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Session ordinaire de 1999-2000 - 38ème jour de séance, 91ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 9 DÉCEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1999 (suite) 2

          APRÈS L'ART. 21 (suite) 2

          APRÈS L'ART. 22 8

          ART. 23 10

          APRÈS L'ART. 23 10

          APRÈS L'ART. 24 15

          EXPLICATIONS DE VOTE 19

La séance est ouverte à quinze heures trente.

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LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1999 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1999.

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APRÈS L'ART. 21 (suite)

M. Gérard Bapt - Avec l'amendement 41, je propose de durcir la fiscalité sur les tabacs. Il s'agit donc d'une mesure destinée à protéger la santé publique en renforçant la prévention du tabagisme, notamment chez les jeunes. Relever le minimum de perception fiscal pour les cigarettes blondes aurait pour conséquence d'entraver la mise sur le marché de cigarettes à bas prix. Je suis, on le sait, particulièrement soucieux de prévenir les risques cardio-vasculaires. Cette préoccupation m'avait d'ailleurs conduit à proposer l'allégement du taux de TVA applicable à la margarine, et je ne désespère pas que la présidence française de l'Union européenne donne l'occasion de parvenir à cette fin, cet argument valant pour la margarine comme il vaut pour le tabac.

Pour en revenir au tabac, le rapporteur général m'a indiqué en commission qu'un amendement similaire au mien, accepté par le Gouvernement, avait été adopté par le Sénat lors de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000. Je retire donc l'amendement 41 qui avait pour objet essentiel, je le répète, de préserver la santé publique, et plus particulièrement celle des jeunes.

M. Dominique Baert - Dans la loi de lutte contre les exclusions, le législateur insistait sur la nécessité de favoriser l'accession au logement des plus démunis et prévoyait, à cet effet, l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties dans un certain nombre de cas. Or les unions d'économie sociale ayant pour seul objet le logement des personnes défavorisées ne bénéficient pas de cette disposition. L'amendement 89 vise à réparer cette omission.

M. Didier Migaud, rapporteur de la commission des finances - La commission, tout en comprenant l'esprit de l'amendement, n'a pas suivi son auteur. En effet, le bénéfice de l'exonération est accordé aux organismes sans but lucratif, ce qui n'est pas le cas des unions visées par l'amendement, et la commission n'a pas souhaité de dérogations à ce principe. J'invite donc M. Baert à retirer son amendement et à envisager, en concertation avec la commission et le Gouvernement, une autre forme d'aide aux unions d'économie sociale. S'il décidait de le maintenir, je serais au regret de demander à l'Assemblée de le rejeter.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat - Si l'on ouvrait cette possibilité d'exonération à certaines unions, il faudrait l'ouvrir ensuite à d'autres, sous peine d'incohérence ; le Gouvernement ne le souhaite pas. Je demande donc à mon tour à M. Baert de bien vouloir retirer l'amendement.

M. Dominique Baert - Il précise expressément que sont concernées les « unions d'économie sociale ayant pour seul objet le logement des personnes défavorisées », ce qui me semble de nature à éviter toute dérive. Cela dit, j'accepte de le retirer en souhaitant qu'un débat constructif s'engage avec le rapporteur général et le Gouvernement d'ici la seconde lecture afin que nous puissions aller plus loin.

Je retire également l'amendement 88 qui était de conséquence.

M. Jean-Claude Lefort - L'amendement 100 est défendu.

L'amendement 100, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Baert - Une taxe spéciale d'équipement destinée à permettre à l'établissement public foncier du Nord-Pas-de-Calais de financer les acquisitions foncières auxquelles il procède dans le cade des opérations de reconversion des friches industrielles a été instituée en 1992 et son montant est, depuis lors, arrêté chaque année pour l'année suivante, dans la limite de 30 millions. La région concernée connaissant la crise que l'on sait, il est proposé, par l'amendement 90, de porter ce montant à 60 millions. Ainsi contribuerait-on à satisfaire la volonté exprimée par le Gouvernement de mener une politique de la ville efficace.

M. le Rapporteur général - Favorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis favorable à cet excellent amendement.

L'amendement 90, mis aux voix, est adopté.

M. Marc Laffineur - Les amendements 74 et 75 ont trait à la taxe d'habitation. En 1990, le Gouvernement Bérégovoy a mis en place une taxe visant à couvrir les frais de révision des bases locatives. Or, si la réforme n'a pas abouti, la taxe n'a pas été supprimée. L'amendement 74 vise donc à la supprimer et le 75 à abaisser le taux décidé en 1990.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Le chantier reste ouvert.

Le rapport qui sera remis au printemps prochain sur les marges de man_uvre liées au surcroît de recettes fiscales et l'arrêté définitif des comptes pour 1999 permettront d'envisager les suites à donner à une éventuelle réforme de la taxe d'habitation.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis. Les frais de révision des bases étaient justifiés et, au surplus, les dégrèvements consentis par l'Etat ont augmenté de 2,3 % en dix ans pour atteindre 60 milliards cette année.

M. Michel Bouvard - Je préfère à celle de Mme la ministre la réponse du rapporteur général. Mme la ministre reprend en effet l'argumentation de M. Sautter, selon laquelle l'Etat a déjà beaucoup fait pour les collectivités locales ! Nous sommes en droit de demander qu'il soit mis fin à la perception d'une taxe instituée il y a dix ans en vue d'une réforme qui n'a pas eu lieu. Il convient de mettre fin dès l'année prochaine à cet anachronisme assez ridicule.

L'amendement 74, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 75.

M. Jean-Claude Lefort - L'amendement 128 est défendu.

L'amendement 128, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Fuchs - L'amendement 112 vise à mettre en _uvre une proposition formulée par le rapport d'information sur le fonctionnement et le renforcement des fonds nationaux et départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, déposé en juillet 1999.

Il tend à accroître la part des ressources des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle consacrés aux communes et groupements considérés comme défavorisés, compte tenu de leur potentiel fiscal et de l'importance de leurs charges. En conséquence, il conduirait à réduire la part de ces ressources bénéficiant aux communes dites « concernées », c'est-à-dire celles qui sont situées à proximité de l'établissement écrêté et qui subissent de ce fait un préjudice, résultant notamment de la résidence sur leur territoire de salariés de l'établissement.

Toutefois, afin de permettre aux communes « concernées » de disposer d'un délai raisonnable pour faire face aux charges nouvelles des premières années suivant l'implantation des établissements exceptionnels, il est proposé de ne porter à 60 % le taux minimum des ressources du fonds consacré aux catégories défavorisées qu'à compter de la dixième année où l'établissement exceptionnel donne lieu à écrêtement. En outre, les communes « concernées » sont assurées de recevoir un minimum de 40 % des ressources durant la durée du remboursement de leurs emprunts.

Cette modification permettrait de renforcer le rôle péréquateur des fonds départementaux.

M. le Rapporteur général - Avis favorable, compte tenu des modalités proposées.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le système me paraît d'une application délicate et je ne suis pas certaine de son efficacité. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Michel Bouvard - J'apprécie la prudence du Gouvernement. Il me semble indispensable que les départements conservent une marge de man_uvre importante dans la gestion des fonds de taxe professionnelle. La proposition qui nous est soumise est de nature à réduire l'autonomie des collectivités et à mettre en cause les équilibres souvent délicats qui se dégagent des commissions interdépartementales de péréquation.

M. Gérard Fuchs - Je précise à Mme la ministre qu'il est prévu une période transitoire de trois ans pour les communes « concernées » qui verraient diminuer leurs recettes du fait d'une meilleure allocation des fonds au profit des communes défavorisées.

A Monsieur Bouvard, j'indique que les moyens de man_uvre des conseils généraux seront préservés, y compris dans le cadre des négociations interdépartementales.

L'amendement 112, mis aux voix, est adopté.

M. Gérard Fuchs - L'amendement 113 tend à aligner les règles de reversement des produits issus des bases écrêtées applicables aux groupements à taxe professionnelle de zone ou à fiscalité additionnelle créés avant le 31 décembre 1992 sur celles applicables aux groupements créés après cette date.

Le texte en vigueur prévoit, en effet, que les groupements créés avant le 31 décembre 1992 bénéficient d'un « taux de retour » compris entre 2/3 au moins et 3/4 au plus du montant de l'écrêtement, tandis que les groupements créés après cette date ont un « taux de retour » fixé à 30 % au moins et 60 % au plus de ce montant. Il est donc proposé de retenir cette dernière fourchette pour l'ensemble des groupements à taxe professionnelle de zone ou à fiscalité additionnelle, quelle que soit leur date de création.

M. le Rapporteur général - Favorable. Cette mesure figurait dans le texte initial du projet de loi relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. Le Parlement l'a supprimé, parce qu'il ne lui a pas semblé opportun de modifier les règles régissant les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle avant la publication des rapports parlementaire et gouvernemental, qui étaient alors en cours d'élaboration.

Mme la Secrétaire d'Etat - Favorable, d'autant qu'il s'agit en somme d'un texte d'origine gouvernementale (Exclamations).

L'amendement 113, mis aux voix, est adopté.

M. Gérard Fuchs - Je présenterai en même temps les amendements 111, 115 et 114 qui vont de conserve.

Il s'agit à nouveau d'accroître la masse disponible pour la péréquation de la taxe professionnelle aux niveaux départemental et national. Aujourd'hui, les ressources des fonds départementaux de taxe professionnelle proviennent pour l'essentiel de l'écrêtement d'établissements « exceptionnels », dans certaines communes ou dans certains groupements. Le seuil d'écrêtement est fixé à deux fois la moyenne des bases de taxe professionnelle par habitant au niveau national. Cette situation est relativement injuste car certaines communes disposent pour unique source de richesse d'un établissement exceptionnel, alors que d'autres en ont plusieurs qui sont écrêtés séparément et que d'autres encore peuvent voir s'ajouter à une ressource des bases de taxe professionnelle importantes.

L'amendement 111 vise donc à proposer qu'il y ait écrêtement des recettes de taxe professionnelle pour l'ensemble des bases de taxe professionnelle des communes et des groupements. Comme cette mesure risque d'alourdir fortement le prélèvement, je propose d'élever le seuil d'écrêtement à trois fois, et non plus à deux fois, la moyenne des bases de taxe professionnelle par habitant. La ressource passerait ainsi de 2,7 milliards à 5,8 milliards.

En raison de la fraîcheur des simulations dont je dispose et de l'ampleur des sommes en jeu, le système n'entrerait en vigueur qu'en l'an 2001. L'année prochaine serait alors mise à profit pour parfaire les simulations.

L'amendement 115, qui découle du précédent, tend à affecter les excédents de recettes au Fonds national de péréquation et l'amendement 114 à étaler de façon progressive sur cinq ans le déplacement des sommes concernées. Ma proposition, financièrement assez lourde, répond à un souci de justice fiscale au bénéfice des communes défavorisées. Je demande aujourd'hui à l'Assemblée d'adopter un principe dont la mise en _uvre est reportée à un an. Personne, je pense, ne peut être hostile à ce principe.

M. le Rapporteur général - Nous avons longuement débattu en commission. M. Fuchs nous a présenté plusieurs rédactions successives, si bien que ces amendements sont le fruit d'un travail collectif.

La commission est favorable au principe d'une péréquation renforcée. Mais nous souhaitons que le dispositif retenu n'entre pas en vigueur avant 2001, afin de préciser dans le projet de loi de finances pour 2001, les modalités de ce nouvel écrêtement, après avoir procédé aux simulations nécessaires.

Il est entendu en outre que les groupements de communes qui ont adopté une taxe professionnelle unique ne sont pas concernées.

M. le Secrétaire d'Etat - Voilà une affaire complexe, qu'il est difficile de faire passer comme cela ! Certaines communautés d'agglomérations qui ont choisi une TPU risquent de s'inquiéter.

Vous allez recevoir un rapport relatif aux fonds départementaux de taxe professionnelle. Un groupe de travail pourrait alors entreprendre de décortiquer le dispositif proposé. Je ne souhaite pas me prononcer dès maintenant, avant toute expertise. Je m'engage à créer ce groupe de travail, afin de disposer de tous les éléments pour décider dans le cadre du projet de loi de finances pour 2001.

M. Marc Laffineur - Une réforme d'une telle ampleur, qui porte sur plus de 3 milliards, requiert des simulations avant que nous légiférions. Nous devons savoir où l'on nous conduit. Je soutiens donc la position du Gouvernement.

M. Michel Bouvard - Un rapport est tout juste disponible. Nous voulons l'étudier avant de nous précipiter pour légiférer sur un dispositif qui ne sera pas opérationnel avant 2001. Voilà pour la méthode.

Sur le fond, il s'agit de 3 milliards de ressources supplémentaires. J'admets l'idée de renforcer les fonds de péréquation de taxe professionnelle. Mais les mécanismes proposés induisent des réformes très importantes qui appellent étude et concertation.

Dans les zones de montagne, par exemple, les établissements exceptionnels peuvent être des entreprises industrielles mais aussi des barrages hydroélectriques, ce qui crée une situation particulière. Il n'est pas acceptable de transférer au niveau national des ressources affectées aux départements. Au sein même des départements, certaines communes se sont lourdement endettées pour investir, par exemple les stations de sports d'hiver. Comment feront-elles face à leurs engagements ?

Dans tous ces cas, il est impossible de retenir comme seuls indicateurs de charges le nombre de logements sociaux ou de bénéficiaires de l'APL. Il faut aussi tenir compte, en altitude, de l'entretien de la voirie et du paysage, de l'érosion des sols, que la frénésie normative rend de plus en plus coûteux. Je veux bien que l'on fasse évoluer les fonds de TP. Mais légiférer aujourd'hui sur la base d'éléments que nous ne connaissons pas, sans disposer des études d'impact comme le Parlement s'en est pourtant fait une règle, n'est pas raisonnable. Ajournons la discussion de ces amendements jusqu'au prochain projet de loi de finances.

M. Gérard Fuchs - Monsieur Bouvard, le dispositif applicable aux communes ayant à rembourser des intérêts d'emprunts sera maintenu. Seuls les excédents de ressources des fonds départementaux seraient affectés au FNTP.

Je remercie le rapporteur et le président de la commission des finances qui m'ont aidé à rédiger ma proposition, notamment en ce qu'elle précise que les groupements de communes à taxe professionnelle unique ne seraient pas concernés.

En ce qui concerne la méthode, je rappelle qu'il y a un an j'avais déjà déposé un amendement analogue : on m'a répondu qu'il fallait faire des simulations et qu'un rapport serait présenté en septembre. Or ce rapport n'est arrivé qu'hier. C'est pourquoi j'ai voulu changer de méthode cette année en posant le principe par un vote et en reportant l'application à 2001 : ce sera un bon stimulant pour les services chargés des simulations.

Je souhaite donc maintenir l'amendement, mais je m'en remets à la sagesse du président de la commission.

Mme Catala remplace M. Cochet au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

M. le Rapporteur général - Il ne me semble pas de mauvaise méthode de poser un principe et de se laisser une année pour procéder aux simulations et ajuster les modalités en fonction de leurs résultats.

Je comprends que notre collègue s'interroge sur le suivi de propositions quand un principe n'est pas affirmé clairement.

Je propose donc que nous adoptions son amendement 115, sous réserve d'ajouter, après les mots « coopération intercommunale », les mots « à l'exception des EPCI à taxe professionnelle unique », ceci pour éviter d'effrayer ces EPCI.

Sous réserve de cette modification, je suis favorable aux trois amendements.

M. Gérard Fuchs - Je suis d'accord avec la rectification.

M. le Président de la commission - Je m'associe à la position du rapporteur général. Il conviendrait seulement de préciser que les simulations doivent être effectuées au niveau de chaque département.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Président de la commission - En effet, il n'est pas certain qu'il y ait augmentation du produit dans tous les départements. Il conviendrait donc de garantir le maintien des ressources antérieures en sous-amendant l'amendement 111.

Mme la Présidente - Je souhaiterais un texte écrit.

M. le Président de la commission - Je propose d'ajouter à la fin du paragraphe I de l'amendement 111 la phrase suivante : « Le fonds national de péréquation reverse en priorité aux départements qui connaîtraient une baisse de leurs ressources à la suite de ce nouveau dispositif les sommes nécessaires au maintien de leurs ressources. » (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Philippe Auberger - C'est du bricolage !

Mme la Présidente - Je crois qu'on ne peut pas rédiger un amendement de cette nature en séance.

M. Philippe Auberger - Il n'est pas recevable ! Il faut le revoir en commission.

Mme la Secrétaire d'Etat - Ce débat technique est important et délicat. Je suis d'accord sur le principe, mais ce texte devrait plutôt figurer en loi de finances initiale. Je ne peux pas le soutenir.

L'amendement 111, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 115 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 114, mis aux voix, est adopté.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 125 corrigé du Gouvernement tend à rendre obligatoire pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 100 millions, soit 12 000 entreprises, la souscription électronique des déclarations d'impôt sur les sociétés et de TVA, ainsi que le télépaiement de la TVA, à compter du 1er mai 2001.

L'amendement 125 corrigé, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Baert - L'amendement 104 tend à modifier le paragraphe II de l'article 1840 G ter du code général des impôts afin de lever une ambiguïté relative à la réduction des droits de mutation.

M. le Rapporteur général - C'est un amendement rédactionnel. Avis favorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - C'est un bon exemple de suivi parlementaire des textes. C'est pourquoi je lève volontiers le gage.

L'amendement 104, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 86 tend à préciser, pour éviter tout malentendu, que les feuilles d'imposition des EPCI à taxe professionnelle unique auront une présentation différente.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je suis d'accord sur le principe, mais ne puis m'engager sur les modalités pratiques.

M. Gilles Carrez - Je profite de l'occasion pour interroger Mme la ministre sur la taxe professionnelle des communautés d'agglomération qui vont se créer à partir du 1er janvier prochain.

La taxe professionnelle étant transférée aux communautés d'agglomération, elle ne peut plus être perçue par les communes. Si les services du Trésor ne reçoivent pas d'instructions pour que les douzièmes provisoires soient débloqués rapidement, ces dernières auront de graves difficultés de trésorerie.

M. Jean-Jacques Jegou - En outre, nous ne savons toujours pas comment s'opérera désormais la péréquation de la taxe professionnelle en Ile-de-France, à quelques semaines seulement de la création d'une communauté d'agglomération comprenant notamment la commune de M. Carrez et la mienne.

Mme la Secrétaire d'Etat - La solution vers laquelle nous nous orientons consiste à verser par anticipation l'équivalent d'un douzième provisoire aux communautés d'agglomération, à charge pour elles de reverser ensuite à chaque commune la part qui lui revient. Le précédent des districts justifie que nous prenions une circulaire afin d'éviter que les communes reçoivent le premier versement avec un retard d'un mois. S'agissant de la péréquation, le potentiel fiscal global devra être recalculé pour l'année « n+1 », et nous n'avons donc pas de simulations complètes.

M. Jean-Jacques Jegou - Cela veut-il dire qu'il sera calculé à partir du potentiel fiscal des communautés et non, comme actuellement, à partir de celui des communes ?

M. Marc Laffineur - En tout état de cause, il y aura un délai important entre le versement aux communautés et le reversement aux communes, et la trésorerie de ces dernières en souffrira.

Mme la Secrétaire d'Etat - Pour les communautés constituées avant la fin de cette année, le versement sera possible dès janvier, mais la séparation des ordonnateurs et des comptables risque de faire prendre un mois de retard au reversement, d'où notre intention, justement, de prendre une circulaire permettant d'éviter cet inconvénient.

L'amendement 86, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 116 de M. Chouat, accepté par la commission, prévoit, en cas de transformation d'un groupement sans fiscalité propre en établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, le reversement par les communes à celui-ci de la fraction de la compensation afférente à la part de l'ancien syndicat.

Mme la Secrétaire d'Etat - C'est logique, en effet.

L'amendement 116, mis aux voix, est adopté.

L'article 22, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 22

M. Philippe Auberger - Un crédit supérieur au milliard de francs est inscrit au collectif pour financer l'acquisition, par la Nouvelle-Calédonie et ses trois provinces, des participations détenues par l'Etat dans les sociétés Eramet et Le Nickel. Cette opération, décidée à la suite des accords de Nouméa, n'est pas critiquable en soi ; encore faut-il lui donner une base juridique sérieuse, et c'est l'objet de l'amendement 28, que la commission a bien voulu adopter.

Il a déjà fallu, au cours des années écoulées, procéder à des échanges de massifs en vue de l'implantation d'une usine dans la province Nord, ce qui a coûté un autre milliard, prélevé sur le compte des privatisations contre toute logique, puisque le secteur privé n'était nullement concerné. Qui plus est, cette opération a été supervisée par une filiale d'une société d'assurances ayant, à la demande du ministère des finances lui-même, son siège à Jersey !

M. Gilles Carrez - Quelle honte !

M. Philippe Auberger - Ce que nous demandons, c'est que l'Etat soit explicitement autorisé à céder ses participations dans la limite de 1,040 milliard, et que la valeur de cession soit estimée au préalable par la Commission des participations et transferts. Il s'agit d'entourer cette opération de transparence et de rigueur juridique.

M. le Rapporteur général - Tel est également le souci de la commission des finances, qui a donc adopté l'amendement.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement a annoncé, en février dernier, en accord avec les partenaires calédoniens, le principe de l'entrée d'intérêts publics calédoniens au capital de SLN et d'ERAMET.

Cette opération est une première étape de l'application du volet économique de l'accord de Nouméa et les crédits de 1 040 millions dont le vote vous est aujourd'hui proposé vise à en permettre la réalisation.

Les participations destinées aux partenaires calédoniens -30 % du capital de SLN et près de 5 % du capital actuel d'ERAMET- seront acquises auprès de leur propriétaire actuel -l'ERAP- par une société à créer, la Société territoriale calédonienne de participations industrielles -STCPI- dont le capital sera détenu directement ou indirectement par les trois Provinces calédoniennes, Nord, Sud et Iles.

La STCPI financera l'acquisition des titres grâce à des prêts consentis par les trois provinces, via l'AFD, conformément à l'article 212 de la loi organique du 19 mars 1999. Ces prêts seront eux-mêmes refinancés au franc le franc par la subvention que ces collectivités recevront de l'Etat, conformément à l'article 55 de cette même loi, grâce aux crédits dont le vote vous est aujourd'hui proposé. Les dividendes tirés à l'avenir des participations dans SLN et ERAMET reviendront, pour l'essentiel, aux Provinces.

En cohérence avec l'objectif de rééquilibrage, la subvention sera répartie à hauteur de 40 % au profit de la Province Nord, de 40 % au profit de la Province Sud, et de 20 % au profit de la Province des Iles.

Elle sera versée dès que la STCPI se sera engagée sur le rachat des titres SLN et ERAMET, et que chacune des Provinces aura délibéré favorablement sur le projet de prêt à la STCPI et sur l'inscription en recettes de la subvention de l'Etat affectée à cet usage.

Votre amendement tend à autoriser l'Etat, par une disposition législative expresse, à céder à la Nouvelle Calédonie et à ses provinces les participations qu'il détient à travers l'ERAP, dans l'entreprise ERAMET et la société le Nickel (SLN).

Selon le Gouvernement cette habilitation n'est pas nécessaire. L'Etat n'a pas à être autorisé par la loi à céder les participations qu'il détient indirectement dans les entreprises ERAMET et SLN.

ERAMET est revenu dans le secteur privé en juillet dernier. Cette opération ne relevait pas de la loi dans la mesure où ERAMET n'était pas rentré dans le secteur public en vertu d'une disposition législative : il n'y a pas eu de « nationalisation ». Elle a donc été effectuée par décret, comme l'impose la loi de 1993.

D'autre part, la cession de participations minoritaires dans des sociétés privées détenues indirectement par l'Etat relève juridiquement de la décision du ministre de l'économie et non de la loi.

Enfin, il n'est pas nécessaire que la Commission des participations et des transferts fournisse une estimation des participations minoritaires détenues indirectement par l'Etat. D'abord, parce que la valeur de cession retenue est celle du marché. Ensuite, le montant est budgétairement indifférent pour l'Etat puisque le bénéficiaire ultime des crédits est le propriétaire actuel des titres, c'est-à-dire l'ERAP. Enfin, une telle procédure imposerait des délais que nos partenaires calédoniens ne comprendraient pas.

Pour toutes ces raisons, je souhaite que l'amendement soit retiré. A défaut, j'en demanderai le rejet.

M. Philippe Auberger - Je ne peux retenir l'argumentation du Gouvernement, dès lors que ces titres sont actuellement détenus par ERAP, qui est incontestablement un établissement public. Il s'agit bien d'une vente d'un établissement public à un autre : le premier appartient à l'Etat, l'autre appartiendra à des entités publiques locales. Une loi est donc nécessaire.

La consultation de la Commission des participations et des transferts n'allongerait pas les délais puisque cette commission a déjà été saisie en mai mais, depuis, les cours ont évolué. Cette affaire traîne depuis des mois. On aurait donc pu saisir la commission beaucoup plus tôt. Il ne paraît pas exorbitant de lui accorder quatre à cinq semaines pour examiner le dossier alors qu'une somme supérieure à 1 milliard est en jeu.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'estimation a déjà eu lieu au printemps dernier. La parité retenue a été de trois actions ERAMET pour cinq actions SLN.

M. Philippe Auberger - Mais, depuis, le cours des actions a évolué !

M. le Rapporteur général - Partageant le souci de transparence de M. Auberger, la commission a accepté l'amendement pour ouvrir un dialogue avec le Gouvernement. Son argumentation juridique est satisfaisante.

Au demeurant, aucune loi n'a été nécessaire lorsque M. Juppé a autorisé ERAP a céder une participation minoritaire à Roussel-Uclaf. M. Auberger occupait alors la place qui est la mienne aujourd'hui...

M. Charles Cova - C'est de la basse polémique !

M. le Rapporteur général - Bref, les questions de M. Auberger étaient pertinentes. Les réponses du Gouvernement le sont aussi. Dans ces conditions, si l'amendement était maintenu, j'inviterais l'Assemblée à le repousser.

L'amendement 28, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ART. 23

M. le Rapporteur général - L'amendement 29 est rédactionnel.

L'amendement 29, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 23 est ainsi rédigé.

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APRÈS L'ART. 23

Mme la Secrétaire d'Etat - Par son amendement 40, le Gouvernement veut exercer le devoir de réparation qui incombe au pays à l'égard des anciens membres des formations supplétives, communément appelés Harkis, en situation difficile.

Deux mesures vous sont proposées à cette fin. D'une part, la création d'une rente viagère, non réversible, pour les Harkis âgés d'au moins 60 ans. Cette rente annuelle de 9 000 F, versée sous conditions de ressources, ne sera pas prise en compte dans le calcul des ressources ouvrant droit aux prestations sociales et ne sera soumise à aucun prélèvement obligatoire.

D'autre part, nombre de Harkis n'ayant pas déposé les dossiers de demandes d'aides au logement dans les délais prévus par la loi du 11 juin 1994, le Gouvernement vous propose de repousser au 31 décembre 2000 la date limite de dépôt des dossiers.

M. le Rapporteur général - Ce dispositif témoigne de la reconnaissance de la nation à l'égard de ceux qui ont choisi la France dans des conditions particulièrement difficiles et douloureuses. La commission a donc émis un avis favorable.

M. Jean-Paul Dupré - J'associe M. Gaïa, Mme Mignon, Mme Collange, M. Bascou et M. Perez à mon intervention.

Cet amendement, bien qu'il se soit un peu fait attendre, est conforme à ce que nous souhaitions. Il conjugue une logique de réparation du préjudice subi par les Harkis avec le souci d'aider ceux d'entre eux qui sont socialement les plus vulnérables.

Pour apprécier la portée réelle de la mesure proposée, nous souhaiterions que le Gouvernement dresse un bilan de son application au bout d'un an et, au vu des résultats, modifie éventuellement le dispositif quant au montant de la rente ou des revenus y ouvrant droit (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement accepte la méthode proposée et salue le pas important qui vient d'être franchi grâce à vous tous.

L'amendement 40 mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - A l'unanimité.

M. Yann Galut - Les chiffres du recensement des emprunts russes ne sont ni complets, ni définitifs. Dans ces conditions, comment est-il possible de présenter un projet d'article de loi fixant à 800 F par personne l'indemnité accordée ?

Il faut en revenir au partage des rôles prévu il y a un an, selon lequel le Gouvernement recense et le Parlement décide souverainement de l'affectation des 2,5 milliards versés par la Russie. C'est au Parlement, et à lui seul, de décider des modalités et du montant de l'indemnisation et, après 80 ans d'attente, les porteurs et leurs héritiers peuvent parfaitement supporter qu'il consacre deux mois encore à élaborer un texte de loi équitable et fondé sur des bases claires.

J'ai mesuré le caractère passionnel de ce dossier et les très fortes attentes que l'espoir d'un règlement suscite. J'ai constaté aussi que les Français concernés souhaitent voir attribuer à la représentation nationale un rôle de premier plan ; c'est dire qu'un texte spécifique aurait été justifié. Il aurait permis, en particulier, de couper court à toutes les interprétations excessives.

Nous avons été très nombreux à interroger le Gouvernement sur l'évolution de ce dossier et, à chaque fois, l'intention d'associer pleinement la représentation nationale à la définition des critères et des méthodes d'indemnisation a été réaffirmée. Telle était aussi la position constante de la commission du suivi du mémorandum, dite commission Paye.

D'autre part, une association de défense des petits porteurs qui avait engagé un recours en Conseil d'Etat contre les dispositions du décret appelant à recensement a vu sa requête rejetée. Pour motiver son rejet, le Conseil a suivi les observations du Gouvernement, présentées dans un mémoire du Premier ministre daté du 30 décembre 1998. Or, on y lit que « les créances pourront être indemnisées selon des modalités qui seront ultérieurement fixées par le législateur », ou encore qu'« il appartiendra au législateur » de définir les caractéristiques des titres admis au bénéfice de l'indemnisation, et enfin que « seul le législateur déterminera la liste des personnes qui pourront bénéficier d'une indemnisation ».

On comprendra, dans ces conditions, que la rédaction de l'article 24 soit hautement surprenante. En l'état, le Parlement se voit en effet retirer la mission essentielle qui lui était pourtant expressément dévolue, l'ensemble du dispositif étant renvoyé à un décret du Conseil d'Etat.

Certes, le dossier est compliqué ; mais en donnant force de loi à des dispositions toujours contestables plutôt que retenir la voie réglementaire, nous permettrions à cette affaire de se conclure dans une plus grande sérénité, sous le contrôle des élus du peuple.

Comme vous, par les porteurs eux-mêmes, par leurs associations de défense, et par la presse, j'ai appris les incidents qui ont émaillé le recensement. Certains sont importants.

Plus récemment, nous avons pris note des divergences d'interprétations sur les chiffres dits « définitifs et officiels » fournis par le ministère de l'économie à la presse. Y a-t-il 9,2 millions de titres, 12 millions ou davantage ? A combien se chiffrent les créances, qui en a déterminé la recevabilité, et selon quels critères ?

Je sais que ce recensement a été une tâche difficile, et les agents du Trésor s'en sont acquittés du mieux qu'ils purent, compte tenu des faibles moyens techniques dont ils disposèrent et de l'absence de formation adéquate. Mais quel serait le sens d'une loi d'indemnisation aussi mal fondée, et adoptée dans la précipitation ? Peut-on se satisfaire d'un recensement dont le rapporteur général a souligné lui-même qu'il n'est qu'indicatif ? Doit-on légiférer sur des hypothèses ? Le rapport Paye comme le rapport Migaud parlent de 7,9 millions de valeurs, de titres... ou de bouts de papier. Le 22 octobre, on parlait de 9,2 millions... Qui est dans le vrai ?

Vous comprendrez que des précisions s'imposent. C'est pourquoi, dans l'attente des explications du Gouvernement, j'ai déposé un amendement visant à supprimer l'article 24.

M. Hervé de Charette - Après que la négociation entre les gouvernements français et russe a permis de définir le montant qui serait versé pour indemniser les porteurs -encore que ce mot est bien fort, au regard de la somme prévue-, vient le moment de répartir ces fonds. Non seulement le nombre exact d'ayants droit est très difficile à cerner, mais il est choquant d'apprendre que, dans l'intervalle, les sommes versées par le FMI à la Russie ont, pour une grande part, été subtilisées par des dirigeants indélicats, ceux-là même qui contestaient la validité des requêtes françaises.

Je considère d'autre part, comme M. Galut, qu'il n'y a pas urgence à délibérer sur la répartition d'une somme qui ne sera versée que le 1er août prochain... si tout va bien. Rien, vraiment, n'imposait d'aller si vite, et le dispositif envisagé heurte à la fois le principe de transparence, celui d'équité et celui d'égalité.

Personne ne sait précisément combien de titres sont en circulation, ni combien sont les porteurs, et l'opacité -coutumière- dans laquelle l'administration a mené les opérations de recensement ne contribue ni à dépassionner le débat, ni à rassurer les détenteurs de titres et la représentation nationale. Pourquoi, d'autre part, procéder à une évaluation distincte selon qu'il s'agit de porteurs de titres ou des « spoliés », c'est-à-dire ceux qui ont investi en Russie ?

Pourquoi, aussi, définir un minimum et un plafond d'indemnisation -dispositif sur lequel je crois savoir que le Conseil d'Etat a formulé les plus sérieuses réserves- ? Pourquoi appliquer des règles inégales à l'indemnisation d'un même dommage ? Enfin, quelles règles d'imposition s'appliqueront aux personnes physiques d'une part, aux personnes morales d'autre part ?

Il serait très difficile au groupe UDF de voter l'article 24 en l'état, et c'est pourquoi il votera l'amendement de suppression présenté par M. Galut, à condition, bien sûr, qu'il soit maintenu, car les membres de la majorité n'ont pas fait montre, jusqu'à présent, d'une grande résistance au Gouvernement. Il semble raisonnable, en effet, de proposer d'utiliser les quelques mois à venir pour définir, dans cet hémicycle, un texte satisfaisant, plutôt que d'adopter maintenant un article qui ne convient à personne. S'il l'était, nous saisirions le Conseil constitutionnel.

M. Marc Laffineur - On sait que de très nombreuses familles françaises ont été ruinées par les emprunts russes, ce qui explique la forte émotivité qui règne quand la question est évoquée, et aussi l'importance de l'indemnisation, même si elle est symbolique. Elle le sera d'autant plus que les aides du FMI ont été détournées, ce qui est profondément choquant pour les porteurs auxquels on ne propose qu'une réparation dérisoire.

Les modalités de répartition des sommes proposées par la Russie sont elles-mêmes sujettes à caution. Le Gouvernement souhaite privilégier les petits porteurs ; cela se justifie-t-il ? Tous ne sont pas pauvres, ni riches les gros porteurs ! Les associations concernées devraient être consultées : ainsi calmerait-on les interrogations suscitées par l'opacité dans laquelle l'administration a procédé au recensement, et le temps qu'il lui a fallu pour mener ses travaux à leur terme.

M. Jean-Claude Lefort - Ce dossier comporte beaucoup de zone d'ombres. De nombreuses critiques se sont ainsi élevées sur la manière dont a été opéré le recensement des titres dont le nombre total est sujet à caution. Le groupement national de défense des petits porteurs affirme ainsi que les chiffres sont faux : la différence entre ceux de la direction de la comptabilité publique et l'estimation du nombre réel des obligations serait ainsi de près de 30 %, soit un total effectif de 12 millions et non de 9,2 millions, comme annoncé. Certains relèvent également le manque de rigueur du système proposé qui conduit à répartir les sommes disponibles entre les porteurs et les victimes de spoliations.

Alors que le défenseur de nombreux héritiers de ces spoliés a stigmatisé l'opacité des décisions de l'ANIFOM s'agissant de la validation de la recevabilité des créances produites, la presse laisse entendre qu'un élément important de ce dossier serait lié à l'opportunité pour la FIPP présidée par Mme Gilberte Beaux de toucher 100 millions en dédommagement notamment de la créance sur la Russie que cette société boursière possède depuis l'annexion de puits de pétrole dans la partie orientale de la Pologne.

Nous souhaiterions en savoir plus mais l'article 24 nous laisse sur notre faim car c'est un décret en Conseil d'Etat qui devrait définir la catégorie des créances indemnisable ainsi que les règles d'évaluation.

Si le principe d'une indemnisation solidaire peut apparaître comme un moyen d'empêcher que les spéculateurs qui ont racheté à vil prix des tonnes d'emprunts russes n'empochent la mise, encore faudrait-il que la transparence existe dans ce dossier. Selon l'engagement du Premier ministre lui-même, il appartient au législateur de déterminer la liste des bénéficiaires. Le groupe communiste demande donc le retrait de l'article 24 afin que la question fasse l'objet d'un projet de loi spécifique, débattu dans la sérénité. Si tel n'était pas le cas, il serait amené à émettre un vote négatif.

M. Yann Galut - L'amendement 53 tend à supprimer l'article 24. L'excellent rapport de M. Migaud mis en distribution le 6 décembre annonce un recensement partiel de 7,6 millions de valeurs. Quelques jours plus tôt, le 22 octobre, la direction de la comptabilité publique avançait le chiffre de 9,2 millions. Alors, qui croire ? Un article de presse indique également que les 4 976 personnes ayant déclaré plus de 200 valeurs concentrent 49,2 % de la créance admise. Pouvez-vous, Madame la ministre, confirmer ces chiffres ? En se livrant -avec quelque difficulté vu la complexité du système- à quelques calculs, il apparaît que ces gros portefeuilles représentent en créance déclarée actualisée environ 61,5 milliards et sur la base d'un taux d'indemnisation de 2 %, il leur serait ainsi alloué 1,23 milliard.

Si le plafond forfaitaire de 70 000 F est appliqué, ce dont je me réjouis, il ne serait alloué aux gros porteurs que 348 millions, auxquels s'ajoutent 4 millions au titre des 800 F par porteur, soit un total de 352 millions.

Quant aux véritables petits porteurs, qui possèdent en moyenne 29 valeurs et représentent en principe 90,4 % des déclarants -soit 285 664 personnes- le montant moyen d'indemnisation alloué serait de l'ordre d'environ 226 Fle bout de papier.

Enfin, et je suis là en opposition avec MM. de Charrette et Laffineur, les spoliés seraient les parents pauvres de l'indemnisation. Mais je me pose alors la question suivante : quel montant va être alloué aux sociétés FIPP et SILVA PLANA qui, aux termes des conclusions de la commission Paye, représentent environ 61 %de la créance déclarée ? Dans les conditions proposées, ces deux sociétés ne recevraient qu'onze millions : se contenteront-elles d'un montant aussi dérisoire alors que les chiffres communément avancés s'établissaient autour de 100 millions ? N'est-il pas également étonnant de constater que la direction de la comptabilité publique n'est pas en mesure de donner à la représentation nationale des chiffres précis et définitifs relatifs au recensement des titres déposés au Trésor ?

Le Gouvernement est-il en mesure de répondre à ces différentes questions et quel recours restera-t-il aux petits porteurs pour qu'ils ne soient pas acculés à accepter des modalités d'indemnisation désavantageuses ?

M. le Rapporteur général - Je remercie Monsieur Galut du qualificatif qu'il a attribué à mon rapport mais je regrette qu'il ne l'ait pas conduit à adopter les mêmes conclusions. J'estime en effet que l'article 24 répond à l'essentiel de ses préoccupations et il ne me semble pas opportun de différer encore une indemnisation qui aurait dû intervenir depuis longtemps.

Vous avez évoqué un risque pour le contribuable français de devoir participer à l'indemnisation et je veux vous rassurer. Le montant total des indemnités correspondra exactement à la somme versée par la Russie, majorée des intérêts.

S'agissant d'un mode de calcul et de répartition, l'absence de chiffres précis tient à la fluctuation des cours du dollar, la Russie n'ayant pas encore versé le montant total correspondant à ses engagements, mais nous fixons de manière précise les modalités de calcul et de répartition dans le point IV de l'article.

J'ajoute que la solution retenue est favorable aux porteurs par rapport aux spoliés dans le cadre de la proportion établie par la loi ; au-delà, ce sont les petits porteurs qui sont privilégiés, par la combinaison d'un système forfaitaire et d'une indemnisation proportionnelle assortie d'un plafond, qui répond aux préoccupation exprimées par MM. Galut et Lefort. Le traitement d'un dossier aussi passionnel impose d'opérer des choix qui peuvent susciter des insatisfactions mais nous avons retenu la seule logique possible eu égard aux sommes en jeu, qui est celle de l'indemnisation et non du remboursement. Le mécanisme proposé constitue donc le pire des systèmes... à l'exclusion de tous les autres. Je pense qu'il répond à une volonté de solidarité et d'équité généralement partagée.

Sûr que M. Galut l'a bien compris, je lui demande de retirer son amendement, faute de quoi je proposerais de le rejeter.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Parlement a été associé aux travaux de la commission Paye, dans laquelle siégeaient deux de vos collègues. La rédaction de l'article 24 reprend les propositions de cette commission.

Une des raisons invoquées pour retarder le règlement du dossier est que toutes les sommes n'ont pas été versées. Mais les deux versements encore à venir peuvent être calculés de façon quasi certaine, le cours du dollar le 3 février et le 4 août prochains ne devant guère différer de celui d'aujourd'hui.

C'est bien le souci d'équité, Monsieur Galut, qui a guidé le Gouvernement, en particulier au bénéfice des petits porteurs. Vous pouvez être assuré que le mécanisme proposé est conçu pour répartir intégralement les sommes perçues, abondées des intérêts ; en outre, chaque titre fera l'objet d'une évaluation individuelle et l'indemnisation ne sera pas arrondie à la baisse ; le Trésor a prévenu directement les propriétaires des catégories de bons qui ne rentrent pas dans le champ du dispositif ; enfin, rien de ce qui doit revenir aux porteurs ne sera versé subrepticement aux spoliés.

Pour le reste, je confirme les chiffres déjà connus : 9,2 milliards de titres papier répartis entre 316 000 porteurs détenant chacun en moyenne 29 titres et 90,4 % d'entre eux ayant moins de 50 titres. On a mis en cause la transparence du recensement. Pourtant, au cours de la conférence de presse du 22 octobre dernier, un bilan précis a été présenté et un document largement distribué. Il serait indélicat d'aller au-delà dans l'exigence de transparence, puisque la commission Paye, où siégeaient vos collègues Gaillard et Tenaillon, et aussi des magistrats, a travaillé en étroite concertation avec les associations de porteurs d'emprunts russes. Tous les résultats de ces travaux sont accessibles sur Internet. La transparence et la rigueur de la démarche sont donc indiscutables.

Imaginons que vous ne retiriez pas votre amendement et que l'article 24 soit supprimé. Les deux versements prévus ont lieu. De quel support législatif disposera le Gouvernement pour les répartir ? Et quel texte différent de l'article 24 pourrions-nous concevoir ?

Un travail précis a été réalisé et publié sitôt que possible. Bien sûr, il y aura toujours des personnes insatisfaites. Mais l'amertume sera due, non pas au mode de répartition, mais à la faiblesse de la somme reçue qui relève, j'y insiste, de l'indemnisation et non pas du remboursement. Je précise enfin que l'indemnisation n'est pas imposable.

M. Gilles Carrez - « Indemnisation » est un mot abusif, quand on rapporte le montant de 2,5 milliards aux chiffres de 9 millions de titres et de 316 000 porteurs. Le Gouvernement propose un système à la fois forfaitaire et proportionnel. Le forfait de 800 F est à rapprocher des 40 000 F que vaudrait aujourd'hui un titre de 500 F souscrit en 1914. D'autre part, le caractère proportionnel de l'indemnisation porte atteinte à l'équité. Le recensement est-il si fiable et transparent ? L'afflux massif de titres en fin d'opération laisse perplexe. Nous voulons que les intérêts des petits porteurs soient protégés du mieux possible.

L'imperfection du système nous empêche de voter l'article 24.

Ma dernière remarque s'adresse à M. Lefort, député communiste, avec lequel, comme député du Val-de-Marne, j'ai assisté à de nombreux colloques relatifs à l'héritage laissé par l'URSS. La sincérité avec laquelle il défendait ses acquis m'a frappé. Dois-je lui rappeler que c'est un certain Vladimir Oulianov, dit Lénine, qui d'un trait de plume a spolié de plusieurs milliards des milliers de petits porteurs ?

M. Yann Galut - Mme la secrétaire d'Etat vient de nous fournir des explications décisives. Le Gouvernement a pris ainsi l'engagement solennel que l'ensemble des 2,5 milliards serait attribué aux porteurs, les petits étant privilégiés. C'était là ma préoccupation principale.

Il nous a été également affirmé que les sommes dues aux petits porteurs ne « glisseraient » pas en direction des personnes spoliées. Cette précision est essentielle.

Même si j'aurais préféré que le Parlement soit saisi d'un texte particulier, je retire mon amendement.

L'amendement 53 est retiré.

M. le Rapporteur général - Les amendements 30 à 35 sont rédactionnels.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

Les amendements 30 et 31, successivement mis aux voix, sont adoptés, ainsi que les amendements 32, 33, 34 et 35.

L'article 24, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 24

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - L'amendement 3 du Gouvernement tend à proroger d'un an le financement du programme de maîtrise des pollutions agricoles par le fonds national de développement des adductions d'eau, en attendant qu'une solution globale soit mise au point.

M. le Rapporteur général - Ce programme et les modalités de son financement sont fréquemment l'objet de critiques. C'est uniquement parce que vous nous assurez, Monsieur le ministre, qu'il s'agit d'une solution transitoire que la commission a accepté l'amendement.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances - Nous sommes habitués à ce que le Gouvernement tienne ses engagements et c'est la première fois qu'il semble manquer de mémoire.

En 1997, j'avais déjà accepté de retirer un amendement supprimant le prélèvement effectué sur le fonds des adductions d'eau pour financer la dépollution agricole en échange de l'engagement du Gouvernement d'y mettre fin d'ici un an.

Je constate que cet engagement a été oublié et qu'on nous demande à nouveau de proroger un dispositif qui accumule les injustices. D'une part il déroge au principe pollueur-payeur puisqu'il fait payer la dépollution aux consommateurs d'eau potable. Ceux-ci, qui manquent souvent de moyens, financent la dépollution d'exploitations agricoles, dont certaines sont florissantes. C'est la solidarité à l'envers ! Enfin, la mission du fonds national est d'aider les communes à financer des adductions d'eau : ses subventions étant réduites de 100 millions de francs par ce prélèvement, le prix de l'eau en sera augmenté.

Nous ne pouvons donner notre accord à cette prorogation que moyennant votre engagement formel que ce sera la dernière.

M. le Secrétaire d'Etat - Je suis sensible à vos arguments, d'autant que la semaine dernière j'ai demandé au Sénat de repousser une disposition qui aurait relevé la redevance sur l'eau due par les consommateurs.

Mais je peux apaiser vos craintes : aucune des missions traditionnelles du fonds n'est menacée car les reports de crédits d'année en année sont très importants -949 millions de francs de 1998 à 1999, soit l'équivalent d'une année de recettes ! En effet, les collectivités rurales hésitent de plus en plus à se lancer dans des opérations d'investissement lourdes.

Je vous donne l'assurance formelle qu'il s'agit d'une disposition transitoire et qu'elle ne crée aucune difficulté aux collectivités territoriales.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 127 tend à donner une base légale au fait que les locataires d'un logement appartenant à un de leurs ascendants ou descendants ne peuvent bénéficier des aides personnelles au logement. En effet cette disposition réglementaire a été jugée illégale par une décision du Conseil d'Etat du 9 avril 1999. L'amendement évite une dépense qui pourrait atteindre 800 millions de francs dans l'immédiat et 3 milliards à terme.

M. le Rapporteur général - Avis favorable.

L'amendement 127 mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 141 tend à appliquer à l'ACOSS les règles de droit commun en ce qui concerne le recouvrement de la CSG sur les produits du patrimoine.

Les services de l'Etat assurent pour le compte de l'ACOSS la tenue des fichiers de contribuables, l'émission des rôles nominatifs et le recouvrement des contributions. L'Etat garantit en outre le remboursement d'un montant de contributions égal à celui des émissions. Il est donc normal qu'il opère, en contrepartie, une retenue pour frais de perception.

M. le Rapporteur général - Cet amendement vise à maintenir le prélèvement de 0,5 % pour frais de recouvrement, effectué par l'Etat sur le produit de la CSG sur le patrimoine, prélèvement qui avait été subrepticement supprimé par notre Assemblée, à la demande de la commission des affaires sociales, lors du vote de la loi sur le financement de la sécurité sociale. La somme en jeu est de l'ordre de 130 millions de francs par an.

L'amendement du Gouvernement n'a pas été examiné par la commission, mais à titre personnel j'y suis favorable puisque l'an dernier, l'Assemblée avait déjà voté le rétablissement de ce prélèvement dans les mêmes circonstances.

Je dois dire au président de la commission des affaires sociales qu'il n'est pas de bonne méthode de supprimer ce prélèvement sans associer à cette décision la commission des finances. Ce prélèvement peut d'ailleurs ne pas sembler infondé puisque l'administration financière assure la charge du recouvrement de la CSG et en garantit l'effectivité. Il me paraît délicat de réviser le dispositif sans qu'il y ait une discussion approfondie entre le Gouvernement et les deux commissions concernées, aboutissant à un consensus. En attendant, le statu quo doit prévaloir, sinon cela entraînera un déséquilibre du budget.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - Je suis confus d'avoir à intervenir dans ce débat.

Le rapporteur général vient de dire qu'il était délicat de traiter de ce sujet sans concertation approfondie. C'est tellement vrai que je souhaiterais que le Gouvernement retire son amendement pour que nous ayons le temps de réfléchir au problème. Il arrive souvent que le Gouvernement demande à un parlementaire de retirer un amendement ; l'inverse est possible aussi...

Ce qui est demandé à l'Assemblée, c'est de rétablir des frais d'assiette et de recouvrement qu'elle avait supprimés en toute connaissance de cause, et à l'unanimité, suivie en cela d'ailleurs par le Sénat, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. La même chose s'était déjà produite l'an dernier. Une fois, passe encore, mais deux fois, cela commence à faire beaucoup ! J'ajoute, avec toute l'estime que j'ai pour le talent du rapporteur général, que la commission des affaires culturelles étudie le PLFSS en liaison étroite avec la commission des finances et avec son excellent rapporteur pour avis, M. Cahuzac, qui participe à tous les travaux, si bien que je me sentais en droit de penser qu'il n'y avait pas de divergence entre nos deux commissions sur ce point. Voilà pour la méthode, que je trouve, je n'hésite pas à le dire, déplaisante.

Sur le fond, je me suis renseigné, notamment auprès de la Cour des comptes, et les estimations qui m'ont été données de ces frais d'assiette et de recouvrement sont très en deçà des 130 millions avancés : ils seraient plutôt, semble-t-il, de l'ordre de 8 millions. Si nous avions eu l'occasion d'en discuter, et s'il était apparu que le coût était nettement plus élevé, j'aurais pu comprendre l'obstination du Gouvernement, mais mon devoir est de défendre ce qui a été voté par la commission que je préside et par les deux assemblées unanimes. C'est pourquoi je demande au Gouvernement, très fermement et très cordialement, de bien vouloir retirer son amendement.

M. Jean-Jacques Jegou - Je remercie vivement le président Le Garrec de ses propos, et m'abstiendrai de m'étendre sur ces désordres au sein de la majorité plurielle. Il a posé, en effet, un problème de fond : celui du respect de la chose votée par le Parlement, surtout lorsque les deux assemblées ont statué dans le même sens à l'unanimité. Il y a, compte tenu de la modicité des sommes en jeu, une certaine mesquinerie dans l'attitude du Gouvernement, tout comme sur la question du prélèvement de 0,4 %, dont M. Sautter a fini par nous dire, de cavalière façon, qu'il serait maintenu malgré l'abandon de la révision des valeurs locatives qu'il était censé financer. Ce déferlement d'amendements discutables, dont nous avons eu d'autres exemples hier soir, n'est pas digne du débat parlementaire !

M. Gilles Carrez - J'ignorais que l'amendement du Gouvernement tendait à revenir sur une disposition que nous avions votée à l'unanimité, mais je suis d'autant plus sensible à la préoccupation de M. Le Garrec que nous avions eu un débat du même type, sans toutefois avoir la moindre chance de faire adopter un amendement, sur les frais d'assiette et de recouvrement des impôts locaux, dont vient de parler M. Jegou. Ce comportement unilatéral du Gouvernement finit, à la longue, par être désagréable, et j'approuve entièrement le président de la commission des affaires culturelles.

M. le Secrétaire d'Etat - Si nous devions nous placer sur le seul terrain du respect des votes émis par l'Assemblée et par le Parlement en général, le Gouvernement se rendrait évidemment aux arguments développés avec brio par le président Le Garrec, mais il s'agit en vérité d'autre chose. Si nous proposons cette disposition, c'est parce que l'Etat effectue bel et bien une prestation au profit de tiers : l'émission des rôles, la garantie des remboursements, les admissions en non-valeur sont un véritable service, qui a un coût non négligeable, du fait du grand nombre de très petites cotes. Il n'est pas de 8 millions, mais de 105 millions. Ce n'est tout de même pas un petit détail financier ! C'est pourquoi je demande à l'Assemblée de voter l'amendement du Gouvernement.

M. le Rapporteur général - Nous sommes dans cette situation paradoxale, où l'Assemblée est invitée à se contredire elle-même, ce qui est toujours un peu désagréable. Je comprends donc la réaction du président Le Garrec, et je regrette que le Gouvernement n'ait pas demandé une seconde délibération de l'amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin de mieux expliquer sa position. La question est technique, j'en conviens, mais M. Le Garrec, dont l'habileté est grande, l'aurait sans nul doute comprise.

Sur le fond, si les frais d'assiette et de recouvrement n'étaient pas « facturés » aux caisses de sécurité sociale, au nom de quoi le seraient-ils à d'autres, aux collectivités locales par exemple ? Pouvons-nous, d'autre part, prendre la responsabilité de déséquilibrer le budget de 100 millions sans que cela résulte d'une volonté conjointe de l'exécutif et du législatif ? Si je souhaite que le Gouvernement soit plus attentif, à l'avenir, aux décisions du Parlement et à ne plus nous placer dans une telle situation, je demande à M. Le Garrec de bien vouloir comprendre notre position et de voter avec nous l'amendement du Gouvernement.

M. le Président de la commission des affaires sociales - Je me félicite d'avoir ouvert ce débat et j'userai de toute l'habilité dont le rapporteur général a bien voulu me créditer pour peser face aux services du budget et de la commission des finances.

Si une telle situation s'était produite une seule fois, nous n'aurions rien dit. Mais deux fois, cela fait beaucoup ! Encore ne m'en serais-je aperçu qu'après coup si je n'étais pas suffisamment attentif à vos travaux. Bref, je n'assumerais pas mes responsabilités à l'égard de mes collègues si je ne soulevais pas le problème. Je défends là des principes sur lesquels je m'efforce de m'appuyer comme sur des baïonnettes républicaines.

Bien entendu, je m'abstiendrai sur l'amendement, pour ne pas mettre en cause l'équilibre budgétaire, mais je trouve la méthode exécrable.

M. le Président de la commission des finances- Je remercie M. Le Garrec d'avoir posé ce problème, qui naît du fait que deux commission différentes examinent, à quelques semaines d'intervalle, deux textes importants -la loi de finances et la loi de financement- sans que cela donne lieu à une coordination pourtant indispensable. A l'avenir, j'invite M. Le Garrec à nous informer de toute disposition touchant à la fiscalité.

Je comprends parfaitement le principe qu'il défend, s'agissant d'un dispositif adopté à l'unanimité. mais c'est un peu en vertu du même principe que nous demandons que l'équilibre budgétaire soit respecté, donc que l'amendement soit adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - Je m'abstiendrai sur l'amendement.

M. Gilles Carrez - Je m'abstiens également.

L'amendement 141, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 2 tend à supprimer les redevances de contrôle auxquelles sont soumises les canalisations pétrolières. Ayant été instituées, par voie législative, leur suppression exige également un texte de loi, contrairement à d'autres redevances que nous avons pu supprimer par décret.

L'amendement 2, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - Réunis à Cologne en juin 1999, les chefs d'Etat et de gouvernement des pays du G8 ont proposé de prendre une nouvelle initiative sur la dette des pays pauvres très endettés. L'amendement 117 tend à donner à la France les moyens de mettre en _uvre cette initiative, en augmentant les créances pouvant être annulées au Club de Paris.

La France marquera ainsi la réalité de son engagement constant en faveur du développement des pays les plus pauvres et réaffirmera le principe de solidarité, qui préside à la politique de coopération.

L'amendement 117, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - Lors de la visite en France du roi Abdallah, le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité soutenir le redressement économique et financier de la Jordanie. Par cet amendement 1, le Gouvernement vous propose donc d'annuler 72 millions de créances détenues par la France sur la Jordanie.

Un fonds de conversion sera créé, dans lequel les autorités jordaniennes verseront la contre-valeur des sommes annulées et à partir duquel les investissements en faveur du développement ou de l'environnement seront réalisés. Son conseil d'administration, composé de représentants français et jordaniens, veillera au bon usage des sommes ainsi affectées.

L'amendement 1, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 39 tend à donner une nouvelle impulsion à la politique de prévention des risques naturels -qui est particulièrement d'actualité- en permettant le cofinancement des études préalables aux plans de prévention par le fonds de prévention des risques naturels majeurs. Il s'agit d'accélérer ainsi la mise en _uvre effective de ces plans dans les 3 000 communes les plus exposées à un aléa naturel et qui n'en sont pas encore dotées.

D'autre part, il vous est proposé d'abaisser à 2 %, à compter du 1er septembre 1999, le taux de prélèvement sur les primes d'assurance contre les risques de catastrophes naturelles, compte tenu du relèvement de la prime intervenue à cette même date. Le montant du fonds, soit environ 130 millions, restera ainsi constant.

L'amendement 39, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - La création d'EADS a permis de constituer le premier constructeur aéronautique européen et l'un des tout premiers mondiaux, grâce au regroupement des activités aéronautiques, civiles et militaires d'Aérospatiale Matra, de DASA et, plus récemment, de CASA dans une société commune.

Cette opération illustre notre vision offensive du rôle de l'Etat actionnaire et montre que sa participation au capital des entreprises n'est pas un frein aux restructurations ni aux évolutions.

La partie française et la partie allemande détiendront la même part du capital d'EADS, 30 %, et les mêmes pouvoirs. L'Etat contrôlera donc 15 % d'un ensemble deux fois plus gros qu'Aérospatiale Matra.

L'amendement 118 tend à autoriser l'octroi de la garantie de l'Etat à la SOGEPA -société de gestion de participations aéronautiques- qui porte la participation publique dans EADS, dans deux hypothèses : premièrement, en cas de rachat par la SOGEPA des titres détenus par Daimler Chrysler dans EADS. Cette option de vente peut être exercée par Daimler Chrysler en cas d'exercice par le secteur public de son droit de veto sur les décisions stratégiques majeures. Elle porte au maximum sur 30 % de la capitalisation boursière d'EADS, soit la participation initiale de Daimler Chrysler dans EADS . Deuxièmement, en cas de non-respect des engagements pris par la SOGEPA sur l'apport des activités d'Aérospatiale Matra, comme cela est traditionnel dans des opérations de ce type. Un engagement identique et symétrique a naturellement été pris par Daimler Chrysler.

L'amendement 118, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Jean-Jacques Jegou - Je m'exprimerai au nom des groupes UDF et RPR.

Selon le Gouvernement, la croissance économique de cette année permet d'espérer 13 milliards de recettes supplémentaires.

L'opposition pense que cette somme est sous-estimée et considère donc que le collectif budgétaire n'est pas sincère. Mais puisque M. Sautter nous a donné hier rendez-vous au mois d'avril, nous saurons alors qui, de l'opposition ou du Gouvernement, avait vu juste.

Par ailleurs, et contrairement à ce que vous avez annoncé, le dérapage des dépenses, notamment des dépenses de fonctionnement est patent et le sacro-saint principe des trois-tiers énoncé par M. Strauss-Kahn n'a pas été respecté.

De toute évidence, le Gouvernement s'est octroyé des réserves qui lui permettront de financer une réduction de la taxe d'habitation dont il ne faut pas être grand clerc pour deviner qu'elle interviendra un semestre avant que des élections n'aient lieu... Le ministre nous a aussi fait part de l'intention du Gouvernement d'engager, en 2001 seulement, la réduction de l'IRPP -une fois encore, à quelques mois d'échéances électorales importantes. Vous le voyez, nous ne sommes pas dupes, et nous savons que le Gouvernement a cédé à la facilité sans rien régler des problèmes de fond, qu'il s'agisse de la sécurité sociale ou des retraites.

Nous ne pouvons d'autre part que déplorer le très faible écho que rencontrent les propositions de la MEC en dépit du très efficace travail de ses membres. Quant à la suppression de l'article 15, elle témoigne éloquemment de l'élargissement toujours croissant du fossé entre les professions libérales et le Gouvernement.

Poursuivant enfin l'action de ses prédécesseurs, le Gouvernement a, avec l'article 24, tenté de régler, de manière imparfaite, le douloureux dossier des emprunts russes. Les modalités d'indemnisation retenues font craindre un recours devant le Conseil constitutionnel.

Le Gouvernement n'a pas voulu profiter de l'excellente conjoncture économique. Il s'en tient à sa politique habituelle, celle du fil de l'eau, sans chercher à rien régler des problèmes de fond. Ce collectif est un nouveau rendez-vous manqué, que nous sanctionnerons par un vote négatif.

Mme Nicole Bricq - C'est sans frustration rentrée, et même de bon c_ur, que le groupe socialiste votera ce projet de loi de finances rectificative ; ce n'est pas toujours le cas.

Tout au long du débat, l'opposition a fait de multiples allusions à une prétendue « cagnotte », qu'elle a qualifiée d'électorale. Est-ce la tonalité juste, alors qu'il s'agit des finances de la France ? Un tel vocabulaire ne risque-t-il pas de renforcer la méfiance diffuse sur le bien-fondé de l'action que mènent les gouvernements successifs, toutes tendances confondues ?

Je rends grâce au Gouvernement, qui a su écouter les remarques et les observations de sa majorité, et qui a pris différents engagements, dont certains devront trouver une traduction lors de la deuxième lecture du collectif. Qu'il compte, à ce sujet, sur notre vigilance. Nous nous félicitons que l'unanimité ait été trouvée sur des sujets épineux et notamment lorsqu'il s'est agi de régler le douloureux problème des Harkis, resté trop longtemps ignoré. Nous nous réjouissons encore qu'une réflexion ait été engagée sur les établissements exceptionnels, qui devra être menée à son terme.

Il est bon, enfin, que Mme Lebranchu ait clarifié la position du Gouvernement pour ce qui touche aux emprunts russes. Un dispositif équitable a enfin été défini, qui règle un problème resté sans solution depuis des décennies.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera de bon c_ur, je l'ai dit, le collectif budgétaire.

M. Gilbert Gantier - Je ne surprendrai personne en expliquant que le groupe Démocratie libérale votera contre ce projet de loi de finances rectificative. Sans reprendre les arguments que j'ai exposés en défendant la question préalable, je me limiterai à rappeler que, bien que l'économie française ait connu une évolution favorable, le Gouvernement n'a réduit le déficit public qu'à dose homéopathique, n'a en rien diminué une pression fiscale pourtant manifestement excessive, et n'a pas cherché à contracter le montant de la dette. Si la charge de cette dette a baissé, c'est par l'effet mécanique de la diminution des taux d'intérêt.

La question ne peut manquer d'être posée : si l'on ne réduit ni l'impôt ni la dette lorsque la conjoncture est bonne, quand le fera-t-on ?

Je déplore également que l'embryon de réforme du PEA ait été faite a minima, si bien qu'à quelque chose près, les Français ne pourront toujours pas investir en actions de sociétés européennes. On le sait, la Bourse française bat record sur record. Mais est-ce grâce aux épargnants français, ou à des fonds de pension étrangers ? Devoir s'interroger sur ce point, c'est dire la gravité de la menace qui pèse sur les générations françaises futures.

Ce texte ne peut nous satisfaire, et c'est donc sans aucun état d'âme que nous voterons contre.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Ce collectif est honnête et sincère. Il est fondé, selon la règle traditionnelle, sur une évaluation de recettes révisée à mi-année. On peut, certes, constater un écart entre les prévisions et la réalisation ; c'est ainsi qu'en 1996 il a hélas manqué 15 milliards en réalisation... Nous ne voulons pas nous trouver dans pareille situation, et nous avons décidé, pour cela, d'appliquer à la gestion publique le principe de précaution. Si des excédents apparaissent ultérieurement, nous en rendrons compte au Parlement et nous déciderons, avec la majorité plurielle, de l'affectation des sommes que rendront disponibles ces nouvelles marges de man_uvre, en respectant la priorité que nous nous sommes fixé : la solidarité à l'égard des plus défavorisés. C'est dans cet esprit que nous mènerons aussi bien la réforme de la taxe d'habitation que celle de l'IRPP.

Quant à la dépense publique, elle est maîtrisée, puisqu'elle ne croît que de 1,5 % en valeur et de 1 % en volume, alors que l'augmentation prévue dans la loi finances initiale était de 2,4 %.

Si des surplus de recettes sont constatées, nous verrons comment en restituer la plus grande part aux Français, sous forme de réduction d'impôt. Nous le faisons déjà pour la moitié des sommes considérées, dans la fidélité à notre principe de solidarité. Non seulement la dette est-elle réduite de 8,21 milliards, mais encore l'ARS, dépense sociale, a été pérennisée, et portée au budget pour 7 milliards .

Ce collectif dynamique a encore été l'occasion de mesures très importantes relatives à l'emprunt russe, aux Harkis, aux pays pauvres très endettés et à la Jordanie ; il a permis, enfin, d'améliorer la réalisation des plans de prévention des risques, et de renforcer la solidarité entre communes dans les zones proches des aéroports.

C'est donc un texte conforme aux objectifs de justice sociale que nous poursuivons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

L'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 1999, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance mardi 14 décembre à 9 heures.

La séance est levée à 18 heures 45.

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                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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