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Session ordinaire de 1999-2000 - 30ème jour de séance, 73ème séance

2ÈME SÉANCE DU MARDI 23 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

Sommaire

ADOPTION DE LA PARTIE LÉGISLATIVE DE CERTAINS CODES (suite) 2

ARTICLE PREMIER 7

ART. 2 8

EXPLICATIONS DE VOTE 9

DROITS DES CITOYENS DANS LEURS RELATIONS AVEC LES ADMINISTRATIONS -Deuxième lecture- 10

ART. 2 19

ART. 4 20

ART. 5 BIS 20

APRÈS L'ART. 5 BIS 21

ART. 8 22

ART. 8 BIS 22

ART. 10 22

ART. 13 BIS 23

ART. 13 TER 23

ART. 14 23

ART. 16 A 23

ART. 21 23

ART.22 24

ART. 22 BIS 24

ART. 24 24

APRÈS L'ART. 24 25

ART. 25 25

ART. 26 25

APRÈS L'ART. 26 BIS 26

ART. 26 QUATER 27

ART. 26 QUINQUIES 29

AVANT L'ART. 27 A 29

ART. 27 30

APRÈS L'ART. 27 30

EXPLICATIONS DE VOTE 30

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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ADOPTION DE LA PARTIE LÉGISLATIVE DE CERTAINS CODES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes.

M. Jacques Floch - Je reconnais avec Mme Catala que les ordonnances ne sont pas la manière normale de faire la loi. Mais, comme l'a rappelé M. Colcombet, si l'on ne veut plus procéder par ordonnances, il faut supprimer l'article 38 de la Constitution. Or ceux qui souhaitent qu'on «n'ordonne» plus auraient pu le supprimer entre 1958 et 1981, 1986 et 1988 ou 1993 et 1997. Pourtant l'article 38 n'a pas été abrogé ; il n'y a donc pas de raison de ne pas l'utiliser.

Cela pose certes un problème quand il s'agit de codification, et le rapporteur a bien souligné les inconvénients de cette méthode. Mais nous sommes pris par la nécessité. Notre législation doit être lisible, si nous voulons qu'elle soit bien appliquée et comprise. Aujourd'hui l'abondance des textes fait que le citoyen ordinaire -autant dire chacun d'entre nous- se trompe souvent, comme les magistrats eux-mêmes, à qui il faut parfois rappeler que la loi n'avait pas le sens qu'ils lui ont donné.

Du reste le refus de légiférer par ordonnances serait contraire à l'esprit gaullien. Si en 1958 le général de Gaulle, par l'intermédiaire de Michel Debré, a inscrit dans la Constitution le droit à procéder par ordonnances, c'était, comme il disait, pour «mettre de l'ordre dans la boutique». Mais il affirmait aussi, évoquant les règlements des Assemblées, qu'il n'entendait pas laisser altérer peu à peu et en détail la réforme capitale du régime représentatif. Il invitait donc le Gouvernement à saisir le Conseil constitutionnel des règlements que tentaient de se donner les chambres. Comme l'a dit un prédécesseur de Mme Catala, grand professeur de droit, une constitution, fut-elle écrite avec génie, n'est efficace et ne dure qu'autant qu'elle s'adapte à l'état social du peuple. Ni cette nécessaire adaptation, ni la menace du bâton -que nous avons cru sentir en 1958- n'expliquent la belle continuité de la Constitution, et la persistance de l'article 38. Celui-ci assure d'ailleurs au Parlement, en matière de codification, certaines possibilités de contrôle. Par conséquent le groupe socialiste votera ce texte.

M. Georges Tron - Ce projet, qui doit permettre au Gouvernement de procéder par ordonnances à l'édiction de neuf codes, n'est pas anodin et suscite de notre part certaines interrogations, ainsi que l'a formulé Mme Catala. Parmi les codes concernés par ce projet, adopté par le Sénat le 13 octobre dernier avec une rapidité surprenante, certains sont d'une importance majeure. L'argument du Gouvernement est qu'une relance de la codification est indispensable face à la prolifération des textes. Nous reconnaissons certes que l'inflation des règles de droit est un fléau, qui peut donner au citoyen l'impression diffuse que le droit n'est plus une protection mais une menace.

Nous avons toutefois une première objection majeure. En acceptant le principe d'une codification par voie d'ordonnance, le Parlement déléguerait au Gouvernement un pouvoir essentiel de formation du droit, sans pouvoir exercer de contrôle sur le contenu de ce droit. Cela s'apparente à un renoncement du Parlement à l'exercice de son pouvoir législatif, au nom d'une prétendue efficacité juridique, dans des pans entiers de la législation. C'est ce que vous proposez, Monsieur le ministre, et c'est ce qui se produira de fait si votre projet est adopté. Il y a là une flagrante absence de considération à l'égard du travail parlementaire. Je me rappelle pourtant les critiques émises à ce sujet par l'opposition de 1986-1988, en des termes que je m'abstiendrai de reprendre. L'argument de M. Carvalho est tout à fait réversible.

Le recours aux ordonnances constitue un véritable dessaisissement du Parlement au profit du Gouvernement, ou plutôt d'une commission de fonctionnaires où le Parlement est représenté par un député et un sénateur qui ne jouent qu'un rôle de figuration et d'alibi.

Je rappelle en outre qu'un premier projet de code de commerce avait été rejeté par l'Assemblée nationale en 1994, et que le projet de code de l'éducation avait été retiré de l'ordre du jour de notre assemblée le 18 juin 1998. Il est clair que cette procédure n'a d'autre objet que d'empêcher le Parlement d'exercer à nouveau ses prérogatives, en évitant le risque pour le Gouvernement de discussions âpres et fouillées. C'est manifestement une man_uvre politique que nous ne saurions cautionner.

Autre forme de man_uvre que nous tenons à dénoncer : c'est le recours à la méthode de codification à droit constant telle que l'utilise la commission supérieure de codification. Comme la doctrine l'a toujours considéré, il s'agit d'un non-sens dans la mesure où elle produit un effet inverse de celui qu'on recherchait. En effet, l'adoption de codes rassemblant des lois éparses fera perdre tout repère à l'utilisateur du droit, en mélangeant les textes, par le biais d'une numérotation compliquée. Le délai qui s'écoule entre la rédaction du code et son entrée en vigueur est souvent tel que le code est dépassé avant même d'être promulgué. A l'heure où le Gouvernement nous propose un projet sur la simplification des relations entre l'administration et le citoyen, il est paradoxal que le présent texte s'engage dans une direction opposée.

Enfin, et c'est sans doute plus grave, le travail accompli par la commission supérieure de codification est loin d'être neutre. Le principe d'une codification «adaptable» la conduit souvent à apporter des modifications qui ne sont pas simplement formelles. J'en donnerai un exemple qui démontre que le processus de la codification conduit à rayer de l'ordre juridique certaines lois dont la représentation symbolique compte parfois autant que le contenu. Cet exemple, c'est le code de l'éducation : il abrogera la loi du 15 mars 1850 dite loi Falloux, les lois de 1875 et 1880 relatives à la liberté de l'enseignement supérieur, la loi du 31 décembre 1958 portant création des CHU, la loi Debré de décembre 1959 et les lois de novembre 1968 et de janvier 1984 sur l'enseignement supérieur... Certes leur contenu est repris dans le code. Mais comment ne pas craindre que la disparition de références légales aussi symboliques, sur un sujet sensible n'ouvre la porte demain à la remise en cause d'un consensus que chacun sait fragile sur ce sujet ? C'est là de notre part une inquiétude véritable et non un procès d'intention. Il est des lois qu'il est préférable de mentionner et non de diluer.

Enfin, les ensembles que vous nous soumettez ici ne sont pas complets : nous ne disposons que de quelques éléments du code rural et des codes du commerce, de l'environnement et de l'éducation. Les cinq autres, comme vous le reconnaissez d'ailleurs dans votre exposé des motifs, sont encore en cours d'examen par la commission supérieure de codification ou par le Conseil d'Etat. Autrement dit, le Parlement n'a même pas connaissance des principes ni de la finalité qui les gouverneront : le dessaisissement est ici complet !

Compte tenu des dérives qu'autoriserait l'adoption de ce texte et pour toutes les raisons qu'a exposées Mme Catala dans son intervention que vous avez jugée longue mais que nous estimons quant à nous très fournie, le groupe RPR votera contre ce projet.

M. Patrice Carvalho - Le Gouvernement nous propose aujourd'hui de déroger au principe de la séparation des pouvoirs pour l'habiliter à adopter par ordonnances la partie législative de neuf codes.

Face à quelque 8 000 lois en vigueur, le citoyen se trouve de fait bien en peine de satisfaire à l'adage républicain qui veut que «nul n'est censé ignorer la loi»! Nous devons donc lui garantir un accès aux règles de droit qui soit le plus direct possible. Tel est l'objectif le plus nécessaire et le plus louable assigné à cette mission de codification que vous avez raison de lier à l'esprit même du projet que nous discuterons tout à l'heure sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Toutefois, si le principe ne saurait souffrir aucune contestation de notre part, il en est tout autrement du procédé que vous nous proposez. S'agissant des ordonnances de l'article 38 de la Constitution, nous tenons à réaffirmer solennellement notre opposition de principe à tout dessaisissement du législateur.

La commission supérieure de codification, à laquelle je tiens à rendre hommage à travers la personnalité estimée de son vice-président, M. Guy Braibant, s'était pourtant attachée à définir une méthode rationnelle, efficace et garante des prérogatives du Parlement. Malheureusement, le Gouvernement trouve plutôt ici son inspiration dans les décrets de codification qui avaient cours sous la IVème République et qui excluant totalement le Parlement, allaient en outre contre la cohérence et la rationalité.

Aujourd'hui même, la procédure des ordonnances de l'article 38 ne semble pas nous prémunir contre de tels risques, «la nature des ordonnances variant dans le temps, à la manière d'un caméléon» comme l'a noté le professeur Jean Gicquel. Dès lors, ne retomberions-nous pas dans l'imbroglio juridique que nous avons connu jusqu'en 1989 ? En effet, durant la période incertaine qui sépare l'adoption de la loi d'habilitation du dépôt de la loi de ratification, n'y aura-t-il pas la juxtaposition de sources législatives non abrogées et de dispositions codifiées par ordonnance -de nature réglementaire ? Comme le relevait la Commission supérieure à propos du procédé des décrets, la confusion pour les citoyens serait telle que « la codification, loin de simplifier le droit, compliquerait plutôt la situation et accroîtrait l'insécurité juridique »...

Pour nous, la codification par ordonnances ne se distingue de la procédure des décrets qu'en ce qu'elle réduit la période d'insécurité juridique, mais sans la supprimer.

Par ailleurs, la codification dite «à droit constant» constitue, à juste titre, l'un des grands principes dégagés par la Commission supérieure, qui a toujours veillé à s'en tenir strictement au corrections exigées par la forme, par la cohérence ou par l'exigence de mise à jour. En outre, en dehors des directives préalablement transposées dans le droit interne, ce principe impliquait de ne pas intégrer le droit communautaire, en tant que tel, dans la codification. Or le procédé des ordonnances nous semble le mettre en péril, d'autant que le texte initial fait d'ores et déjà référence aux possibles «modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes». De telles modifications empêcheraient le Parlement d'exercer son droit de regard sur des textes dont il se doit d'assumer la paternité et la responsabilité.

Ainsi, nous continuerons de militer pour la participation la plus complète possible du Parlement à cette tâche ô combien noble qu'est une codification visant à rendre la loi plus cohérente et plus accessible à tous, et nous déplorons que cette habilitation puisse apparaître, comme venant uniquement sanctionner la représentation nationale, en raison de la saturation d'un ordre du jour prioritaire dont elle n'a pas la maîtrise...

C'est dans cet esprit que nous nous abstiendrons, tout en souhaitant recevoir du Gouvernement des assurances quant à une codification à droit constant à laquelle le Parlement serait pleinement associé !

Mme Christine Boutin - Vous proposez, Monsieur le ministre, de procéder par voie d'ordonnances à la réalisation de la partie législative de neuf codes importants. Bien que ce souci de codification apparaisse légitime et que vous entendiez procéder à droit constant, il est à craindre que, sous prétexte de «modifications rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence des textes», vous n'imposiez des modifications essentielles en vous substituant au Parlement, et donc en violant notre Constitution. Nous le redoutons d'autant plus que le Gouvernement ne semble pas déterminé à demander au Parlement une ratification explicite.

Nous ne pouvons nous contenter de l'excuse d'un ordre du jour trop chargé. Le Gouvernement nous demande en fait de lui signer un chèque en blanc. Le groupe UDF vous demande donc, Monsieur le ministre, de vous engager à ce que chaque ordonnance fasse l'objet d'une ratification effective, pour que nous ayons connaissance de la façon dont seront organisés ces codes.

Il est aussi des zones d'ombre, nous ne savons rien des intentions du Gouvernement quant au contenu de certains codes. En particulier, que va devenir l'actuel code «de la famille et de l'aide sociale» ? Va-t-il être intégré au nouveau code de l'action sociale ? Notre rapporteur nous indique simplement que ce code de l'action sociale «nécessite une refonte importante» alors qu'aucun code n'existe actuellement sous ce nom. Et, s'il s'agit du code «de la famille et de l'action sociale», pourquoi enlever le mot «famille» du titre ?

Cet abandon est-il intentionnel, est-il révélateur d'une réorganisation des normes, a-t-il une valeur symbolique ?

De nombreuses dispositions de ce code de la famille et de l'aide sociale sont consacrées à des mesures de politique familiale. Le titre premier s'intitule «Protection sociale de la famille» et comprend des chapitres relatifs aux institutions familiales, à la protection matérielle de la famille et à l'éducation nationale. Le titre II traite de l'action sociale en faveur de l'enfance et de la famille. Où sera-t-il traité de la famille dans votre nouvelle codification ?

Le groupe UDF demande que le mot «famille» soit maintenu dans le titre du code, car son absence pourrait laisser supposer que la politique familiale ne serait plus qu'une branche de la politique sociale, voire serait purement et simplement abandonnée au profit de cette politique sociale. Les mots ne sont pas neutres. Aussi le groupe UDF attend-il votre réponse sur ce point avant d'arrêter son vote : la discussion de notre amendement à ce sujet sera donc décisive.

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Très bien !

M. Franck Dhersin - Légalité, égalité devant la loi, expression de la volonté générale : autant de principes au fondement même de la démocratie. La liberté consiste à obéir à la loi ; la vie en société n'est possible que régie par des règles connues et acceptées de tous. Et pourtant, tout cela est-il si évident ? Aujourd'hui, je ne peux répondre que par la négative, je le déplore !

La cause principale de cette situation, c'est l'inflation législative. Ce constat nous a conduits à réfléchir à la réforme de l'Etat et à tenter d'améliorer l'accès au droit. Cependant, à l'image de votre projet, vos actions sont bien décevantes.

La meilleure façon d'éviter les conflits, c'est encore de donner les moyens de maîtriser les règles. La chose apparaît des plus simples et pourtant, aujourd'hui, c'est comme si l'on demandait la lune !

La codification est une contribution à la clarification du droit et à la sécurité juridique et c'est la raison pour laquelle le gouvernement d'Alain Juppé s'était engagé dans cette voie. Les enjeux ne relèvent donc pas du simple débat technique mais touchent à l'essence même de ce que l'on est en droit d'attendre d'un Etat de droit. Or, depuis trois ans, le processus est en panne. La raison officielle en est la surcharge de l'agenda parlementaire. L'argument est un peu facile. «Lorsque l'on veut, on peut» : vous nous l'avez assez prouvé à propos du Pacs ! Si la codification est dans l'impasse, c'est de votre responsabilité, et une fois de plus, c'est la représentation nationale qui en fait les frais !

Voici une nouvelle fois l'une de vos vraies fausses priorités.

Si je suis favorable à toute rationalisation de notre droit, je suis réservé quant à l'efficacité du texte qui nous est soumis. Son objectif est d'habiliter le Gouvernement à adopter la partie législative de certains codes par voie d'ordonnance afin de résorber le retard pris dans la codification et, ainsi, de rendre notre droit plus cohérent et surtout plus accessible. Or les ordonnances demeurent des actes réglementaires tant qu'elles n'ont pas été ratifiées par une loi. La procédure choisie conférera donc aux dispositions codifiées une simple valeur réglementaire, au moins temporairement du fait de l'abrogation des textes d'origine. Ainsi déclassées dans la hiérarchie des normes, ces dispositions pourront faire l'objet de recours contentieux. Le risque d'insécurité juridique, exactement contraire à l'objectif poursuivi, est donc réel.

Par ailleurs, procéder par ordonnances, c'est reculer pour mieux sauter. En effet, il faudra bien trouver un moment dans l'agenda parlementaire pour ratifier ces ordonnances. Le problème demeure donc entier. Il appartiendra au Gouvernement de veiller à ce que chacun de ces projets de ratification soit inscrit le plus rapidement possible à l'ordre du jour des assemblées. Leur simple dépôt ne suffira pas.

Je mets en garde contre une ratification implicite des projets de code par des lois ultérieures : cela susciterait des difficultés d'interprétation au lieu de clarifier le droit.

Enfin et surtout, je m'indigne du rôle désormais réservé au Parlement. L'Assemblée nationale n'est plus qu'une chambre d'enregistrement. Du parlementarisme rationalisé qui caractérisait jusqu'à présent la Vème République, on est passé à un parlementarisme minimalisé.

J'en veux pour preuve la réduction drastique du temps de parole de l'opposition lors des motions de procédure, et aussi la nouvelle procédure d'examen budgétaire qui devrait être généralisée dès l'année prochaine. Le vote du budget se réduira désormais à un exercice formel, laborieux et obscur. Il ne peut pourtant se limiter à un examen ennuyeux des crédits ou à une bataille de chiffres. Le budget, c'est avant tout l'engagement d'une politique qui implique des choix auxquels le Parlement devrait être associé.

Le rôle du Parlement est de même bafoué par un gouvernement qui, lors des questions d'actualité posées par l'opposition, se contente d'esquiver.

Le projet de loi que nous examinons participera de ce dessaisissement du Parlement dont le rôle ressemble déjà à la peau de chagrin. Nous ne pouvons l'accepter. Les futurs projets de loi de ratification devront laisser une marge de man_uvre suffisante au Parlement pour que celui-ci puisse peser sur l'étendue et le contenu des codes. Le Parlement ne doit pas seulement enregistrer, il doit aussi et surtout analyser et débattre, ne vous en déplaise.

Le groupe Démocratie libérale, conjointement avec le groupe RPR, saisira le Conseil constitutionnel, notamment pour méconnaissance de la compétence du législateur. Il ne votera pas ce projet.

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Complétant l'intervention de ma collègue et amie Christine Boutin, qui s'est étonnée de la disparition du mot famille de l'intitulé du code de l'action sociale, j'insisterai, pour ma part, sur la nécessité d'un code spécifique de la famille.

Le rapporteur relève lui-même, dans son rapport, que la multiplication des normes donne aux citoyens l'impression que le droit n'est plus une protection mais une menace. Et, citant le Conseil d'Etat, il ajoute que si l'on n'y prend garde il y aura demain deux catégories de citoyens, ceux qui auront les moyens de faire appel à des experts pour tourner ces subtilités à leur profit, et les autres, les laissés pour compte de l'Etat de droit. Aussi souhaitons-nous l'élaboration d'un code de la famille réunissant toutes les dispositions relatives à la politique familiale aujourd'hui éparpillées dans une multitude de codes.

Cela permettrait d'éviter certaines injustices. Je prendrai un seul exemple. Une personne âgée dépendante peut aujourd'hui en toute légalité embaucher sa fille comme tierce personne, déduire de ses impôts les sommes qu'elle lui verse tandis que la fille embauchée bénéficiera du statut de salarié, lui ouvrant notamment droit aux prestations de la sécurité sociale. En revanche, aux termes d'un autre code, une mère de famille de sept enfants, ayant brutalement perdu son mari vers l'âge de 50 ans et sans ressources, ne pourra pas être assistante maternelle de ses petits enfants. Pour gagner sa vie et bénéficier de la sécurité sociale, celle-ci devra plutôt garder les enfants de sa voisine. J'ai eu récemment à connaître d'un tel cas qui illustre bien les incohérences de notre droit. L'élaboration d'un code unique permettrait de remédier à de telles injustices.

Sans code spécifique de la famille, la politique familiale se résorbera dans la politique sociale. Evolution d'ailleurs dans le droit fil de la politique de Mme Aubry qui déclarait en 1998, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que le Gouvernement favoriserait l'accueil des petits enfants en structures collectives, celles-ci permettant un meilleur éveil. La vie en collectivité serait donc préférable au rôle éducatif des parents. Et je pourrais citer encore d'autres exemples illustrant l'état d'esprit du Gouvernement vis-à-vis de la politique familiale.

La codification est l'un des moyens essentiels de mise à disposition des textes, comme en dispose d'ailleurs l'article 2 du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui a toujours été présenté corrélativement à l'article 3 du texte relatif à la codification. Pourquoi le Gouvernement s'obstine-t-il donc à en exclure la famille ? Quand aurons-nous un code de la famille ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL)

La discussion générale est close.

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles du projet de loi.

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ARTICLE PREMIER

Mme Nicole Catala - L'amendement 6 tend à retrancher du champ de l'habilitation les livres du code rural déjà déposés sur le bureau de notre Assemblée. Ces codes sont prêts. Pourquoi le Gouvernement ne les inscrit-il pas à l'ordre du jour de nos travaux ? Cette remarque vaut pour d'autres codes.

M. Alain Vidalies, rapporteur de la commission des lois - La commission a repoussé cet amendement. Les deux livres en question du code rural ont en effet été examinés par la commission compétente. Mais il n'y a pas de raison de leur réserver un traitement particulier.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Même avis. Il est urgent de mettre au point le code rural.

Mme Nicole Catala - Voilà bien l'illustration de votre volonté de dessaisir le Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

L'amendement 6, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Nicole Catala - L'amendement 3, qui concerne le code de l'éducation, répond à la même préoccupation. Le Gouvernement devrait suivre la procédure législative normale et non soustraire ce texte aux prérogatives du Parlement.

L'amendement 3, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Nicole Catala - Mêmes arguments pour l'amendement 4 qui concerne le code du commerce.

L'amendement 4, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Christine Boutin - Le code de l'action sociale se substituerait à l'actuel code de la famille et de l'action sociale. Nous demandons au minimum que le mot «famille» soit réintroduit dans le titre du code. En tout cas, nous souhaitons quelques réponses du ministre sur le sujet.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Il convient d'actualiser un titre qui date de 1956. Si ce code était à l'époque essentiellement consacré à la famille, il comporte aujourd'hui quantité de dispositions qui n'ont rien à voir. N'induisons pas en erreur sur la nature de ce code. Par ailleurs, Mme Boutin, s'il y a bien un code de la famille, c'est le code civil.

M. le Ministre - Le rapporteur a excellemment développé les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable.

Mme Christine Boutin - Les familles, une fois de plus n'obtiendront pas satisfaction (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Vous ne réintroduirez pas le mot «famille» dans le titre de ce code. Les familles de France apprécieront (Mêmes mouvements).

M. le Ministre - La véhémence de Mme Boutin m'oblige à préciser ce qui me paraissait aller de soi. La disparition du mot «famille» dans le titre du code ne signifie en rien que le Gouvernement néglige la famille. Mais sa vraie place est ailleurs. Quand le code de la famille et de l'action sociale a été créé en 1939...

Mme Christine Boutin - Donc avant Pétain, il faut le rappeler !

M. le Ministre - ...l'essentiel des aides sociales allait à la famille. La situation a beaucoup changé depuis. Se sont ajoutées des aides aux handicapés, des dispositions relatives aux institutions médico-sociales, d'autres encore. Si bien que le titre ancien ne se justifie plus. Mentionner la famille dans la seule perspective de son accès à des aides sociales ne rendrait pas justice à la cellule de base de notre société.

Le seul code qui est au sens propre celui de la famille, c'est le code civil. Le codificateur a fait le choix d'un classement plus conforme à la dignité de la famille

Mme Bernadette Isaac-Sibille - C'est incroyable d'entendre des choses pareilles !

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 1, mis aux voix, est adopté.

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ART. 2

Mme Nicole Catala - Comme je l'ai fait observer cet après-midi, on peut craindre qu'il soit porté atteinte au fond des textes, en dépit du principe de la codification à droit constant. C'est pourquoi je demande, par mon amendement 5, que le projet de ratification comporte un tableau de concordance retraçant les correspondances entre les dispositions législatives codifiées et celles qui sont abrogées. Si le Gouvernement s'engage explicitement à ce qu'il en soit ainsi, je pourrais retirer mon amendement.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, car une telle disposition n'a pas sa place dans la loi. Mais je souhaite moi aussi que ce tableau soit fourni.

M. le Ministre - Ce sera bien le cas : chaque code sera accompagné de sa table de concordance.

L'amendement 5 est retiré.

Mme Nicole Catala - Il serait navrant que les nombreuses ordonnances qui seront prises ne soient pas ratifiées par la voie législative normale. Pour éviter une ratification indirecte, je propose, par mon amendement 7, de préciser que chaque projet de ratification devra faire l'objet d'un examen par le Parlement, et pas seulement d'un dépôt, dans un délai de deux mois. J'ai conscience de la hardiesse de cette mesure, mais elle est indispensable si les parlementaires veulent vraiment exercer leur mission de législateurs.

M. le Rapporteur - Avis défavorable à cet amendement en effet très hardi juridiquement, puisqu'il est contraire à l'article 62 de la Constitution.

M. le Ministre - Le rapporteur a raison. De plus il y aurait là une injonction au Gouvernement, et même un engagement sur les votes à venir du Parlement.

Mme Nicole Catala - Il suffirait que le Gouvernement s'engage à inscrire à notre ordre du jour, sous deux ou trois mois, le projet de ratification.

M. le Ministre - Le Gouvernement va s'employer à adopter très vite les ordonnances, mais il est impossible d'inscrire tous les projets dans le court délai de deux mois. Il s'engage à le faire aussi vite que possible. Le Gouvernement ne souhaite pas perpétuer une situation provisoire. Le projet qu'il vous présente tend au contraire à sortir d'une situation temporaire qui pénalise tout le monde.

Mme Nicole Catala - Le Gouvernement refuse de me donner satisfaction. C'est bien qu'il n'a pas l'intention de saisir effectivement l'Assemblée de toutes les ordonnances. Mes craintes étaient donc fondées.

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Nicole Catala - Mon amendement 7, dans la ligne des précédents, se fonde sur l'article 38 de la Constitution qui traite de la caducité des ordonnances. Je propose en effet que toute ordonnance non examinée par le Parlement dans un certain délai soit caduque. Il s'agit d'éviter toute ratification implicite, le Parlement ayant pour fonction de voter la loi.

M. le Rapporteur - Rejet. Cet amendement est aussi hardi que le précédent, puisqu'il tend à introduire un nouveau cas de caducité à l'article 38. Il est en fait irrecevable.

M. le Ministre - Même avis que la commission.

L'amendement 7, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

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EXPLICATIONS DE VOTE

Mme Nicole Catala - Je regrette profondément que nos arguments destinés à mettre en garde le Gouvernement contre une sorte d'abus de position dominante qui dessaisit le Parlement d'une compétence fondamentale dans un champ législatif immense n'aient pas été entendus. Je constate avec tristesse qu'un éminent universitaire avait raison de publier ce matin un article intitulé « Un parlement démissionnaire ».

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Un Parlement démissionné, oui !

Mme Christine Boutin - Mme Isaac-Sibille et moi avions subordonné notre vote à des réponses que nous attendions au sujet de la famille. Nous n'avons pas obtenu satisfaction. Le groupe UDF votera donc contre le projet.

Peut-être se passe-t-il ici ce soir dans l'indifférence générale quelque chose de grave. Le Parlement renonce à sa raison d'être. Aucun parlementaire ne peut s'en réjouir (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Patrice Carvalho - Nous réitérons notre opposition de principe aux ordonnances, qui impliquent un dessaisissement du Parlement. Sur la codification, qui est une nécessité, nous sommes d'avis de suivre la méthode préconisée par la commission supérieure de codification, qui tend à garantir les prérogatives du Parlement. Il est souhaitable d'associer le plus possible le législateur à cette honorable tâche, sur la base du travail de bénédictin mené par la commission dont M. Guy Braibant est le vice-président reconnu et estimé. Le Parlement a toujours montré son intérêt pour la codification et n'est en rien responsable de l'encombrement de l'ordre du jour prioritaire.

Attaché à l'avancement de la codification et prenant acte des assurances du Gouvernement relatives au droit constant, nous nous abstiendrons et prenons date pour les projets de ratification.

M. Gérard Gouzes - Ce débat est irréel. Le Sénat s'est déjà prononcé (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) et a très bien compris qu'il fallait procéder de la sorte. Nous sommes en retard de neuf codes. J'ai été le premier rapporteur d'un code, celui de la propriété intellectuelle à droit constant. Ce débat n'était pas très passionnant. Le Gouvernement utilise la bonne méthode. La constitution de 1958 a beaucoup de défauts, elle a rendu le Parlement démissionnaire, comme vous l'avez dit, Madame Catala, mais ce n'était pas l'occasion de le faire remarquer avant tant de talent (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Jean Pontier - Le groupe RCV votera ce texte.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - Je remercie le rapporteur et la commission pour leur travail. Je suis très satisfait du vote intervenu, en termes identiques avec le Sénat, ce qui va nous permettre d'avancer dans une codification dont personne ici n'a contesté ni l'utilité ni l'urgence. J'ai entendu évoquer les années qui ont précédé 1989, où l'on avait validé cinq codes, et l'action du gouvernement de M. Juppé qui n'a validé qu'un code. Nous avons aujourd'hui neuf codes sur la table et il faut codifier car cela constitue une condition d'accès de nos concitoyens au droit (Murmures sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Nicole Catala - Boniments !

M. le Ministre - Le Gouvernement a trouvé la compréhension du Sénat et de l'Assemblée nationale et je m'en réjouis (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

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DROITS DES CITOYENS DANS LEURS RELATIONS AVEC LES ADMINISTRATIONS
-Deuxième lecture-

L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Ce projet de loi va permettre d'avancer dans la réforme de l'Etat à laquelle je m'emploie au nom du Gouvernement depuis plus de deux ans. Nous allons faire ainsi un pas de plus dans une _uvre entreprise depuis longtemps et qui doit être permanente. Vous avez adopté ce projet en première lecture en mai dernier, démontrant ainsi que vous souhaitez des administrations plus simples d'accès, plus rapides dans leurs réponses, plus respectueuses des droits des citoyens. Nous allons aujourd'hui nous rapprocher de cet objectif.

Plusieurs dispositions d'importance sont désormais adoptées par les deux chambres dans une rédaction conforme, celles relatives au médiateur, ainsi qu'une large partie des éléments de simplification des procédures. Notre débat va porter pour l'essentiel sur les dispositions que le Sénat n'a pas souhaité retenir ou a souhaité modifier.

Les mesures que votre commission des lois vous propose de rétablir au titre Ier de la loi, après leur rejet par les sénateurs, traduisent la volonté du Gouvernement de rendre l'administration plus transparente et plus accessible. L'article 2 qui fait de la diffusion des textes juridiques une mission de service public, constitue la meilleure ouverture possible à l'article 3 qui instaure la codification et constitue une déclinaison essentielle de cet accès. Ces deux articles forment un tout, que je vous demande d'adopter ensemble.

S'agissant de la rédaction de l'article 10, vous avez adopté en première lecture un amendement créant une obligation de transparence des comptes, aussi bien à l'égard des administrations auxquelles elle ne s'imposait pas encore, qu'à l'égard des associations recevant des subventions de personnes publiques. J'avais soutenu cet amendement dans son principe, tout en vous signalant que le Gouvernement réétudiait l'article, pour tenir compte de divers problèmes qui lui avaient été soumis par ses interlocuteurs. La nouvelle version promise a été approuvée par votre commission des lois. L'amendement répond de façon complète aux questions soulevées par certains représentants associatifs et s'inspirant des conclusions d'un rapport rendu en mars 1998 par la commission d'enquête sur les coûts et rendements des services publics définit précisément les engagements respectifs des parties. Je remercie votre commission d'en avoir saisi la portée et l'intérêt.

Sur proposition de Mme Ledoux, la commission des lois a par ailleurs adopté la même position sur l'article 5 bis que le Gouvernement devant le Sénat. Contrairement aux sénateurs, nous ne souhaitons pas instaurer un dépôt de consignation pour les associations qui défèrent à la censure du juge administratif un projet d'urbanisme. Si j'admets que les élus rencontrent parfois des difficultés pour faire aboutir certains projets du fait de plaintes abusives, l'amendement du Sénat apporte une mauvaise réponse à cette vraie question. Je me réjouis donc de la position de votre commission des lois. Le Gouvernement va chercher à résoudre cette difficulté, de façon globale et dans un cadre approprié. Je m'en suis déjà entretenu avec la Garde des Sceaux, qui partage mon point de vue quant à la méthode.

Enfin, pour le titre IV bis portant dispositions relatives à la fonction publique, seuls les articles de transposition de la jurisprudence du tribunal des conflits Berkani sont encore en discussion. Si le Sénat n'a pas adopté les deux articles concernés, je vous proposerai de les réintroduire et je m'en expliquerai plus en détail le moment venu. Je rappelle seulement que la position du Gouvernement, qui souhaite consacrer cette jurisprudence, est l'inverse de celle du gouvernement précédent, qui entendait défaire par la loi ce que la jurisprudence avait consacré.

Nous partons avec assez peu de désaccords et nous devrions avoir une discussion sereine, pour améliorer un texte qui va prendre sa part dans les avancées réalisées par le Gouvernement en matière d'intégration, de lutte contre les exclusions, ou de politique de la ville. Chacun sait que les services publics jouent un rôle crucial dans la réussite de ces politiques, c'est-à-dire dans la mise en pratique des éléments essentiels du pacte républicain.

Je sais à quel point les agents publics ont à coeur de prendre toute leur place dans cette tâche et je sais aussi que les citoyens attendent beaucoup de leurs services publics. Leur attente trouvera des réponses dans ce texte qui instaure à leur profit des relations améliorées avec nos administrations, qui, si remarquables qu'elles soient, peuvent encore être perfectionnées. C'est au bénéfice de cette vision que je vous demanderai d'adopter ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Claudine Ledoux, rapporteur de la commission des lois - Ce texte s'inscrit dans la volonté affichée par le Premier ministre depuis juin 1997 de restaurer le pacte républicain. Il tend à renouer les liens entre les Français et leurs institutions et à leur redonner foi dans la capacité d'action des services publics.

Il vise à rendre les autorités administratives moins lointaines, moins complexes et moins lentes. Sur la plupart de ces dispositions pratiques, qu'il s'agisse de l'obligation d'accuser réception d'une demande, de transmettre à l'autorité compétente une demande mal dirigée, ou de raccourcir le délai au terme duquel doit intervenir une décision implicite, nous nous réjouissons que le Sénat se soit prononcé dans les mêmes termes que notre assemblée.

Sur plusieurs autres articles, le Sénat a cependant procédé à des modifications qui paraissent inacceptables, tant elles vont à l'encontre de la logique du texte. En premier lieu, les sénateurs ont souhaité supprimé l'article 2 concernant l'accès simplifié aux règles de droit, au motif que cette disposition ne présentait pas un caractère normatif. Selon votre commission, cet article, d'après lequel la diffusion des textes juridiques constitue une mission de service public, a toute sa place dans un texte qui vise à rapprocher l'administration des citoyens.

Ensuite, le Sénat a rétabli l'article 5 bis qu'il avait adopté en première lecture, en étendant à l'ensemble des associations qui forment un recours pour excès de pouvoir en matière d'urbanisme, l'obligation de consigner une somme d'argent auprès du greffe du tribunal administratif, afin de lutter contre les recours abusifs. Outre le fait que cette disposition rompt le principe d'égalité entre les justiciables, son introduction dans un texte dont l'objet est d'accroître les droits des citoyens paraît pour le moins inopportune et la commission s'y oppose donc vivement.

Ensuite, le Sénat a profondément modifié les articles 24 à 26 relatifs aux maisons de services publics, en réintroduisant les dispositions les concernant dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 4 février 1995.

Il a également supprimé toute référence à la position statutaire des agents amenés à y travailler, ainsi qu'à la possibilité d'aller au devant des populations ayant des difficultés à se déplacer. La commission a donc réintroduit ces dispositions, sans toutefois mépriser le souci légitime, exprimé par le Sénat, de cohérence des textes : c'est le sens de son amendement après l'article 24.

A la différence de la loi du 4 février 1995, qui posait seulement un principe sans préciser les modalités de sa mise en _uvre, le présent projet offre aux maisons de services publics une armature juridique homogène. Le rassemblement en un lieu unique de l'ensemble des services et guichets est de nature à faciliter grandement les relations des citoyens avec leurs administrations, dont ils assimilent trop souvent la fréquentation à un parcours semé d'embûches et de complications inutiles.

Enfin, les sénateurs ont supprimé purement et simplement les articles 26 quater et quinquies, visant à donner force de loi à la jurisprudence dite «Berkani» qui étend la qualité d'agent public aux agents de droit privé travaillant pour un employeur public. Les personnes concernées attendent avec une légitime impatience cette consolidation de leur situation professionnelle, la commission a rétabli ces articles, sans toutefois reprendre, faute d'une étude préalable exhaustive et rigoureuse, les dispositions excluant les recrutés locaux.

Je rappelle, en guise de conclusion, l'attachement de nos concitoyens à ce texte attendu depuis de nombreuses années, et souligne que les avancées qu'il comporte ne pourront prendre effet sans le concours des agents de la fonction publique Il ne saurait être utilisé pour dresser les citoyens les uns contre les autres, pour opposer fonctionnaires et usagers : c'est tous ensemble que nous devons _uvrer pour un approfondissement de l'Etat de droit et de la démocratie (Applaudissements).

M. Jean Pontier - L'étranger goguenard juge souvent inflationniste notre fringale législative et hypertrophiée notre organisation administrative, et pourtant notre système fait l'envie et l'admiration de nombre de pays. De même, si dans chaque Français sommeille un critique peu amène envers l'Administration -avec un grand A-, il n'en rêve pas moins, pour ses enfants, d'une carrière dans la fonction publique, sécurité de l'emploi oblige en ces temps de chômage... (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Il n'est donc pas paradoxal qu'un texte, un de plus, s'emploie à améliorer les rapports de l'usager avec l'administration, entendue au sens large : Etat, région, département, commune, hôpital, EDF, Poste, France Télécom, SNCF, Compagnie nationale du Rhône, Sécurité sociale, ASSEDIC, CAF, et même certaines grosses associations investies d'une mission de service public.

Si les poncifs dont étaient souvent accablées, jusque dans les années soixante-dix, les demoiselles des PTT ou de la Sécurité sociale, ont disparu de l'imagerie populaire, il n'en demeure pas moins qu'un mauvais aiguillage téléphonique, un abus des sigles, une réponse absconse ou jargonnante, voire, pire, une absence de réponse, des horaires d'ouverture inadaptés, une grève non arbitrée ravivent la critique de la raison administrative. On l'a compris : tout peut, chez les Gaulois, donner lieu à de véhémentes récriminations, tout et même pas grand-chose, car ce sont souvent moins les affaires les plus complexes que les petits riens venant perturber le cours stressé de notre existence, qui suscitent notre ire. L'administration devient la marâtre du citoyen, une figure anonyme qui dit non, un pouvoir sans visage qui empêche d'agir (Sourires et marques d'approbation sur de nombreux bancs).

Et pourtant, quand l'usager rencontre celui ou celle qui l'écoute, le conseille, lui explique la procédure, lui dit ce qu'il peut raisonnablement attendre ou redouter, le jugement de valeur devient radicalement différent de l'appréciation habituelle, même si le propos est nuancé in fine par l'affirmation d'avoir eu affaire à une personne d'exception. Cela signifie que notre relation avec l'administration est avant tout fonction des qualités relationnelles des personnes qui la composent : cela commence par un sourire au guichet, un mot de courtoisie au téléphone, un accusé de réception d'un courrier, cela se poursuit par la désignation d'un interlocuteur et par une évaluation de la durée de traitement du dossier, cela se clôt par une décision -d'acceptation ou de rejet- et par l'indication des voies de recours. Tout le contraire, donc, de la sécheresse de l'accueil et de l'engrangement de l'affaire dans le tonneau des Danaïdes d'une administration lointaine, sourde, muette, anonyme et irresponsable...

Le texte qui nous est soumis vise à rendre les services publics plus accessibles, plus compréhensibles et, surtout, plus transparents. C'est un acte politique important, qui s'inscrit dans la politique de réforme de l'Etat conduite par le Gouvernement. On y retrouve certaines mesures déjà préconisées par vos prédécesseurs, Monsieur le Ministre, mais non mises en _uvre : je pense, entre autres, à la fin de l'anonymat dans les correspondances et les décisions administratives, ainsi qu'à l'obligation de transparence financière, notamment pour les organismes financiers fonctionnant avec des fonds publics. Il conviendrait, à cet égard, que les autorités de contrôle ou de tutelle n'interviennent pas comme les carabiniers, c'est-à-dire lorsqu'il est trop tard...

L'obligation de prendre en considération toute lettre émanant d'un citoyen sera ressentie, à coup sûr, comme une petite révolution dans nombre de préfectures et d'administrations centrales. Il ne faudra donc pas transiger. Le raccourcissement du délai de décision, ramené de quatre à deux mois, correspond aux conditions modernes du traitement de l'information. Quant à la codification, espérée depuis si longtemps, il faudra y consacrer les moyens nécessaires.

Le renforcement du Médiateur vient à point nommé. La réussite de cette institution est consacrée par la possibilité d'autosaisine qui lui est ouverte et par celle de médiation locale offerte à ses délégués départementaux. En revanche, ni le rôle ni la fonction du «médiateur des enfants», créé à l'initiative du Parlement des enfants, ne sont même esquissés, puisqu'il ne saurait y avoir de médiateur-bis au sein de la République.

Enfin, à l'instar des maisons du droit et de la justice, dont le succès ne se dément pas, vont être créées des maisons des services publics. Cette initiative mérite d'être soutenue, car tout ce qui permet de traiter les dossiers au plus près du citoyen, d'apporter à ce dernier une réponse rapide, est de bonne administration, mais plutôt que de laisser chaque service public arrêter lui-même les modalités, mieux vaut confier la conduite des opérations au représentant de l'Etat dans le département.

En résumé, l'excellente réforme qui nous est présentée, et dont la modestie n'est qu'apparente, requiert quelques moyens. Il faudra convaincre les agents chargés de sa mise en _uvre de s'interroger sur leurs pratiques et inciter les cadres à faire preuve de pédagogie, sans quoi elle ne sera pas effective. Comme j'adhère à la lettre et à l'esprit du projet, je le voterai sans réserve (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Antoine Leonetti - Chacun s'accorde à vouloir une administration plus proche, plus diligente et plus facile d'accès. C'est l'un des enjeux essentiels de la réforme de l'Etat.

M. René Dosière - Encore faut-il qu'il y ait assez de fonctionnaires !

M. Jean-Antoine Leonetti - Le texte voté en première lecture par l'Assemblée le 27 mai dernier reprend la quasi-totalité du contenu du projet Perben. Seul le titre Ier, relatif à l'accès aux règles de droit et à la transparence administrative, est nouveau. Le Sénat a supprimé les dispositions dépourvues de caractère normatif, accru la transparence administrative, renforcé les droits des tiers, conforté le rôle du Médiateur et clarifié le cadre législatif des maisons de services publics.

En deuxième lecture, il a repris les dispositions antérieures.

Le projet comporte des dispositions qui vont dans le bon sens : accélération du traitement des demandes du public, renforcement des procédures contradictoires préalables, amélioration de la transparence financière, possibilité pour le médiateur de s'autosaisir, personnalisation des relations entre l'administration et les citoyens... Bref, ce projet comporte des choses bonnes et nouvelles... mais les choses bonnes ne sont pas nouvelles, venant de votre prédécesseur, et les nouvelles ne sont pas toujours bonnes, par manque de cohérence et d'équilibre.

Manque de cohérence, tout d'abord. Je ne reviens pas sur le problème de la codification : il est légitime que le Gouvernement veuille rattraper son retard dans ce domaine, mais le recours aux ordonnances n'est pas conforme aux principes démocratiques. Quant à l'injonction à légiférer, elle n'est pas une solution réaliste. Mieux vaudrait s'attaquer à la racine du problème, en légiférant mieux et réglementant moins, puisque le Gouvernement est à l'origine de plus de 90 % de la législation. Les lois d'affichage qu'il multiplie servent moins à régler les problèmes qu'à faire passer des messages politiques, et s'accumulent inutilement dans les administrations.

Dans le domaine de l'accès au droit, le Gouvernement et les services de l'Etat devraient donner l'exemple. Or on sait le retard chronique -qui peut atteindre des mois, voire des années- avec lequel le Gouvernement répond aux questions écrites des parlementaires. Les collectivités locales aussi ont parfois beaucoup de mal à obtenir des services de l'Etat les renseignements qui leur sont nécessaires.

Une autre incohérence est l'introduction, dans un projet qui entend améliorer la lisibilité de la norme juridique d'un escadron de «cavaliers législatifs» dont le contenu n'est pas nécessairement infondé, mais qui auraient souvent mérités un vrai débat : nouvelle dénomination pour les secrétaires généraux de mairie, modification du code des pensions civiles et militaires, situation juridique des agents publics en poste à l'étranger, application législative de la jurisprudence Berkani, validation des décisions individuelles de l'office national de la chasse...

C'est un inventaire à la Prévert. L'amendement qui valide les épreuves de première année de médecine de la faculté de Montpellier était nécessaire, mais il n'entretient qu'un rapport indirect avec le contenu du projet en discussion. C'est pourquoi j'ai déposé, au nom du groupe UDF, une proposition de loi visant à cette validation. Cette voie aurait sans doute été préférable, car la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel tend à encadrer strictement le droit d'amendement, notamment quant au lien avec le texte en discussion.

Votre projet manque également d'équilibre. Les dispositions relatives aux maisons des services publics n'écartent pas le risque d'un déséquilibre de charge entre l'Etat et les collectivités locales. Les modalités de financement de ces maisons inquiètent les élus locaux ; elles risquent notamment de faire peser à terme un poids financier démesuré sur les collectivités locales. Elles traduisent une fois de plus la tendance de l'Etat à transférer des missions aux collectivités sans leur en donner les moyens.

Il importe par ailleurs d'éviter que le projet soit perçu comme une remise en cause de la qualité du travail des agents publics. Les dysfonctionnements administratifs actuels relèvent davantage -je rejoins sur ce point M. Dosière- d'un manque de temps et de moyens que de la mauvaise volonté des agents. Ces derniers sont souvent l'objet, dans une société de plus en violente, d'insultes et de menaces.

C'est dire que la levée de l'anonymat ne doit pas mettre en danger la sécurité des agents de l'administration, parfois obligés d'opposer des refus aux administrés, notamment dans le domaine social.

Le groupe UDF est donc soucieux d'améliorer les relations réciproques entre les citoyens et l'administration, afin d'établir un équilibre entre les droits et devoirs de chacun. Le texte s'intitule «droit des citoyens dans leurs relations avec les administrations» : il devrait se nommer «droits et devoirs des citoyens».

Enfin, dans le contexte d'une judiciarisation excessive de la société, les recours abusifs sont en augmentation constante. Un tout petit nombre d'individus, incapables de se faire élire, s'érigent en petits procureurs, se constituant en associations, dont la représentativité n'est pas toujours suffisamment vérifiée et l'intérêt à agir peu transparent. Sans prendre de risques, ils défendent souvent des intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général. Les requêtes abusives représentent une réelle source de dysfonctionnement pour l'administration qu'elles paralysent comme pour la justice qu'elles encombrent. Comment lutter contre elles sans limiter l'accès des citoyens à leurs administrations et à la justice ? Voici le vrai débat. Vous avez rejeté les amendements du Sénat qui proposaient une caution financière du requérant, sous prétexte, dans un premier temps qu'ils s'adressaient uniquement aux associations de défense de l'environnement. Le Sénat les ayant sagement élargis à toutes les associations, vous avez argué qu'ils créaient une inégalité par l'argent... Vous avez déclaré étudier avec le Garde des Sceaux la réponse adaptée à ces recours abusifs, mais sans nous donner la moindre piste. Puisque vous reconnaissez que ce phénomène existe, il fallait équilibrer votre texte en protégeant les décideurs locaux et l'administration. De votre propre aveu, le texte n'assure pas l'équilibre nécessaire entre les droits et les devoirs des citoyens. Pour toutes ces raisons, le groupe UDF s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Georges Tron - Comme je vous l'avais dit en première lecture, Monsieur le ministre, le groupe RPR n'a aucune opposition de principe au présent projet. La préoccupation qui l'anime est au c_ur des réflexions qu'ont menées les gouvernements successifs sur le fonctionnement de notre démocratie. Dominique Perben avait engagé lui-même les grandes orientations que reprend votre texte, et il n'y a pas là matière à polémique.

Force m'est cependant de souligner à nouveau la contradiction entre votre souci affiché d'améliorer les relations entre l'administration et les administrés et la procédure par ordonnances que vous mettez en _uvre pour la codification des textes. Le dessaisissement du Parlement qui en résulte traduit de votre part un souci d'éviter le débat sur la mise en ordre de notre arsenal juridique. Je ne puis m'empêcher de relever le mauvais hasard qui nous conduit à étudier les deux textes un même soir.

Pour revenir au présent projet, le groupe RPR adhère aux principes de simplicité, de transparence et de proximité qu'a rappelés en commission notre excellent rapporteur, Mme Ledoux. Nos concitoyens se sentent aujourd'hui démunis face à l'administration, laquelle leur impose des contraintes qui leur paraissent démesurées au regard de ses pouvoirs. C'est ce que le projet entend corriger.

Ainsi une personne tenue de respecter une date limite pourra y satisfaire par un envoi effectué au plus tard à la date prescrite, le cachet de la poste faisant foi. Cette mesure supprimera de nombreux contentieux, qui se soldaient le plus souvent par un désaveu de l'administré. De même, l'affirmation du droit de toute personne à présenter ses observations écrites ou orales avant la prise d'une décision à son encontre illustre le principe de dialogue auquel nos concitoyens sont de plus en plus attachés. L'élargissement des prérogatives de la CADA va également dans le bon sens, ainsi que la consécration des délégués du médiateur.

Je me réjouis également de la réintégration des dispositions relatives à l'identification de l'auteur d'une décision. Il n'y faut pas voir une culpabilisation, mais une responsabilisation de la fonction publique. J'y insiste : une société a tendance à chercher des boucs émissaires, et l'une des formes les plus injustes de cette tendance consiste à désigner les fonctionnaires à la vindicte populaire. Le grand chantier de la réforme de l'Etat conduira un jour, j'en suis convaincu, à introduire dans l'administration, outre les principes d'évaluation qui y pénètrent aujourd'hui, des principes de responsabilité, de reconnaissance du mérite, voire d'intéressement, qui rendront l'idée d'anonymat plus obsolète encore qu'elle ne l'est déjà.

Je me réjouis donc de l'amendement de la commission à l'article 4. Je ne m'étends pas plus sur tous ces points, qui font l'objet d'un consensus entre les deux assemblées et sans doute au sein de la nôtre.

Je m'interroge, en revanche, sur deux problèmes. Le premier concerne les rapports entre les élus, l'administration et les associations. L'article 5 bis concerne les recours que ces dernières peuvent déposer en matière d'urbanisme. Chaque président d'exécutif local est confronté aujourd'hui à une multiplicité d'interlocuteurs associatifs. Ils revendiquent, à juste titre, en amont un droit à l'information, et en aval une capacité juridique à contester les décisions devant les tribunaux. Chaque maire, notamment dans le domaine de l'urbanisme, doit donc concilier ces revendications et son souci de pouvoir réaliser les équipements ou les opérations programmés. On ne saurait sans mauvaise foi prétendre que toutes les associations usent sans parcimonie de leurs prérogatives. Cependant des abus existent. L'Assemblée a décidé de supprimer le dépôt, rétabli par le Sénat, d'une caution de garantie imposée aux associations qui désirent ester en justice en matière d'urbanisme.

Par ailleurs, l'obligation, pour les organismes qui reçoivent des subventions publiques, de rendre leurs comptes accessibles au public pose la question plus générale de la transparence financière, à laquelle nos concitoyens sont de plus en plus attachés. Ces nouvelles contraintes sont-elles compatibles avec le bénévolat et l'amateurisme qui caractérisent le monde associatif ? Comment faire pour que notre réglementation exclue les abus et les fraudes sans décourager les bonnes volontés et l'initiative ? Le poids politique, au sens noble de ce dernier terme, qui est aujourd'hui celui des associations nous obligera un jour à une réflexion autrement plus approfondie que celle dont témoigne ce projet. La diversité du monde associatif fait sa richesse, mais aussi sa faiblesse car elle entraîne l'affaiblissement de ses ressources financières. Si donc la recherche de plus de transparence est nécessaire, elle est également insuffisante et, par exemple, quel que soit le Gouvernement, il me semble qu'on ne pourra faire l'économie d'une réflexion sur les délégations de puissance publique.

Ma seconde remarque a trait à l'absence de toute disposition relative au rôle et à la place des élus. Il me semble pourtant que, dans ce texte, il eût été opportun de rappeler que ces derniers détiennent la responsabilité politique et ont droit à un statut : n'est-ce pas un facteur de démocratie ? M. Chevènement l'a admis lorsque nous avons traité du cumul des mandats et les difficultés auxquelles ces élus sont aujourd'hui exposés le justifieraient. Or, sauf erreur de ma part, la question est maintenant abandonnée. La responsabilité politique n'est-elle pas, pourtant, au principe d'une bonne relation entre administration et administrés ? N'est-ce pas sous le contrôle des élus que les fonctionnaires agissent ? Je vous concède que l'objet de ce projet n'était pas là mais il fallait au moins marquer l'importance de ce point. Ne sous-estimez pas le malaise qui règne aujourd'hui parmi les élus locaux ! Les fonctionnaires sont d'autant plus exposés que le pouvoir politique est évanescent.

Enfin, et le propos n'est pas polémique, je me demande s'il était bien opportun de traiter ici des questions soulevées par l'arrêt Berkani.

Au total, sans être d'accord avec toutes ces dispositions, nous sommes ouverts à la discussion. Si tous manifestent la même bonne volonté, nous nous abstiendrons, si même nous n'émettons pas un vote favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. Patrice Carvalho - Participant de la réforme de l'Etat, ce projet a permis à chacun d'entre nous de développer ses conceptions quant à la modernisation des services publics. Nous tenons à en rappeler les enjeux pour nos concitoyens. Ainsi nos services publics se doivent de relever pleinement les défis majeurs que sont la lutte contre les exclusions et l'aménagement durable du territoire. A ce titre, le renouveau de notre administration, qui pourrait constituer en soi une finalité pour le rayonnement de notre pays, apparaît aussi de fait comme l'un des instruments privilégiés de la cohésion sociale. Lutter contre les inégalités en garantissant l'égal accès de tous au service public, telle est, à nos yeux, la véritable ambition d'une administration moderne, ayant rompu de manière irréversible avec la conception de l'administré-sujet.

Cependant, pour atteindre ce but, encore faudrait-il qu'elle dispose de moyens suffisants. A ce propos, nous persistons à regretter que la loi relative à la lutte contre l'exclusion ne comporte pas de dispositions à même de faciliter l'accès des exclus aux services publics ; car, s'ils ne s'adressent que rarement aux services administratifs, ce n'est évidemment pas à défaut d'en ressentir le besoin !

Les personnels ne sont, bien entendu, nullement en cause : ne sont-ils pas les premiers à reconnaître et à déplorer le manque de moyens humains et logistiques ?

Aussi, une traduction pleine et fidèle de la jurisprudence dite «Berkani» du tribunal des conflits nous semble-t-elle participer d'une exigence de qualité du service rendu à nos concitoyens : il n'est que justice que l'ensemble des personnels employés par une personne publique gestionnaire d'un service public administratif soient des agents publics.

Pour les mêmes raisons, il paraît indispensable de garantir les compétences des personnels affectés aux maisons des services publics, qui doivent être tous des agents titulaires. Nous devons rompre avec la logique du projet Perben : par essence, le service public doit être étranger à tout rationnement et il est par conséquent bon que ces maisons des services publics n'aient pas un air de «service public minimum» et ne soient ni un palliatif, ni un pis-aller. Au lieu de participer du désengagement entrepris en banlieue et dans les zones rurales, elles doivent contribuer à rendre les services publics plus proches, dans une perspective de développement durable de l'ensemble du territoire.

Toutefois, afin d'éviter que la formule du «guichet unique» ne se transforme en simple parure du pauvre, il convient d'entourer de certaines garanties la polyvalence de ces services. Nous retrouvons là la question des moyens et du statut des agents.

Comme en première lecture, où un certain nombre de nos amendements ont été adoptés, nous travaillerons à conforter la philosophie de ce projet qui permet une amélioration sensible des droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Franck Dhersin - L'actualité corse a mis l'Etat et son organisation sur la sellette. Je ne reviendrai pas sur les polémiques qu'elle a suscitées -rassurez-vous, Monsieur le ministre-, mais elle est révélatrice de graves dysfonctionnements et manquements, ainsi que de la nécessité impérieuse de relancer la réflexion sur la réforme de l'Etat.

Ce projet est empreint de bonnes intentions. Qu'il s'agisse de l'obligation faite aux administrations d'accuser réception des demandes ou de les transmettre au service compétent, de la réduction du délai au bout duquel le silence de l'administration vaut rejet de la demande et de la multiplication des cas dans lesquels il vaudra acceptation, toutes ces mesures contribuent à rendre à l'usager la place centrale qui doit être la sienne. La possibilité pour toute personne de présenter ses observations écrites et orales avant qu'une décision favorable ne soit prise, l'obligation de mentionner les nom et qualité des agents en relation avec les usagers ou la simplification de l'accès aux documents administratifs sont de même nature à établir un lien de confiance entre pouvoirs publics et usagers. Mais n'avez-vous pas repris ici l'économie du projet relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public, présenté par le gouvernement d'Alain Juppé et dont l'examen législatif était presque achevé ?

Cependant, je ne peux que regretter que la majorité ait rejeté des mesures adoptées par le Sénat et qui allaient au bout de la logique de transparence et de simplification. En effet, quand on entreprend de rendre l'administration plus proche des citoyens en en allégeant le fonctionnement, ne faut-il pas appliquer la même volonté au texte même qui y tend ? Le Sénat, avait donc raison, en deuxième lecture, de supprimer l'obligation faite aux autorités administratives d'organiser un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent, cette obligation n'ayant pas valeur normative et alourdissant inutilement la rédaction.

Je regrette également que la commission ait supprimé l'article 5 bis qui prévoyait la consignation d'une somme d'argent par les associations de sauvegarde de l'environnement lorsqu'elles déposent un recours pour excès de pouvoir. Il ne s'agit pas ici de brider l'exercice d'éventuels contre-pouvoirs, mais bien de favoriser la démocratie locale en permettant aux pouvoirs publics d'agir, sans être paralysés par des recours excessifs.

S'agissant des maisons de services publics, déjà expérimentées par Dominique Perben, elles m'apparaissent comme un moyen d'assurer un service public de qualité, répondant aux attentes des usagers, mais aussi un service continu. Encore faut-il que les modalités prévues pour leur développement soient efficaces. L'article 24 vise à offrir un cadre juridique souple pour leur création et leur maintien. Or, dans la mesure où la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire donne déjà la possibilité à l'ensemble des acteurs locaux et à l'Etat de mettre en commun des moyens pour assurer l'accessibilité et la qualité des services publics, il apparaît inutile d'alourdir le présent texte par une répétition.

Par ailleurs, la mention selon laquelle les agents exerçant leurs fonctions dans des maisons de services publics sont régis par les dispositions prévues par leur statut ou les dispositions législatives ou réglementaires les concernant, si elle a le mérite de rassurer les intéressés, relève de l'évidence et donc ne fait aussi qu'alourdir ce projet.

Votre projet tire les conséquences de la jurisprudence Berkani, selon laquelle les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi, et il pose le principe de l'engagement des agents non titulaires de l'Etat sous contrat à durée indéterminée de droit public. Cependant, la notion de contrat de droit public suppose que celui-ci est conclu pour une durée déterminée. L'article 26 quater du projet de loi constitue une exception notable en prévoyant l'existence de contrats à durée indéterminée, ce qui introduit une incertitude sur les conditions dans lesquelles l'employeur public pourrait rompre ces contrats. Si l'introduction de ces dispositions dans la loi confère une plus grande sécurité juridique, des incertitudes persistent qui exigent une analyse approfondie. Ne l'occultons pas par précipitation.

Les dispositions du projet, prises l'une après l'autre, semblent aller dans le bon sens. Ce texte engage-t-il pour autant la réforme de l'Etat qui serait nécessaire ? J'en doute. Et je crains surtout que vous vous abritiez derrière ce texte technique pour différer les réformes de fond qui s'imposent. Or la crise de l'Etat est manifeste -les derniers événements ne me contrediront pas. L'Etat dépense trop et mal, pour une efficacité parfois douteuse. Les domaines qui relèvent de ses missions propres sont ceux dont le crédit est le plus mis à mal. Je pense à la justice dont 67 % des Français estiment qu'elle ne remplit pas son rôle, sans parler de la sécurité -les chiffres de la délinquance parlent d'eux-mêmes.

Dans une société toujours plus ouverte sur le monde, toujours plus diverse, il est illusoire de vouloir maintenir envers et contre tout une action administrative uniforme. N'ayons pas peur ! Donnons aux citoyens, aux associations, aux collectivités locales les moyens de leurs ambitions : ils sont les mieux placés pour savoir ce qui est bon pour eux. Pourquoi la récompense au mérite et l'innovation feraient-elles peur seulement en France ?

Ce projet de loi recèle de bonnes intentions qui ne peuvent toutefois masquer le manque d'ambition de votre Gouvernement en la matière. Il faut aller plus loin. Le groupe Démocratie libérale souhaite une réforme de l'Etat digne de ce nom, ambitieuse et cohérente, et ne se satisfait pas de mesures techniques. Pour ces raisons, il s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. le Ministre - Je tiens d'abord à remercier Mme Ledoux qui a tenu à rapporter elle-même le projet, en dépit de l'incident de santé qu'elle a connu cet après-midi.

Monsieur Dhersin, vous avez réussi à rattacher les événements de Corse au présent texte : il fallait le faire !

Vous m'avez reproché, avec M. Leonetti, de n'avoir pas défini précisément les recours abusifs. Cette notion, qui ne figurait aucunement dans le texte initial, a été introduite par le Sénat.

M. Franck Dhersin - Existe-t-il ou non des recours abusifs ?

M. le Ministre - Oui.

M. Franck Dhersin - Alors, pourquoi ne pas en parler ?

M. le Ministre - Certes, mais une analyse plus approfondie que celle menée par le Sénat serait nécessaire.

Monsieur Tron, j'ai apprécié le ton de votre intervention. Vous avez évoqué la question du statut et de la responsabilité des élus : à mon sens, elle ne relève pas de ce texte. Cela étant, je ne perds jamais de vue que la responsabilité concerne à la fois les élus et les fonctionnaires, ceux-ci exécutant les décisions prises par ceux-là.

Monsieur Pontier, j'ai apprécié la façon dont vous avez dépeint les relations entre l'administration et ses usagers. Vous avez reconnu que les mesures prises vont dans le bon sens, je vous en remercie. C'est une tâche de bénédictin, j'en conviens avec vous.

Monsieur Carvalho, vous avez regretté que le personnel des MSP ne soit pas composé exclusivement de fonctionnaires titulaires. Ce n'est pas possible car ces maisons regroupent des services publics de statuts juridiques différents, dont les personnels ont des statuts très différents. En revanche, il est prévu que le responsable de chaque MSP sera nécessairement un fonctionnaire, ce qui n'était pas le cas auparavant. Voilà qui devrait rassurer les organisations syndicales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

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ART. 2

M. François Colcombet - Le Sénat a supprimé cet article relatif à l'accès au droit. Il convient de le rétablir car il est au fondement de cette loi. Longtemps, la classe dirigeante s'est réservé la production et la maîtrise du droit. L'acte fondateur de la République romaine réside dans une révolte de la plèbe contre les patriciens : les plébéiens voulaient que la loi soit publiée et affichée au forum. Les révolutionnaires de 1789 revendiquaient pour leur part que la loi soit connue et que toute peine soit fixée par la loi. Malheureusement, il ne suffit pas de faire de bonnes lois, voire de les afficher, pour que chacun ait accès au droit. Cet accès peut être contrarié par des barrages culturels mais aussi économiques : tout le monde n'a pas les moyens de s'offrir les conseils d'avocats ou de notaires. Il n'est donc pas inutile de rappeler solennellement que tout doit être fait pour que des catégories de la population, d'ordinaire exclues du droit, puissent y avoir accès. La codification, dont nous avons débattu tout à l'heure, va dans ce sens. Le développement de l'aide judiciaire, qui a notamment permis à de nombreuses femmes qui le souhaitaient mais n'en avaient pas les moyens, de divorcer, a également facilité cet accès ; la création de maisons de services publics, où est mise à la disposition des citoyens l'information claire à laquelle ils ont droit, également.

Mme le Rapporteur - Je n'en dirai pas davantage sur l'amendement 6 qui tend à rétablir l'article : tout a été dit.

M. le Ministre - En effet. M. Colcombet vient de renvoyer dans leurs buts ceux qui s'interrogeaient sur l'utilité d'inscrire dans la loi de tels principes généraux. Avis favorable donc à l'amendement.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 est ainsi rétabli.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

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ART. 4

Mme le Rapporteur - L'amendement 7 tend à rétablir le texte voté par l'Assemblée nationale.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 est ainsi rétabli.

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ART. 5 BIS

Mme le Rapporteur - L'article 5 bis, introduit par le Sénat en première lecture, contraignait les associations de sauvegarde de l'environnement à déposer une caution lorsqu'elles formaient un recours contre une décision d'urbanisme. L'Assemblée nationale l'a supprimé en première lecture au nom de l'égal accès de tous à la justice. Pourquoi imposer cette obligation aux seules associations de protection de l'environnement ? Cette disposition serait contraire à l'esprit de notre texte qui est de renforcer les droits des citoyens. Par ailleurs, le juge administratif peut déjà sanctionner les recours abusifs.

En deuxième lecture, le Sénat a réécrit l'article 5 bis en étendant l'obligation à toutes les associations, et essayant ainsi de vous faire croire que les associations de sauvegarde de l'environnement n'étaient plus dans la ligne de mire. Mais pourquoi les associations seulement et pas les particuliers ou les personnes morales ? La commission vous propose à nouveau de supprimer l'article.

M. le Ministre - J'ai déjà donné les raisons de mon avis favorable.

M. Georges Tron - Le problème soulevé par mes deux collègues demeure. L'obligation reconnue ou contestée aux associations à l'article 5 bis concerne bien les élus. Beaucoup d'associations usent avec modération du droit d'ester en justice, mais d'autres le font de façon tellement systématique, comme vous l'avez reconnu, que les élus ont des difficultés à réaliser des équipements publics indispensables. On ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion approfondie sur le fonctionnement du monde associatif.

M. Jean-Antoine Leonetti - Dans la République, il existe pour les citoyens un équilibre entre les droits et les devoirs. L'amendement du Sénat peut bien être maladroit ou insuffisant, reste que les recours abusifs existent. Au Sénat, vous avez déclaré réfléchir avec le Garde des Sceaux à une solution. Si c'est bien le cas, une proposition de solution alternative à celle du Sénat aurait été bienvenue. Mme le rapporteur a confirmé que ce texte était destiné uniquement à renforcer les droits des citoyens, et non pas à établir un équilibre entre les droits et les devoirs.

M. Gérard Fuchs - L'amendement du Sénat nous ramène à une conception censitaire de la démocratie.

M. Arnaud Montebourg - Très bien !

M. Gérard Fuchs - Les recours abusifs, quand ils existent, sont sanctionnés par les tribunaux. Je ne souhaite pas que l'Assemblée revienne à la période pré-révolutionnaire.

M. le Ministre - Oui, il existe des recours abusifs. Mais tous les recours ne le sont pas, et ne doivent pas être soupçonnés de l'être.

MM. Georges Tron et Jean-Antoine Leonetti - Personne n'a dit cela !

M. le Ministre - Peut-être un peu ! En tout cas la plus mauvaise réponse serait le système censitaire.

L'amendement 8, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 bis est supprimé.

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APRÈS L'ART. 5 BIS

M. Franck Dhersin - Mon amendement 43 tend à ce que seules les associations agréées de défense de l'environnement puissent intenter des recours contre les permis de construire, sauf pour la protection des intérêts patrimoniaux de l'association. Je ne suis ni pré-révolutionnaire ni censitaire, mais je suis maire et j'ai vécu ce type de problème : il s'agissait d'installer un supermarché de moins de 3 000 m2 dans un quartier d'habitations sociales qui n'avait plus de commerces. Je me suis heurté à une association de défense, dont le président, le vice-président, le trésorier...

M. Arnaud Montebourg - C'est la démocratie !

M. Franck Dhersin - ...étaient une seule et même personne, à savoir la caissière de la société concurrente (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Il existe aujourd'hui des moyens utilisés pour empêcher des projets désirés par la population. Ce n'est pas tout à fait normal. D'où cet amendement qui ne me paraît pas excessif, par rapport à des recours excessifs.

Mme le Rapporteur - Rejet. En première lecture, vous aviez présenté le même amendement. La commission l'avait rejeté, et vous l'aviez retiré en séance parce que nous vous avions convaincu. Aujourd'hui nous n'y parvenons pas. Cet amendement crée bien une discrimination entre les associations, en violation du principe constitutionnel de l'égal accès au droit.

M. le Ministre - Avis défavorable.

M. Georges Tron - Nous n'allons pas, au cours du débat, nous contenter de recevoir, en guise de réponses, des évocations de l'histoire de France. Soyons sérieux ! Certains d'entre nous exercent des responsabilités municipales. Aucun ne prétend qu'il faille supprimer aux associations le droit d'ester en justice. Mais ce serait peut-être améliorer le fonctionnement de la démocratie que de voir comment un projet voulu par la population pourrait ne pas être éternellement retardé par des recours abusifs.

En d'autres circonstances, il vous est arrivé d'évoquer ceux qui se servent des procédures de justice pour retarder les décisions de justice. Pourquoi ne pas examiner sereinement l'idée selon laquelle c'est servir le fonctionnement de la démocratie que d'empêcher qu'il soit paralysé par certains excès ? Face à un vrai problème, évitons les caricatures (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL).

M. Arnaud Montebourg - A un moment où l'utilisation de la procédure pénale contre des décideurs publics fait l'objet de multiples critiques, tournons-nous vers la juridiction administrative qui, je le rappelle, n'attaque pas l'élu, mais la personne morale de droit public qui a commis un excès de pouvoir en ne respectant pas certains textes dont nous parlementaires sommes souvent responsables de la surabondance ou du caractère tatillon. En revanche, je ne vois pas que les associations, qui ne font que leur travail, qui sont la vie même de notre démocratie, seraient en quoi que ce soit responsables. Cette responsabilité est plutôt la nôtre, en ne permettant pas suffisamment le recours administratif. Je vous renvoie donc à la procédure de référé administratif, que la Garde des Sceaux nous proposera bientôt de rénover. J'espère que vous serez à nos côtés dans ce travail.

M. François Colcombet - La loi sur les associations est une grande conquête républicaine. Quand en 1970 M. Marcellin a voulu subordonner la constitution des associations à une autorisation administrative, le Conseil constitutionnel lui a donné tort. Les associations sont beaucoup plus utiles qu'elles peuvent être gênantes. Elles sont le signe même de la liberté.

La même remarque vaut pour la loi sur la presse.

M. Franck Dhersin - Vous faites semblant de ne pas comprendre.

M. François Colcombet - Le Gouvernement va proposer une extension du référé administratif, qui permettra d'aller plus vite. Il faut juger rapidement, mais il faut juger. Les associations doivent pouvoir s'exprimer. Les droits de la caissière sont aussi respectables que ceux du maire ou du propriétaire.

L'amendement 43, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ART. 8

Mme le Rapporteur - L'amendement 9 tend à revenir au texte de l'Assemblée.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme le Rapporteur - L'amendement 10 tend à éviter une confusion entre le champ d'application de la présente loi et celui de la loi LADA. Il faut en effet éviter d'exclure la communication des documents établis par des services publics industriels et commerciaux tels que l'INSEE ou Météo France.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

Mme le Rapporteur - L'amendement 11 vise à revenir au texte de l'Assemblée.

M. le Ministre - Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 11, mis aux voix, est adopté.

Mme le Rapporteur - L'amendement 12 tend également à revenir au texte de l'Assemblée.

M. le Ministre - Avis défavorable. Le Sénat avait supprimé la référence à l'article L. 111 du livre des procédures fiscales parce qu'il considérait, et le Gouvernement avait alors partagé ce point de vue, que les particularités de cet article risquaient de forcer la CADA à restreindre l'accès aux documents fiscaux, à l'inverse donc du résultat recherché. C'est par souci d'éviter des difficultés de conciliation des textes que j'ai préféré mettre à part le cas de l'article L. 111 et que j'émets un avis défavorable à l'amendement 12.

Mme le Rapporteur - Il s'agit d'étendre la compétence de la loi CADA à la communication de documents prévus dans des lois spécifiques. L'article L. 111 du livre des procédures fiscales autorise la communication des listes des personnes assujetties à l'impôt. Vous craignez, Monsieur le ministre, que cette extension de compétence de la CADA ne s'oppose à la communication de ces documents particuliers parce qu'ils contiennent des informations nominatives. Mais comme vous l'avez dit, la règle spéciale déroge à la règle générale. La CADA devra faire respecter avant tout la volonté du législateur qui a souhaité de manière explicite la communication des listes de personnes assujetties à l'impôt. De plus, l'intervention de la CADA protégera l'administration des demandes abusives et le citoyen. Pour ces raisons, notre commission a souhaité rétablir la référence à l'article L 111.

L'amendement 12, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 8 BIS

Mme le Rapporteur - L'amendement 13 est rédactionnel.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 bis, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 10

M. le Ministre - L'amendement 5 prend en compte diverses critiques de votre assemblée en première lecture. Vous aviez craint que de nouvelles obligations ne soient mises à la charge des associations. C'est pourquoi, cet amendement tend à reprendre les obligations qui existent déjà pour les associations subventionnées.

De même, le champ d'application se réduit désormais aux organismes subventionnés. Les régimes d'aides, qui concernent essentiellement les entreprises, ne donnent pas lieu dans cette version à communication des comptes. Contrairement aux subventions, en effet, les régime d'aides sont encadrés par des textes qui précisent dans quelles conditions elles peuvent être versées. L'obligation de transparence est plus pertinente pour les cas où la collectivité dispose selon sa décision des sommes qu'elle affecte aux subventions.

Je suis d'avis que la notion de compte d'emploi est pertinente pour déterminer si une subvention a été utilisée conformément à son objet. Pour que les obligations des deux parties soient claires, le texte institue également une obligation de conventionner, au-dessus d'un seuil à fixer par décret. Enfin, la consultation n'interviendra pas au siège des associations mais par l'intermédiaire de la collectivité qui subventionne ou de la préfecture. J'ajoute que ce texte a reçu un accueil très favorable du Conseil national de la vie associative, qui souhaite entrer dans cette voie de transparence et de clarification des obligations réciproques.

Mme le Rapporteur - Avis très favorable de la commission.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

L'article 10 est ainsi rédigé.

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ART. 13 BIS

Mme le Rapporteur - L'amendement 14 est rédactionnel et tend à revenir au texte de l'Assemblée.

L'amendement 14, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 13 bis modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 13 TER

Mme le Rapporteur - L'amendement 15 vise également à revenir au texte de l'Assemblée.

L'amendement 15, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 13 ter, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 14

Mme le Rapporteur - Il en est de même pour l'amendement 16.

L'amendement 16, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 14, ainsi modifié.

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ART. 16 A

Mme le Rapporteur - L'amendement 17 est un amendement de coordination.

M. le Ministre - Avis favorable. Il s'agit d'un amendement de conséquence de celui qui a rétabli dans sa logique l'article 4.

L'amendement 17, mis aux voix, est adopté.

L'article 16 A se trouve donc supprimé.

L'article 20, mis aux voix, est adopté.

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ART. 21

Mme le Rapporteur - L'amendement 18 vise à éviter de rétablir un délai de quatre mois pour les demandes émanant de tiers, alors que l'ensemble des délais a été fixé à deux mois.

M. le Ministre - La question du retrait des décisions implicites illégales a suscité depuis l'ouverture du débat parlementaire des prises de position très contrastées, qui traduisent la difficulté de trouver un compromis entre deux exigences contradictoires : d'un côté, assurer le respect de la légalité et de l'autre, garantir la sécurité juridique des situations résultant d'une décision de l'administration. Je m'en remets sur ce point à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 18, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 21 ainsi modifié.

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ART.22

Mme le Rapporteur - L'amendement 19 ne restreint pas le champ d'application de la procédure contradictoire prévue à l'article 22. Il tend simplement à prévenir des conflits de procédure entre l'article 22 et les procédures spécifiques prévues soit à l'article 22 bis soit dans le code de la sécurité sociale. Il est destiné à ne pas introduire de confusion.

L'amendement 19, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté de même que l'article 22 ainsi modifié.

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ART. 22 BIS

Mme le Rapporteur - Les amendements 20 et 21 sont rédactionnels, et je salue au passage le travail des services de la CNAF, avec lesquels nous avons étroitement collaboré pour les rédiger.

Les amendements 20 et 21, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 22 bis, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 24

Mme le Rapporteur - L'amendement 22 rétablit le texte voté par l'Assemblée en première lecture, texte qui comporte des dispositions essentielles sur le statut des personnels amenés à travailler dans les maisons des services publics et sur les modalités d'accès des personnes ayant des difficultés à se déplacer. En outre, la présente loi ayant trait à l'amélioration des rapports entre les citoyens et l'administration et non à l'aménagement du territoire, il n'y a pas lieu d'inscrire cet article dans la LOADT.

M. Patrice Carvalho - Notre sous-amendement 32 a pour objet de garantir la compétence des personnels mis à la disposition des maisons des services publics, en précisant qu'il s'agira d'agents titulaires, car le recours à des emplois précaires ferait de ces institutions naissantes des services publics au rabais, ce qui serait intolérable. Notre sous-amendement 33 prévoit que la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics sera consultée avant toute création de maison des services publics.

M. le Ministre - Le Gouvernement est d'autant plus favorable à l'amendement de la commission qu'il rétablit une disposition garantissant le statut et la situation des agents affectés aux maisons des services publics. Il est défavorable, en revanche, aux sous-amendements de M. Carvalho, car les préoccupations que ce dernier a exprimées sont déjà satisfaites par l'amendement de la commission, d'une part, et par la LOADT, d'autre part. Au demeurant, il ne serait pas raisonnable d'interdire aux agents non titulaires de l'administration de demander leur détachement dans des maisons des services publics, où travailleront, entre autres, des personnels fournis par des organismes de droit privé.

Mme le Rapporteur - La commission a repoussé les deux sous-amendements pour les mêmes raisons.

M. Georges Tron - L'idée de créer des maisons des services publics n'est pas mauvaise, mais les collectivités locales ne risquent-elles pas d'être contraintes, à terme assez court, de prendre en charge une partie de leur financement, comme elles le font déjà pour de nombreux équipements publics, notamment en banlieue ? Quant au souhait exprimé par M. Carvalho, il n'est pas aberrant, car les maisons de quartier et bon nombre de structures relevant de la politique de la ville fonctionnent, pour l'essentiel, grâce à des emplois-jeunes ou à d'autres personnels non titulaires, dont nous autres maires aurons quelque scrupule à nous séparer lorsque leurs contrats seront venus, dans quelques années, à échéance.

M. Jean-Antoine Leonetti - Très bien !

Les sous-amendements 32 et 33, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 22, mis aux voix, est adopté, et l'article 24 est ainsi rédigé.

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APRÈS L'ART. 24

Mme le Rapporteur - L'amendement 23 corrigé introduit une référence explicite à la présente loi dans les lois d'aménagement du territoire de 1995 et de 1999.

M. Patrice Carvalho - Notre sous-amendement 34 est défendu.

Mme le Rapporteur - La commission l'a repoussé, car il serait redondant d'inscrire dans le second alinéa une précision qui figure déjà dans le premier.

Le sous-amendement 34, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 23 corrigé, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

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ART. 25

Mme le Rapporteur - L'amendement 24 rétablit le texte de l'Assemblée.

L'amendement 24, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 25 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 26

Mme le Rapporteur - L'amendement 25 rétablit le texte de l'Assemblée.

M. Patrice Carvalho - Notre sous-amendement 35 précise la philosophie qui doit présider à la création des maisons des services publics : il s'agit bien d'améliorer et de développer la proximité des services publics, en ville et à la campagne.

Mme le Rapporteur - Défavorable : cette précision a déjà été introduite à l'article 24, à la suite d'un amendement de M. Carvalho. Or l'article 26 fait référence à l'article 24, ce qui rend le sous-amendement inutile.

M. le Ministre - Même avis sur le sous-amendement ; avis favorable à l'amendement.

Le sous-amendement 35, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 25, mis aux voix, est adopté.

L'article 26 est ainsi rédigé.

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APRÈS L'ART. 26 BIS

M. Arnaud Montebourg - Mon amendement 31 réagit à une disposition de la loi du 12 juillet 1999 sur la coopération intercommunale. Les deux assemblées se sont accordées, en commission mixte paritaire, sur un texte incluant un amendement adopté par le Sénat, à l'initiative de M. Delevoye. Cet amendement n'a jamais été discuté par notre assemblée, et la CMP l'a tenu pour acquis. Or il a suscité de très fortes réactions chez les magistrats des chambres régionales des comptes. Il dispose en effet que les collaborateurs des cabinets des présidents des assemblées territoriales ne rendent compte qu'à ces autorités. Or ce texte a prêté à une interprétation suggérant qu'en aucun cas ils n'auraient à rendre compte de leur activité aux chambres régionales des comptes. Celles-ci ont élaboré une jurisprudence assez sensible sur la notion d'emploi fictif. Mais certains défenseurs invoquent cet article dans ce cadre : il l'a notamment été à l'occasion du passage de M. Dugouin devant le tribunal d'Evry, afin de faire reconnaître que le juge pénal n'avait pas à se prononcer sur la pertinence de l'utilisation d'un personnel de cabinet, qui ne relèverait d'aucun autre contrôle que celui de l'autorité territoriale... Ce texte rendant possible cette interprétation, j'en propose l'abrogation : ou bien ce qu'il dit va de soi, et il est inutile, ou bien il tend à favoriser une ambiguïté, qu'ont su utiliser d'astucieux avocats, et il faut l'abroger. Il est nuisible au travail des chambres régionales des comptes, dont les magistrats assument une mission difficile sans avoir les prérogatives des juges judiciaires.

M. Gérard Gouzes - Comme rapporteur de la loi sur l'intercommunalité, j'ai pris part à la CMP qu'évoque M. Montebourg. Les commissions paritaires sont peut-être le dernier endroit où les partenaires peuvent légiférer sans la pression de quiconque.

M. Arnaud Montebourg - C'est un peu opaque, non ?

M. Gérard Gouzes - Nullement. La loi du 12 juillet 1999 portait sur d'autres sujets.

Le Sénat a introduit cette disposition pour clarifier les responsabilités respectives du chef de l'exécutif territorial et des responsables de groupes politiques pour ce qui concerne les emplois de cabinet. A aucun moment nous n'avons pensé que cet amendement pouvait prêter à une autre interprétation, selon laquelle le chef de l'exécutif pourrait utiliser ces personnels de manière fictive. Cela allait de soi.

Je comprends toutefois qu'une ambiguïté a pu apparaître après la promulgation de la loi. La disposition n'a en effet jamais fait l'objet d'un débat public ; or la jurisprudence, on le sait, s'appuie souvent sur nos débats. A cet égard, l'amendement de M. Montebourg -que je vais combattre- a le mérite de nous permettre d'en parler, et de préciser qu'en aucun cas ce texte ne permet d'employer fictivement un membre de cabinet. Laissons donc le texte tel qu'il est, puisqu'il a été accepté par une CMP : il n'est pas correct de revenir sur le résultat d'une commission paritaire. Mais je propose par l'amendement 40 de le compléter ainsi : «Cette disposition ne saurait interdire aux juridictions compétentes et aux autorités administratives chargées du contrôle de légalité d'exercer leurs missions dans les conditions de droit commun». Cela va sans dire, mais ira peut-être mieux en le disant. J'espère que M. Montebourg sera ainsi rassuré, et pourra retirer son amendement au profit du mien. Celui-ci précise clairement qu'on ne peut pas interpréter le texte comme certains ont voulu le faire, dans cette ère de soupçon et de paranoïa à laquelle il faudra bien mettre fin un jour, sous peine qu'elle finisse par se retourner contre la démocratie.

Mme le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement 31 et adopté le 40.

M. le Ministre - A l'époque de la CMP, le Gouvernement avait été réservé sur l'amendement sénatorial, parce qu'il ne paraissait pas avoir d'effet juridique nouveau. Il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée sur les deux amendements.

M. Arnaud Montebourg - Je souhaite, pour ma part, que nous nous en remettions à la sagesse de M. Gouzes : les éléments de clarification qu'il propose sont de nature à lever les critiques extérieures comme les doutes personnels.

L'amendement 31 est retiré.

M. Jean-Antoine Leonetti - Je me réjouis que M. Montebourg revienne à la sagesse. Mais je constate que M. Gouzes a plaidé contre M. Montebourg tout en soutenant qu'il fallait apporter une précision... que lui-même reconnaît inutile ! Sommes-nous ici pour rassurer M. Montebourg, ou pour légiférer ? Je crois les deux amendements inutiles. Dans leur commune sagesse, l'Assemblée et le Sénat ont disposé qu'il y avait un service effectué, dont on rendait compte à une autorité : je ne vois pas comment on pourrait, sauf à être particulièrement perverti, interpréter cela comme un service fictif.

M. Gérard Gouzes - M. Leonetti devrait se rallier à l'amendement 40 : voter contre maintenant laisserait supposer que l'ambiguïté était réelle...

M. Georges Tron - Ce propos n'est pas acceptable.

L'amendement 40, mis aux voix, est adopté.

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ART. 26 QUATER

M. Patrice Carvalho - Comme en première lecture, nous regrettons que le Gouvernement recoure à la technique de la «cavalerie» pour présenter des dispositions aussi importantes, touchant au statut des agents non titulaires de la fonction publique. Cette méthode porte atteinte à la qualité du travail législatif, alors qu'il s'agit d'apporter une traduction pleine et entière à la jurisprudence Berkani. Soucieux de résorber la précarité des agents du service public, nous ne pouvons que soutenir cette transposition législative à l'issue de laquelle toute personne employée par une personne publique gestionnaire d'un service public administratif sera un agent de droit public, quel que soit son emploi. Et nous veillerons à ce que la loi ne donne pas une interprétation trop restrictive de la volonté exprimée par le juge !

Par ailleurs, nous jugeons inacceptable que les services de l'Etat à l'étranger continuent de recruter des agents soumis au droit local. Comment se satisfaire d'une situation aussi contraire à la jurisprudence Berkani ? Cette précarisation, justifiée par l'insuffisance des moyens, n'a pas sa place dans un projet visant à garantir la qualité et l'efficacité du service public ! C'est pourquoi nous continuons de revendiquer un accroissement des moyens indispensable pour les agents comme pour les usagers. Il faut mettre un terme au désengagement de l'Etat !

M. le Ministre - L'amendement 38 du Gouvernement tend à réintroduire dans le projet les dispositions tirant les conséquences de la jurisprudence Berkani, supprimées par le Sénat.

La décision du tribunal des conflits en date du 25 mars 1996 a étendu la qualité d'agent de droit public à tout agent non titulaire travaillant dans un service public administratif géré par une personne publique. Je rappelle qu'auparavant, en vertu de la jurisprudence «Dame veuve Mazeran» ces agents pouvaient être de droit public ou privé selon que leurs fonctions comportaient ou non participation directe à l'exécution du service public. Les dispositions proposées ont pour objet d'introduire dans notre droit positif les effets de la nouvelle jurisprudence et de stabiliser dans les meilleurs délais la situation de près de 15 000 agents de la fonction publique d'Etat et de quelques milliers d'autres de la fonction publique territoriale. Ces agents se verront proposer un contrat à durée indéterminée, de droit public : ainsi sera confirmée la jurisprudence «Berkani», conformément à l'attente des gestionnaires comme des personnels qui ont examiné ces dispositions au sein des conseils supérieurs des deux fonctions publiques intéressées.

Toutefois, s'ils le souhaitent, les agents concernés pourront opter, dans un délai d'un an, pour le maintien de leur situation initiale : il est en effet des cas où le contrat de droit privé présente un avantage.

L'urgence d'adopter ces dispositions est réelle : le revirement de jurisprudence appelle en effet une stabilisation rapide de la situation juridique et administrative des agents, leurs droits sociaux, leur rémunération et leurs relations à leur employeur étant en cause.

Certains d'entre vous se sont interrogés sur la portée des dispositions relatives à la gestion des agents recrutés localement par les services de l'Etat à l'étranger. Le Gouvernement a cherché ici, avant tout, à stabiliser une situation actuellement encadrée par la seule jurisprudence du Conseil d'Etat : il consolide la position des agents en fonction tout en préservant pour l'avenir la faculté de recourir à ce type de recrutement, qui répond aux exigences de gestion de nos services à l'étranger.

Cela ne signifie nullement que nous entendions le généraliser : en juin 1997, le ministère des affaires étrangères s'est d'ailleurs engagé à ne plus augmenter le nombre des recrutés locaux.

En second lieu, ces dispositions ne font pas obstacle à une réflexion interministérielle sur la situation de ces agents. D'ores et déjà, le Quai d'Orsay a lancé un plan d'action visant à améliorer leur situation. De manière plus générale, j'ai souhaité modifier le texte initial de manière à confirmer l'engagement pris par le Gouvernement de dresser un bilan de la situation de ces personnels et de cerner les voies et moyens d'une clarification et d'une amélioration. Un rapport en ce sens sera donc remis au Parlement sur le sujet, dans un délai de 18 mois -qui n'est pas excessif, compte tenu de la complexité du problème.

Enfin, dans le souci d'assurer l'application du droit international du travail même dans les Etats où celui-ci est respecté de façon lacunaire, l'amendement met à la charge de notre administration l'obligation de remédier à ces insuffisances.

Le Gouvernement a donc entendu vos objections et y a répondu de façon pragmatique, en préservant un régime dont dépend le fonctionnement de nos réseaux à l'étranger, mais en s'engageant explicitement dans la voie de l'amélioration d'une situation complexe et parfois, c'est vrai, critiquable.

M. Jean-Claude Lefort - Notre sous-amendement 47 vise à supprimer la dernière phrase du paragraphe V, relatif aux recrutés locaux : «Dans le délai de dix-huit mois suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur la situation des personnels visés au paragraphe III et au présent paragraphe», afin de la remplacer par celle-ci : «Dans le délai d'un an suivant la publication de la présente loi, et après consultation de l'ensemble des organisations syndicales représentatives, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport portant sur l'évaluation globale du statut social de l'ensemble des personnels sous contrat travaillant à l'étranger».

Devant le refus de mettre totalement et immédiatement en _uvre l'arrêt Berkani, nous entendons ainsi maintenir la porte ouverte. En premier lieu, nous souhaitons qu'un bilan social soit établi sur la situation de tous les personnels sous contrat employés à l'étranger par l'Etat français : les ministères de la défense, de l'économie, de la culture et de l'éducation sont donc visés au même titre que celui des affaires étrangères. La banalisation des contrats de droit local a entraîné une raréfaction des données : il faut, pour éclaircir cette situation, que le Gouvernement présente un rapport d'évaluation, et ce dans le délai normal d'un an.

En second lieu, nous proposons que la publication de ce rapport intervienne à l'issue d'une consultation de toutes les organisations syndicales représentatives de ces personnels.

Le fait que notre amendement ait connu le même destin que celui de Mme le rapporteur -on leur a opposé à tous deux l'article 40- est symptomatique du problème posé par ce genre de recrutement, que l'administration justifie par des motifs budgétaires. Un tel rapport permettrait à tout le moins d'appréhender précisément les modalités de recours ainsi que le statut social de ces agents, de manière à améliorer leur situation.

Je souhaite donc que le Gouvernement nous suive dans cette démarche pragmatique et juste, et aille jusqu'à reprendre cette phrase tombée elle aussi sous le coup de l'article 40 : «Au vu de ce constat qu'il dressera, ce rapport formulera des propositions afin d'améliorer la situation de ces personnels, notamment en matière de conditions de travail et de formation».

Mme le Rapporteur - Le Sénat a supprimé les articles 26 quater et quinquies, visant à transcrire dans la loi la jurisprudence Berkani. On ne peut que le déplorer pour les 15 000 agents de la fonction publique d'Etat concernés.

L'article que le Gouvernement propose de rétablir leur permettra de bénéficier d'un contrat de droit public à durée indéterminée. Tout en laissant aux titulaires d'un contrat de droit privé la faculté d'opter pour le maintien de celui-ci, ce qui les autorisera par exemple à cumuler un emploi à temps partiel avec une autre activité hors service public.

Ce texte représente une réelle avancée sociale. Sur ma proposition, la commission avait déposé un amendement rétablissant également l'article 26 quater, sans toutefois reprendre les trois paragraphes excluant du dispositif les recrutés locaux. En effet, en l'absence d'étude exhaustive sur le nombre d'agents concernés et sur la diversité des situations rencontrées, en l'absence aussi d'information sur la politique du Gouvernement, nous ne pouvions exclure a priori cette catégorie du bénéfice de dispositions avantageuses. On nous a opposés l'article 40 et l'amendement du Gouvernement écarte à nouveau les recrutés locaux.

Toutefois, vous prenez des engagements à leur profit. Vous nous avez donc entendus, comme vous avez entendu tous ceux qui, au Sénat aussi, se sont durement battus pour que le Gouvernement se penche sur une situation juridique mal définie -et parfois intolérablement injuste. Je sais que vous serez notre relais auprès du Gouvernement pour que cette étude soit rapidement menée, en concertation avec les syndicats, et pour qu'elle ouvre la voie à une réforme globale.

Je suis donc favorable à l'amendement 38 et au sous-amendement 47.

M. le Ministre - Monsieur Lefort, vous avez compris que le Gouvernement souhaitait traiter le problème de façon réaliste et pragmatique, tout en prenant le temps nécessaire. Vous souhaitez par votre sous-amendement 47 qu'après consultation de l'ensemble des organisations syndicales représentatives, le Gouvernement publie rapidement un rapport sur le statut des personnels sous contrat travaillant à l'étranger. J'y suis favorable.

Le sous-amendement 47, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 38 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 26 quater est ainsi rétabli.

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ART. 26 QUINQUIES

Mme le Rapporteur - L'amendement 27 tend à rétablir le texte voté par l'Assemblée.

L'amendement 27, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 26 quinquies est ainsi rétabli.

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AVANT L'ART. 27 A

Mme le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 28 que je laisserai le soin à Mme Lazerges de présenter. Elle n'a pas examiné l'amendement 42.

Mme Christine Lazerges - Le 14 octobre dernier, le tribunal administratif a annulé la délibération du jury du concours d'entrée en deuxième année de la faculté de médecine de Montpellier organisé en juin. Il a demandé que deux épreuves dont le libellé avait été mal rédigé soient repassées en décembre. Je vous laisse imaginer le drame provoqué par cette décision chez les 180 étudiants reçus en juin. L'amendement 28 tend donc à demander la validation de la délibération de juin dernier. L'amendement 42, qui a le même objet, ne précise pas quelles admissions il s'agit de valider, si bien qu'il faudrait valider dès maintenant les résultats du concours de juin dernier et des épreuves qui se dérouleront en décembre, ce qui paraît difficile. Je vous invite donc à préférer l'amendement 28.

M. Franck Dhersin - L'amendement 42 était en effet quasiment identique au 28.

Mme Christine Lazerges - A cette nuance près !

M. le Ministre - Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 28, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 42 tombe donc.

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ART. 27

Mme le Rapporteur - L'amendement 29 est de coordination.

L'amendement 29, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme le Rapporteur - L'amendement 30 est de coordination également.

L'amendement 30, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 27 modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 27

M. Alain Tourret - Le mandat des membres titulaires et suppléants du comité technique paritaire du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, est expiré depuis le 5 juillet 1997, faute d'avoir été régulièrement prorogé.

Cette situation entraîne deux difficultés.

D'une part, à l'égard des décrets et des arrêtés pris après avis du comité au-delà de cette date. Ces textes ainsi que les décisions individuelles prises sur leur fondement peuvent faire l'objet d'une annulation contentieuse.

D'autre part, le comité ne peut plus être réuni jusqu'à ce qu'il ait été régulièrement renouvelé.

L'amendement 39 tend donc à valider les décrets et les arrêtés, pris en 1998 et 1999 après avis du comité ainsi que les décisions prises sur leur fondement et de permettre au ministère de l'éducation nationale de réunir régulièrement le comité avant qu'il soit dûment renouvelé.

Il n'est pas d'autre solution que cette validation législative qui a reçu l'aval de Matignon.

L'amendement 39, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Patrice Carvalho - Comme nous l'avions déjà souligné en première lecture, nous regrettons que ce projet ne s'attaque pas au véritable problème dont souffre toujours le secteur public et qui explique la plupart de ses dysfonctionnements : le manque de moyens. Certaines dispositions amélioreront toutefois sensiblement les droits des citoyens face à l'administration. Je pense à la levée de l'anonymat des agents ou aux plus grandes facilités d'accès aux documents administratifs.

Nous nous félicitons de retrouver dans le texte certains de nos amendements adoptés en première lecture. Nous regrettons en revanche vivement que notre sous-amendement tendant à exiger l'emploi d'agents titulaires dans les maisons de services publics n'ait pas été adopté.

Les députés communistes voteront un texte qui comporte des avancées sensibles.

M. François Colcombet - Ce texte améliorera les relations entre les citoyens et les administrations qui, faut-il le souligner, sont leurs administrations. Il s'agit donc bien pour chacun de se réapproprier ce qui lui appartient.

Ce texte forme, avec ceux sur la codification et le référé en matière administrative, déjà votés par le Sénat, un ensemble cohérent qui mérite notre approbation unanime.

M. Georges Tron - J'aurais aimé pouvoir faire plaisir à M. Colcombet. Je crains malheureusement de le décevoir. Nombre de dispositions du texte vont dans le bon sens mais nombre de questions aussi demeurent en suspens. Certains problèmes ne sont pas, volontairement, abordés. Nous avons bien compris que ce texte ne concerne pas directement les élus mais nous souhaiterions que, dans ce cadre ou dans un autre, leur rôle et leur place soient réaffirmés. Le débat qui a eu lieu tout à l'heure entre M. Gouzes et M. Montebourg montre d'ailleurs qu'il existe des clivages au sein même de la majorité sur le sujet. Ce texte, incomplet, ne permet pas d'avoir la vision d'ensemble qui serait nécessaire. Pour cette raison, le groupe RPR s'abstiendra.

M. Jean-Antoine Leonetti - Nombre de dispositions de ce texte vont dans le bon sens et nous les approuvons. Il manque toutefois de cohérence : en effet, le même Gouvernement qui a créé des contrats de droit privé à durée déterminée dans la fonction publique avec les emplois-jeunes, prétend aujourd'hui défendre l'administration.

Il manque d'équilibre : l'administration, dont les moyens n'augmentent pas, sera assujettie à des devoirs supplémentaires, sans qu'une solution ait été apportée au problème des recours abusifs.

Il manque d'ambition : nous sentons tous qu'il s'agit de l'addition de bonnes remarques mais sans guère de liens entre elles.

Le groupe UDF s'abstiendra.

L'ensemble du projet, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, ce mercredi 24 novembre, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure 15.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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