiques ne se poursuive -leurs effectifs avaient diminué de 30 % en trois ans.

Quant à l'enseignement professionnel, il sera désormais conduit en partenariat avec les entreprises, comme cela était réclamé depuis des années. Des discussions auront lieu branche par branche et entreprise par entreprise. Et si des locaux ont fait défaut à la dernière rentrée, la faute n'en incombe ni au ministère de l'éducation nationale ni aux régions, même si certaines, notamment dans le Midi, avaient pris du retard. Nous pourrons les aider à le combler grâce à des emprunts.

Je mentionne seulement la relance des zones d'éducation prioritaire, Mme Royal en traitera plus longuement.

Pour ce qui est de l'apprentissage des nouvelles technologies à l'école, la France est passée du huitième au premier rang européen pour l'accès à Internet dans les lycées et les collèges.

Je traiterai plus longuement de la violence à l'occasion de la présentation de notre plan de lutte II. Notre premier plan a donné des résultats mais nous ne devons pas baisser la garde. Je déposerai un projet de loi permettant au ministre de l'éducation nationale de se porter partie civile en cas d'agression, ce qui ne lui est pas autorisé aujourd'hui. Sachez que nous ne tolérerons aucune violence dans les établissements scolaires, et en premier lieu à l'encontre des enseignants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Avec le programme « Nouvelle chance », nous nous attaquons au difficile problème des 50 000 élèves qui sortent chaque année du système éducatif sans aucun diplôme. Nous avons d'ores et déjà reçu l'aide de nombreux bénévoles -anciens enseignants, militaires, personnels des entreprises...

Nous avons embauché 65 000 aides-éducateurs et nous avons bien l'intention de continuer dans cette voie. Il fallait toutefois s'assurer de l'existence de débouchés réels. C'est pourquoi nous avons momentanément stoppé les embauches que nous reprendrons dès lors que 25 000 contrats au moins auront pu être signés. Pour l'heure, nous n'en avons pas signé 3 000 seulement comme il a été dit, mais 8 000 et le chiffre sera sans doute de 20 000 d'ici à la fin de l'année. La pérennisation de ces emplois est indispensable pour que soit partout garantie l'égalité des chances.

Nous avons créé des bourses au mérite pour les enfants de famille modeste ayant obtenu une mention bien ou très bien au baccalauréat. Ainsi des jeunes qui n'auraient pu autrement accéder à l'enseignement supérieur préparent aujourd'hui l'ENA, l'Ecole normale Sup ou Polytechnique. Voilà ce que nous faisons pour l'égalité des chances (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Pourquoi les bourses de ce type avaient-elles été supprimées ?

Pour commencer de rétablir l'égalité des chances entre les régions, nous avons mis en _uvre un plan de développement spécifique pour la Seine-Saint-Denis et les DOM. Pourquoi cela n'avait-il pas été fait plus tôt ?

Mme Bernadette Isaac-Sibille et M. Pierre Lequiller - Vous avez été douze ans au pouvoir et vous n'avez rien fait !

M. le Ministre - La situation en Seine-Saint-Denis s'était détériorée dans les quatre dernières années, tous les chiffres en attestent.

M. Pierre Lequiller - Bien sûr !

M. le Ministre - Pou rétablir l'égalité des chances, nous souhaitons aussi donner plus à ceux qui ont moins. Nous avons aussi entrepris de combattre le système qui s'était peu à peu institué de cours particuliers payants que seuls quelques-uns pouvaient s'offrir. Ces cours de soutien seront désormais organisés dans les établissements à l'intention de ceux qui en ont besoin et payés par l'Etat. Voilà notre conception de l'école républicaine.

Nous souhaitons aussi ouvrir davantage l'école sur la cité et sur l'entreprise, y accroître la place des intervenants extérieurs, notamment pour les disciplines artistiques et sportives, enfin y renforcer le rôle des parents.

Nous espérons pouvoir y réaliser une synthèse harmonieuse entre le classicisme et la modernité.

Enfin, tâche plus obscure et plus ingrate, nous nous efforçons de remettre de l'ordre dans la gestion (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Personne ne s'y était jamais attelé comme je l'ai fait. Nous avons procédé à un redéploiement géographique indispensable. Nous avons essayé de réduire le nombre de cours non assurés grâce à une meilleure gestion des remplacements. Leur pourcentage est d'ailleurs passé de 7,5 % en 1996-1997 à 3,9 % en 1998-1999 pour tomber à 1,65 % à cette rentrée.

M. Lionnel Luca - Alors, il n'y a plus de raison de défiler !

M. le Ministre - Nous avons rétabli une gestion prévisionnelle des emplois. A cet égard, le Sénat a livré des chiffres fantaisistes, confondant notamment mises à disposition et détachements. Les députés sont par exemple comptabilisés parmi les personnels mis à disposition, ce qui me permettra de leur réclamer le dû le moment venu... (Sourires)

Nous avons conduit avec succès la déconcentration -je me souvient pourtant des gloussements de l'opposition lorsque nous l'avions annoncée. Elle a permis d'améliorer la gestion des ressources humaines. 18 000 titulaires académiques qui n'en avaient pas ont pu recevoir une affectation et tous les postes étaient effectivement pourvus à la rentrée 1999, même si certains enseignants n'ont pas pris leur poste.

Le budget pour 2000 fait des ATOS une priorité. En dépit des mesures catégorielles et des créations d'emplois qu'il comporte, les besoins restent toutefois très supérieurs à l'effort consenti. Il nous faudra nous attaquer à ce problème. Mais en 1996, la droite au pouvoir supprimait des postes d'ATOS. Nous ne faisons donc pas si mal.

Nous poursuivrons les réformes pédagogiques indispensables à l'école, au collège, au lycée et en lycée professionnel.

Nous ouvrirons également de nouveaux chantiers. Le premier concerne les conditions de travail des enseignants. Le système des notations et des promotions sera rénové de façon à permettre la reconnaissance des talents et à impliquer davantage inspecteurs et chefs d'établissement. Nous réfléchirons également à l'aménagement du temps de travail des enseignants et à sa répartition optimale entre travail en classe entière et soutien plus individualisé. Des mesures relatives à la mobilité, à la formation continue, à l'installation des jeunes professeurs qui ont parfois bien du mal à accéder à un logement dans les grandes villes, sont également prévues.

Deuxième chantier : la rénovation des IUFM. La professionnalisation des études y sera accrue. Pour se présenter au concours, les étudiants devront avoir déjà accompli un stage dans une classe et les notes de stage auront plus d'importance. Lors de ses deux premières années de scolarité, l'étudiant d'IUFM bénéficiera des conseils d'un tuteur.

Un troisième grand chantier concernera les corps intermédiaires, dont on ne s'est pas encore vraiment occupé. Nous avons demandé à M. Blanchet un rapport sur les proviseurs et les principaux, et nous allons ouvrir la discussion sur le dossier des chefs d'établissement, y compris le problème de la reconnaissance civile. Je note que les chiffres avancés par l'opposition ne sont plus d'actualité : il n'y a plus 1 100 postes vacants, comme lorsque nous sommes arrivés, mais 350. Je ne me satisfais pas de ce chiffre, mais nous avons avancé. Il faudra s'attaquer aussi au problème des jeunes qui choisissent ce métier, et qui aujourd'hui perdent de l'argent. Ce n'est pas le grand proviseur qui gère un GRETA qu'il faut plaindre : c'est le jeune qui se lance dans ce métier dans un quartier difficile. Or le rôle de chef d'établissement est essentiel : où il y a un bon chef d'établissement, il y a un bon établissement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Le corps d'inspection doit également être rénové et revalorisé. Dès lors qu'on rapproche les professeurs des écoles des professeurs des collèges, il n'y a aucune raison de conserver un si grand écart entre les IEN et les IA-IPR.

Par ailleurs la déconcentration se poursuivra, et nous aurons à ce sujet deux grands débats, dont j'espère qu'ils mobiliseront la représentation nationale. Le premier débat consistera à chercher comment articuler déconcentration et décentralisation, c'est-à-dire comment associer les élus à cette gestion déconcentrée. Il y a aujourd'hui des conseils académiques, des conseils départementaux, mais cela ne fonctionne pas vraiment. Il faut trouver le moyen de faire travailler ensemble les élus des collectivités territoriales et les structures déconcentrées.

Reste la grande question : celle de l'égalité que doit assurer l'école républicaine. Elle n'est plus respectée aujourd'hui : villes, départements, régions sont les uns riches, les autres pauvres. Je connais des écoles qui ont 75 ordinateurs pour 40 élèves, d'autres deux pour 70 élèves ! Nous devons engager ce grand combat de l'égalité républicaine.

Un autre combat très difficile devra être livré pour défendre le service public en Europe et dans le monde. Le service public va être attaqué dans sa conception même, dès lors que l'enseignement devient une marchandise, que certains pensent qu'il leur permettra de gagner de l'argent, que se tiennent des réunions préparant l'implantation des universités américaines en Europe -dès lors nous voyons clairement ce que nous avons à faire. J'espère que dans cette défense du service public, de l'égalité des chances et de l'école républicaine, majorité et opposition pourront se retrouver dans un même combat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire - Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre Lionel Jospin a replacé l'éducation nationale dans les priorités essentielles de son action. Pour la troisième fois, et de façon renforcée, ce projet de budget traduit cet engagement.

Depuis juin 1997, toutes nos réformes ont eu pour but de préparer l'école de la République aux exigences du prochain siècle, mais dans la fidélité aux principes sur lesquels elle s'est construite depuis plus de cent ans : égalité des chances, laïcité, formation à la citoyenneté. Notre société connaît des mutations profondes ; notre devoir est d'accompagner la mutation de l'école, pour qu'elle aborde le XXIème siècle en ayant la confiance de nos concitoyens, en étant au clair avec ses missions et ses façons de faire, et en jouant pleinement son rôle de matrice d'une société démocratique, solidaire et où la promotion sociale n'est pas un vain mot.

Nous construisons donc une école plus efficace pour tous les élèves, ouverte sur le monde et les innovations technologiques, mais refusant de se laisser ballotter par les modes, ancrée dans la modernité mais ferme sur l'apprentissage de la citoyenneté, innovante dans ses pratiques pédagogiques. Un système scolaire, qui, assuré de sa fonction première de transmission des savoirs, n'a dès lors plus peur de s'ouvrir aux partenariats.

Mais pour que cette école offre à tous les mêmes chances de développer leurs talents et d'accéder à la culture commune, nous devons combattre à la source les inégalités et les exclusions. Nous avons choisi d'affronter la question de la diversité des élèves, de donner plus et mieux à ceux qui en ont le plus besoin et d'engager fermement le système scolaire à aider l'élève, à lui tendre la main au bon moment avec la bonne méthode.

Les réformes que nous avons engagées sont profondes ; elles requièrent conviction et constance dans l'effort. Leur réussite dépend pour une part des moyens que vous déciderez. L'engagement des élus de la nation en faveur de l'école est fort ; le Gouvernement a besoin de cet engagement pour poursuivre et approfondir l'action engagée.

Il s'agit du droit, pour chaque élève, d'accéder avant la fin de la scolarité obligatoire à un socle de compétences qui lui permette de se situer dans une histoire et une culture partagées, qui l'aide à s'inscrire dans un monde qui bouge, qui conjugue les connaissances nécessaires et la capacité de faire, l'autonomie pour être et l'aptitude à vivre ensemble.

Difficulté de l'exercice mais noblesse de la tâche : les professeurs en sont les premiers conscients. C'est même au nom d'une haute idée de leur métier qu'ils ont pointé ce qui, dans le collège d'aujourd'hui, leur semble faire obstacle à l'accomplissement de leur mission. Le monde a changé, et avec lui les conditions d'exercice du métier d'enseignant. Faire classe est moins facile qu'avant, dès lors que la nation a fait le choix d'accueillir au collège ceux dont, jadis, les parcours scolaires ne se croisaient pas. Rien dans les classes n'est donné d'avance : ni le sens des études ni les règles communes. Les adolescents sont sans doute plus durs à convaincre et à tenir, peut-être même à comprendre. L'engagement requis est plus intense, les situations plus déroutantes, le métier plus exposé.

La mission des enseignants n'est donc pas de tout repos : il leur faut aller à l'encontre de tout ce qui voudrait que le destin d'un adolescent soit scellé d'avance, cela mérite considération et soutien. Les professeurs n'attendent pas de solutions toutes faites, mais des temps de concertation et de respiration, ainsi que des outils, dans un système dont les performances peuvent et doivent être améliorées. L'enjeu dépasse l'école : réussir la mutation de celle-ci engage l'idée que notre pays se fait de lui-même.

C'est aussi l'affaire des parents. Je comprends le souci que chacun ressent pour son enfant, la crainte que demain il ne trouve pas sa place, l'espoir parfois démesuré placé dans l'école. Les parents sont des co-éducateurs, à qui le système scolaire doit, sans empiétement de chacun sur le domaine de l'autre, dire plus clairement ce qu'il attend des élèves, quelles sont ses règles et à quel dialogue il s'engage.

Les collégiens doivent trouver à leur études un sens, qui ne se limite pas à l'obligation de scolarité. Ce sens, sans lequel il n'est pas d'effort ni de réussite, ils doivent le construire, mais nous devons les y aider. Tout doit ici converger : la définition du bagage utile, de bonnes conditions de vie à l'école, les coups de main donnés à temps à ceux qui décrochent. L'ennui et l'apathie à l'école ne doivent pas grand-chose à la fatalité, et pas tout à l'environnement extérieur. Le système scolaire doit aussi faire en sorte que les élèves soient heureux d'apprendre.

Il doit aussi ouvrir le droit à l'excellence scolaire à ceux qui ne reçoivent pas le même soutien familial que d'autres. C'est le sens d'une mesure importante de ce budget : m'inspirant de la philosophie de l'ancien concours des IPES, j'ai décidé de créer cinq mille bourses du mérite pour les élèves des familles populaires. Cela représente un effort de l'Etat de 25 millions en année pleine. Ces bourses s'accompagneront d'actions de parrainage, de séjours linguistiques, d'équipement en ordinateurs, de places en internat... Il s'agit, je le dis nettement, de faire émerger une élite scolaire, en soutenant les bons élèves boursiers, c'est-à-dire ceux qui sont issus des familles les plus pauvres. Il s'agir de leur dire que la nation accorde beaucoup d'importance à leur réussite, qu'elle a besoin d'eux et que tout sera fait pour qu'ils croient en leur réussite scolaire. C'est un message fort que je veux leur adresser aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Bernadette Isaac-Sibille et M. Lionnel Luca - Très bien.

Mme la Ministre déléguée - Notre action, dans ce budget, s'organise autour de deux objectifs. Tout d'abord, construire une école moderne et plus efficace. Les moyens de l'école augmentent, malgré une baisse des effectifs scolaires. Comme en 1998 et 1999, le Gouvernement a choisi de maintenir le potentiel enseignants, malgré une baisse de 60 000 du nombre des élèves. Nous avons tourné le dos à la politique déflationniste engagée par le précédent gouvernement. Ce choix permet d'améliorer l'encadrement des élèves mais aussi de résorber les inégalités entre les territoires, en répondant aux besoins des académies en croissance démographique sans blesser dangereusement celles dont la population décroît, et de mettre en place un plan de rattrapage pour les départements qui souffraient d'un grave retard : les départements d'outre-mer et la Seine-Saint-Denis.

Mille emplois non enseignants sont créés : 810 ATOS, 150 emplois médico-sociaux, auxquels s'ajoutent 100 postes de médecins associés et 40 emplois d'IA-IPR. En outre 7 500 emplois non budgétaires permettront d'améliorer la qualité du service public : 1 000 emplois de surveillants, 1 500 assistants de langues et 5 000 emplois-jeunes supplémentaires. D'autre part l'aide individualisée permet, de l'école primaire au lycée, de prendre en compte la diversité des élèves et de leurs rythmes d'apprentissage. Au collège elle permet de combler les lacunes en français et en mathématiques grâce à une pédagogie différenciée, pouvant aller en sixième jusqu'à six heures par semaine, et trois heures en cinquième. Une mesure nouvelle de 240 millions figure à cette fin dans le projet.

L'accent est mis sur les apprentissages fondamentaux, et notamment sur la maîtrise des langages -maîtrise de l'oral et familiarisation avec l'écriture en maternelle, recentrage des programmes à l'école élémentaire, ateliers-lecture et développement de l'apprentissage de l'oral au collège- dans la lignée des états généraux de la lecture et des langages qui se sont tenus à Nantes en mai dernier.

Les pratiques pédagogiques connaissent un profond renouvellement : les différents apprentissages sont mieux articulés et les activités interdisciplinaires sont développées au collège.

Grâce au plan de développement des nouvelles technologies, l'école intègre pleinement la révolution de l'information. La France se situe en ce domaine parmi les tout premiers pays, ayant rattrapé en deux ans un retard important.

L'ouverture de l'école sur le monde se traduit par la généralisation à la rentrée 2000 de l'apprentissage d'une langue vivante en CM2 et par son extension progressive au CM1. La sensibilisation aux langues étrangères est encouragée dès l'école maternelle. Par ailleurs, en signant la charte européenne des langues régionales ou minoritaires en mai dernier, le Gouvernement a manifesté sa volonté de valoriser un patrimoine linguistique ; l'action de l'éducation nationale en ce domaine sera poursuivie. Aujourd'hui, plus de 250 000 élèves sont concernés.

La généralisation de l'éducation civique à l'école primaire et au collège, son extension au lycée permettront la construction d'un véritable parcours civique, qui fera l'objet d'un grand débat national en mai 2000. L'apprentissage concret de la citoyenneté passe également, au collège, par l'heure de vie de classe.

Parallèlement à l'aménagement du temps de travail des adultes, il faut reparler de l'aménagement des rythmes scolaires. Les contrats éducatifs locaux, qui concernent déjà plus d'un million d'élèves, fournissent un cadre pour mettre en cohérence les activités de l'enfant et l'école du XXIème siècle, lancée par Claude Allègre, permet de repenser le temps scolaire, mais la réflexion sur l'organisation de la semaine et de l'année scolaire doit être relancée. J'ai demandé à l'inspection générale de l'éducation nationale de préparer pour la fin de l'année un bilan des formules existantes, évaluant leurs effets non seulement sur la qualité de vie des élèves et de leurs familles, mais aussi et surtout sur les apprentissages. Sur la basse de ce rapport, je demanderai à l'ensemble des départements d'ouvrir un large débat car je n'entends pas imposer une formule unique à tout le territoire.

Enfin, une école moderne doit promouvoir l'égalité entre filles et garçons et s'ouvrir aux richesses des élèves de toutes origines, afin de remplir pleinement sa fonction intégratrice. Des groupes de travail ont été constitués sur ces deux sujets et nous prendrons prochainement des décisions.

Le deuxième objectif est la réduction des inégalités. Elle passe tout d'abord par la relance de l'éducation prioritaire. Le projet de budget 2000 traduit pleinement la nouvelle carte des ZEP, 1 600 écoles ou collèges sont entrés, 600 sont sortis ; cette politique concerne aujourd'hui 1 500 000 élèves. La signature de contrats de réussite dans les réseaux de l'éducation prioritaire et la constitution de pôles d'excellence traduisent mon ambition de donner aux élèves le droit à l'excellence.

Dans le domaine de la santé scolaire, 110 postes d'infirmière, 30 d'assistante sociale, 10 de médecin et 100 de médecin associé, sont créés, ce qui porte à 1 400 en trois ans les effectifs supplémentaires dans le domaine de la prévention médicale et sociale. Les liens entre les services de la PMI et la médecine scolaire sont renforcés et un bilan de santé est introduit à l'entrée en 6ème, à destination pour commencer des élèves des ZEP. Les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté sont généralisés ; ils joueront leur rôle dans la prévention des conduites à risque ainsi que dans l'éducation sexuelle et l'éducation à la vie.

En ce qui concerne l'accueil des enfants handicapés, nous voulons faire en sorte que deux enfants sur trois aient leur place dans le système scolaire ordinaire, contre un sur trois aujourd'hui. Le plan national lancé en liaison avec le ministre des affaires sociales commence à porter ses fruits. Les structures d'accueil ont été renforcées, 500 auxiliaires d'intégration ont été recrutés. Un réseau d'alerte a été mis en place au service des parents.

La lutte contre les inégalités suppose aussi qu'on aide financièrement les familles les plus en difficulté. Nous le faisons à travers l'allocation de rentrée scolaire, le fonds social pour les cantines doté de 250 millions, la réforme des bourses de collège -1 milliard-, les fonds sociaux collégiens et lycéens -310 millions.

Enfin la lutte contre la violence qui fait partie intégrante de la politique de résorption des inégalités, se traduit par 5 000 emplois-jeunes supplémentaires, la multiplication du nombre de classes relais et la création d'internats relais, la protection des élèves -création d'une mission de prévention des violences sexuelles, application de la loi contre le bizutage, renouvellement de la campagne contre le racket-, et un programme de partition des gros collèges.

Ces actions ne seraient pas possibles sans l'engagement quotidien des personnels de l'éducation nationale, auxquels je veux rendre hommage. La reconnaissance qui leur est due se traduit par des mesures d'amélioration des carrières et des régimes indemnitaires, pour un montant de 2 271 millions. Elles concernent les enseignants et les personnels d'éducation et d'orientation, les personnels d'inspection et de direction et les personnels non enseignants.

Assuré de sa tâche, accueillant et attentif à chacun, ancré dans le réel, fort d'une véritable identité : ainsi doit être un système éducatif plus juste pour les élèves, pour les enseignants et pour les parents. Plus juste, le système scolaire sera aussi plus efficace. J'ai pour lui cette ambition qu'Antoine Vitez ne craignait pas d'appeler « l'élitisme pour tous » car il en va de l'école comme des sociétés humaines : les lois de la pesanteur, disait Jaurès, n'y sont pas souveraines, et ce n'est pas vers le bas, mais vers le haut qu'elles trouvent leur équilibre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste)

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QUESTIONS

Mme Odile Saugues - Madame la ministre, vous connaissez mon attachement à l'éducation prioritaire et vous avez certainement en mémoire les démarches que j'ai entreprises pour défendre les postes des deux ZEP de Clermont-Ferrand.

La refonte de la carte des ZEP se traduit par un abondement des crédits indemnitaires de 28 millions. Cette politique a des effets particulièrement appréciés, mais comme Jacques Guyard, j'appelle votre attention sur la nécessité de développer des motivations autres que financières à l'affectation des enseignants dans les ZEP. Qu'en pensez-vous ?

De quels moyens disposerez-vous pour poursuivre cette politique de relance de l'éducation prioritaire ?

Mme la Ministre déléguée - Je vous remercie de votre engagement au service de l'éducation prioritaire.

La révision de la carte des ZEP n'a pas été un exercice facile, mais les choses se sont bien passées : la transparence des critères a porté ses fruits.

Le fait que le taux d'encadrement soit bien supérieur en ZEP peut être en lui-même un élément de motivation pour les enseignants. Par ailleurs, je veille à une affectation prioritaire des personnels médico-sociaux et des ATOS dans les réseaux d'éducation prioritaire.

Les crédits indemnitaires et pédagogiques augmentent également, et les classes-relais à encadrement renforcé permettent de soulager la tâche des enseignants des ZEP. Les années passées en ZEP sont déjà prises en considération dans la mobilité et la promotion des enseignants ; une réflexion est en cours sur l'organisation éventuelle de stages obligatoires en ZEP, ainsi que sur la meilleure façon de stabiliser les équipes pédagogiques tout en évitant de donner systématiquement aux jeunes sortant des IUFM un poste en ZEP -bien que certains y fassent merveille (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Jacqueline Lazard - Bien que le Gouvernement mène depuis plus de deux ans une politique d'une grande efficacité en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, des îlots d'inégalité demeurent. L'orientation scolaire en est un. Dans la filière générale, les filles représentent 82 % des effectifs dans les sections littéraires et 62 % dans les sections économiques, mais seulement 43 % dans les sections scientifiques. Dans la filière professionnelle, on observe des différences analogues. La parité ne fera pas l'économie d'une orientation scolaire plus juste, qui ne soit pas fondée sur le sexe. Le récent rapport consacré à la place des femmes dans la haute fonction publique préconise, entre autres mesures, une féminisation accrue des jurys. Le Gouvernement envisage-t-il de suivre cette piste ?

Deuxième question, qui a également trait à l'égalité des chances : le sort de certains enfants, confrontés à des difficultés telles qu'elles les empêchent de suivre un parcours scolaire classique. Les SECPA, en effet, ne peuvent accueillir tous ceux qui pourraient y prétendre, et qui sont quelques dizaines dans mon département. Le Gouvernement entend-il amplifier l'effort déjà fourni pour remédier à cette situation injuste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre déléguée - L'inégalité devant l'orientation professionnelle est un problème aigu, dont on parle depuis de longues années. Il est paradoxal que les filles, dont les résultats scolaires sont globalement meilleurs que ceux des garçons, soient sous-représentées, après le baccalauréat, dans les filières les mieux considérées par la société. Cette situation trouve son origine dans des préjugés qui sont bien souvent, hélas, le fait des familles elles-mêmes. Une mission de réflexion a été confiée à une chercheuse en sciences de l'éducation, Mme Vouillot, qui nous fera des propositions tendant en particulier à sensibiliser les élèves, leurs parents et l'ensemble de la communauté éducative à la question de la mixité, notamment dans le domaine de l'orientation. Une brochure intitulée «Garçons et filles à l'école : une égalité à construire» est en préparation, le réseau des chargés de mission académiques va intensifier sa coopération avec les délégations aux droits des femmes et une convention sera signée entre le ministère de l'éducation nationale et le secrétariat d'Etat aux droits des femmes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Danièle Bousquet - Ma question rejoint celle de Mme Lazard. La baisse sensible du nombre des lycéens inscrits dans les sections scientifiques et des étudiants en sciences posera, si elle se poursuit, un grave problème à notre société. Or, elle est en partie due à la décrue régulière, depuis une quinzaine d'années, du nombre de jeunes filles dans cette filière, où les garçons sont sur-représentés au motif, fallacieux, que les filles réussiraient moins bien dans les matières scientifiques.

Certaines recherches mettent pourtant en évidence le fait que l'attitude des enseignants eux-mêmes, fondée sur un «effet d'attente», influe de façon déterminante sur les résultats scolaires respectifs des élèves de l'un et de l'autre sexe. Il est indiscutable, par ailleurs, que les enseignants, quel que soit leur sexe, se meuvent dans un contexte idéologique implicite, qui considère certaines disciplines comme masculines et d'autres comme féminines, et qui repose, en d'autres termes, sur une division sexuée du travail. L'école apparaît donc comme un lieu paradoxal, à la fois vecteur d'égalité et facteur de maintien et de reproduction de l'inégalité des sexes. Ce problème sera-t-il pris en considération dans la formation initiale et continue des enseignants, notamment dans les IUFM ? Faire accéder un plus grand nombre de jeunes filles aux études scientifiques serait aussi un moyen de combattre la désaffection dont ces dernières sont victimes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre déléguée - A ma précédente réponse, j'ajoute que la future convention entre le ministère de l'éducation nationale et le secrétariat d'Etat aux droits des femmes visera notamment à améliorer l'information des élèves et de leurs familles, à sensibiliser les enseignants à cette question, à intégrer l'égalité des chances dans les projets d'établissement, à lancer des expériences-pilotes et à favoriser l'équilibre des sexes dans les fonctions de direction et d'encadrement. De plus, un groupe de travail va se pencher sur l'image et la place des femmes dans les programmes scolaires, sous l'égide du Comité national des programmes et de l'Inspection générale de l'éducation nationale, afin de changer le regard que garçons et filles portent sur leur propre destinée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Warsmann - Les fermetures d'écoles rurales ont été nombreuses, dans les Ardennes, à la rentrée dernière, et fort mal ressenties : par les élus, qui avaient consenti des investissements très coûteux, parfois à la demande de l'éducation nationale elle-même ; par les parents d'élèves, qui soutenaient des projets de mise en réseau intéressant les trois quarts des établissements du département ; par tous les citoyens, qui ont déploré l'absence totale de concertation. Il en est résulté l'organisation de classes sauvages, assurées par des enseignants à la retraite, et dont la dernière a cessé il y a quelques jours seulement ; il s'en est également suivi de nombreux contentieux, à l'initiative des maires et avec le soutien de la FSU et de la FCPE.

Cette situation ne peut se prolonger. Vous avez dit, à plusieurs reprises, Madame la ministre, votre attachement à l'école rurale, condition nécessaire de l'aménagement du territoire comme de l'égalité des chances. La loi de juin 1999 permet aux préfets de suspendre à titre conservatoire tout projet de fermeture d'un service public, le temps de lancer une étude d'impact. S'applique-t-elle à l'éducation nationale et, si oui, dans quel délai ?

M. Bruno Bourg-Broc - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Vous savez combien je suis attachée à l'école rurale, mais pas au point de lui sacrifier la qualité pédagogique. Il faut, je crois, un certain courage pour dire cela.

Mais il n'y a pas de fatalité, et c'est pourquoi j'ai créé des réseaux d'écoles rurales, avec l'engagement de les maintenir pendant trois ans.

Le département des Ardennes est représentatif à la fois de la blessure infligée par la diminution du nombre d'élèves en milieu rural, et de l'effort accompli pour y faire face. Depuis 1990 les Ardennes ont perdu 7 400 élèves, et pourtant la mise en réseaux a porté ses fruits, puisque 30 % des élèves sont scolarisés en regroupements pédagogiques, et que 55 % des enfants de deux ans vont à l'école. C'est vrai, sept communes n'ont pas pu être mises en réseau, parce que les maires, dont l'accord est nécessaire, ont refusé. Pourtant, les nouvelles technologies peuvent rendre attractives les écoles rurales, au point que j'ai constaté que des écoles rouvraient.

Reste qu'il a fallu fermer des classes de moins de 10 élèves, pour ne pas compromettre la qualité de l'enseignement et que la classe sauvage de Bulson s'est définitivement arrêtée. Cependant, la partie n'est pas perdue si la mise en réseau peut prendre effet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bruno Bourg-Broc - Nous vous avons écouté avec beaucoup d'attention, Monsieur le ministre, ainsi que Mme Royal. Nous sommes d'accord avec vous lorsque vous déclarez qu'un bon chef d'établissement fait un bon établissement. Un bon ministre fait-il, de la même façon, un bon système éducatif ? Ce n'est pas ma question.

En revanche nous n'acceptons pas que vous accusiez le Sénat d'avoir fourni des chiffres fantaisistes. Sa commission d'enquête, sous la conduite de M. Gouteyron, a réalisé un excellent travail. Nous ne sommes pas non plus d'accord lorsque vous affirmez que pour nous l'éducation est un secteur marchand comme un autre...

M. le Ministre - Pas pour vous, pour certains !

M. Bruno Bourg-Broc - Soit !

Au Sénat, vous avez déclaré que votre attitude à l'égard des emplois-jeunes « était marquée par une certaine prudence, par souci de ne pas accroître ultérieurement le nombre de chômeurs ou de fonctionnaires ».

Dans ces conditions, que vont devenir les 65 000 à 68 000 aides éducateurs ? Passeront-ils un concours spécial, et pour quelles fonctions ? Allez-vous organiser le licenciement collectif le plus important de notre histoire, reléguant Edouard Michelin à la dimension d'un modeste amateur ? Ou comptez-vous titulariser tous ces jeunes ?

M. le Ministre - D'abord, je ne confonds pas les différentes composantes de l'opposition, et je n'accuse pas le RPR d'être hostile au service public.

M. Pierre Lequiller - Alors qui ?

M. le Ministre - C'est vrai, je ne veux pas fabriquer des fonctionnaires supplémentaires, qui cesseraient de ce fait d'être jeunes.

Sur 65 592 jeunes, 7 000 sont sortis spontanément du dispositif, dont 54 % se sont insérés dans le secteur privé.

J'ai cessé de recruter des emplois-jeunes parce que je me préoccupe de leur avenir ; 16 970 contrats à durée indéterminée ont été signés avec des organismes extérieurs à l'éducation nationale.

L'avenir des jeunes est, pour 2 000 à 3 000 d'entre eux chaque année, de rentrer par concours dans la fonction publique, mais pas nécessairement dans l'enseignement, et pour les autres de s'en aller à l'extérieur. J'annoncerai bientôt des embauches massives dans un endroit où on ne les attend pas. C'est qu'ils ont su se faire apprécier.

Si je me suis attaqué au problème des MA, qui n'est pas complètement résolu, ce n'est pas pour fabriquer des lots de fonctionnaires ! Mais je ne regrette absolument pas d'avoir recruté des emplois-jeunes, qui ont apporté une nouvelle dimension à l'école primaire et dans les zones de violence. Leur rôle peut être comparé à l'arrivée des assistants auprès des professeurs d'université (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Léon Bertrand - La Guyane, que vous connaissez, Monsieur le ministre, possède la plus forte croissance démographique de toutes les régions françaises. Les communes sont tenues de scolariser tous les enfants vivant sur leur territoire, mais elles sont hors d'état de le faire, de sorte que la situation est parfois intenable. Le plan de rattrapage que vous avez lancé ne permet pas de faire face. Dans ma commune de Saint-Laurent du Maroni, il a fallu construire 22 classes cette année, sans avoir les moyens de les équiper.

A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Ne faudrait-il pas arrêter un plan d'urgence prenant en compte non seulement les charges d'équipement scolaire, mais aussi celles liées à un enseignement adapté, car nous recevons de plus en plus d'enfants venant du Surinam ou du Brésil ? Pour ralentir cet afflux, pourquoi ne pas organiser une politique de coopération tendant à réaliser les équipements scolaires dans les pays d'où viennent les immigrants ?

M. le Ministre - Nous sommes très attentifs à ce qui se passe en Guyane. Un plan d'urgence y est à l'_uvre. Le contrat de plan qui s'achève cette année comportait 120 millions d'investissements pour les constructions scolaires ; la somme devrait avoisiner 200 millions dans le prochain contrat. De plus 780 postes ont été créés en trois ans. Pour former des enseignants sur place, un IUFM devrait fonctionner en Guyane. Enfin nous avons mobilisé une enveloppe exceptionnelle de 60 millions.

J'irai cette année en Guyane pour mesurer les effets du plan d'urgence. Oui, nous devons accroître notre effort. Je m'en entretiendrai avec les élus et les responsables.

J'ai abordé le sujet de la coopération avec la Guyane lorsque je me suis rendu au Brésil et des projets importants on été lancés en matière de recherche et d'enseignement supérieur. Vous soulevez de tarir l'immigration à la source. C'est une idée intéressante car il est vrai que l'intégration de la Guyane au sein du continent sud-américain pose des problèmes spécifiques tel que celui de cette immigration galopante. Vous offrez là, Monsieur le député, un nouvel exemple de la mobilisation nationale dont nous avons besoin pour aider votre région.

M. Alain Ferry - Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'enseignement scolaire et concerne les directeurs d'école, dont la charge de travail et les responsabilités se sont considérablement accrues depuis dix ans. Alors que les établissements du second cycle bénéficient d'un personnel administratif spécifique, ce n'est pas le cas pour les écoles maternelles et primaires.

Les directeurs de ces établissements remplissent pourtant, dans un certain flou juridique, des fonctions nombreuses ayant trait à l'accueil, à la sécurité, aux relations avec les parents d'élèves et avec les intervenants extérieurs à l'école. Leur rôle est capital dans les quartiers défavorisés. Chargés de la sécurité des biens et des personnes, ils sont également conduits à manier des fonds non négligeables sans avoir la qualité de comptables publics, ce qui fait d'ailleurs l'objet de critiques.

Les organisations représentatives de ces personnels prônent la généralisation du système de la décharge d'enseignement, qui ne s'applique pour l'heure qu'aux directeurs d'établissements comptant plus de 14 classes, soit près de 350 élèves. Le plus souvent, les directeurs sont donc investis de cette charge en plus de leur service d'enseignement et ne disposent pas de surcroît d'une formation adaptée à ce qui constitue pourtant un véritable métier. Il en résulte une pénurie de volontaires puisque 4 000 établissements se trouvent aujourd'hui dépourvus de directeur.

Quelles mesures entendez-vous prendre, Madame la ministre, pour y remédier ?

Mme la Ministre déléguée - Votre question, Monsieur le député, traite à la fois des responsabilités et du métier de directeur d'école.

S'agissant de la responsabilité civile et pénale des enseignants, un groupe de travail a été constitué en liaison avec Mme la ministre de la justice pour en débattre. La question de la responsabilité pénale des fonctionnaires pour faute non intentionnelle sera particulièrement approfondie et fera l'objet de propositions.

Pour ce qui concerne les directeurs d'école, il faut savoir que seulement 9 % des écoles -environ 4 000 sur 55 000- n'ont pas trouvé en leur sein de volontaire pour assumer les fonctions de direction et d'animation. Ce phénomène de désaffection touche essentiellement les très petits établissements qui ne comptent que trois ou quatre classes. Il est cependant pris en compte et une réflexion est engagée sur les missions, les sujétions et le régime indemnitaire des directeurs d'école, lequel a été revalorisé au 1er janvier de cette année pour un montant global de dix millions. Soyez donc assuré que la réflexion se poursuit sur un sujet de préoccupation que nous partageons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles Ehrmann - Ma question a trait au temps scolaire aménagé. Elle vous est posée par un député qui fut interne pendant neuf ans, boursier en tant qu'orphelin de guerre, maître d'internat pendant six ans puis professeur agrégé d'histoire et géographie à Nice pendant trente-huit ans et qui doit tout à un système où les pauvres pouvaient encore réussir. Comme je l'ai dit à M. Jospin en 1991 lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale, je suis d'accord avec les trois-quarts de la politique que mène M. le ministre. Mais j'ai été professeur dans un lycée où on avait oublié de construire une salle de gymnastique. Or, nous sommes passés d'une société rurale à une société urbaine où le sport n'a plus sa place à la différence d'autres pays comme l'Allemagne ou l'Italie où les élèves sont libres à 13 h 30 pour pratiquer des sports ou bénéficier d'un enseignement artistique.

Pendant les trente glorieuses, l'Etat a fait des efforts d'équipement. En tant qu'adjoint aux sports du maire de Nice, j'ai contribué à faire de la France une nation sportive en faisant passer, malgré la cherté des terrains, de 21 à 70 hectares la surface sportive de la ville.

Mais avec la crise, le budget sportif ne représente que 0,20 % du budget de la nation et les collectivités ont réduit leurs investissements. Je crois sincèrement, Madame la ministre, que votre bulletin « pour la prévention des conduites à risque » -dont le contenu me semble encore en dessous de la réalité- serait inutile si les stades étaient plus nombreux et remplaçaient les cours de récréation où ont lieu les rixes. C'est dans cet état d'esprit que je n'ai voté qu'une seule fois en dix-huit le budget des sports, celui de M. Guy Drut qui proposait les temps scolaires aménagés pour lesquels l'Etat et les communes contribuaient à part égale. Certaines villes n'ont pas fait d'effort mais, pour d'autres, la fin prématurée de cette expérience représente une véritable catastrophe, pour reprendre un mot que vous aimez Monsieur le ministre.

Je souhaite ardemment, Madame la ministre, qu'en liaison avec la ministre de la jeunesse et des sports, l'école primaire retrouve les temps scolaires aménagés, les pouvoirs publics étant conscients de leur devoir d'aider au développement physique et moral de la jeunesse et de réunir l'intégration des banlieues dans une société urbaine rénovée.

Mme la Ministre déléguée - Nous avons, Monsieur le député, avec Mme Buffet, prévenu votre passion puisque les 1 200 contrats éducatifs locaux, qui concernent 7 500 écoles et près d'un million d'élèves présentent tous une dimension sportive. Je reconnais cependant avec vous qu'il n'y a pas assez de sections sportives dans les collèges et en particulier dans les ZEP où la soif de pratiquer le sport est aussi vive qu'ailleurs. Des progrès dans le sens de leur développement restent donc à réaliser.

M. Charles Ehrmann - Nous partageons la même passion !

M. Pierre Lequiller - M. le ministre s'est livré à une parodie, à une caricature de nos positions : nous sommes attachés au service public éducatif et nous ne souhaitons nullement qu'il se saborde.

Mais la vérité, c'est que l'égalité des chances n'existe pas, ni sur le territoire, ni même d'un établissement à l'autre à l'intérieur d'un même département. Dans les Yvelines, on ne peut comparer la situation du collège des Mureaux et celle du lycée Henri IV de Meulan.

Le responsable de ces inégalités, c'est l'uniformité qui prétend proposer un même système à tous, quelles que soient les situations. Il faut renforcer l'autonomie des établissements car, vous l'avez dit vous-même, Monsieur le ministre, là où il y a une bonne direction il y a un bon établissement. Ces derniers doivent voir renforcer leur autonomie pédagogique et pouvoir choisir leur équipe d'enseignement, comme vous l'aviez un temps suggéré.

Il convient aussi de mener une véritable politique d'évaluation des établissements et de la rendre publique. Au sein des conseils d'administration, on discute de tout sauf de la pédagogie. Or, les outils d'évaluation existent -évaluation nationale de début d'année en CE2 et en CM2, taux de réussite au baccalauréat, taux d'accès de la seconde au baccalauréat- mais les parents qui ont besoin de connaître la qualité de l'établissement que fréquentent leurs enfants n'en savent rien.

C'est bien pourquoi ils se ruent sur les palmarès publiés dans la presse, fondés sur les seuls résultats au baccalauréat, alors que ce n'est pas là le critère pertinent. Un bon établissement est celui qui est bien dirigé.

Monsieur le ministre, quelle part de votre budget consacrez-vous à l'évaluation des établissements ? Quels moyens entendez-vous dégager pour que notre pays rattrape son retard en ce domaine ? Il y va de l'information des parents, et donc de leur libre choix.

M. le Ministre - Monsieur le député, vous vous dites, comme nous, attachés au service public. Mais sans doute n'en avons-nous pas la même conception, non plus que de l'égalité des chances car je serais, pour ma part, tout à fait réservé sur une évaluation des établissements permettant à certains parents de choisir le meilleur pour leurs enfants.

Je ne pense pas avoir caricaturé les positions de l'opposition quand je vois jusqu'où M. Madelin suggère d'aller dans l'autonomie... Nous sommes, nous, simplement favorables à des projets d'établissement, qui étaient d'ailleurs prévus par la loi Jospin. Lorsque nous discuterons prochainement des conditions de travail des enseignants, nous proposerons de mettre en place des conseils pédagogiques car sur ce point, je suis d'accord avec vous, le fonctionnement des conseils d'administration n'est pas satisfaisant et une place plus grande doit être reconnue aux parents d'élèves.

Les procédures d'évaluation qui existaient jusqu'à présent étaient assez mécaniques, aboutissant à des résultats plutôt fantaisistes. Nous avons donc mis en place un Conseil scientifique de l'évaluation qui nous fait actuellement des propositions. Si une évaluation des établissements est nécessaire, qui doit d'ailleurs viser davantage à leur donner une impulsion qu'à les sanctionner, elle ne doit pas conduire à les classer. Le premier rapport de ce Conseil, qui sera rendu public d'ici peu, permettra d'amorcer le débat car en effet, en ce domaine, des progrès restent à faire.

M. André Aschieri - Depuis l'annonce en 1997 du réemploi des maîtres-auxiliaires et l'arrêt de leur recrutement, l'auxiliariat s'est reconstitué dans l'éducation nationale, avec de nouvelles catégories, les contractuels et les vacataires -le budget pour 2000 prévoit encore le financement de 3 000 postes de contractuels. Par ailleurs, la baisse constante du nombre de postes offerts aux concours réservés, le non-pourvoi de tous les postes qui en fait des concours très sélectifs expliquent qu'il restera près de 15 000 non-titulaires à l'issue de la session 2000, dont seuls 5 000 auront accès aux concours réservés.

Monsieur le ministre, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour en finir avec ces emplois précaires ? Un véritable plan de titularisation sera-t-il mis en _uvre qui ne se réduise pas à un aménagement des concours internes ?

M. le Ministre - A mon arrivée, le recours à des maîtres-auxiliaires et à des ATOS embauchés sous CES était systématique. Alors que dix mille postes de MA devaient être supprimés, nous avons accordé à ces personnels le droit au réemploi. 3 300 postes ont été ouverts chaque année aux concours réservés et 6 300 MA ont pu être titularisés en 1997, 5 800 en 1998 et 5 000 en 1999. Nous avons de même augmenté de 35 % le nombre de postes ouverts aux concours d'ATOS en 1999. Dix mille CEC ont enfin été proposés, qui permettront d'offrir une porte de sortie aux titulaires de CES les plus fragiles.

Mais, et je tiens à le dire solennellement, je ne laisserai pas se dégrader le niveau de recrutement des enseignants de notre pays. Les recrutements continueront de s'opérer, comme c'est la règle dans la fonction publique, par concours. Si des erreurs ou des injustices ont été commises, nous veillerons à les réparer mais il n'y aura pas d'intégration massive sans contrôle, comme cela est parfois arrivé par le passé. Ce serait d'ailleurs une injustice à l'égard des étudiants qui préparent les concours de recrutement. La conception du service public, c'est aussi une certaine rigueur (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. André Aschieri - Alors que l'éducation et l'environnement constituent deux priorités majeures de nos concitoyens, l'éducation à l'environnement reste encore très insuffisante. Bien que prévue par les textes, elle demeure très théorique, le fait le plus souvent d'enseignants qui s'investissent tout particulièrement dans ce domaine.

Pour inculquer à nos enfants de nouvelles humanités reposant davantage sur la notion de responsabilité, il faut faire évoluer le comportement des élèves et pour ce faire, donner de nouveaux moyens aux enseignants. L'apprentissage se fait en effet par l'action. Il ne s'agit pas de «verdir» les programmes par quelques mesures symboliques mais d'éduquer réellement les générations futures à l'environnement. Le protocole du 14 juillet 1993 conclu entre le ministère de l'éducation nationale et celui de l'environnement prévoyait diverses mesures. Malheureusement ces déclarations d'intention n'ont pas été suivies d'effets, faute de moyens notamment dans le primaire. Quelles mesures comptez-vous prendre pour satisfaire cette belle ambition et développer, enfin, cet enseignement, trop souvent délaissé ?

Mme la Ministre déléguée - L'éducation à l'environnement me tient particulièrement à c_ur pour des raisons évidentes. Je suis d'accord avec vous, sa place est encore trop restreinte. Elle va être renforcée au sein bien sûr des programmes des sciences de la vie et de la terre mais aussi d'instruction civique. En effet, éduquer à l'environnement, c'est aussi éduquer à la citoyenneté puisque respecter l'environnement, c'est d'abord respecter autrui ainsi que les générations futures. Nous avons, comme vous le savez, multiplié les occasions d'éducation à la citoyenneté durant la scolarité et l'instruction civique fera désormais partie des épreuves du brevet. Le nombre des heures de vie de classe a également été renforcé. Nous avons déjà pris contact avec les grandes associations de l'environnement pour mettre au point divers outils pédagogiques qui permettront d'y aborder l'éducation à l'environnement. Cela étant dit, les leçons de choses font encore partie intégrante des programmes de l'école primaire et les classes de découverte seront encouragées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Raymonde Le Texier - Les 1 350 emplois de médecins, d'infirmières et d'assistantes scolaires créés en deux ans témoignent de la volonté du Gouvernement de combler le retard en ce domaine. Malheureusement beaucoup reste à faire pour que tous les établissements soient correctement dotés.

Identifier et traiter les situations délicates, parfois nombreuses, notamment en ZEP, exige un professionnalisme et une disponibilité incompatibles avec l'exercice de permanences dans trois ou quatre établissements différents.

Le système scolaire pourrait être le lieu où détecter les problèmes de santé mais aussi les souffrances affectives et psychologiques des enfants et des adolescents. Ce serait important pour prévenir le suicide, première cause de mortalité chez les adolescents, ou les grossesses non désirées chez les mineures de moins de 15 ans, dont un tiers sont consécutives à un rapport sexuel contraint, voire à un viol collectif. L'établissement scolaire est le lieu privilégié pour informer sur la contraception, l'IVG, le droit de dire non et le devoir de respecter l'autre. Cette information doit être faite par ceux dont c'est le métier, médecins mais surtout infirmières et assistantes sociales. Enfin, il n'est que de constater l'état de santé des jeunes qui prennent contact avec les missions locales à leur sortie du système éducatif pour mesurer la nécessité de poursuivre la revalorisation de la médecine scolaire. Quelles mesures à court et plus long terme compte prendre le Gouvernement pour améliorer encore le dispositif médico-social de l'éducation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre déléguée - Je vous remercie d'encourager ainsi notre effort pour rattraper un retard considérable. C'est encore insuffisant, malgré 1 350 créations d'emplois depuis 1998 et la revalorisation de 20 % des vacations de médecine scolaire. L'effort devra être poursuivi dans les prochains budgets, car c'est une clé de la lutte contre les inégalités.

Vous m'interrogez aussi sur les mesures qualitatives. La redéfinition des missions des infirmières et des médecins scolaires ainsi que des assistantes sociales est en cours, et un texte important est en discussion avec les syndicats. Pour ce qui est des infirmières scolaires, ce texte sera rendu public lors du salon de l'éducation, où est prévue une importante journée sur l'éducation sexuelle et l'éducation à la vie. Je vais relayer en milieu scolaire la campagne d'information sur la contraception décidée par Martine Aubry, en la ciblant sur les élèves de troisième.

J'ai d'autre part été associée à la rédaction de la carte ZEP, qui va être distribuée, et où seront réaffirmées certaines valeurs que peut-être on n'osait plus rappeler aux adolescents : que les relations sexuelles précoces ne sont pas une bonne chose pour eux, qu'il faut savoir dire non et résister à la violence. Il s'agit en somme de leur redonner des points de repère qui leur font défaut. Nous espérons réduire ainsi le nombre des grossesses précoces.

Les liens entre PMI et médecine scolaire seront renforcés, à partir de l'expérience de l'Oise ; soixante départements sont volontaires pour cette opération. Enfin le bilan de santé à l'entrée en sixième sera généralisé, en commençant par les ZEP. Les comités éducation santé seront développés. Avec Mme Maestracci, déléguée à la lutte contre la toxicomanie, nous avons élaboré un guide pratique des conduites à risque, qui traite notamment de la prévention du suicide (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Blazy - Lors de votre visite récente au collège Evariste Gallois de Sarcelles, Madame la ministre, vous avez fait un rapide tour d'horizon de la situation scolaire du Val-d'Oise : elle n'est pas bonne. Les résultats au brevet sont inférieurs de 12 % à la moyenne de l'Académie de Versailles et de 16 % à la moyenne nationale. Le baccalauréat, l'évaluation des élèves à l'entrée en seconde placent notre département au dernier rang du rectorat. L'évaluation à l'entrée en CE2 fait apparaître un grand nombre d'enfants fragiles ou en difficulté. Le nombre des conseils de discipline, qui traitent des cas les plus graves, est passé de 400 à 600 en une seule année ; l'absentéisme s'est développé. Tout cela ne contribue guère à briser l'exclusion. Le Gouvernement a pourtant fait de réels efforts dans ce département. De 14 ZEP, incluant 14 collèges, on est passé à 27 REP qui en regroupent 21, cependant que 184 écoles élémentaires, au lieu de 120 précédemment, s'inscrivent dans le dispositif prioritaire.

Chacun le reconnaît, c'est au collège que se concentrent toutes les difficultés. Vous avez prévu un programme « nouvelle chance », dont une série de mesures est financé dans ce budget. Comment ce nouveau programme sera-t-il décliné dans le Val-d'Oise ? Plus généralement, face à l'ensemble des difficultés de ce département, dont la situation se rapproche de plus en plus de celle de la Seine-Saint-Denis, quels moyens nouveaux seront engagés pour assurer au mieux la réussite de la prochaine rentrée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - Vous posez deux questions. La première concerne le Val-d'Oise. Il est vrai que ce département, non pas tout entier sans doute, mais en partie, devrait relever d'un plan analogue à celui arrêté pour la Seine-Saint-Denis. Il en va de même de quelques établissements de l'Essonne et du Val-de-Marne. Nous travaillons dans ce sens.

Quant au programme « nouvelle chance », il s'adresse aux 50 000 élèves qui sortent du système sans rien. Nous avons décidé que cela nous concernait, alors qu'auparavant, on considérait que puisqu'ils avaient quitté l'école, ils ne la concernaient plus. La démarche est difficile, car il faut les repérer. Nous coopérons à ce sujet avec les militaires, mais la suppression du service national crée une difficulté. Nous avons un problème de traçabilité à partir du collège. Ce plan s'appliquera dans le Val-d'Oise comme ailleurs.

Il sera doublé par la création d'une association loi de 1901 dans laquelle des retraités, qui nous ont fait savoir qu'ils y étaient prêts, viendront encadrer ces élèves. Nous prévoyons une association nationale ainsi qu'une par académie. Il se fait déjà beaucoup de choses, et nous n'allons rien inventer : de nombreux bénévoles l'ont déjà fait. Mais nous allons les aider à démultiplier leur action. Il y a déjà une association dans le Val-d'Oise.

M. Jean-Paul Bret - Ma question concerne les directeurs et directrices d'école primaire. A nouveau, lors de cette rentrée, les candidats ont fait défaut, et près de quatre cents postes sont vacants : ce nombre augmente ainsi de 12 %. Les raisons ? Une charge de travail accrue, et des responsabilités de tous ordres. Aujourd'hui plus qu'hier l'école est ouverte à de nombreux partenariats, avec les parents, les collectivités locales... Il y a des budgets à gérer, les problèmes de responsabilité sont quotidiens. Ne pensez-vous pas qu'il faille à nouveau abaisser le seuil des décharges d'enseignement ? Et ne faut-il pas envisager un statut juridique pour l'école primaire ? Il permettrait de mieux résoudre les problèmes de responsabilité, en définissant clairement les droits et devoirs de l'Etat, des collectivités locales et des enseignants. Enfin, parallèlement à une revalorisation des fonctions de direction, ne pourrait-on mettre en place une formation permettant de mieux appréhender les nécessaires relations avec les collectivités locales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre déléguée - Je ne reviens pas sur les chiffres que j'ai donnés : ils traduisent une certaine désaffection envers le métier de directeur d'école, même s'il faut la relativiser, car elle touche surtout les très petites écoles. Depuis 1997 différentes mesures ont été prises. Les directeurs d'école appartenant au corps des instituteurs ont bénéficié d'une accélération de leur intégration au corps des professeurs des écoles. Au 1er janvier 1999, les indemnités de direction ont été revalorisées, pour un montant total de dix millions. Le relevé de conclusions sur le primaire comporte une mesure d'amélioration des décharges pour les écoles de cinq classes et moins. Dans les écoles à cinq classes la situation continue à s'améliorer. Mais il s'agit là d'arbitrages difficiles entre ouvertures de classes et décharges. Le nombre des directeurs et directrices d'école a tout de même augmenté de façon importante entre 1998 et 1999. Désormais il y a dans 40 % de ces écoles une journée de décharge par semaine, et dans 85 % en ZEP. Mais je reste préoccupée par les difficultés qui subsistent. Il faut redéfinir le rôle de directeur et clarifier la question de la responsabilité. Sur ces points une discussion est engagée avec les organisations syndicales.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Construire une école publique et laïque de qualité est pour les républicains que nous sommes un combat de tous les instants. C'est en effet dans cette école que s'acquièrent les savoirs fondamentaux, mais aussi la tolérance, le sens de la justice, la fraternité, le respect de l'autre, la responsabilité -bref la citoyenneté. Dans ce monde en mouvement, où les injustices sociales ne diminuent pas, la charte pour bâtir une école républicaine du XXIème siècle doit permettre d'adapter les enseignements à cette réalité, en garantissant l'égalité des chances et une participation effective de tous les partenaires. Depuis des années les équipes éducatives et les ministres successifs ont reconnu le rôle important que jouent les parents, à travers leur fédérations, à l'heure où certains d'entre eux démissionnent face aux difficultés que connaissent leurs enfants. Les fédérations de parents d'élèves réclament depuis longtemps un statut de délégué parent, qui leur permettrait de jouer leur rôle légitimement, sans recourir à des heures prises sur leurs jours de congé, et sans essuyer le refus de leurs supérieurs hiérarchiques de les laisser quitter leur travail quand les réunions ont lieu dans la journée. Envisagez-vous de mettre en place ce statut ? Si oui, quand et comment ?

M. le Ministre - On m'a posé cette question lors du congrès d'une fédération de parents d'élèves. J'ai dit que, pour les délégués nationaux, le problème devrait pouvoir se résoudre assez facilement. Mais la question est entre les mains de la ministre de l'emploi et de la solidarité, qui étudie les problèmes d'associations et de statut associatif. Je ne peux prendre une mesure spéciale pour les parents d'élèves : leur cas prend place dans une réflexion plus générale.

J'espère que les problèmes seront résolus. J'en ai parlé de manière informelle au MEDEF, qui n'est pas fermé à la discussion.

Mme Marie-Jo Zimmermann - Un accord entre la France et l'Allemagne prévoit la création dans les deux pays de sections bilingues, dites abi-bac, dont les élèves sont appelés à passer à la fois le baccalauréat français et l'abitur allemand. Il n'existe encore que quelques sections de ce type en France, dont une à Saint-Avold, qui est une réussite.

Du fait de la situation frontalière de la Lorraine, le bilinguisme y est d'ores et déjà pratiqué sur une partie du territoire. Le conseil régional demande la création de deux ou trois nouvelles sections, dans un lycée public et dans un lycée privé ; mais certains responsables administratifs de l'éducation sont réticents et font preuve d'une certaine inertie. Vous serait-il possible, Monsieur le ministre, de faire avancer ce dossier ?

M. le Ministre - Nous sommes très favorables à ces sections abi-bac. Le rectorat de Nancy-Metz examine les projets d'ouverture dont vous avez parlé mais il souhaite qu'ils se réalisent dans le cadre d'une politique générale des langues. Les choses suivent leurs cours ; l'administration fait peut-être preuve d'une lenteur assez traditionnelle, mais il n'y a pas d'obstacles particuliers à lever.

M. André Schneider - Ma question concerne une fois de plus la situation des personnels de direction du second degré, dont la charge de travail et les responsabilités ne cessent d'augmenter. Leur rôle est capital dans le système éducatif, mais malheur à eux si quelque chose ne va pas ! Ils sont le fusible de l'éducation nationale. Devant les parents et la justice, ils sont responsables de tout ce qui se passe dans, et parfois même autour, de leur établissement.

Allez-vous revoir les perspectives de carrière et les rémunérations de ces personnels, dont la lassitude et le découragement sont le pendant de leur dévouement et de leur engagement ? Vous avez souligné que toute réforme nécessite leur implication et confirmé que plusieurs centaines de postes étaient encore inoccupés. Nous leur devons une revalorisation, en marque de notre reconnaissance.

M. le Ministre - Le résultat des précédentes revalorisations a été l'accroissement des inégalités entre chefs d'établissement. Nous avons demandé un rapport au recteur Blanchet. Dans les mesures de revalorisation que nous prendrons, nous serons plus particulièrement attentifs à la situation des jeunes.

Ces personnels ne me paraissent pas découragés, mais au contraire extraordinairement motivés. En revanche, la candidature à ces fonctions semble découragée non seulement par les conditions de rémunération et de logement mais du fait des problèmes de responsabilité civile. Le Gouvernement, vous le savez, a confié à un conseiller d'Etat, M. Massot, une mission sur ce sujet. Il n'y a pas là-dessus de clivage entre la majorité et l'opposition !

M. Etienne Pinte - Je voudrais revenir une fois de plus sur le financement des cours à horaires aménagés de musique dans les écoles, collèges et lycées publics. Je vous ai saisi de ce problème à trois reprises cette année, Monsieur le ministre, mais je n'ai pas encore eu de réponse sur le fond.

Dans un très grand nombre des 34 villes qui possèdent un conservatoire de musique, les ministères de l'éducation nationale et de la culture ont décidé, avec l'accord des communes, de créer des cours à horaires aménagés, menant les élèves au bac F11. Mais l'Etat laisse à la charge des communes les rémunérations des professeurs ; pour y faire face, les communes se résignent souvent à instituer des droits d'inscription et de scolarité, solution mauvaise et à mes yeux illégale. Les classes à horaires aménagés de musique relevant de l'enseignement obligatoire et gratuit, les rémunérations des professeurs devraient être financées par l'Etat.

Ma ville, Versailles, a elle-même été contrainte d'instituer des droits d'inscription et de scolarité à compter de cette année. Cependant, à la demande des parents d'élèves, elle a décidé de suspendre l'application de cette mesure jusqu'au 31 décembre prochain, c'est-à-dire après le vote de la loi de finances. La balle est dans votre camp, Monsieur le ministre. Si vous refusez de vous engager, nous serons contraints de percevoir les droits d'inscription et de scolarité ainsi que d'organiser l'extinction progressive de la filière dès la prochaine rentrée scolaire. J'ose espérer que nous n'en arriverons pas là.

Mme la Ministre déléguée - Le financement de ces classes est parfaitement clair. Il est assuré pour partie par l'Etat et pour partie par les collectivités territoriales, conformément aux lois de décentralisation. L'Éducation nationale assure la rémunération des enseignants qui dispensent des cours d'éducation musicale dans le cadre des enseignements généraux ; les collectivités territoriales prennent en charge la rémunération des enseignants qui dispensent les enseignements musicaux spécialisés, lesquels sont des fonctionnaires territoriaux, ainsi que les frais de fonctionnement liés aux cours dispensés dans les locaux des conservatoires.

Il s'agit d'un partage normal et d'un exemple de coopération entre l'Etat et les collectivités territoriales. Cela dit, rien ne vous interdit de moduler les droits dont vous parlez en fonction des revenus des familles et de créer un dispositif d'aide en faveur des élèves qui n'ont pas les moyens d'accéder au conservatoire. Certaines communes, selon leurs options politiques, savent résoudre ce type de problème... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Odette Trupin - Un grand nombre de collèges et de lycées sont désormais dotés d'équipement informatiques et connectés à Internet. Reste à faire de même pour les écoles, tant la maîtrise de l'outil informatique -et non de l'informatique en tant que telle- est indispensable dans la société d'aujourd'hui. Un double écueil doit être évité : celui d'une juxtaposition de pratiques individuelles qui ne permettrait pas à chacun de tirer profit de l'expérience des autres, et celui d'un ensemble de matériels disparates, limités à un usage bureautique sans interactivité ni partage du savoir. Qu'entendez-vous faire pour ne pas répéter les erreurs d'un passé récent, lorsque les matériels restaient au fond des armoires faute de réflexion sur leur utilisation et d'enseignants formés à cet effet ? Comment associerez-vous technique, pédagogie et management des hommes pour que l'enseignement de l'informatique à l'école permette à nos enfants de se repérer dans le monde totalement informatisé du troisième millénaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - C'est un problème fondamental, et qui n'est pas simple, contrairement à ce qu'on a pu croire. J'ai dit, s'agissant des équipements, que les lycées étaient à peu près tous câblés, les collèges un peu moins, les écoles pour 20 % seulement. Nous avons constitué pour cela un fonds de 500 millions, lancé un appel d'offres de 35 millions avec la DATAR, et nous sommes en train de négocier avec France Télécom sur les tarifs. Voilà pour les tuyaux (Sourires). Pour ce qui est de la formation des personnels, un plan d'urgence en faveur des IUFM est en cours, doté de 60 millions sur deux ans, avec le concours de 100 enseignants et de 200 jeunes docteurs, et 8 000 aides-éducateurs sont en poste dans les établissements scolaires.

Mais l'essentiel n'est pas là : il est dans la fabrication de logiciels éducatifs -car cela ne s'achète pas en magasin, et c'est pourquoi les communes qui attendent avant d'investir ont raison. Un tiers des lauréats du concours des entreprises innovantes sont des fabricants de logiciels éducatifs, un incubateur existe à Marseille et un autre à Rennes, et nous encourageons les deux grands producteurs français : Havas et Hachette. Priorité est donnée, cette année, à la diffusion des logiciels français-j'entends par là : se rattachant à la tradition pédagogique française. Nous allons constituer à cette fin un GIE associant le CNDP, le CNED, le Conservatoire national des arts et métiers et la Fédération de l'enseignement à distance dans l'université, GIE qui s'occupera à la fois de fabrication et de diffusion et qui sera, mine de rien, le deuxième opérateur mondial dans le domaine du logiciel éducatif.

Il faut veiller, parallèlement, à ce que les nouvelles technologies ne soient pas utilisées à des fins purement ludiques. C'est un vrai problème, car beaucoup de logiciels étrangers sont conçus comme des jeux, quand le rôle de l'école est précisément de structurer la masse d'informations qui parviennent aux enfants. Je suis donc allé voir les gens de Havas, pour leur demander d'élaborer des logiciels structurants, sans craindre de les faire paraître un peu trop scolaires... Nous ferons naturellement des réunions, non pas pour le plaisir de tenir colloque, mais pour faire le point régulièrement sur une activité qui peut -je vous autorise à vous moquer de moi dans quelques années si nous échouons- avoir d'importants débouchés à l'exportation. Il faut savoir, en effet, que le savoir-faire pédagogique français est reconnu, et que le logiciel d'apprentissage de la géométrie le plus vendu dans le monde a été mis au point à Grenoble, par des Français. Malheureusement, il est commercialisé par Texas Instruments, mais nous avons dorénavant, grâce au ciel, des opérateurs capables d'exporter les fruits de notre richesse pédagogique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Fleury - Les effectifs scolarisés dans la Somme baissent régulièrement depuis plusieurs années, ce qui conduit les gouvernements successifs à supprimer des classes et des postes, à telle enseigne que les moyens de remplacement avoisinent aujourd'hui zéro. Or, ce département se caractérise par un faible niveau moyen de qualification, attesté par tous les documents préparatoires au Plan, et qui explique que le chômage n'y recule pas, bien que le nombre d'emplois créés progresse : faute de main-d'_uvre capable de les occuper, ils sont pourvus par des gens venus d'autres départements. La joie que j'éprouve à voir qu'un effort croissant est accompli pour l'éducation au niveau national est donc ternie par la constatation, année après année, du recul des moyens consentis à la Somme, dont la situation justifierait au moins une stabilisation.

Sur cette question se greffe celle, plus particulière, de l'adaptation et de l'intégration scolaire. Elle n'est certes pas propre à la Somme, mais les chiffres départementaux laissent entrevoir, au niveau national, une situation critique : 600 élèves orientés vers des structures spécialisées n'ont pu y être accueillis faute de place, 60 postes d'enseignants sont occupés par des «faisant fonction», et un certain nombre de départs en retraite ne pourront être compensés. Quels moyens comptez-vous mettre en _uvre pour remédier à cette carence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre déléguée - Je connais votre préoccupation, et nous avons d'ailleurs travaillé ensemble à atténuer l'application à votre département, compte tenu des éléments qualitatifs dont vous venez de parler, ainsi que du travail accompli sur le terrain, de la dure «loi de la calculette» : alors que le nombre d'élèves a baissé de 5 220 depuis 1992 et de 900 cette année, 20 postes seulement, au lieu de 40, ont été supprimés pour être attribués à des départements en croissance démographique. Vous pouvez compter sur moi pour suivre avec vigilance les indicateurs de réussite scolaire des élèves de la Somme, indicateurs qui ne sont pas si négatifs que vous le dites, ainsi que nous le vérifierons peut-être une fois dépouillées les évaluations faites à l'entrée en sixième.

M. Marcel Rogemont - Pour la troisième année consécutive, malgré une baisse du nombre d'élèves dans les écoles maternelles et primaires, vous proposez de conserver les moyens d'encadrement des classes. Il s'agit là d'une volonté politique forte. Vous souhaitez que les fermetures de classes et d'écoles n'obéissent pas à un simple calcul arithmétique. Cette politique, souhaitable en soi, ralentit inévitablement la correction possible des moyens là où des postes supplémentaires sont nécessaires.

Comment comptez-vous rééquilibrer la situation dans des départements comme l'Ain, la Haute-Savoie, la Gironde ou l'Ille-et-Vilaine ? Dans ce dernier département, le taux d'encadrement se dégrade de façon alarmante. Pourtant 17 postes ont été créés en 1998, et 35 en 1999. D'où vient alors la dégradation ? C'est qu'en 1998, la prévision était de 187 élèves supplémentaires, et il s'en est présenté 401 ; en 1999, les chiffres ont été respectivement de 87 et 532. De plus la scolarisation précoce s'est développée.

Comment éviter que le taux d'encadrement dans des départements comme l'Ille-et-Vilaine se détériore ? Ne faut-il pas mettre en _uvre un plan de rattrapage dès la prochaine rentrée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre déléguée - A la différence de M. Fleury, vous avez la chance de voir le nombre d'élèves augmenter, si bien que votre département a besoin de postes supplémentaires. La succession de la question précédente et la vôtre illustre la difficulté de l'exercice. Il est beaucoup plus douloureux de fermer une classe que d'en ouvrir une. L'Ille-et-Vilaine a reçu 36 postes supplémentaires à cette rentrée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). La densité démographique aurait dû sans doute conduire à faire plus. En outre, le département a choisi de développer l'accueil des enfants de deux ans. Enfin les structures d'accueil d'enfants handicapés ont été ouvertes (Mêmes mouvements).

Nous restons vigilants à l'égard de ce département dynamique, où les résultats scolaires sont excellents. Permettez-nous de redéployer les moyens vers des territoires qui en ont davantage besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Education nationale, recherche et technologie » : « I - Enseignement scolaire ».

Les crédits des titres III et IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits des titres V et VI de l'état C.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits de l'enseignement scolaire.

La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

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PUBLICATION DU RAPPORT D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

M. le Président - Le 10 novembre, j'ai informé l'Assemblée du dépôt du rapport de la commission d'enquête sur le fonctionnement des forces de sécurité en Corse.

Je n'ai été saisi, dans le délai prévu à l'article143, alinéa 3, du Règlement, d'aucune demande tendant à la constitution de l'Assemblée en comité secret afin de décider de ne pas publier tout ou partie du rapport.

En conséquence, celui-ci sera distribué.

Prochaine séance ce mercredi 17 novembre à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 50.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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