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Session ordinaire de 1999-2000 - 43ème jour de séance, 104ème séance

2ÈME SÉANCE DU MERCREDI 22 DÉCEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

vice-président

Sommaire

NOMINATION DE DÉPUTÉS EN MISSION TEMPORAIRE 2

VENTES DE MEUBLES AUX ENCHÈRES PUBLIQUES (suite) 2

ART. 43 BIS 2

ART. 43 TER 3

ART. 43 QUATER 3

ART. 43 QUINQUIES 3

ART. 44 BIS 4

ART. 47 4

ART. 48 4

ART. 49 4

ART. 52 5

ART. 53 5

ART. 56 5

ART. 56 TER 6

APRÈS L'ART. 56 QUATER 6

ART. 57 7

APRÈS L'ART. 57 8

TITRE 9

SECONDE DÉLIBÉRATION 9

EXPLICATIONS DE VOTE 11

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1999 (lecture définitive) 13

SUSPENSION DES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE 15

La séance est ouverte à quinze heures.

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NOMINATION DE DÉPUTÉS EN MISSION TEMPORAIRE

J'ai reçu de M. le Premier ministre des lettres m'informant qu'il avait chargé M. Jacques Fleury et M. Guy Hascoët de missions temporaires, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 144 du code électoral.

Les décrets correspondants ont été publiés au Journal officiel du mercredi 22 décembre 1999.

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VENTES DE MEUBLES AUX ENCHÈRES PUBLIQUES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

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ART. 43 BIS

Mme Nicole Feidt, rapporteuse de la commission des lois - L'amendement 36 vise à supprimer cet article qui est devenu sans objet. En effet, notre assemblée a adopté en première lecture le projet de loi de finances rectificative pour 1999 qui prévoit, dans son article 14, une mesure plus générale destinée à faciliter les restructurations de professions libérales. En outre, il n'apparaît pas souhaitable de présumer dans la loi que les apports d'activités de ventes volontaires sont des apports de branches complètes d'activité.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Il souhaite faire bénéficier les commissaires-priseurs du dispositif favorable du report d'impositions sur les plus-values. Il comprend le souhait des professionnels d'éviter l'incertitude juridique. Mais il ne peut admettre que l'on pose dans la loi que les conditions d'application des dispositions fiscales favorables à l'apport d'une branche complète d'activité seront remplies a priori, sans considération sur la forme réelle prise par cet apport. Cela reviendrait à retirer à l'administration fiscale tout pouvoir d'appréciation et à prendre le risque de voir se réaliser des opérations uniquement destinées à procurer un avantage patrimonial, sans souci de la poursuite d'activité. Il semble donc plus adapté de préciser par une concertation préalable, entre la direction générale des impôts et la profession, les conditions qui permettront aux commissaires-priseurs de savoir dans quels cas l'article 210b leur sera applicable. Le ministère du budget est prêt à entamer très vite cette concertation.

S'agissant du report d'imposition des plus-values d'apports, Mme la rapporteuse a rappelé à juste titre que la loi de finances rectificative pour 1999 a réglé cette question. Il n'est donc pas utile d'y revenir.

M. Pierre Lellouche - Cet article traite des dispositions qui doivent accompagner la restructuration des offices de commissaires-priseurs après l'indemnisation octroyée par le Gouvernement.

Je souhaite que la représentation nationale soit dès aujourd'hui totalement éclairée sur les points qui restent en suspens quant à la situation de cette profession.

S'agissant du fondement juridique de l'indemnisation, vous avez, Madame le ministre, adopté hier un raisonnement juridique extrêmement discutable, qui consiste à considérer qu'il n'y a ni spoliation, ni droit patrimonial mais seulement dépréciation. Le volume d'indemnisation retenu ne représente en outre que le quart de celui qu'avait proposé le précédent gouvernement et qu'il débouche sur une indemnisation moyenne inférieure à un million par commissaire-priseur. S'y ajoutent les dispositions fiscales que vous avez retenues. Le Sénat avait lui-même adopté des dispositions fiscales plus favorables sur lesquelles vous êtes revenu.

Je souhaite savoir très précisément quel sera le régime fiscal applicable aux commissaires-priseurs, et en particulier à ceux qui se sont endettés pour s'installer parce qu'ils viennent d'acquérir leur charge, à ceux qui vont partir en retraite et à ceux qui vont se regrouper en sociétés de ventes, et je pense tout particulièrement à ceux qui vont essayer à Paris de sauver Drouot. Il est indispensable que le Gouvernement apporte sans plus tarder des précisions sur le régime fiscal et sur les modalités de versement de l'indemnisation.

L'amendement 36, mis aux voix, est adopté. L'article 43 bis est supprimé.

Mme la Ministre - Je souhaite répondre à M. Lellouche qui souhaite des éclaircissements sur le montant de l'indemnisation. Il a été dit plusieurs fois hier soir que les 450 millions prévus n'étaient pas suffisants mais j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un montant « sûr », puisqu'il est prélevé sur le budget de l'Etat.

Pour ce qui concerne le régime retenu, il s'agit d'un régime d'imposition de la prime en termes de plus-value qui est donc très favorable. Le collectif budgétaire a permis de régler la question de la mutualisation fiscale du changement de structure -et notamment du regroupement. En ce qui concerne la qualification de branche complète, cela sera décidé et reconnu après concertation et la neutralité fiscale pour ce qui concerne Drouot est garantie par ce biais. L'ensemble des questions que vous avez posées recueillent donc une réponse positive.

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ART. 43 TER

Mme la Rapporteuse - L'amendement vise à supprimer cet article puisque les régimes de faveur des fusions, scissions et apports partiels d'actif actuellement applicables permettent de faire bénéficier les restructurations, qui seront opérées par ces sociétés civiles professionnelles de commissaires-priseurs non soumises à l'impôt sur les sociétés, d'un enregistrement au droit fixe de 1 500 F, à condition de prendre l'engagement de conserver pendant cinq ans les titres remis en contrepartie des apports.

L'amendement 37, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté. L'article 43 ter est supprimé.

M. Pierre Lellouche - J'insiste sur le fait que ces dispositions fiscales ne sont pas de nature à aider à la restructuration des maisons de ventes que nous allons créer. Le Gouvernement ne rend service ni à la profession, ni au marché de l'art français en supprimant les dispositions qu'avait adoptées le Sénat.

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ART. 43 QUATER

Mme la Rapporteuse - L'amendement 38 tend à regrouper sous l'article 57 l'ensemble des dispositions qui devront être précisées dans le décret en Conseil Etat qui fixera les conditions d'application de la loi.

L'amendement 38, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 43 quater, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 43 QUINQUIES

Mme la Rapporteuse - L'amendement 39 vise à supprimer cet article qui porte sur le régime fiscal de l'indemnité versée aux commissaires-priseurs. Les deux aménagements proposés par le Sénat soulèvent des difficultés au regard des principes généraux de l'impôt sur le revenu.

Mme la Ministre - Favorable.

M. Pierre Lellouche - Je fais à ce propos la même remarque que précédemment.

L'amendement 39, mis aux voix, est adopté et l'article 43 quinquies est ainsi supprimé.

L'article 44, mis aux voix, est adopté.

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ART. 44 BIS

M. Pierre Lellouche - Je me réjouis que ni la commission ni le Gouvernement n'aient souhaité revenir sur cette novation introduite par le Sénat et qui vise à protéger les personnels des études de commissaires priseurs. Celles-ci vont subir d'importantes restructurations, 3 500 emplois vont disparaître en trois ans.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Pourquoi voulez-vous affoler les personnels ?

M. Pierre Lellouche - Ce sont les faits !

Je regrette par ailleurs que des questions de procédures nous aient empêché de nous assurer qu'une partie des fonds déjà dégagés par le Gouvernement ira bien à l'indemnisation des salariés.

M. Christian Martin - Je regrette moi aussi que n'ait pu être examiné mon amendement qui visait à exonérer d'impôt les indemnités de licenciement de ces salariés.

M. Alain Tourret - Nous venions de nous y opposer dans la loi de finances...

M. Jérôme Lambert - Je veux souligner la volonté de la majorité de maintenir le texte du Sénat.

Contrairement à M. Lellouche, je suis persuadé que les commissaires-priseurs sauront évoluer et profiter de la loi pour dynamiser le marché des ventes.

L'article 44 bis, mis aux voix, est adopté.

L'article 45, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 46.

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ART. 47

Mme la Ministre - J'ai déjà exposé lors de l'examen de l'article 27 les raisons pour lesquelles le Gouvernement souhaite limiter la prescription des actions engagées contre les sociétés de vente au seul domaine de leur responsabilité civile professionnelle, à l'exclusion de la nullité et de la garantie du vice caché. Par l'amendement 86, il s'agit de poser les mêmes principes, au titre des dispositions transitoires, pour les actions en cours au moment de la promulgation de la loi.

L'amendement 86, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'article 47, modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 48

M. Christian Martin - L'amendement 69 vise à allonger de 2 à 5 ans la période transitoire pendant laquelle les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques pourront être organisées et réalisées concurremment par les commissaires-priseurs en fonction et les sociétés de vente de forme commerciale. Cela permettrait à la profession de prendre toutes les dispositions nécessaires à la réorganisation de son activité.

Mme la Rapporteuse - La commission a repoussé cet amendement car la période transitoire doit être la plus brève possible d'autant qu'il convient que la France se mette au plus vite en conformité avec le Traité de l'Union.

L'amendement 69, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 48, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 48 bis.

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ART. 49

M. Christian Martin - Je retire l'amendement 70. Quant au 71, il se justifie par son texte même.

Mme la Rapporteuse - Cet amendement vise à permettre aux commissaires-priseurs qui cesseraient toute activité de vente d'accéder à la profession de commissaire aux ventes des domaines. Or, cette dernière étant exercée par des fonctionnaires, il a semblé à la commission difficile de mettre en place une telle passerelle. Elle a donc repoussé l'amendement.

L'amendement 71, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 49, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 50 et 51.

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ART. 52

Mme la Ministre - Jusqu'à présent les ventes des biens mobiliers appartenant à l'Etat ou à des tiers, comme les établissements publics industriels et commerciaux, étaient exclusivement réalisées par des agents des Domaines ou des Impôts. Par l'amendement 87, le Gouvernement propose de permettre à l'Etat de recourir parallèlement pour cela à des sociétés de vente.

Mme la Rapporteuse - Avis favorable car cela permettra d'apporter à l'usager un meilleur service à un moindre coût, tout en maintenant le principe des ventes domaniales par les agents du service des domaines.

M. Pierre Lellouche - L'esprit de Noël souffle à nouveau : le libéral que je suis se félicite que l'Etat puisse ainsi recourir à des sociétés privées pour la vente de ses biens domaniaux. Pour cela, mon admiration vous est acquise, Madame la ministre (Sourires).

N'y a-t-il pas toutefois une contradiction entre cette nouvelle disposition et le troisième alinéa aux termes duquel les ventes continueront à être faites selon les modalités du code du domaine de l'Etat ?

Mme la Ministre - C'est bien pourquoi l'amendement déroge explicitement au code des domaines.

L'amendement 87, mis aux voix, est adopté.

L'article 52, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 53

Mme la Rapporteuse - L'amendement 40 propose une nouvelle rédaction de l'article 37 de la loi du 31 décembre 1921, afin de tenir compte des modifications apportées hier.

L'amendement 40, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 53 est ainsi rédigé.

L'article 54 est adopté, de même que l'article 55.

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ART. 56

M. Alain Tourret - Par l'amendement 105, je propose de rédiger ainsi cet article : « Les troisième et quatrième alinéas de l'article premier de la loi du 25 juin 1841 portant réglementation des ventes volontaires aux enchères publiques sont abrogés ».

Il est nécessaire de maintenir les lois du 27 ventôse an IX et 28 avril 1816 car elles fondent légalement la compétence territoriale des commissaires-priseurs judiciaires. L'exclusivité des ventes à leur résidence leur permet de se maintenir économiquement et donc d'assurer leur service. Un simple texte réglementaire n'aurait pas la même force.

Mme la Rapporteuse - La commission l'a rejeté. Ces dispositions sont reprises ailleurs dans le texte et l'amendement 41 suffit pour vous donner satisfaction.

Mme la Ministre - Défavorable.

L'amendement 105, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 41 supprime l'avant-dernier alinéa de cet article.

L'article 8 de l'ordonnance du 26 juin 1816 précise dans son premier alinéa que le commissaire-priseur exerce la police des ventes. Dans la mesure où l'ensemble de ce texte demeure applicable aux commissaires-priseurs judiciaires, il paraît de meilleure méthode législative de maintenir cette disposition dans cette ordonnance, ce qui permet de supprimer, par coordination, le troisième alinéa de l'article 26 qui confie aux commissaires-priseurs judiciaires la police des ventes.

Mme la Ministre - Favorable.

L'amendement 41, mis aux voix, est adopté.

L'article 56, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 56 bis.

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ART. 56 TER

M. Pierre Lellouche - La ministre a précisé hier que les notaires et huissiers ne continueraient leurs activités de ventes publiques qu'à titre accessoire. Le même problème se pose au II de cet article. Il faudra procéder à une harmonisation en deuxième lecture.

L'article 56 ter, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 56 quater.

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APRÈS L'ART. 56 QUATER

Mme la Rapporteuse - La commission a adopté l'amendement 42, à l'initiative de M. Tourret qui a un amendement identique. Il s'agit d'exonérer les sociétés de vente du droit de reproduction pour qu'elles restent compétitives. J'y étais défavorable.

M. Alain Tourret - La loi du 27 mas 1997 mettait fin à une distorsion de concurrence entre Paris et Londres, en supprimant le droit de reproduction. Ces ventes supportent le droit de suite versé à l'artiste ou à ses héritiers pendant 70 ans. Ceux-ci ont tout intérêt à ce que les _uvres soient bien présentées afin qu'elles se vendent le mieux possible. Il est donc nécessaire à l'occasion de cette réforme d'étendre cette exonération à l'ensemble des intervenants. C'est l'objet de l'amendement 106.

Face à la concurrence internationale, il faut non seulement adapter le cadre juridique mais aussi le contexte fiscal. Ni les Etats-Unis ni la plupart de nos concurrents européens n'imposent des droits sur la reproduction d'_uvres dans un catalogue. Ceux qui prétendent défendre le droit des auteurs se trompent. Le coût de reproduction est important dans le coût des catalogues qui sont aussi des instruments de culture. En tant que président d'un FRAC, je feuillette tous les catalogues de Drouot. Ne pas s'aligner sur les autres grandes places serait une erreur. L'enjeu est important. La commission a bien été convaincue par mes arguments.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Notre droit et toutes les conventions internationales prévoient que l'auteur d'une _uvre peut interdire ou accepter sa reproduction contre rémunération. Il n'est prévu que quelques exceptions. La proposition de directive sur l'harmonisation du droit d'auteur et des droits voisins prévoit également un nombre limité d'exceptions à des fins privées non commerciales, mais pas au profit des sociétés commerciales ou pour des catalogues de vente aux enchères publiques, lesquels sont d'ailleurs mis en vente. L'amendement est contraire aux principes que nous défendons. Je ne pense pas que cela pèse vraiment sur la décision des vendeurs. Enfin, une telle dérogation risquerait de nous entraîner dans un contentieux sur le fondement des articles 30 et 36 du Traité.

M. Jérôme Lambert - Aujourd'hui, les officiers ministériels font un catalogue sans acquitter de droit de reproduction. Demain, le droit commun leur sera appliqué. Il s'applique déjà aux galeries. La situation est d'autant plus complexe que les auteurs peuvent dispenser de ce droit. Par ailleurs, si les catalogues ont un coût, ils sont aussi mis en vente. Autre difficulté : le droit de reproduction existe pour les tableaux mais pas pour les meubles et les objets. Je souhaite que l'on ne vote pas ces amendements mais qu'on nous apporte des éclaircissements pendant la navette.

M. Pierre Lellouche - Ce problème est un véritable casse-tête pour les professionnels et les artistes. De nombreux objets échappent au droit de reproduction, que de nombreux pays concurrents de la France n'appliquent pas. Jusqu'à présent, les commissaires-priseurs en étaient exemptés, contrairement aux galeries. Si j'ai bien compris, les huissiers et les notaires en seront toujours dispensés.

Je sais, par expérience, que les galeries demandent aux auteurs contemporains qui veulent exposer de financer eux-mêmes le catalogue et même parfois l'exposition. La fiscalité est si lourde qu'elle a tué la création. Et vous voulez encore ajouter un droit supplémentaire ! L'intérêt des artistes est évidemment que leurs _uvres soient exposées et figurent dans les catalogues. J'aimerais qu'un jour enfin un gouvernement, quel qu'il soit, se batte à Bruxelles contre toutes ces taxes : TVA à l'importation, droit de suite, droit de reproduction...

Saisissons donc l'occasion qui nous est donnée de supprimer une taxe inutile dont, du reste, le lien avec la propriété intellectuelle est douteux. De plus, elle fait l'objet d'un débat juridique qui n'est pas encore tranché.

Les amendements 42 et 106 identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Michel - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58, alinéa 1.

J'ai été très étonné que, contrairement à l'usage, la Rapporteuse n'ait pas voté comme la commission. Elle aurait pu se démettre de sa fonction de rapporteur, mais ne devait pas trahir le mandat que la majorité de la commission lui avait donné.

Mme la Rapporteuse - J'ai clairement expliqué que la commission avait adopté l'amendement de M. Tourret, contre mon avis. J'ai malheureusement été battue mais la décision de la commission ne m'oblige pas. Je suis une élue tout comme vous, Monsieur Michel, et je peux exprimer mon avis personnel en séance.

Mme Véronique Neiertz - Exactement et du reste, Monsieur Michel, c'est ce qui s'est fait durant toute la précédente législature.

M. Jean-Pierre Michel - Je demande, Monsieur le Président, que vous saisissiez le Bureau de cette question relative à l'attitude du rapporteur au moment des votes en séance publique. J'ai souvent été rapporteur et même lorsque j'étais personnellement opposé aux amendements que la commission avait retenus, j'ai toujours voté conformément au mandat qu'elle m'avait donné.

M. le Président - Aucune obligation ne pèse sur le rapporteur. Il présente, au nom de la commission, les amendements qu'elle a adoptés mais rien ne l'empêche d'exprimer, à titre personnel, une opinion contraire, comme Mme Feidt vient de le faire. Considérons que l'incident est clos.

Mme Véronique Neiertz - Je partage l'avis de M. Jean-Pierre Michel sur le plan des principes mais, étant parlementaire depuis presque aussi longtemps que lui, j'ai pu observer sous les précédentes législatures que ces principes n'étaient pas appliqués. Le Bureau n'a rien à trancher car la pratique l'a déjà fait, quelle que soit la majorité. Je suis bien placée pour savoir qu'entre 1993 et 1997, tous les votes, mêmes unanimes, de la commission, étaient démolis en séance publique par le rapporteur lui-même. Vous n'aviez alors pas éprouvé le besoin de demander au Bureau de trancher, sans doute parce que sa majorité ne vous convenait pas. L'hypocrisie a des limites !

M. le Président - Nous allons clore ce débat.

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ART. 57

Mme la Rapporteuse - L'amendement 43 rectifié tend à regrouper les références faites dans différents articles du projet au décret en Conseil d'Etat qui doit fixer les conditions d'application de la loi.

L'amendement 43 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 57 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 57

M. François Goulard - Par leur amendement 80 auquel je m'associe, M. Houillon et M. Plagnol proposent de supprimer le droit de suite en abrogeant l'article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle. Ce droit, sans équivalent dans les pays étrangers concurrents de la France, est un obstacle aux transactions et à l'essor de notre marché de l'art.

Mme la Rapporteuse - La commission a repoussé cet amendement qui dépasse le cadre de ce projet. En outre, des discussions sont en cours sur l'harmonisation du droit de suite au niveau communautaire. La délégation européenne de notre Assemblée y travaille.

Mme la Ministre - La mesure qui nous est proposée serait très grave. Le droit de suite a constitué un progrès pour la reconnaissance de la propriété par les artistes de leur création. En le supprimant, on reviendrait sur ce qui a permis de constituer la richesse patrimoniale de ce pays. Je plaide donc pour le maintien de ce droit qui existe depuis 1920 dans notre législation. Il assure une légitime rémunération aux auteurs et à leurs ayants droit. Loin de ne profiter qu'aux héritiers fortunés, il est souvent la condition de subsistance des jeunes créateurs. Ce droit repose sur une idée de justice. Il tend à assurer aux auteurs un retour économique, même modeste, sur les ventes successives de leurs _uvres, souvent cédées par eux-mêmes à un faible prix à l'orée de leur carrière.

J'ajoute qu'un tel droit existe dans onze autres Etats de l'Union européenne. Quel exemple donnerions-nous en le supprimant au moment où l'Europe s'efforce d'harmoniser les législations en ce domaine ? L'harmonisation se révèle difficile, compte tenu notamment de l'opposition britannique, mais nous pouvons encore progressé sur la voie d'un compromis, comme le montre l'évolution de l'attitude danoise. Nous sommes sur le point d'obtenir une majorité qualifiée sur ce problème. Ce n'est pas le moment de fléchir.

Enfin, les études menées sur les distorsions de concurrence montrent que le droit de suite n'est qu'un élément parmi d'autres dans la décision de localiser une vente dans tel ou tel pays.

De multiples autres facteurs entrent en ligne de compte. Au moment où la France est le pays qui résiste le plus à la libéralisation intégrale du commerce international de l'art pour préserver la diversité culturelle, je vous demande de ne pas oublier que pour avoir un marché, il faut d'abord des artistes et que supprimer le doit de suite, c'est aller à l'encontre de la reconnaissance de leur travail.

M. Pierre Lellouche - Cet exposé enflammé ne changera rien aux faits.

Premier fait, les objectifs de la loi de 1920 créant le droit de suite ont en fait été remplis par la sécurité sociale des artistes. Citez-moi un seul jeune artiste contemporain qui tire profit du droit de suite : je n'en connais aucun ! La seule protection sociale dont ils bénéficient résulte de leur inscription obligatoire à leur régime de sécurité sociale spécifique. Le droit de suite ne profite, lui, qu'à une poignée d'héritiers de grands peintres vivant tous en Suisse et qui n'ont pas besoin de cet argent pour vivre, croyez-moi.

Deuxième point, la distorsion de concurrence. Comment pouvez-vous dire que le droit de suite ne joue aucun rôle dans la délocalisation du patrimoine alors même que les Européens en débattent depuis plusieurs années ? Les Scandinaves reconnaissent le droit de suite car ils n'ont rien à protéger. En revanche, la Grande-Bretagne, qui est un marché très important, ne veut pas en entendre parler. J'ai cité hier la lettre de M. Tony Blair à M. Lionel Jospin, où il explique que l'extension du droit de suite à la Grande-Bretagne reviendrait à transférer le marché de l'art aux Etats-Unis, où le droit de suite n'existe pas. C'est la réalité !

Un dernier mot sur le travail réalisé par la délégation européenne sur la fiscalité du marché de l'art en Europe et dont le rapport n'a été, hélas, publié qu'hier : cette délégation a voté, à mon initiative, une proposition de résolution qui demande au Gouvernement d'agir pour une harmonisation européenne par le bas du droit de suite et à une généralisation des règles le concernant. A défaut d'être supprimé, le droit de suite devrait être plafonné afin d'éviter que son coût, s'ajoutant aux autres impôts, ne provoque la délocalisation des objets d'art. C'est une affaire de bon sens. Vos thèmes idéologiques n'ont rien à voir avec la réalité !

Mme la Ministre - Je vous signale que M. Tony Blair a envoyé un de ses collaborateurs à mon ministère pour discuter du droit de suite, car M. Blair a revu sa position. Bien entendu, le droit de suite ne doit pas atteindre un niveau rédhibitoire, c'est une question qui est actuellement discutée entre les pays européens. La négociation est donc engagée et je plaide pour qu'elle se situe non pas sur un terrain idéologique, mais soit inspirée par le souci de prendre en compte, d'abord la situation des artistes et de leurs ayants droit, ensuite celle du marché de l'art.

J'ajoute que le ministère de la culture a augmenté de 50 % le soutien à la création contemporaine -la fiscalité n'est pas le seul moyen d'aider les artistes !

M. Jérôme Lambert - J'avais dit, dans la discussion générale, qu'il fallait être attentif à la fiscalité, mais sans en surestimer l'importance. Si la fiscalité française était vraiment si dissuasive, les grandes compagnies commerciales étrangères ne feraient pas le choix de s'implanter sur notre territoire : elles le font, parce qu'elles espèrent bien gagner de l'argent. Mon souhait, c'est que d'autres gagnent aussi de l'argent, à commencer par les sociétés qui seront constituées par nos commissaires-priseurs. Notre système fiscal peut certainement être amélioré, mais ne le présentons pas comme un obstacle insurmontable.

L'amendement 80, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Ollier remplace M. Forni au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

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TITRE

M. Pierre Lellouche - L'amendement 90 est de coordination avec l'article premier voté hier par notre Assemblée.

Mme la Rapporteuse - La commission l'a adopté. Il introduit dans le titre du projet la définition des meubles retenue à l'article premier. Personnellement, je ne suis pas sûre que cette précision soit indispensable dans le titre.

Mme la Ministre - Rejet.

L'amendement 90, mis aux voix, est adopté et le titre du projet de loi est ainsi rédigé.

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SECONDE DÉLIBÉRATION

M. le Président - En application de l'article 101 du Règlement, le Gouvernement et la commission demandent qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 14. Elle est de droit. Je rappelle que le rejet de l'amendement 1 vaudra confirmation de la décision prise en première délibération.

Mme la Ministre - Votre Assemblée a rejeté hier un amendement de votre commission, qui avait l'accord du Gouvernement. Il nous semble impossible d'étendre aux ressortissants de l'Union européenne les sanctions pénales prévues en cas de non-déclaration d'une vente au conseil des ventes. Ce serait contraire à l'article 59 du Traité de Rome relatif à la libre prestation de services. Dans un arrêt du 26 février 1991, la Cour de justice des Communautés a en effet jugé qu'un Etat membre ne pouvait subordonner l'exécution d'une prestation de service sur son territoire à l'observation de toutes les conditions requises pour l'établissement. Les prestataires de services sont en effet déjà soumis à la législation de leur pays d'établissement.

En outre les sanctions pénales paraissent disproportionnées par rapport à l'objectif poursuivi : des sanctions disciplinaires, comme l'interdiction d'exercer sur le territoire français, paraissent suffisantes.

Enfin, l'exécution de sanctions pénales contre un ressortissant européen non établi en France risque de se heurter à de grandes difficultés pratiques.

Je vous demande donc de rejeter la disposition adoptée par le Sénat.

Mme la Rapporteuse - Je partage cette argumentation et je voterai l'amendement.

M. Pierre Lellouche - Le vote d'hier était pourtant de bon sens ! Ce projet de loi répond à une demande des autorités de Bruxelles, suite à une plainte de la société Sotheby's : il vise à permettre la libre circulation et le libre établissement des maisons de ventes aux enchères publiques et donc l'application à tous de la même loi. En France les ventes publiques sont soumises au conseil des ventes publiques et toute une série de sanctions est prévue en cas de non-respect de cette obligation. Au nom de quoi cesseraient-elles de s'appliquer si c'est un intervenant étranger qui procède à la vente ? Ce n'est pas du tout mon interprétation de la liberté d'établissement. On ne peut pas traiter différemment les personnes ayant la même activité sous prétexte qu'elles ont des passeports différents. Je maintiens que cela sera sanctionné par le Conseil constitutionnel et je demande à nouveau à mes collègues de voter contre l'amendement.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

L'article 14, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Mes chers collègues, je me réjouis, au nom de la commission des lois, que nous terminions nos travaux de 1999 par ce texte important.

Nous arrivons au terme d'une discussion parfois ardue en raison de sa technicité, mais très fructueuse. Si les règles qui régissent le fonctionnement des ventes aux enchères publiques sont vieilles de plusieurs siècles, c'est que professionnels et usagers y trouvaient, jusqu'à présent, leur compte. Cependant, les temps changent, et les enjeux, économiques et culturels, qui sont considérables, nécessitent une évolution.

Ce texte doit beaucoup aux commissaires-priseurs, dont j'ai reçu les représentants il y a longtemps déjà : ils voulaient la réforme, dont ils savaient l'urgence. Je salue donc l'initiative du Gouvernement ; il n'est pas si fréquent, en effet, qu'un gouvernement reprenne et mène à son terme la réforme, avortée, qu'avait voulu conduire un gouvernement précédent (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

A entendre les débats qui ont eu lieu hier, on aurait pu croire le texte anachronique ou gravement lacunaire. C'est, bien sûr, le jeu normal de la démocratie, et aussi le fait de quelques personnalités passionnées. En commission, j'avais plutôt eu le sentiment d'une atmosphère consensuelle, la réforme voulue par les pouvoirs publics est une bonne réforme, qui sécurise les transactions et qui ouvre des champs nouveaux au marché français de l'art que nous devons non seulement maintenir mais aussi défendre et développer. Certains risques demeurent, c'est vrai, mais ils n'entament pas la validité de la réforme, qui ne fragilise pas les offices. Si certains le sont déjà, c'est en raison de la concurrence, dont nous souhaitons les effets aussi limités que possible.

Pour ce qui est d'Internet, souvent considéré comme lourd de menaces, nous restons dans l'expectative. Les ventes aux enchères reposant sur la confiance et la transparence des transactions, un débat doit être mené, qui associera la réflexion de tous. La toile peut en effet, selon ce que l'on en fait, devenir un appui ou permettre de détourner les règles. Il faudra donc légiférer très vite, et nous comptons sur le Gouvernement pour cela. La commission y veillera, et prendra toute sa part à l'élaboration du texte indispensable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe RCV).

Mme la Ministre - Je tiens à remercier la présidente, la rapporteuse et les membres de la commission, ainsi que tous les orateurs qui ont pris part à un débat franc et direct.

Le Gouvernement souhaite voir mise en _uvre au plus vite une réforme que la profession attend depuis longtemps ; son inquiétude doit être dissipée. Nous avons souhaité que l'évolution se fasse au mieux. A cette fin, nous avons fixé les modalités de l'indemnisation et des garanties fiscales. Désireux de renforcer la place de la France dans le marché international de l'art, nous avons ainsi tenu à pouvoir nous appuyer sur une profession reconnue et respectée. Comme l'a justement souligné M. Christian Martin, les ventes aux enchères publiques sont une activité culturelle essentielle. J'espère donc que la navette parlementaire nous donnera l'occasion d'améliorer encore ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Pierre Lellouche - Je me félicite que nous soyons tous convenus de l'importance d'un texte qui traite d'enjeux économiques, mais aussi culturels, fondamentaux. Il en va, en effet, de la préservation de dizaines de milliers d'emplois, mais aussi de celle des métiers d'art en France et, plus largement encore, du patrimoine national. Chacun sait la gravité des conséquences du déclin du marché français de l'art, chacun connaît aussi l'hémorragie dramatique que constituent les deux milliards annuels d'exportations d'_uvres d'art.

Il était donc urgent d'agir. On peut donc se féliciter que le Gouvernement ait présenté un texte, mais l'on peut aussi déplorer les orientations qu'il a choisies. Je rends hommage à la bataille qu'ont menée trois femmes : Mme la présidente de la commission, Mme la rapporteuse -je n'aime pas ce mot- et Mme la ministre, et je me félicite que le débat n'ait pas été l'occasion de l'escalade idéologique que l'on aurait pu craindre, les commissaires-priseurs n'étant pas précisément des érémistes. Si ces dérapages n'ont pas eu lieu, c'est que l'on sait, sur tous les bancs, qu'il s'agit avant tout de défendre notre identité culturelle.

Pour autant, je l'ai dit, je rejette l'approche choisie par le Gouvernement. Face au déclin du marché français de l'art, l'ensemble des dispositifs fiscaux, législatifs et réglementaires auraient dû être remis sur le métier. C'est, en tout cas, ce qu'aurait fait un gouvernement vraiment décidé à faire bouger les choses. Malheureusement, il n'en a rien été. Vous ne pouvez, de surcroît, prétendre que la réforme que nous comptions mener a été sabordée.

Mme la Présidente de la commission - J'ai dit « avortée ».

M. Pierre Lellouche - C'est pire ! L'objectif de Jacques Toubon et celui du Gouvernement auquel il appartenait au moment de la dissolution était de redynamiser le marché de l'art en France, en s'appuyant sur des idées de bon sens, que nous vous avons proposé de reprendre, comme l'avait fait la Haute assemblée. Or quelle suite avez-vous donné aux neuf questions que je vous avais soumises ? A propos du réseau Internet, dont chacun sait qu'il sera source de problèmes graves, le débat à peine engagé a été clos en usant de pratiques procédurières : tous les amendements que M. Tourret et moi-même avions présenté à ce sujet et que la commission avait adoptés sont tombés, et je le regrette.

De même, il est incompréhensible de supprimer le monopole des commissaires-priseurs et de maintenir celui des notaires et des huissiers de justice. L'égalité des sociétés de vente françaises et étrangères n'est pas assurée, les dispositions relatives aux ventes de gré à gré sont insatisfaisantes, tout comme les conditions régissant la publicité des ventes. Un conseil des ventes est créé, mais il est dominé par les fonctionnaires au lieu d'être autonome, ce qui est une erreur manifeste, et les dispositions relatives au statut des experts sont contradictoires.

Enfin, le fondement juridique de l'indemnisation est tout à fait contestable, ce qui explique que nous formerons un recours devant le Conseil constitutionnel. En outre, les montants retenus sont insuffisants, et les mesures fiscales correspondantes sont inacceptables. Par le dispositif que vous instituez, vous laissez trois problèmes sans solution : l'indemnisation des jeunes commissaires-priseurs, le sort des salariés des offices, qui se trouveront au chômage, et l'avenir de l'Hôtel Drouot, qui me tient particulièrement à c_ur.

Ce texte est donc décevant, parce qu'il est incomplet et, surtout, parce qu'il n'est pas à la hauteur des enjeux.

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR s'abstiendra.

M. Jérôme Lambert - Le groupe socialiste va voter ce texte, largement amendé au cours d'une discussion passionnante. S'il s'agit, vu de l'extérieur, d'un débat de spécialistes, il concerne en réalité chacun d'entre nous car il a trait à notre patrimoine culturel. Plusieurs rapports ont d'ailleurs permis d'avancer dans ce débat, qu'il s'agisse de celui de M. Lellouche, de M. Gaillard au Sénat ou de M. Douyère.

Je remercie Mme la Présidente de la commission des lois, Mme la Rapporteuse qui a beaucoup consulté et répondu à de nombreuses sollicitations, et le Gouvernement qui a écouté nos propositions avec la plus grande attention.

A l'évidence, certaines questions restent en suspens, qu'il s'agisse des ventes électroniques, de l'indemnisation -avec le problème particulier des commissaires récemment établis- de la fiscalité, du statut des experts, du maintien du statut dérogatoire des notaires et des huissiers. Elles doivent nous inviter à poursuivre la concertation et à aboutir à un texte qui recueille le consensus le plus large possible et qui contribue au maintien du rayonnement culturel de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Goulard - Le groupe DL souhaitait cette évolution, juridiquement nécessaire et économiquement opportune, qui va sans le sens de la modernisation de notre législation. Le marché de l'art a un poids économique qu'il convient de ne plus négliger. Ces évolutions présentent également une utilité culturelle si l'on considère qu'un marché de l'art actif est nécessaire à la vie culturelle de notre pays. Bien entendu, ce texte ne prétend pas à traiter de toutes les questions et je pense en particulier à toutes celles qu'a si brillamment formulées M. Lellouche. Il n'évitera pas à lui seul l'hémorragie qui conduit tant de nos _uvres d'art à quitter le pays. Le marché est maintenu sous la pression d'une fiscalité plus lourde que dans les autres pays comparables. Ce handicap fiscal est d'autant plus regrettable que la France aurait pu être très favorisée par son histoire, par la richesse de sa culture.

Une deuxième faiblesse de la loi tient à l'indemnisation des commissaires-priseurs qui apparaît comme très limitée. Le préjudice économique pour les commissaires est considérable, en particulier pour les plus récents d'entre eux et les solutions retenues ne peuvent recevoir notre approbation.

Tout en reconnaissant son utilité, le groupe DL s'abstiendra donc.

S'agissant d'Internet, l'on sent chez plusieurs d'entre nous une sorte d'impatience de légiférer, de s'abandonner à cette manie bien française du recours à la loi. En l'occurrence, elle s'exercera en vain et sans doute faut-il s'en réjouir car l'émergence de marchés mondiaux de l'information, totalement libres, permet de mettre fin à certains archaïsmes.

M. Christian Martin - Ce texte est important, du point de vue économique comme sur le plan culturel. Je souhaite qu'il soit tenu le plus grand compte des propositions du groupe UDF lors de la deuxième lecture et je pense notamment que plusieurs propositions de M. Tourret méritent toute notre attention. Je remercie Mme la ministre de ne pas avoir oublié la situation des charges de province, qui mérite d'être considérée.

Le groupe UDF s'abstiendra.

M. Alain Tourret - J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises au cours de ce débat d'adopter des positions iconoclastes et je tiens, en préalable, à saluer la hauteur de vue de l'intervention de Mme Tasca, qui m'a en quelque sorte réconcilié avec notre assemblée.

Malgré un délai de cinq ans et l'intervention de plusieurs gouvernements successifs, nous sommes toujours dans l'attente d'une réflexion plus vaste sur le marché de l'art en général, sur la situation des galéristes, sur les aspects fiscaux dont le rôle est déterminant, sur les fondations, sur le devenir des créateurs eux-mêmes, sur le rôle de l'Etat, qui devrait retrouver, grâce au droit de préemption, la capacité de constituer des collections publiques et de favoriser les collections privées. Peut-on se satisfaire de la situation présente : dix fois plus d'impressionnistes dans les musées américains que dans les nôtres, cent fois plus de peintres contemporains ? Quel grand artiste contemporain français existe sur le marché mondial ? Peut-on comparer Combas à Warhol ?

Cette loi, qui supprime les offices, vieux carcans hérités d'Henri II, est intéressante mais elle n'aborde ni le marché électronique, ni le volet fiscal.

Alors, je vous adresse, Madame la ministre, une supplique : prenez votre bâton de pèlerin et ne considérez cette loi que comme une étape qu'il convient de dépasser.

Notre pays a besoin d'une réflexion plus ample, sur le rôle de l'Etat, sur celui du vieux continent dans les domaines de l'art et de la culture. La restauration du rayonnement culturel de la place de Paris est à ce prix. Mon v_u le plus cher est que notre patrie soit celle du Beau et retrouve au plus vite la place qui fut la sienne dans le passé, la première (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

L'ensemble du projet, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 45, est reprise à 17 heures 30.

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LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1999 (lecture définitive)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre demandant à l'Assemblée de statuer définitivement, en application de l'article 45, alinéa 4 de la Constitution, sur le projet de loi de finances rectificative pour 1999.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de ce projet, en lecture définitive.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Vous voici donc amenés à vous prononcer en dernière lecture sur ce texte que vous avez examiné ce matin en nouvelle lecture et que le Sénat a rejeté en bloc cet après-midi. Je vous invite donc à maintenir le projet tel qu'adopté ce matin.

Après ce grand élan oratoire (Sourires), je veux remercier sincèrement la présidence qui a su diriger des débats empreints de sérieux et de courtoisie républicaine. Le président de la commission des finances, qui a su parfois élever la voix du bon sens républicain ; le rapporteur général, qui a cherché de façon obstinée des solutions consensuelles mais conformes aux valeurs de gauche qui inspirent la majorité ; les parlementaires de la majorité, particulièrement nombreux ; ceux de la droite, particulièrement valeureux ; le personnel de l'Assemblée ; nos collaborateurs ; la presse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Le Sénat a adopté une question préalable, manifestant ainsi sa volonté de rejeter ce collectif. En application de la Constitution, il vous revient maintenant, et votre commission vous le demande, d'adopter ce texte en dernière lecture.

Je veux remercier à mon tour la présidence, les membres de la commission des finances, en particulier son président, tous ceux qui ont participé à nos travaux, les services de la séance et de la commission, vous-même, Monsieur le ministre, pour la qualité des échanges entre le Gouvernement et la majorité mais aussi entre le Gouvernement et l'ensemble des députés.

Mes remerciements vont aussi à nos collaborateurs et à la presse. Bon Noël et bonne année 2000 à tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. le Président - Nous avons tous conscience de participer à la dernière séance du millénaire et je suis heureux de la présider.

M. Gilbert Gantier - Je n'utiliserai pas mes dix minutes de temps de parole car nous commençons tous à être éprouvés et chacun a hâte de profiter de la trêve des confiseurs.

A ce propos (Sourires), les chocolatiers ont envahi tout à l'heure les abords du Palais Bourbon au motif que la TVA sur le chocolat noir passerait de 5,5 à 20,6 %. Or je n'ai rien vu de tel dans les textes récents. J'espère que vous confirmerez, Monsieur le ministre, qu'il s'agit d'une fausse nouvelle car le chocolat noir n'est pas un produit de luxe, il en existe même sans sucre et il apporte le magnésium dont nous avons besoin pour résister aux séances de nuit.

Pour le reste, je ne veux pas reprendre le débat. Nous le savons, les prélèvements obligatoires sont trop élevés, les dépenses publiques sont trop élevées, le déficit est trop élevé, la dette est trop élevée, à tel point que nous ne respectons plus les critères de Maastricht.

Nous vous portons une profonde estime, Monsieur le ministre, mais force est de constater que votre majorité plurielle vous entraîne vers des rivages dangereux.

L'Allemagne va réduire son taux d'impôt sur les sociétés pour améliorer la compétitivité de ses entreprises. Nous faisons le contraire... Un vent de diminution de la pression fiscale souffle sur toute l'Europe et vous vous contentez de réduire la TVA sur les travaux, ce n'est pas sérieux ! Les Etats dirigés par les socialistes privatisent aéroports et industries, vous vous laissez entraîner à contre-courant de l'histoire.

Soyons plutôt compétitifs, entrons dans l'an 2000 avec la volonté d'être enfin efficaces ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. le Ministre - Il n'y a pas de noir complot pour relever de 5,5 à 20,6 % la TVA sur le chocolat noir.

A vous aussi, Monsieur Gantier, qui êtes le jubilaire de la commission des finances, dont l'obstination vient d'être encore montrée par vos propos contestables, je veux souhaiter une bonne année.

M. Jean-Louis Idiart - Le groupe socialiste votera ce texte qu'il soutient depuis le début.

Je veux à mon tour remercier les collaborateurs de l'Assemblée et de notre groupe ainsi que les députés qui ont travaillé dur ce trimestre sur les textes à caractère financier.

Bonnes fêtes à tous. Et si vous mangez du chocolat noir, Monsieur Gantier, achetez donc le bon chocolat du beau pays de Bayonne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Jean-Jacques Jegou - Je présente tous mes v_ux et mes remerciements à ceux qui nous ont aidés à débattre de ce texte. Nous bouclons ce marathon budgétaire par deux représentations : une matinée et une soirée.

Nous participerons pleinement au débat qui s'ouvrira en 2000 sur l'utilisation des fruits de la croissance. L'opposition dira qu'elle entend promouvoir une société de solidarité et non d'assistance, une société où l'on fait tout pour favoriser le retour à l'emploi de tous ceux qui en sont privés.

D'autres textes importants viendront au printemps, en particulier celui sur l'épargne salariale. Nous aurons donc bien des occasions de nous retrouver.

Dans cette attente, nous avons bien mérité un peu de repos.

Je vous présente à tous mes v_ux les plus chaleureux. Bonnes fêtes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Philippe Auberger - En vérité, c'est un curieux spectacle qui nous a été donné en cette veille de Noël. En 48 heures, Harpagon a dû lâcher une partie de sa cassette, et Tartuffe a été -très partiellement- démasqué.

M. le Ministre - Quant à Diafoirus... (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Auberger - Le ministre a reconnu les plus-values sur l'impôt sur les sociétés. Mais il n'a pas parlé des plus-values sur l'impôt sur le revenu, la TVA, la TIPP. Les ménages ont dû faire un effort plus important que ce qu'on avait annoncé. Etait-ce judicieux, et l'effort a-t-il été correctement réparti ?

En second lieu pourquoi une révélation aussi tardive ? Si on l'avait fait il y a dix jours, nous aurions pu en discuter lors de ce collectif. Mais les avis différaient dans la majorité plurielle sur l'emploi de cet argent. Il fallait éluder le débat. Le Gouvernement a donc déposé un amendement au Sénat. Je déplore cette manière de faire qui vise à empêcher la discussion à l'Assemblée.

Je ne sais ce que nous réserve l'année 2000. Mais elle sera intéressante. A peine a-t-on terminé l'examen du budget, qu'il faudra revoir les prévisions de recettes, et la politique fiscale. Sans doute va-t-on alléger la taxe d'habitation, et peut-être discuter d'une réforme de l'impôt sur le revenu. C'est la première fois qu'on remet sur le métier un tel ouvrage trois ou quatre mois après le budget.

Il sera intéressant aussi de voir si les socialistes français convergent avec leurs amis européens et notamment les socialistes allemands. M. Schröder a proposé une réforme fiscale audacieuse. Donnera-t-elle à réfléchir aux socialistes français ?

Mme Nicole Bricq - Oui.

M. Philippe Auberger - On verra s'il leur plaît autant que leur a plu M. Blair. Enfin, les avis divergent dans la majorité plurielle sur l'évolution de la fiscalité. Le débat avait été sérieusement amorcé par le précédent ministre de l'économie. Il sera intéressant de voir ce qu'il en adviendra.

M. le Président - La commission paritaire n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.

Y a-t-il des explications de vote sur l'ensemble du texte ?

M. Gilbert Gantier - Je souhaite simplement remercier le personnel qui nous a aidés au long de ce débat, le Gouvernement, le président de la commission des finances et le rapporteur général, ainsi que nos collègues sur tous les bancs.

M. le Président - Me voilà renseigné sur le sens de votre vote (Sourires). Je mets aux voix, conformément au troisième alinéa de l'article 114 du règlement, l'ensemble du projet de loi tel qu'il résulte du texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

L'ensemble du projet, mis aux voix, est adopté.

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SUSPENSION DES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE

M. le Président - Sur proposition de la Conférence des présidents, l'Assemblée a décidé, en application de l'article 28, alinéa 2, de la Constitution, de suspendre ses travaux pour les trois semaines à venir.

En conséquence, et sauf séance supplémentaire décidée en application de l'article 28, alinéa 3, de la Constitution, la prochaine séance de l'Assemblée aura lieu le mardi 18 janvier 2000 à 9 heures, avec l'ordre du jour suivant : - proposition relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.

A mon tour, je remercie les services ainsi que tous les collègues de la majorité comme de l'opposition qui ont fait en sorte que nos débats soient toujours de haute tenue, et le Gouvernement. A tous, je présente mes meilleurs v_ux pour ce moment privilégié qui sera le passage à l'an 2000.

La séance est levée à 17 heures 55.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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