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Session ordinaire de 1999-2000 - 28ème jour de séance, 69ème séance

3ÈME SÉANCE DU VENDREDI 19 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite) 2

          INDUSTRIE, POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS 2

          QUESTION 30

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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INDUSTRIE, POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Michel Destot, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'industrie - En deux ans et demi, le Gouvernement a su accompagner la croissance retrouvée qui a ramené nombre de nos concitoyens sur le chemin de l'emploi, même si la lutte contre le chômage reste la priorité des priorités. Le budget du secrétariat d'Etat à l'industrie soutient l'effort engagé et il y a lieu de s'en féliciter car c'est d'une croissance soutenue que dépendent nos chances de résolution durable du chômage.

A périmètre constant, le budget progresse de 2,3 % pour atteindre 15,6 milliards. Il s'agit donc d'une hausse notable, à rapprocher de l'augmentation de 0,9 % de l'ensemble du budget, qui traduit l'ambition du Gouvernement de conduire une réelle politique industrielle. La forte augmentation des dépenses en capital renforce le rôle d'intervention du ministère, dont le budget prépare l'avenir, grâce aux efforts réalisés en matière de formation, d'aide à l'innovation ou au développement des PMI, tout en restant au plus près du tissu industriel, même s'il reste beaucoup à faire pour favoriser l'action de proximité.

L'innovation et la recherche industrielle constituent votre première priorité.

Face à la concurrence, l'innovation constitue l'arme décisive. Pour l'avoir compris trop tard, la France avait pris du retard dans le domaine des transferts de technologies entre recherche, industrie et services. Notre Gouvernement a, depuis deux ans, la volonté d'y remédier et je m'en félicite. Ainsi, la procédure «technologies clés» sera dotée de 400 millions.

Le soutien aux grands programmes de recherche industrielle portera sur la société de l'information, sur les sciences du vivant -et notamment les biotechnologies- et sur les transports. Au total, 1 836 millions seront consacrés au soutien à ces filières prioritaires. Le développement de l'accès à la société de l'information est déclaré grande priorité et doté de près d'1,5 milliard.

La mobilisation de crédits supplémentaires à travers Eurêka permet en outre de donner aux entreprises françaises la dimension européenne indispensable pour la mise en place de l'euro et le développement des activités. Ces nouvelles dispositions sont essentielles pour des technopoles qui, à l'exemple qui m'est cher, de Grenoble, ont fondé leur développement sur le triptyque université-recherche-industrie.

Agir sur l'environnement des entreprises, la modernisation des PME et le développement local constitue votre deuxième priorité.

Outre l'action de l'ANVAR à hauteur d'1,4 milliard au profit de la diffusion technologique et de l'innovation, nous nous félicitons que le soutien au tissu des PMI soit désormais inclus dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.

L'accent est également mis sur l'amélioration de la qualité dans les entreprises, puisque l'enveloppe consacrée aux «normes-qualités», atteint 365 millions, soit une augmentation de près de 4 %.

La formation des entrepreneurs est valorisée, puisque les dispositifs de formation bénéficient de 12 créations d'emplois et d'une progression substantielle de leurs crédits d'investissement.

Cependant, nous devrions anticiper davantage sur les nouveaux besoins de la société et être plus à l'écoute des demandes de citoyenneté. L'innovation doit en effet avoir une dimension sociale.

En associant plus en amont les chercheurs en sciences sociales et humaines, les écoles de commerce et de management, nous inverserons cette tendance bien française qui favorise la logique de l'offre au détriment de la logique de la demande, donc du marché et de l'emploi.

De même, pour améliorer le soutien aux PMI et aux filières émergentes, je propose que soit envisagée la mise en place d'un «crédit d'impôt innovation» qui leur soit réservé.

Résistons à la tentation jacobine. C'est du bassin d'emploi que doivent partir les initiatives. Cela signifie qu'il faut encourager le travail en réseau des grandes villes et des agglomérations, comme nous le faisons en Rhône-Alpes.

Il faut également imposer une nouvelle conception de la politique européenne dans ce domaine. Il n'est plus acceptable que des régions urbaines de haute technologie, bien placées pour développer de nouveaux emplois, soient quasiment exclues de l'éligibilité aux fonds communautaires. Cela reste à mes yeux une aberration.

Enfin, pour gagner en efficacité, il conviendrait de procéder à une évaluation plus fine des aides de l'Etat, afin de parvenir à un équilibre entre les aides à la reconversion et le soutien aux filières d'avenir. Sans doute faudrait-il confier cette tâche au Parlement.

L'accompagnement des mutations industrielles constitue le troisième grand objectif de votre politique et les moyens mobilisés en 1999 sont consolidés. Une attention particulière sera apportée au fonds d'industrialisation de la Lorraine, au fonds d'industrialisation des bassins miniers et aux études portant sur les risques d'affaissement minier.

L'équipement naval bénéficiera d'un soutien particulier, puisque ses crédits connaîtront une progression de plus de 50 % pour atteindre près de 1,3 milliards.

J'en viens aux questions énergétiques, non pour reprendre le débat de fond que nous avons eu lors des deuxièmes rencontres parlementaires sur l'énergie, organisées il y a un mois ici même, mais pour noter d'abord que l'effort de diversification et de maîtrise de l'énergie sera poursuivi : tout ce qui peut économiser des énergies a priori «épuisables» ou polluantes doit être pris au sérieux, d'autant que l'essor des énergies renouvelables représente pour nos industriels un potentiel de développement.

Pour combattre l'effet de serre, les politiques doivent s'inscrire dans la durée car notre devoir est d'anticiper. Il s'agit de définir, pour le demi-siècle qui vient, nos choix en matière d'urbanisme, de transports et de logement, en ayant pleinement conscience qu'ils déterminent nos besoins énergétiques.

Dans notre pays, le secteur des transports est responsable à lui seul de près de 50 % des émissions d'oxydes de carbone. C'est dans ce secteur que la mutation la plus ambitieuse doit être engagée, grâce à la mobilisation des acteurs et à l'accroissement des moyens.

En augmentant de 500 millions le budget de l'ADEME en 1998, le Gouvernement a fait un pas dans la bonne direction, qu'il a depuis maintenu pour permettre à la France de quitter sa dernière place en matière de recherche et développement dans ce domaine.

Cela doit permettre de favoriser le développement de techniques innovantes favorisant l'efficacité énergétique telles que les offres d'énergie multiservices, les réseaux de chaleur, la pile à combustible ou au photovoltaïque...

La sûreté nucléaire doit de même rester une priorité car même si l'heure n'est plus au tout nucléaire, notre politique énergétique repose pour une large part sur cette énergie, qu'il ne faut ni «sanctifier», ni «diaboliser» et qui est aujourd'hui confrontée à plusieurs enjeux : l'achèvement de l'aval du cycle doit tout d'abord apporter des solutions à la gestion de l'ensemble des déchets radioactifs en poussant les feux sur la recherche. Il faut également prendre nos responsabilités à l'égard des générations futures, en maintenant le nucléaire à un haut niveau de performance et de sécurité, dans l'intérêt économique, social et écologique de notre pays. Il s'agit, enfin, de maintenir notre capacité technologique et industrielle pour laisser l'option nucléaire ouverte.

Aussi, à l'horizon du renouvellement du parc français, je plaide pour qu'un site approprié soit déterminé et que, à la suite d'un grand débat scientifique et démocratique, la réalisation de l'EPR soit engagée, afin de disposer d'une nouvelle génération de réacteurs, plus sûrs et plus efficaces.

Le CEA bénéficie d'une rebudgétisation partielle. Il importe de ne pas fragiliser cet organisme, au moment où l'on attend de lui de poursuivre des objectifs de recherche particulièrement exigeants dans les domaines de l'aval du cycle et des technologies avancées. Il ne faut pas faire dépendre son équilibre budgétaire de concours d'opérateurs dont la politique industrielle doit être assez autonome pour relever les défis de la concurrence internationale.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous assurer que le CEA aura en 2000 assez de ressources, soit grâce à la répartition équitable de la provision pour la création d'un IPSN indépendant, soit grâce à une augmentation des crédits courants ? Pour l'instant, le compte n'y est pas tout à fait et le personnel le ressent vivement au moment où l'on négocie les accords de solidarité.

Enfin, le service public ne peut être réduit au seul secteur national. La loi de nationalisation de 1946 a été féconde. Mais avec la construction de l'Europe et le développement de la décentralisation il est indispensable que les opérateurs sachent se montrer offensifs pour tirer profit de leurs atouts internationaux tout en renforçant le partenariat avec les collectivités locales.

Quinze ans après les grandes lois de décentralisation, le rôle de ces dernières dans le secteur électrique est enfin précisé dans le projet de loi sur l'électricité. Il faut maintenant s'assurer qu'il en sera de même pour le gaz, grâce à la transposition de la directive relative à celui-ci.

C'est au total un des meilleurs budgets que nous ayons eu à voter (Exclamations sur les bancs du groupe DL). Le Gouvernement se donne les moyens de tenir le cap de la croissance, de l'ouverture et de l'innovation et donc de conforter la France dans son rôle de grande puissance industrielle, au service de l'emploi et de la solidarité. Je vous demande donc d'imiter la commission des finances qui a adopté ces crédits à l'unanimité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Nicolin - Jamais !

M. Claude Billard, rapporteur pour avis de la commission de la production pour l'industrie - En 1998, dans un environnement international demeuré favorable malgré la crise asiatique, les exportations industrielles ont été le principal soutien de la croissance française. On peut donc se féliciter que notre production continue de croître à un rythme soutenu, d'autant que l'emploi en bénéficie : l'an passé, le total des emplois permanents de l'industrie manufacturière a crû de 18 000 unités, retrouvant son niveau de 1996 en franchissant à nouveau la barre des 3,3 millions de postes.

Mais ces quelques effets positifs ne doivent faire oublier ni la précarité, ni l'ampleur prise par les plans de licenciement. En 1998, le nombre des emplois intérimaires a augmenté de 21,8 % alors que celui des emplois permanents ne croissait que de 0,5 %, et on dénombre aujourd'hui 183 000 emplois précaires ou à durée déterminée dans l'industrie : l'emploi n'est plus qu'une variable d'ajustement aux fluctuations de la demande.

Les plans de licenciement, souvent rebaptisés plans sociaux, continuent d'exercer leurs ravages en raison de la récente vague de concentrations, fusions-acquisitions et autres échanges d'actions. Le rapprochement entre Total et Fina-Elf provoquera la disparition de plus de 2 000 emplois ; la réorganisation de l'industrie de défense européenne a eu pour conséquence l'annonce de la suppression de 4 000 emplois en deux ans dont 3 000 en France. Au total, ce sont plus de 250 000 emplois qui ont ainsi été supprimés l'an passé. Cette année, outre ceux des Ateliers et Chantiers du Havre et Michelin, ce sont 1 500 salariés chez DMC, 3 000 chez Usinor, un peu plus de 1 000 chez Bull, 1 150 à IBM France et 2 000 chez Philips qui ont perdu ou vont perdre leur travail.

On ne peut que le regretter, le retour de la croissance ne s'est pas traduit par la création d'emplois durables ni n'a donné naissance à une véritable politique de soutien à la consommation.

La vocation affichée du budget de l'industrie est d'aider nos entreprises à s'adapter à la modernisation des modes de production et de consommation, à la mondialisation, à l'achèvement du marché unique et à l'avènement des nouvelles technologies. Pourtant, si l'on considère la réalité, il n'apparaît pas toujours comme l'instrument privilégié d'une véritable politique industrielle. S'établissant à 15,6 milliards -à 12,9 seulement si l'on retranche ceux qui sont consacrés aux postes et télécommunications, il est vrai qu'il ne peut servir que de modestes ambitions. Sa hausse modérée -de 2,3 % pour l'ensemble des crédits et de 1,9 % pour les crédits «industrie» proprement dits- condamne l'Etat à ne mener que des actions ponctuelles.

C'est dans ce cadre limite que deux priorités ont été définies. La première consiste à préparer l'avenir grâce à un effort particulier en faveur de la formation et de l'innovation, ainsi que pour les dépenses en capital qui progressent de 4,5 % en crédits de paiement et de 3 % en autorisations de programme. La seconde vise à soutenir le développement local : 703 millions y sont affectés, les crédits de paiement augmentant de 7 %.

Je me réjouis que des emplois soient créés dans les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement qui participent à la bataille pour l'emploi dans les régions, et que les procédures d'aide au développement industriel soient simplifiées. Mais la vocation première de ce budget est d'offrir aux entreprises un cadre favorable à leur développement. L'aide à l'innovation bénéficiera donc de 2,85 milliards de crédits soit de 18 % du total. Cependant, sur plusieurs années, cette dotation manifeste une très nette tendance à s'éroder.

Je me félicite que les programmes de soutien aux technologies clés soient maintenus, la procédure ATOUT confortée et la dotation de l'ANVAR préservée. Je relève également que le soutien aux nouvelles technologies de l'information et de la communication se voit consacrer plus d'un milliard et qu'une priorité est donnée à l'aide à la qualité et à la sécurité, la métrologie bénéficiant d'un soutien particulièrement important et les moyens consacrés à la sécurité des mines étant doublés pour appliquer la loi «après-mines». Dans le domaine de la maîtrise de l'énergie et du développement des énergies renouvelables, votre budget tient aussi ses promesses puisque les crédits de l'ADEME sont consolidés.

Pour ce qu'il est convenu d'appeler les «mutations industrielles», ce budget joue un rôle d'«amortisseur» et d'ambulancier social. Les dotations représentent ici 37,3 % des crédits de l'industrie et la subvention à Charbonnages de France, ainsi que les moyens des fonds d'industrialisation de la Lorraine et des bassins miniers y tiennent une place importante. Toutefois, la dotation allouée à Charbonnages de France tend à stagner, ce qui traduit le désengagement progressif de l'Etat dans l'exploitation charbonnière mais ne tient pas compte de la fermeture des mines, qui provoque une augmentation des charges de retraite et oblige à remettre en état les sites.

Quant aux aides à la construction navale, si elles connaissent un bond de 51 %, celui-ci s'explique d'abord par la croissance des aides à la fermeture, à la reconversion ou à la restructuration.

Je ne puis passer sous silence les interrogations que suscite la politique énergétique du Gouvernement. Dans ce secteur stratégique, puisque situé en amont de toute l'activité économique, votre département joue un rôle décisif, ne serait-ce qu'en raison de la tutelle qu'il exerce sur les écoles des mines, Charbonnages de France et EDF, ou des moyens dont il dote certains établissements. Or dans une période caractérisée par la déréglementation et la soumission aux strictes lois du marché, certains éléments de votre budget apparaissent inquiétants. Ainsi vous donnez la désagréable impression de priver le CEA des moyens qui lui permettraient d'atteindre ses objectifs stratégiques. En effet, alors qu'en l'absence de perspectives industrielles à court et moyen termes, les ressources extérieures du Commissariat diminuent, la subvention globale de fonctionnement est simplement reconduite et l'Etat ne tient que très partiellement son engagement de couvrir le solde de cette baisse de recettes. Cette situation délicate conduit l'établissement public à emprunter et, pour garantir ces emprunts, à céder des actifs. A cela s'ajoute le fait que, pour le passage aux 35 heures, la direction a fixé un cadre qui ne pourra être respecté, l'Etat lui demandant d'autofinancer la mesure grâce à la modération salariale et à des économies de productivité. Autant dire «mission impossible» et l'on conçoit l'hostilité des salariés, déjà inquiets pour l'avenir du CEA. Cette situation délicate a amené et amènera encore le CEA à abandonner des programmes de recherche qui, pourtant, sont la justification de son existence. Comment, Monsieur le ministre, croire vos déclarations sur la nécessité de «maintenir l'option nucléaire ouverte», si le principal outil à la disposition des pouvoirs publics est ainsi voué au déclin ?

Je sais que dans votre conception, la politique industrielle doit désormais viser à donner aux entreprises un cadre favorable à leur développement et non à gérer le secteur productif. Il s'agit moins d'appliquer de grandes stratégies industrielles abstraites que de favoriser la mise en _uvre des stratégies définies par les entreprises elles-mêmes. L'expérience montre cependant que lorsque les pouvoirs publics désertent le champ de l'industrie, le marché étend sa loi, avec les dégâts que l'on connaît. Quand le politique cède à l'économique, on aboutit à l'impuissance face à Michelin... Les entreprises s'en tiennent à une logique financière, procèdent à des fusions pour rassurer les actionnaires et suppriment des emplois. Le budget de l'industrie devrait permettre de maîtriser ce système pervers ; je déplore qu'il se borne à occuper les vides laissés par le marché, l'Etat n'intervenant que lorsque le secteur privé n'y trouve pas son intérêt égoïste.

Toutefois, après ces observations, la commission de la production a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'industrie (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances, pour La Poste et les télécommunications - Le budget de La Poste et des télécommunications que vous nous proposez, Monsieur le ministre, est, dans la conjoncture actuelle, un bon budget. Les crédits sont en augmentation de 4,12 %, pour atteindre 2 775 millions. A structure égale, le budget de 1999 n'était qu'en progression de 1,35 %.

Les crédits de l'agence de régulation des télécommunications passent de 87,51 millions en 1999 à 91,03 millions, soit une progression de 4,03 %. Je suis heureux de constater que l'enveloppe des indemnités et allocations diverses n'augmente que de 1,53 %, après la hausse de plus de 7 % de l'an dernier, sur laquelle je vous avais dit mon désaccord.

Le transfert des activités radio-maritimes de France Télécom à l'agence nationale des fréquences va dans le sens de l'utilisation optimale des ressources. Même observation pour le groupement des écoles des télécommunications, qui reçoit 494,5 millions, contre 459,5 en 1999. Cette progression de 7,62 % prend en compte le transfert de 26 chercheurs du centre national d'études des télécommunications.

Après ces considérations d'ordre budgétaire, j'en viens à quelques observations.

Concernant La Poste, la quête de sécurité financière et sa traduction -l'équilibre budgétaire- méritent beaucoup d'attention. Il faut veiller à ce que ces impératifs louables ne limitent pas l'investissement : il convient de rappeler aux autorités européennes qu'une juste politique des tarifs doit permettre de dégager des marges à cet effet. Quant à la réduction de la dette, si elle empêche de réaliser des investissements rentables, elle n'a pas forcément les effets positifs escomptés.

Il est de la responsabilité du Gouvernement d'honorer les obligations de service public qu'il impose. En additionnant le coût lié à la présence territoriale et le déficit de transport de la presse restant à charge, on arrive à 5,2 milliards.

De plus, les activités en concurrence devraient relever des règles applicables aux autres opérateurs ; une discrimination négative peut être dommageable au service public.

Concernant France Télécom, je ferai d'abord quelques observations d'ordre financier.

En 1998, le chiffre d'affaires de France Télécom a atteint 161,7 milliards contre 153 en 1997. Au premier semestre 1999, il serait en hausse de 9,2 %.

Les produits des services de téléphonie fixe ont enregistré une baisse de 5,5 % entre 1997 et 1998, mais le chiffre d'affaires des mobiles, sur la même période, a augmenté de 48,6 %.

En 1998, France Télécom a procédé à un rééquilibrage de ses tarifs pour des raisons de stratégie commerciale. La croissance des frais commerciaux traduit la poursuite du redéploiement des effectifs vers les fonctions commerciales, dans un contexte de concurrence généralisée. Enfin, l'évolution du cours de l'action de France Télécom, première capitalisation boursière de la place de Paris, ne doit pas faire oublier qu'il faut réaliser des investissements importants, nationaux et internationaux.

S'agissant de la stratégie de France Télécom, il est fondamental, tout d'abord, que notre pays conserve et enrichisse son capital recherche. Nous avons salué la mise en place du réseau national de recherche en télécommunications. Il serait souhaitable de faire un bilan global des efforts français de recherche en télécommunications, ce qui encouragerait France Télécom à développer ses rapports contractuels avec l'industrie.

En ce qui concerne la stratégie internationale, France Télécom est présent dans près de 50 pays, dont 15 européens. En 1998, la progression de son chiffre d'affaires à l'étranger -près de 10 % de son chiffre d'affaires global- a été de 39,3 %. Nous ne sommes pas à l'abri de déconvenues : nous avons en mémoire la rupture avec Deutsche Telekom. Il reste que l'implantation de bureaux à l'étranger est pertinente ; je pense tout spécialement aux Etats-Unis, au Brésil, à la Chine, à l'Inde, à l'Indonésie et au Japon.

Une remarque pour finir : pour pleinement mobiliser les capacités existantes, il est important que la coordination publique soit forte. Il convient par exemple d'éviter, pour La Poste, les concurrences entre différents ministères -je pense notamment à celui des transports. Je sais, Monsieur le ministre, que vous êtes attaché à cette coordination.

A la suite de la commission des finances, j'invite l'Assemblée à voter cet excellent budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Gabriel Montcharmont, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour La Poste et les télécommunications - A périmètre budgétaire constant, les crédits proposés pour 2000 sont en hausse de 4,12 % par rapport à ceux votés pour 1999, qui étaient eux-mêmes en progression de 1,34 % sur l'année précédente. La croissance des crédits de l'autorité de régulation des télécommunications, de l'agence nationale des fréquences et du groupe des écoles des télécommunications témoigne de la volonté d'affirmer la présence de l'Etat ; je ne peux qu'en être satisfait, Monsieur le ministre, tout en regrettant la stagnation des moyens des services placés sous votre autorité.

Votre budget traduit aussi le respect des engagements pris vis-à-vis de La Poste, notamment par le contrat d'objectifs et de progrès ; ainsi, les charges de pension supportées par la Poste en 2000 seront stabilisées à leur niveau de 1997, grâce au versement d'une contribution de 600 millions.

J'ai aussi noté avec satisfaction que la contribution de l'Etat au transport postal de la presse augmente de 50 millions et atteint ainsi le montant fixé dans l'accord sur le financement du transport de la presse, soit 1,9 milliard.

Cependant, l'essentiel, pour les deux opérateurs publics, est de pouvoir répondre à leurs missions de service public alors que la concurrence s'avive chaque jour. Globalement, ces missions continuent d'être bien remplies. Les commissions départementales de présence postale font un travail utile qui serait encore plus efficace si, dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, des crédits avaient permis de résoudre certains problèmes. Il faut noter, en revanche, les efforts faits par La Poste pour renforcer sa présence dans les zones urbaines sensibles, après qu'une convention portant sur la politique de la ville a été signée avec l'Etat en décembre 1998.

Il serait bon qu'une convention similaire soit signée avec France Télécom afin que cet opérateur ne ferme pas, sans concertation préalable, des agences dans des zones urbaines sensibles au seul motif de l'absence de rentabilité immédiate.

Je déplore que le décret relatif aux tarifs sociaux en matière de télécommunications ne soit pas encore entré en vigueur. Ce retard conduira à restituer aux opérateurs les sommes versées à ce titre, au fonds de service universel.

La négociation sur le passage aux 35 heures vient de s'engager à France Télécom. L'opérateur public ne témoigne pas d'une hâte excessive à s'engager dans la réduction du temps de travail... La négociation est engagée à La Poste depuis l'accord du 17 février 1999 et la démarche adoptée, qui prévoit une procédure décentralisée, pour être novatrice n'entraîne pas moins des retards dans la conclusion des accords. L'accord-cadre prévoit 20 000 recrutements pour remplacer les 20 000 départs annoncés, ainsi qu'une réduction significative de la précarité de l'emploi. Alors que La Poste sera l'entreprise française au plus fort effectif à passer aux 35 heures et que la moitié de son chiffre d'affaires est réalisé dans le secteur concurrentiel, on ne peut que regretter, une fois encore, qu'elle ne bénéficie pas de l'aide de l'Etat.

La Poste se porte bien. Les activités «courrier», «colis», «logistique» sont en progrès très sensible, et les activités financières suivent les prévisions. Ces résultats ne sont pas dus à la seule conjoncture, ils sont le fruit des progrès considérables accomplis par La Poste en une dizaine d'années et, donc, des efforts, eux aussi considérables, de son personnel. Cette bonne santé conduit à relativiser les discours qui présentent La Poste comme une entreprise en grand péril, qu'il conviendrait de sauver de toute urgence, au risque de la dénaturer.

Entrée dans un cercle vertueux, La Poste doit recevoir le soutien de l'Etat. A cet égard, il faut saluer la qualité, à laquelle vous avez beaucoup contribué, Monsieur le ministre, des accords conclus lors du congrès de l'Union postale universelle à Pékin. Non seulement la notion de service universel y a été réaffirmée, mais il a aussi été dit que les frais terminaux de distribution du courrier transfrontière devaient être rémunérés sur les coûts.

Nous connaissons votre fermeté quant à la dérégulation du publipostage et du courrier transfrontière. Nous savons aussi que certains Etats de l'Union européenne veulent cette dérégulation, qui mettrait pourtant en péril l'équilibre de La Poste et, donc, l'accomplissement de ses missions de service public. Cette question sera un test significatif de la volonté qu'a l'Union de permettre l'existence d'un service public postal fort répondant aux attentes des populations.

Alors que les opérations de rachat se multiplient, La Poste ne peut rester à l'écart de ce mouvement. L'isolement ou le confinement sur le territoire national serait, à terme, mortel. La Poste a besoin de fonds propres pour garantir sa pérennité. Il faut donc soit réaliser tout ou partie de son parc immobilier, soit lui apporter une dotation en fonds propres, ce qui n'a jamais été fait depuis la création du budget annexe.

Depuis cinq ans, la croissance du marché des télécommunications est telle que les estimations même les plus optimistes ont été constamment démenties. Les secteurs réunis de l'informatique et des télécommunications forment le moteur de la croissance mondiale et représentent en France une part du PIB supérieure à celle de l'automobile et de l'énergie réunies. Pareil phénomène ne s'était pas vu depuis le développement de l'automobile et de l'électroménager. L'émergence de ce nouveau marché se traduit par des prises de contrôle dont le montant croît de manière vertigineuse. Ainsi, tout client d'un opérateur de téléphonie mobile est «valorisé» sur le marché boursier à hauteur de 40 000 F alors qu'il crée un chiffre d'affaires moyen de 2 500 F par an.

On aura compris que, dans un tel contexte, l'action des pouvoirs publics est particulièrement difficile à définir et à conduire.

Le monde des télécommunications est agité par deux grands débats : celui du dégroupage et celui de l'attribution des licences UMTS. La mission sur l'application de la loi de réglementation des télécommunications s'est opposée au dégroupage en raison de ses risques potentiels de dysfonctionnement, et elle a dit sa préférence pour la mise à niveau des réseaux câblés ou l'établissement de boucles locales pour la radio. Ces deux techniques permettent, comme le dégroupage, l'accès aux hauts débits sans lesquels Internet ne pourra être généralisé.

Les fréquences radios sont des ressources rares dont l'allocation temporaire doit être soigneusement pesée. La mise aux enchères des fréquences, bien qu'elle procure des ressources financières, n'est pas satisfaisante. Elle fait peser des risques sur la possibilité de récupérer la fréquence à l'expiration de la licence et elle mobilise des capitaux qui feront ensuite défaut pour réaliser les investissements considérables que requiert l'établissement d'un réseau mobile.

Elle fait aussi courir le risque que s'installe en France un géant américain des télécommunications alors que, jusqu'à présent, la prééminence des capitaux français au sein des grands opérateurs de réseaux a été préservée.

Monsieur le ministre, les modifications réglementaires, le développement rapide de l'innovation et la révolution des télécommunications ne simplifient pas votre tâche. Nous vous faisons confiance pour garder le bon cap, c'est-à-dire pour promouvoir un service public fort et performant, favoriser l'innovation et l'investissement, accompagner et amplifier l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Aussi la commission de la production a-t-elle émis un avis favorable au projet de budget que vous lui avez proposé.

M. Franck Borotra - Vous êtes un ministre sympathique, Monsieur Pierret, mais aussi un ministre habile qui faites passer le budget de l'industrie le vendredi soir : je n'y aurais jamais pensé ! Pour autant, veillez à ne pas prendre pour argent comptant la multitude de compliments qui vous a été adressée et, surtout, ne comptez pas sur moi pour en ajouter.

En fait de budget du siècle, votre projet est assez semblable à celui de 1999 et il sera sans grand effet car les services votés mangent l'essentiel des crédits. Mais l'essentiel est ailleurs : c'est de savoir si le Gouvernement mène une véritable politique industrielle. Or un ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avait été taillé sur mesure, non pas dans l'intérêt de l'industrie française mais dans celui de M. Strauss-Kahn. Celui-ci étant parti, le comble est atteint, puisque c'est un préfet qui est ministre de l'industrie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) même si c'est un bon préfet.

Et que voit-on ? Un budget dilué dans l'océan de Bercy, et sans impulsion nouvelle, des crédits de paiement en baisse pour les reconversions et les restructurations industrielles, pour la recherche industrielle et pour l'innovation, en dépit de l'immensité des besoins !

S'agissant de l'ADEME, le montant des crédits de paiement est tel que le risque de nouveaux problèmes de trésorerie ne peut être écarté. D'autre part, la hausse des crédits destinés au traitement des déchets n'est pas suffisante pour répondre aux besoins des collectivités locales -mais je sais que ce volet ne dépend pas de votre budget.

Pour le CEA, les crédits sont en hausse apparente, mais, en réalité, ils baissent -tout est dans un jeu d'écriture : mon collègue Billard a raison !

L'année dernière, vous aviez inscrit 300 millions de crédits à charge des industriels faisant appel à la recherche appliquée du CEA. Vous aviez pris par écrit l'engagement de compenser le manque à gagner sur ces crédits. Or il a été de 160 millions, et vous n'avez pas respecté votre engagement. Voilà la vérité ! En 2000, le CEA va connaître une baisse de crédits de 240 millions que la vente de ses filiales ne couvrira pas. En réalité, on assiste à la poursuite de l'affaiblissement de la filière nucléaire et du CEA par le transfert de ses charges vers les entreprises privées puis, le moment venu, par le projet de loi sur la transparence auquel nous nous opposerons avec la plus grande fermeté s'il reste en l'état, soyez-en assuré. Concernant les Charbonnages de France, l'aide sera comparable à celle de 1999 pour perte nette de plus de 6 milliards ce qui va accroître un endettement de plus de 32 milliards qui contribue aux 700 milliards d'endettement des entreprises publiques.

Ce budget de l'industrie, au total assez classique, ne s'appuie pas sur des structures d'intervention suffisantes pour conduire une véritable politique industrielle. C'est tout à fait paradoxal quand des pays libéraux comme la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis disposent de structures autonomes, puissantes, écoutées et ont mis en place un régime d'aide sophistiqué.

Le Premier ministre s'est vanté, lors du départ de Dominique Srauss-Kahn, de la politique industrielle de notre pays. C'est en réalité une politique à la godille qui joue habilement de la conjoncture et de choix politiques. Vous avez engagé des restructurations et des privatisations, sans cependant pousser la logique à son terme. Vous avez dans le même temps alourdi les charges qui pèsent sur les entreprises, continué d'accroître la fiscalité et engagé la réforme, archaïque, des 35 heures.

Alors que le contexte économique est favorable à la création d'emplois, la création d'entreprises stagne, l'emploi précaire se généralise, le nombre de salariés payés au SMIC augmente -50 % en quatre ans-, les plans sociaux se multiplient. Le Gouvernement n'a pas pris la mesure des évolutions en cours : il croit pouvoir y faire face par des rodomontades ou des contraintes. Il se trompe.

Il porte en revanche à son crédit d'avoir engagé les restructurations nécessaires. Il a levé les incertitudes créées par le Gouvernement précédent pour la privatisation de Thomson-CSF. Le rapprochement avec Marconi aurait en effet pu être dangereux. Je le dis d'autant plus facilement que je n'étais pas d'accord avec la solution retenue par le Gouvernement auquel j'appartenais («Oh !» sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). Vous riez mais si vous votiez pour ce gouvernement seulement lorsque vous êtes vraiment d'accord avec ses décisions, vous ne voteriez pas souvent pour lui ! L'entrée de Thomson-CSF au capital d'Alcatel est judicieuse. Il faut continuer de réduire la participation de l'Etat afin d'engager la coopération nécessaire avec EADS et assurer son développement en Grande-Bretagne.

Je me félicite également de la stratégie suivie par Thierry Breton et son équipe à la tête de Thomson Multimédia : TMM a renoué avec les profits grâce à la clarté de ses options et à la crédibilité de ses dirigeants -cela me prouve a posteriori que j'ai eu raison de le nommer président de cette société.

S'agissant de Framatome, la sortie d'Alcatel de son capital était hautement souhaitable. Alcatel a été un actionnaire dormant, parfois même hostile. La restructuration du capital était nécessaire : celle engagée ne débouche malheureusement pas sur une réelle perspective industrielle et fait courir le risque, inacceptable, d'une renationalisation. Le pôle Framatome-Cogema-EDF est sans doute une étape transitoire utile mais un rapprochement, sans doute avec Siemens, et une privatisation, sont indispensables.

L'entrée de l'ERAP au côté de CEA Industrie, Technip, Totalfina dans Cogema et l'entrée de Cogema dans Eramet clarifient une situation qui avait besoin de l'être. Il faut maintenant aller plus loin en regroupant tous les actifs miniers français dans Cogema, y compris les actifs miniers du Bureau de recherches géologiques et minières, ce qui permettrait d'éviter un scandale comme celui de Yanacocha, et ouvrir davantage le capital de Cogema au privé.

Milton Friedman écrit dans Le Monde : «S'il faut privatiser ou élaguer une activité publique, ne cherchez pas un compromis dans une privatisation partielle ou une réduction partielle du contrôle étatique». La troisième voie est en effet sans issue. Il faut continuer à privatiser Air France, France Télécom, rendre totalement Renault au secteur privé, ouvrir le capital de GDF.

M. Jean-Claude Lefort - C'est tout ?

M. Franck Borotra - L'Etat ne peut plus jouer le régulateur en face du secteur privé et du marché.

Quant à votre politique fiscale en direction des entreprises, elle est littéralement folle. Votre réforme de la taxe professionnelle, qui favorisera seulement les services, pénalisera beaucoup d'entreprises, notamment dans la sidérurgie, la mécanique, le textile. Celles-ci subiront même une hausse de leur cotisation en 1999, voire en 2000 et 2001, à cause du mécanisme dangereux qui renforce la part relative supportée par l'industrie.

Vous avez également élargi le champ de la TGAP ; vous préparez une taxe sur les consommations intermédiaires d'énergie, avec une taxe minimale sur la consommation d'électricité supportée une nouvelle fois par les industries lourdes vulnérables, après avoir supprimé la surtaxe sur les bénéfices des sociétés en 1997, vous instaurez une taxe sociale sur ces mêmes bénéfices, une taxe sur les heures supplémentaires ; vous allez augmenter progressivement la taxe sur le gazole, alors qu'aujourd'hui un véhicule de plus de sept ans pollue bien plus qu'un véhicule diesel neuf. La solution est de parvenir à éliminer les véhicules anciens du parc automobile, non d'augmenter les taxes.

Vous vous désintéressez par ailleurs des secteurs industriels traditionnels. Je vais prendre un seul exemple : vous avez accablé le secteur du textile, de l'habillement, de la chaussure et le plan que vous avez établi avec Mme Aubry n'est qu'un cautère sur une jambe de bois (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Par choix politique que le Gouvernement n'a pas le courage d'assumer, vous avez refusé d'étendre l'abaissement des charges, ce qui aurait placé les entreprises du textile à l'abri des contestations technocratiques de Bruxelles. Ne nous dites pas que c'est illégal : il suffisait de le légaliser en l'étendant. Du reste, que fait aujourd'hui le Gouvernement dans le conflit du b_uf britannique ?

Non content d'avoir dénoncé des entreprises avec lesquelles l'Etat avait contracté, vous avez porté un nouveau coup à l'industrie textile avec la deuxième loi Aubry, qui remet en cause l'accord de branche. Vous avez limité le quota d'heures supplémentaires à 90 heures par an, de surcroît désormais taxées à 10 %, ce qui diminue d'autant la rémunération des salariés. Bref, après toutes les mesures que vous avez prises, il manque 2 000 F de compensation par rapport au dispositif d'allégement des charges précédent -sur la base du SMIC.

Et ce n'est pas, hélas, le seul secteur industriel concerné. Je pourrais citer la construction navale, abandonnée par Bruxelles à la veille de la suppression des aides. Après qu'un rapport a mis en évidence qu'un prêt miraculeux de 57 milliards de dollars du FMI a sauvé les constructeurs coréens de la faillite, on aurait pu s'attendre à une réaction ferme du conseil des ministres européens du 9 novembre. Sa réponse a été à la hauteur de votre politique industrielle : il n'a pas voulu engager de procédure dans le cadre de l'OMC, se contentant de «faire preuve de fermeté dans le cadre d'un dialogue ouvert».

La Corée a bien reçu le message, elle pourra continuer à exercer sa concurrence déloyale.

J'en viens à votre immobilisme par rapport au secteur public et je prendrai l'exemple de la directive européenne sur l'électricité.

Monsieur le ministre, vous indiquez dans un entretien accordé ce matin même au Figaro que le retard est imputable à celui pris par votre prédécesseur -c'est-à-dire moi- pour engager la concertation. C'est oublier comment vos amis ont laissé s'embourber ce dossier durant sept ans.

La loi en cours d'examen, fort éloignée des conclusions du rapport qui vous avait été remis, montre bien que la concertation n'est pour vous qu'un mot.

L'échec de la CMP hier montre que le Gouvernement s'en tient à une transcription idéologique de la directive, qui fait courir un risque à EDF. Votre choix, de nature politique, est complètement inadapté. Mais l'apparence d'unité de votre majorité est plus importante que les perspectives ouvertes à EDF. La loi de 1946 a pourtant sa place dans un musée d'antiquités plutôt que dans l'environnement industriel du XXIème siècle. Vous prenez le risque de retarder l'évolution d'EDF et du secteur électrique. Vous avez seulement cherché à donner satisfaction au parti communiste, sans prendre le moins du monde en compte les intérêts de l'Etat et ceux d'EDF.

Le retard pris fait courir le risque d'un recours en manquement de la Commission contre la France et d'un durcissement de la Commission à l'égard d'EDF à un moment où des négociations décisives de prises de participation à l'étranger sont en cours. Il fournira une base juridique à des actions de rétorsion de la part de gouvernements étrangers au nom du principe de «réciprocité». Un seul exemple : l'Italie a prévu une clause de réciprocité dans la transposition de la directive et l'autorité de régulation a publié une délibération précisant les conditions d'importation d'énergie électrique, pour les clients éligibles, sur la base de la réciprocité ; un consommateur italien éligible ne peut importer de l'électricité de France que si le seuil d'éligibilité est identique en France et en Italie. Dans le cas contraire, le seuil d'éligibilité retenu est celui le plus élevé des deux pays. La directive n'étant pas transposée en France, les consommateurs éligibles italiens supérieurs à 100 Gwh pourront s'approvisionner en France alors que ceux supérieurs à 30 Gwh le pourraient dans les autres pays.

Ce retard perturbera aussi la politique commerciale d'EDF. Il suffit de lire les réactions dans la presse étrangère.

Cette décision retardera, enfin, l'examen de la directive gaz.

Le Gouvernement a pris une décision majeure sur des critères partisans, au détriment des intérêts de la France, d'EDF et des grandes entreprises consommatrices.

J'ai parlé de politique à la godille. Je ne crois pas m'être trompé. Le groupe RPR votera contre cette politique, et donc contre votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. Yves Nicolin - Monsieur le ministre, le grand écart finit par faire mal. Et à vouloir donner des gages à toutes les composantes de la majorité, vous en êtes arrivé à ce que notre pays n'ait plus de politique industrielle. Or un très grand nombre d'emplois en dépend, autant dans les grandes entreprises que dans les PME-PMI.

M. Borotra a évoqué le cas du textile. Des centaines d'entreprises de ce secteur n'ont plus qu'une certitude : c'est que le Gouvernement ne les aide pas et qu'il est en train de brader nos industries de main-d'oeuvre.

Vous méritez une palme, celle de l'anachronisme... Vous nous présentez un budget tourné vers le passé. Alors qu'EDF et GDF doivent s'adapter à la concurrence, que les secteurs du pétrole et du gaz sont touchés par de multiples fusions, que nombre de PMI sont soumises à une concurrence internationale intense, vous nous proposez une planification dépassée. Votre politique est à l'image du ministère de l'industrie : inexistante.

En effet, votre secrétariat d'Etat, phagocyté par le ministère des finances, n'est plus que l'ombre de lui-même. Victime d'un «changement de périmètre», pour reprendre l'euphémisme usuel, il perd la plus grande partie de ses crédits, transférés aux services financiers du ministère des finances. On pourrait croire qu'il s'agit de fonctionner avec moins de fonctionnaires, ce qui pourrait réjouir le libéral que je suis, mais il n'en est rien, puisque les crédits de personnel sont juste transférés. Vrais transferts budgétaires et fausse réduction des effectifs : le secrétariat d'Etat à l'industrie est donc un ministère fantôme, complètement sous tutelle.

Que vous proposez-vous donc d'accomplir avec 16,5 milliards de crédits ? Un saupoudrage de subventions à des organismes de reconversion industrielle ; des subventions à l'innovation, mais pour la plupart absorbées par l'agence nationale pour la valorisation de la recherche ; la recapitalisation de Charbonnage de France et d'entreprises mal gérées du secteur public ; enfin, le financement d'une politique énergétique qui demeure étatique.

Il s'agit donc d'un budget complètement dédié au secteur public et très peu ouvert aux entreprises privées, à l'innovation, aux industries de main-d'_uvre et aux nouvelles technologies.

Pour paraître un peu moderne, vous évoquez Monsieur le secrétaire d'Etat, la «nouvelle économie». Je me demande quelle aide votre budget peut accorder aux industries qui développent de nouvelles technologies. Vous ne leur consacrez que 1,8 milliard, soit seulement 11 % de votre budget. La majeure partie des crédits que vous leur destinez, près de 800 millions, sont d'ailleurs absorbés par l'ANVAR, qui ne consomme pas toujours les crédits dont elle est dotée et aide surtout les grandes entreprises industrielles nationales comme Thomson ou Alcatel.

Il est certes naturel d'aider ces entreprises, mais vous finissez par ne plus subventionner que les secteurs liés à la puissance publique : les transports et l'armement. Cette politique, qui ressemble à celle des «champions nationaux» pratiquée dans les années 80, n'est nullement tournée vers la «nouvelle économie».

Les nouvelles technologies sont développées par de petites structures. Le conseil d'analyse économique de Matignon avait, en 1998, dans son rapport Innovation et croissance, souligné les grandes faiblesses du système français d'innovation. Cela repose sur une confusion intellectuelle entre la recherche, qui concerne le scientifique, et l'innovation, qui concerne l'entrepreneur. Résultat : la France souffre d'une pénurie de brevets. En 1999, elle en a déposé sept fois moins que la moyenne européenne, quinze fois moins qu'aux Etats-Unis.

Autre faiblesse : le quasi-monopole public du financement de l'innovation. L'ANVAR y occupe une bonne place, dans une politique tout en agréments et en subventions. La faiblesse des financements privés, notamment du capital-risque, est préoccupante. La France risque de manquer le rendez-vous des nouvelles technologies.

Vous affirmez ensuite que «la politique industrielle ne doit plus être un instrument de gestion directe par l'Etat du secteur productif mais qu'elle doit désormais offrir aux entreprises un cadre favorable à leur développement». Comment pouvez-vous affirmer cela, alors que nos entreprises vont être frappées de plein fouet par la désorganisation et la hausse des coûts qui résulteront du passage aux 35 heures ?

Il convient de distinguer les entreprises soumises à la concurrence internationale et celles qui ne le sont pas. Mettre en application les 35 heures dans de grandes entreprises publiques comme EDF ou GDF ne pose pas beaucoup de problèmes. Disposant d'un monopole public à peine égratigné par le projet de loi sur l'électricité, elles sont à l'abri de la concurrence internationale. En revanche, pour une entreprise exposée, voir ses coûts salariaux augmenter, c'est perdre des parts de marché.

Par ailleurs, rien n'est fait en faveur des industries de main-d'_uvre.

Deuxième secteur de main-d'_uvre derrière l'automobile, le textile perd chaque mois 1 500 emplois, sans qu'aucune mesure sectorielle ne soit envisagée. Fragilisée par la guerre des prix et par le coût du travail trop élevé par rapport aux pays à bas salaires, ce secteur ne peut résister à la libéralisation du commerce mondial.

Il y avait bien eu le plan Borotra, mais depuis, la situation a stagné.

Centré sur les problèmes du secteur public, votre budget reconduit des crédits d'année en année.

Sur l'avenir du service public de l'électricité et du nucléaire, vous êtes complètement muet. On ne peut plus se contenter d'une planification stratégique qui date des années 50. L'Europe nous impose des adaptations. Dernier pays de l'Union européenne à transposer la directive électricité, nous le faisons a minima et même nous ne respecterons pas les délais de transposition, puisque les communistes ont délibérément fait échouer la CMP.

Les autorités de Bruxelles, d'ailleurs, ont d'ores et déjà annoncé qu'elles lanceront, le 24 novembre, la procédure d'infraction contre Paris.

S'agissant toujours du projet de modernisation du service public de l'électricité, il est très étonnant que le projet de loi finances ne prévoie pas de crédits pour le fonctionnement de la commission de régulation de l'électricité. Simple oubli ou mauvaise volonté ?

On peut se demander si la mise aux normes européennes du secteur de l'énergie laisse encore place à une politique de l'énergie étatisée. Vous avez annoncé hier que, pour la transposition de la directive sur le gaz, «la France se devait d'être exemplaire». Cela signifie-t-il que vous vous rangez sans états d'âme à la mise en concurrence du secteur public, alors que vos alliés communistes continuent toujours à confondre service public et monopole public ?

M. Franck Borotra - Cela signifie que nous ne sommes pas exemplaires sur l'électricité. On va se rattraper sur le gaz (Sourires).

M. Yves Nicolin - GDF devra opérer une mutation des plus rapides, en passant du monopole public à la concurrence, aux fusions, au marché. En effet, avec seulement 60 milliards de chiffre d'affaires, GDF pèse peu de choses face au géant Totalfina Elf, qui représente 200 milliards.

Votre collègue Dominique Voynet, à l'instar de ses amis Verts allemands, tente de démanteler notre secteur nucléaire. Nos voisins allemands, autres grands fabricants de centrales, ont décider de fermer dix-neuf centrales nucléaires, et on annoncé l'abandon complet de l'énergie nucléaire pour 2016. Le principal constructeur de centrales nucléaires en France, Framatome, se reconvertit sur d'autres marchés, en laissant de côté les commandes de centrales.

N'est-il pas difficile d'avoir à gérer ce nucléaire que votre collègue souhaite voir disparaître ?

Enfin, la taxe générale sur les activités polluantes aura des conséquences extrêmement négatives sur les entreprises industrielles et pétrolières.

Avec l'extension, cette année, de la TGAP au prélèvement de l'eau, aux lessives, aux produits phytosanitaires et aux granulats, notre écotaxe nationale devrait rapporter 4 milliards en 2000. Mais faites le compte : il reste à trouver entre 8 et 9 milliards pour financer les 35 heures. C'est Martine Aubry qui l'a annoncé : la TGAP doit rapporter entre 12 et 13 milliards en 2003. Son assiette sera donc élargie à l'énergie et à l'émission de CO2 dans l'atmosphère, ce qui pénalisera de nombreux secteurs industriels et se traduira par des délocalisations d'entreprises.

Au lieu de limiter autant que possible les effets pervers d'une telle taxe, le Gouvernement tente de nous faire croire qu'une écotaxe finançant des allégements de charges sociales génère «un double dividende». Le premier est évident : il s'agit du dividende écologique. En taxant le pollueur, on aboutira à une moindre pollution. Le second serait un dividende social. En finançant un allégement de charges sociales, la TGAP permettrait de créer des emplois. Cette logique du double dividende est pourtant absurde, car cela revient à dire qu'il faut polluer plus pour créer des emplois. La fiscalité écologique, c'est plus d'impôts et pas d'écologie .

Le budget de l'industrie représente moins de 1 % des dépenses de l'Etat. Plus que de subventions sectorielles en faveur d'entreprises publiques structurellement déficitaires, c'est de mesures générales, en direction de l'innovation et des industries de main-d'_uvre dont l'industrie française a besoin.

Budget déstructuré -puisque la politique industrielle concerne trois secrétariats d'Etat et deux ministères différents- anachronique et doté de faibles moyens, ce budget n'est pas à la mesure des enjeux. Le groupe DL ne le votera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Christian Bataille - Avec ce budget, nous arrivons à la fin du processus de regroupement des crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie en une section unique. C'est un profond changement comptable, mais aussi la confirmation de l'avènement du «pôle économico-industriel» de Bercy, avec ses avantages et ses inconvénients.

L'ancienne section «industrie» à laquelle nous nous référions est donc fondue dans cette section unique et les dépenses du secrétariat d'Etat à l'industrie sont regroupées en quatre agrégats : innovation et recherche industrielle ; modernisation des entreprises ; mutations industrielles ; indépendance énergétique et diversification des sources d'énergie.

La mise en place de ces agrégats s'accompagne de la création d'un «tableau de bord» permettant leur suivi à travers un ensemble d'indicateurs d'exécution et de consommation.

Le budget de l'industrie pour 2000 qui s'élève à 15,645 milliards augmente de 2,3 %. L'exercice 2000 sera marqué par la rebudgétisation de 745 millions : 498 millions de crédits d'études de la direction de la sécurité des installations nucléaires et 247 millions résultent de la suppression ou de l'allégement des taxes parafiscales versées par certains secteurs professionnels pour le financement de leurs centres techniques industriels.

L'innovation et la recherche industrielle, qui constituent votre première priorité, bénéficient -hors dotation au CEA- de 2,85 milliards.

Les actions en matière de technologies de l'information et de la communication restent une priorité, à travers l'appel à propositions sur la «société de l'information», le réseau national de recherche en télécommunications et les programmes européens MEDEA et ITEA. En 2000, les programmes nationaux mettront l'accent sur la préparation de l'Internet de la nouvelle génération.

S'agissant des autres technologies clés, les appels à propositions porteront sur les nouveaux réseaux de développement technologique mis en place avec le ministère de la recherche.

Les dotations de l'ANVAR sont stabilisées à leur niveau de 1999 : 800 millions en autorisations de programme qui assurent une capacité d'intervention de 1,4 milliard.

L'accompagnement de la modernisation des entreprises, qui constitue votre deuxième priorité, se décline en cinq volets principaux.

Le soutien aux projets de développement des PMI progresse de 7 % en crédits de paiement et de 1 % en autorisations de programme. La majeure parie de ces crédits figurera dans les nouveaux contrats de plan Etat-régions 2000-2006, dans les volets concernant les investissements immatériels, la diffusion des technologies et le recours aux nouveaux instruments d'information et de communication.

Les actions en faveur de la qualité et la métrologie seront accentuées. Dans ce domaine, les chapitres «normes-qualité» progressent de 7 % en autorisations de programme et 3,7 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement.

Le groupement d'intérêt public «Bureau national de la métrologie» connaît enfin une nouvelle progression de ses moyens.

J'en viens à l'enseignement et à la formation. Tuteur des écoles du réseau consulaire, des écoles des mines et du groupe des écoles de télécommunications, votre ministère assure une mission de formation à part entière. Dans ce cadre, vous avez récemment proposé à l'ensemble des écoles d'adhérer à une «charte de la qualité» et le budget 2000 prévoit une sensible progression des crédits destinés aux écoles.

Pour ce qui concerne l'exercice des missions de régulation, un projet de loi nous conduira prochainement à nous pencher sur les «nouvelles régulations économiques». Ce budget y prend sa part : l'autorité de régulation des télécommunications bénéficie de créations d'emplois et d'une progression de ses crédits.

Enfin, les services publics tels que La Poste apportent leur contribution à la modernisation industrielle.

La troisième grande orientation de ce budget est l'accompagnement des mutations industrielles. Une large part des moyens correspondants est consolidée.

La dernière priorité de ce budget nous projette dans l'actualité la plus immédiate puisqu'il s'agit de la politique énergétique. Dans la ligne des engagements du comité interministériel sur les questions énergétiques de février 1998 en vue d'un financement pérenne du soutien aux énergies renouvelables, l'ADEME bénéficie d'une dotation stabilisée consolidant la très forte hausse intervenue en 1999.

Une dotation particulière est provisionnée pour accompagner les évolutions qu'impliquera pour l'Institut de protection et de sûreté nucléaire la nouvelle organisation dont nous aurons à débattre à travers le texte annoncé sur la transparence de la sécurité nucléaire et de la radioprotection.

S'agissant plus précisément de la politique de l'énergie, certains ont dramatisé les résultats de la CMP d'hier relative à la loi électricité. En quoi le choix de débattre plus avant constituerait-il un scandale ?

Enfin, il est de l'intérêt supérieur de notre pays de définir sans plus tarder un véritable choix énergétique et cet enjeu dépasse le débat partisan. Le baril de pétrole est aujourd'hui à 25 dollars. Son cours a donc largement fluctué et ces fluctuations attestent la nécessité pour notre pays d'accéder à une véritable indépendance énergétique. Parmi les solutions proposées, certaines, telles les énergies renouvelables, demeurent expérimentales. Seul le gaz, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, constitue une alternative sérieuse à l'énergie nucléaire. Nous devons être guidés par une approche strictement scientifique pour examiner quelle doit être l'énergie de demain. Contrairement à ce qu'affirme M. Schröder, ni la lignite ni le charbon ne constituent des réponses possibles.

M. le Président - Je vous prie de bien vouloir conclure... (Sourires)

M. Christian Bataille - En conciliant le souci écologique et l'approche économique, le Gouvernement doit apporter des réponses concrètes, qu'il s'agisse du mox, de l'EPR ou du stockage des déchets nucléaires. A travers ces réponses et votre action, Monsieur le ministre, nous sommes convaincus que l'Etat conservera un rôle essentiel sur ces problèmes fondamentaux où de véritables choix de planification doivent l'emporter sur les considérations conjoncturelles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Claude Gaillard - Je reprendrai là où M. Bataille a terminé, c'est-à-dire sur la politique énergétique. Je souhaite au préalable saluer, Monsieur le ministre, deux de vos qualités. D'abord, et ce n'est pas si fréquent dans ce gouvernement, vous êtes un homme issu du monde de l'entreprise. Ensuite, vous êtes loyal à votre camp. Mais je gage que ces deux qualités ne doivent pas être faciles à concilier à la place qui est la vôtre.

Votre budget ne représente qu'un pour cent du budget de l'Etat, mais en tant que partisan résolu de la maîtrise des dépenses publiques, je ne vais pas vous en faire le reproche. Donc, s'agissant de la politique énergétique qui se situe en amont de l'ensemble du processus économique, la commission mixte paritaire sur l'électricité est révélatrice de la faiblesse structurelle du gouvernement pluriel. Pour sauver sa cohésion, le Gouvernement doit faire le grand écart. L'impossibilité, largement commandée, de trouver un accord sur le nucléaire produit tous ses effets sur la transposition de la directive électricité. Menacée par une loi inadaptée, EDF est affaiblie dans son développement et dans son image et la France se trouve isolée.

M. Borotra a dit ce qu'il en était des Italiens. Quant aux Espagnols, selon votre homologue, ils s'apprêteraient à retirer à EDF la licence qui lui permettrait de leur vendre de l'électricité si nous ne libéralisons pas dans le mois notre marché ! Autrement dit, au lieu de mettre à profit le savoir-faire et la puissance financière d'EDF, au lieu d'ouvrir le marché et d'attaquer franchement, nous allons avancer à petits pas, comme si nous avions peur, tout en nous mettant nos amis européens à dos ! Cette attitude évoque un repli sur soi : étrange ambition ! J'espère simplement qu'il en ira autrement pour le gaz car, sinon, ce serait dramatique. Ce n'est pas le projet de loi que Mme Voynet et vous prépareriez sur la transparence, et qui vise plus ou moins à démanteler le nucléaire, qui va arranger les choses. Aussi longtemps que ce gouvernement ne se sera pas accordé sur une politique énergétique, tout le reste en sera fragilisé. Pourtant, nous aurions les moyens de renvoyer une image tout autre... («Très bien !» sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL)

Pendant que les pétroliers fusionnent avec succès, que l'offre de services aux entreprises change de nature, que les technologies évoluent et que la cogénération se développe, deux de nos entreprises sont ainsi handicapées dans la définition de leur stratégie, faute de savoir quel sera leur sort. Je ne doute pas de votre volonté personnelle, mais je souhaite que le Gouvernement auquel vous appartenez finisse par prendre une décision !

Pour en rester au même domaine, je n'ai pas non plus très bien compris quelles mesures ce budget comportait pour la maîtrise de l'énergie et pour le développement des énergies renouvelables.

J'en viens à un deuxième volet : la recherche, l'innovation et le transfert de technologie. S'agissant du CEA, M. Billard a dit ce qu'il fallait, en soulignant combien l'incertitude pouvait être ici inquiétante. Ne jouons pas avec cette structure délicate ni avec le personnel !

Est-il vrai, par ailleurs, qu'il y ait sous-consommation des crédits de recherche ? Si oui, comment l'expliquez-vous ?

Pour le reste de ce secteur, le partage entre trois ministères -recherche, innovation technologique et PME- complique les choses. J'étais personnellement opposé à la constitution d'un grand ministère à Bercy mais je pensais qu'elle permettrait au moins de progresser en cohérence. Or, après avoir rassemblé, on a saucissonné, M. Allègre récupérant un certain nombre de dossiers. Le tout au détriment de l'efficacité. Pourtant, il conviendrait par exemple d'essayer d'accroître la contribution des nouvelles technologies au PIB : en France, elle n'est que de 15 %, contre 50 % aux Etats-Unis.

Lorsque je vous écoute, j'ai le sentiment que nous avons la même volonté en ce domaine mais qu'il vous manque toujours un maillon : les fonds propres, les fonds d'amorçage, les garanties ou les procédures... Comment d'ailleurs trouveriez-vous à Bercy les moyens d'une action efficace ? Nous en voyons les résultats : les «start-up» sont plus faibles en France qu'ailleurs et les étudiants que nous envoyons aux Etats-Unis ont tendance à y rester tandis que nous avons du mal à en attirer d'autres dans nos universités. Il faudrait bien essayer de comprendre les raisons de ces dysfonctionnements !

Dans le même ordre d'idées, il convient de développer l'intelligence économique afin d'avoir les bonnes informations au bon moment. Or je n'ai pas perçu dans ce budget une telle volonté. Qu'en est-il ?

Il me semble en revanche que, pour la restructuration et la reconversion, vous ayez prévu des fonds correspondant aux besoins. Si tel est bien le cas, soyez-en remercié.

Le président d'une grande entreprise américaine expliquait qu'il avait dû rendre compte, devant les représentants des fonds de pension, des conditions dans lesquelles il avait opéré la fusion des première, troisième et cinquième entreprises mondiales de conditionnement de l'eau. Il avait également dû leur exposer sa stratégie sur dix ou vingt ans. A-t-on en France la même capacité de réflexion à long terme et ne pourrait-on envisager de se livrer au même exercice devant les représentants de nos propres fonds de pension, plutôt que devant ceux des fonds américains ?

Je salue ce que vous avez fait pour la métrologie et la normalisation. En revanche, je redoute les conséquences de vos prélèvements sur les consommations intermédiaires d'énergie, de l'ordre de 8 milliards. Le rapport entre ce que vont payer les entreprises pour passer aux 35 heures et ce qu'elles vont payer au titre de la TGAP est de 1 à 15 : où est la logique à réduire les charges de ces entreprises et, pour cela, à leur prendre de l'argent ?

Enfin, s'agissant des télécommunications, est-il vrai que nos communications locales sont les plus chères du monde, ce qui freinerait le développement d'Internet ?

Compte tenu de l'absence de politique énergétique -ainsi que de votre solidarité avec le Gouvernement qui en est responsable-, le groupe UDF ne votera pas votre budget, Monsieur le secrétaire d'Etat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Roger Meï - Depuis trois ans, votre budget rompt avec une politique de réduction des crédits. Cependant, avec 16,6 milliards -dont 12,9 consacrés à l'industrie-, votre ambition ne peut être que modeste et vous n'avez guère les moyens d'inverser la tendance à la désindustrialisation, en particulier.

Certes, en 1998, le nombre des emplois industriels permanents a crû de 18 000, passant de 3,3 %, soit autant qu'en 1996. Mais, la même année, à coups de plans sociaux, 250 000 salariés ont perdu leur emploi. Il est urgent de réagir par la loi, notamment pour pénaliser le recours abusif à l'emploi précaire.

Si tous les pays développés connaissent des évolutions similaires, nous n'y voyons pas les effets de la mondialisation ou de l'entrée dans une société postindustrielle. Pour nous, l'industrie demeure le socle de notre économie -d'une économie handicapée encore aujourd'hui par le retard pris dans nombre de secteurs au cours des années antérieures. Or votre ambition serait, selon ce que vous nous avez expliqué en commission, non pas de gérer directement le secteur productif, mais d'assurer aux entreprises « un cadre favorable à leur développement ». Je déplore cette résignation à la désindustrialisation.

Il conviendrait au contraire de réfléchir au rôle que pourraient jouer les entreprises publiques, au service de l'efficacité économique et sociale. L'Etat, par les participations qu'il continue à détenir dans nombre de grand groupes industriels est en mesure de peser sur la gestion de ceux-ci. Or on laisse toute latitude au marché et, au nom du libéralisme, les services publics sont sacrifiés au mépris de l'intérêt collectif. Aucun secteur n'est épargné par les méga-fusions, conçues pour optimiser les coûts de production pour le seul profit des principaux actionnaires. S'inscrivant dans une logique de guerre économique, l'alliance entre Nissan et Renault fait peser de graves risques sur le tissu industriel et sur l'emploi : en effet, Renault sera obligé de trouver de nouveaux produits financiers, de céder des actifs ou d'opérer des transferts vers la sous-traitance pour faire face à son endettement. Son désengagement de Comeau est la première illustration de cette logique.

Comment ne pas s'interroger sur l'avenir de Renault Véhicules industriels alors que les décisions concernant Nissan diesel sont tenues secrètes ?

Pourtant, d'autres solutions existent. Une politique industrielle ambitieuse doit pouvoir prendre appui sur le développement de crédits bonifiés sélectifs, incitant les entreprises à préférer aux placements financiers l'emploi, la recherche, la formation. Nous revendiquons la mobilisation du service public de l'épargne et du crédit et la mise en _uvre rapide de fonds régionaux de coopération pour le développement et l'emploi.

J'en viens à la répartition des crédits, en soulignant que leur progression -2,3 %- est supérieure à celle du budget général.

Nous sommes satisfaits du soutien apporté à la recherche industrielle et à la diffusion de l'innovation technologique, en soulignant toutefois que les crédits sont en baisse de 0,7 %.

Nous nous félicitons de la progression de la dotation budgétaire allouée aux écoles des mines -augmentation de 2,5 % des crédits de fonctionnement, de 8,6 % des subventions d'investissement ; il en va de même pour la dotation de l'École supérieure d'électricité.

Nous apprécions aussi la progression de 6,5 % des moyens consacrés à améliorer l'environnement des entreprises industrielles et à les moderniser, ainsi que l'action menée par le fonds de développement des PME pour améliorer leur compétitivité.

Les autorisations de programme attribuées à l'ADEME sont réduites à hauteur de 242 millions, ce qui confirme l'engagement du Gouvernement en faveur des économies d'énergie et du développement des énergies renouvelables.

J'apprécie aussi les efforts consentis pour répondre aux besoins des personnes victimes ou potentiellement victimes d'affaissements de terrains en zone minière. Je salue au passage le travail effectué par notre collègue Jean-Pierre Kucheida.

En dépit de ces motifs de satisfaction, nous avons des inquiétudes quant au devenir de certaines branches de notre industrie.

Je pense notamment à la construction navale : les chantiers ont reçu trente commandes en 1998 et quatre au cours du premier trimestre 1999, qu'en sera-t-il demain, avec la non-conformité des subventions à la commande -décision européenne tout à fait inacceptable ? Dans les discussions de l'OMC, M. Lamy, seul représentant pour l'Europe, va-t-il défendre la légitimité des aides publiques dans les secteurs structurants ?

Que dire du secteur textile, qui perd un nombre considérable d'emplois ? Va-t-on l'abandonner ?

Je terminerai en évoquant deux sujets qui me tiennent particulièrement à c_ur : notre indépendance énergétique et la réindustrialisation des bassins miniers.

La libéralisation du marché de l'électricité français est dangereuse et on en constate déjà les effets pervers.

Je suis inquiet des appétits financiers du nouveau mastodonte pétrolier, dont le chiffre d'affaires est deux fois supérieur à celui d'EDF. Et que penser de l'émergence de pôles privés de production, qui visent une rentabilité à court terme par le développement de la cogénération au gaz ? EDF s'est engagée à réduire ses coûts pour rester compétitive ; comment pourra-t-elle atteindre cet objectif sans incidence sur l'emploi ?

Comment expliquer que dans cette logique libérale on demande à EDF de subventionner les producteurs privés en cogénération par le rachat de mégawatts -ce qui représente un coût de 3,7 milliards par an selon le président Roussely lui-même, au détriment des missions de services publics ?

Alors que les députés de la majorité plurielle s'étaient efforcés de renforcer le service public, les sénateurs ont fait le choix de l'affaiblir et d'engager le système français dans une libéralisation qui va au-delà des exigences de la directive. Nous devrons confirmer notre position en deuxième lecture car Franck Borotra a raison : il faut, là comme pour la vache folle, se battre contre les diktats de Bruxelles ! (M. Borotra applaudit)

Quelques mots sur le CEA. Parmi les diverses sources de financement -complément émanant des principaux partenaires industriels du CEA, dividendes de CEA industrie, redevances enrichissement et retraitement, conventions assainissement- les deux dernières arrivent à échéance. Dans ce contexte, le CEA a dû faire face à un déficit de 300 millions ; il a réalisé 100 millions d'économies, fait appel à ses partenaires industriels -EDF et Framatome- pour 140 millions, et il est toujours dans l'attente de la subvention de l'Etat pour le complément. Néanmoins, le CEA doit poursuivre l'équipement du parc électronucléaire et construire le réacteur EPR.

S'agissant toujours de l'énergie, je voudrais évoquer la décision interministérielle du 9 décembre 1998 concernant la nouvelle organisation de la sûreté nucléaire . De nombreuses questions restent sans réponse concernant les effectifs, le statut, le passage aux 35 heures et les conditions de son financement. Vous avez prévu une majoration de 63 millions ; sera-t-elle suffisante ?

En ce qui concerne la politique charbonnière, je dénonce à nouveau le pacte signé par l'un de vos prédécesseurs, M. Longuet, dont vous poursuivez la mise en application et qui est l'acte de décès de la production charbonnière française.

Vous arguez du coût d'extraction du charbon français, mais le démantèlement des houillères ne fait qu'accroître le déficit par tonne.

Nous avons du charbon, nous en avons besoin, nous en importons : développons donc la production, même au prix d'une subvention ! La fermeture des Houillères va coûter plus de 100 milliards -plus que le trou du Crédit lyonnais !

Vous avez, le 16 mars, avec M. Strauss-Kahn, redonné espoir au bassin minier de Provence. Certains de vos engagements ne sont pas encore tenus. Vous deviez fixer une réunion avec les mineurs pour faire le point de l'étude sur les coûts de l'exploitation charbonnière en Provence ; la décision de construction de la centrale tarde, ce qui provoque l'inquiétude des maires.

En espérant que vous ne resterez pas insensible à nos arguments, Monsieur le ministre, le groupe communiste votera votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Alain Gouriou - Au nom des chercheurs en télécommunication des centres de recherche de Bretagne, je souhaite tout d'abord vous remercier chaleureusement, Monsieur le ministre. Vous avez en effet inscrit dans votre projet de budget les moyens nécessaires au maintien de trois laboratoires qui faisaient partie du Cnet et que France Télécom voulait redéployer.

La création de 26 postes d'ingénieurs de recherche et de techniciens, cumulée aux créations de postes inscrites au budget de la recherche, permettra de maintenir l'activité de ces laboratoires d'optoélectronique.

La reconduction des moyens du RNRT nous paraît également positive, car ces financements de programmes de recherche ont un effet multiplicateur extrêmement intéressant. Nous souhaitons évidemment que le RNRT voie sa position consolidée et renforcée dans les années à venir.

L'enjeu essentiel pour notre pays est en effet, si nous ne voulons pas subir la loi des grandes puissances extra-européennes, de disposer de centres de recherche, de réseaux performants, d'équipementiers, de fabricants de composants et de concepteurs de logiciels.

La situation présente est contrastée : l'Europe, et particulièrement la France, sont encore très conquérantes dans le domaine des télécommunications mais plus faibles en informatique, secteur dominé par les Etats-Unis.

Les Européens, champions du téléphone cellulaire numérique avec le GSM, n'ont cependant pu pénétrer les marchés américain et japonais qui ont organisé un protectionnisme industriel tout à fait excessif cependant que le réseau Internet était fortement promu en Europe.

La nouvelle génération de mobile UMTS risque de donner un avantage décisif aux Américains et aux Japonais si Français et Européens ne mobilisent pas les moyens nécessaires. Il ne s'agit évidemment pas de s'opposer à l'usage de nouvelles technologies sous prétexte qu'elles sont mises au point ailleurs. L'encadrement législatif annoncé par le Premier ministre est cependant urgent.

Mais on ne peut s'employer à faciliter l'usage des services et produits de la société de l'information sans s'interroger sur la part que l'on prend dans l'offre. Quelle sera la place de la France et de l'Europe dans les équipements et les logiciels informatiques, dans les systèmes et les services de télécommunications, dans la production et la diffusion ?

L'Europe a été rayée de la carte informatique par Microsoft, Sun, Compaq et IBM. Subsiste-t-il une seule compagnie européenne de dimension mondiale ? Seul Bull tente de survivre. Il est essentiel que le domaine de télécommunications ne suive pas le même sort et que nous regagnions des parts de marché en informatique.

L'ouverture des services à la concurrence, la baisse des coûts, les tendances qui se dessinent au sein de l'OMC ont entraîné une multiplication des opérateurs. La compétition est ouverte pour la conquête des principaux réseaux à haut débit, et l'on peut s'interroger sur la stratégie des grands opérateurs européens face aux gigantesques regroupements d'outre-Atlantique.

S'il n'appartient pas aux Etats d'agir directement, ne pensez-vous pas, Monsieur le ministre, que notre pays doit prendre des initiatives visant à favoriser une véritable politique européenne ?

La société d'information est un moteur de croissance et de créations d'emplois. Les atouts existent. Persuadé que vous avez la volonté de les valoriser, le groupe socialiste votera votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Lefort - Nous approuvons le budget, en hausse, de votre ministère, et nous le voterons, mais nous ne pouvons taire les interrogations que suscitent les bouleversements considérables des télécommunications en Europe et dans le monde, bouleversements qui n'ont rien de neutre, puisqu'ils trouvent leur origine dans un libéralisme mondialisé et mondialisant.

Ne pas tenir compte de la réalité, c'est se condamner à l'impuissance. Mais s'y résigner, ce serait aller à l'encontre du progrès humain et la gauche ne peut se retrouver dans le camp des résignés.

S'agissant de France Télécom, cela conduit à se demander comment assurer à la fois efficacité économique et efficacité sociale, lesquelles supposent et la préservation de l'emploi et l'amélioration du service public.

Cette question est d'autant plus pertinente que France Télécom figure parmi les toutes premières entreprises françaises, et qu'elle dispose donc de moyens considérables. Par ailleurs, l'Etat est largement présent dans son capital. Il convient donc, pour la gauche, d'en faire une entreprise exemplaire qui ne réduise pas l'efficacité sociale au seul profit de la rentabilité économique.

Cette conception doit conduire à améliorer le service public. Le développement des nouvelles technologies que sont la téléphonie mobile et Internet impose en effet d'élargir la notion de service public. Ainsi, la téléphonie mobile ne concerne aujourd'hui que les zones à fort trafic, si bien que les régions montagneuses ne sont pas couvertes de manière satisfaisante parce qu'elles ne sont pas rentables au sens libéral du terme. Ce que nous voulons, nous, c'est une société solidaire.

De même, la politique de recherche ne peut dépendre d'une exigence de rentabilité à court terme. La déréglementation pousse à des abandons néfastes pour l'avenir et pour l'efficacité de l'entreprise. Court terme et courte vue sont deux facettes du même mal !

Et c'est ainsi que tous les opérateurs en viennent à réduire le rôle du Cnet et à le rendre directement dépendant des choix de financement de chaque branche d'activité. Alors que l'existence d'un grand centre national d'études et de recherche du secteur des télécommunications se justifie plus que jamais, l'insuffisance des moyens attribués au Cnet est manifeste.

Pourtant, la France dispose, avec cet organisme, du plus grand centre de recherche publique en Europe et donc d'un outil permettant d'innover pour satisfaire des besoins collectifs. Là encore, efficacité sociale et efficacité économique doivent se conjuguer.

D'autre part, l'entrée en vigueur d'une tarification sociale est attendue depuis 1997. Or, le décret d'application n'est toujours pas publié. Cela conduit à la situation absurde que l'Etat doit reverser aux opérateurs les fonds provisionnés pour alimenter ce service universel.

L'efficacité sociale et économique de France Télécom repose aussi sur sa politique de l'emploi. Or les négociations sur la réduction du temps de travail paraissent cristalliser le malaise croissant des personnels.

La direction envisage de supprimer 4 500 emplois et de ne recruter que 900 personnes. L'entreprise ne devrait-elle pas, au contraire, montrer l'exemple ? Le Gouvernement ne peut accepter pareille déviation de l'esprit de la loi. Il doit veiller aussi à ce que tous les syndicats de France Télécom soient associés aux négociations.

De même, comment accepter que la direction de l'entreprise n'applique pas les jugements des prud'hommes relatifs à la transformation des CDD en CDI ?

J'en viens, sur un tout autre plan, à l'imposition locale de France Télécom, qui fait l'objet d'un régime dérogatoire puisque l'Etat détermine un taux moyen applicable à tous les établissements. De plus, le produit de l'imposition est directement capté par l'Etat depuis 1994 ce qui est absolument anormal. Quand envisagez-vous, Monsieur le ministre, le retour au droit commun ?

Quelle est, maintenant, la situation de La Poste ? L'Union européenne a prévu qu'une nouvelle phase de libéralisation commencerait en 2003. Les personnels ne devraient pas manquer de se le rappeler. Déjà la direction a procédé à l'éclatement de SOFIPOST en deux holdings distinctes, ouvrant la voie à des prises de participation financière et elle accélère le processus de filialisation, voire de privatisation, de certaines activités.

De quatre à cinq mille bureaux de poste sont menacés de fermeture en zone rurale et l'idée est même avancée de transformer des bureaux de poste ruraux en agence communale, dont la gestion serait supportée par la commune. Tout cela est sujet à caution.

Et alors que l'activité de La Poste s'est fortement développée dans tous les domaines, l'accord-cadre signé avec des organisations syndicales minoritaires ne prévoit aucune création d'emplois.

Des mouvements de grève éclatent et durent : on en est au 52ème jour de grève en Corse. Comment ne pas comprendre ? Mais aussi, comment ne pas agir pour que la réduction du temps de travail soit aussi synonyme de créations d'emplois ? Il est vrai que La Poste, qui sera la plus grande entreprise de France à passer aux 35 heures, ne recevra pas d'aides de l'Etat.

Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de faciliter le passage aux 35 heures à La Poste et de faire en sorte que le service public soit, de la sorte, à égalité avec les entreprises privées ?

Nous attendons de l'Etat qu'il agisse pour garantir l'évolution des missions de service public de ces deux entreprises, non pas a minima mais dans un souci de progrès social et pour répondre aux besoins des citoyens.

Ce défi, la gauche doit le relever (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. François Brottes - En allant prendre mon train ce matin à 5 heures, j'ai croisé un seul cycliste dans les rues de Grenoble. Cet homme, qui bravait le froid et la neige, avec sa casquette et sa tenue assortie, vous le connaissez tous. Il est partout, tous les jours ; il est entré dans la légende, dans la littérature et le cinéma. C'est le facteur, maillon terminal du service public du courrier. Il ne dessert pas des abonnés, il distribue à chacun son courrier, en parlant à ceux qu'il rencontre, qu'il ne traite pas comme des numéros. Et dans les villes comme dans les campagnes, chacun sait qu'on peut lui demander beaucoup... puisque sur sa casquette «y a marqué La Poste».

Cet hommage aux préposés se veut modestement un hymne au service public postal. Celui-ci a été conforté par la transposition de la directive européenne effectuée cette année dans la loi sur l'aménagement du territoire. La définition législative du service public postal garantit la péréquation tarifaire, le maintien de prix abordables et la distribution chaque jour ouvrable sur l'ensemble du territoire des envois jusqu'à 20 kg.

Pourtant, le service réservé du courrier et La Poste subissent de multiples agressions : concurrence déloyale comme avec le repostage ou certaine distribution illégale des plis de moins de 350 grammes, dérégulation et libéralisation à outrance prônées au niveau européen, risque de fusion-confusion comme dans tous les secteurs qui fonctionnent en réseau. Mais ces agressions-là ont au moins le mérite d'être claires.

Il en est d'autres, plus sournoises, de faux amis de La Poste. Je pense à tous ceux qui prétendent vouloir «sauver La Poste», comme l'appelle de ses v_ux un célèbre rapport du Sénat. Il s'agit en réalité d'une flèche lancée contre La Poste et je voudrais ici dénoncer les intentions de l'archer (Sourires).

Les comptes de La Poste, dans tous ses métiers, progressent très nettement. La Poste a relevé le défi des nouvelles techniques de communication. Elle a fait de son développement à l'international un axe prioritaire de sa stratégie. Le ministre chargé du secteur a fait avancer de façon considérable, au niveau mondial, la question centrale du service universel, qui n'a d'autres racines que l'exemple du service public à la française. La Poste et son personnel se sont engagés dans la réduction du temps de travail, même si ici ou là l'écoute et le dialogue ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux. La Poste -j'inaugurais encore hier soir un bureau de poste dans une commune de 2 000 habitants- continue à moderniser son réseau, même si là aussi on peut regretter une qualité de concertation inégale selon les régions. Les postiers font un effort constant de formation pour s'adapter à l'exigence de qualité et à l'évolution permanente de leurs métiers. Enfin, La Poste a désormais une stratégie d'anticipation quant à l'évolution des marchés et des attentes des usagers.

Pour toutes ces raisons, je suis exaspéré par le harcèlement des prétendus «sauveurs de La Poste» qui n'a pas besoin de leur charité. Quand ce sont d'ailleurs les mêmes qui voulaient vendre pour un franc symbolique Thomson Multimédia à Daewoo hier, cela frise la provocation. En réalité, c'est une campagne de déstabilisation pour accréditer la thèse de la privatisation de La Poste. Un récent point de vue dans Les Echos a d'ailleurs fait tomber les masques.

Ce sont les mêmes, Monsieur le ministre, qui réclament la mise en place urgente d'une autorité de régularisation postale nullement imposée par Bruxelles, au risque de donner le signal d'une libéralisation débridée du secteur.

Ce sont encore les mêmes qui plaident avec virulence pour une transparence analytique des comptes de La Poste, sans l'imposer à ses concurrents, et pour un grand débat sur le secteur postal... au risque de casser l'unité de La Poste. Celle-ci a pourtant besoin de ses services financiers pour rester performante et donc pouvoir maintenir des bureaux partout sur le territoire.

Monsieur le ministre, pardonnez-moi, mais je suis soulagé d'avoir dénoncé le double langage des «faux amis» de La Poste. Je vous remercie de confirmer les actions que le Gouvernement continuera à mener pour que La Poste poursuive son développement avec le souci de satisfaire ses usagers, ses clients et de maintenir l'implication d'un personnel animé d'une culture de service public irremplaçable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jacques Guyard - Le secteur des télécommunications connaît depuis quelques années une formidable expansion qui en a bouleversé l'organisation. L'explosion des mobiles a permis le développement, aux côtés de l'opérateur historique, de deux puissants opérateurs nationaux. La concurrence a permis d'abaisser le coût des communications longue distance et sur ce point, je tiens à rassurer M. Gaillard, nos prix se situent dans une honnête moyenne. Le choix consensuel fait dans la loi de 1996 de privilégier dans la concurrence les entreprises qui investissaient fortement en France a porté ses fruits.

Pour autant, l'avenir n'est pas garanti. L'échec de l'alliance avec Deutsche Telekom contraint France Télécom à des réorientations stratégiques urgentes. Ses deux principaux concurrents ne sont pas à l'abri d'OPA inamicales ou négociées. Le Gouvernement doit conforter nos champions et encourager les améliorations au bénéfice des usagers.

L'ouverture de la boucle locale radio et fixe marginale doit être maîtrisée : il faut à la fois ne pas déstabiliser France Télécom et faire baisser le prix des communications locales. Des expérimentations et des évaluations seront nécessaires. Il faudra également ouvrir de nouvelles fréquences pour les mobiles et appliquer la norme UMTS. Je suis d'accord avec M. Montcharmont, il faudra faire attention à l'arrivée de concurrents fortement capitalisés, en particulier américains, alors que nos entreprises restent marquées par leurs efforts d'investissement dans les mobiles. Il ne devra pas y avoir de mise aux enchères brutale.

La mondialisation des échanges, l'intégration européenne, l'accélération des évolutions technologiques exigent que nos entreprises publiques et notre service public évoluent. Depuis dix ans, les gouvernements successifs ont facilité cette évolution en adaptant le statut de ces entreprises à la nouvelle donne. Les postes et télécommunications ne sont plus gérées depuis 1990 comme des budgets annexes de l'Etat. Le secteur de l'énergie a lui aussi profondément évolué. La SNCF s'est scindée en deux établissements, ce qui lui a permis de clarifier ses comptes, de décentraliser sa gestion et d'investir dans les transports routiers.

Ces évolutions, nécessaires, posent néanmoins deux difficultés. La première est que le Parlement ne contrôle plus l'action du Gouvernement en ce domaine puisqu'il n'a plus à connaître des comptes de ces entreprises. La seconde est que le service public à la française peut être menacé, le concept européen de service universel ne recouvrant pas exactement ce que nous entendons par service public.

Heureusement, la loi a créé des structures nouvelles où le Parlement est représenté : informé et consulté sur les décisions, il peut donc quand même exercer un contrôle.

Pour surmonter la seconde difficulté, je souhaite, au nom de la commission supérieure du service public de la poste et des télécommunications, qu'une réflexion s'engage entre le Parlement et le Gouvernement sur le périmètre souhaitable du service public qui fait ici l'objet d'un assez large consensus alors que le débat est parfois vigoureux sur le point de savoir qui doit assurer ce service public et de quelle façon (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Pierre Kucheida - Ce budget de l'industrie, en progression, est un bon budget. Je suis donc très étonné des foucades de M. Borotra tout à l'heure... (Protestations de M. Borotra) d'autant que je me souviens, Monsieur Borotra, qu'en d'autres temps, vous vous étiez insurgé à la commission de la production contre le budget de M. Galland que, quelques mois plus tard, nommé à sa place, vous avez assumé sans mot dire.

Le budget de l'ADEME par exemple n'avait pas connu pareille augmentation depuis les années 80. La critique est facile, Monsieur Borotra. En l'espèce, elle est injustifiée (Protestations de M. Borotra).

Cela étant, ce budget pourrait être encore meilleur. On aurait notamment pu faire un effort en faveur du FIBM, dont les gouvernements précédents avaient d'ailleurs beaucoup réduit les crédits. Certes, ceux-ci ne sont pas toujours entièrement consommés, ce qui explique sans doute qu'on ne les augmente pas. Mais ils pourraient l'être mieux si, par exemple, il était possible dans le Nord-Pas-de-Calais, de les affecter à une nouvelle ligne formation professionnelle, si nécessaire dans notre région -comme la possibilité en a été ouverte pour une ligne tourisme dans les régions minières du sud.

Roger Meï vient de plaider pour la transformation de son secteur. Il n'est pas opposé à la fermeture du site de Gardanne, programmée par MM. Longuet et Borotra, et à laquelle on ne peut plus échapper.

EDF devrait montrer moins de morgue et mener une véritable politique d'aménagement du territoire au service de la nation. Il faut certes investir à l'extérieur, mais EDF devrait aussi venir à la rescousse de certaines zones à l'intérieur.

M. Roger Meï - Très bien !

M. Jean-Pierre Kucheida - S'agissant du patrimoine minier, que vous avez assassiné, Monsieur Borotra, c'est grâce à Christian Pierret qu'on peut lire dans la presse des titres tels que «des réponses satisfaisantes».

Quand M. Borotra a créé le SAS, c'était uniquement pour récupérer le fric !

M. Franck Borotra - Il était temps de mettre de l'ordre !

M. Jean-Pierre Kucheida - Les mineurs se souviendront longtemps de vous, Monsieur Borotra !

La nouvelle société va se constituer rapidement afin de rendre aux mineurs et aux ayants droit ce qui leur est dû.

Quant au code minier, la précédente majorité ne l'avait modifié que pour les chercheurs d'or de Guyane. Mais rien pour les familles victimes des affaissements de terrain et des problèmes hydrologiques.

Aujourd'hui, nous savons où nous allons. Le problème a été posé en 1990 avec la création d'ACOM. Après l'effort consenti en 1994 par M. Longuet, le Gouvernement avance considérablement. Il ne reste que quelques décrets d'application à prendre.

Je veux, enfin, saluer la position du Gouvernement dans la transposition des directives concernant EDF et GDF.

Si nous avons du retard, Monsieur Borotra, c'est que M. Juppé, quand il était au pouvoir, n'a pas voulu prendre de dispositions à propos d'EDF. Si demain nous avons des problèmes avec Bruxelles, ce ne sera pas la faute du gouvernement actuel, mais du précédent, qui n'a pas assumé ses responsabilités (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR).

Analysons ce budget en pensant à ce qu'il était hier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Les orateurs de la majorité l'ont souligné, ce budget s'inscrit dans la continuité de l'action conduite depuis plus de deux ans, sous l'autorité du Premier ministre, aux côtés de Dominique Strauss-Kahn -à qui je veux rendre un hommage personnel- puis de Christian Sautter. Cette politique est cohérente, n'en déplaise à MM. Nicolin et Borotra.

La production industrielle en 1999 est à un niveau jamais atteint depuis 1980. Notre compétitivité industrielle évolue favorablement, quand celle de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne régressent.

En 1998, on a assisté à une inversion de tendance, avec la création de 50 000 emplois industriels. Pour la première fois depuis quinze ans, des emplois ont été créés dans l'industrie.

Si elle ne peut pas tout, l'action de l'Etat n'est pas pour rien dans ces bons résultats. Nous mettons en _uvre une véritable stratégie industrielle qui peut être résumée d'un mot, d'ailleurs employé par le Premier ministre : la régulation.

Nous n'acceptons pas cette «fatalité» que M. Billard a fustigée.

Dans l'exercice de sa fonction régulatrice, le Gouvernement consacre un effort tout particulier au secteur industriel. Ce budget, qui est en progression, se recentre sur des dépenses d'intervention et bénéficie d'une présentation plus transparente. Il atteint 16,6 milliards, soit une progression de 2,3 %. A périmètre constant, comme l'a remarqué M. Hervé, la progression relative est encore plus forte.

Or l'évolution globale du budget de l'Etat n'est que de 0,9 %. Le secteur secondaire a désormais un budget prioritaire ! Rappelez-vous : depuis 1997, les crédits à l'industrie ont progressé de 7 %. Ils avaient baissé de 17 % dans les deux années qu'ont passé aux affaires nos immédiats prédécesseurs...

Ce budget se recentre sur des dépenses d'intervention : si les dépenses ordinaires n'évoluent que de 1,2 %, les dépenses en capital progressent de 4,5 % pour les crédits de paiement et de 8 % pour les autorisations de programme. Enfin, sa présentation est plus transparente, puisque nous vous présentons quatre agrégats qui retracent l'activité du secrétariat d'Etat à l'industrie : pour chaque action, des indicateurs d'activité et de performance ont été établis, avec des objectifs annuels, ce qui facilitera le contrôle parlementaire de l'utilisation des crédits. Ces précisions répondent aux souhaits de nos rapporteurs, même si M. Montcharmont a eu à déplorer quelques retards dans certaines réponses techniques sur cette nouvelle présentation, et je le regrette.

Dans ce budget, 2 850 millions sont consacrés à l'innovation, avec la poursuite du programme technologies-clés et le maintien à 1 400 millions de la capacité d'engagement de l'ANVAR.

De même, 1 836 millions d'autorisations de programme sont inscrits sur le chapitre 66-01, particulièrement stratégique, qui augmente de 1 %. Les aides sont réorientées vers les entreprises médianes, qui manquent actuellement de vigueur en France.

Ce budget d'innovation donne la priorité aux technologies de la société de l'information, dont M. Guyard a souligné l'importance. Environ 1,5 milliard leur est consacré. Internet est en train de décoller dans notre pays, grâce au programme UCIPE en faveur des PME, au réseau national de recherches en télécommunications et au programme de recherche pour l'industrie audiovisuelle et le multimédia.

En 2000, Monsieur Guyard, priorité sera donnée au développement du haut débit sur Internet.

Conformément à l'engagement pris par le Premier ministre à Hourtin, un projet de loi sur la société de l'information est en préparation. Nous pourrons ainsi aborder la question du «dégroupage».

Pour répondre aux critiques que j'ai entendues, je veux préciser qu'à 20 heures pour 100 F, le tarif d'Internet en France est un des plus bas d'Europe. Nous sommes en train de donner aux entreprises les moyens d'utiliser ce formidable outil de modernisation et la France a rattrapé son retard.

Quelques chiffres surprenants : en France 95 % de la croissance supplémentaire en 1998 est liée aux nouvelles technologies de l'information et de la communication ; le chiffre d'affaires des secteurs innovants a augmenté de 18 % en deux ans. Au premier semestre 1999, on enregistre 16 % de brevets supplémentaires par rapport à la même période de 1997. Le nombre de sites de commerce électronique a augmenté en quatre mois de plus d'un tiers. Comme le disait Dominique Strauss-Kahn, l'émergence d'une nouvelle économie fondée sur une croissance high-tech est notre grand dessein. En témoigne le dynamisme remarquable du capital risque lié à la création de petites entreprises innovantes qu'on appelle les «start up». La collecte de capital-risque a dépassé 11,5 milliards en 1998, triplant en deux ans.

La régulation en faveur du développement industriel est notre deuxième objectif car ce budget vise le développement de l'industrie tout entière : son environnement, les grands groupes aussi bien que les PMI.

S'agissant de l'environnement fiscal des entreprises, la politique du Gouvernement est favorable, notamment à travers la création du crédit d'impôt-recherche qui est reconduit en 2000...

M. Claude Gaillard - Mais pas étendu !

M. le Secrétaire d'Etat - Il a été étendu dans le courant de l'année à certains secteurs importants. Autre élément clé de l'environnement industriel, la formation est l'une de mes priorités : les crédits pour les écoles évoluent de 6 % par rapport à 1999. De même, ce budget encourage la qualité et la sécurité de l'environnement, qui sont essentielles pour la compétitivité de toute notre industrie. Les crédits pour la métrologie augmentent de 18,5 %, soit un doublement en cinq ans. Les crédits pour la sécurité des mines doublent, pour renforcer les actions de prévention des affaissements miniers.

Enfin, 171 millions supplémentaires sont dégagés pour la scission entre l'IPSN et le CEA, sujet auquel M. Destot est, avec raison, très attaché. La transparence et la sécurité nucléaires sont au c_ur de la politique énergétique du Gouvernement, comme l'est le maintien d'une option nucléaire ouverte. Nous prendrons d'ici quelques années des décisions structurantes concernant l'EPR.

En second lieu, l'année 1999 a vu dans le secteur industriel la constitution de véritables «champions» français : EADS dans l'aviation civile, Aventis dans le secteur pharmaceutique, Renault-Nissan, Total-Elf-Fina et un cinquième, bientôt, dans la chimie ; je pense aussi au magnifique succès que nous avons obtenu après la recapitalisation de Thomson multimédia qui vaut aujourd'hui près de 25 milliards...

M. Jean-Pierre Kucheida - Un franc en 1996 !

M. le Secrétaire d'Etat - Au sein même du concert mondial, la France est en passe de s'attribuer une place décisive qui témoigne vraiment de sa capacité à «performer». Et si MM. Billard et Lefort sont très vigilants à ce propos, ces sujets de satisfaction sur la place de la France dans la compétition mondiale ne doivent entraîner aucune fascination pour ces «méga-fusions». Nous devons veiller dans ces processus de rapprochement à l'emploi, au maintien en France ou en Europe des centres de décisions, au maintien de nos capacités en recherche et développement. Il faut donc que notre économie dispose de champions nationaux et internationaux, tout en préservant l'emploi et notre territoire. Concilier ces deux objectifs est bien l'objet de la régulation que nous souhaitons, même si, Monsieur Destot, l'action de l'Etat a su évoluer.

En troisième lieu, en se voulant de proximité et donc plus performant, ce budget vise plus que jamais la modernisation des PMI en particulier dans le cadre des contrats de plan Etat-régions. Les crédits en faveur des PMI augmentent de 7 % : 703 millions de francs pour le chapitre 64-92 ; 47 emplois sont créés au sein du secrétariat d'Etat à l'industrie, pour l'essentiel -naturellement- au niveau régional.

Nous avons besoin de développer dans nos régions des emplois de développement industriel pour favoriser le développement endogène des entreprises... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Les experts des directions régionales de l'industrie peuvent parfaitement participer au renforcement de l'emploi dans les PMI.

M. Franck Borotra - Vous allez créer de l'emploi en mettant plus d'agents dans les DRIRE ! Dites-le aux entreprises, elles seront heureuses de l'apprendre !

M. le Secrétaire d'Etat - Vous l'aurez compris : d'une manière générale, je cherche à accroître l'efficacité de l'Etat dans son action en faveur de l'industrie et de l'emploi.

M. Destot a eu raison de poser la question de l'évaluation de l'aide de l'Etat car il faut déterminer les circuits, les flux efficaces. Il faut rompre avec une logique de reconduction systématique. 25 % des aides à l'innovation prévues dans le chapitre 66-01 seront ainsi affectés en 2000 aux entreprises médianes. Nous opérons dans ce chapitre un certain retrait à l'égard des très grandes entreprises qui, pendant des années -M. Borotra avait d'ailleurs critiqué cette situation- y étaient «abonnées», pour nous tourner vers les PME. Il convient aussi de simplifier les procédures : pas moins de 10 taxes industrielles ont été supprimées parmi les 49 suppressions annoncées dans le projet de loi de finances. Trois autres chantiers sont ouverts : la simplification des aides -avec un contrat unique de l'ANVAR dès 1999, la simplification de la procédure ATOUT, le contrat unique servi par les DRIRE et la réflexion en cours sur son rapprochement DRIRE-DRCE-DRCA pour disposer d'un véritable «pack offensif» dans chacune de nos régions. Enfin, la priorité donnée aux aides structurantes nous permet de nous détourner du saupoudrage d'antan pour conduire une politique régionalisée et fine de l'incitation.

Des difficultés peuvent advenir dans certains secteurs ou certaines régions et je ne manque jamais de vous rencontrer alors, car j'ai pu me convaincre que l'Etat avait le devoir d'accompagner les mutations industrielles autant que de soutenir l'innovation, comme l'a très bien dit M. Destot. Pour ce faire, ce budget comporte 4,8 milliards de crédits, en hausse de 9,5 % : 2 840 millions seront consacrés à Charbonnages de France, cependant que les autorisations de programme destinées à l'équipement naval croîtront de moitié, ce qui reflète notre volonté de favoriser, dans le respect des règles communautaires, le développement de la construction navale. A ce propos, je veux saluer le remarquable succès des Chantiers de l'Atlantique, qui ont consenti un important effort de rationalisation de leur production et qui ont su rénover leur gamme de produits en sorte qu'ils sont aujourd'hui parmi les premiers chantiers européens et ont pu enregistrer il y a quelques mois un nombre de commandes inespéré.

Les autorisations de programme destinées au fonds d'industrialisation de la Lorraine, à celui des bassins miniers, aux CPI et au CIRI sont consolidées, à 305 millions. S'agissant du FIBM, je veux rassurer M. Kucheida : les reliquats des années passées viennent s'ajouter en cours d'année aux crédits initiaux, de sorte qu'en 2000, ce ne sont pas moins de 150,5 millions qui seront disponibles. Je suis prêt à étudier vos propositions, mais je vous rappelle qu'en décembre 1998, j'ai assoupli les procédures de gestion du fonds : la nation entend bien honorer la dette qu'elle a envers les mineurs !

Monsieur le secrétaire général de l'association des communes minières, je me suis engagé à faire paraître trois séries de décrets, relatifs à l'indemnisation des victimes d'affaissement, aux plans de prévention, aux conditions de renonciation aux conventions minières et à l'agence de prévention des risques miniers. La première série sera très prochainement transmise au Conseil d'Etat. En outre, comme je l'ai promis, les dispositions de la loi relative aux indemnisations s'appliqueront à toutes les victimes des affaissements survenus à partir de 1997. Enfin, ce qui tranche avec le passé, les associations de sinistrés ont été reçues le 18 octobre à mon cabinet.

Monsieur Meï, le groupe de travail présidé par M. Guillaume et chargé d'analyser le coût de production du charbon de Gardanne a remis son rapport, qui a d'ailleurs déjà été commenté dans la région, je crois. Un nouveau plan d'entreprise, plus ambitieux, a été présenté par les Houillères du bassin du Centre et du Midi ; une mission d'industrialisation du bassin de Gardanne a été mise sur pied en vue de créer 200 à 300 emplois par an pendant toute la durée du plan, soit sept ans. Nous avons procédé à de nouveaux essais sur un contingent de 160 000 tonnes de charbon d'Afrique du sud pour assurer le fonctionnement normal des centrales de Gardanne, à titre d'essai. Charbonnages de France financera 200 emplois-jeunes ; deux BTS ont été créés et, pour le pôle énergétique de Gardanne, la filiale électrique de Charbonnages de France étudie un projet de tranches supplémentaires de centrales électriques à lit fluidisé circulant. Cette étude a fait apparaître qu'une nouvelle tranche ne pourra être réalisée que si EDF s'engage à acheter au moins 40 % de la production nouvelle. Nous devons donc réaliser une étude de marché et attendre le vote de la loi sur le développement et la modernisation du service public de l'électricité.

S'agissant de ces crédits destinés à remédier à des situations de crise, j'ai le souci de la vérité des coûts mais aussi celui de préserver et de consolider les emplois -comme l'illustre encore ma politique en faveur de l'industrie textile. Dans ce secteur, nous sortons progressivement du plan Borotra, sans fuite en avant et en évitant toute politique «du paon» ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) Nous avons ainsi négocié durement avec la Commission européenne.

M. Franck Borotra - Le courage est bien ce qui caractérise votre attitude !

M. le Secrétaire d'Etat - Sur les 5 500 entreprises ayant bénéficié de ces aides, seule une petite minorité reste concernée par le remboursement, qui s'étalera sur plusieurs années à compter de 2000.

La régulation est aussi au service de la cohésion sociale. Dans le secteur des communications comme dans celui de l'énergie, nos services publics, remarquables réussites techniques et économiques, doivent être exemplaires aussi du point de vue social. Et ils le sont, qu'il s'agisse des emplois-jeunes, de la réduction du temps de travail ou de la lutte contre l'emploi précaire. C'est ainsi que La Poste a réduit le nombre des contrats à durée déterminée et recruté 20 000 personnes. Par ailleurs, nous préparons une réduction des tarifs téléphoniques en faveur des titulaires de minima sociaux : cela exigera d'adapter les systèmes informatiques de plusieurs organismes sociaux mais j'ai demandé à mes services d'étudier pour 1999 une solution consistant à fournir à tous les intéressés des cartes prépayées distribuées par La Poste. Nous donnerons ainsi corps à une exigence désormais inscrite dans la loi.

S'agissant encore du secteur postal, j'ai défendu ce matin auprès du commissaire Bolkenstein notre ferme volonté de maintenir un large service réservé et de renforcer les exigences en matière de service universel.

M. Jacques Guyard - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Je compte sur le soutien de la commission supérieure du service public de la poste et des télécommunications et sur tous les parlementaires pour nous aider à faire prévaloir cette ligne, sans concession au libéralisme prédominant dans certains Etats membres. Je compte aussi sur la commission de la production pour adopter en ce sens une résolution commune avec la délégation pour l'Union européenne.

Que M. Brottes, vrai ami de La Poste, lui, trouve ici confirmation de notre engagement au service de La Poste, service public et établissement public : aucun archer ne viendra tirer contre celui-ci une mauvaise flèche !

M. François Brottes - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - La gestion des entreprises responsables d'un service public ne s'apprécie pas, pour l'essentiel, lors du vote du budget. Il faut s'en féliciter : c'est la preuve de leur bonne santé...

Dans le secteur des télécommunications, les crédits de l'autorité de régulation augmentent de 3,5 millions et ceux de l'agence nationale des fréquences, compte tenu du transfert à l'Etat des activités radiomaritimes de 21 millions.

Pour La Poste, l'effort en faveur du transport de presse, est porté de 1 850 à 1 900 millions, conformément au contrat d'objectifs et de progrès signé en 1998. Pour les retraites, il atteint 3 milliards, sur la durée du contrat d'entreprise, dont 600 millions dans ce projet de loi de finances.

Enfin, la loi de finances rectificative dotera la commission de régulation de l'électricité d'environ 50 millions dès 2000, ce qui lui permettra, avec environ 50 embauches dès la première année, d'assurer ses nouvelles missions. Je souhaite à ce propos revenir sur la CMP réunie sur la loi «électricité» : l'opposition y a défendu sur plusieurs points décisifs des thèses que la majorité plurielle ne pouvait retenir, car elles compromettaient l'équilibre du texte. Il ne faut pas dramatiser le retard qui en découle (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

Le dispositif pourra être mis en place dès le printemps, sur la base du texte de l'Assemblée.

S'agissant du gaz, Monsieur Gaillard, je proposerai au Parlement d'examiner le projet de loi de transposition avant la date limite du 10 août 2000, bien entendu. A cette occasion, je défendrai une ligne pragmatique, afin de conforter le service public et d'assurer l'avenir industriel de GDF, conformément aux v_ux exprimés par M. Fiterman dans son rapport au Conseil économique et social.

Notre politique énergétique est fondée sur quelques principes. Il s'agit bien de la politique énergétique du Gouvernement, et donc de celle de ma collègue et très chère amie Mme Voynet comme de moi-même, car c'est la politique arbitrée par le Premier ministre, et soutenue par toute la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Premier principe : la transparence, avec l'application, Monsieur Bataille, de la loi du 3 décembre1994, remarquablement défendue à l'époque par M. Strauss-Kahn, et adoptée à l'unanimité par l'Assemblée-, sur l'aval du cycle nucléaire ! Des décisions importantes ont été prises à ce sujet en décembre 1998 ; je les ai rappelées lors du débat du 21 janvier 1999. J'ai mis en place la commission d'information et de suivi du laboratoire de Bure, situé en terrain argileux ; un autre laboratoire suivra dans les terrains granitiques.

Deuxième principe : économies d'énergie et diversification des sources d'énergie. La très forte hausse des crédits de l'ADEME en 1999 est consolidée en 2000, avec 242 millions d'autorisations de programme.

Troisième principe : recherche et innovation. MM. Destot, Billard et Nicolin ont parlé du CEA, remarquable outil scientifique qui, avec plus de 11,1 milliards de crédits, voit ses moyens progresser de 1,1 % à périmètre constant. Je rends hommage à la qualité de ses chercheurs. Monsieur Borotra, le «trou» n'est que d'une cinquantaine de millions, soit moins de 0,5 %. Il sera comblé avec des crédits de recherche de mon ministère et de celui de mon collègue Claude Allègre.

M. Franck Borotra - On fait 100 millions d'économies pour compenser les engagements que vous n'avez pas tenus !

M. le Secrétaire d'Etat - Les installations du CEA sont aux normes.

Dernier principe : des services publics inscrits dans la durée grâce à une transposition vigilante et concertée des directives européennes, dotés de stratégies offensives de développement et ayant une réelle ambition sociale.

Ce budget est un bon budget. Sans tomber dans l'euphorie, on peut considérer que la conjoncture industrielle est bonne et envisager l'année 2000 avec un optimisme raisonnable. Un optimisme de volonté. Croissance établie sur des bases saines, développement de l'innovation et des services publics, progrès social : au service de cette ambition, les pouvoirs publics ont un rôle régulateur à jouer, dont ce budget est l'illustration. Le Gouvernement entend bien exercer pleinement ses responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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QUESTION

M. Henry Chabert - On n'est jamais si bien servi que par soi-même, dit la sagesse lyonnaise : vous venez d'en donner une brillante illustration, Monsieur le ministre, par votre discours d'autosatisfaction... Vous devez néanmoins entendre les récriminations des industriels, qui se plaignent notamment de l'application des 35 heures.

A ce sujet, la deuxième loi remet en cause pour l'industrie textile l'accord du 16 octobre 1998. Que comptez-vous faire pour éviter les fermetures d'entreprises et les délocalisations ?

M. le Secrétaire d'Etat - Nous agissons de différentes manières pour soutenir ce secteur. D'abord, par la baisse du coût du travail : celle qui est prévue dans la deuxième loi sur les 35 heures va être particulièrement efficace dans le textile-habillement, où une forte proportion des salariés est autour du SMIC, car la réduction des charges sociales est alors supérieure au coût instantané des 35 heures.

MM. Yves Nicolin et Franck Borotra - Pas du tout !

M. le Secrétaire d'Etat - Deuxième élément : la modernisation de l'industrie. L'Etat accorde des aides ciblées à travers le FDPMI, des actions sont menées dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, l'engagement en faveur de la formation fait l'objet d'une subvention supplémentaire de 70 millions, une aide systématique est accordée aux technologies.

En troisième lieu, nous agissons avec ma collègue Marylise Lebranchu pour réguler les rapports entre le secteur du textile-habillement et la grande distribution.

Enfin, nous défendons une position ferme dans les négociations de l'OMC et au sein de l'Union européenne.

Nous avons notamment obtenu de Bruxelles des mesures de sauvegarde pour l'importation des cotons d'Ouzbékistan.

Bref, nous ne manquons pas d'armes pour défendre ce secteur.

M. Franck Borotra - Consternant !

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne «Economie, finances et industrie».

Les crédits inscrits au titre III de l'état B, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits inscrits au titre IV de l'état B.

Les crédits inscrits aux titres V et VI de l'état C sont successivement adoptés.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu lundi 22 novembre, à 10 heures 30.

La séance est levée le samedi 20 novembre, à 0 heure 45.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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