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Session ordinaire de 1999-2000 - 30ème jour de séance, 72ème séance

1ÈRE SÉANCE DU MARDI 23 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Laurent FABIUS

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CORSE 2

RESPONSABILITÉ PÉNALE DES MAIRES 3

RESPONSABILITÉ DES MAGISTRATS 4

CMU 5

CHASSE 5

SECRET PROFESSIONNEL DES PROFESSIONS LIBÉRALES 6

INTEMPÉRIES 7

HARKIS 7

SECOURS AUX VICTIMES DE L'OURAGAN LENNY 8

FONCTION PUBLIQUE 9

IMPLANTATION DE COLONIES ISRAÉLIENNES EN CISJORDANIE 9

RÔLE DU PARLEMENT 10

LOI DE FINANCES POUR 2000 (suite) 11

EXPLICATIONS DE VOTE.......................................... 11

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE 19

CONVENTIONS ET ACCORDS INTERNATIONAUX 19

ACCORD EURO-MEDITERRANÉEN COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES-ISRAËL 21

ORGANISATION INTERNATIONALE DE TÉLÉCOMMUNICATIONS MOBILES PAR SATELLITES 32

ADOPTION DE LA PARTIE LÉGISLATIVE DE CERTAINS CODES 35

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 38

ANNEXE ORDRE DU JOUR 43

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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CORSE

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Monsieur le Premier ministre, des dysfonctionnements graves et des accusations violentes faites sous serment sont relatés par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la question de la sécurité en Corse, qui a fait son travail et dont le rôle n'a pas à être contesté par l'exécutif (Applaudissements sur plusieurs bancs).

De nombreuses familles françaises, victimes d'un deuil lié à un meurtre, prennent conscience de ces réalités choquantes qui jettent le doute sur l'efficacité de l'Etat et de la justice. Nous avons tous lu avec émotion les déclarations de Mme Erignac. Vous ne pouvez, Monsieur le Premier ministre, rester silencieux et inactif. Imposer la loi du silence à vos ministres serait témoigner d'une attitude de mépris envers le Parlement et les familles qui attendent que justice soit faite. Il vous incombe de dissiper le malaise et de prendre des décisions pour remédier aux manquements graves qui ont été constatés.

Quelles instructions allez-vous donner à votre gouvernement en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - (Huées sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) J'aimerais que sur une affaire aussi grave, alors que l'Etat est confronté depuis vingt-cinq ans à un très grave défi, la représentations nationale sache se hisser à la hauteur des faits et des nécessités (Mêmes mouvements).

S'agissant des faits, il est évidemment plus facile de pointer ce que vous appelez des dysfonctionnements que de mettre en valeur les réussites, pourtant nombreuses et dont témoignent les chiffres que j'ai transmis à la commission d'enquête. Entre 1993 et 1998, le taux de criminalité en Corse a régressé de 30 points... («C'est faux !» Huées sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) et le taux d'élucidation des affaires est supérieur de 10 points en Corse à ce qu'il est dans le reste de la France. J'ai eu l'occasion de vous rappeler la semaine dernière les crimes -attentats contre le palais de justice d'Aix-en-Provence, le lycée Giono de Nice, l'ENA à Strasbourg, la brigade de Pietrosella, meurtre de Claude Erignac- qui ont été élucidés en 1999 (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

S'agissant des dysfonctionnements, je voudrais faire litière de ce qui se raconte au sujet du prétendu retard de l'enquête. J'affirme qu'il n'y a eu aucun retard... (Mêmes mouvements)

Plusieurs députés UDF, RPR et DL - Où est Colonna ?

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - ...dans le cheminement des notes transmises par M. Bonnet. A l'époque, M. Ferrandi était déjà identifié comme le correspondant du trio Castella-Andriuzzi-Antolini par l'utilisation de son téléphone portable... (Huées sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) qui a permis d'identifier ses contacts. C'est grâce au travail effectué dans la première quinzaine de mai qu'ont pu être interpellés Alain Ferrandi, Didier Maranelli, Pierre Alessandri et Marcel Istria le vendredi 4 mai 1999. Le nom d'Yvan Colonna ayant été publié par un journal dès le 22 mai, celui-ci n'a pas eu besoin d'être prévenu par la police pour s'échapper ! Je répète donc que je tiens à faire litière de ces ragots... (Huées sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Tout cela mériterait que l'on aborde ces questions avec un certain sens de l'Etat. L'Etat, ce sont évidemment ceux qui ont les mains dans le cambouis, les policiers, les gendarmes, les juges mais, ne l'oubliez pas, l'Etat c'est nous tous et c'est aussi vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

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RESPONSABILITÉ PÉNALE DES MAIRES

M. Pierre Albertini - L'année dernière à la même date, j'avais, Monsieur le Premier ministre, attiré votre attention sur l'inquiétude grandissante des décideurs locaux, maires et directeurs d'établissement, devant les risques que font courir les excès d'une réglementation tatillonne, mais aussi la dérive d'un recours excessif au juge pénal.

Ce phénomène est aujourd'hui largement aggravé par la tendance qu'éprouve une grande partie de l'opinion à ne plus admettre les notions d'accident ou de risque imprévisible. Dans ces conditions, l'effondrement d'un panneau de basket, une glissade au bord d'une piscine ou une avalanche peuvent donner lieu à une mise en cause de la responsabilité pénale des maires.

A ce jour, 800 élus et fonctionnaires territoriaux sont ainsi sous le coup de poursuites pénales. Depuis les dernières élections municipales, 1 700 maires ont démissionné. Devant l'ampleur du phénomène la réponse que vous avez faite il y a quelques semaines devant l'assemblée des maires de petites villes n'a pas convaincu. Au surplus, il y a des dissonances choquantes au sein du Gouvernement et je passe sous silence les autres et notamment celles qui proviennent de la présidence de cette assemblée -entre les ministres de l'intérieur et de la justice. Les élus locaux ne demandent pas à bénéficier d'un privilège de juridiction ou de procédure, qui serait contraire à l'égalité devant la justice. Ils souhaitent une application raisonnée de la loi, qui tienne compte des moyens -le plus souvent insuffisants, notamment en zone rurale- dont ils disposent pour faire face aux risques. Nous proposons donc de revoir, dans le code pénal, la notion de délit par imprudence : en dehors d'une intention de nuire ou d'une absence caractérisée de précaution, seule la responsabilité financière de la personne morale pourrait être engagée, et non pas celle de l'élu dans l'exercice de ses fonctions. Monsieur le Premier ministre, après un an de réflexion, quelles sont vos intentions à ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; «Très bien !» sur divers bancs)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - La responsabilité pénale des décideurs publics est un sujet extrêmement grave, dont le Gouvernement se préoccupe et sur lequel le Premier ministre s'exprimera demain devant l'association des maires de France. Vous avez vous-même exprimé votre accord sur le fait qu'il ne faut pas rechercher pour les décideurs publics un système dérogatoire, qui en fasse une catégorie protégée par rapport au reste des citoyens, car la loi pénale doit être la même pour tous. C'est ce que le Premier ministre avait déjà souligné à Léognan.

Pour autant, il est nécessaire de rechercher une solution. J'ai donc demandé à une commission présidée par le conseiller d'État Massot, qui comprend un certain nombre d'élus, de magistrats et un préfet, de soumettre au Gouvernement des propositions sur cette question. La piste que vous indiquez est l'une des deux sur lesquelles nous travaillons. Ne faut-il pas que la collectivité publique se substitue à la personne qui a commis une faute non intentionnelle ? Faisons cependant très attention, car si nous substituons totalement la responsabilité de la personne morale à la responsabilité personnelle en cas de faute pénale, nous risquons d'aboutir au résultat inverse de celui que nous recherchons, c'est-à-dire à une pénalisation encore plus grande de la société. Une autre piste me semble plus intéressante, qui implique l'existence d'un lien direct entre la faute et le dommage : la responsabilité pénale d'un décideur public ne pourrait être mise en cause que si un tel lien est mis en évidence. Dans les autres cas, la responsabilité ne pourrait être mise en jeu qu'en cas de faute lourde. Voilà la piste de réflexion qui me semble la plus prometteuse pour répondre au problème de la mise en cause trop fréquente, et parfois excessive, de la responsabilité pénale des décideurs publics (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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RESPONSABILITÉ DES MAGISTRATS

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Vous menez, Madame la ministre de la justice, depuis juin 1997, une politique novatrice et réformatrice, qui a le plus souvent l'approbation des députés radicaux de gauche... (Sourires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) exception faite du projet de loi sur l'action publique, qui, à notre sens, relâche à l'excès les liens entre la chancellerie et le Parquet et que nous n'avons donc pas voté. Le Congrès est convoqué le 24 janvier prochain pour adopter la révision constitutionnelle concernant le Conseil supérieur de la magistrature. Cette réforme modifie utilement sa composition, dans un sens moins corporatiste, mais elle modifie également le mode de nomination des magistrats du Parquet pour leur conférer plus encore d'indépendance. Or, en démocratie, l'autorité et la responsabilité doivent aller de pair (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV).

L'indépendance des magistrats ne peut être accrue si, dans le même temps, leur responsabilité n'est pas, elle aussi, renforcée. Vous avez accepté de présenter avant la fin novembre les grandes lignes de votre avant-projet de loi organique portant statut des magistrats et renforçant leur responsabilité.

Allez-vous prévoir dans ce nouveau statut que le procureur qui, sans motif et de manière répétée, n'applique pas les directives générales de politique pénale du Garde des Sceaux commet par là une faute disciplinaire ? Je pense à un procureur qui ne poursuivrait pas les délits racistes.

Et allez-vous prévoir que le fait pour un juge d'instruction de décider à plusieurs reprises des mises en détention provisoire abusives ne restera pas sans influence sur sa notation par le président du tribunal ?

Enfin, je souhaite que vous inscriviez à l'ordre du jour dès après le Congrès du 24 janvier le projet de loi organique renforçant la responsabilité des magistrats, afin qu'il soit examiné en première lecture avant la deuxième lecture du projet relatif aux relations entre la chancellerie et le Parquet, prévue en mars (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Vous avez raison, indépendance et responsabilité vont de pair pour assurer l'impartialité des magistrats (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste). Déjà par la réforme constitutionnelle le Conseil supérieur de la magistrature sera composé en majorité de non-magistrats afin d'éviter les dérives corporatistes. Les projets relatifs à la présomption d'innocence et aux relations entre chancellerie et Parquet renforceront ainsi les possibilités de recours des citoyens et encadreront mieux les délais d'instruction.

Si le Garde des Sceaux ne donne plus de directives individuelles, l'article 20 de la Constitution prévoit bien que les procureurs sont tenus de respecter les directives générales de politique pénale. Le projet relatif à la responsabilité professionnelle des magistrats ne pourra être soumis au Parlement qu'après la réforme constitutionnelle. Mais je vous en transmettrai le texte dès la semaine prochaine.

M. Gérard Gouzes - Très bien !

Mme la Garde des Sceaux - D'abord, il assure la mobilité des magistrats car il existe d'autres pressions que celles des politiques. On ne pourra donc être chef de Cour ou chef de juridiction plus de cinq ans au même endroit (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste). Pour progresser dans la carrière, il faudra changer de poste. Enfin, on ne pourra exercer les fonctions de magistrat spécialisé au même endroit que pendant dix ans. En second lieu, non seulement le Garde des Sceaux mais les chefs de Cour pourront mettre en jeu la responsabilité personnelle des magistrats et une commission de réclamation du citoyen pourra recevoir des plaintes à propos de comportements répréhensibles. Elle les transmettra, après avoir opéré un tri, au Garde des Sceaux et aux chefs de Cour. Les audiences disciplinaires seront publiques sauf si la commission de discipline en décide autrement pour protéger la vie privée ou le secret d'Etat. En tout état de cause les décisions seront publiques.

Enfin, les magistrats seront soumis aux mêmes règles de déontologie que les fonctionnaires pour ce qui concerne le pantouflage (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste).

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CMU

M. Bernard Accoyer - La CMU doit s'appliquer dans cinq semaines. Or les caisses primaires d'assurance maladie ne seront pas prêtes à assurer ces responsabilités nouvelles, notamment par manque d'effectifs. De plus elles ne sont pas habilitées à effectuer le travail de proximité réalisé jusque-là par les communes et les départements, dans le cadre de l'aide médicale gratuite. Les mutualistes s'inquiètent car ils devront assurer une grande partie du coût de la CMU et celui-ci a été sous-évalué. Le seuil de revenus serait de 3 000 F. En fait il sera inférieur, du fait de la déduction de telle ou telle prestation, alors que pour la carte Paris-santé, par exemple, il est de plus de 4 000 F.

Nous redoutons l'instauration d'une sécurité sociale à deux niveaux et le plafonnement de certaines prestations va dans ce sens. Que va-t-il se passer le 1er janvier 2000 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je vous remercie de me donner l'occasion de faire le point sur la CMU. Nous n'avons pas d'inquiétude quant à son application au 1er janvier 2000. La loi a été votée il y a six mois, il fallait 14 décrets, ils ont été soumis au Conseil d'Etat et sont à la signature. Ces décrets ont été élaborés après une grande concertation avec les caisses, les mutualités, les sociétés d'assurances et aussi les associations qui s'occupent des exclus.

Un accord conclu avec la CNAM prévoit un effectif de 1 400 personnes supplémentaires pour gérer la CMU. J'ai réuni tous les acteurs hier dans ma ville, et je peux vous dire que les choses se présentent bien.

Tous ceux qui bénéficient de l'aide médicale gratuite, notamment les RMistes, seront couverts par la CMU. Mais la grande difficulté est de toucher ceux qui ne se font pas soigner car ils ne connaissent pas leurs droits. Avec les associations nous avons donc élaboré un dépliant qui explique ces droits et qui sera diffusé à dix millions d'exemplaires à partir du 13 décembre. Nous mettons aussi un guide-relais à disposition de ceux qui servent d'intermédiaires (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

Quels sont ces droits ? Six millions de personnes vont accéder à l'hospitalisation, à la médecine de ville, au paramédical, gratuitement... Nous devions décider ce qu'il en serait de l'optique, de la dentisterie et des problèmes qui ne donnent pas lieu à un remboursement suffisant. Après négociation avec les fabricants, il a été décidé que l'on rembourserait à coût réel une paire de lunettes par an -plus s'il y a une raison médicale- ainsi que des prothèses de bonne qualité.

Les mutuelles et compagnies d'assurance ont contribué avec nous à l'élaboration du seuil de dépenses de 1 500 F. Nous verrons, après avoir effectué le bilan prévu en fin d'année, si des modifications sont éventuellement nécessaires.

Ainsi, six millions de Français auront accès rapidement aux soins gratuits, ce qui fait de notre pays un exemple unique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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CHASSE

M. Didier Quentin - Ma question s'adresse à Mme Voynet. Il se dit beaucoup, Madame, que l'on vous interdit de parler du rapport Patriat sur la chasse («Oh !» sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). S'il n'en est rien, que pensez-vous, honnêtement, du réaménagement de la loi Verdeil, de la légalisation de la chasse de nuit, de l'interdiction de la chasse le mercredi et, surtout, de la réduction des périodes de chasse aux oiseaux migrateurs ? (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Désireux de pacifier les relations entre les chasseurs et l'ensemble de la société française (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), le Premier ministre a confié à M. Patriat une mission assez large, portant non seulement sur des problèmes techniques particuliers, mais encore sur l'organisation même de la chasse. M. Patriat a rencontré de nombreux représentants du monde de la chasse, ainsi que de la protection de l'environnement, et remis un rapport très volumineux, comportant 73 propositions, dont certaines ont trait aux questions que vous avez évoquées et dont d'autres visent à rénover les conditions d'exercice de la chasse en France. L'esprit de ce rapport est de permettre une chasse durable, comprise par ceux qui ne partagent pas cette passion (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) et allant de pair avec une gestion responsable des espèces. Nous sommes en train de l'étudier, et nous formulerons des propositions législatives que vous aurez à examiner (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RCV et du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste ; huées sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL)

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SECRET PROFESSIONNEL DES PROFESSIONS LIBÉRALES

M. Arthur Dehaine - Il nous serait agréable d'obtenir des réponses lorsque nous posons des questions, ce qui n'a pas été le cas voici un instant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RP , protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Non content d'avoir refusé aux professions libérales, l'an dernier, le bénéfice de la réforme de la taxe professionnelle, voici que le Gouvernement remet en cause, par une disposition du projet de loi de finances, leur droit au secret professionnel ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Cette mesure, imposée sans concertation aucune, traduit une suspicion constante envers cette catégorie de contribuables et porte atteinte à la relation de confiance qui doit régner entre le médecin et son patient, entre l'avocat et son client -pour ne prendre que ces deux exemples. Nous entrons peu à peu dans un régime où le fisc aura tout pouvoir de tout savoir ! (Mêmes mouvements)

L'argument de l'harmonisation avec le traitement des adhérents à un centre de gestion agréé ne tient pas, car cette adhésion est volontaire et a des contreparties fiscales que ne procure pas la nouvelle obligation édictée. Allez-vous laisser briser le secret médical et professionnel ? Quand cesserez-vous de maltraiter les professions libérales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je le dis solennellement : il n'y aura pas atteinte au secret médical, car l'administration fiscale n'aura en aucun cas accès au dossier médical des patients. Hier soir, d'ailleurs, à l'initiative de la commission des finances, deux amendements tout à fait explicites ont été adoptés, dont le président de l'Union nationale des professions libérales a reconnu qu'ils étaient de nature à apaiser les craintes de ses mandants (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Si le droit est donc clair, la pratique l'est tout autant : 80 % des médecins sont en effet affiliés à des centres de gestion agréés, et doivent de ce fait, depuis 1982, tenir des registres où figurent les noms de leurs patients et les sommes versées, sans qu'il y ait jamais eu violation du secret médical. Si celui-ci est un droit pour tout citoyen, la fraude fiscale, elle, est une inégalité que combat le projet de loi de finances qui sera soumis à votre approbation dans quelques minutes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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INTEMPÉRIES

M. Gilbert Biessy - La semaine dernière, les eaux paralysaient une partie du sud de la France, et de nombreuses personnes trouvaient la mort dans des conditions tragiques. Je réitère nos condoléances aux familles des victimes et salue le courage des sauveteurs, ainsi que l'élan de solidarité des Français et des collectivités locales. Cette semaine, c'est la neige qui paralyse une partie du réseau routier, et des milliers d'automobilistes, pris au piège sur l'autoroute, ont dû lutter contre le froid durant de nombreuses heures.

Des mesures de prévention auraient pu être prises, et Jean Vila a d'ailleurs interpellé le Gouvernement, mardi, à ce sujet. Je l'interrogerai, pour ma part, sur les moyens qu'il entend mettre en _uvre pour remettre en état les routes et voies ferrées endommagées par les inondations et sur les changements qu'il compte apporter aux procédures d'alerte aux chutes de neige. Je lui demanderai, enfin, s'il partage le sentiment exprimé par Daniel Paul, à l'occasion de la discussion du budget de l'aménagement du territoire, sur la nécessité de garantir la place et le rôle des services publics, ceux de l'équipement en particulier : DDE, SNCF, Météo-France (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - La tâche de reconstruction, après les inondations de la semaine dernière, est considérable. S'agissant des infrastructures nationales, tout est fait pour qu'elles soient rouvertes à la circulation, sans restriction, début décembre au plus tard. La voie ferrée Narbonne-Toulouse le sera dès vendredi pour le trafic diesel, et dimanche pour le trafic normal. Les RN 9 et 113 sont en service, la RN 112 le sera dans la première semaine de décembre. L'ensemble des services de l'Équipement apportent leur concours à la continuité du réseau routier, et j'ai installé, dès la semaine dernière, un comité de suivi, présidé par un ingénieur général, qui rendra compte, chaque semaine, de l'avancement des travaux, des difficultés rencontrées et des moyens mis en _uvre pour les surmonter.

Quant aux chutes de neige, la situation des personnes bloquées dans leurs véhicules a été réglée sensiblement plus vite qu'elle ne l'avait été au début de 1997. Le «plan neige» élaboré alors, et prévoyant l'immobilisation des poids lourds sur les autoroutes, a été mis en application dès samedi après-midi ; c'est tout le réseau routier qui aurait été paralysé si nous les avions laissé circuler sur les routes nationales ! Je ne crois donc pas qu'il y ait lieu de remettre en cause ce dispositif, même si des dysfonctionnements ont été observés : fermeture trop tardive des autoroutes, mauvaise information des usagers. Aussi M. Chevènement et moi-même avons nous demandé au directeur de la sécurité civile et à un ingénieur général des ponts et chaussées de nous proposer les améliorations nécessaires, mais je ne veux pas laisser accréditer l'idée, fausse, selon laquelle les services de l'Équipement n'ont pas joué leur rôle : leur mobilisation, au contraire, a été totale. Enfin, et j'en suis d'accord avec vous, ces situations exceptionnelles montrent le rôle capital des services publics, dont le ministère de l'équipement ne saurait être qu'un ardent défenseur (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

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HARKIS

Mme Hélène Mignon - De nombreuses associations représentant les harkis et leurs familles nous rappellent à notre devoir de mémoire envers les harkis restés en Algérie après le départ des troupes françaises, et qui l'ont payé de leur vie ; elles souhaitent qu'un mémorial soit érigé à Bias, en Lot-et-Garonne, où vit une importante communauté. Elles se plaignent également des mauvaises conditions d'accueil qui leur sont faites, notamment de la vétusté des locaux d'habitation, et s'étonnent que la rente viagère annoncée en janvier dernier n'ait toujours pas été versée. Elles demandent, enfin, que les mesures relatives au logement contenues dans la loi du 11 juin 1994 soient reconduites, et que soit créée une commission de suivi des politiques menées en leur faveur. Quelles réponses pouvez-vous leur apporter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Beaucoup de Harkis et d'anciens supplétifs ont l'impression que la France ne reconnaît pas leur engagement et parfois même en travestit les raisons. C'est pourquoi, avec le secrétaire d'Etat aux anciens combattants, nous avons décidé d'apposer une plaque sur une vingtaine de monuments aux morts, transférés d'Algérie ou existant en France, reproduisant l'article premier de la loi du 11 juin 1994 sur la reconnaissance de la République envers les Harkis.

Ils ont aussi souhaité, et la décision a été prise, qu'il y ait une stèle commémorative dans la commune de Bias qui a été un lieu d'accueil important et où vivent encore 200 d'entre eux. Il sont logés par une société HLM et l'Etat a décidé de leur transférer la propriété de ces logements pour un coût de 15 millions. Reste à les mettre aux normes ; nous avons dégagé les 8 millions nécessaires et le transfert pourra avoir lieu au 1er semestre de l'an 2000.

En ce qui concerne la revalorisation de leur rente viagère, un texte sera proposé dans quelques jours au Parlement et la rente sera rétroactive au 1er janvier 1999. En outre, les aides au logement dont bénéficiaient les anciens supplétifs seront prolongées jusqu'au 31 décembre 2000.

Je pense ainsi répondre à vos questions et aux préoccupations des Harkis en France. Nous avons déjà envoyé une circulaire aux préfectures pour qu'elles préparent les dossiers dès maintenant afin que, la loi une fois votée, les sommes puissent être versées sans tarder. Enfin, une circulaire du 31 mai 1999 crée un comité national de suivi, où vont siéger les représentants des Harkis, ce qui leur permettra de faire part d'éventuelles difficultés d'application (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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SECOURS AUX VICTIMES DE L'OURAGAN LENNY

M. Léo Andy - Après le sud de la France, la Guadeloupe vient d'être durement frappée par l'ouragan Lenny ; des pluies diluviennes se sont abattues pendant trois jours sur l'archipel et dans les îles Saint-Martin et Saint-Barthélemy, la tempête a tout balayé sur son passage.

Des vagues de quatre mètres ont déferlé sur les côtes, détruisant les maisons, emportant les bateaux et submergeant les routes -la RN2 a été arrachée en plusieurs points.

On dénombre quatre morts, des dizaines de blessés et des centaines de sinistrés. Beaucoup d'habitants ont tout perdu en un jour.

Je me félicite de l'aide d'urgence de 2 millions de francs débloquée par le Gouvernement. Mais l'essentiel reste à faire, vu l'ampleur des dégâts qui nécessite un classement en catastrophe naturelle. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour aider et indemniser les populations touchées et pour rendre à la Guadeloupe des conditions de vie normales ?

M. le Président - Nous nous associons à votre émotion.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - L'ouragan Lenny, moins d'un mois après le cyclone José, a eu des conséquences dramatiques : cinq morts, quatre disparus, 1 500 sinistrés en Guadeloupe, 600 en Martinique.

Le Gouvernement s'est tenu informé heure par heure et a pris les décisions pour venir en aide à la population.

En liaison avec Jean-Jack Queyranne, j'ai donné mon accord pour que 55 militaires de l'unité d'intervention de la sécurité civile de Nogent-le-Rotrou soient acheminés sur place dans la nuit du 19 novembre pour compléter les moyens locaux. En accord avec le ministre de la défense, des moyens aériens -hélicoptères et avions- et les moyens maritimes basés en Martinique ont été mis à la disposition du préfet de la Guadeloupe pour acheminer secouristes et techniciens. Le service Audiotel de Météo-France a tenu la population antillaise résidant en France au courant de l'évolution de la situation.

Dès vendredi dernier, Jean-Jack Queyranne a obtenu une enveloppe de 2 millions de francs de secours d'urgence. Aujourd'hui la priorité est aux travaux urgents de restauration et à l'évaluation des dégâts. Vendredi prochain la commission interministérielle statuant sur l'état de catastrophe naturelle se réunira pour examiner les dossiers des communes sinistrées de la Guadeloupe et de la Martinique et le reliquat des dossiers du sud de la France. Le comité interministériel du fonds de secours aux victimes de calamités va se réunir pour décider du montant des enveloppes d'indemnisation nécessaires pour rétablir une situation normale au Antilles.

La solidarité nationale bénéficiera à la Guadeloupe et à la Martinique tout comme aux départements du sud de la métropole (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

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FONCTION PUBLIQUE

Mme Claudine Ledoux - Monsieur le ministre de la fonction publique, vous avez reçu récemment les cinq syndicats signataires de l'accord salarial du 10 février 1998 pour tirer le bilan de sa mise en _uvre. Après la décision unilatérale prise par le précédent gouvernement en 1996 de geler les salaires de la fonction publique (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) les accords de 1998 ont rétabli une véritable politique contractuelle entre l'Etat et les agents publics et réparé une injustice flagrante (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

(Mme Claudine Ledoux, prise d'un malaise, doit s'interrompre et est accompagnée hors de l'hémicycle)

M. le Président - Comme Mme Ledoux semble revenir à elle, nous allons pouvoir continuer, en lui souhaitant un prompt rétablissement.

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IMPLANTATION DE COLONIES ISRAÉLIENNES EN CISJORDANIE

Mme Catherine Tasca - Tout à l'heure un accord d'association entre l'Union européenne et l'Etat d'Israël va nous être soumis pour ratification, c'est une très bonne chose.

Mais le même jour, Israël annonce l'implantation d'une nouvelle «colonie» en Cisjordanie, au sud de Bethléem. Ce type d'événement est malheureusement courant. Chaque mois une nouvelle colonie s'installe en Palestine, selon un processus toujours identique : l'armée israélienne ouvre une route en territoire peu habité, des tentes sont installées et occupées par des Israéliens, puis des lotissements en dur se construisent et une petite ville apparaît. Dès lors plus aucun permis de construire n'est accordé aux Palestiniens et ils doivent même abandonner leurs cultures. Autour de Bethléem une vraie stratégie d'encerclement est à l'_uvre.

La France est très attachée à la paix entre deux peuples horriblement maltraités par l'Histoire. Mais comment croire à la paix si Israël poursuit cette politique de colonisation qui prive le futur Etat palestinien de sa continuité territoriale et de toute possibilité de commerce avec le monde extérieur ? L'arrivée de M. Ehoud Barak n'a pas vraiment modifié cette politique. Est-elle compatible avec l'article 2 de l'accord soumis à notre ratification, qui impose le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques ?

Alors que s'engagent entre les deux parties les négociations en vue du statut final, que font la France et l'Union européenne pour contribuer à une paix juste et durable entre ces peuples ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Depuis 1967, dans les territoires conquis à l'occasion de la guerre, Israël a effectivement procédé à une colonisation méthodique et, aujourd'hui, 190 000 colons vivent dans ces colonies. Cette politique n'a pas encore été interrompue par M. Barak, ce qui suscite des interrogations. Néanmoins nous voulons croire qu'il s'agit là d'une situation transitoire, que les positions affichées par les deux parties, alors que débutent enfin les négociations sur le statut final, vont évoluer et qu'elles seront amenées à démontrer leur volonté réelle de faire la paix. Car la paix durable ne pourra pas se faire sur cette base.

M. Barak a affirmé sa volonté de faire la paix avec les Etats voisins et est arrivé à la conclusion qu'un Etat palestinien est un élément de sécurité pour toute la région : il s'agit maintenant d'aller au bout du raisonnement et de vouloir un Etat palestinien viable.

L'Europe, à l'instigation notamment de la France, accompagnera ce processus de paix et fera tout pour le consolider. Actuellement l'espérance doit l'emporter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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RÔLE DU PARLEMENT

M. Philippe Houillon - Monsieur le Premier ministre, il y a quelques jours, le ministre de l'intérieur affirmait, en marge d'une procédure judiciaire, que les griefs à l'égard de votre précédent ministre de l'économie, issus en partie des travaux de la police scientifique, ne reposaient sur aucune réalité.

Aujourd'hui, à la suite du dépôt de deux rapports parlementaires sur la Corse et bien que vous ayez curieusement demandé le silence à vos ministres dans le même temps où vous appelez à la transparence -votre discours de Strasbourg ne mentionne pas moins de quatorze fois le terme-, le même ministre de l'intérieur s'en prend avec mépris au Parlement et aux parlementaires. Qu'il s'en prenne en l'espèce à des députés de la majorité indique que ce mépris s'adresse à l'institution, et non à des adversaires politiques.

Le ministre de l'intérieur prétend que tout est faux dans ces rapports, pourtant accablants -mais cela devient chez lui une habitude- et que l'affaire Marion se réduit à «une affaire de corneculs». Mais au-delà, il porte atteinte à la dignité du Parlement dont le travail est qualifié de «tempête ridicule ne reposant sur quasiment rien» ou encore de «ragots ordinaires» et de «commérages». Cet antiparlementarisme, inacceptable, sape la légitimité même du contrôle du Parlement et le fonctionnement de nos institutions. C'est pourquoi nous allons saisir de cette question le Président de l'Assemblée nationale.

Monsieur le premier ministre, que pensez-vous des déclarations de votre ministre de l'intérieur sur le travail parlementaire ? Quelle est votre conception de la fonction de contrôle du Parlement et de la séparation des pouvoirs ? Selon vous, le Parlement sert-il à quelque chose ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. le Président - Madame la ministre.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - (Vives interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Permettez-moi tout d'abord de vous faire remarquer que la presse a démenti elle-même les informations qu'elle avait livrées concernant certains documents, et ce avant que je confirme que les premières indications données ne «reposaient sur rien».

S'agissant du travail des commissions d'enquête parlementaire, je me suis livré à certains commentaires sur un sujet à vrai dire couvert par le secret de l'instruction judiciaire (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Monsieur le député, la critique est aisée, l'action beaucoup moins. Des règles s'imposent pour la dévolution des affaires aux juges, des enquêtes aux services -DNAT, SRPJ, gendarmerie...

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Ce n'est pas la question !

M. le Ministre de l'intérieur - Des pièces sont communiquées aux parties civiles, qui favorisent les indiscrétions.

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Nul ! Ce n'est pas la question.

M. le Ministre de l'intérieur - Dans l'affaire de l'assassinat du préfet Erignac, le rapport Marion a été rendu public en décembre. Les résultats de l'enquête de gendarmerie l'ont été le 3 février par un journal du soir, qui a d'ailleurs ainsi compromis la marche de l'enquête. Celle-ci a néanmoins abouti grâce aux efforts de la DNAT. Je ne peux donc pas accepter que l'on qualifie de «personnage» une personne qui, avec les équipes de la DNAT, a réussi à élucider une affaire aussi délicate (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) .

Seul le sens de l'Etat, porté au-dessus des passions partisanes, de droite ou de gauche, nous permettra en Corse de remonter le courant et de rétablir la sécurité dans les deux départements de cette région. Oui, je suis prêt à faire confiance à ceux qui, comme moi, en sont convaincus (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

Avant que nous ne passions à la suite de l'ordre du jour, je dois vous signaler que notre collègue Claudine Ledoux va bien.

Mme Catala remplace M. Fabius au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

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      LOI DE FINANCES POUR 2000 (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2000.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Alors que l'Assemblée nationale va voter le projet de loi de finances pour 2000 en première lecture, je tiens à souligner la qualité du travail que nous avons effectué ensemble pour améliorer le texte qui vous était soumis.

Lors de l'adoption de la première partie du projet de budget le 26 octobre dernier, je m'étais déjà félicité des améliorations apportées au texte. Les priorités du Gouvernement s'en étaient trouvées renforcées puisque les allégements fiscaux en faveur des ménages avaient été accrus de 1,5 milliard pour atteindre 30 milliards. Je ne rappellerai que quelques-unes des mesures de solidarité alors adoptées : bénéfice prolongé de l'exonération de la taxe d'habitation pour les allocataires du RMI retrouvant un emploi, accélération de la suppression du droit de bail pour les locataires acquittant les loyers les plus bas, suppression de la condition d'âge pour la réduction d'impôt au titre des frais d'hébergement dans un établissement de long séjour.

L'examen des dépenses a conforté cette orientation. Je ne citerai que deux mesures principales parmi celles adoptées. Tout d'abord, la revalorisation des retraites agricoles qui bénéficiera à 800 000 retraités et qui, s'ajoutant aux mesures déjà prises les années précédentes, relève de 2 400 F par an les pensions minimales précédentes garanties aux chefs d'exploitation, aux veuves, aux conjoints et aux aides familiaux : son coût est de 1,2 milliard. Deuxième exemple : les mesures prises en faveur des anciens combattants. Outre celles qui figuraient déjà dans le projet de budget, ont été décidées en cours de débat la revalorisation des pensions des grands invalides, gelées ces dernières années, l'extension du statut des internés des camps durs de la seconde guerre mondiale aux prisonniers des camps de l'ALN en Algérie, et diverses mesures favorisant l'exercice du devoir de mémoire.

L'équilibre du budget n'a pas pour autant été modifié puisque des recettes supplémentaires ont été mobilisées pour couvrir ces nouvelles dépenses.

Je signale par ailleurs que le Gouvernement a réservé 600 millions dans le budget des charges communes pour faire face aux inondations survenues dans le sud de la France, conformément à l'engagement pris par le Premier ministre. Des secours d'extrême urgence seront débloqués dès cette année au profit des victimes et grâce aux sommes inscrites dans le budget pour 2000, c'est 1,1 milliard que l'Etat aura au total apporté au nom de la solidarité.

L'Assemblée a également voté en deuxième partie, à l'unanimité d'ailleurs, les deux dispositifs du congé de fin d'activité et du temps partiel annualisé pour les fonctionnaires, instruments d'une gestion moderne des ressources humaines dans les trois fonctions publiques.

Mme Nicole Bricq - Très bonne mesure !

M. le Ministre - En effet.

Enfin, l'Assemblée a adopté, souvent à l'unanimité, des mesures contre la fraude fiscale, à l'initiative de M. Brard et du groupe communiste et apparentés. La commission des finances a accompli sur ce sujet un travail remarquable depuis deux ans.

Au terme de nos débats, je remercie tous les députés, de la majorité comme de l'opposition, et j'exprime ma gratitude à la commission des finances qui, sous l'autorité de son président et de son rapporteur général, mène un dialogue particulièrement constructif avec le Gouvernement.

Aucun budget n'a cette année été réservé, ce qui est exceptionnel et confirme la qualité de la coopération entre le Gouvernement, sa majorité et l'Assemblée. Je remercie, enfin, les présidents de séance et les fonctionnaires qui ont permis le bon déroulement de nos travaux. Il ne reste plus maintenant qu'à vous inviter à voter le projet de budget pour 2000 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Voici donc venu le terme de ce qu'il est convenu d'appeler le marathon budgétaire. La durée d'examen de la deuxième partie a été beaucoup moins longue que l'année dernière : 95 heures et demie contre 132 heures et demie.

Je vois à ce phénomène deux raisons. Tout d'abord, la nouvelle procédure expérimentale utilisée pour cinq budgets. Ensuite, la reconnaissance, explicite pour la majorité plurielle et implicite pour l'opposition, de la qualité d'un budget qui désarme, en grande partie, les critiques (Protestations sur les bancs du groupe du RPR).

Je tiens à souligner la tenue et la sérénité de nos débats, qui ont permis de conforter les orientations du Gouvernement et, sur de nombreux points, d'améliorer le texte.

Nous devons nous réjouir cette année que le Gouvernement ait fait un usage très mesuré de la deuxième délibération. Sur l'ensemble du projet de loi, il ne nous a demandé de remettre explicitement en cause nos votes que dans quatre cas contre une quinzaine l'an passé. J'observe d'ailleurs que, dans deux cas, la deuxième délibération a traduit la volonté de pallier les conséquences de certains aléas, plutôt qu'une opposition de fond entre le Gouvernement et l'Assemblée.

Le nombre d'amendements adoptés traduit la qualité du dialogue ouvert avec le Gouvernement : 72 amendements adoptés en première partie, 48 amendements en deuxième partie, auxquels s'ajoutent les amendements proposés par le Gouvernement sur les crédits, dans le but de répondre aux observations présentées au cours de l'examen des fascicules budgétaires.

Je ne reviens pas sur les amendements en faveur des ménages, des associations et des collectivités locales que nous avons adoptés en première partie. En deuxième partie, nous avons engagé un mouvement d'amélioration des avantages fiscaux consentis aux entreprises qui s'implantent dans les zones de revitalisation rurale.

Nous avons clarifié l'article 57, relatif au secret professionnel, dans le cadre de dispositions qui suscitent des réactions démesurées. Il n'est, en effet, pas sérieux de prétendre qu'une disposition appliquée sans difficulté depuis plus de quinze ans aux deux tiers des membres des professions libérales et aux trois quarts des médecins deviendrait liberticide parce qu'elle s'appliquerait à un nombre accru de personnes.

Nous avons adopté un texte sur les activités commerciales saisonnières et franchi une nouvelle étape dans l'amélioration des retraites agricoles les plus modestes. Les anciens combattants n'ont pas été oubliés.

A l'initiative de M. Brard, l'Assemblée a adopté une dizaine de dispositions qui permettront d'améliorer les conditions de lutte contre la grande fraude fiscale. Sur ce point il ne faut pas effrayer nos concitoyens, 99 % d'entre eux n'étant pas concernés.

Le Gouvernement s'est engagé à étudier, au premier semestre 2000, des allégements de la taxe d'habitation. A la demande du groupe communiste et apparentés, le rapport du Gouvernement traitera également de la taxe foncière due par les contribuables en situation difficile.

Au total, et bien que le déficit, à la sortie de l'Assemblée, se situe à 20 millions près, au même niveau que dans le projet initial, soit 215,4 milliards, les masses déplacées à l'occasion de nos travaux atteignent près de 5,5 milliards en dépenses et 10,4 milliards en recettes.

En conclusion, ce projet s'appuie sur une prévision de croissance qui paraît assise sur des fondements solides. L'équation budgétaire s'équilibre donc ainsi : une quarantaine de milliards pour les baisses d'impôt, dont 30 milliards pour les ménages, ce qui concrétise notre volonté de peser sur le niveau des prélèvements obligatoires et, à cet égard, le dossier des baisses ciblées de TVA n'est pas refermé ; une vingtaine de milliards pour la réduction du déficit ; une stabilisation en volume des dépenses du budget général, redéployées au profit des priorités déjà annoncées l'an dernier.

Ce budget s'inscrit donc dans la stratégie de croissance solidaire mise en _uvre depuis le deuxième semestre de 1997. Il permettra de poursuivre le cercle vertueux qui unit croissance de l'emploi, croissance du revenu, dynamisme de la consommation, soutien de l'activité et accroissement des capacités de production.

Un mot, enfin, sur la méthode. A la suite des réflexions du groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, la Conférence des présidents a décidé de mettre en _uvre, à titre expérimental, de nouvelles modalités d'examen des fascicules budgétaires, qui ont permis de concentrer le débat en séance publique sur l'essentiel. Même si la pratique a pu révéler quelques difficultés ponctuelles, cette première expérience est prometteuse. La spontanéité et le sérieux des échanges en commission ont permis de donner une image renouvelée des débats budgétaires, rompant avec le célèbre triptyque du président Edgar Faure : «litanie, liturgie, léthargie».

Je renouvelle mes remerciements à tous les acteurs de cette discussion et j'invite l'Assemblée à se prononcer favorablement sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2000 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Philippe Auberger - A quoi bon avoir consacré un mois à examiner la deuxième partie du projet de loi de finances ? Les prévisions de recettes pour cette année et l'an prochain ont été notablement sous-estimées. Les chiffres de la fin de septembre font état d'une hausse de 9,3 %, contre les 6,5 % attendus. Ce sont au total 20 à 30 milliards de recettes supplémentaires que le Gouvernement veut délibérément cacher.

Jamais les prélèvements obligatoires n'ont atteint un tel sommet. Rien ne permet de croire qu'ils vont diminuer, surtout pas avec le changement de ministre de l'économie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - Comme c'est élégant !

M. Philippe Auberger - La discussion sur le projet de financement de la sécurité sociale a montré que ni la TGAP, ni la cotisation sociale sur les bénéfices, ni la taxation des heures supplémentaires ne permettront de financer les allégements de charges liées aux 35 heures. Ces impôts devront augmenter.

Le Gouvernement refuse de s'expliquer, notamment quant à la future taxe sur l'énergie, qu'il prétend fonder sur un projet de directive européenne qui n'a même pas été approuvé. Tout cela relève d'une dangereuse improvisation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Enfin, notre fiscalité est de plus en plus complexe et opaque. Rien n'est fait pour y remédier. Nos coûts d'assiette et de recouvrement sont les plus élevés des grands pays industrialisés. Qu'attend-on pour imposer aux services fiscaux des efforts sérieux de productivité ?

L'objectif affiché de dépenses sera en 2000, comme en 1999, largement dépassé, par le fait de sortir du budget les dépenses qui augmentent le plus vite, comme celles concernant les 35 heures ou la CMU, et d'affecter le surplus de recettes au financement de dépenses nouvelles non urgentes. Bref l'effort de maîtrise des dépenses publiques est loin d'être réalisé.

Le Parlement a voulu, par le biais de la mission d'évaluation et de contrôle, apporter sa contribution, en faisant des propositions précises.

Ce travail a été totalement inutile. Non seulement ses suggestions n'ont pas été retenues, mais il est arrivé qu'on en prenne l'exact contre-pied.

Le Gouvernement semblait pourtant avoir accepté de réformer l'ordonnance de 1959 relative à la présentation des lois de finances. C'est en effet indispensable, tant l'examen des fascicules budgétaires s'est vidé de tout sens, tant l'absence de coordination entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale est flagrante.

Mais cette promesse a été bien vite oubliée, et des règles aussi fondamentales que l'universalité budgétaire sur la non-affectation des recettes sont systématiquement bafouées.

Enfin, le Gouvernement cherche à diminuer le plus possible l'effort de réduction des déficits. Il devrait aller beaucoup plus loin et ainsi alléger le poids de la dette publique devenu paralysant. Pourquoi ce retard ?

Jamais discussion budgétaire n'a paru si vaine. Ni l'opposition, ni les franges de la majorité qui contestent certains choix n'ont été écoutées.

Parce que le groupe RPR ne se résigne pas à cette situation, il votera contre le projet de loi de finances pour 2000 (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Alain Bocquet - Les députés communistes et partenaires ont dit d'entrée de jeu qu'ils voteraient la loi de finances 2000, tout en exprimant leurs réserves et leurs propositions. Ce budget résulte d'un rapport de forces au sein de notre assemblée et dans le pays, et aussi du poids du mouvement populaire sur les choix gouvernementaux.

Souvent un dialogue constructif a pu s'instaurer entre le Gouvernement et les groupes de la majorité.

Nous allons émettre ce vote positif en toute lucidité critique.

Plusieurs mesures proposées par notre groupe et favorisant l'emploi et la justice fiscale ont été adoptées, comme la réduction à 40 % du bénéfice de l'avoir fiscal pour les sociétés ou le maintien en l'état du barème de l'impôt sur la fortune, la réduction du montant maximal de la taxe d'habitation sur les plus bas revenus, l'augmentation des crédits pour les collectivités locales ou encore le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale. Quant à la taxe sur le foncier bâti, nous aurions souhaité que sa suppression pour les plus démunis soit retenue. Le Gouvernement s'est engagé à revoir cette question au début 2000 pour l'appliquer dès l'automne prochain. C'est un premier pas.

Nous avons ainsi contribué à faire pencher ce budget dans un sens plus social, dans l'efficacité économique. Nous aurions voulu que le Gouvernement et la majorité plurielle aillent beaucoup plus loin dans cette voie. Le débat a révélé certaines hésitations. C'est le cas pour les «stock-options ». Mais nos arguments sont d'autant mieux pris en compte par la majorité plurielle que s'exerce dans le pays une poussée indispensable en faveur de nos propositions, aussi audacieuses que sérieuses. C'est tout l'enjeu de notre présence active dans la majorité parlementaire et aussi de notre participation à la dynamique du mouvement populaire -manifestation pour l'emploi du 16 octobre ; manifestations régionales du 11 décembre prochain contre la dictature des marchés financiers et pour pousser le Gouvernement dans le sens d'une vraie politique de gauche.

Notre principale réserve est bien là : dans une conjoncture favorable mais fragile, le budget ne porte pas autant qu'il le devrait la marque de la deuxième phase de la politique de gauche.

Il ne s'agit pas de plaquer un volontarisme idéologique sur le budget. Ce qu'il faut, c'est dépasser les contradictions d'un libéralisme qui se révèle le plus arbitraire des dirigismes.

Les grands groupes industriels et financiers engrangent des profits fabuleux et délocalisent de plus en plus ; ils licencient et multiplient le recours au travail précaire pour demander ensuite une réduction des crédits sociaux, alors que c'est leur logique financière qui crée RMistes et chômeurs.

Face aux multiple abus de la haute finance, la démocratisation de la fiscalité est pour la gauche un grand chantier. Les avantages obtenus au nom de la mondialisation servent à amasser des trésors de guerre pour des opérations financières de prédateurs et non pour investir et créer des emplois.

Il faut réduire le poids excessif de la TVA et renforcer le caractère progressif de notre fiscalité. Cela vaut pour l'impôt sur le revenu mais aussi pour la CSG à laquelle il n'est pas acceptable que les personnes qui touchent le fonds de solidarité vieillesse soient contributives. L'impôt sur les fortunes doit s'élargir aux biens professionnels. La fiscalité doit pénaliser la spéculation et inciter le patronat à choisir l'investissement pour l'emploi. Réintégrer les actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle, c'est aussi donner les moyens aux collectivités locales de se mobiliser pour le plein emploi.

Le débat sur la taxation des mouvements de capitaux a permis d'avancer. Il reste à concrétiser rapidement alors que les prochaines négociations de l'OMC font peser de nouveaux risques de déréglementation.

De son côté, la droite n'a pas présenté d'alternative et a surtout prôné une rigueur à sens unique. Elle voudrait enfermer le budget dans une logique comptable, après avoir elle-même creusé le déficit. On ne peut parler dans l'abstrait du poids excessif de la dépense publique alors que les entreprises reçoivent 170 milliards d'aides et d'allégements divers, sans compter ce qu'elles recevront au titre des 35 heures ou les intérêts de la dette qui pèsent plus que la plupart des budgets des ministères et alimentent scandaleusement la spéculation financière.

Certains budgets, tels ceux de la justice, de la jeunesse et des sports, de l'environnement ou de la politique de la ville ont sensiblement progressé et nous y avons contribué. A l'inverse, d'autres auraient dû recevoir des dotations plus conséquentes. Les députés communistes se sont ainsi abstenus sur les budgets de l'enseignement supérieur, des anciens combattants et de la défense. De même, nous avons voté contre le budget de la recherche, du fait de la situation faite aux grands établissements publics et de l'abandon du projet Soleil.

Les députés communistes voteront le budget («Ah !» sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), en souhaitant que le ministère de l'économie et des finances engage la concertation pour avancer dans les réformes de justice fiscale et d'efficacité économique qui doivent trouver leur place dans les prochaines lois de finances.

Parallèlement, nous poursuivrons notre action pour que la nécessaire mobilisation du mouvement populaire grandisse, afin de construire un budget plus social et qui contribue davantage à l'emploi et au développement économique (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur les bancs du groupe RCV).

M. Pierre Méhaignerie - M. Auberger a rappelé tout à l'heure que les recettes du budget de l'Etat progressaient de 9 %. Cela signifie que les impôts qui pèsent sur les ménages et sur les entreprises ont aussi crû de 9 % en 1999...(Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ce qui traduit une hausse considérable des prélèvements obligatoires. Nous condamnons l'habillage trompeur qui entoure ce projet de budget. Le Gouvernement annonce une hausse de la dépense publique limitée à 0,9 % mais il crée des fonds hors budgets. Nous ne sommes pas dupes : les dépenses publiques augmentent rapidement et comme le dénonce la Cour des comptes, elles se rigidifient de plus en plus.

Le deuxième point sur lequel porte notre condamnation est l'écart croissant entre la France et ses partenaires au sein de l'Union européenne. S'agissant du niveau des prélèvements obligatoires -54 % de la richesse nationale-, l'écart se creuse ; tous nos partenaires se montrent plus rigoureux. Il en va de même pour ce qui concerne le déficit public, au point que le ministre néerlandais des finances s'est déclaré choqué de voir que le déficit français, malgré le niveau de la croissance nationale, ne baissait pas plus.

M. Jean-Claude Lefort - De quoi se mêle-t-il ?

M. Pierre Méhaignerie - Je relève aussi le mépris du Gouvernement à l'égard des parlementaires qui ont beaucoup travaillé pour une meilleure maîtrise de la dépense publique dans de nombreux domaines. Aucune de leurs propositions n'a été retenue et ils se posent donc des questions sur leur participation à ces travaux à l'avenir.

Notre alternative, c'était bien sûr une discipline de la dépense publique qui recèle des marges de productivité. La croissance zéro de la dépense publique est la condition du retour au plein emploi. Tous les pays l'admettent, sauf la France. La deuxième alternative, c'était une réduction significative du déficit. Enfin, nous croyons qu'il est possible de mieux utiliser les fruits de la croissance dans le sens d'une meilleur efficacité et d'une plus grande équité. Ne croyez-vous pas, Monsieur le ministre, que les soixante milliards attribués aux 35 heures auraient pu être utilisés pour relever les 4 ou 5 millions de petits salaires qu'il y a en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Plusieurs députés communistes - Démago ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Pierre Méhaignerie - Si le pouvoir d'achat des Français reste confisqué par une mauvaise utilisation de la dépense publique, nous risquons demain de ne plus trouver la main-d'_uvre dont nous aurons besoin... (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) Lors du colloque de Saint-Malo, la plupart des intervenants ont reconnu que le RMI est désormais perçu comme une sécurité et l'emploi comme une source d'insécurité (Exclamations sur les bancs du groupe communiste).

Si le retour de la croissance permet de masquer pour un temps certaines faiblesses, nous restons déficients dans de nombreux secteurs. Le groupe UDF votera contre ce projet de budget car lorsque reviendront les vents contraires, comme en 1982, comme en 1990, la France ne sera pas en bonne position. La pression à la hausse des dépenses publiques est devant nous. Le Gouvernement ne se donne pas les moyens d'une gestion saine et durable de la dépense publique (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Yves Cochet - Le projet de loi de finances présente un budget acceptable («Ah !» sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Néanmoins, il soulève quelques réserves et beaucoup d'attentes. Nous nous félicitons de la stabilisation de la dépense publique, de la baisse des déficits et de la priorité donnée à l'emploi. En outre, la voie empruntée en faveur d'une économie plus solidaire s'est traduite par des simplifications administratives salutaires ou par la lutte contre la fraude fiscale.

S'agissant des budgets ministériels, nous sommes satisfaits de la poursuite de l'augmentation du budget de l'environnement et de l'aménagement du territoire. Ces orientations écologiques apparaissent comme une réponse vigoureuse aux attentes de la population, désireuse de mieux vivre le quotidien. En matière de fiscalité écologique, les Verts se réjouissent du transfert de la TGAP vers le projet de loi de financement de la sécurité sociale selon le principe du double dividende, un dividende écologique et un social, cela en pérennisant la dotation budgétaire à l'ADEME. L'originalité de ce budget est donc de proposer une dynamique environnementale réelle dont toute la majorité plurielle se félicite.

Mais il y a évidemment des insuffisances patentes, en matière d'éducation et de recherche avec cette année aucune création de poste de recherche. L'absence de relèvement significatif des minima sociaux pose également problème et nous souhaitons l'extension du RMI aux 18-25 ans. Nous déplorons de même le manque d'audace du budget des transports, notamment en matière de ferroutage, l'aventurisme nucléaire dont témoigne le budget de la défense, les errements de vos choix sur les stock-options et, enfin, vos réticences manifestes à taxer les spéculations financières, mais nous y reviendrons dès la prochaine lecture.

Pour être efficace, une politique économique doit rendre solidaires les budgets ministériels. Immenses, nos attentes n'ont d'égales que vos promesses, renouvelées chaque année. Parce que nous avons foi en votre action, je vous demande d'en tenir compte. Le groupe RCV, tout entier je pense, votera votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Yves Cochet remplace Mme Nicole Catala au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

M. Gilbert Gantier - Nous arrivons au terme de cette discussion, mais pas au terme de la politique socialiste. Alors que ce budget était pour la première fois censé accorder des baisses d'impôt pour les ménages et les entreprises, la majorité plurielle a fait exactement l'inverse.

Elle a aggravé les prélèvements sur les entreprises d'une dizaine de milliards, fiscalisé les indemnités de licenciement, créé deux nouvelles taxes, placé les médecins et les entreprises dans le collimateur du fisc.

Mais le Gouvernement ne se contente pas d'augmenter les impôts, il supprime aussi une garantie fondamentale des professions médicales : le secret professionnel (Sourires sur les bancs du groupe communiste).

Il s'agit là d'une violation difficilement justifiable de la confidentialité propre à la profession médicale ou à la profession d'avocat.

Comme si cela ne suffisait pas, M. Brard, en père la vertu, nous a asséné une fastidieuse litanie sur la fraude, tirée de son immortel rapport. Il vise toujours les mêmes, «ceux qui roulent carrosse» selon son expression. N'est-ce pas oublier un peu vite l'opacité qui entoure les affaires de la majorité, la MNEF, le Crédit lyonnais ou Urba ?

Nous condamnons la fraude, grande ou petite. Pour autant, faut-il récrire le code général des impôts et le code pénal ? Notre groupe, défenseur des valeurs libérales, ne peut cautionner des initiatives trop spectaculaires pour être sincères.

Revenons aux prélèvements obligatoires. Le mirage des 40 milliards de baisse d'impôts s'est évanoui. Nous aurons 40 milliards d'augmentation, sans compter le budget social de Mme Aubry. La CSG augmentera de 36 milliards, les entreprises supporteront deux prélèvements supplémentaires. Depuis 1997 le Gouvernement Jospin a créé douze impôts ou taxes et en a relevé une trentaine. Le montant des taxes, impôts, contributions, a augmenté -chiffre incroyable !- de 420 milliards. En contrepartie, la laborieuse baisse de TVA est complexe et inapplicable (Rires sur les bancs du groupe socialiste).

De plus le Gouvernement est inerte.

Avec de telles marges de man_uvre, vous auriez pu faire de grandes choses. Ce budget est celui du conservatisme au pouvoir. On n'engage aucune réforme de l'Etat, les dépenses publiques augmentent, la hausse des charges et les 35 heures sont un contresens économique.

C'est le budget des occasions manquées : occasion de réduire un déficit de 215 milliards, qui nous place en dernière position en Europe. Occasion de réduire notre dette. Partout ailleurs dans l'Union elle diminue de 1 % ; en France elle augmente de 0,6 % .

Occasion manquée aussi de réduire les dépenses publiques -tous les Européens le font sauf nous- ou d'entamer une réforme fiscale sans cesse renvoyée après le rapport de Mme Marre, M.Balligand ou M. Besson.

Ce budget rate toutes les occasions de sortir la France de l'ornière, il nous isole encore plus. Le groupe DL ne le votera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et sur certains bancs du groupe UDF).

M. Jean-Louis Idiart - Ce budget confirme l'engagement pris par le Gouvernement en 1997, de renforcer la croissance et faire reculer le chômage.

L'économie française va mieux, elle est créatrice d'emplois et en 2000 la croissance devrait être de 3 %, la plus forte de l'Union. C'est que les ménages consomment, les entreprises investissent et exportent, la baisse du chômage crée du pouvoir d'achat et rend confiance.

Dans ce contexte favorable, les objectifs poursuivis sont de financer la priorité en faveur de l'emploi, réduire le déficit et la dette, baisser les impôts.

La lutte contre le chômage reste la priorité. Le budget de l'emploi et de la solidarité augmente de 4,3 % pour financer la poursuite du programme sur les emplois-jeunes et la deuxième loi sur les 35 heures (Brouhaha sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Nous venons d'entendre la voix du thatchérisme. Ecoutez celle du progrès ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Le budget de la solidarité augmente de 13,3 % pour prendre en charge la couverture maladie universelle et l'accroissement des moyens de l'agence de sécurité sanitaire.

L'éducation nationale et l'intérieur font également l'objet d'un effort budgétaire important.

En second lieu, les bons résultats économiques doivent nous encourager à diminuer le déficit public et à dépenser mieux. Depuis 1997, le déficit public a diminué de 1,7 %, soit la baisse la plus importante en Europe. Pour la première fois depuis 20 ans, dans le budget 2000 le poids de la dette diminuera.

De même, les ménages et les entreprises bénéficieront de 40 milliards d'allégements fiscaux. En particulier la baisse de TVA sur les travaux allégera de 10 millions la facture des Français, et permettra de créer 35 000 emplois dans le bâtiment et de lutter contre le travail clandestin. La suppression du droit de bail est aussi un gain pour les ménages. La deuxième partie de la loi de finances complète le dispositif grâce à des mesures contre la grande fraude fiscale et pour la transparence financière,... (Brouhaha sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Veuillez faire silence.

M. Jean-Louis Idiart - ...des mesures en faveur de l'aménagement du territoire, des zones de revitalisation rurale, des SAFER, des petits retraités agricoles, et l'annonce de 120 milliards consacrés aux contrats de plan Etat-régions, soit un niveau jamais atteint (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). D'autres mesures sont prises en faveur de l'environnement, de l'ADEME, de l'utilisation du GPL. Enfin, on proroge jusqu'au 31 décembre 2000 les congés de fin d'activité dans les fonctions publiques.

Toutes ces propositions vont dans le bon sens. A mi-législature, on mesure le travail accompli. Il fallait qualifier la France pour l'euro. C'est fait. Il fallait assurer le retour d'une croissance forte et durable. C'est fait. Il fallait rétablir la confiance en faisant reculer le chômage. C'est fait. Ce projet de loi de finances, que vous avez préparé avec Dominique Strauss-Kahn auquel nous rendons hommage, le groupe socialiste le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur certains bancs du groupe communiste).

M. le Président - A la demande du Gouvernement, en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, l'Assemblée est appelée à se prononcer par un seul vote sur les dispositions soumises à deuxième délibération et sur l'ensemble du projet de loi de finances.

A la majorité de 302 voix contre 256 sur 558 votants et 558 suffrages exprimés, l'ensemble du projet est adopté.

La séance, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 heures 10.

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FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au 9 décembre inclus a été fixé en Conférence des présidents et sera annexé au compte rendu de la présente séance. Par ailleurs, la Conférence des présidents a décidé qu'une séance de questions orales sans débat aurait lieu le mardi 21 décembre à 9 heures.

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CONVENTIONS ET ACCORDS INTERNATIONAUX

L'ordre du jour appelle la discussion de vingt-trois projets de loi, adoptés par le Sénat, tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions ou d'accords internationaux.

M. le Président - La Conférence des présidents a décidé, en application de l'article 107 du Règlement, que ces projets donneraient lieu à la procédure d'examen simplifiée.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière civile entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Géorgie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Etat du Qatar sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble une annexe), mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relative aux personnels scientifiques de l'Institut Max-von-Laue-Paul-Langevin, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention entre les Etats parties au traité de l'Atlantique-Nord et les autres Etats participant au partenariat pour la paix sur le statut de leurs forces (ensemble un protocole additionnel), mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectification de la frontière franco-suisse suite au raccordement des autoroutes entre Saint-Julien-en-Genevois (département de la Haute-Savoie) et Bardonnex (canton de Genève), mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectification de la frontière franco-suisse entre le département du Doubs et le canton de Vaud, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse en vue de compléter la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres portant aménagement du titre 1er de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application de l'article 7 modifié de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant n° 5 à la convention du 28 février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco sur la sécurité sociale, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Guatemala sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Honduras sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Nicaragua sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Namibie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole), mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement macédonien sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole), mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières (ensemble une déclaration), mis aux voix, est adopté.

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ACCORD EURO-MEDITERRANÉEN COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES-ISRAËL

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Le 20 novembre 1995 a été signé l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et Israël. Une semaine plus tard, l'Union européenne et ses douze partenaires méditerranéens, dont Israël, adoptaient la déclaration de Barcelone, acte fondateur du partenariat euro-méditerranéen. L'ambition des signataires était de faire du Proche-Orient une zone d'échange et de coopération dense entre tous les Etats de la région, sans exception. Elle était portée par la dynamique des accords d'Oslo et par le progrès des négociations entre Israël et la Syrie, et s'inscrivait dans une double logique : celle du rapprochement entre l'Europe et ses partenaires méditerranéens, celle de l'encouragement du processus de paix. Le blocage de ce dernier explique largement le retard avec lequel le présent accord est soumis à votre approbation.

La dynamique de la paix a en effet été brisée en quelques semaines, sous les coups des groupes qui, dans les deux camps, s'y opposaient. Les attentats meurtriers du Hamas à Tel-Aviv, l'assassinat d'Yitzhak Rabin, la crise du Sud-Liban ont remis en cause le processus engagé et abouti à l'arrivée au pouvoir de M. Netanyahou. On a pu croire par la suite, à certains moments, que le processus allait redémarrer, deux accords ont même été signés en janvier 1997 et en octobre 1998, mais à chaque fois, hélas, les difficultés de leur mise en _uvre, notamment du fait du Gouvernement israélien de l'époque, ont fait retomber l'espoir qu'ils avaient suscité.

Pendant cette période, tous nos partenaires européens, à l'exception de la Belgique, ont malgré tout ratifié l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël après que, le 1er mars 1996, le Parlement européen eut rendu son avis conforme. En France, en revanche, en dépit du dépôt du projet de loi de ratification le 31 juillet 1996 et de son adoption par la commission des affaires étrangères le 20 février 1997, la ratification a été plusieurs fois repoussée en février 1997, puis en mars 1997 et en septembre 1998, tandis que deux missions se rendaient sur place : le Parlement n'a pas voulu, en effet, paraître cautionner la politique du Gouvernement israélien de l'époque.

Mais aujourd'hui le contexte a de nouveau changé, ce qui justifie notre proposition de ratifier l'accord.

Les élections israéliennes du 17 mai 1999 ont en effet porté à la tête du pays un homme qui se veut l'hériter d'Yitzhak Rabin. Le Gouvernement de M. Barak, qui dispose à la Knesset de 75 voix sur 120, affirmé sa volonté de rechercher la paix avec les Palestiniens comme avec les Syriens et les Libanais. L'espoir d'une solution négociée existe de nouveau.

Certes la route est encore longue et il faudra aux parties beaucoup de courage et de volonté, comme je m'en suis rendu compte lors de mon récent voyage dans les pays concernés, mais la mise en _uvre de l'accord de Charm-el-Cheikh, signé le 4 septembre 1999, et l'ouverture des négociations sur le statut final, le 8 novembre, sont des signaux encourageants. La communauté internationale, et plus particulièrement l'Union européenne, doit soutenir ce processus. La France y est résolue.

Aussi, sans sous-estimer les difficultés, le Gouvernement estime qu'il n'y a plus de raison de différer cette ratification. Le 2 juin 1999, compte tenu de ces nouvelles perspectives, votre commission a décidé de reprendre l'examen du projet et l'a adopté le 30 juin.

Les dispositions commerciales de l'accord sont en réalité déjà entrées en vigueur, en janvier 1996, à la suite d'un accord intérimaire. En 1975, un premier accord de coopération avait été conclu entre Israël et la Communauté, et le libre échange industriel était devenu effectif depuis 1989. Mais la coopération restait limitée aux questions économiques et c'est pourquoi, après l'accord d'Oslo de septembre 1993, le Conseil européen avait donné mandat à la Commission de négocier un nouveau texte renforçant les relations dans tous les domaines.

L'accord d'association de 1995 comporte plusieurs dispositions importantes. Une clause sur le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques y figure, comme, désormais, dans tous les accords conclus par l'Union européenne et elle peut entraîner, le cas échéant, la suspension de tout ou partie de l'accord. J'insiste sur ce point car de nombreuses organisations non gouvernementales m'ont écrit à ce sujet. L'article 2 stipule, en effet, que toutes les dispositions de l'accord se fondent sur le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques, qui en constitue un élément essentiel. Nous rappellerons cette obligation chaque fois que cela sera utile et nécessaire.

Autre élément important, la mise en place d'un dialogue politique portant sur toutes les questions d'intérêt commun, notamment la paix, la sécurité et la démocratie.

L'accord consolide la zone de libre-échange existante, en conformité avec les règles de l'OMC, introduit des règles relatives aux services, aux mouvements de capitaux et au droit de la concurrence, ajoute de nouveaux domaines de coopération dont l'environnement et la culture, et prévoit la conclusion parallèle d'un accord sur la recherche, qui a ouvert à Israël le droit de participer au quatrième et au cinquième programme-cadre de recherche et de développement de la Communauté.

Puisque les dispositions économiques et commerciales de l'accord ont déjà été mises en _uvre, sa ratification permettrait surtout d'instaurer le dialogue politique dont nous avons besoin pour accompagner le processus de paix et faire valoir nos préoccupations, par exemple sur la poursuite de la colonisation. Je déplore que l'accord intérimaire d'association entre la Communauté et l'autorité palestinienne n'ait pas pu produire tous ses effets, Israël ne reconnaissant pas certaines de ses dispositions : le dialogue politique permettra d'aborder ce problème. J'espère que les négociations sur le statut final qui viennent de débuter pourront répondre, d'ici septembre 2000, aux aspirations des deux populations à la paix et à la sécurité. La France soutiendra aussi la reprise des négociations entre Israël et la Syrie et entre Israël et le Liban afin qu'un accord de paix global mette fin, en application de la résolution 425 du conseil de sécurité des Nations unies, à l'occupation du Sud-Liban.

Ces préoccupations restent et resteront présentes dans nos relations avec Israël, la déclaration adoptée par le conseil européen de Berlin, en mars dernier, en est l'illustration. Ces questions alimenteront désormais le dialogue politique de l'Union européenne avec Israël, notamment dans le cadre du conseil d'association. Le nouvel accord nous donnera donc les moyens d'engager un suivi régulier y compris sur les aspects relatifs aux droits de l'homme. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite qu'il puisse maintenant entrer en vigueur. Après la Tunisie et l'autorité palestinienne, Israël sera ainsi le troisième partenaire méditerranéen avec lequel l'Union européenne aura un accord d'association. Il sera suivi du Maroc, puis de la Jordanie et de l'Égypte, avec laquelle les négociations sont terminées. Elles se poursuivent avec le Liban, la Syrie et l'Algérie.

Au total, les dispositions de cet accord euro-israélien conduisent à renouveler en profondeur les relations entre Israël et l'Union européenne, en les inscrivant dans le cadre d'une politique euro-méditerranéenne, ambitieuse et globale.

Il renforcera les relations entre la France et Israël, entre l'Europe et Israël et permettra le dialogue politique nécessaire pour accompagner le difficile processus de paix (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Bertholet, rapporteur de la commission des affaires étrangères - Le rapport de notre commission a été adopté le 29 juin dernier. C'est dire qu'en ce qui concerne le contexte politique il date un peu. Depuis, même si les positions des parties restent très éloignées, le processus de paix a été rouvert. Or c'est essentiellement son blocage qui avait amené la commission à reporter la ratification, tant sous la précédente législature que sous celle-ci.

Signé le 20 novembre 1995, l'accord d'association se substituera, lorsqu'il entrera en vigueur, à celui du 11 mai 1975. Comme les autres accords signés ou en cours de négociation entre l'Union européenne et les pays du Maghreb et du Machrek, l'accord avec Israël vise à améliorer les échanges, renforcer la coopération et instaurer un dialogue politique.

L'Union européenne est le premier partenaire commercial d'Israël, fournissant près de la moitié de ses importations et absorbant 30 % de ses exportations. La France, elle, n'est que le cinquième fournisseur d'Israël, avec 5 %, sa part de marché est inférieure à celle des autres grands Etats européens.

La présence française en Israël est estimée à environ 100 000 personnes.

Les innovations de l'accord ne concernent pas le secteur des produits industriels, où le libre échange est déjà réalisé, mais les produits agricoles, les services, les investissements, le droit de la concurrence et de la propriété industrielle et intellectuelle. Les stipulations commerciales ont été, selon une procédure courante, mises en _uvre par un accord intérimaire entré en vigueur dès le 1er janvier 1996.

Deuxième volet, l'accord renforce la coopération dans de nombreux domaines, dont l'éducation, les télécommunications, le tourisme, la lutte contre la drogue, l'audiovisuel, la culture. Il consacre un titre particulier à la coopération scientifique et technique ; celle-ci faisait déjà l'objet d'un accord spécifique, renouvelé en février dernier.

Troisième volet, le plus novateur, l'accord avec Israël prévoit la mise en place d'un dialogue politique sur la paix, la sécurité et la démocratie, au niveau tant des ministères que des parlements. C'est parce qu'il touche ainsi aux compétences des Etats membres que son entrée en vigueur complète est subordonnée à la ratification par chacun d'entre eux.

L'article 2 de l'accord précise que ses dispositions se fondent sur le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques, qui en constituent donc un élément essentiel. L'article 79 autorise une partie contractante à prendre en cas «d'urgence spéciale», les mesures appropriées. Puisqu'il est admis qu'il y a urgence spéciale en cas de violation d'un des éléments essentiels, cela signifie que l'Union, ou en théorie un ou plusieurs Etats membres, pourraient suspendre l'accord en cas de violation grave des droits de l'homme par la partie israélienne -et réciproquement.

Le contenu des trois volets de l'accord rend donc son entrée en vigueur souhaitable.

Cependant, outre le blocage du processus de paix, jusqu'à une date récente, deux points préoccupent la commission.

Le premier touche précisément aux droits de l'homme. Israël est, à bien des égards, l'Etat le plus démocratique de la région. Mais la situation issue des guerres et de l'occupation de territoires est pour le moins inquiétante du point de vue des droits de l'homme.

Certes, la récente décision de la Cour suprême israélienne reconnaissant l'illégalité de l'usage de la torture, qui était pratiquée lors des interrogatoires de détenus suspectés d'activités terroristes, doit être saluée. Mais le dépôt par 47 députés sur 120 de la Knesset d'une proposition de loi visant à légaliser «l'usage de pressions physiques sur le corps» appelle la vigilance de la partie européenne.

Celle-ci est également consciente des infractions à la quatrième convention de Genève, dont la colonisation n'est pas la moindre, et des autres violations des droits fondamentaux commises dans les territoires occupés. Amnesty International le rappelle régulièrement et souhaite que la ratification permette à l'Europe et aux Etats membres d'utiliser l'article 2 pour lutter contre cet état de fait.

Autre préoccupation : la lecture et l'application que fait Israël de l'article 38 de l'accord intérimaire, identique à l'article 83 de l'accord d'association. Dans une communication adressée par la Commission européenne, au Conseil et au Parlement européen, le 13 mai 1998, celle-ci note que deux obstacles principaux continuent de s'opposer à une mise en _uvre intégrale de l'accord intérimaire. Ils concernent tous deux les exportations dans la Communauté européenne, comme étant originaires d'Israël, de produits en provenance de Jérusalem-Est, du Golan, de Cisjordanie ou de la bande de Gaza.

La Commission rappelle également que l'inclusion par Israël dans son territoire douanier de la Cisjordanie et de la bande de Gaza empêche l'application de l'accord intérimaire conclu entre l'Union européenne et l'OLP et entrave le développement autonome du commerce et de l'économie des territoires palestiniens.

Ces préoccupations ne conduisent pas pour autant la Commission à préconiser l'attentisme qui pourrait finir par devenir contreproductif.

Sur la question israélo-palestinienne, la France a énoncé, avant d'autres, des principes aujourd'hui largement admis, y compris en Israël. C'est sous son impulsion que la position européenne a évolué. Le conseil européen de Berlin du 26 mars 1999 a réaffirmé «le droit permanent et sans restriction des Palestiniens à l'autodétermination, incluant la possibilité d'un Etat», souhaité l'accomplissement prompt de ce droit et s'est déclaré disposé à envisager «la reconnaissance d'un Etat palestinien le moment venu», reconnaissance qui ne devra pas être soumise à un veto d'Israël.

Alors que le processus de paix redémarre et même si la poursuite des négociations est difficile, l'entrée en vigueur de l'accord complet pourrait contribuer à instaurer entre l'Union et Israël un dialogue respectueux, exigeant et porteur de progrès pour la région. Ce dialogue est d'autant plus nécessaire qu'un tête-à-tête entre les seules parties israélienne et palestinienne, hors de tout dialogue avec la communauté internationale, risquerait d'aboutir soit à un blocage générateur d'affrontements immédiats, soit à des compromis tels avec le droit international que des affrontements futurs seraient probables.

En ratifiant l'accord d'association, l'Assemblée nationale exprimera sa volonté de voir se renforcer des relations fécondes entre les peuples d'Europe et le peuple israélien auquel nous attachent tant de liens et la conscience de l'horreur absolue que fut la Shoah. Puisse-t-elle, en même temps, contribuer à la recherche de la justice pour le peuple palestinien qui subit encore les conséquences de la Nakba et apporter sa pierre à l'édifice de la paix sur une terre où s'enracine toute une part de notre civilisation.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter le projet de loi autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Claude Lefort - La ratification de ce nouvel accord d'association entre Israël et l'Union européenne, signé à Barcelone en novembre 1995, arrive à notre ordre du jour dans un contexte bien précis.

La politique de M. Netanyahou, le blocage du processus de paix d'un côté, le non-respect de l'accord intérimaire de l'autre, justifiaient que soit différée la ratification définitive de cet accord, ainsi que nous le demandions. Mais plusieurs changements sont intervenus en 1999. Ainsi, au sommet de Berlin, le 26 mars 1999, le conseil européen a reconnu officiellement le droit des Palestiniens à un Etat.

Du côté israélien, les élections législatives aboutissaient à la défaite de M. Netanyahou et à la victoire de M. Barak. Dès lors, le dialogue israélo-palestinien put reprendre, certes de façon laborieuse.

Plusieurs contentieux opposent encore les parties comme le statut de Jérusalem, la définition des frontières et le sort des colonies, le droit au retour des réfugiés, les prisonniers politiques, l'accès aux ressources naturelles comme l'eau.

La France sera l'un des derniers pays à ratifier l'accord d'association, le nouveau contexte rendant possible cette ratification. Elle encouragera ainsi le processus de paix. Si nous y sommes favorables, nous ne pouvons soutenir la démarche les yeux fermés. Cet accord doit permettre de poursuivre l'action de la France et de l'Union européenne en faveur du droit des Palestiniens à un Etat, du progrès des droits de l'homme en Israël.

Le droit international est malheureusement déjà écorné puisque les négociations israélo-palestiniennes se déroulent hors du cadre de l'ONU. De plus, les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l'ONU relatives au démantèlement des colonies, à la souveraineté palestinienne sur Jérusalem-Est et à la création d'un Etat palestinien continuent à ne pas être appliquées. Cette ratification donne l'occasion d'agir.

Notre groupe souhaiterait obtenir des éclaircissements et des assurances sur plusieurs points.

Le premier concerne le respect des droits de l'homme par l'Etat d'Israël, «élément essentiel de l'accord» entre l'Union européenne et ce pays, d'après l'article 2. L'article 76 qui prévoit qu'aucune disposition de l'accord «n'empêche une partie contractante de prendre toutes mesures qu'elle estime essentielles pour assurer sa propre sécurité en cas de troubles internes graves affectant l'ordre public» pose problème à cet égard, pouvant légitimer des atteintes aux droits de l'homme.

Si la Cour suprême israélienne a interdit l'utilisation de la torture, le Likoud a déposé à la Knesset une proposition de loi relative aux «pouvoirs et méthodes spéciales d'interrogatoire concernant les délits relatifs à la sécurité», tendant à contourner ce jugement. Si de telles mesures, d'un autre âge, étaient votées, comptez-vous, Monsieur le ministre, utiliser avec vos partenaires européens l'article 79 de l'accord selon lequel une partie estimant que l'autre n'a pas satisfait à une obligation découlant de l'accord peut prendre des mesures appropriées ?

Second point : cet accord doit contribuer à lever les ambiguïtés sur la définition du territoire israélien. L'article 83 précise qu'il s'applique «au territoire de l'Etat d'Israël». Cette formulation est-elle bien interprétée au sens strict ? Exclut-elle bien les colonies israéliennes, dont le développement n'est honteusement pas stoppé ? La question mérite d'être posée car le bilan de la mise en _uvre des accords intérimaires révèle que certains produits, obtenus ou transformés en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, sont exportés comme originaires d'Israël. Suivant cette logique, le gouvernement Netanyahou s'était d'ailleurs opposé à l'application d'un accord intérimaire d'association entre l'Union européenne et l'OLP. Si le présent accord est définitivement ratifié, comment l'Europe fera-t-elle respecter cette clause territoriale ? Pour nous, cette ratification doit servir à faire respecter le droit international et à faire avancer le dialogue entre l'autorité palestinienne et l'Etat d'Israël, au bénéfice des deux parties.

Il convient également de mesurer, pour en tirer toutes les conséquences politiques, le poids de l'Union européenne au sein de l'économie israélienne.

C'est dans cet esprit, visant à conforter les progrès nécessaires dans cette région du monde, mais aussi en tenant compte de vos réponses à ces questions, Monsieur le ministre, que le groupe communiste votera ce projet de loi de ratification (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Rudy Salles - La ratification de l'accord d'association entre les Communautés européennes et Israël intervient quatre ans après sa signature le 20 novembre 1995. Ce délai inhabituel s'explique par la nature même de cet accord et par sa portée politique.

Il ne s'agissait pas seulement d'un accord commercial et de coopération ; il s'agissait aussi pour les Européens de participer à la hauteur de leurs moyens, principalement économiques, au long chemin qui doit conduire le Moyen-Orient vers la paix. En renforçant nos relations déjà étroites avec Israël, nous voulions favoriser le développement économique de la région au sein de laquelle Israël est l'élément- clé par son niveau de développement, par son implication dans les conflits de la région, mais aussi car Etat démocratique, il peut jouer un rôle majeur dans la construction d'une paix durable dans cette région du monde.

La ratification de cet accord, que nous aurions souhaitée plus rapide, signifie que nous avons espoir dans le processus de paix que les récentes rencontres de Charm-el-Cheik notamment, ont relancé. Le chemin du dialogue s'est rouvert ; tant mieux.

L'Europe doit encourager l'effort de paix en favorisant une politique qui a déjà fait ses preuves ici : union économique, abaissement des tarifs douaniers, libre circulation des biens, des hommes et des idées.

Nous avions signé cet accord le 20 novembre 1995 parce que nous avons toujours été convaincus qu'Israël avait la volonté de s'engager sur cette voie. Certains événements ont retardé la ratification. Aujourd'hui, l'heure est venue de conclure.

Cette ratification a une portée plus politique qu'économique, les clauses du commerce et de coopération scientifique étant déjà mises en _uvre grâce à un accord intérimaire. Notre ratification signifiera que la France veut saluer la volonté d'Israël d'avancer vers la paix.

Par rapport à celui de 1975, l'accord tend à renforcer le libre échange, en particulier dans le secteur agricole. Des concessions existantes sont améliorées pour les fleurs coupées et les agrumes. La réciprocité s'appliquera naturellement aux produits agricoles européens.

Accord de coopération, il prend en compte l'éducation, le tourisme, les télécommunications, la lutte contre la drogue et le blanchiment d'argent. Les coproductions audiovisuelles, les échanges artistiques seront favorisés. En revanche, l'échange entre les universités méritait mieux.

L'Union européenne et Israël divergent sur l'interprétation de l'article 83 de l'accord, qui concerne la définition même du territoire d'Israël.

Nous avons choisi, en 1975 comme en 1995, de faire confiance à Israël et à ses voisins ainsi qu'aux Palestiniens pour s'engager dans la voie de la paix en établissant des frontières sûres et reconnues. Jusqu'en 1998 la divergence d'interprétation n'a pas eu d'effet sur l'exécution de l'accord d'association. Mais dès lors que l'Union européenne a signé en 1997 un accord commercial avec l'Autorité palestinienne, la divergence d'interprétation de l'article 83 devient un véritable problème diplomatique.

Or l'Union européenne a décidé de favoriser le processus de paix au Moyen-Orient. Les deux accords existent. Il faut les faire coexister.

L'Union européenne et la France ont choisi une politique conforme aux droits des Etats et des peuples à vivre dans la sécurité et dans la paix. Elles doivent se donner les moyens de la mener jusqu'au bout.

Nous votons donc l'autorisation de ratifier cet accord pour donner au gouvernement français et à l'Union européenne les moyens de s'entendre avec Israël, afin de faire progresser le processus de paix par l'application effective de tous les accords signés avec les différentes composantes du Moyen Orient (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL, du groupe du RPR et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Il n'est jamais trop tard pour bien faire. 1 460 jours se sont écoulés entre la signature de l'accord euro-méditerranéen et le début de son processus de ratification par notre pays. La plupart des Etats de l'Union européenne ont ratifié cet accord avant la fin 1997, et la France se classe dernière ou avant-dernière dans ce processus.

Etait-il indispensable d'être ainsi lanterne rouge, ou plutôt médaille d'or dans cette course de lenteur ?

On sait d'où vient ce retard. Un premier «gel» est intervenu en 1997 à l'initiative de M. Giscard d'Estaing, alors président de la commission des affaires étrangères.

Un nouveau projet de ratification a été déposé par le gouvernement Jospin dès le 16 juillet 1997. Mais, de nouveau, la commission a décidé de suspendre cette ratification sur la recommandation d'une mission qui s'est rendue sur place en septembre 1998.

On nous explique que cette suspension était motivée par l'interruption du processus de paix entre Israël et l'Autorité palestinienne et par certains manquements, certes regrettables, aux droits de l'homme dans les territoires occupés. Pourtant, le mois suivant, M. Netanyahou signait avec M. Arafat l'accord de Wye Plantation, dont l'application, je le reconnais, a été suspendue par le premier, mais pour des raisons qui n'étaient pas toutes infondées. Dans ce même rapport, enregistré le 30 juin 1999, notre rapporteur écrit au sujet de la dernière campagne électorale israélienne : «M. Barak a été particulièrement avare en déclarations sur la manière dont il relancerait le processus de paix». De même, il regrette «le flou de son discours». Or, quelques semaines après, MM. Barak et Arafat signaient un nouvel accord de paix. On a presque envie de dire : «errare humanum est...»

Enfin, les exigences formulées envers Israël, seule vraie démocratie de la région, et longtemps invoquées pour geler la ratification ont-elles été formulées de la même manière à l'égard d'autres Etats ? Un accord d'association a été signé avec la Tunisie du président Ben Ali, un autre avec le Maroc de Hassan II. De même, le Parlement européen a adopté un accord avec la Turquie.

Faut-il y voir deux poids, deux mesures, alors que même, s'il y a eu des manquements aux droits de l'homme, certes regrettables, dans les territoires occupés, Israël les respecte infiniment mieux que ces trois pays ? L'essentiel diront certains, c'est que cet accord Europe-Israël soit finalement ratifié.

J'aurais préféré qu'à l'instar du gouvernement de Lionel Jospin, notre assemblée ait été mieux et plus vite attentive à ce que souhaitaient nos amis travaillistes israéliens, Shimon Perès et Ehud Barak, qui ont toujours demandé que la France ratifie cet accord.

Tournons donc la page. Et souhaitons que, malgré ce retard inopportun, cet accord puisse entrer en vigueur dès 2000, même si la région a l'habitude d'une histoire longue (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Roland Blum - Prolonger plus longtemps notre retard à ratifier l'accord entre l'Union européenne et Israël pouvait être source de malentendus entre la France et ce pays.

Cet accord procède d'une volonté de soutenir le processus de paix au Moyen-Orient et de favoriser son succès en permettant à Israël de contribuer au développement économique et social de la région.

Il étend le domaine de coopération couvert par l'accord de 1975, l'article 2 disposant que le respect des principes démocratiques et des droits de l'homme constitue un élément essentiel de l'accord. Les dispositions de cet accord concernant la coopération commerciale industrielle et audiovisuelle ont été mises en _uvre par un accord intérimaire entré en vigueur le 1er janvier 1996.

Le nouvel accord autorise Israël à participer à certains programmes de recherche de l'Union, et permet de libéraliser des services, y compris financiers. Il existe aussi un volet relatif à l'environnement, un autre relatif à la coopération culturelle.

La ratification est donc essentielle au développement d'un dialogue politique régulier entre Israël et l'Union européenne, qui pourra ainsi accroître son influence en Moyen-Orient, au moment où elle s'engage de façon décisive dans le dialogue euro-méditerranéen.

De fait le Président de la République a annoncé l'organisation au deuxième semestre 2000, sous présidence française, d'une grande conférence euro-méditerranéenne à Marseille. Cette nouvelle politique tend à créer un espace de liberté et de paix. De même que l'Europe s'est construire sur l'amitié entre la France et l'Allemagne, le bassin méditerranéen ne pourra se développer que par la paix entre Israël et les Palestiniens. Certes les différents accords signés entre eux depuis 1993 n'ont eu que peu d'effet, mais ils ont consacré un principe : la paix contre les territoires. La confiance créée par les accords d'Oslo, dont c'était l'objectif, a été brutalement rompue avec l'assassinat de M. Rabin, les attentats terroristes du Hamas et l'arrivée au pouvoir de M. Netanyahou.

La signature en novembre 1998 du memorandum de Wye Plantation avait laissé espérer une relance du processus de paix. Mais il fallait passer à la vitesse supérieure. C'est ce qu'ont compris les Israéliens en élisant Ehud Barak, qui s'est prononcé en faveur d'une véritable paix. Cette démarche s'est concrétisée avec la signature, en septembre dernier, de l'accord de Charm-el-Cheikh, qui comporte des avancées substantielles.

Le groupe DL croit en la volonté des Israéliens d'installer la paix au Moyen-Orient. En tant que Français et Européens, nous sommes attachés au développement des liens culturels, économiques et sociaux entre l'Union européenne et Israël. C'est pourquoi le groupe DL votera pour la ratification de cet accord d'association (Applaudissements sur tous les bancs).

Mme Monique Collange - Je souhaite exposer de façon solennelle ce qui conduit le groupe socialiste, après plusieurs mois d'hésitation, à voter l'accord d'association de l'Union européenne avec Israël.

Il y a trois ans, notre assemblée avait décidé de suspendre la ratification en raison des graves incertitudes pesant sur le processus de paix. Rappelez-vous l'espoir suscité par la poignée de main courageuse échangée par Yitzhak Rabin et Yasser Arafat. Rappelez-vous l'étranglement du processus de paix par le gouvernement de M. Netanyahou. Nous ne pouvions ratifier dans de telles conditions.

L'élection de M. Ehud Barak a permis de rompre avec la méfiance croissante qui s'était installée entre les responsables israéliens et palestiniens, qui, depuis lors, se rencontrent et se parlent sur place ou à Paris, comme il y a quelques jours à l'occasion du congrès de l'Internationale socialiste.

Ce contexte nouveau a permis des avancées concrètes. Un accord de retrait israélien a été signé le 5 septembre à Charm-el-Cheikh. Le 20 janvier prochain, les soldats d'Israël devraient évacuer une autre portion de la Cisjordanie. A cette date, près de 40 % de la Cisjordanie sera donc sous le contrôle de l'Autorité palestinienne. Mais le plus difficile est encore devant les négociateurs. Le 14 novembre dernier, les deux parties se sont mises d'accord sur un ordre du jour en vue de discuter ce qui les sépare : le statut final de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, Jérusalem, les réfugiés palestiniens et les colonies juives. La France entend contribuer activement à la construction d'un Proche-Orient en paix. Le Premier ministre l'a rappelé le 16 novembre au roi Abdallah II de Jordanie, lui affirmant que notre pays «appuiera de tout son poids politique et économique les efforts de chacun dans la recherche de la paix». Il aura prochainement l'occasion de confirmer cet engagement en Israël et dans les Territoires autonomes.

Le texte dont nous débattons se substitue à un accord bilatéral de 1975. Il «procède», comme le précise son exposé des motifs, «de la volonté de soutenir le processus de paix au Proche-Orient, dans la ligne de la Conférence euro-méditerranéenne de Barcelone».

Il traduit un engagement européen qui ne saurait se limiter à mettre la main au portefeuille car l'Europe et la France ont une longue tradition de présence et d'amitié au Proche-Orient.

Cet accord marque la volonté européenne de conforter la dynamique de paix ouverte à Oslo en 1991. En décidant de donner un caractère global aux accords bilatéraux signés avec les pays méditerranéens. L'Union souhaite à la fois apporter à ceux-ci un soutien matériel et favoriser la détente dans l'espace méditerranéen.

La France et l'Union européenne sont-elles prêtes, Monsieur le ministre, à prendre, selon les stipulations de l'article 79 du Traité, «les mesures «appropriées» si elles considèrent que l'autre partie n'a pas satisfait à une obligation» ? Sont-elles disposées à obtenir des autorités israéliennes des garanties d'application de l'article 83 dans l'accord d'association, et, en d'autres termes, Israël accepte-t-il de ne plus englober douanièrement les territoires palestiniens autonomes ?

En 1997, la France et l'Union européenne ont signé avec l'OLP un accord économique que les autorités israéliennes ne reconnaissent pas. Une action diplomatique doit être engagée pour y remédier.

La Commission européenne a signalé le 13 mai 1998 la nécessité de mettre fin par des mesures appropriées à l'exportation par Israël sous régime préférentiel de biens originaires de colonies implantées dans les territoires occupés. A ce sujet, l'Union européenne va-t-elle demander la stricte application des textes signés ?

Nous avons suggéré à la commission des affaires étrangères l'envoi régulier de missions légères en vue de permettre à l'Assemblée nationale de vérifier le respect des engagements signés et leur contribution au processus de paix.

Pour les socialistes, les traités avec Israël et l'Autorité palestinienne constituent un formidable pari qui peut aider à consolider la paix. C'est pour cela que nous avons décidé de soutenir sans réserve l'accord d'association de l'Union européenne avec Israël. Il convient en effet d'encourager l'espoir de paix que nous percevons de nouveau (Applaudissements sur tous les bancs).

M. René André - Notre vote sur ce texte est attendu car si sa portée pratique est limitée, il revêt en revanche un sens politique fort.

L'accord, signé le 20 novembre 1995, tend à promouvoir la coopération dans divers domaines. Or le projet de ratification est sur le bureau de notre assemblée depuis le 30 juillet 1996. Est-ce à dire que, depuis 1995, l'Etat d'Israël aurait eu à souffrir de cette non-ratification ? Personne ne le soutient sérieusement. En pratique, cet accord a été mis en _uvre par un accord intérimaire et deux autres accords signés en 1996 et 1997. La plupart des sujets dont traitent ces accords sont entre les mains des institutions communautaires ; le sens de notre vote n'aura donc guère d'influence sur la mise en _uvre du volet technique, qui est déjà bien engagée.

En revanche, le vote favorable du RPR contribuera à instaurer un dialogue politique régulier avec Israël et à renforcer le processus de paix au Moyen-Orient.

Si cet accord n'a pas été ratifié plus tôt, c'est que l'on pouvait s'interroger sur la volonté du précédent gouvernement israélien de poursuivre le processus de paix.

Aujourd'hui, des évolutions positives se dessinent. Le gouvernement Barak semble vouloir reprendre le travail de règlement de fond avec les Palestiniens, la Syrie et le Liban. La France -dont certains sous-estiment le rôle dans cette partie du monde- se doit d'être disponible. A l'inflexion positive de la politique israélienne doit correspondre l'offre d'un partenariat privilégié et renouvelé de l'Europe envers Israël.

En ratifiant ce traité, la France entend signifier sa volonté d'une Europe partenaire de la paix.

Car l'Europe ne peut se contenter d'être le principal bailleur de fonds de la région et son premier partenaire économique. Elle doit aussi participer pleinement au processus de paix.

Le 26 août dernier, le Président de la République soulignait «la détermination de M. Barak d'établir la paix avant la fin de l'an prochain». M. Chirac réaffirmait en même temps la volonté de la France de l'aider de toutes ses forces à réussir, en se félicitant de la relance d'une coopération amicale entre Israël et la France. Et le 8 novembre dernier, à l'issue d'un entretien à l'Elysée, M. Barak saluait le rôle de la France, affirmant que le Président Chirac «est à la tête d'une nation qui contribue intensément au processus de paix». Comment ne pas se réjouir aussi de la volonté réaffirmée -le même jour- par M. Barak lors d'un entretien avec le Premier ministre «de conclure maintenant une paix des braves avec la Syrie». Nous sommes à nouveau en face d'une occasion unique pour la paix. En raison de ses liens avec tous les Etats de la région, le France peut jouer un rôle important en faveur d'une paix durable pour tous les peuples du Proche-Orient.

A ce titre, elle a proposé de tenir, dans un an, pendant la présidence de l'Union par la France, un sommet de tous les chefs d'Etat et de gouvernement de la Méditerranée. Cette proposition du Président de la République tend à mettre en _uvre «l'élan nécessaire à l'édification, d'une rive à l'autre de notre mer commune d'un seul espace de paix, de coopération et de développement».

C'est dans cette perspective d'une paix durable, garantissant à Israël des frontières sûres, que le groupe RPR votera la ratification de l'accord euro-méditerranéen entre l'Union et l'Etat d'Israël (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Georges Sarre - Alors que les réticences étaient compréhensibles sous le gouvernement Netanyahou, la relance du processus de paix depuis l'élection de M. Barak rend possible la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël signé le 20 novembre 1995. La politique française dans la région a toujours été équilibrée et doit le demeurer. Aussi ne doit-elle pas donner l'impression fausse de sanctionner Israël. Tous les accord avec Israël comme avec l'Autorité palestinienne doivent être favorisés, qu'ils soient signés par la France ou par l'Union européenne. Pour le moment, la participation financière de cette dernière est inversement proportionnelle au rôle politique qu'elle joue puisque le processus de paix est entièrement sous contrôle américain.

Ce processus est relancé. Le gouvernement Barak s'est clairement engagé à négocier avec Beyrouth et Damas une paix acceptable pour tous. Ehud Barak nous a lancé un appel que nous ne saurions laisser sans réponse. La France doit affirmer sa volonté de ne pas laisser s'instaurer au Proche-Orient une paix américaine.

Le chemin vers la paix définitive est long et semé d'embûches et les extrémistes n'ont pas désarmé. Cependant, en cas d'attentat, le gouvernement israélien ne met plus un coup d'arrêt aux négociations, tandis que Yasser Arafat, aidé par le nouveau roi de Jordanie, fait de son mieux pour réduire au silence les fondamentalistes. Aucune partie ne reviendra en arrière. Aussi je vous demande de ratifier cet accord (Applaudissements sur tous les bancs).

Mme Bernadette Isaac-Sibille - L'UDF également est très attachée à la paix au Proche-Orient et au dialogue euro-méditerranéen. Shimon Peres me disait à Jérusalem en 1979 que la paix passerait par le développement des relations économiques et culturelles avec les pays voisins. Nous avons tous espéré que les accords de Wye Plantation et l'élection de Ehud Barak activeraient les négociations, et je partage les observations pertinentes de M. Bertholet.

M. Netanyahou n'est heureusement plus aux commandes. Mais hélas, la colonisation continue, les Palestiniens se sentent humiliés, Israël estime toujours que les territoires occupés font partie de son territoire douanier. Il doit, dans son intérêt, reconnaître l'accord conclu entre l'OLP et l'Union européenne.

Nous partageons une grande partie des inquiétudes de la ligue des droits de l'homme. Mais la réponse de M. Védrine nous rassure.

D'autre part, Louise Moreau s'inquiète de l'utilisation du secret bancaire israélien qui entrave parfois l'action des tribunaux français dans leur lutte contre la corruption.

L'UDF souhaite ratifier cet accord, et entend que toute la teneur en soit respectée, et non qu'il soit adapté selon les besoins. Nous souhaitons aussi des assurances sur les moyens que la France et l'Union européenne se donneront pour l'application stricte des accords de Wye Plantation et de l'accord euro-palestinien. Le Président Arafat a fait beaucoup de concessions. C'est par amitié pour Israël que nous demandons le respect de tous les accords. La confiance de l'Union européenne encouragera M. Barak à continuer la politique de M. Rabin dont il assure être le fils spirituel.

L'UDF votera cette ratification (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Didier Mathus - La suspension de la ratification de cet accord était liée à la politique suivie par M. Netanyahou, en rupture totale avec les accords d'Oslo. Proposer la ratification aujourd'hui, c'est encourager le gouvernement d'Ehoud Barak à reprendre les négociations. La France et l'Europe doivent jouer un rôle décisif pour aider à la conclusion d'un accord de paix durable fondé sur la reconnaissance réciproque des droits des deux peuples.

L'accord de Charm-el-Cheik a confirmé ces espoirs. On peut se réjouir de la libération d'une partie des prisonniers politiques, ou de l'ouverture d'une voie de passage entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza, ou du démantèlement d'une partie des colonies dites « sauvages ». Mais comment ne pas s'inquiéter que seule la première phase de redéploiement prévue ait été réalisée, que la majorité des prisonniers libérés aient été des prisonniers de droit commun, que l'aéroport de Gaza ne puisse toujours pas accueillir du fret, que la question du port de Gaza n'ait toujours pas progressé et surtout que la politique de colonisation n'ait pas été gelée ? Nous devons donc être très vigilants sur le respect de cet accord. En particulier, aux termes de l'article 2, les relations entre les parties devront être fondées sur le respect des droits de l'homme. Récemment la Haute cour d'Israël a déclaré illégales les méthodes d'interrogatoire par la torture. Aussitôt une proposition de loi alarmante, soutenue semble-t-il par M. Barak et déjà signée par 47 députés, a été présentée à la Knesset. Elle prévoit «des méthodes spéciales d'interrogatoire» constituées par des «pressions physiques». Cette légalisation de la torture serait en contradiction avec l'article 2 de l'accord. De la même façon, posent question l'utilisation unilatérale des ressources en eau palestinienne, la confiscation des propriétés dans les territoires et les innombrables obstacles à la libre circulation des personnes imposés aux ressortissants des territoires.

La France doit donc faire en sorte d'utiliser toutes les clauses de cet accord pour aider Israël à progresser vers un accord avec les Palestiniens. Les accords d'Oslo ont été un formidable espoir et une leçon de courage de part et d'autre. Les intégristes des deux camps ont tout fait pour le mettre en échec. Adopter cet accord aujourd'hui, c'est donner une chance à la paix, en confortant des avancées encore trop timides. La France doit parler en confiance aux deux partenaires mais aussi faire preuve de vigilance pour demander aux autorités israéliennes l'application intégrale de l'accord, y compris de l'article 2 et de l'article 83 sur les clauses économiques. C'est ce que nous attendons de vous (Applaudissements sur tous les bancs).

La discussion générale est close.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - J'ajouterai quelques éléments de réponse, comme vous le demandez. Mais d'abord, je constate avec intérêt la convergence des analyses sur la situation au Proche-Orient, les efforts de la France et la direction dans laquelle il faut continuer à travailler. Ce soutien nous est précieux.

D'autre part, je rappelle que les clauses économiques et commerciales de l'accord s'appliquent déjà. En ratifiant cet accord, vous les compléterez par un dialogue politique grâce auquel l'Union européenne pourra mieux poser aux autorités israéliennes les questions qui vous préoccupent. Mais il ne change rien à la définition de l'Etat d'Israël en ce qui concerne la façon de traiter des produits commerciaux. Il s'agit de l'Etat d'avant 1967.

Enfin, plusieurs d'entre vous se sont inquiétés d'une possible contradiction entre l'article 2 et l'article 76. Seul le premier des deux étant qualifié d'«essentiel», le second ne saurait être invoqué pour se soustraire à ses stipulations. Cela dit, il ne faut pas se montrer pessimiste : quelles que soient nos interrogations sur certains aspects de la politique israélienne, telle la poursuite de la colonisation, le contexte a radicalement changé, et refuser de ratifier l'accord ne servirait pas la paix au Proche-Orient, objectif que, je le crois, nous partageons tous (Applaudissements).

L'article unique du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

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ORGANISATION INTERNATIONALE DE TÉLÉCOMMUNICATIONS MOBILES
PAR SATELLITES

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification des amendements à la convention portant création de l'Organisation internationale de télécommunications maritimes par satellites (INMARSAT) relatifs à la création de l'Organisation internationale de télécommunications mobiles par satellites (ensemble une annexe).

M. le Président - La Conférence des présidents a décidé, en application de l'article 106 du Règlement, que ce projet ferait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - L'objectif des amendements à la convention INMARSAT, adoptés à Londres le 24 avril 1998, est de restructurer en profondeur cette organisation intergouvernementale, afin qu'elle s'adapte mieux à la vive concurrence du secteur privé. INMARSAT avait été créée en 1979 pour améliorer les communications maritimes et assurer le service de détresse et de sécurité en mer. A cette époque, la répartition mondiale des télécommunications était fondée sur des opérateurs historiques en situation de monopole sur leurs marchés nationaux ; ce sont ces opérateurs qui ont été désignés par leurs gouvernements pour investir dans la création de ce réseau satellitaire mondiale.

Depuis cette date, l'économie mondiale a connu de profonds bouleversements, et INMARSAT a progressivement élargi le champ de ses activités, pour devenir l'unique fournisseur -jusqu'en 1998- de communications universelles mobiles par satellites. Sa transformation est rendue nécessaire par l'irruption de nouveaux opérateurs privés, dont la pression devrait s'accentuer prochainement, notamment dans le secteur du multimédia interactif.

L'accord adopté à Londres va se traduire par la création d'une SARL de droit britannique, contrôlée par un conseil d'administration de type fiduciaire, à laquelle seront transférées les activités opérationnelles et les actifs correspondants d'INMARSAT. L'organisation intergouvernementale sera cependant maintenue, sous un format plus réduit, afin que les gouvernements continuent d'assurer la surveillance effective du système mondial de sécurité en mer et de veiller au respect des quatre principes fondamentaux énoncés dans la convention amendée : non-discrimination sur la base de la nationalité, caractère pacifique des activités, couverture géographique, loyauté de la concurrence.

Telles sont les principales observations qu'appellent les amendements faisant l'objet du projet de loi soumis à votre approbation (Applaudissements).

M. Roland Blum, rapporteur de la commission des affaires étrangères - INMARSAT, qui fut longtemps l'unique fournisseur mondial de communications universelles par satellite, remplit une véritable mission de service public, tant pour la sécurité maritime que pour le désenclavement des zones peu couvertes par les réseaux traditionnels de téléphonie. Elle va devoir évoluer, cependant, dans un environnement de plus en plus concurrentiel, et c'est pourquoi les 86 Etats parties à la convention ont décidé, en 1998, d'amender celle-ci.

Depuis 1979, les activités d'INMARSAT ont connu une croissance constante, qui lui a permis de dégager des bénéfices élevés pour les opérateurs signataires - dont France Télécom, cinquième investisseur avec 5,1 % du total. Le marché est passé, en une dizaine d'années, de 50 000 à 143 000 terminaux mobiles, mais la situation de monopole d'INMARSAT a pris fin avec le lancement par Motorola, le 1er novembre 1998, du projet Iridium, destiné à capter la clientèle des hommes d'affaires. Si ce projet rencontre de sérieuses difficultés financières, d'autres systèmes sont apparus depuis sur le marché, dont Globastar, qui associe Loral, Alcatel et France Télécom, et vise le million d'abonnés pour la fin de l'année prochaine -l'estimation à cinq ans du potentiel d'abonnés variant entre 10 et 30 millions de personnes.

Les amendements à la convention mettent en place une structure à deux étages : une SARL située à Londres, cotée en bourse deux ans après sa création avec plafonnement à 15 % des parts détenues par un même actionnaire, et dont l'objet recouvre la fourniture de services de détresse et de sécurité en mer ainsi que la fourniture d'une capacité de secteur spatial ; une organisation intergouvernementale chargée de veiller au respect de principes s'apparentant à des obligations de service public. Cet équilibre entre la logique économique et la logique de service public reflète la position défendue par la France au cours des négociations de 1998, et c'est pourquoi votre rapporteur ne peut que vous inviter à adopter ce projet de loi (Applaudissements).

M. Gilbert Gantier - Le rapporteur ayant excellemment dit l'essentiel, je limiterai mon propos au bilan du système actuel et aux bienfaits attendus de son ouverture à la concurrence.

Créée en 1979, INMARSAT est devenue l'opérateur dominant de la téléphonie par satellites, son réseau de neuf satellites offrant une très large gamme de services dans 190 pays : téléphone à numérotation directe, télex, télécopie, courrier électronique, transmission de données, indication automatique de la position et des conditions de vol, etc. En position de monopole jusqu'en 1998, elle a connu une progression constante de ses activités, qui a notamment bénéficié à France Télécom, partie à l'accord d'exploitation, mais l'intensification de la concurrence dans le secteur de la téléphonie mobile par satellite l'oblige à évoluer. Motorola a lancé un premier projet l'an dernier, puis d'autres systèmes sont apparus sur le marché, un marché en pleine expansion. Les consommateurs seront les premiers bénéficiaires de cette évolution, grâce à la baisse des tarifs, à la diversification de l'offre et à l'amélioration des réseaux de distribution.

Tout en conservant sa vocation de service public, INMARSAT va devenir une société privée, qui pourra faire jeu égal avec ses nouvelles concurrentes. Elle restera tenue de veiller à assurer la prestation continue de services mondiaux de détresse et de sécurité en mer, et de fournir ses services sans aucune discrimination fondée sur la nationalité. Elle exercera ses activités à des fins exclusivement pacifiques. Elle s'engage à desservir toutes les zones, y compris les régions isolées des pays en voie de développement ; elle fonctionnera, enfin, selon les principes de la concurrence loyale.

Ainsi, les amendements à la convention instituant l'INMARSAT lui permettront de développer ses activités dans un environnement concurrentiel.

Le groupe Démocratie libérale votera ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Claude Lefort - L'INMARSAT a été créée en 1979 pour prendre en charge la sécurité et les appels de détresse en mer. Progressivement, elle a élargi le champ de ses activités à des applications commerciales.

Cette évolution lui a permis de développer le secteur des télécommunications mobiles par satellites pendant près de vingt ans, dans un esprit de coopération internationale.

Désormais le marché de la téléphonie mobile par satellite est ouvert à la concurrence. Cette nouvelle donne ne saurait cependant remettre en cause la vocation d'intérêt général de l'INMARSAT.

M. Blum a souligné la véritable mission de service public qu'elle accomplit en assurant les services de sécurité maritime en contribuant au désenclavement des zones peu couvertes par les réseaux mobiles traditionnels, compte tenu de leur non-rentabilité.

La restructuration d'INMARSAT qui nous est proposée peut-elle garantir le maintien de ces obligations de service public ?

L'article 3 de la convention donne pour objectif à INMARSAT de veiller au respect par la société privée de cinq principes de base, qui correspondent globalement aux principes de continuité, d'égalité et d'universalité. Ce dispositif est conforté par l'article 4, qui prévoit qu'un accord de services publics sera conclu entre la société et l'organisation. Ces deux articles constituent des garde-fous même s'il aurait été souhaitable que les moyens de contrôle de l'organisation soient mieux précisés.

Compte tenu de ces éléments et des engagements que vous avez pris, Monsieur le ministre, le groupe communiste votera ce projet de loi.

M. René André - Puisque nous abordons un texte très technique, permettez-moi de commencer par quelques mots, qui vont peut-être vous surprendre, et que j'expliquerai plus tard : AK 47, Stinger, Vince Foster.

INMARSAT a été créée en 1979. Le 24 avril 1998, les Etats ont adopté des modifications à la convention initiale en vue de transformer l'organisation en société sous tutelle intergouvernementale, pour assurer sa pérennité dans un contexte devenu très concurrentiel.

En effet, la téléphonie mobile par satellite, outre ses applications en matière de sécurité et de secours, constitue aujourd'hui un outil de communication très large, notamment dans les zones non couvertes par les réseaux traditionnels de téléphonie mobile. La modification statutaire vise à donner à INMARSAT, dont la France est, par l'intermédiaire de France Télécom, un partenaire actif, toutes ses chances pour affronter les conditions nouvelles de concurrence. INMARSAT a été pionnière dans le secteur de la téléphonie mobile par satellite et a longtemps bénéficié d'un monopole mondial. Mais depuis novembre 1998, une concurrence est apparue avec le projet IRIDIUM lancé par la compagnie américaine Motorola, projet qui connaît cependant des difficultés financières sérieuses. En l'an 2000, d'autres systèmes, Globastar et ICO, filiale d'INMARSAT, apparaîtront sur le marché.

Une modification de la structure actuelle de coopérative internationale était donc nécessaire. Les contraintes financières et la recherche d'alliances imposaient une forme de privatisation. Tel est l'objet des amendements à la convention initiale adoptés par l'assemblée des parties en 1998. Selon la nouvelle organisation, les gouvernements auront à veiller au respect des cinq principes de base qui ont déjà été rappelés.

Le groupe RPR est favorable à l'adoption de ce texte.

Je me permettrai cependant, Monsieur le ministre, de vous poser une question. J'ai évoqué les mots AK 47, Stinger et Vince Foster. Un grand journal du soir nous apprend, en effet, qu'il existe un réseau d'écoute contrôlé par la NASA qui surveille notamment les communications par satellite. Il ramène chaque demi-journée une masse d'informations de 1 000 milliards de bits, informations qui sont ensuite triées et adressées aux services américains compétents...

M. Jean-Claude Lefort - Vous vous réveillez maintenant ? Cela fait trois ans qu'on le sait !

M. René André - C'est le moment d'en parler, pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? J'aimerais connaître la position du gouvernement français sur de telles activités, qui mettent en danger la vie privée de nos concitoyens.

L'article unique du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

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ADOPTION DE LA PARTIE LÉGISLATIVE DE CERTAINS CODES

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Nous allons débattre ce soir de deux projets de lois complémentaires. D'abord, en première lecture, du projet de loi d'habilitation relatif à la codification. Ensuite, en deuxième lecture, du projet sur les droits des citoyens face à l'administration. Lors de la première lecture de ce texte, vous aviez souligné votre souci de voir la codification progresser et vous vous étiez inquiétés de ce qu'aucun code n'ait encore été adopté par le Parlement sous la présente législature. Je vous avais alors fait part de la volonté du Gouvernement de remédier à ce retard.

Le projet de loi d'habilitation concrétise cette volonté. Le programme de travail des assemblées ne leur permettant pas d'examiner les nombreux codes déjà prêts, le vice-président de la commission supérieure de codification, M. Guy Braibant, a été l'un des ardents défenseurs de la procédure d'urgence, qui va permettre à ses équipes de reprendre les travaux sur un rythme soutenu. Je profite de l'occasion pour lui faire part de ma reconnaissance : outre l'importance des codes pour l'accès des citoyens aux normes de droit, l'_uvre de codification démontre la capacité de notre pays à simplifier sa réglementation : la méthode a d'ailleurs fait des émules parmi nos partenaires européens. Je tiens donc à féliciter M. Braibant.

Cette _uvre considérable ne doit pas risquer de se périmer avant même d'avoir vu le jour. Cela pourrait pourtant arriver si les codes achevés ne sont pas adoptés avant que les textes qu'ils rassemblent viennent à être modifiés. C'est pourquoi le gouvernement vous demande aujourd'hui de l'habiliter à adopter la partie législative des neuf codes déjà prêts. Cela ne modifie en rien le principe selon lequel il appartient au Parlement d'adopter la partie législative des codes : le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, que nous examinerons tout à l'heure, le réaffirme d'ailleurs.

Des codes concernés par l'habilitation, certains sont déjà déposés devant l'une des assemblées, voire déjà étudiés par la commission compétente ; d'autres sont en cours d'examen par le Conseil d'Etat ; tous ont été adoptés par la commission supérieure de codification.

Sur le texte même du projet, je m'en tiendrai à quelques remarques. L'élaboration d'un code n'est en aucun cas l'occasion de modifier le droit existant. Il s'agit seulement d'en classer les éléments applicables selon un plan logique, accessible à un lecteur non spécialiste. Voilà ce qu'est, la codification à droit constant.

La définition du droit constant donné à l'article premier du projet semble pourtant autoriser les modifications du droit. C'est qu'en effet le droit applicable aujourd'hui, qui résulte d'une longue histoire, a besoin d'être réécrit : les termes eux-mêmes ont pu évoluer, de même que la hiérarchie des normes. Ce projet de loi précise les conditions dans lesquelles l'administration qui rédige les codes est autorisée à ne pas suivre à la lettre le texte d'origine pour se trouver en conformité avec l'ensemble des règles aujourd'hui applicables.

Des neuf codes concernés, certains sont entièrement nouveaux comme le code de l'environnement et le code monétaire et financier. D'autres traitent une information rassemblée ailleurs, mais la regroupe et l'ordonne pour la première fois. C'est le cas du code de l'éducation qui offre le premier panorama, exhaustif et accessible, de notre système éducatif, et du code des juridictions administratives, qui réunit des textes certes déjà rassemblés par les soins des éditeurs, mais en les exposant dans un ordre qui en facilite la lecture. Enfin, certains codes déjà anciens méritaient une révision ou une refonte : c'est le cas des codes de la santé publique, de l'action sociale, du commerce, du code rural et du code de la route.

Le projet de loi qui vous est transmis exige le dépôt d'une loi de ratification deux mois après la publication de chaque ordonnance. L'adoption définitive de chaque code pourra donc avoir lieu très rapidement. Le Gouvernement s'efforcera d'inscrire la ratification à l'ordre du jour du Parlement dans des délais aussi brefs que possible. Mais, dans l'intervalle, le public aura pu commencer à profiter de cette simplification du droit.

Tous les ministères proposent aujourd'hui des sites Internet très visités et cherchent à utiliser au mieux ce support. Ils y offrent toutes les informations utiles, notamment juridiques, mais les documents diffusés sont encore difficilement lisibles. A ce jour, mieux vaut en effet être spécialiste pour trouver ce qu'on cherche parmi des textes votés à diverses périodes, classés par date et non par ordre logique, souvent modifiés. Il faut saisir l'occasion offerte par la généralisation d'Internet pour diffuser une information claire, facile à lire : c'est précisément ce que contient un code.

Notre pratique de la codification est directement liée à notre vision cartésienne du droit. Le rôle de régulation des activités sociales conféré par la société à l'Etat n'a pas diminué, comme le Premier ministre l'a d'ailleurs tout récemment rappelé. Les citoyens ne demandent pas moins à l'Etat, que par le passé, au contraire et aucun effort pour limiter la multiplication des lois n'a jamais abouti à ce jour. Si nous voulons malgré cela simplifier la réglementation, commençons par la rendre cohérente et claire. Nous disposons de méthodes efficaces. Faisons bénéficier tous les citoyens, y compris hors de nos frontières, de ce qui a été réalisé et continuons l'_uvre entreprise.

C'est un enjeu considérable pour l'influence de la science administrative et du droit français dans le monde. Je vous invite à participer sans plus tarder à cette _uvre en adoptant ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Vidalies, rapporteur de la commission des lois - Alors que «nul n'est censé ignorer la loi», principe souvent rappelé par les juges, nos concitoyens arguent souvent de bonne foi, de leur ignorance des textes. Ce constat révèle à lui seul, l'enjeu de la codification.

Sous une apparence très technique, le texte que nous examinons aujourd'hui est destiné à assurer le bon fonctionnement de notre démocratie et pose la question des conditions de l'accès au droit. Comme le souligne M. Braibant, vice-président de la commission supérieure de codification, la codification a pour ambition plutôt de simplifier le droit, de lui rendre sa cohérence et son unicité afin qu'il devienne accessible à tous et pleinement applicable. Cette diffusion des textes constitue même une mission de service public : l'Etat doit y veiller selon un arrêt du Conseil d'Etat du 17 décembre 1997.

Chacun a pu mesurer au quotidien les effets positifs de la publication du code de la consommation ou de la partie législative du code général des collectivités locales. Chacun, a contrario, peut apprécier l'état pittoresque, du code de commerce qui ne comporte plus qu'une centaine d'articles applicables suivis d'une compilation impressionnante de textes non codifiés.

Depuis 1989, la codification relève d'une procédure législative, et non plus d'une procédure réglementaire. Ce choix s'est imposé car il arrivait que des juges soient amenés à faire prévaloir le texte législatif d'origine sur le texte codifié par la voie réglementaire. Il arrivait donc parfois que le code se révèle inexact ; c'est du moins ce que le Conseil d'Etat a jugé dans un arrêt du 13 septembre 1995.

La commission supérieure de codification instaurée en 1989, où j'ai l'honneur de représenter votre assemblée, a effectué, sous la présidence de M. Braibant, un travail remarquable et a achevé l'examen de neuf codes, aujourd'hui dans l'attente d'une validation législative. La procédure est malheureusement complètement bloquée.

Le Conseil d'Etat lui-même s'est ému de cette situation, s'interrogeant sur l'intérêt de poursuivre l'examen de textes qui n'étaient pas soumis au Parlement.

Même si l'ordre du jour chargé du Parlement peut expliquer des retards, la responsabilité des gouvernements successifs est évidente. Il est parfaitement contradictoire d'affirmer l'importance de la codification et de s'exonérer au fil des ans de sa mise en _uvre.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement a souhaité pouvoir publier les codes en instance par voie d'ordonnance. D'où l'habilitation qu'il nous demande par le présent projet de loi.

Sont concernés les deux derniers livres du code rural, les codes de l'éducation, de la santé publique, de commerce, de l'environnement, de justice administrative, de l'action sociale, enfin du code de la route et du code monétaire et financier.

Le projet de loi déposé au Sénat instaurait des délais pour la publication de chaque code et prévoyait qu'un seul projet de loi de ratification de l'ensemble des ordonnances soit déposé dans un délai de quinze mois à compter de la publication de la loi d'habilitation.

Le Sénat a modifié le texte initial à l'initiative de son rapporteur, M. Gélard, lui-même membre de la commission supérieure de codification. Je vous propose d'approuver ces modifications qui concernent principalement la définition du droit constant et les délais du dépôt des projets de lois de ratification.

La notion du droit constant est au c_ur de la procédure de codification.

Lorsque nous approuvons un code, nous approuvons l'organisation des dispositions en vigueur au moment de sa publication et non le contenu des textes approuvés ou combattus par les uns et les autres, au gré des changements de majorité. Sans cette règle, il serait quasiment impossible de publier le moindre code.

Le respect du droit constant laisse toutefois subsister des possibilités d'aménagement pourvu que soient respectées la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes. Le Sénat a souhaité ajouter à ces deux principes traditionnels la possibilité pour la commission supérieure de codification de lever toute difficulté qui pourrait résulter du rapprochement dans un code de plusieurs textes de source différente. Cette possibilité d'harmonisation du droit vise bien à le simplifier et à le rendre plus accessible. Aujourd'hui, le code pénal et le code de la route contiennent tous deux des infractions définies en des termes identiques mais réprimées par des peines différentes. Cette situation, qui n'est pas unique, résulte de l'absence d'abrogation des textes antérieurs au moment de l'adoption de la nouvelle législation.

Cette extension des possibilités d'aménagement du droit constant se fera, dans tous les cas, sous le contrôle du Parlement qui seul pourra valider la rédaction retenue.

Celui-ci a apporté une autre modification. Alors que le Gouvernement avait prévu de déposer une seule loi de ratification pour les neuf codes en attente dans un délai de quinze mois, le Sénat préfère qu'un projet de loi de ratification soit déposé pour chaque ordonnance, dans un délai de deux mois et, au plus tard, pour les trois derniers codes, le dernier jour du quatorzième mois suivant la publication de la loi d'habilitation.

Cette proposition mérite également d'être approuvée car, à compter de leur publication par voie d'ordonnance et dans l'attente de la ratification par le Parlement, les codes conservent une nature réglementaire susceptible de recours contentieux. Il est donc souhaitable de réduire cette période au maximum pour éviter d'être à nouveau confronté aux difficultés rencontrées lorsque la codification était seulement réglementaire.

La commission des lois a approuvé le texte adopté par le Sénat sans aucune modification. Je vous propose donc de voter en termes identiques le projet de loi.

Comme beaucoup d'entre vous, je suis par principe plutôt réticent à l'égard de la mise en _uvre de l'article 38 de la Constitution. Mais elle est seule susceptible de permettre la publication des codes en attente. L'Assemblée pourra exercer son droit de contrôle et d'amendement quand elle examinera, pour chaque code, le projet de ratification.

J'espère que le Gouvernement, à l'avenir, saisira le Parlement selon la procédure législative ordinaire des projets de loi, au rythme des travaux de la commission supérieure de codification (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu du groupe RPR une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

Mme Nicole Catala - L'initiative prise par le Gouvernement est à nos yeux politiquement contestable et juridiquement critiquable.

Le recours à cette technique en pareille circonstance porte gravement atteinte aux prérogatives essentielles du Parlement, une atteinte révélatrice du peu de considération que porte ce Gouvernement à l'institution parlementaire, comme nous l'avons déjà constaté. Ainsi, avant la ratification du traité d'Amsterdam, l'occasion s'offrait de renforcer l'association du Parlement à l'élaboration des positions défendues par le Gouvernement à Bruxelles ; or nos amendements dans ce sens ont été repoussés. De même, les propositions déposées par l'opposition dans les créneaux réservés à cet effet sont systématiquement rejetées, ce qui vide de son sens l'initiative parlementaire ; M. Balladur en a récemment fait l'expérience, en défendant une proposition relative à l'actionnariat des salariés, dont les articles ne sont même pas venus en discussion en raison de l'opposition du Gouvernement, qui a annoncé un peu plus tard un projet sur le même sujet pour le printemps prochain. Telle est la loi de la majorité, dira-t-on.

Mais ce soir nous sommes en présence non pas d'une sorte de sectarisme de l'exécutif, mais du refoulement des attributions normales du Parlement, ce qui est bien plus grave.

Si la loi d'habilitation est votée, l'Assemblée sera privée de facto de la possibilité d'accomplir sa mission d'harmonisation de la législation, car, on le sait, les ordonnances codificatrices ne nous seront pas soumises dans les délais nécessaires. Notre rôle se bornera à entériner indirectement le travail des groupes d'experts désignés par l'exécutif.

Mme Christine Boutin - Exactement !

Mme Nicole Catala - Que n'aurions-nous pas entendu si un gouvernement issu de l'actuelle opposition s'était permis de bouter le Parlement hors d'un si vaste domaine juridique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Je ne résiste pas au plaisir de rappeler quelques interjections proférées à gauche quand le gouvernement de 1986 a soumis au Parlement deux projets d'habilitation à légiférer par ordonnances. Il ne s'agissait pourtant pas de codification. «Vous perpétrez un coup de force institutionnel ! Ce n'est pas une loi d'habilitation, c'est une loi de pleins pouvoirs !» clamait M. Mauroy. Et M. Labarrère, face aux applaudissements de la majorité de l'époque : «Ils applaudissent la mort du Parlement !». Ce rappel était nécessaire : votre formation politique, Monsieur le ministre, n'a pas été dans le passé un ardent partisan de la procédure des ordonnances.

Or vous nous soumettez un texte qui ferait entrer pour la première fois dans le domaine de cette procédure un champ juridique d'une nature spécifique et d'une étendue inégalée, neuf codes, dont celui de l'éducation et celui du commerce. Vous choisissez d'abaisser le Parlement parce que vous ne croyez pas à l'utilité de son contrôle sur les textes en cause.

L'objectif déclaré est de hâter un processus de codification poursuivi depuis 1989 par la loi après l'avoir été longtemps par décret. Cette année-là, la Commission supérieure de codification a été créée, et elle a depuis beaucoup travaillé, puisque le Parlement a pu ainsi adopter cinq codes importants.

Par la suite, un projet de code de commerce présenté en 1994 a suscité de vives critiques de la part de la doctrine, avant d'être repoussé par l'Assemblée en raison de ses imperfections. Cette mésaventure n'a pas refroidi l'ardeur gouvernementale, puisqu'une circulaire du 30 mai 1996 est venue tracer un programme ambitieux de remise en ordre de notre droit, mais respectueux de nos principes constitutionnels, puisque chaque projet de code serait déposé sur le bureau des assemblées, où «il suivrait la procédure législative habituelle». C'est là que le bât a blessé. En effet MM. Jospin et Allègre ayant déposé en juillet 1997 un projet de code de l'éducation, celui-ci fut examiné en mai 1998 par la commission des affaires culturelles, mais ne vint jamais en séance publique. Il avait requis un énorme effort de mise au point rédactionnelle de la part des services de l'Assemblée, qui avait conduit au dépôt de centaines d'amendements. Il n'est donc pas exact de déclarer qu'il ne s'est rien passé depuis trois ans en matière de codification. Sont au contraire apparues les limites d'une codification systématique confiée à des groupes d'experts. Il est donc nécessaire que le Parlement intervienne pour éviter une compilation incomplète ou inadéquate de textes imparfaits. La procédure choisie par le Gouvernement tend à éluder en fait ce contrôle parlementaire, y compris pour les deux codes qui nous ont été soumis, ce qui est ahurissant.

Indépendamment de la ratification explicite par le vote d'une loi consécutif à l'examen par le Parlement de tous les articles d'un code, une ratification implicite, rappelons-le, est rendue possible par la jurisprudence du Conseil constitutionnel : il suffira qu'une loi postérieure à l'expiration du délai de ratification se réfère à un article d'un code non explicitement ratifié pour que l'ensemble de ce code soit considéré comme étant ratifié. Le Conseil constitutionnel a imaginé cette solution pour atténuer la précarité d'ordonnances non suivies de ratification, celles-ci n'ayant alors qu'une valeur réglementaire, ce qui laisse le Gouvernement libre de modifier le fonds même du texte par la voie du règlement sans saisir le Parlement.

Mme Christine Boutin - Absolument !

Mme Nicole Catala - On mesure les conséquences de cette situation : les textes législatifs regroupés dans neuf codes seront d'un coup déclassés en textes réglementaires, susceptibles d'être modifiés par décret, jusqu'à ce que survienne par hasard le vote d'un texte concernant l'un d'entre eux, entraînant sa ratification indirecte.

Où est le progrès du droit ? Le Parlement va y perdre davantage encore de crédibilité. Où serait aussi le progrès du droit dans la distinction étrange entre «code pilote» et «code suiveur» ?

Cela ne concerne pas le code de la route, en tout cas pas seulement. Nous aurions là des figures juridiques étranges, pour ainsi dire des figures innommées dont je crains qu'elles ne contribuent guère à la classification du droit.

La vérité, Monsieur le ministre, c'est que la technique d'habilitation à légiférer par voie d'ordonnance ne se prête pas à une codification massive telle que celle que vous proposez. Cette technique me paraît en l'espèce appeler à plusieurs titres la censure du Conseil constitutionnel.

Elle l'appelle tout d'abord en ce qu'elle porte atteinte au principe énoncé à l'article 34 de la Constitution selon lequel la loi est votée par le Parlement et que les parlementaires doivent pouvoir exercer à son égard le droit d'amendement. Le but d'une codification à droit constant est d'inscrire dans un code une matière dont la portée législative doit être présentée au Parlement. Or la commission supérieure de codification indique qu'à droit constant, le Parlement doit se retenir d'exercer son droit d'amendement et se borner à quelques amendements de fond. Mais l'exercice du droit constitutionnel d'amendement ne peut souffrir que les limites inscrites dans la Constitution.

Le recours à une loi d'habilitation pour une codification à droit constant porte donc atteinte à la fois à la souveraineté nationale affirmée à l'article 3 de la Constitution, à l'article 34 et à l'article 44 relatif au droit d'amendement. Sur ce dernier point, les principes énoncés par la commission supérieure de codification, qui tendent à réduire au minimum l'exercice du droit d'amendement, afin de ne pas bouleverser l'économie générale des codes, constituent une atteinte à un droit constitutionnel. Elle est, d'autre part, aggravée par le recours aux habilitations de l'article 38 de la Constitution. En effet, s'il n'est pas touché dans son principe même, le droit d'amendement est en l'espèce gravement altéré car le projet, dès lors qu'il porte sur des textes législatifs déjà promulgués, comprend nécessairement le contenu de ces codes, c'est-à-dire le texte de ces lois. Or le droit d'amendement ne peut s'exercer qu'à l'égard des articles du projet de loi d habilitation et non vis-à-vis du contenu des codes présentés. S'agissant de certains d'entre eux, nous ignorons tout de leur contenu et de leur périmètre. Il y a donc lieu de s'opposer au blanc-seing que nous demande aujourd'hui le Gouvernement.

Le projet de loi d'habilitation est également anticonstitutionnel en raison de son objet même : la codification à droit constant. C'est la première fois qu'un tel procédé est utilisé à cette fin et ses promoteurs n'ont sans doute pas eu conscience de ses conséquences, car il ne s'agit pas de l'appliquer à l'adoption d'un texte particulier mais d'une codification massive de textes existants.

En effet, les nombreuses lois existantes qui vont faire l'objet d'ordonnances codificatrices vont, sous réserve de quelques amendements limités si le Parlement en est saisi, subsister telles quelles mais elles cesseront brusquement, dès lors que le délai de ratification sera expiré, d'être des lois pour devenir, jusqu'à la ratification, de simples actes administratifs. Dans le passé, jamais une procédure de ratification n'a eu pour effet de faire perdre globalement à des lois leur nature législative. Or, cette fois, entre la publication des ordonnances et leur ratification, législative ou indirecte, soit pour une période non déterminée, les citoyens, les administrations et les tribunaux appliqueront des dispositions de simple valeur réglementaire, c'est-à-dire des actes dont la légalité pourra être contestée, d'où un risque de grave insécurité juridique.

En d'autres termes, le résultat de la codification par ordonnance sera de retirer pour un temps indéfini leur nature législative à des textes dont certains sont fondamentaux et d'ouvrir la voie à une contestation de leur légalité devant le Conseil d'Etat. S'il n'y a pas là une violation du principe selon lequel le Parlement est seul compétent pour voter la loi, on se demande ce que signifie l'article 34 de la Constitution.

Le texte d'habilitation qui nous est présenté est également contraire à l'article 38 car il ne respecte pas les principes d'habilitation qu'énonce cet article et méconnaît des règles et des principes de valeur constitutionnelle.

S'agissant des principes d'habilitation de l'article 38, ce texte dispose que «le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, dans un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi».

Le texte, éclairé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, renvoie à une conception précise du programme auquel il fait référence. Dans une décision du 12 janvier 1977, le Conseil constitutionnel considère ainsi qu'il est fait obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation, et pour la justification de la demande à lui présentée, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre et, dans la décision des 25-26 juin 1986, le Conseil a ajouté qu'il fallait indiquer le domaine d'intervention de ces mesures.

Or l'exposé des motifs du projet de loi déposé au Sénat en juin dernier indique comme seule finalité du texte, la nécessité de résorber le retard enregistré dans la procédure de codification. Il s'agit là d'une justification bien mince au regard des exigences constitutionnelles que je viens de rappeler, et d'autant plus étrange que si le Parlement a été saisi de certains des codes annoncés, d'autres sont toujours en cours d'examen par la commission supérieure de codification ou au Conseil d'Etat.

De ces décisions, il ressort que le Conseil constitutionnel doit non seulement vérifier que les conditions posées à l'article 38 sont respectées, mais aussi que, s'agissant comme en l'espèce de textes législatifs déjà rédigés, il doit pouvoir apprécier le contenu des codes annoncés, en vérifiant au fond le respect des exigences constitutionnelles, au regard de tous les éléments du bloc de constitutionnalité. Et il doit pouvoir soulever d'office des moyens ou des conclusions d'inconstitutionnalité sur telle ou telle disposition de l'un des codes dans le projet de loi, dont, je le répète, nous ne connaissons qu'une partie.

Or, il peut se faire que du processus même de codification découlent des atteintes à la Constitution. D'abord, parce que le principe du droit constant n'élimine pas le risque d'altération de fond des textes législatifs. Ainsi que l'a relevé la doctrine, le plan et l'ordre des livres d'un code n'ont pas seulement une valeur esthétique. La forme exprime et affecte le fond. La modifier, si peut que ce soit, est porteur de changements dont les interprètes sont prompts à s'emparer.

Dès lors, je vois mal où se situe le retard invoqué pour justifier le recours à la procédure des ordonnances. Pour les codes en cours d'examen, le Parlement ne peut avoir connaissance des principes, de la matière, que le Gouvernement lui demande d'adopter par voie d'ordonnance et la finalité de cette entreprise lui échappe totalement.

Le projet de loi méconnaît par ailleurs des règles et des principes de valeur constitutionnelle. Dans sa décision des 25 et 26 juin 1986, le Conseil constitutionnel a pris soin de rappeler que les dispositions d'une loi d'habilitation ne sauraient avoir pour objet -ou pour effet- de dispenser le Gouvernement de respecter les règles et principes de valeur constitutionnelle. Et le Conseil ajoute qu'il lui appartient à lui de vérifier que la loi d'habilitation ne comporte aucune disposition qui permettrait de les méconnaître, et de n'admettre la conformité à la Constitution que sous l'expresse condition qu'elle soit interprétée et appliquée, cette loi d'habilitation, dans le strict respect de la Constitution.

Ensuite, ce processus peut porter atteinte au fond parce que l'_uvre de compilation ainsi entreprise fait disparaître des matériaux indispensables pour le juge ou pour le praticien, qui recherche, en présence d'un texte obscur, l'intention du législateur : plus d'exposé des motifs, des travaux parlementaires qu'il faudra aller chercher dans les oubliettes...

Enfin, la codification réalisée par voie d'ordonnances risque de conduire à la disparition de dispositions figurant dans des textes certes anciens mais qu'il est essentiel de conserver, parce qu'ils sont le support de principes fondamentaux.

Ainsi, par une décision du 20 janvier 1984, le Conseil constitutionnel refusa l'abrogation intégrale de la loi du 12 novembre 1968 par le nouvelle loi sur l'enseignement supérieur.

La loi Faure contenait en effet des dispositions relatives à l'indépendance des professeurs d'université -principe qui a valeur constitutionnelle- que la loi Savary ne contenait plus. Le Conseil constitutionnel n'aurait accepté cette modification que si le nouveau texte renforçait les garanties fondamentales. Or ce projet d'habilitation va permettre d'édicter un code de l'éducation qui abrogera toues les dispositions législatives antérieures. C'est pourquoi je suis convaincue qu'il ne peut être accepté par le Conseil constitutionnel (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Ministre - La codification fut d'abord mal acceptée du législateur. Mais la codification à droit constant a désormais conquis la majorité des praticiens et les élus en apprécient l'utilité depuis qu'ils utilisent quotidiennement le code général des collectivités territoriales. Je me félicite d'ailleurs de l'apport précieux des parlementaires à l'examen du projet de code et à la commission supérieure de codification. Sans doute cette exception d'irrecevabilité est-elle une façon de marquer leur intérêt. Ce projet ne répond nullement à une volonté de disputer sa place au législateur. Simplement l'encombrement de l'ordre du jour n'a pas permis de poursuivre dans des délais raisonnables la procédure normale.

Mme Christine Boutin - Ce n'est pas un argument !

M. le Ministre - Un code est appelé à être modifié sitôt adopté. S'il ne l'a pas été dans des délais brefs, certains textes n'y figurent pas et il sera tout de suite périmé. C'est pourquoi le Président de la République et le Gouvernement sont tombés d'accord pour utiliser la procédure prévue à l'article 38 de la Constitution. Les parlementaires en semblaient d'accord et le Sénat, le 13 octobre dernier, n'a pas manifesté d'opposition.

Les parlementaires ne sont ni dessaisis ni démissionnaires lorsqu'ils autorisent cette procédure d'ordonnance.

Certes, elle doit rester exceptionnelle.

Reconnaissez, Madame Catala, que ce Gouvernement n'en a pas abusé et qu'aucun gouvernement depuis longtemps n'a autant respecté le Parlement.

On invoque l'inconstitutionnalité. Or ce projet répond parfaitement aux exigences de l'article 38 de la Constitution. Le Gouvernement est tenu, en fonction d'une décision du Conseil constitutionnel du 12 janvier 1977, de décrire au Parlement la finalité des mesures qu'il veut prendre. L'exposé des motifs dit bien qu'il s'agit en l'espèce d'adopter la partie législative d'une série de codes à droit constant. Il en donne la justification : la surcharge de programme de travail de l'Assemblée. D'ailleurs, seule l'annonce de ce projet a conduit le Conseil d'Etat qui refusait d'examiner certains codes à revenir sur sa décision.

Dans sa décision des 25 et 26 juin 1986, le Conseil constitutionnel indique encore que la loi d'habilitation doit préciser ses domaines d'intervention. Le projet énonce expressément les neuf codes concernés. Leur adaptation n'est en rien une entorse au droit constant, elle le décrit. La commission supérieure de codification et le Conseil d'Etat sont évidemment très sourcilleux quant aux limites de cet exercice. Mais nous n'avons nulle intention machiavélique de modifier le droit sous couvert de le codifier. Conformément au premier alinéa de l'article 38, l'habilitation ne vaudra que pendant un délai limité. Le Gouvernement l'a fixé entre 6 et 12 mois selon les codes et prendra les ordonnances très vite. Elles s'appliquent immédiatement mais deviennent caduques dans un délai de deux mois. Nous sommes décidés à les inscrire aussi vite que possible à l'ordre du jour pour ratification.

Je le répète, le Gouvernement n'entend pas faire de l'ordonnance une procédure normale. Il utilise une procédure exceptionnelle dans une situation exceptionnelle. Prétendre qu'il veut limiter le pouvoir des élus, c'est lui faire un mauvais procès d'intention. Je vous demande donc instamment de rejeter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Je vous demande à mon tour de rejeter cette motion. Selon Mme Catala, le danger vient de ce que, entre le moment où l'ordonnance est prise et sa ratification, la partie législative du code aurait une nature réglementaire. C'est exactement le contraire. Le juge administratif exerce son contrôle sur le texte de la codification par rapport au texte législatif d'origine. Il existe une décision de la cour de cassation et deux du Conseil d'Etat en ce sens.

En réalité, je retrouve dans cette intervention tous les arguments d'une école juridique hostile à la codification elle-même. Mais cette procédure a été beaucoup utilisée depuis 1989 et malgré l'alternance politique, n'a jamais été remise en question.

Les notions de «code pilote» et de «code suiveur» ne sont d'ailleurs pas nouvelles : elles ont été appliquées après les élections de 1993 au nouveau code pénal adopté sous la législature précédente.

Enfin, si le recours à l'article 38 de la Constitution n'est pas contraire, par définition, à celle-ci, chacun souhaite naturellement qu'il soit le plus parcimonieux possible (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Franck Dhersin - Convaincu par le propos de Mme Catala, je voterai l'exception d'irrecevabilité.

M. François Colcombet - La Constitution s'impose à tout le monde, et en particulier à ceux qui en ont été les inspirateurs et qui en sont les habituels thuriféraires (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). Elle dispose, en son article 38 , que «Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi». Le Conseil constitutionnel a strictement encadré cette pratique, en exigeant du Gouvernement qu'il définisse la finalité de l'habilitation et en lui interdisant d'intervenir dans le champ de la loi organique.

Le présent projet respecte ces deux critères : il n'est pas de nature organique, et sa finalité est parfaitement définie. Nos textes juridiques, nombreux et complexes, sont l'héritage de l'histoire et de ses stratifications successives, et nul ne se repère plus, au bout d'un certain temps, dans ce glorieux fatras, pas même les magistrats. Seuls les professeurs de droit, peut-être -mais c'est, il est vrai, leur fonds de commerce... (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) Il est donc utile de procéder à une codification de ces textes, codification qui se fait à droit constant -dois-je vous le rappeler ?

Mme Nicole Catala - Ce n'est pas vrai ! Il y a toujours des modifications, et la forme affecte le fond !

M. François Colcombet - Il y a encore quelques années, certains textes en vigueur mentionnaient le «procureur du Roi» au lieu du «procureur de la République» !

La codification présente l'intérêt, par ailleurs de rétablir la hiérarchie entre textes législatifs et textes réglementaires, hiérarchie instituée par la Constitution de 1958 -dois-je vous le rappeler aussi ?

Il est bon, enfin, que les citoyens puissent se réapproprier les textes qui ont été élaborés en leur nom. Les sénateurs du groupe RPR ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, qui ont adopté ce projet de loi. Vous vous honoreriez à suivre leur exemple ! (Applaudissements bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Patrice Carvalho - Je veux dire à cette droite qui a la mémoire courte qu'elle-même a usé de la procédure des ordonnances en 1986 -ce à quoi François Mitterrand s'est d'ailleurs opposé, tant sur les privatisations que sur le découpage électoral et sur l'aménagement du temps de travail (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)- et en 1996, avec des intentions beaucoup moins louables que ce n'est le cas aujourd'hui, sur la codification. Le groupe communiste votera donc contre l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Mme Nicole Catala - Ils assassinent le Parlement !

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ANNEXE
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 9 décembre 1999 inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

CET APRÈS-MIDI et à 21 heures :

        _ 23 projets, adoptés par le Sénat, autorisant la ratification ou l'approbation d'accords internationaux relatifs :

            · à l'entraide judiciaire en matière civile, avec le Brésil ;

            · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements, avec la Géorgie ;

            · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements, avec le Qatar (ensemble une annexe) ;

            · à l'extradition avec le Brésil ;

            · à l'entraide judiciaire en matière pénale avec le Brésil ;

            · aux personnels scientifiques de l'Institut Max-von-Laue-Paul-Langevin, avec l'Allemagne et le Royaume-Uni ;

            · au statut de leurs forces, entre les États parties au Traité de l'Atlantique-Nord et les autres États participant au partenariat pour la paix (ensemble un protocole additionnel) ;

            · à la rectification de la frontière franco-suisse au raccordement des autoroutes entre Saint-Julien-en-Genevois (département de la Haute-Savoie) et Bardonnex (canton de Genève), avec la Suisse ;

            · à la rectification de la frontière franco-suisse entre le département du Doubs et le canton de Vaud, avec la Suisse ;

            · à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, avec la Suisse ;

            · à la réadmission des personnes en situation irrégulière avec la Suisse ;

            ·à l'aménagement du titre 1er de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963 ;

            · à l'application de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963 ;

            · à la sécurité sociale avec Monaco ;

            · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements avec le Guatemala ;

            · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements avec le Honduras ;

            · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements avec le Nicaragua ;

            · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements avec la Namibie (ensemble un protocole) ;

            · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements avec la Macédoine ;

            · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements avec l'Azerbaïdjan (ensemble un protocole) ;

            · à l'entraide judiciaire en matière pénale avec la Colombie ;

            · à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière avec l'Italie ;

            · à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières (ensemble une déclaration) avec l'Allemagne ;

ces 23 textes faisant l'objet de la procédure d'examen simplifiée.

        _ projet autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part ;

        _ projet autorisant la ratification des amendements à la convention portant création de l'Organisation internationale de télécommunications maritimes par satellites (INMARSAT) relatifs à la création de l'Organisation internationale de télécommunications mobiles par satellites (ensemble une annexe) ;

        _ projet, adopté par le Sénat, portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes ;

        _ deuxième lecture du projet relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

MERCREDI 24 NOVEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

        _ nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

JEUDI 25 NOVEMBRE, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures :

        _ deuxième lecture de la proposition instituant un médiateur des enfants ;

        _ suite de la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Eventuellement, VENDREDI 26 NOVEMBRE à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures :

        _ suite de la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

MARDI 30 NOVEMBRE à 9 heures :

        _ proposition de M. Charles Cova et plusieurs de ses collègues modifiant les conditions d'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l'armée française ;

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution)

À 15 heures :

        _ questions au Gouvernement ;

À 17 heures 30 et à 21 heures :

        _ explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, en nouvelle lecture ;

        _ nouvelle lecture du projet relatif à la réduction négociée du temps de travail.

MERCREDI 1er DECEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 21 heures et JEUDI 2 DÉCEMBRE, à 9 heures et à 15 heures :

        _ suite de la nouvelle lecture du projet relatif à la réduction négociée du temps de travail.

JEUDI 2 DÉCEMBRE à 21 heures :

        _ sous réserve de sa transmission par le Sénat, lecture définitive du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;

        _ suite de la nouvelle lecture du projet relatif à la réduction négociée du temps de travail.

VENDREDI 3 DÉCEMBRE à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures :

        _ éventuellement, lecture définitive du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;

        _ éventuellement, suite de la nouvelle lecture du projet relatif à la réduction négociée du temps de travail.

MARDI 7 DÉCEMBRE, à 9 heures :

        _ questions orales sans débat ;

À 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

        _ explications de vote et vote par scrutin public sur le projet relatif à la réduction négociée du temps de travail, en nouvelle lecture ;

        _ proposition de M. de Courson visant à améliorer la détection d'enfants maltraités ;

        _ texte de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la proposition portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives.

MERCREDI 8 DÉCEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures et JEUDI 9 DÉCEMBRE, à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures :

        _ projet de loi de finances rectificative pour 1999.


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