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Session ordinaire de 1999-2000 - 40ème jour de séance, 95ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 15 DÉCEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Laurent FABIUS

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

RESTRUCTURATION HOSPITALIÈRE ET
FORMATION DES MÉDECINS 2

MODE D'ÉLECTION À LA MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE 2

QUARTIERS EN DIFFICULTÉ 3

PLAN UNIVERSITÉS DU 3ème MILLÉNAIRE 3

DEVENIR DE L'ARPE 4

TCHÉTCHÉNIE 5

RETRAITÉS ARTISANS ET COMMERÇANTS 6

NAUFRAGE DU PÉTROLIER ERIKA 7

CORSE 8

PROPOSITION DE LOI RELATIVE À L'ESCLAVAGE 9

COMMUNICATION AUDIOVISUELLE EN POLYNÉSIE 9

SITUATION DU TEXTILE 10


SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION 11

FONCTIONNEMENT DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES
(procédure d'examen simplifiée) 11

ART. 2 16

APRÈS L'ART. 3 16

DOTATIONS DE L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS LOCALES -CMP- (procédure d'examen simplifiée) 16

ASSURANCE MALADIE DES SALARIÉS AGRICOLES D'ALSACE-MOSELLE 21

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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RESTRUCTURATION HOSPITALIÈRE ET FORMATION DES MÉDECINS

M. Claude Gatignol - Ma question s'adresse au Premier ministre car il a lui-même abordé la question de la santé publique aux états généraux de la santé et ce sujet est prioritaire pour tous les Français.

Dans toutes les régions, le SROSS, qui détermine la carte sanitaire, vient d'être publié par les agences régionales d'hospitalisation. Vous supprimez des milliers de lits au risque de déséquilibrer l'offre de soins, notamment en milieu rural. Des zones entières deviennent des déserts sanitaires, ce qui est une erreur certaine par rapport à l'aménagement du territoire.

Ces fermetures d'établissements ne permettront même pas de renforcer les équipes des autres hôpitaux car depuis 15 ans la formation des médecins est en panne et la pénurie nous menace. La grève qui dure depuis plus de 3 semaines dans les hôpitaux de Paris en fournit la preuve et en province la situation est encore pire -je pense aux hôpitaux de Valognes et de Cherbourg dans le Cotentin.

Il est urgent de donner aux hôpitaux les moyens de recruter des praticiens, d'autoriser un nombre d'admissions réaliste aux études médicales et surtout de redonner aux médecins une vision claire de leur avenir.

Que proposez-vous pour doter les hôpitaux des moyens financiers et humains nécessaires, pour les répartir équitablement entre grands établissements et hôpitaux de proximité et pour former en nombre suffisant des médecins compétents ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Vous vous préoccupez légitimement de la qualité des hôpitaux et de la formation des médecins.

La réflexion menée par le ministère prend en compte la nécessité de rééquilibrer les filières de formation. Suite au rapport du professeur Nicolas, les flux de formation ont été individualisés et augmentés dans trois spécialités, la gynécologie-obstétrique, la pédiatrie et l'anesthésie. Cet effort sera poursuivi l'an prochain. Un groupe de travail va nous faire des propositions sur l'évolution souhaitable de la démographie médicale ; dès cette année le numerus clausus a été augmenté de 150 places. D'importantes mesures ont été prises en faveur des praticiens hospitaliers, notamment les urgentistes et les médecins contractuels, et 230 postes supplémentaires vont être créés dans les trois ans à venir.

La progression des budgets des hôpitaux a été de 3 % depuis trois ans et en 2000 elle sera de 2,5 %, soit 6 milliards de plus. Il appartient aux ARH d'en assumer la répartition de façon à réduire les inégalités et à assurer la qualité et la sécurité sanitaires, notamment dans les zones rurales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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MODE D'ÉLECTION À LA MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE

M. Joël Goyheneix - Les récentes élections à la mutualité sociale agricole ont mis en lumière le caractère désuet et peu démocratique du mode de scrutin retenu pour les exploitants agricoles : l'élection au scrutin majoritaire donne en fait un monopole à une organisation ne représentant qu'une majorité relative. En outre le nombre des délégués cantonaux est fixe et ne tient aucun compte de la population : ainsi dans les Landes, un élu peut représenter 28 agriculteurs dans certains cantons, 403 dans un autre, alors que les représentants des salariés agricoles sont élus, eux, à la proportionnelle.

Il est choquant de constater qu'une organisation représentant plus du tiers des électeurs soit écartée du conseil d'administration de la MSA. Ne serait-il pas temps de dépoussiérer un système devenu injuste maintenant que le monde agricole est, lui aussi, pluriel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Je ne puis que confirmer votre constat. Il faut réformer le mode d'élection de la MSA. Nous ne l'avons pas fait avant parce que nous étions en année électorale. Mais je renouvelle l'engagement pris devant les organisations professionnelles d'entamer, dès l'an 2000, des discussions en vue d'instaurer un mode de scrutin plus simple et plus transparent. La loi d'orientation agricole promulguée en juillet dernier reconnaît le pluralisme dans toutes les instances agricoles. Il y a encore quelques progrès à faire pour l'appliquer également à la MSA (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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QUARTIERS EN DIFFICULTÉ

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Monsieur le ministre délégué à la ville, le Gouvernement a annoncé un programme de 20 milliards (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL) témoignant de sa volonté de sortir de leur condition de ghetto les quartiers dits « sensibles ». La politique de la ville devient enfin un enjeu de cohésion sociale ; 50 villes vont en bénéficier, soit parce qu'elles sont pauvres, soit parce que, comme Toulouse, elles n'ont pas su répartir leur richesse et ont créé une fracture sociale à laquelle nous, nous nous attaquons vraiment (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR), avec la volonté d'impliquer les habitants dans la mise en _uvre de ce programme.

Nous ferons en sorte, paraphrasant Mme Buffet, qui souhaite que l'argent du sport aille jusqu'aux petits joueurs, que l'argent de la politique de la ville aille aux citoyens des quartiers populaires.

Pourriez-vous nous préciser les modalités d'application de ce grand programme ? (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Le Premier ministre a effectivement annoncé hier un programme de 20 milliards (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR) pour reconquérir les quartiers qui connaissent le plus de difficultés sociales.

Outre les 50 projets de ville, tous les contrats de ville doivent permettre le retour de l'emploi, de la sécurité et des services publics dans ces quartiers. Les entreprises bénéficieront d'une aide allant jusqu'à 150 000 F pour s'y installer et les habitants qui veulent créer leur propre emploi toucheront 20 000 F à cette fin.

C'est la première fois qu'est proposé à la représentation nationale un plan permettant de financer de grandes opérations de démolition-reconstruction. L'argent est là : à l'Etat de se réformer pour que toutes les instances concernées travaillent ensemble, et que la reprise ne s'arrête pas aux limites des quartiers en difficulté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

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PLAN UNIVERSITÉS DU 3ème MILLÉNAIRE

M. Jacques Guyard - Monsieur le ministre de l'enseignement supérieur, avec le plan Universités 2000, vous avez adapté l'enseignement supérieur à la montée des effectifs étudiants.

Aujourd'hui leur nombre est stabilisé mais il y a une très forte demande de modernisation, à laquelle doit répondre le plan U3M.

Où en est la préparation de ce plan ? Quels crédits seront mobilisés ? Comment contribuera-t-il à l'aménagement du territoire ?

Quelles sont les demandes des collectivités locales, quels aménagements proposent-elles à la carte universitaire que vous dessinez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Le plan Université 2000 a fait bénéficier le secteur universitaire d'importants investissements inscrits dans les contrats Etat-régions. Cette démarche a ensuite été suivie à travers les différents changements de majorité. Le plan U3M s'inscrit dans un contexte qui n'est plus marqué par la croissance démographique galopante des étudiants. Après avoir gagné le pari de la quantité, il nous faut donc axer nos efforts sur la qualité.

Ce plan, qui est encore en cours de discussion dans les régions, prévoit un effort de l'Etat de 18,5 milliards et à peu près autant de la part des régions. L'Etat a déjà dépensé un milliard en études préparatoires et prendra à sa charge, à hauteur de 7 milliards, la remise aux normes de sécurité -dont le désamiantage de Jussieu. Cela fera donc 45 milliards pour la remise à niveau que nous souhaitons assurer.

L'un des objectifs est de rattraper les inégalités, parfois considérables, qui demeurent encore entre les régions. Le nord et l'ouest du pays bénéficient de cet effort de rattrapage. Les inégalités existent aussi au sein d'une région, je pense notamment à la région parisienne dans laquelle un rééquilibrage au profit de la partie nord et de la Seine-Saint-Denis sera nécessaire.

Mme Véronique Neiertz - Très bien !

M. le Ministre - Un quart des crédits seront consacrés à l'amélioration de la situation des étudiants, qu'il s'agisse du logement, de la restauration, des salles de travail ou des équipements sportifs et culturels. 15 % des crédits serviront à développer les bibliothèques universitaires.

Un effort particulier sera fait en faveur des villes moyennes. La création des départements d'IUT leur sera réservée, car l'on sait qu'alors, il y a un impact sur l'économie, contrairement à ce qui se passe dans une grande ville. Des plates-formes technologiques assurant une coopération avec les PME y seront également mises en place.

Le plan prévoit aussi des reconstructions dans les villes universitaires où le besoin s'en fait sentir, la création d'universités technologiques dans six sites et le développement de départements de technologie dans les universités existantes. Dans plusieurs villes de France, des centres de la recherche technologique associeront universités, grandes écoles, organismes et chercheurs venus des entreprises. Des équipements communs seront développés : les autoroutes de l'information passeront ainsi de 155 bits par seconde à 2 gigabits. Et nous disposerons de centres communs pour l'analyse des matériaux et l'imagerie médicale (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Je vois que certains députés de l'opposition ne s'intéressent pas à la mise à niveau de l'université française. C'est leur problème. Si dans le passé, ils avaient davantage agi et investi en faveur de l'université, nous n'aurions pas aujourd'hui un tel effort à faire. Quoi qu'il en soit, ce plan permettra à l'université et à la recherche françaises de rester compétitives en Europe et dans le monde (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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DEVENIR DE L'ARPE

M. Marcel Rogemont - L'incertitude portant sur l'avenir du paritarisme pèse sur l'UNEDIC, dont la convention expire le 31 décembre 1999. Les partenaires sociaux, qui doivent se rencontrer le 23 décembre, décideront peut-être de la prolonger dans l'attente d'une reprise des négociations qui pourrait se faire dans les premiers mois de l'année 2000.

Mais l'ARPE, ce dispositif qui permet de recruter un jeune chômeur pour remplacer un départ en retraite, doit aussi s'arrêter en fin d'année, ce qui serait très dommage car il est à la fois très apprécié des salariés qui ont travaillé 40 ans ou plus, et parfois depuis leur plus jeune âge, et des jeunes. Depuis sa création en 1995, plus de 171 000 personnes sont grâce à lui parties en préretraite, et en compensation 157 338 jeunes chômeurs ont été recrutés. Le décalage entre ces deux chiffres s'explique par le fait que l'embauche se fait quelques mois après le départ.

Que compte faire le Gouvernement pour maintenir ce dispositif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Mme Aubry aurait souhaité répondre elle-même à cette question mais elle est retenue au Sénat où elle défend le projet sur la réduction du temps de travail.

La convention de l'assurance-chômage arrive à échéance à la fin de l'année et jusqu'à présent les organisations syndicales se sont heurtées au refus du MEDEF d'ouvrir les négociations. Cependant, une rencontre entre les partenaires sociaux est programmée pour le 23 décembre : ils pourront alors décider de reconduire le régime de l'assurance-chômage pour quelques mois, ce qui leur laisserait le temps de mener une réflexion plus approfondie au sujet de la nouvelle convention.

Attaché au paritarisme, comme il l'a montré en confiant de nouvelles responsabilités à la CNAM et en revoyant le financement de la loi sur les 35 heures, le Gouvernement souhaite que le MEDEF s'inscrive dans cette démarche. Mais Mme Aubry vous a parlé hier de son refus du débat avec le Gouvernement. Précisons bien à ce propos qu'il ne s'agissait pas de « commenter » la loi sur la réduction du temps de travail, mais bien de poursuivre la concertation habituelle.

Quant au dispositif ARPE, il relève de la compétence des partenaires sociaux. Mais Mme Aubry a déjà eu l'occasion de dire combien le Gouvernement y était attaché. C'est pourquoi nous espérons que la rencontre du 23 décembre sera l'occasion pour les partenaires sociaux de fixer un calendrier permettant de le pérenniser (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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TCHÉTCHÉNIE

Mme Muguette Jacquaint - Le cynisme se révèle être le maître mot du gouvernement russe (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) dans la guerre qu'il mène contre la Tchétchénie.

Plusieurs députés RPR et UDF - Pas vous !

Mme Muguette Jacquaint - Vous ne me ferez pas taire, vous ne m'empêcherez pas d'évoquer les massacres perpétrés en Tchétchénie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

Tout en continuant ses bombardements sur les villes et les villages, l'armée russe soumet les habitants de la capitale à un affreux chantage : la fuite ou la mort. Cette catastrophe humanitaire, qui prend l'allure d'un crime contre l'humanité, a pour objectif officiel l'anéantissement de quelques centaines d'extrémistes. Mais des raisons de politique intérieure, à commencer par l'approche des élections législatives, l'expliquent davantage.

Jusqu'au sommet d'Istanbul, cette guerre n'a suscité de la part des gouvernements occidentaux que quelques condamnations verbales. Compte tenu de l'inefficacité qui a jusqu'ici caractérisé les timides initiatives de la Communauté européenne, il devient urgent de faire davantage pression sur le gouvernement russe. Je ne songe pas à des sanctions économiques, car elles se retourneraient contre le peuple russe. Mais pourquoi ne pas menacer de saisir les comptes que détient le clan Eltsine dans les banques occidentales ?

Une solution politique doit être trouvée. Que compte donc faire le Gouvernement pour que cessent les bombardements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Votre question se rapporte à une véritable tragédie. La première déclaration française sur ce sujet remonte au 29 septembre, avant donc le sommet d'Istanbul. Depuis, nous n'avons cessé de dire que les Russes se fourvoient en ne cherchant qu'une solution militaire au problème de la Tchétchénie -même s'il est vrai que le terrorisme est aussi un problème réel.

Nous devons continuer à essayer de faire entendre aux Russes -et à l'opinion internationale-, que la démarche actuelle ne conduit qu'à l'enlisement. Nous avons essayé d'en convaincre aussi nos partenaires européens et occidentaux. Mais beaucoup craignaient de déclencher en Russie un engrenage dramatique. Nous avons entendu ce message, car nous sommes responsables. Mais cela ne nous empêche pas de dire aux Russes qu'ils se trompent, et qu'ils devront tôt ou tard rechercher une solution politique. Nous avons noté ces derniers jours quelques petits signes qui semblent indiquer que les Russes commencent à se poser des questions -qu'il s'agisse de certains contacts, du report de certaines mesures, de telle déclaration sur une autonomie possible. S'ils évoluent dans cette direction, c'est parce que nous avons su parler clairement depuis deux mois et demi (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe socialiste)

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RETRAITÉS ARTISANS ET COMMERÇANTS

M. Olivier de Chazeaux - Monsieur le Premier ministre, les retraités artisans et commerçants sont désespérés de l'absence de réponse concrète du Gouvernement à leurs nombreux courriers qu'ils jugent méprisante. Toute leur vie, ils ont travaillé bien au-delà des 35 heures que vous voulez imposer par ailleurs, parfois au détriment de leur vie familiale. Ils l'ont fait parce qu'ils étaient convaincus d'être une force vive de la nation, et aussi pour financer leurs maigres retraites. Non, ce ne sont pas des nantis ! Vous avez pourtant pris en 1998 une décision lourde de conséquences pour eux, en supprimant leurs cotisations maladie et en portant leur taux de CSG à 6,8 %, ce qui l'augmentait de près de 50 %. Ils sont ainsi fortement pénalisés. Il est temps que le Gouvernement leur applique le principe d'égalité de traitement avec le régime général. Vous avez mis en _uvre ce principe pour les agents de la fonction publique, vous pourriez le faire pour d'autres catégories.

Alors que vous allez imposer les 35 heures aux artisans et commerçants, vous persévérez dans un dogmatisme archaïque ignorant des réalités que vivent ces très nombreux Français. Quand cesserez-vous de considérer les artisans et commerçants comme la vache à lait de votre politique ?(Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat - M. le Premier ministre n'a pu vous entendre : il arrive à l'instant du Conseil d'Etat. Je regrette le ton de cette question (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). J'aurais souhaité vous voir avec nous à la grande manifestation organisée par la CANCAVA et l'ORGANIC, car nous avons pu y tenir un échange constructif sur l'égalité d'accès à la protection sociale. Les artisans ont obtenu depuis juillet la mensualisation de leurs retraites, qu'ils demandaient depuis longtemps. Il faut l'admettre, notre solidarité est basée sur l'égalité de cotisation. En revanche les retraités artisans, qui ne paient plus de cotisation maladie mais la CSG, ont soulevé la question suivante : compte tenu du fait que les cotisations des artisans du régime indépendants sont aujourd'hui inférieures à celles des salariés, faut-il immédiatement avancer cette revendication d'égalité, et demander que les artisans paient le même type de cotisations, par rapport à leurs revenus, que les autres catégories ? C'est un problème difficile, car beaucoup d'artisans qui se développent deviennent gérants salariés et changent de caisse de retraite, de sorte qu'il y a de moins en moins de cotisations indépendants.

Ensemble, sans polémique, nous nous sommes demandé si nous devions aller vers l'égalité de protection et l'augmentation des cotisations ; ce serait difficile aujourd'hui, car les cotisations sont assises sur un forfait de 800 SMIC, somme que tous ne gagnent pas. Cette question exige donc une convention, que nous avons mise en route il y a quelques semaines. Les deux organisations les plus concernées par ce dossier ont admis avec nous qu'il fallait aller vers une évolution. Je m'engage, en accord avec les partenaires sociaux, à faire que nous trouvions une bonne réponse à un vrai problème (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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NAUFRAGE DU PÉTROLIER ERIKA

M. Louis Guédon -Ma question s'adresse à M. le ministre des transports. Le littoral atlantique, en particulier la Basse-Bretagne et la Vendée, est menacé par une importante marée noire, qui met en péril la ressource halieutique, mais aussi l'économie touristique, ainsi que l'avenir de l'ostréiculture et de la conchyliculture. Certes d'importants moyens ont été mis en _uvre pour sauver l'équipage du navire, et je rends hommage aux sauveteurs. Mais la multiplication dans nos eaux de navires battant pavillons de complaisance, qui ne respectent pas la législation en vigueur, souligne les limites de votre politique maritime (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Au lieu de vous moquer des difficultés du monde maritime, faites preuve de sens des responsabilités, quand la politique maritime est inexistante ! (Mêmes mouvements) N'est-il pas souhaitable, quand une difficulté est signalée sur ce type de navire, de dépêcher à bord une assistance d'experts pour prendre des mesures en amont ? Pourquoi favorisez-vous, par votre absence de politique maritime et le manque de renouvellement de notre flotte, la présence accrue des pavillons de complaisance dans nos ports ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Pourquoi votre gouvernement a-t-il aboli la loi sur les quirats ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Le fait que notre flotte soit passée en quelques décennies du quatrième au vingt-quatrième rang laisse visiblement insensible le groupe socialiste ! (Mêmes mouvements) La loi sur les quirats avait permis d'accroître de 10 % le tonnage sous pavillon français. Elle offrait en outre du travail à notre population maritime (Mêmes mouvements).

M. le Président - Cela ne va pas du tout ! Je donne à M. Guédon trente secondes pour achever de poser sa question qui porte sur un sujet grave, et je demande à la majorité de rester silencieuse (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Louis Guédon -Il faut une politique maritime volontariste, assurant la sécurité à notre littoral par la mise en service de navires techniquement fiables. Nous attendons une réponse responsable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement - Si M. Gayssot et Mme Voynet ne sont pas présents, c'est qu'ils sont sur place, avec les préfets concernés et les autorités maritimes, pour coordonner tous les moyens de lutte contre la pollution (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Vous profitez de cet événement pour ouvrir un débat fiscal. Je sais qu'il est dans vos traditions de flatter le contribuable, mais chaque fois vous oubliez le citoyen ! Le problème posé aujourd'hui, convenez-en, est d'un autre ordre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Toutes les capacités d'intervention dont nous disposons sont en action, et nous avons fait appel, dans le cadre de nos accords bilatéraux, à celles de nos amis anglais, norvégiens et allemands. Parallèlement, M. Gayssot a diligenté une enquête technique et administrative, confiée au Bureau d'études accidents qu'il a lui-même créé en décembre 1997 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Une procédure judiciaire est d'autre part en cours, diligentée par le Parquet de Paris.

Le phénomène des pavillons de complaisance n'est pas nouveau : c'est une tendance lourde depuis des décennies, qui résulte de la politique de dumping économique et social des plus grands armateurs internationaux. La France a proposé en la matière un système, adopté par la Commission européenne, permettant d'établir une base de données, diffusée sur Internet, fournissant l'état et l'historique de tous les navires de commerce du monde ; ce qui ne peut qu'accroître la sécurité.

Dès l'annonce du naufrage de l'Erika, toutes les précautions ont été prises pour sauver les vies humaines, et je salue comme vous ceux qui y ont pris part. Je souhaite maintenant que les moyens mis en _uvre pour maîtriser la pollution aient la même efficacité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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CORSE

M. Roland Francisci - Monsieur le premier ministre, c'est la troisième fois en quelques semaines que je vous interroge sur la situation de la Corse. Vous ne m'avez pas répondu les deux premières fois : je souhaite que vous le fassiez aujourd'hui, compte tenu de l'évolution inattendue de vos positions, et de l'inquiétude des Corses. Le 25 mai ici-même, puis le 6 septembre devant l'Assemblée de Corse, vous affirmiez qu'aucune discussion institutionnelle n'était compatible avec le recours à la violence, et que le premier problème de la Corse n'était pas son statut, mais bien la violence. Et de fait, le statut d'autonomie, que demandent les nationalistes ultra-minoritaires, n'a d'autre but que d'éloigner la Corse de la France : c'est l'antichambre de l'indépendance à laquelle est farouchement opposée l'immense majorité de mes compatriotes. Une vérité dont vous devez d'ailleurs tenir compte, c'est qu'aucune formation politique, sauf les nationalistes, n'a inscrit le changement institutionnel à son programme pour les élections de mars dernier. C'est dire que les dirigeants de ces formations qui, de façon regrettable, rejoignent aujourd'hui la démarche des nationalistes n'ont agi qu'à titre personnel. Ils n'ont reçu aucun mandat des électeurs pour changer le statut de la Corse.

Ainsi l'Assemblée de Corse ne dispose-t-elle d'aucune légitimité pour décider en solitaire de changer ce statut (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Le 30 novembre, ici-même, le préalable relatif à la violence disparaît de votre discours. Tous les observateurs y voient un changement d'attitude de votre part. De fait vous invitez ensuite tous les représentants politiques de l'île, y compris ceux qui ne dissimulent pas leur soutien aux auteurs d'attentats et qui réclament un changement institutionnel. Vous paraissez donc prêt à vous engager dans cette direction, alors même que cinq explosions nouvelles retentissaient sur l'île, dont une contre la permanence du MDC, le parti du ministre de l'intérieur.

Tous les médias ont porté leur attention sur vos nouveaux rapports avec les nationalistes. Comment voyez-vous l'avenir de la Corse ? Celle-ci, depuis 25 ans, a manifesté à toutes les élections, à plus de 80 %, son rejet de la violence et de ceux qui la soutiennent.

J'espère que telle est bien la voie, répondant aux souhaits de la majorité de mes compatriotes, que vous entendez prendre (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe DL).

M. Lionel Jospin, Premier ministre - J'étais aux cérémonies du bicentenaire du Conseil d'Etat, et je dois partir dans quelques minutes pour le Japon. M. Francisci ayant bien voulu m'informer qu'il m'interrogerait sur la Corse, je suis venu pour lui répondre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Ici-même, le 30 novembre, j'avais lancé une invitation aux élus de Corse pour venir dialoguer à Matignon.

Je l'ai fait pour écouter les élus de Corse, afin d'organiser un échange et de sortir d'une situation de blocage, de réagir face au malaise de l'île. Je l'ai fait pour ouvrir une démarche politique, par une initiative réunissant les élus du suffrage universel. Je l'ai fait pour que ce débat se déroule au grand jour, sous le regard et le contrôle de nos concitoyens.

C'est ainsi que je conçois l'exercice de la démocratie, et c'est ainsi, par le dialogue, que je traiterai le problème de la Corse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Tous les élus conviés, et vous-même, avez répondu à mon invitation. Tous se sont exprimés, dans leur diversité, sans nier leurs divergences. J'ai redit la condamnation par l'Etat de la violence. Nous la condamnons et nous la combattons, et nous le prouvons concrètement, parce que la loi doit être respectée.

J'ai proposé une méthode de travail. Dans un premier temps, c'est d'abord aux élus de la Corse de réfléchir ensemble aux thèmes qu'ils souhaitent aborder avec le Gouvernement.

Je n'ai pas souhaité délimiter le champ de ces échanges. Aucun sujet ne doit être tabou. Il revient aux élus d'organiser le débat, dont la société civile en Corse doit être partie prenante.

Quand ce travail aura été accompli, quand les élus m'auront fait leurs propositions, nous pourrions déboucher sur une deuxième réunion, en février ou mars, et ensuite mettre en place des groupes de travail (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) pour affiner le traitement des problèmes de la Corse (Mêmes mouvements).

Aucune performance historique n'autorise personne ici à traiter avec indifférence la démarche engagée pour essayer de trouver un chemin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Cette réunion a permis un véritable échange. Je souhaite qu'elle débouche sur une véritable dynamique (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). En démocratie personne ne peut se dérober à ses responsabilités. Si chacun veut bien se montrer à la hauteur de l'enjeu, nous pouvons essayer de définir les conditions d'un mieux-vivre ensemble en Corse. Cette disposition est commune à tous les Corses et j'espère qu'elle est partagée sur tous les bancs de cette assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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PROPOSITION DE LOI RELATIVE À L'ESCLAVAGE

Mme Huguette Bello - Comme chaque année, les Réunionnais s'apprêtent à commémorer l'abolition de l'esclavage. Le 20 décembre 1999 revêtira une importance particulière, puisque le 18 février dernier l'Assemblée unanime a reconnu la traite et l'esclavage comme crimes contre l'humanité. Mais les sénateurs n'ont pas encore examiné cette proposition. Quand sera-t-elle inscrite à l'ordre du jour du Sénat ? (Exclamations sur les bancs du groupe RCV, du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement - Le 18 février, ici même, Mme la Garde des Sceaux avait déclaré que le Gouvernement partageait l'objectif de cette proposition. Le Gouvernement souhaite contribuer à accomplir ce devoir de mémoire envers les générations sacrifiées et leurs descendants. C'est pourquoi je m'engage à ce que cette proposition soit inscrite à l'ordre du jour prioritaire du Sénat lors de cette session (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

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COMMUNICATION AUDIOVISUELLE EN POLYNÉSIE

M. Emile Vernaudon - La Polynésie française se trouve à l'écart du développement des moyens de distribution audiovisuelle. Les multiples bouquets satellites ne parviennent pas aux Polynésiens. Un opérateur privé souhaite proposer la distribution d'un bouquet de programmes par satellite, pour participer au désenclavement audiovisuel de nos cinq archipels. Il sollicite l'accès direct au réseau Intelsat. Il n'a jamais fait appel aux fonds publics, contrairement à une autre société qui a bénéficié d'une exonération fiscale territoriale en 1996 à hauteur de 3,3 millions. Ce sont les copains des amis du gouvernement actuel ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR)

En vertu de l'article 6-12 du statut du territoire, la communication audiovisuelle relève de la compétence exclusive de l'Etat, qui doit accorder ladite autorisation dans le respect du principe de la libre communication. Pouvons-nous compter sur vous pour que des interférences locales ne viennent pas parasiter une prise de décision favorable et rapide ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Aux termes de l'article 6 de la loi organique du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, la communication audiovisuelle relève bien de la compétence de l'Etat. Tout opérateur de télévision peut solliciter auprès d'un signataire Intelsat l'accès à un répéteur satellitaire pour diffuser un bouquet de programmes. A ce titre, le Gouvernement est favorable aux initiatives permettant d'accroître l'offre de programmes audiovisuels. Cela vaut particulièrement en Polynésie française, en raison de la dispersion des populations. Il s'agit aussi d'y favoriser le pluralisme audiovisuel (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

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SITUATION DU TEXTILE

M. Pierre Micaux - Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, la semaine dernière vous avez commenté l'enterrement de la Lainière de Roubaix. C'est dans toute la France, à Mulhouse, Strasbourg, Troyes, dans les Vosges ou le Maine-et-Loire que notre textile fout le camp ! Cela est vrai aussi du secteur des cuirs et peaux. Le textile compte encore 300 000 salariés. Mais à ce rythme, c'est la descente aux enfers.

Je souhaite une réponse constructive et non partisane et je ne reviendrai pas sur les causes de cette situation. Je souhaite connaître votre volonté.

Face à la concurrence sauvage des pays dits en développement, allez-vous alléger les charges sur ces industries et en général les industries de main d'_uvre ? Allez-vous inciter le système de distribution à vendre français et européen en priorité ? Allez-vous accompagner les entreprises de plus de 50 salariés dans le remboursement des aides Borotra, avec Bruxelles ? Allez-vous prendre en compte la volonté de la branche textile pour l'application des 35 heures ? Allez-vous remettre sur le métier de l'OMC le problème des protections douanières, y compris chez des nations riches comme les Etats-Unis ?

Malgré les délocalisations qui se multiplient, il est possible de maintenir nos entreprises textiles surtout si l'on va vers une zone euro-méditerranée du type de l'ALENA et de l'ASEAN. Nous attendons que vous vous mettiez sérieusement au travail avec nous (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - 1999 n'a pas été une bonne année pour le textile-habillement. La consommation n'a augmenté que de 1 % contre 3 % en 1998. Le Gouvernement croit au textile-habillement et travaille activement avec la profession pour faire face aux restructurations et aux réductions d'effectifs.

D'abord nous menons une politique d'allégement du coût du travail, surtout pour les bas salaires. La réduction de 21 000 F de charges sociales patronales par salarié au SMIC et par an est très utile dans ce secteur. Il profite aussi de la baisse progressive de la part salariale dans la taxe professionnelle. Enfin la prise en charge sur le budget de l'Etat du coût de fonctionnement des centres techniques allège les cotisations parafiscales des entreprises.

Nous travaillons ainsi à moderniser le secteur notamment par la formation.

Dans l'engagement de développement qui vient d'être signé, l'Etat s'engage pour 70 millions et la profession beaucoup plus fortement, afin d'améliorer la qualification. Nous encourageons aussi l'investissement et l'innovation, par exemple grâce au crédit d'impôt sur le stylisme externe. Le textile-habillement est aussi le premier bénéficiaire du fonds de développement des PMI, dont il consomme 10 à 15 % des crédits chaque année.

M. Maurice Leroy - Bref, tout va bien.

M. le Secrétaire d'Etat - Nous avons lancé un projet pour l'utilisation d'Internet par ce secteur en aval et en amont.

Quant aux rapports avec la grande distribution, nous allons demander qu'ils soient mieux régulés lors des prochaines assises de la distribution.

Au niveau international, nous défendons le secteur à Bruxelles comme dans toutes les instances internationales. Par exemple dans le cadre des accords textile-vêtement -les ATV- la France a pris position fermement contre le démantèlement anticipé des quotas et des couples « pays-produits ».

Le Gouvernement se bat donc résolument avec l'appui du groupe textile de l'Assemblée, que je salue, pour ce secteur qui, avec ses 285 000 salariés, est le deuxième de l'industrie française (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M.  Wiltzer.

PRÉSIDENCE de M. Pierre-André WILTZER

vice-président

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SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le Président - J'informe l'Assemblée que la commission des affaires étrangères a décidé de se saisir pour avis du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national.

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FONCTIONNEMENT DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES
(procédure d'examen simplifiée)

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à modifier l'article 6 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

M. le Président - Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Mme Monique Denise, rapporteur de la commission de la production - D'une complexité croissante, les choix scientifiques et technologiques sont lourds d'enjeux stratégiques, économiques, sociaux ou environnementaux. Aussi, dès la fin des années 70, le Parlement a considéré qu'il s'imposait de les évaluer, dans l'intérêt de la démocratie, puis il a voté à l'unanimité la loi du 8 juillet 1983 portant création de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, délégation chargée « d'informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique afin, notamment, d'éclairer ses décisions ». L'Office devait « recueillir des informations, mettre en _uvre des programmes d'études et procéder à des évaluations ».

Il est composé de huit députés et de huit sénateurs, désignés de façon à assurer au sein de chaque Assemblée une représentation proportionnelle des groupes politiques. A chaque titulaire est rattaché un suppléant, disposant pratiquement des mêmes pouvoirs -à l'exception, d'ailleurs toute théorique, du droit de vote. Ainsi ces suppléants peuvent être nommés rapporteurs.

Le président et le vice-président de la délégation ne doivent pas appartenir à la même assemblée et l'usage s'est établi de confier alternativement la présidence à un député et à un sénateur.

L'Office a prouvé son efficacité et sa capacité d'expertise en se penchant sur de nombreux sujets : énergie, environnement, nouvelles technologies, sciences de la vie... Il a ainsi servi d'intermédiaire entre le monde politique et celui de la recherche, contribuant aussi bien à la diffusion de la culture scientifique et technique qu'au contrôle de choix lourds de conséquences. Il a répondu aux préoccupations de nos concitoyens sur des sujets aussi divers que l'incidence du vin sur la santé, les changements climatiques, la génétique ou la sécurité des installations nucléaires.

Instrument désormais reconnu de l'action parlementaire, l'Office a également acquis un rayonnement international, par sa participation au réseau EPTA -« European parliamentary technology assessment ». Il intervient en outre dans la désignation de parlementaires ou de personnalités au sein d'instances telles que l'agence nationale de gestion des déchets radioactifs ou la commission du génie génétique. Il entretient des relations constantes avec la communauté scientifique et organise des auditions publiques : ainsi, récemment, sur les OGM et sur le projet de réacteur nucléaire à eau pressurisée franco-allemand. Il ouvre de la sorte, sur des sujets sensibles, un débat démocratique souhaité par beaucoup.

Enfin, ses liens avec la commission de la production sont particulièrement forts : la commission l'a saisi à huit reprises lors de la Xème législature et sept fois pendant la XIème.

L'Office joue donc un rôle de passerelle entre le public et le monde scientifique, soumettant au débat démocratique des matières souvent mal connues. On ne peut donc que soutenir toute mesure propre à le renforcer.

Tel est précisément l'objet de la présente proposition de loi, adoptée par le Sénat en première lecture. Elle tend à modifier la composition et les modalités de fonctionnement de la délégation afin d'y améliorer la représentation des groupes politiques, en confirmant des usages qui ont fait la preuve de leur pertinence.

Le texte supprime d'abord la distinction entre titulaires et suppléants, qui n'avait guère d'application pratique. Cette seule disposition permet d'améliorer le pluralisme au sein de l'Office. En effet, les titulaires étant actuellement nommés à la représentation proportionnelle selon la méthode des plus forts restes et les membres suppléants appartenant au même groupe que les titulaires auxquels ils se rattachent, les écarts de représentation entre les groupes politiques s'en trouvent accrus. Ce ne sera plus le cas dès lors que la représentation proportionnelle s'appliquera une seule fois pour pourvoir la totalité des sièges.

En second lieu, la proposition fixe la composition de l'Office à 18 membres pour chaque assemblée, ce qui permet une représentation encore plus fidèle.

Enfin, le texte autorise l'élection d'un premier vice-président après chacun des renouvellements de l'Office, conformément d'ailleurs à une pratique suivie depuis l'origine. En effet, le bureau constitué après chaque renouvellement de l'Office, c'est-à-dire soit après un renouvellement de l'Assemblée, soit après un renouvellement partiel du Sénat, reste en fonction jusqu'au renouvellement suivant. Par ailleurs, la création d'un poste de premier vice-président facilitera la représentation de l'Office lors de multiples manifestations, en permettant la création de postes de simples « vice-présidents ».

Ce poste de premier vice-président revient à un parlementaire issu de l'assemblée à laquelle n'appartient pas le président de l'Office ; il est également d'usage de choisir les deux au sein de groupes politiques différents.

En second lieu, il est prévu de fixer la date d'entrée en vigueur de la loi de manière à éviter tout décalage dans le renouvellement des deux parties de l'Office.

Enfin, il s'agit de porter de 15 à 24 le nombre des conseillers scientifiques qui assistent l'Office et qui sont des personnalités de haut niveau. Cela permettra d'élargir le champ des disciplines représentées et donc d'améliorer la capacité d'expertise de l'Office.

En conclusion, je salue l'initiative du Sénat et vous propose d'adopter cette proposition de loi telle que modifiée par les amendements de la commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement - La proposition de loi adoptée par le Sénat le 15 juin dernier vise principalement à modifier la composition de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Créé en 1983, il a su devenir un instrument indispensable d'évaluation dans les domaines de l'énergie, de l'environnement, des nouvelles technologies et des sciences de la vie.

Bien que l'ordonnance de 1958 impose une représentation proportionnelle des groupes politiques dans toutes les délégations des assemblées, la situation réelle est différente puisque le groupe CRC au Sénat et le groupe RCV à l'Assemblée ne disposent d'un représentant qu'en « puisant » sur le contingent des groupes socialistes de chaque assemblée, ce qui n'est pas normal.

C'est pour cette raison que Mme Luc, présidente du groupe CRC du Sénat, a déposé en mai 1998 une proposition de loi tendant à remédier à la sous-représentation de certains groupes. Sur la base de cette proposition et de celle déposée par le sénateur Revol, la commission des affaires économiques et du plan du Sénat a élaboré un texte qui a été adopté en séance publique le 15 juin 1999.

Il prévoit de porter la composition de l'Office à 18 membres, de supprimer la distinction entre titulaires et suppléants, de créer un poste de vice-président, enfin, d'augmenter le nombre de membres du conseil scientifique afin de permettre la représentation de nouvelles disciplines.

Le Gouvernement est, bien évidemment, favorable à cette proposition de loi.

Sur les amendements, il n'a aucune objection à présenter et s'en remet à la sagesse de l'Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Bataille - Notre rapporteur a exposé le contenu de la réforme. C'est davantage en tant que membre de l'Office depuis plusieurs législatures que j'apporterai mon témoignage en précisant, au passage, la position du groupe socialiste. Quand le législateur, en 1983, a créé l'Office, il visait à doter l'Assemblée et le Sénat d'une capacité d'expertise leur permettant de mieux aborder des textes législatifs et des travaux parlementaires au contenu scientifique de plus en plus consistant. Il s'inspirait de l'exemple américain -mais depuis, l'Office américain a disparu pour des raisons budgétaires.

Cette démarche révèle aujourd'hui toute sa pertinence, avec le débat sur les questions de sécurité alimentaire. Mais c'est l'ensemble du travail de l'Office qui démontre l'importance de l'approche scientifique au service de la décision politique. Parmi la soixantaine de rapports publiés, un certain nombre ont fait date ; en 1992, un rapport remarqué sur les ressources minérales de l'Antarctique ; la même année, alors que l'opinion ne s'intéressait pas encore aux OGM, un rapport précurseur sur les biotechnologies ; les rapports sur la politique spatiale, l'industrie des semi-conducteurs, les effets de l'amiante.

Moi-même j'ai remis en 1990 un rapport sur la gestion des déchets nucléaires qui a abouti à une législation -la seule votée par le Parlement en ce domaine !

Dernièrement, c'est sur le travail de l'Office que Jean-Yves Le Déaut s'est appuyé pour la « Conférence de citoyens » sur les OGM -une première en France.

Le « mariage » entre la science et l'approche parlementaire a réussi et l'idée d'« évaluation » a fait son chemin, puisque le Parlement est aujourd'hui doté d'un Office d'évaluation des politiques publiques et d'un Office d'évaluation de la législation.

L'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a particulièrement rempli sa mission, s'agissant des questions nucléaires. Compte tenu de l'originalité de notre pays dans ce domaine et de l'aspiration de nos concitoyens au débat, c'était un peu un « défi » pour l'Office. A travers des rapports sur « le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires », une véritable « veille parlementaire » sur le secteur nucléaire a été instituée.

Nos collègues Claude Birraux et Robert Galley se sont particulièrement distingués à cet égard. Le premier observait récemment que 73 des 118 propositions qu'il avait formulées commençaient à entrer dans les faits.

Cette réussite doit faire école. La capacité d'intervention humaine sur le vivant et les risques d'instrumentation qu'elle peut comporter seront au c_ur des dilemmes qu'aura à trancher le politique dans les prochaines décennies. Il doit pouvoir compter sur la capacité d'expertise de l'Office, même si le problème n'est pas seulement scientifique, mais aussi philosophique, voire métaphysique. L'Office a donc un bel avenir devant lui.

Le 15 juin dernier, nos collègues du Sénat ont adopté une modification de ses statuts.

Elle ne soulève pas d'objections de notre part, car elle améliore la représentation des groupes à faible effectif.

J'apprécie cependant l'amendement tendant à modifier la date d'effet de la réforme. Nos collègues du Sénat l'ont fixée au 1er octobre 2001, date du prochain renouvellement partiel de leur assemblée. Mais cette date se situant à six mois des législatives, il nous a paru préférable d'attendre le prochain renouvellement de l'Assemblée nationale.

Nous voterons donc l'amendement du rapporteur, de même que la proposition de loi ainsi modifiée (Applaudissements).

M. Robert Galley - Je suis d'autant plus d'accord avec cette proposition que j'avais moi-même esquissé cette réforme lorsque j'étais président de l'Office, en soulignant que la distinction entre membres titulaires et suppléants ne se justifiait pas, certains suppléants effectuant des travaux remarquables.

Je voudrais insister sur un point : il faut tout faire pour éviter des débats partisans dans cette Office. Lorsque M. Bataille et moi-même avons été chargés de faire un rapport sur la comparaison des prix de l'électricité, il nous a paru capital de nous mettre d'accord sur ses conclusions pour donner à ce document une portée nationale et même internationale.

Il m'est également arrivé de participer avec un sénateur à un rapport commun. Ce soir, un rapport important sur le projet SOLEIL sera confié à la fois à M. Cuvilliez et au sénateur Trégouët.

La réforme proposée est bonne. Je suis d'accord aussi sur le report de la date d'entrée en vigueur au prochain renouvellement de l'Assemblée nationale, c'est plus cohérent.

J'aimerais que nous réfléchissions aux moyens de donner plus de publicité à nos rapports au sein même du Parlement, par exemple en rédigeant un résumé qui serait diffusé à tous nos collègues à la veille d'un débat. Cela pourrait amorcer un consensus sur les décisions à prendre.

Le groupe RPR votera ce texte et l'amendement (Applaudissements).

M. Christian Cuvilliez - Dans un domaine aussi vital pour l'avenir du pays que celui de la recherche, les citoyens et les élus sont en droit d'escompter une politique cohérente et audacieuse et de la connaître par la publication de documents accessibles à tous.

Compte tenu de la complexité croissante des sciences et des technologies, comment aider les parlementaires à faire, en toute indépendance, des choix judicieux ? Comment évaluer les besoins nationaux et les priorités ? Comment coordonner les projets publics scientifiques français avec la logique du monde industriel et les perspectives européennes ? De ces interrogations émerge, à la fin des années 70, l'idée de doter le Parlement d'un instrument d'expertise et d'évaluation sérieux, impartial et indépendant du Gouvernement. La loi du 8 juillet 1983, votée à l'unanimité, crée alors « l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ». En 16 ans d'existence, cet Office a su démontrer son efficacité et l'excellence de ses travaux a été reconnue en France comme à l'étranger.

Le Parlement européen et de nombreux pays ont d'ailleurs adopté une structure similaire. Voilà une belle réussite française qui mérite d'être citée à une époque où certains ont plutôt tendance à dénigrer l'exception culturelle française et à vouloir soumettre notre pays à la mondialisation libérale en même temps qu'à la « pensée unique ». Or, il n'y a pas de pensée unique dans le domaine scientifique, comme en témoigne la récente polémique autour du synchroton. La saisine de l'OPCST sur ce sujet nous permettra de mesurer les enjeux et de nous faire un avis éclairé. Je me félicite que le rapport sur la question ait été confié à deux membres de sensibilité politique différente.

L'importance du rôle de l'Office justifie amplement la transformation des postes de suppléants en postes de titulaires, la reconnaissance du siège de premier vice-président et l'augmentation du nombre des membres de l'Office au sein de la délégation paritaire et du conseil scientifique. Cette réforme permettra une meilleure représentation des deux chambres. Le groupe communiste en bénéficiera, alors que jusqu'à présent il avait un peu de mal à faire entendre sa voix. Cet élargissement de la composition de l'Office permettra en outre des saisines plus nombreuses sur des disciplines plus diverses.

Seul point qui reste à trancher : la date d'entrée en vigueur de cette réforme. Le Sénat voudrait qu'elle se fasse au 1er octobre 2001, lors de son renouvellement partiel, mais il nous paraît préférable, pour le bon fonctionnement de l'Office et la continuité de ses travaux, d'attendre six mois de plus pour qu'elle coïncide avec le début de la nouvelle législature. Nous sommes donc tout à fait d'accord avec les conclusions du rapport de Mme Denise (Applaudissements).

M. Claude Gatignol - L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a été créé en 1983 pour permettre aux parlementaires d'apprécier, en toute indépendance, les décisions du Gouvernement dans des domaines d'une complexité croissante, qu'il s'agisse du nucléaire, de l'espace ou des télécommunications. Il a travaillé sur des sujets aussi divers que l'énergie, la pollution du littoral, l'industrie informatique, la sécurité nucléaire, les sciences de la vie...

Composé depuis l'origine de 8 membres titulaires -et de 8 suppléants- pour chaque assemblée, il reflète la composition politique du Parlement.

La loi de 1983 a donné à ses rapporteurs des pouvoirs identiques à ceux des rapporteurs budgétaires spéciaux. Ils peuvent donc procéder à des contrôles sur pièces et sur place dans tous les organismes dépendant de l'Etat, et se faire communiquer tous les documents de service, à l'exception de ceux concernant la défense nationale ou la sécurité de l'Etat. En cas de difficultés, ils peuvent demander à bénéficier des prérogatives attribuées aux commissions d'enquête parlementaires.

Depuis que l'Office existe, je crois pouvoir dire qu'il a bien travaillé, produisant plus de 60 rapports, tous de très haute valeur, mais aussi organisant des auditions et des visites.

L'Office prend le plus souvent des décisions à l'unanimité, loin de tout esprit partisan. Il est considéré comme un intermédiaire entre les mondes politique et scientifique : la société a grand besoin de telles passerelles.

Porter de 16 à 18 le nombre de parlementaires de chaque assemblée membres de l'Office permettra une meilleure représentation des groupes politiques.

La suppression du statut de suppléant est également une bonne chose puisque la seule différence entre titulaires et suppléants tenait au droit de vote, pratiquement jamais exercé du fait de la prise de décision à l'unanimité. Ce texte propose aussi d'inscrire dans le droit une pratique de l'Office consistant à ce que le bureau soit constitué après chaque renouvellement et de remplacer le titre de vice-président par celui de premier vice-président. Nous en sommes d'accord, de même que nous approuvons l'élargissement du conseil scientifique et technique, qui permettra à celui-ci de s'ouvrir à de nouveaux experts dans les domaines les plus variés.

Le seul point de désaccord entre les deux assemblées porte sur la date de l'entrée en vigueur de la réforme. Doit-elle se faire à l'automne 2001, après le prochain renouvellement du Sénat, ou au printemps 2002, après le renouvellement de l'Assemblée nationale ? Je me rallie à la deuxième solution. Et le groupe DL votera ce texte (Applaudissements).

La discussion générale est close.

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, l'article 2 de la proposition de loi qui fait l'objet d'un amendement ainsi que l'amendement n° 2 portant article additionnel après l'article 3.

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ART. 2

Mme le Rapporteur - J'ai déjà présenté l'amendement 1 de la commission, qui tend à supprimer l'article.

M. le Ministre - Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 est ainsi supprimé.

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APRÈS L'ART. 3

Mme le Rapporteur - J'ai également présenté l'amendement 2.

M. le Ministre - Sagesse.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - En raison des auditions auxquelles procèdent en ce moment les commissions des lois et des affaires culturelles, je vais suspendre la séance.

La séance, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 heures 55.

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DOTATIONS DE L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS LOCALES -CMP-
(procédure d'examen simplifiée)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant le code général des collectivités locales et relatif à la prise en compte du recensement général de la population en 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP, qui fait l'objet de la procédure d'examen simplifiée.

Mme Catherine Tasca, suppléant M. René Dosière, rapporteur de la CMP - Hier, la CMP est parvenue à un accord. Conformément au texte voté par l'Assemblée en première lecture, la prise en compte du recensement sur les dotations de l'Etat sera lissée sur trois ans. Les dotations de solidarité urbaine et de solidarité rurale, fraction « bourgs centres », augmenteront substantiellement. Ainsi les communes les plus défavorisées ne subiront aucune pénalisation.

La CMP a retenu une proposition intéressante du Sénat, consistant à traiter de façon différenciée les communes dont la population diminue, afin de ne pas pénaliser celles qui perdent peu d'habitants.

Pour celles qui en perdent beaucoup, le dispositif de gel de la dotation forfaitaire à son montant de 1999 s'appliquera. Celles qui perdent peu de population bénéficieront d'une dotation forfaitaire en légère augmentation. Ce dispositif, peu significatif en 2000, deviendra intéressant par la suite.

Dans ces conditions, les seules communes légèrement pénalisées seront les communes en forte augmentation ne percevant ni la DSU, ni la dotation bourgs centres. Leur nombre est limité et -sauf exception- leurs capacités financières satisfaisantes.

Le Sénat a voté sans les modifier les dispositions adoptées par l'Assemblée à propos du calcul du potentiel fiscal, ainsi que sa correction pour les communes qui contribuent au fonds de solidarité de la région Ile-de-France. La CMP en a pris acte.

Elle a en outre adopté 21 articles nouveaux portant sur les conséquences financières de la loi du 12 juillet 1999 sur l'intercommunalité. Certaines situations ayant été mal évaluées il convient en effet, quitte à rendre la loi de plus en plus complexe, d'apporter des corrections pour éviter de nombreux blocages. Il est d'ailleurs à craindre que d'autres corrections se révèlent nécessaires.

Voici les principales modifications.

Pour le calcul du potentiel fiscal des communes appartenant à des groupements à taxe professionnelle unique ou à taxe professionnelle de zone, on tient désormais compte de la répartition de la population au sein du groupement. Un meilleur lissage des taux facilitera le passage entre ces deux catégories.

Diverses dispositions évitent que les communes qui avaient conclu des accords de partage de taxe professionnelle ne soient pénalisées par le passage à la taxe professionnelle unique.

Grâce à des dispositifs transitoires, les groupements pourront se mettre en conformité avec la loi sur l'intercommunalité, notamment en ce qui concerne le vote des taux de la taxe ou de la redevance sur les ordures ménagères jusqu'en 2001.

La DGF des communautés urbaines a été gelée jusqu'en 2003 sur la base de 1999, pour celles qui ne passeront pas à la taxe professionnelle unique ; à partir de 2003, la DGF sera forfaitaire pour toutes les communautés urbaines avec une indexation sur la dotation forfaitaire des communes.

Enfin, six articles nouveaux modifient le code général des collectivités territoriales. Deux d'entre eux majorent pendant trois ans la DGE des services départementaux d'incendie et de secours et instituent une indemnité pour leur président et leur vice-président. Les autres précisent la procédure budgétaire.

Ces divers compléments expliquent la modification du titre du projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Ce projet vise à limiter l'impact négatif du dernier recensement sur les dotations de l'Etat aux collectivités locales. Le Gouvernement souhaite que vous adoptiez les conclusions que propose la commission mixte paritaire. Le consensus s'est fait sur un lissage sur trois ans des effets du recensement comme le proposait le Gouvernement. Cette proposition assure l'équilibre entre stabilité des ressources, nécessité de la péréquation et soutien financier aux collectivités locales.

Les communes qui perdent de la population ne subiront les effets du dépeuplement que progressivement. Si cette diminution est très faible, leur dotation forfaitaire augmentera quand même modestement.

Pour celles dont la population croît, les dotations augmenteront de façon significative dès l'an prochain.

Le Gouvernement avait déposé un texte de portée purement technique. Il s'est enrichi de dispositions qui corrigent ou complètent la loi du 12 juillet 1999 relative à l'intercommunalité. Je les aurais souhaitées moins nombreuses. Mais elles mettent fin à un vide juridique -pour la taxe ou la redevance d'enlèvement des ordures ménagères par exemple- et règlent des situations particulières inextricables, sans remettre en cause les grands principes de développement de l'intercommunalité.

Mon appréciation est plus réservée en ce qui concerne la modification des conditions d'attribution de la DGF aux communautés urbaines. A mon avis, il faut les traiter comme les autres groupements et continuer à faire jouer, au-delà de 2002, les règles communes de l'intercommunalité. Nous y reviendrons peut-être dans le cadre d'une réflexion plus large sur le financement de la décentralisation.

Enfin, le projet reprend l'amendement présenté par le Gouvernement devant le Sénat, tendant à majorer la dotation globale d'équipement des services départementaux d'incendie et de secours. Par des mesures de redéploiement, les SDIS bénéficieront d'une aide à l'investissement de 300 millions par an pendant trois ans. Cette aide leur permettra d'appliquer la départementalisation. En outre des indemnités sont attribuées aux présidents des conseils d'administration des SDIS. La réforme de 1996 constitue une amélioration spectaculaire pour les services de lutte contre l'incendie et le Gouvernement règle ainsi de manière équitable et pragmatique un dossier dont le financement n'avait pas été prévu.

Je remercie M. Dosière et Mme Tasca pour l'excellent travail qu'ils ont effectué. Ainsi le contrat de croissance et de solidarité se poursuivra sans à-coup dans les prochaines années (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Franck Dhersin - La CMP a abouti dans la sérénité et je m'en réjouis. Grâce aux articles nouveaux, votés par le Sénat, et aux amendements de l'Assemblée nationale, ce texte est relativement équilibré. Ainsi l'article 5 nouveau qui prévoit que les indemnités de certains élus faisant l'objet d'un écrêtement ne peuvent être redistribuées qu'à la suite d'une délibération du conseil ou de l'organisme concerné me paraît juste.

De même, l'article 19 nouveau, qui prévoit la transformation en communauté d'agglomération des districts à taxe professionnelle unique, tout en assouplissant les conditions de transformation des syndicats d'agglomération nouvelle, ainsi que celles relatives aux transferts de compétences en leur sein, va dans le bon sens.

Je suis également favorable à la compensation de l'abattement de 16 % sur les bases de taxe professionnelle versée aux structures intercommunales existant en 1986, ou encore aux articles concernant les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur les collectivités.

Cependant, ce texte ne répond pas à la grande inquiétude des élus locaux. Je regrette, en effet, que le Gouvernement ne profite pas des recettes de la croissance pour abonder la DGF de 400 millions au moins. Face aux dépenses occasionnées par 2 millions d'habitants supplémentaires, l'augmentation devrait être de 1,5 milliard.

Le Gouvernement, s'en tient à un lissage sur trois ans, alors que la plupart des élus locaux l'auraient préféré sur deux ans.

Une fois de plus, l'Etat refuse de partager avec les collectivités locales les recettes fiscales induites par la consommation et la production de cette nouvelle population. Derrière les grandes déclarations en faveur de la décentralisation, se cache une indéniable frilosité financière.

Ce texte, donc, se contente, sans enthousiasme, du strict minimum. Ce n'est pas le ballon d'oxygène dont a besoin la décentralisation. C'est donc sans enthousiasme -mais votre ton, Monsieur le ministre, n'en manifestait pas non plus beaucoup- qu'au nom de Démocratie Libérale, je m'abstiendrai sur ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Pierre Goldberg - En première lecture, les députés communistes ont souscrit au dispositif que vous proposez, qui étale sur trois ans les effets du recensement afin d'éviter des ruptures budgétaires et des effets de seuil trop brutaux pour l'éligibilité aux dotations de solidarité.

Nous avions pris acte de la volonté du Gouvernement de ne pas pénaliser les communes défavorisées, de même qu'il a augmenté en loi de finances les crédits pour la DSU et la DSR.

Cependant, les élus communistes n'ont cessé de dénoncer l'insuffisance des dotations de l'Etat aux collectivités. Depuis longtemps ils demandent que l'on tienne compte, pour 50 %, du PIB dans le calcul de l'ensemble des dotations de l'Etat et que l'on engage une réforme de la fiscalité locale tenant mieux compte des revenus des contribuables.

Nous pensions avoir été entendus. Or il apparaît que le texte adopté par la CMP avec l'accord du Gouvernement recentre le débat sur l'intercommunalité, en introduisant de nombreuses dispositions qu'on nous demande à nouveau d'adopter dans l'urgence. Nous ne pourrons l'accepter. Les élus communistes sont les défenseurs d'une coopération intercommunale qui favorise une mise en commun des moyens et des volontés, au service de projets d'intérêt général. Ils ne pouvaient donc accepter un texte qui, refondant notre organisation territoriale, organisait de manière rigide le transfert de compétences essentielles, des collectivités vers des structures échappant à tout contrôle démocratique. Nos remarques étaient d'ailleurs fondées : on voit aujourd'hui ces communes imposer des procédures plus conformes aux exigences de démocratie.

Pas plus que nous n'avons accepté en juin ces atteintes aux libertés communales, nous n'approuverons aujourd'hui les dispositions très similaires introduites dans un projet qui avait pourtant initialement reçu notre accord : nous nous abstiendrons.

M. Jean-Antoine Leonetti - Le Sénat, puis la CMP ont considérablement enrichi ce texte. Fort de deux parties maintenant, il est pratiquement équilibré et, grâce à la Haute assemblée, certaines difficultés relevées sur le terrain dans l'application de la loi sur l'intercommunalité pourront être corrigées. Même si cette partie n'a qu'un lien indirect avec le projet initial, chacun s'accordera à estimer que ses dispositions sont marquées au coin du bon sens et que la loi de juillet 1999 y gagnera en efficacité.

S'agissant de la prise en compte des résultats du recensement pour la répartition des dotations de l'Etat, l'Association des maires de France et le comité des finances locales avaient proposé un lissage sur deux ans. Le précédent recensement remontait en effet à dix ans et, pendant ce temps, l'Etat a engrangé des recettes supplémentaires, notamment de TVA, à proportion de l'augmentation de population. Qu'il attende encore pour rendre aux collectivités ce qu'il leur doit ne se justifie pas, d'autant qu'il ne s'agit pas ici de dotations constituées ex nihilo, mais de prélèvements sur recettes.

L'amendement intelligent proposé par le Sénat permettrait de protéger les villes qui ont perdu une faible partie de leur population et le Gouvernement lui-même avait proposé des mesures allant dans le même sens. Mais il a opté pour un étalement sur trois ans... Selon la présidente de la commission, seules certaines communes riches en seraient légèrement pénalisées : quelle erreur ! Les villes de plus de 10 000 habitants dont la population a légèrement augmenté et qui ne bénéficient pas d'une dotation de solidarité, ne sont pas forcément des villes riches. Alors qu'elles doivent assumer une charge accrue, leur DGF ne progressera cette année que de 0,4 % !

Je ne ferai que mentionner les villes touristiques, dont le Gouvernement continue d'ignorer la spécificité et l'intercommunalité, qu'il faudrait mieux prendre en compte en cette période charnière.

Le Gouvernement promet des simplifications mais ce projet accroît la complexité, en même temps que l'injustice, dans la répartition des dotations d'Etat. Par ailleurs, nous discernons dans ces dispositions une volonté recentralisatrice, au détriment de la libre administration des collectivités. Les subventions remplacent des produits, et ces collectivités perdent encore un peu plus de leur autonomie fiscale !

Le coût des mesures qui aurait permis de ne pas pénaliser les villes dont la population a crû était dérisoire, mais le Gouvernement a refusé de partager avec les collectivités les fruits de la croissance : le groupe UDF ne pourra donc voter ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jean-Yves Caullet - La prise en compte des résultats du recensement risquait de mettre à mal un système de financement des collectivités complexe et en perpétuelle évolution. Grâce à nos travaux et à ceux de la CMP, la menace a été écartée. Nous devons nous en féliciter. Le lissage sur trois ans permettra de tirer les conséquences de l'évolution démographique sans qu'en souffrent les dotations d'aménagement ni les communes qui ont le plus besoin de cette solidarité : ce résultat n'aurait pu être atteint si nous nous étions limités à des considérations strictement budgétaires !

Nous avons également évité que les communes dont la population baisse soient affectées mécaniquement, uniformément par cette évolution. Le système que nous avons adopté apparaît par conséquent équilibré.

S'agissant de la deuxième partie du projet, nous avons à juste titre considéré que l'intercommunalité était une _uvre toujours à poursuivre. On peut certes déplorer la complexité qui résulte de ces perfectionnements ou correctifs incessants, mais mieux vaut sans doute une loi adaptable qu'une loi rigide.

Si donc nous sommes satisfaits de ce texte, nous ne considérons pas que nous avons achevé notre travail : nous savons qu'il y a encore des progrès à faire vers plus de justice et vers une meilleure péréquation. Nous savons aussi que la dynamique de l'intercommunalité imposera de nouvelles évolutions. Mais, avec ce projet, que nous voterons sans hésiter, le Parlement a démontré sa capacité à toujours perfectionner les dispositifs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilles Carrez - En dépit de l'accord intervenu en CMP, je regrette que les résultats du recensement soient pris en compte sur trois ans alors que les grandes associations d'élus et le comité des finances locales avaient proposé de le faire sur deux ans seulement : ce compromis prenait en considération les contraintes budgétaires réelles que vous avez mises en avant, Monsieur le ministre.

Pour les communes dont la population augmente, la progression de la DGF sera bien faible : chaque année, un tiers de la moitié de la dotation unitaire par habitant ! Ce réajustement est sans commune mesure avec l'accroissement de la charge démographique. Cependant, le Gouvernement n'avait pas hésité à dégager 500 millions supplémentaires pour la DSU et 150 pour la DSR des bourgs-centres : il suffisait d'ajouter 200 millions pour ramener à deux ans la durée du lissage !

Grâce à notre excellent rapporteur et à nos collègues sénateurs, ce texte a par ailleurs été notablement amélioré. Je me félicite en particulier de la disposition visant à lisser l'évolution de la DGF pour les communes dont la population a diminué, et de l'effort fait pour le financement des services départementaux d'incendie et de secours.

Nous aurions donc eu de bonnes raisons de voter ce projet si votre sollicitude, Monsieur le ministre, n'avait oublié deux catégories de collectivités. La première est formée des 25 000 petites communes qui perçoivent la DSR dite de péréquation : pour la moitié, leur population a augmenté. Or, en 2000, leur dotation forfaitaire ne croîtra que de 0,4 % et leur DSR de 1 à 2 %...

La deuxième catégorie, sur laquelle j'appelle tout spécialement votre attention, est celle des communes de plus de 10 000 habitants non éligibles à la DSU. Toutes ne sont pas riches ! Ainsi, une commune comme la mienne -une commune pavillonnaire de banlieue- ne compte que peu de logements sociaux, ce qui lui interdit de percevoir la DSU, mais plus de la moitié de ses habitants sont exonérés de taxe d'habitation ou « écrêtés ». Or, comme il fait tout de même bon y vivre, la population y augmente. Mais que gagnera-t-elle en 2000 ? La DGF ne croîtra que de 0,4 % et la dotation de compensation de taxe professionnelle diminuera de quelque 7 %, après l'avoir fait de 24 % cette année. Ces communes sont peu à peu étranglées financièrement ; il faut remédier à cette injustice.

Je terminerai par une question : les 200 millions figurant en loi de finances pour 2000 et les 500 millions au titre de la DSU vont-ils être consolidés et intégrés à la DGF en 2001 ?

En conclusion, le groupe RPR s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La discussion générale est close.

M. le Président - Dans le cadre de la procédure simplifiée et conformément à l'article 113, alinéa 3 du Règlement, j'appelle l'Assemblée à statuer d'abord sur l'amendement du Gouvernement.

M. le Ministre - L'amendement 1 vise simplement à remédier à une imprécision de rédaction, ceci afin de ne pas pénaliser les communautés urbaines qui choisiraient d'adopter le régime de la taxe professionnelle unique.

Mme le Rapporteur suppléant de la CMP - Avis très favorable.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte proposé par la CMP, modifié par l'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

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ASSURANCE MALADIE DES SALARIÉS AGRICOLES D'ALSACE-MOSELLE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions agricoles et forestières.

M. Gérard Terrier, rapporteur de la commission des affaires culturelles -

Le régime local d'Alsace-Moselle, héritage du droit social de l'empire allemand, constitue l'expression d'une véritable solidarité régionale. Il s'agit d'un régime obligatoire d'assurance-maladie complémentaire qui, en contrepartie d'une cotisation des salariés, leur assure la prise en charge à 90 % des dépenses ambulatoires et à 100 % du forfait hospitalier.

L'instance de gestion spécifique à ce régime autonome depuis 1994, est administrée par un conseil composé de représentants des assurés sociaux, de la mutualité, des unions départementales d'associations familiales et du patronat, avec simple voix consultative, ce régime ne comportant pas de cotisations patronales.

Ce régime est un modèle, car sa gestion est bonne et la dépense médicale est plutôt moins importante que dans les autres départements.

Le 14 avril 1998, nous avons adopté une proposition de loi en vue de faire bénéficier de ce régime, les retraités qui avaient cotisé leur vie durant à ce régime, mais résidaient hors de ces trois départements. Un contentieux était en cours, suite à la décision d'exclusion confirmée par M. Philippe Séguin.

Pendant le débat parlementaire, les représentants des salariés agricoles, qui relèvent d'un autre régime spécifique, avaient sollicité votre rapporteur pour qu'il amende la proposition de loi.

Cet amendement, voté à l'unanimité, visait à habiliter le pouvoir réglementaire à rendre les dispositions de la proposition de loi applicables à ces salariés agricoles afin de ne pas créer d'inégalité de traitement.

Votre rapporteur a pris la précaution de demander que le décret soit précédé d'une concertation entre tous les acteurs concernés.

Le bénéfice des prestations et les taux de cotisation ont bien été alignés pour les deux régimes. De ce fait, 3 000 retraités agricoles ne résidant plus dans la région ont pu être réintégrés.

En revanche, les disparités de gestion ont subsisté.

En effet, alors que l'instance de gestion du régime local fixe elle-même les taux de cotisations, c'est le ministre de l'agriculture qui le fait pour les salariés agricoles. Il s'agit d'un budget non négligeable -43 millions de francs- avec un excédent cumulé de 20 millions depuis 1995. Par ailleurs, les différents acteurs n'ont pas souhaité intégrer les salariés agricoles au sein de l'instance de gestion du régime local. Il convient donc de déroger au principe inscrit dans la loi du 14 avril 1998 selon lequel la compétence de l'instance de gestion du régime local général a vocation à s'étendre au régime local agricole.

Lors de l'examen de la loi d'orientation agricole, un amendement en ce sens avait été adopté avec l'accord du ministre de l'agriculture Jean Glavany. Mais comme cet amendement est intervenu après l'échec de la CMP, le Conseil constitutionnel a considéré qu'il était sans relation directe avec le texte et l'a déclaré non conforme à la Constitution. Le texte que nous examinons aujourd'hui rétablit cette disposition.

L'article premier définit les règles applicables au régime local agricole d'Alsace Moselle.

L'article 2 abroge les dispositions antérieures.

Enfin, l'article 3 stipule que la date d'entrée en vigueur sera le 1er avril 2000.

Je vous demande de bien vouloir adopter de manière conforme la proposition de loi adoptée à l'unanimité par le Sénat (Applaudissements sur divers bancs).

M. André Schneider - Cette proposition de loi répond à une demande des assujettis et mettra fin aux disparités de traitement entre les ressortissants du régime général et ceux du régime local agricole en Alsace-Moselle.

En effet, la loi du 14 avril 1998 relative au régime local d'assurance maladie des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle a donné une base juridique moderne à ce régime d'assurance-maladie. Elle a également permis aux personnes ayant cotisé une grande partie de leur vie à ce régime, mais pris leur retraite ailleurs, de continuer à bénéficier de ses prestations.

Cependant son application a fait apparaître un effet pervers : les personnes ayant temporairement quitté la région au cours des cinq dernières années précédant leur retraite et revenant en Alsace-Moselle sont exclues du bénéfice du régime local. Il faudra, Monsieur le ministre, rapidement corriger cela.

Par ailleurs, la disposition selon laquelle la compétence de l'instance locale de gestion s'étend aux salariés agricoles s'est révélée inapplicable. En effet, alors que cette instance fixe elle-même les taux de cotisations spécifiques, il revient au ministère de l'agriculture de fixer par décret les taux correspondants pour les salariés agricoles. Il en résulte des disparités.

La présente proposition de loi répond à une demande des organisations syndicales locales et des gestionnaires des deux régimes locaux concernés. Adoptée à l'unanimité par le Sénat avec l'accord du Gouvernement, elle crée une instance de gestion spécifique au régime local applicable aux assurés des professions agricoles et forestières et assure ainsi une transition vers l'intégration de celui-ci dans le régime local général. Le groupe RPR votera donc cette proposition de loi (Applaudissements).

M. Pierre Goldberg - Le régime local d'Alsace-Moselle, héritage du droit allemand et fruit des luttes des travailleurs, est un régime d'assurance maladie qui fait bénéficier ses assujettis en échange d'une cotisation supplémentaire, d'une meilleure prise en charge des soins que celle de notre régime général. Cela doit nous amener à nous interroger sur les moyens à mettre en _uvre pour améliorer l'efficacité de la sécurité sociale et nous inciter à niveler vers le haut notre système de protection sociale.

La loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale -que nous avions combattue dans la mesure où elle annonçait une étatisation de la sécurité sociale qui aurait empêché les salariés de contrôler l'utilisation des fruits de leur travail- a eu cependant un mérite : permettre au régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle de disposer d'une autonomie de gestion s'exerçant par l'intermédiaire d'une instance de gestion dirigée par un conseil d'administration où sont représentés les organisations syndicales, les assurés sociaux, la mutualité, les unions départementales d'associations familiales et du patronat. Puis la loi du 14 avril 1998 a prévu, en son article 5, une instance de gestion unique pour les salariés du régime local comme pour les salariés agricoles. Mais la spécificité des professions agricoles a empêché cette extension de la compétence de l'instance de gestion. Une tentative de prise en compte de cette spécificité a ensuite été faite lors des débats sur la loi d'orientation agricole, mais le Conseil constitutionnel a annulé l'article correspondant au motif que son objet avait un rapport trop lointain avec le projet dans lequel il s'insérait. La présente proposition de loi reprend donc cet article et met en place une instance de gestion spécifique au régime local applicable aux assurés des professions agricoles et forestières. Si nous souscrivons à cette démarche consistant à tenir compte de la spécificité de ces professions, nous doutons fortement de l'opportunité d'une fusion entre ce régime local spécifique et le régime local général. En effet, comme ce dernier ne comporte pas de cotisation à la charge des employeurs, le risque est grand qu'à l'occasion d'une fusion, la cotisation employeur du régime local spécifique disparaisse, alors qu'elle est amplement justifiée. D'une manière générale, nous pensons que la participation des employeurs au financement de la protection sociale est absolument indispensable et doit être fixée à un juste niveau.

Nous nous interrogeons aussi sur l'opportunité de la cotisation exigée des retraités. Compte tenu du niveau des pensions et du fait qu'une part de celles-ci sert à aider les enfants ou les petits-enfants -ce qui profite à la consommation et donc à la croissance-, nous sommes plutôt favorables à une exonération, au moins pour les pensions les plus faibles.

Cela étant, nous savons que ce texte est attendu par les Alsaciens et Mosellans. C'est pourquoi, tout en espérant que ses remarques soient entendues, le groupe communiste votera cette proposition de loi (Applaudissements).

M. Emile Blessig - La proposition de loi nous ayant déjà été longuement expliquée, je ne reviendrai pas sur ses dispositions techniques et me contenterai de souligner qu'elle marque une étape utile dans l'adaptation d'un système hérité du passé qui, si bon soit-il, n'en appelle pas moins quelques corrections de temps en temps. Il s'agit donc aujourd'hui de permettre aux professions agricoles et forestières de bénéficier des avancées apportées par la loi du 25 juillet 1994 et celle du 14 avril 1998, tout en sachant que la résorption des différences entre le régime local spécifique et le régime local général sera complexe et prendra du temps.

Le mémorandum de M. Jung ouvre des pistes intéressantes qu'il faudra explorer au plus vite. Il nous faudra peut-être, par exemple, revoir certaines conditions d'affiliation au régime local -notamment celles des travailleurs frontaliers- de façon à bien assurer sa cohérence. Bref, le groupe UDF votera ce texte mais en souhaitant que nous arrivions vite aux étapes suivantes (Applaudissements).

M. Jean-Pierre Baeumler - De son annexion à l'empire allemand, l'Alsace a conservé tout un ensemble de dispositions juridiques particulières formant un droit local reconnu par la République et qui, incontestablement, constitue l'un des éléments fondateurs de notre identité régionale. Certaines de ses dispositions, dépassées, ont disparu au fil des débats mais pour l'essentiel, force est de reconnaître qu'il reste tout à fait opérationnel et apporte des solutions originales, qui ont d'ailleurs parfois inspiré des réformes gouvernementales.

C'est ainsi que la réforme des tribunaux de commerce s'inspire du modèle alsacien-mosellan d'échevinage, caractérisé par l'existence d'un chambre spécialisée du tribunal de grande instance présidée par un magistrat professionnel assisté de deux assesseurs commerçants élus pour quatre ans. C'est ainsi, encore, que la procédure de faillite civile, en vigueur dans nos trois départements depuis 150 ans, a été partiellement reprise par un décret de Mme Lebranchu du 1er février 1998.

Le régime local d'assurance maladie constitue sans aucun doute l'acquis du droit local auquel les Alsaciens et Mosellans sont le plus attachés. Il permet en effet un bien meilleur remboursement que celui dont bénéficient les affiliés au régime général : 100 % des dépenses d'hospitalisation dès le premier jour et 90 % des prestations de médecine ambulatoire. Les Alsaciens-Mosellans y sont d'autant plus attachés qu'il se révèle très efficace pour eux tout en dégageant des excédents de gestion. Depuis la loi du 14 avril 1998, ceux-ci peuvent être affectés au financement d'actions expérimentales relatives aux filières et réseaux de soins ou de programmes de santé publique.

Grâce à une organisation originale, ce régime issu des grandes lois sociales de Bismarck a prospéré tout en s'adaptant aux nouveaux enjeux sociaux.

La proposition de loi que nous examinons s'inscrit dans cette nécessaire évolution et a déjà recueilli un vote favorable unanime de la Haute assemblée. Il s'agit de déroger au principe inscrit dans la loi de 1998 selon lequel la compétence de l'actuelle instance de gestion du régime local a vocation à s'étendre à l'ensemble des régimes, perspective intéressante mais qu'il n'est pas possible de concrétiser dans l'immédiat. Cette dérogation répond à une demande exprimée expressément par le président de l'instance de gestion, les organisations syndicales représentatives et le conseil d'administration de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole. Nous avions déjà eu à connaître de cette question en discutant le projet de loi d'orientation agricole, puisqu'elle avait fait l'objet d'un amendement adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, mais qui fut invalidé par le Conseil constitutionnel. Il fallait remédier à cette situation et répondre à l'attente unanime des acteurs du régime local.

Deux autres difficultés, également issues de la loi du 14 avril 1998, devront aussi trouver une solution. Tout d'abord cette loi a donné aux retraités qui, après avoir cotisé une grande partie de leur vie au régime local, ont choisi de s'établir en dehors des trois départements, le droit de continuer à bénéficier de ce régime. Il s'agissait de réparer une injustice, mais la mesure a eu un effet pervers : les personnes ayant temporairement quitté la région au cours des cinq années précédant leur retraite sont exclues du régime local lorsqu'elles reviennent s'établir en Alsace-Moselle. J'avais déjà interpellé Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur cette situation lors des questions orales du 29 juin dernier. Je dois dire que la réponse que j'ai reçue ne m'a guère satisfait. J'ai alors annoncé que nous allions _uvrer en concertation avec l'ensemble des parlementaires et des parties intéressées afin de définir les correctifs nécessaires. Un groupe de travail a vu le jour sous l'égide de l'Institut de droit local, et j'espère que nous aboutirons prochainement à des propositions de nature à répondre à une attente forte et légitime.

Une autre difficulté concerne les travailleurs frontaliers. Dans l'excellent mémorandum qu'il a rédigé à l'attention de Mme la ministre de l'emploi, notre collègue Armand Jung propose leur intégration au régime local moyennant une cotisation différentielle ; mais le principe d'une telle cotisation, assise sur la partie des revenus de remplacement perçus au titre des systèmes sociaux étrangers, suscite l'hostilité des associations représentant les travailleurs frontaliers.

Sans entrer plus avant dans cette question complexe, j'évoquerai les difficultés qu'entraîne l'absence de convention de prise en charge par le régime de sécurité sociale français de frais d'hospitalisation dans des établissements helvétiques. Ces derniers pratiquent des tarifs différents suivant que l'on est ressortissant suisse, résidant ou non dans le canton, ou ressortissant étranger. Certains Français se sont ainsi vu réclamer des sommes supérieures à celles que pourra leur verser l'assurance maladie française. Une convention régissant ce type de situation semble s'imposer, comme il en existe entre les pays de l'Union européenne.

Sous réserve de ces observations, notre régime local devrait pleinement répondre aux attentes de nos concitoyens. Il reste bien sûr perfectible, et Armand Jung a formulé dans ce but deux propositions : l'une tend à renforcer la représentation des partenaires sociaux au sein de l'instance de gestion, l'autre à créer un fichier unique autonome d'assurance maladie et à mettre en place un circuit financier plus court. Vous l'avez compris, il ne s'agit pas seulement de satisfaire un patriotisme régional, mais de rendre encore plus exemplaire un système qui a prouvé son efficacité et qui est au c_ur de notre contrat social alsacien-mosellan (Applaudissements).

M. Jean Proriol - Plus d'un an et demi après avoir adopté la loi du 14 avril 1998 relative au régime local d'assurance maladie du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, nous nous penchons à nouveau sur ce système, hérité du droit allemand, qui offre à ses assujettis un remboursement plus avantageux que le régime général, en contrepartie d'un supplément de cotisations. Ce régime est en quelque sorte un modèle, car sa gestion est décentralisée et très satisfaisante. Sa particularité est de comporter une assurance complémentaire obligatoire. La gestion en a été initialement confiée aux caisses primaires d'assurance maladie pour les ressortissants du régime général et aux mutualités sociales agricoles des trois départements pour les salariés agricoles. L'article 39 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale a créé une instance de gestion du régime général local, dont le conseil d'administration est régi par le décret du 31 mars 1995.

Ce décret a abouti à des disparités de traitement entre les deux régimes. En effet, les taux de cotisation du régime général sont laissés à la libre appréciation du conseil d'administration de l'instance de gestion, alors que ceux du régime agricole sont toujours fixés par le ministère de l'agriculture.

Les caisses de MSA des trois départements n'avaient pas souhaité entrer dans l'instance de gestion du régime local lors de la discussion sur la loi de 1994, ni du décret de 1995. Ce n'est qu'à partir de 1996, lorsqu'est apparue clairement la divergence des taux, que ces caisses ont manifesté ce désir. En 1997, le ministère de l'agriculture leur a demandé d'avoir une comptabilité distincte pour le régime local.

Ce dossier a connu un regain d'intérêt avec l'entrée en vigueur de la loi de 1998, car son article 5 a rendu applicables aux salariés agricoles les nouvelles dispositions du régime local définies pour les salariés du régime général. Après avoir envisagé d'entrer dans l'instance de gestion du régime local, les trois caisses de MSA ont souhaité la création, à titre transitoire, d'une instance de gestion spécifique aux salariés agricoles, ce qui fut décidé à la suite d'une réunion entre ces trois caisses, la caisse centrale et la direction des exploitations, de la politique sociale et de l'emploi. Une analyse juridique a montré la nécessité d'une disposition législative pour déroger au principe inscrit dans la loi de 1998, selon lequel la compétence de l'actuelle instance de gestion du régime local avait vocation à s'étendre à l'ensemble des régimes. C'est l'objet du présent texte. Très attendu par les intéressés, il résoudra la question du régime local d'assurance-maladie des professions agricoles et forestières des trois départements concernés. C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale le votera sans hésitation. N'étant pas moi-même Alsacien-Mosellan, j'observe que trois Auvergnats seront intervenus dans ce débat : M. le ministre, mon collègue Goldberg et moi-même. Nous sommes heureux d'apporter ainsi la contribution de l'Auvergne à la cause des Alsaciens-Mosellans (Sourires ; applaudissements).

La discussion générale est close.

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants - Je remercie le rapporteur, et tous les orateurs, pour leur unanimité sur cette proposition. Je n'en reprendrai pas l'analyse, car tout a été dit.

Je veux simplement exprimer l'accord total du Gouvernement, et vous indiquer que les décrets d'application sont prêts, ce qui permettra une mise en _uvre rapide. Plusieurs orateurs ont souligné l'intérêt de certaines dispositions du droit local, qui parfois pourraient inspirer une législation plus large. J'ai d'autre part bien enregistré vos interrogations et vos suggestions sur différents points non traités dans la présente proposition, et je les transmettrai au Gouvernement (Applaudissements sur tous les bancs).

M. le Rapporteur - Je veux préciser à M. Blessig que l'amendement mis en place dans la loi de 1998 ne fut pas une simple erreur, qu'il faudrait déplorer : sans lui, les retraités salariés agricoles n'auraient pas pu être réintégrés. Il n'en est pas moins vrai que cet amendement a engendré des difficultés techniques. Un des points saillants est cette différenciation de la contribution patronale pour le régime agricole, qui n'existe pas dans le régime général ; il n'est pas exclu qu'à terme cette situation puisse changer, et la MSA n'y semble pas totalement opposée, mais cette décision lui appartient. Pour le moment, je ne souhaite pas qu'on interprète cet amendement de 1998 comme une erreur : il a été un renfort pour les salariés concernés, même s'il faut en corriger aujourd'hui les effets techniques indésirables.

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, je vais maintenant appeler les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Les articles premier et 2, successivement mis aux voix, sont adoptés, ainsi que l'article 3.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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