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Session ordinaire de 1999-2000 - 34ème jour de séance, 82ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 1er DÉCEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

Sommaire

          RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL

          -nouvelle lecture- (suite) 2

          ARTICLE PREMIER (suite) 2

          ARTICLE PREMIER BIS A 15

          ARTICLE PREMIER BIS B 16

          ARTICLE PREMIER BIS 17

          ARTICLE PREMIER TER 18

          ARTICLE PREMIER QUATER 20

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL -nouvelle lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

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ARTICLE PREMIER (suite)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - L'amendement 5 rectifié vise pour l'essentiel à revenir au texte adopté en première lecture en posant le principe du passage aux 35 heures au 1er janvier 2000 pour les entreprises de 20 salariés et en reprenant la proposition de Mme Saugues relative aux plans sociaux. Il introduit en outre une disposition nouvelle relative aux associations intermédiaires.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Avis favorable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Je me réjouis que vous reconnaissiez la réalité du problème posé aux associations intermédiaires et le décompte en double effectif paraît en mesure d'y répondre, pour le moment. Mais c'est « encore une minute, Monsieur le bourreau », car qu'adviendra-t-il en 2002, lors du passage effectif aux 35 heures ?

En fait, la multiplication des dispositions particulières montre bien que la réduction autoritaire du temps de travail ne convient pas dans un grand nombre de situations, on n'a pas fini de s'en rendre compte d'ici 2002 !

M. François Goulard - Je veux revenir sur le rétablissement de la disposition adoptée en première lecture, à l'initiative d'une de nos collègues dont j'ai dit que j'étais persuadé de la sincérité, et appelée « amendement Michelin ».

Une entreprise en difficulté n'est sans doute pas dans la meilleure situation pour engager une négociation sur la réduction du temps de travail. En outre, le juge peut déjà annuler le plan social et contraindre l'entreprise à réintégrer les salariés et à leur verser le salaire dû pour la période entre le licenciement et la réintégration, ce qui peut être lourd de conséquences. Et vous voulez aggraver cette incertitude juridique en demandant au juge d'apprécier le caractère « loyal et sérieux » des négociations engagées en faveur de la réduction du temps de travail ! Voilà qui n'incitera guère les entreprises à embaucher.

J'en viens au sous-amendement 134. Vous constaterez qu'il est commun aux trois groupes de la majorité... (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) ...et que le premier signataire est le président de l'un de nos groupes, le principe de la rotation des trois présidents ayant été retenu pour cet amendement et pour plusieurs autres (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Oh, il est plutôt rare que la majorité dépose des amendements en commun, le plus souvent les amendements communistes ou RCV embarrassent le Gouvernement et le groupe socialiste !

Ce premier sous-amendement vise à supprimer le premier alinéa, donc le principe même du passage aux 35 heures.

Cet après-midi, vous avez beaucoup attaqué l'opposition, Madame la ministre, lui reprochant de ne faire aucune proposition en matière de lutte contre le chômage. Selon vous, nous serions vexés que vous mettiez en _uvre la réduction des cotisations sociales...

J'ai déjà dit que cette baisse des cotisations est une illusion. Mais, au-delà, l'opposition a bien sûr des idées pour combattre le chômage. Par exemple, j'ai proposé hier encore de mettre fin à tous les monopoles anormaux, tels celui des télécommunications ou celui de l'électricité, car toute disparition du monopole offre de formidables possibilités de développement et d'emploi. Je pourrais également citer la baisse de la fiscalité, la réduction des contraintes administratives, la réforme de la formation...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Le sous-amendement 117 procède de la même hostilité à la réduction autoritaire du temps de travail. Dans le bulletin du Conseil d'analyse économique, placé auprès du Premier ministre, on peut lire qu'en Allemagne, l'un des moments forts de la négociation sur le temps de travail a été la signature en 1984 d'un accord de branche dans la métallurgie, pour un passage progressif aux 35 heures. Bien plus, dans ce pays, les syndicats préfèrent s'en remettre localement à leurs adhérents pour arbitrer entre les diverses options envisagées. Au Danemark, en Belgique, tout se fait aussi dans le cadre de la négociation. Bref, partout en Europe, le temps de travail baisse ; mais en pratiquant la contrainte, on va à l'inverse du but recherché car on perturbe la vie des entreprises.

M. Bernard Accoyer - Le sous-amendement 159 est défendu également. Les critiques les plus cruelles de la réduction autoritaire du temps de travail viennent de ceux qui ont joué le jeu de la première loi. Le Centre des jeunes dirigeants affirme ainsi qu'« on va au casse-pipe » parce qu'on ne tient pas compte de la diversité des entreprises. Il ajoute que « cette loi a pour effet de renforcer les entreprises fortes et de fragiliser les faibles ». L'aile gauche de la majorité plurielle s'inquiète, elle aussi. « L'annonce de cette deuxième loi est reçue comme un coup de Trafalgar », a déclaré M. Gérard Filoche.

Madame la ministre, vous êtes bien seule...

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Ministre - Défavorable.

Les sous-amendements 134, 117 et 159, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Germain Gengenwin - Puisque la majorité refuse de supprimer le I, nous proposons, par le sous-amendement 122, d'en modifier la rédaction pour laisser les partenaires sociaux négocier.

Le sous-amendement 122, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Mon sous-amendement 111 est défendu.

Le sous-amendement 111, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - Notre sous-amendement 151 a pour objet d'exclure les établissements artisanaux et coopératifs du passage aux 35 heures qui, d'une façon générale, va entraîner pour toutes les petites structures des difficultés insurmontables.

Mme la ministre nous a présenté comme un chaud partisan des 35 heures un certain M. Delmas, mais quelques heures après nous trouvions dans nos casiers une lettre de ce monsieur, qui préside un groupement d'artisans dans laquelle il se prononçait en sens inverse. Et pour cause ! Les entreprises de deux ou trois salariés n'ont pas les moyens de remplacer les heures perdues. Au lieu de faire de l'idéologie, il faut regarder les problèmes concrets !

M. le Rapporteur - C'est ce que nous faisons, en prévoyant une période d'adaptation, et en donnant aux entreprises de moins de 20 salariés deux années supplémentaires. De plus, nous avons introduit des dispositions qui facilitent le passage aux 35 heures. Pourquoi faudrait-il que les petites entreprises demeurent à l'écart du progrès économique et social ?

Mme la Ministre - Voici ce qu'a déclaré M. Delmas : « Globalement, le projet de seconde loi sur les 35 heures va dans le bon sens. » Et encore : « cette réforme répond enfin à l'urgence de réduire le coût du travail dans les entreprises de main-d'_uvre ».

Il faut saluer le réalisme des présidents des fédérations professionnelles qui se sont rendu compte que dans les hôtels cafés-restaurants, les métiers de bouche, l'artisanat du bâtiment, on ne trouvait plus de jeunes acceptant de travailler des 45 ou 50 heures.

Ils ont bien compris que la réduction du temps de travail leur permettra d'attirer des jeunes. De fait, au début de l'an prochain, nous organiserons avec l'UPA, avec les chambres de métiers, ne vous en déplaise, une campagne de sensibilisation et d'information auprès des jeunes.

Le sous-amendement 151, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Vos explications relatives aux très petites entreprises sont un peu légères. Le président Le Garrec, hier même, a reconnu la gravité du problème, sauf que, une fois versées ces larmes de crocodile, il n'a pas dessiné l'esquisse d'une ombre de début d'un embryon de solution. Et cessez de dire que les charges diminuent. Vous opérez une compensation partielle du surcoût salarial induit par les 35 heures. Vous n'envisagez aucune aide organisationnelle pour les petites entreprises. Comment un boulanger qui emploie un mitron et une vendeuse pourra-t-il réaliser des gains de productivité, réorganiser le travail ? Certains collègues avaient suggéré un plan spécifique d'aide aux petits patrons du commerce et de l'artisanat. En vain. Ce sont donc les chefs d'entreprises, qui sont déjà à 50 ou 60 heures plutôt qu'à 39 heures, ce sont aussi leurs femmes qui vont supporter le passage aux 35 heures. On comprend pourquoi le président des trois groupes de l'opposition ont déposé le sous-amendement 152. La période des deux ans supplémentaires ne résout rien. A son terme, les problèmes se poseront de la même façon pour les très petites entreprises.

M. Bernard Accoyer - Le sous-amendement 163 de M. Mariani est identique au précédent. J'ai plaisir à défendre les propositions de M. Mariani, qui sont toujours excellentes, et d'une remarquable densité. Je reviens sur l'UPA, dont nous sommes allés aux assemblées générales...

Mme la Ministre - Moi aussi !

M. Bernard Accoyer - Nous n'y avons pas entendu ce que le ministre dit en avoir retenu. M. Delmas a exprimé clairement son hostilité aux 35 heures. Dans nos départements, les responsables de l'UPA disent comme lui qu'ils n'ont cherché qu'à éviter le mandatement syndical.

Mme la Ministre - Comment cela ?

M. Bernard Accoyer - Le Gouvernement a contracté la terrible habitude de favoriser les grandes entreprises et de mépriser les plus petites, les commerces de proximité et l'artisanat, qui pourtant recèlent les gisements d'emplois. Les entreprises qui ne comptent que quelques salariés ne disposent d'aucune marge de man_uvre pour organiser le roulement du personnel afin que le commerce ou l'atelier demeure ouvert un temps suffisant à la clientèle.

Pour notre sous-amendement 163, nous entendons dénoncer les mauvais coups que vous portez aux petites entreprises, alors que rien n'est trop beau pour les grands groupes.

Les sous-amendements 152 et 163, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Bernard Accoyer - Le sous-amendement 160 est défendu.

Le sous-amendement 160, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - Notre sous-amendement 154 porte sur les entreprises nouvellement créées, qui auront encore plus de difficulté à appliquer la loi. Leur espérance de vie est faible, celles qui survivent le doivent à l'acharnement de leurs créateurs et de leurs salariés. Pour eux, ne travailler que 35 heures n'a aucun sens. Faire à ces entreprises un sort particulier dans la loi est une simple concession au réalisme.

M. Hervé Morin - Le sous-amendement 162 est identique au 154.

Hier soir, en sortant d'ici, j'ai allumé la télévision. J'y ai vu un jeune chef d'entreprise français, qui occupe le troisième rang en Europe et le septième au monde pour les jeux vidéo. Il y a dix ans, il a démarré avec 50 000 francs. Aujourd'hui, sa capitalisation boursière s'élève à 1,3 milliard. Il a expliqué les difficultés rencontrées pour développer son entreprise, qui est restée française même si ses 420 ingénieurs se trouvent aux Etats-Unis. Que l'on accorde un délai de 3 ans à ces jeunes entrepreneurs, alors que le nombre de créations d'entreprises est passé de 200 000 à 160 000 en quelques années. Ce serait une démarche intelligente et pragmatique de prévoir pour eux un dispositif particulier.

Les sous-amendements 154 et 162, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Bernard Accoyer - Notre sous-amendement 164 tend à épargner au secteur des services l'épreuve de la réduction générale et autoritaire du temps de travail. Comme nous, vous avez été interrogée par les entreprises de nettoyage, qui comptent de nombreux salariés à temps partiel. Or le projet traite du temps partiel de façon ambiguë. Nous vous demandons de vous exprimer clairement sur ce sujet. Comme les salaires seront aussi divers et variés que le seront les temps partiels, les tribunaux risquent de prendre des décisions imprévisibles qui créeront de grandes difficultés à certaines entreprises de services. Quel régime précis s'appliquera-t-il aux employés à temps partiel ?

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ce sous-amendement.

Mme la Ministre - Avis défavorable. Je répondrai de façon plus détaillée à M. Accoyer quand nous en arriverons aux dispositions sur le SMIC et le temps partiel.

Le sous-amendement 164, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Le sous-amendement 161 est défendu.

Le sous-amendement 161, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Nous en arrivons à trois sous-amendements en discussion commune.

M. Bernard Accoyer - Les sous-amendements 165 et 115 ont pour objet de rendre le passage aux 35 heures facultatif. Trop d'entreprises verraient leur avenir menacé par une disposition obligatoire et systématique.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Le sous-amendement 153 a le même objet.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces trois sous-amendements.

Mme la Ministre - Même avis.

Les sous-amendements 165, 153 et 115, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Hervé Morin - Le sous-amendement 213 s'inspire de l'accord passé dans la métallurgie allemande en réservant le passage aux 35 heures à 80 % de son personnel, les 20 % restants continuant à travailler 39. Cela permet aux salariés qui le souhaitent de travailler plus longtemps que les autres, aux entreprises de s'adapter à leur carnet de commandes, aux branches qui connaissent une pénurie de main-d'_uvre de surmonter plus facilement les aléas de l'offre et de la demande.

On ne peut pas qualifier cet amendement de réactionnaire puisqu'il s'inspire d'un accord approuvé par le syndicat IG Mettal.

M. le Rapporteur - M. Morin ressort un amendement qui avait été repoussé en première lecture. Il nous dit qu'il aime regarder la télévision, il a aussi du goût pour les rediffusions ! (Rires sur divers bancs)

Le sous-amendement 213, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Le sous-amendement 112 a pour objet d'exclure du champ d'application de la réduction autoritaire du temps de travail les entreprises réalisant plus de deux tiers de leur chiffre d'affaires à l'exportation. En effet, le surcoût induit pour la réduction du temps de travail sera d'environ 6 %, ce qui est particulièrement gênant pour les entreprises très exposées à la concurrence étrangère. Et je rappelle qu'un salarié sur trois travaille pour l'exportation.

M. le Rapporteur - Il n'y a pas de raison de faire une telle exception. Avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis.

Le sous-amendement 112, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vauchez - Le sous-amendement 230 de M. Patriat tend à ce que les voyageurs-représentants-placiers -VRP- relevant des articles L. 751-1 et suivants du titre V du livre VII du code du travail ne soient pas pris en compte pour la détermination de l'effectif. Dans le secteur viticole, les VRP relèvent de plusieurs entreprises et il n'est donc pas possible de les compter dans les effectifs de l'une d'elles.

M. Bernard Accoyer - C'est le cas de tous les VRP, pas seulement de ceux qui travaillent dans le secteur viticole.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais il me semble qu'il pose une vraie question, sur laquelle j'aimerais avoir l'avis du Gouvernement.

Mme la Ministre - Le régime des VRP, très particulier, relève du livre VII du code du travail. Récemment, la Cour de cassation a considéré, s'agissant du décompte des salariés pour l'élection du comité d'entreprise, que chaque VRP devait compter pour une unité même quand il est multicartes et que par conséquent il ne travaille qu'à temps partiel pour une entreprise. L'application de cette jurisprudence au domaine qui nous intéresse ici pourrait être gênante pour les entreprises. Avis favorable, donc.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - J'aime beaucoup M. Patriat qui a réussi à se fâcher à la fois avec les écologistes et avec les chasseurs (Rires sur les bancs du groupe du RPR) et qui, aujourd'hui, présente un amendement illustrant ce que nous essayons en vain de démontrer à Mme la ministre : chaque entreprise a ses problèmes particuliers et appelle donc un traitement particulier. M. Patriat n'en évoque qu'un parmi d'autres. Pourquoi l'écouter lui et pas nous ? Les amendements de la majorité seraient-ils forcément intelligents et ceux de l'opposition forcément absurdes à vos yeux, Madame la ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme la Ministre - Pas du tout. Simplement, les VRP ont depuis toujours un régime spécifique. Il ne s'agit donc pas ici de les exclure du champ d'application de la loi mais de tirer les conséquences d'une jurisprudence de la Cour de cassation qui pourrait poser un problème aux entreprises dans lesquelles ils travaillent.

M. Bernard Accoyer - Pour lesquelles ils travaillent.

Mme la Ministre - Vous devriez donc voter cet amendement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Mais bien sûr !

Mme la Ministre - Et permettez-moi de vous dire, Monsieur Accoyer, que les VRP travaillent bien dans les entreprises.

M. François Goulard - M. Patriat, grand chasseur devant l'Eternel, a visé juste (Sourires). Mais ce n'est pas parce qu'il est bourguignon, Monsieur Vauchez, qu'il faut limiter la portée de son amendement à la viticulture. Il y a des VRP dans d'autres secteurs.

Je constate aussi que, pour une fois, un amendement d'assouplissement reçoit un avis favorable du Gouvernement. J'aimerais que d'autres allant dans le même sens soient traités avec la même ouverture d'esprit.

M. le Rapporteur - Sous réserve que ce sous-amendement soit placé après le premier alinéa du II plutôt qu'à la fin du I, je donnerai un avis identique à celui du Gouvernement.

M. le Président - Ce sera donc un sous-amendement 230 rectifié qui sera soumis au vote le moment venu.

M. Germain Gengenwin - M. le rapporteur va encore ironiser sous prétexte que nous avons déjà présenté le sous-amendement 155 en première lecture ! Nous n'en demanderons pas moins à nouveau que les établissements ou entreprises pouvant justifier d'une pénurie de main-d'_uvre qualifiée dans un bassin d'emploi ou dans une branche professionnelle bénéficient d'un moratoire de 24 mois pour l'application de cette loi, en contrepartie d'un engagement à ouvrir des négociations en vue de former le personnel dont elles ont besoin. Ce pourra être une occasion de relancer les plans régionaux de développement des formations, institués en 1996 mais quelque peu boudés par les entreprises : espérons que les chambres consulaires saisiront cette chance, en particulier dans les régions frontalières où il y a risque de voir les jeunes les plus qualifiés être « aspirés » vers l'extérieur !

M. Bernard Accoyer - Par le sous-amendement 113, je veux appeler l'attention du Gouvernement sur le cas de la sous-traitance automobile, ainsi d'ailleurs que d'autres secteurs employant une main-d'_uvre qualifiée. Comme, je l'ai constaté, plusieurs de mes collègues de la majorité, j'ai été saisi du problème de ces entreprises qui redoutent que la réduction du temps de travail n'entraîne une diminution de leurs capacités de production au moment même où la santé du marché exige d'elles une activité intense. M. le président de la commission, avec lequel je m'en suis entretenu en présence de M. Recours -l'un de vos proches partisans-, a admis la gravité du problème. Le syndicat national du décolletage, reçu par vos collaborateurs, a proposé que la réduction du temps de travail ne soit appliquée que progressivement dans ce secteur, en contrepartie d'un développement de la formation professionnelle propre à garantir que les postes déficitaires seront pourvus comme il convient.

En première lecture, Madame la ministre, vous avez bien voulu reconnaître la réalité du problème et même admettre que l'Etat pourrait participer à ces plans de formation, aux côtés des collectivités et des professions concernées. Les conventions élaborées dans ce cadre assureraient qu'il y aurait bien création d'emplois. J'attends donc de vous la même ouverture et le même réalisme ici qu'à propos de l'amendement relatif aux VRP : s'il en était autrement, je crains bien que des délocalisations soient inévitables.

M. le Rapporteur - Rejet.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

M. Bernard Accoyer - Sans autre explication ?

Les sous-amendements 115 et 113, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Bernard Accoyer - Par le sous-amendement 144, je propose d'exonérer de la réduction du temps de travail les « entreprises dont le secteur d'activité ou le bassin d'emploi traverse une période de récession ». Même si la motivation de cette disposition est évidente, je dois dire que je ne suis guère optimiste sur le sort qui lui sera réservé, compte tenu de la réponse lapidaire que m'a opposée Mme la ministre à propos du sous-amendement précédent. Le Gouvernement fait décidément peu de cas de secteurs riches en emplois ! J'y vois la preuve qu'il a renoncé à créer des emplois, pour ne plus penser qu'à tenir une promesse électorale.

Le sous-amendement 114, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Morin - Par le sous-amendement 121, nous demandons que la date d'application de la loi soit reportée, pour les établissements médico-sociaux, du 1er janvier au 1er juillet 2000, cela afin de tenir compte des délais d'agrément.

Je mettrai à profit l'occasion pour vous faire part des inquiétudes des cadres de ces établissements : vous avez refusé le reclassement de ceux qui relèvent de la convention collective de 1966, ce qui les désavantage fortement par rapport à ceux qui relèvent des conventions de 1951 et de 1965. Pouvez-vous justifier cette décision ?

M. le Rapporteur - Le Sénat s'est également préoccupé des conditions de mise en _uvre d'un accord qui a été signé, mais non agréé. Je pense que Mme la ministre confirmera que la date de signature prévaudra sur celle de l'agrément, s'agissant d'assurer l'équilibre de l'accord. Pour ce qui est de l'application du nouveau régime des heures supplémentaires, un amendement à l'article 2 précisera qu'il n'entrera en vigueur qu'au premier jour du mois suivant la décision d'agrément, que celle-ci soit favorable ou non. Ce sous-amendement est donc satisfait.

Mme la Ministre - S'il s'agit de savoir pourquoi, dans un premier temps, j'ai refusé d'agréer la convention de 1966, c'est parce qu'une nouvelle grille hiérarchique, entre autres dispositions, faisait obstacle à un bouclage du financement de la réduction du temps de travail. Mais, depuis, nous sommes parvenus à un accord et les choses sont donc rentrées dans l'ordre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Puisque nous en sommes aux établissements médico-sociaux, Madame la ministre, je voudrais vous reposer une question très précise, à laquelle vous n'avez toujours pas répondu. Une institution de droit privé remplissant une mission de service public -un centre anti-cancéreux- se trouvant dans l'impossibilité, en raison des contraintes du budget global, d'embaucher les médecins, les infirmières ou les techniciens de médecine nucléaire dont elle aurait besoin, s'est résolue à embaucher dix femmes de service dont elle n'avait nul besoin, cela pour percevoir les aides liées à la réduction du temps de travail. Les jeunes médecins, nouvellement embauchés, invoqueront leur contrat de travail pour ne pas aller au-delà des 35 heures, et c'est légitime, mais comment le directeur pourvoira-t-il les postes nécessaires quand la dotation globale n'augmente pas et qu'il n'existe d'ailleurs pas de salariés qualifiés sur le marché ? Ce sont les patients qui pâtiront de la situation.

Les mêmes inquiétudes se font jour parmi les associations et professionnels s'occupant de personnes handicapées. Et puisque l'article 1er fait référence à la loi de 1975 sur le secteur social et médico-social, j'en profite pour demander au Gouvernement quand aura lieu la révision, tant de fois promise et sans cesse repoussée, de cette loi. Pouvons-nous avoir au moins l'assurance que l'examen commencera avant l'été 2000 ?

Le sous-amendement 121, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Le sous-amendement 107 supprime le paragraphe II, qui institue le seuil, parfaitement arbitraire, des 20 salariés. En Allemagne, est considérée comme PME toute entreprise de moins de 500 salariés ! Ce nouveau seuil aura des effets négatifs, notamment sur la création d'emplois, qui semble bien avoir cessé d'être votre objectif. En effet, les entreprises de 19, 18 ou 17 salariés s'abstiendront d'embaucher pour ne pas avoir à modifier leurs horaires.

Le sous-amendement 107, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - Le sous-amendement 156 reporte l'application de la loi, de façon à laisser les électeurs trancher entre la position de la majorité et celle de l'opposition sur la réduction du temps de travail.

M. Bernard Accoyer - Les sous-amendements 166, 167 et 110 sont analogues.

Les sous-amendements 156, 166, 167 et 110, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Vous aviez eu sur la question des seuils, Madame la Ministre, une phrase intéressante : lorsqu'on les multiplie, les effets de seuil disparaissent, aviez-vous dit en substance.

M. Bernard Accoyer - C'est l'un des sommets de la logique socialiste !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Le seuil de 20 salariés est tout à fait arbitraire, et je vous accorde que celui de 50 salariés, que nous proposons de lui substituer par le sous-amendement 158, ne l'est pas moins, mais au moins permet-il de limiter les dégâts. Il est plus facile, en outre, d'embaucher trois personnes qu'une virgule deux... (Sourires)

M. Bernard Accoyer - Le sous-amendement 108 est identique.

Les sous-amendements 158 et 108, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gérard Terrier - Le sous-amendement 241 corrige l'inconvénient que présente le dispositif pour les entreprises dont l'effectif a récemment varié pour des raisons économiques ou autres.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné, et à titre personnel je n'ai pas d'avis (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme la Ministre - Le Gouvernement y est favorable (Mêmes mouvements).

M. Bernard Accoyer - Je m'élève contre l'attitude du Gouvernement, qui ne fait bon accueil qu'aux amendements émanant de sa majorité. Quant à l'hésitation de notre techno-rapporteur (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), si prompt d'habitude à nous faire la leçon, elle montre à quel degré d'improvisation nous en sommes. Nous voterons néanmoins ce sous-amendement, qui atténue les effets nocifs du texte en même temps qu'il les atteste.

M. Maxime Gremetz - Abstention !

Le sous-amendement 241, mis aux voix, est adopté.

M. François Goulard - Le sous-amendement 157 répond à la même préoccupation que vient de soulever M. Terrier et devrait donc recevoir le même accueil favorable du Gouvernement. Il serait fort regrettable que des entreprises renoncent à embaucher un vingtième salarié dans le seul but de gagner deux ans.

M. Bernard Accoyer - Le sous-amendement 109 est identique. Il s'agit de calculer l'effectif sur 36 mois, et non sur 12.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Une fois de plus, dès que l'on ouvre une petite brèche, la droite s'y engouffre !

M. Bernard Accoyer - Pas du tout ! C'est nous, au contraire, qui avons été plagiés !

M. Maxime Gremetz - Nous avons eu raison de nous abstenir sur le sous-amendement précédent, et nous voterons contre celui-ci.

M. Hervé Morin - Je ne comprends pas l'obstination du Gouvernement : pour une fois, en effet, nous allions dans son sens en facilitant l'application de la loi aux petites entreprises, qui auraient pu vivre plus sereinement le passage aux 35 heures et même, pourquoi pas, créer des emplois.

Les sous-amendements 157 et 109, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Nous retrouvons ici le sous-amendement 230 rectifié de M. Patriat.

Le sous-amendement 230 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Accoyer - Le sous-amendement 168 est défendu.

Le sous-amendement 168, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Je retire les sous-amendements 59, 60, 61 et 62. Nous reviendrons sur ce sujet à l'article 15.

M. Hervé Morin - Je veux revenir un instant sur l'amendement VRP. Madame la ministre, ne seriez-vous pas membre de l'excellente Confrérie des taste-vins de Clos-Vougeot, laquelle se trouve dans la circonscription de M. Patriat ?

Par ailleurs, on voit avec de tels amendements combien la loi doit être précisée quand on veut régler dans le détail l'application des 35 heures.

J'en viens, Monsieur le Président, au sous-amendement 211 qui vise à renforcer le contrôle du temps de travail dans la fonction publique, dont on voit mal pourquoi elle serait exonérée des obligations qui pèsent sur le secteur privé.

M. le Rapporteur - Je trouve au contraire que fort peu de modifications pratiques sont nécessaires. Si tel est le cas, nous sommes tout prêts à en débattre. Mais vous comprendrez que nos réponses soient plus rapides quand la situation de certains secteurs est présentée de façon caricaturale.

En ce qui concerne la fonction publique, nous en reparlerons à l'article 20, à l'occasion d'un amendement de M. Gremetz. La commission a donc repoussé le sous-amendement 211.

Mme la Ministre - Défavorable.

Vous me connaissez mal, Monsieur Morin : je ne suis pas une femme sous influence, je n'ai pas pour habitude d'être invitée par une entreprise ou par une confrérie. De telles pratiques sont peut-être courantes chez vous (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR), mais pas chez moi, et je ne m'amuse pas avec ces choses là (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Le sous-amendement 211, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Germain Gengenwin - Votre réaction montre bien que vous n'êtes jamais passée devant le suffrage universel (Mme la ministre proteste), vous sauriez que nous devons participer à de nombreuses foire aux vins, à de nombreuses réceptions, adhérer à des confréries. Nous soutenons d'ailleurs les viticulteurs...

M. le Président - Je ne suis pas sûr que ce soit le débat...

M. Maxime Gremetz - Je n'ai jamais été invité par les céréaliers...

M. Germain Gengenwin - J'en viens au sous-amendement 212.

La jurisprudence de la Cour de cassation du 29 juin 1999 ayant limité la mise en _uvre des heures d'équivalence au décret, à l'accord d'entreprise ou à l'accord de branche étendu, le régime des heures d'équivalence n'est plus applicable aux conventions collectives agréées. Il s'agit de rétablir cette possibilité.

M. le Rapporteur - Le décret apportera sans doute des réponses aux préoccupations de M. Gengenwin. Mais il ne nous a pas paru nécessaire d'élargir le régime des équivalences.

Mme la Ministre - Défavorable.

J'indique à M. Gengenwin que j'ai été élue à Lille et députée de la cinquième circonscription du Nord où il y a, il est vrai, plus de brasseries que de confréries vinicoles. Mais, peut-être parce que l'on sait que cela ne servirait à rien, on n'intervient jamais auprès de moi pour demander des petits avantages.

Mme Odette Grzegrzulka - Voilà la vérité !

Le sous-amendement 212, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Le sous-amendement 116 vise à supprimer le IV de l'amendement. Il y a dans votre texte les dispositions emblématiques : on impose les 35 heures bien qu'elles ne créent pas d'emplois. Il y a les dispositions de convenance comme l'amendement Patriat - Clos-Vougeot qui vient d'être adopté. Il y a aussi les dispositions émotionnelles comme celle-ci, adoptée après qu'un grand groupe, l'une des rares entreprises françaises à occuper un des premiers rangs mondiaux, a annoncé à la fois des résultats positifs et une réduction d'effectifs, sans licenciement, de plusieurs milliers de salariés -sur 120 000- dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée. On a adopté en première lecture cet amendement gesticulatoire en vertu duquel plus aucune décision ne pourra être prise par une entreprise qui doit adapter ses effectifs.

Mais rien ne sera réglé par ce dispositif. M. Gaëtan Gorce ne déclarait-il pas lui-même le 31 août aux Echos que la « seconde loi ne peut pas tout régler, c'est une première étape » ? Quand au directeur des études de la Caisse des dépôts, il affirmait en mai dans Libération que « tout cela relève de l'entêtement politique, le passage aux 35 heures risquant d'entraîner la destruction de 200 000 emplois au cours de prochaines années ». Vous comprendrez notre inquiétude et notre volonté de supprimer cette disposition.

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Ministre - Défavorable.

Mme Odile Saugues - Cet amendement émotionnel et gesticulatoire, Monsieur Accoyer, a eu néanmoins des résultats. Le chef d'entreprise dont il est question a annoncé non seulement qu'il avait commis une erreur...

M. Bernard Accoyer - De communication !

Mme Odile Saugues - ...mais aussi qu'il allait engager une négociation sur 35 heures avec les organisations syndicales et qu'il allait dépoussiérer son entreprise.

Monsieur Goulard, les entreprises qui présentent des plans sociaux ne sont pas toujours en réelle difficulté. J'ai cité un autre cas hier. Nous avons adopté cette disposition en première lecture pour introduire un peu de morale dans le fonctionnement des entreprises. Mme Luc, présidente du groupe communiste au Sénat, a montré l'opportunité de cette mesure (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Le sous-amendement 116, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - J'ai déjà défendu mon sous-amendement 119.

Le sous-amendement 119, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Notre sous-amendement 78 a pour objet de supprimer les mots « ou à défaut, avoir engagé sérieusement et loyalement des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord ». Michelin, en effet, a accepté d'engager de telles négociations ; mais qui va juger de leur caractère sérieux et loyal ? Les salariés, que je vais rencontrer vendredi, considèrent qu'il s'agit d'un faux-semblant. L'efficacité exigerait d'obliger l'employeur à conclure un accord avant tout plan social. Si vous vous y refusez, Madame la ministre, cela va nous retomber sur la figure car les salariés s'apercevront que la disposition adoptée ne sert à rien. Et je rappelle que Michelin reçoit de l'argent public.

M. le Rapporteur - Dans l'état actuel du texte, l'employeur n'a aucune obligation de négociation. S'il veut passer unilatéralement aux 35 heures, il peut le faire ; s'il ne veut pas réduire la durée du travail, il paiera les heures supplémentaires.

Cet amendement lui, créerait une obligation de négociation préalablement à tout plan social, ce qui reviendrait à reconnaître aux organisations syndicales un droit de veto que certaines d'entre elles ne souhaitent pas. Le contrôle du juge s'exercera : s'il considère que la négociation n'a pas été menée de manière loyale et sérieuse, l'ensemble de la procédure et donc le plan social sera remis en cause.

Monsieur Gremetz, à l'article 15, vous avez souhaité l'intervention du juge. Pourquoi ne pas l'admettre ici ?

Mme la Ministre - M. Gremetz se trompe sur la portée de cet amendement. En faisant de l'accord une obligation, nous donnerions un droit de veto aux organisations syndicales sur les licenciements, puisqu'il leur suffirait de ne pas signer.

M. Maxime Gremetz - Ce ne serait pas si mal !

Mme la Ministre - Cela pourrait entraîner des entreprises à leur perte.

Ce que nous voulons, c'est qu'on ne puisse plus licencier sans avoir soit réduit la durée du travail à 35 heures, soit fait tous les efforts pour parvenir à un accord. Voilà qui n'est pas sans portée.

De fait, dans les plans sociaux dont nous avons à connaître, nous constatons que les négociations sur les 35 heures se multiplient. Ce qui commence à être une habitude sera demain un réflexe.

Sitôt la loi votée, je donnerai des directives pour que les aides de l'Etat relatives aux préretraites ne soient pas accordées tant que n'aura pas été vérifiée la réalité d'une négociation loyale et sérieuse. De plus, l'obligation et les modalités de la négociation sont placées sous le contrôle du juge. Il existe dans ce domaine une jurisprudence, comme il en existe une sur le reclassement des salariés et en particulier des personnes protégées.

Non, Monsieur Gremetz, votre sous-amendement ne servira pas le passage aux 35 heures.

M. le Président - Sur le sous-amendement 78, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

M. Hervé Morin - Je signale à Mme Saugues que la disposition qu'elle soutient fait l'objet d'un grand article d'un professeur de droit de Paris I, dont l'analyse confirme les propos de M. Gremetz.

M. Maxime Gremetz - Je ne suis qu'un pauvre ouvrier !

M. Hervé Morin - Madame Saugues, vous distinguez l'établissement du plan social de la réduction du temps de travail. Dans son article intitulé « Les paralogismes de l'amendement Michelin », le professeur Couturier explique que, ce faisant, vous imposez une restriction grave à l'établissement des plans sociaux, qui en effet n'auront plus à intégrer des modalités de réduction du temps de travail. On voit ainsi que la mesure proposée sous le coup de l'émotion est purement médiatique. M. Gremetz a bien interprété la portée de l'amendement Michelin. Madame Saugues, je vous fais porter l'article à l'instant.

M. François Goulard - Nous retrouvons le débat engagé à la suite des propos malencontreux du Premier ministre, lorsqu'il a expliqué que l'Etat ne pouvait plus réguler l'économie.

M. Gremetz demande de lier tout plan social à la conclusion d'un accord sur la durée du travail. Le Gouvernement, après le rapporteur, a exprimé sur ce point une position sensée : la proposition de M. Gremetz reviendrait à accorder aux syndicats un droit de veto absolu sur les plans sociaux. Je constate d'ailleurs que l'article 11 leur confère un droit analogue, puisqu'en l'absence d'accord, les entreprises ne bénéficieront pas des allégements de charges sociales. La proportion de M. Gremetz est indéfendable pour qui admet l'économie de marché comme cadre de l'activité des entreprises, comme l'a fait le parti socialiste depuis quinze ans.

L'amendement 5 rectifié a une portée réelle. Mme Saugues nous dit : « La présentation d'un plan social ne signifie pas toujours que l'entreprise soit en difficulté ». C'est vrai, mais c'est le plus souvent le cas. Et elle ajoute : « Vous pleurez toujours sur le sort des entreprises ». Non. D'abord, on ne pleure pas sur une personne morale. Mais les difficultés des entreprises ont des conséquences sur ceux qui y travaillent. Empêcher systématiquement les entreprises de réduire leurs effectifs quand c'est inévitable, c'est jouer contre l'emploi car, en période d'activité, elles n'embaucheront plus. A trop durcir le droit du travail, vous obtiendrez un résultat inverse à votre objectif.

A la majorité de 48 voix contre 9 sur 57 votants et 57 suffrages exprimés, le sous-amendement 78 n'est pas adopté.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Pour méditer l'intervention de M. Gremetz et le résultat du scrutin, le groupe RPR demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 23 heures 10 est reprise à 23 heures 25.

M. Bernard Accoyer - Comme le dit Laurent Degroote, président du CJD, à force de charger le texte, on risque d'aboutir à l'effet inverse de celui recherché, c'est-à-dire à des rigidités supplémentaires et donc à des destructions d'emplois.

Mon sous-amendement 118 a pour objet d'atténuer les effets destructeurs de l'usine à gaz édifiée par cet article.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis.

Le sous-amendement 118, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Mon sous-amendement 63...

Plusieurs députés RPR - Vous ne l'avez pas retiré ?

M. Yves Cochet - Non, mais je voudrais le rectifier en remplaçant « objectif et inaltérable » par « fiable et infalsifiable »...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Voilà comment on capitule !

M. Yves Cochet - ...et en supprimant la fin de la phrase à partir de : « et mis à disposition ».

M. Bernard Accoyer - Cela change tout !

M. le Président - Le sous-amendement 63 est ainsi rectifié.

M. Yves Cochet - J'en viens au fond : dans mon département, à Cergy, se trouve le siège de l'entreprise ZEMECA, qui emploie quelque 300 personnes. Pour passer aux 35 heures, on s'y est interrogé sur les moyens de calculer le temps de travail effectif. L'établissement dispose de ce que j'appelle une badgeuse mais qu'on dénomme aussi une pointeuse. Simplement, cet appareil n'est pas infalsifiable dans la mesure où le patron a accès au logiciel et en use parfois pour « écrêter » les heures supplémentaires lorsqu'il y a eu trop de dépassements de l'horaire.

M. Bernard Accoyer - C'est fou !

M. Hervé Morin - Il faut en parler à M. Gremetz !

M. Yves Cochet - Je pourrais citer l'exemple d'autres entreprises mais vous vous souvenez sans doute qu'un problème similaire s'est posé naguère avec les « mouchards » des routiers. Aujourd'hui, ceux-ci sont plombés, de sorte qu'on ne peut plus les « bidouiller ». Je propose donc par ce sous-amendement qu'il en soit de même des badgeuses, du moins de celles qui servent à décompter les heures de travail.

Mme la Ministre - C'est la moindre des choses.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé le sous-amendement mais celui-ci n'avait pas encore été rectifié...

Mme la Ministre - Le Gouvernement est favorable à cette proposition. Dès lors qu'il y a contrôle de la durée du travail par enregistrement automatique, celui-ci doit de toute évidence être fiable et infalsifiable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - La nature législative de cette disposition est évidente !

M. Hervé Morin - Elle est en effet du domaine sous-réglementaire !

Le sous-amendement 63 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Le sous-amendement 62 est retiré.

M. Jacques Desallangre - Les sous-amendements 236 et 237 et les quatre suivants ont tous été inspirés par la tragédie que vivent les 451 salariés de Volbaire, qui risquent d'être jetés à la rue par Michelin. Le groupe n'est pourtant pas en difficulté si l'on en juge par les dividendes qu'il verse à ses actionnaires ! J'ai lutté aux côtés des « Volbaire » avec mes collègues et je souhaite que nous continuions en faisant tous preuve de la même détermination. D'où ces sous-amendements dont les véritables auteurs sont en fait les « Volbaire ». Cependant, j'estime préférable de les redéposer à l'article 15 et je les retire donc.

Les amendements 236, 237, 235, 104 et 232 à 234 sont retirés.

M. Yves Cochet - Avec les aménagements successifs du temps de travail, les horaires uniformes d'entrée et de sortie de l'entreprise le cèdent de plus en plus à des horaires individualisés. Or, à la Samaritaine notamment, cette évolution compromet l'exercice des libertés syndicales : les syndicats ont de plus en plus de mal à informer les salariés par tracts par exemple. Il convient que notre législation prenne en compte cet assouplissement des heures d'embauche et de débauche (Rires) et mon sous-amendement 64 rectifié vise par conséquent à autoriser l'exercice des libertés syndicales aussi pendant la pause-restauration.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné ce sous-amendement mais il me semble qu'il n'a pas de lien direct avec l'objet de ce texte.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Hervé Morin - C'est en effet un cavalier !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Une jurisprudence constante veut qu'on fiche la paix aux salariés pendant qu'ils déjeunent ! Plutôt que des les laisser enquiquiner avec des tracts qui ne servent à rien, sinon à détruire des hectares de forêts, M. Cochet serait mieux avisé, et plus fidèle à ses engagements, s'il proposait d'interdire ces distributions !

Le sous-amendement 64 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - J'ai déjà présenté le sous-amendement 65 en première lecture...

M. Bernard Accoyer - Sous-amendement sociétal s'il en est !

M. Yves Cochet - Mais les salariés ne sont pas que des salariés ! Ce sont des personnes et des citoyens à part entière et ils n'abandonnent pas leurs droits quand ils entrent dans leur entreprise. La réduction du temps de travail va modifier leurs heures de début et de fin de travail. Dès lors, il ne me paraîtrait pas anormal que, dans les communes de plus de 10 000 habitants, les maires aient la faculté d'organiser en conséquence les horaires des transports et des services publics. Ce sous-amendement d'« harmonisation des temps sociaux » n'a en tout cas rien d'un cavalier, lui !

M. le Rapporteur - La commission l'a pourtant repoussé, après un débat nourri. Personnellement, j'y serais favorable à une condition : qu'on ouvre cette faculté aux présidents de structures intercommunales, pour la réserver à des agglomérations d'une certaine importance.

Mme la Ministre - Le Gouvernement donnera, comme en première lecture, un avis favorable. Je crois en effet qu'il faudra parvenir à une organisation de la vie quotidienne plus conforme aux réalités du travail. Cela doit se faire progressivement, par la discussion avec les responsables des services publics et ce sous-amendement permettrait justement d'amorcer le mouvement.

M. Hervé Morin - Il n'a aucune portée !

M. Bernard Accoyer - En effet, il n'a aucun caractère contraignant. Lorsqu'il entreprend de légiférer, M. Cochet suit une méthode quasi onirique qui le mène à des propositions en totale contradiction avec les données dont il part ! En effet, la réduction du temps de travail devrait se solder logiquement par une réduction des horaires d'ouverture des services publics : les salariés pourront désormais s'y rendre le matin, avant d'aller au travail, ou le soir, après le travail. Le souci sociétal de M. Cochet devrait donc le conduire à proposer cette réduction, dont son sous-amendement ouvre d'ailleurs la possibilité. Comme nous sommes opposés à une telle évolution, nous ne le suivrons pas.

M. Yves Cochet - Je propose de rectifier légèrement mon sous-amendement, en écrivant : « Dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants, le président de la structure intercommunale » (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Hervé Morin - C'est absurde ! Imaginez, Madame la Ministre, que vous soyez maire de Lille en 2001...

Mme la Ministre - Voilà qui est gentil !

M. Hervé Morin - Si vous considérez qu'il y a lieu de le faire, vous le ferez, et si vous jugez que c'est impossible, vous ne le ferez pas. Cela ne relève pas de la loi, mais de l'appréciation des maires et, en dernière instance, des électeurs.

Mme la Ministre - Je ne considère pas du tout que le sous-amendement soit absurde. Il ne tend à rien d'autre qu'à ce que font déjà toutes les grandes villes italiennes. Il y a dans les villes françaises des problèmes d'organisation quotidienne qui ne se posent que parce que personne n'a pris d'initiatives pour les résoudre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Certains services publics locaux sont de la responsabilité de la commune, d'autres sont de celle de l'agglomération. Le sous-amendement va créer un imbroglio inextricable.

Le sous-amendement 65 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Accoyer - Le sous-amendement 54 de M. Warsmann est défendu.

Le sous-amendement 54, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Morin - Le sous-amendement 120 est défendu.

Le sous-amendement 120, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 5 rectifié, modifié, mis aux voix, est adopté, et l'article premier est ainsi rédigé.

M. le Président - L'amendement 1 de M. Gremetz tombe.

M. Maxime Gremetz - En quel honneur ?

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ARTICLE PREMIER BIS A

M. Bernard Accoyer - Cet article, adopté par le Sénat dans sa grande sagesse, introduit un peu de souplesse, contre l'avis du Gouvernement qui considère sans doute que la rigidité favorise la création d'emplois. Il s'agit de valider l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995, reconduit par les partenaires sociaux le 8 avril dernier, et qui permet aux délégués du personnel ou à des salariés mandatés de conclure des accords, sous certaines conditions, dans les entreprises dépourvues de représentation syndicale.

M. le Rapporteur - L'amendement 6 supprime cet article, l'article 11 élargissant déjà les modalités de mandatement. Il est à noter que les partenaires sociaux n'ont jamais demandé la validation législative de l'accord interprofessionnel et que celui-ci n'a donné lieu qu'à 22 accords de branche.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, et l'article premier A bis est ainsi supprimé.

M. Maxime Gremetz - J'aimerais comprendre, car ne pas comprendre m'empêche de dormir (Sourires), pourquoi la présidence a déclaré que l'amendement 1 tombait.

M. le Président - Pour avoir suivi attentivement nos débats, vous avez certainement observé que l'Assemblée a adopté une nouvelle rédaction de l'article premier. Croyez-vous qu'il lui eût été possible, dans ces conditions, d'en adopter une autre, ainsi qu'y tendait votre amendement ?

M. Maxime Gremetz - Ce n'est pas très clair.

M. le Président - Je ne peux pas faire mieux. Je peux seulement vous confirmer, car je souhaite que vous puissiez dormir cette nuit, qu'il a été considéré à juste titre que votre amendement tombait.

M. Maxime Gremetz - On m'a donné, entre-temps, quatre explications différentes, dont une selon laquelle mon amendement tombait au profit du sous-amendement 78, mais il ne porte pas sur le même sujet...

M. le Président - Il n'y a pas lieu d'ouvrir une discussion sur ce point. Je vous ai répondu : une rédaction de l'article premier ayant été adoptée, il n'était pas possible d'en adopter une autre immédiatement après. C'est une question de procédure parlementaire.

M. Maxime Gremetz - Je suis certes un parlementaire novice, mais je persiste à considérer que ce n'est pas clair...

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ARTICLE PREMIER BIS B

M. François Goulard - Cet article, introduit par le Sénat et jugé inopportun par la commission, étend l'aide prévue par la loi du 13 juin 1998 aux établissements sociaux et médico-sociaux régis par la loi du 30 juin 1975. La spécificité de ces institutions, qui emploient beaucoup de personnel, sont mal prises en compte par le projet, et le passage aux 35 heures leur causera de graves difficultés.

M. Bernard Accoyer - J'aimerais que le Gouvernement nous explique comment les établissements médico-sociaux, désormais soumis à l'enveloppe globale, financeront la réduction du temps de travail.

M. le Rapporteur - L'amendement 7 vise à supprimer cet article. Il ne nous a pas semblé utile de maintenir une disposition qui pourrait être source de confusion dès lors qu'il est clair que le fait générateur est la date de signature et non la date d'agrément.

Mme la Ministre - Avis favorable. Je confirme que c'est bien le barème de l'aide à la date de la signature qui sera pris en compte par l'administration. L'amendement 11 de la commission précisera en outre que la contribution ne sera pas due pour la période comprise entre la signature et l'agrément.

M. Daniel Paul - Je souhaite insister sur les difficultés des établissements médico-sociaux. Le président d'une vieille institution havraise m'a écrit le 9 novembre dernier pour me faire part de la vive inquiétude du comité de gestion et du conseil d'administration de l'IME-La Parentèle quant aux conséquences financières et, en termes d'organisation, de la mise en _uvre de la réduction du temps de travail, si aucun moyen spécifique n'est octroyé au secteur médico-social.

Le fonctionnement de ce secteur est dépendant des moyens mis à sa disposition.

En l'état actuel, dit-il, « l'application de la loi nous est imposée, mais aucune aide complémentaire n'est programmée », ce qui empêchera de maintenir le niveau des prestations rendues aux usagers.

Depuis plusieurs années, les taux directeurs appliqués aux budgets annuels des établissements ne couvrent plus les dépenses salariales et les effets des impasses budgétaires ne sont limités que par une réduction des prestations éducatives. Le danger que cette situation s'aggrave est réel.

Je souhaite donc que l'on réponde à ces craintes et que la réduction du temps de travail soit appliquée dans les établissements accueillant des enfants handicapés en préservant, voire en améliorant le niveau des prestations.

M. Bernard Accoyer - Très bien !

L'amendement 7, mis aux voix, est adopté, et l'article premier bis B est ainsi supprimé.

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ARTICLE PREMIER BIS

M. François Goulard - Cet article a été supprimé par le Sénat mais M. Cochet propose de le rétablir afin que « tout salarié soumis à un aménagement de son temps de travail bénéficie de contreparties pertinentes et proportionnelles aux sujétions professionnelles et personnelles imposées ».

S'il est vrai que la réduction du temps de travail modifie les conditions et l'aménagement du temps de travail, cela ne va pas toujours dans un sens favorable au salarié, sans doute en raison du coût des 35 heures pour l'entreprise et des perturbations qu'elles entraînent. Il semble quand même difficile de demander aux entreprises de payer une fois pour les 35 heures et une autre pour les contreparties aux salariés. Or la contrepartie à l'aménagement du temps de travail, c'est les 35 heures !

M. Bernard Accoyer - Je n'insisterai pas sur cet article car je suis convaincu que, dans sa sagesse, le rapporteur s'opposera à l'amendement de M. Cochet, que sa générosité poétique et lyrique entraîne parfois trop loin...

Je souhaite surtout que le Gouvernement réponde à l'intervention de M. Paul sur les établissements médico-sociaux.

M. le Président - Manifestement, Mme la ministre ne souhaite pas prendre la parole...

M. Yves Cochet - Notre assemblée avait adopté en première lecture la disposition que mon amendement 66 vise à rétablir car il lui avait semblé justifié que les aménagements du temps de travail liés au passage aux 35 heures ouvrent droit à des « contreparties pertinentes et proportionnelles » aux sujétions professionnelles et personnelles imposées. Je ne faisais ainsi que faire application de l'article L. 120-2 du code du travail aux termes duquel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

En 1987, le législateur avait prévu des contreparties aux modulations de type II et, en 1993, pour les modulations de type III. En 1989, le CNPF et les syndicats avaient passé un accord national élargissant le principe des contreparties à tout le champ de l'aménagement du temps de travail.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - C'est bien pourquoi votre amendement est inutile...

M. Yves Cochet - Cela ne figurait pas dans la loi.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, non seulement en raison de ma sagesse, Monsieur Accoyer, mais parce qu'il lui a semblé préférable de s'intéresser aux contreparties à chaque fois que cela serait nécessaire dans le texte.

En outre si nous maintenions cette rédaction, adoptée en première lecture faute d'une vigilance suffisante, les contreparties s'appliqueraient à toutes les formes d'aménagement, y compris celles que solliciterait le salarié.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

L'amendement 66, mis aux voix, n'est pas adopté et l'article premier bis demeure supprimé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - M. Cochet était seul à voter son amendement, c'était le Vert solitaire... (Sourires)

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ARTICLE PREMIER TER

M. François Goulard - S'agissant de la définition du temps de travail effectif, le Sénat est revenu à la conception traditionnelle, suffisamment souple pour permettre de tenir compte des impératifs de chaque secteur d'activité. La volonté de tout réglementer -le temps de pause, le temps de restauration, le temps d'habillage et de déshabillage- aboutit à des impossibilités. J'invite l'Assemblée à adopter une attitude pragmatique en reprenant un système qui donnait satisfaction.

M. Bernard Accoyer - Le Gouvernement et le rapporteur se sont aperçu que les amendements proposés nuitamment par notre collègue Cochet étaient dangereux. Il nous avait expliqué dans son « amendement Disney » que s'habiller en Mickey demandait du temps et qu'il fallait inclure dans le temps de travail effectif le temps d'habillage et de déshabillage. Dans les industries laitières, cette disposition revient, pour 60 000 salariés, à offrir l'équivalent de trois semaines de congés supplémentaires -alors que l'on augmente déjà le coût du travail de 11,4 %... J'espère que l'Assemblée acceptera de suivre le Sénat.

M. le Rapporteur - L'amendement 8 rectifié tend à rétablir les dispositions votées en première lecture concernant le temps de travail effectif, tout en les améliorant en ce qui concerne le temps d'habillage et de déshabillage. Nous proposons que soient validées les situations plus favorables créées par des accords, des conventions collectives ou des usages, et que là où le temps d'habillage et de déshabillage n'est pas assimilé à du temps de travail effectif, il fasse l'objet de contreparties en temps ou en argent.

Cet amendement rectifié inclut un sous-amendement de M. Gremetz, sur lequel nous n'aurons donc pas à revenir.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est favorable à cet amendement mais souhaite apporter une précision. Je propose un sous-amendement oral tendant à insérer après les mots « le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage » les mots « lorsqu'ils doivent être réalisés sur le lieu de travail ».

M. Maxime Gremetz - Le temps d'habillage et de déshabillage est du temps de travail effectif. J'aurais souhaité qu'on ne remette pas en cause ce principe général parce qu'une partie des entreprises d'une certaine corporation s'y opposent. Certes, il existe des cas particuliers ; mais mieux vaut conserver le principe général et prévoir des dérogations.

Je précise que je ne suis pas signataire de cet amendement, contrairement à ce qui est indiqué. La disposition que vous proposez, Madame la ministre, me paraît très dangereuse car il suffira pour la contourner de placer les pointeuses après les vestiaires...

Mon sous-amendement 77 tend à substituer au mot « collectives » les mots « ou accords collectifs, de branches, d'entreprises, d'établissements ou locaux. »

M. le Rapporteur - Monsieur Gremetz, la commission a ce matin intégré votre sous-amendement 77 dans l'amendement 8 ; c'est la raison pour laquelle vous êtes devenu cosignataire.

Mme la Ministre - Je rassure M. Gremetz : le lieu de travail est l'enceinte de l'entreprise : l'emplacement des pointeuses importe peu.

Nous sommes bien d'accord.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Je suis un peu perdue. Certains secteurs d'activité ont manifesté leur inquiétude face aux dispositions de l'amendement de M. Cochet. La presse économique s'est ensuite fait l'écho d'une avancée contenue dans la nouvelle rédaction adoptée par la commission. Je ne vois pas quelle est cette avancée.

On a laissé croire que les temps d'habillage et de déshabillage n'étaient pas jusqu'à présent pris en compte dans la rémunération. C'est inexact. Quand des employeurs ont cru pouvoir s'exonérer de cette obligation, ils ont été condamnés. La nouveauté consiste à décompter du temps de travail effectif les temps d'habillage et de déshabillage. Cela posera de gros problèmes à certaines entreprises, par exemple dans le secteur de la viande.

M. Yves Cochet - Je ne suis pas cosignataire de l'amendement 8 rectifié, mais je n'y suis pas hostile s'il évolue.

La rédaction adoptée en première lecture est intellectuellement juste. Le temps consacré à s'habiller et à se déshabiller pour des raisons professionnelles représente du temps de travail effectif. Mais j'ai entendu les remarques de certaines professions des secteurs agro-alimentaire, des parcs de jeux, des semi-conducteurs, et je peux comprendre que l'écriture de l'amendement évolue.

Le ministre vient de nous communiquer un sous-amendement 251 qui risque d'avoir des effets pervers. L'employeur pourrait en effet dire à ses salariés : « Puisque je suis tenu de vous accorder des contreparties au temps d'habillage, habillez-vous chez vous avant de venir. » C'est ce qui se passe à Disneyland aux Etats-Unis. Les employés doivent arriver au parc en tenue de Mickey ou de Belle au Bois dormant (Sourires).

M. Bernard Accoyer - Le sous-amendement 123 est défendu.

Le sous-amendement 123, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Je fais mon autocritique. Mon sous-amendement 77 a bien été intégré dans l'amendement 8 rectifié. Je le retire donc.

Dans le sous-amendement 251 du Gouvernement, je propose, pour éviter toute équivoque, d'écrire « dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ».

Mme la Ministre - Le lieu de travail, me semble-t-il, désigne l'ensemble de l'enceinte de l'entreprise. Mais j'accepte la proposition de M. Gremetz.

M. François Goulard - Il devient difficile de s'y retrouver dans ces riches débats. Le lieu de travail est évoqué deux fois dans la même phrase. N'est-ce pas redondant ?

Mme la Ministre - Non. D'une part le salarié doit porter une certaine tenue de travail, d'autre part il doit la mettre sur le lieu de travail. La condition est double.

M. François Goulard - Avouez que ce dispositif n'est pas facile à interpréter.

Le sous-amendement 251 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Cochet - Dans une première rédaction, les contreparties devaient être «pertinentes » et « proportionnelles ». Ce n'est pas une simple clause de style. Il existe derrière ces mots toute une jurisprudence, qui tend à renforcer le droit de la négociation. La notion de pertinence a été intégrée par le rapporteur dans son amendement. Mon sous-amendement 67 tend à ajouter que les contreparties doivent être proportionnelles. Cela me paraît pertinent.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Mieux vaut en rester à la rédaction proposée, sous peine d'excès de complexité.

Mme la Ministre - Même avis.

Le sous-amendement 67, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Mon sous-amendement 231 a pour objet d'exclure du champ de l'amendement Cochet les industries agro-alimentaires, où les opérations d'habillage et de déshabillage peuvent représenter 114 heures par an, soit 7 % de la durée annuelle. C'est dire combien les belles paroles et la belle voix grave de M. Cochet cachaient des intentions néfastes pour ce secteur. Heureusement, je les ai démasquées (Sourires).

M. le Rapporteur - L'effeuillage auquel se livre M. Accoyer n'a pas ému la commission, qui a repoussé son amendement (Sourires).

Mme la Ministre - Même avis.

Le sous-amendement 231, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 8 rectifié, sous-amendé, mis aux voix, est adopté et l'article premier est ainsi rédigé.

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ARTICLE PREMIER QUATER

M. François Goulard - Pour cet article, relatif aux équivalences, le Sénat a souhaité laisser une plus grande place à la négociation collective. Bien entendu, le rapporteur va nous proposer de revenir à la rédaction adoptée en première lecture. C'est dommage.

M. Bernard Accoyer - Une fois de plus, en effet, le Gouvernement privilégie le recours au pouvoir réglementaire. Nous ne pouvons le suivre dans cette voie et nous voterons donc pour le maintien de la rédaction proposée par le Sénat.

M. le Rapporteur - L'amendement 52 de la commission revient au texte de l'Assemblée, moyennant une modification rédactionnelle.

Je vois que M. Accoyer qui hier se présentait comme un défenseur actif des droits des salariés se fait aujourd'hui le chantre d'un article qui limite les garanties offertes à ces derniers, puisqu'on pourrait les faire travailler plus longtemps que ne l'indique le compteur.

Mme la Ministre - Avis favorable.

M. Léonce Deprez - Le sous-amendement 173 vise à valider par la loi des décisions prises sur la base de conventions collectives applicables aux personnels d'éducation d'établissements privés sous contrat.

M. le Rapporteur - Ce sous-amendement tire les conséquences d'une jurisprudence de la Cour de cassation qui ne permet plus de mettre en place un régime d'équivalence via un accord agréé. Mais la disposition que nous avons votée précédemment la rend inutile car un régime d'équivalence peut être désormais mis en place par des accords à condition que ceux-ci fassent l'objet d'une extension ou d'un décret.

Mme la Ministre - Même avis.

Le sous-amendement 173, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Notre commission n'a pas retenu grand chose du travail du Sénat...

M. Maxime Gremetz - Vous faites toujours référence au Sénat !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Parce que nous examinons le texte tel qu'il nous revient du Sénat. Vous connaissez peut-être le mécanisme de la navette ?

Notre commission, disais-je, a cependant retenu ce qu'a proposé le Sénat concernant la rémunération des périodes de permanence nocturne en chambres de veille dans le secteur social.

Le sous-amendement 220 a pour objet d'étendre ce dispositif aux personnels d'éducation des établissements d'enseignement privé.

M. le Rapporteur - Avis personnel défavorable.

Mme la Ministre - Il n'y a pas lieu de prévoir pour les établissements d'enseignement privé sous contrat le même dispositif que pour le secteur sanitaire et social, car si la Cour de cassation a annulé les équivalences prévues dans ce secteur, c'est seulement parce qu'elles avaient été mises en place par la voie d'un accord agréé au lieu de l'être par une convention collective étendue. A partir du moment où le secteur des établissements d'enseignement privé a une convention collective, il n'y a pas de problème. Avis défavorable, donc.

Le sous-amendement 220, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 52, mis aux voix, est adopté et l'article premier quater est ainsi rédigé.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce matin, jeudi 2 décembre, à 9 heures.

La séance est levée à 0 heure 55.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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