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Session ordinaire de 1999-2000 - 47ème jour de séance, 112ème séance

1ÈRE SÉANCE DU MARDI 25 JANVIER 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

vice-président

Sommaire

          LICENCIEMENTS POUR MOTIF ÉCONOMIQUE 2

          FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 22

          ANNEXE ORDRE DU JOUR 22

La séance est ouverte à neuf heures.

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LICENCIEMENTS POUR MOTIF ÉCONOMIQUE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Lajoinie et plusieurs de ses collègues relative au régime juridique des licenciements pour motif économique.

M. le Président - La parole est à M. Gremetz, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour dix minutes.

M. Maxime Gremetz, rapporteur de la commission des affaires sociales - Je dépasserai quelque peu le temps qui m'est imparti...

M. le Président - Je m'en doutais (Sourires).

M. le Rapporteur - Ne souriez pas, Monsieur le président de la commission. Des éléments nouveaux sont intervenus depuis l'examen de cette proposition de loi en commission, comme l'annonce par Moulinex d'un nouveau plan de licenciements, le troisième depuis 1996. Ce plan prévoit 1 800 à 2 000 suppressions d'emplois. Pourtant Moulinex continue de bénéficier des allégements de cotisations patronales pour les salaires ne dépassant pas 1,3 fois le SMIC et continuera de percevoir, malgré ses décisions de délocalisation, les aides publiques accordées au titre de la loi Robien. Le Gouvernement pourrait exiger du groupe qu'il rembourse les fonds publics qu'il a perçus et dont il ne s'est servi que pour jeter ses salariés à la rue et délocaliser ses activités. Au Gouvernement de prendre ses responsabilités.

Voilà donc l'un des éléments nouveaux intervenus depuis que le groupe communiste a déposé le 22 décembre 1999, dans le cadre de la fenêtre parlementaire, une proposition de loi relative au régime juridique des licenciements pour motif économique. J'ai, pour ma part, tenté d'améliorer ce texte en déposant en commission des amendements qui devaient permettre qu'accepté de tous ce texte soit applicable rapidement. D'où la très profonde déception, et même l'indignation, des membres de notre groupe devant ce qui s'est passé en commission. Alors que tous les autres groupes avaient décidé d'examiner les articles du texte, le groupe socialiste a invoqué l'article 94 du Règlement pour demander, ce qu'il a obtenu, la suspension des travaux de la commission après la discussion générale. Voilà des pratiques que je croyais révolues, datant du temps de la droite !

M. Gaëtan Gorce nous a expliqué qu'il n'était pas possible de poursuivre l'examen du texte, le Gouvernement n'ayant pas encore arbitré. Espérons que, depuis, le Gouvernement aura eu le temps d'arbitrer et que nous pourrons aujourd'hui débattre au fond. Madame la ministre, que nous nous trouvions privés de la moitié du temps dont nous disposons chaque année dans ce cadre, que l'examen de notre proposition de loi soit tronqué par un artifice de procédure, cela paraît impensable ! Ce serait un déni de démocratie. Ce serait un geste inqualifiable de la part du Gouvernement à l'égard de l'un de ses alliés, au sein de cette majorité plurielle dont Lionel Jospin a récemment rappelé qu'elle devait être respectée et ne pas faire les frais de comportements « égoïstes ». En réalité, il semble que le Gouvernement, en dépit de ses engagements, refuse de délibérer sur la question des licenciements économiques. J'espère, Madame la ministre, que vous me démentirez.

Selon les commissaires socialistes, la présentation d'amendements en commission appellerait « un délai supplémentaire et une réflexion plus poussée ». Voilà le type d'arguments que l'on invoque pour ne jamais rien faire. Il me semblait précisément, quant à moi, que l'un des objets du travail en commission consistait à examiner des amendements !

Un autre argument invoqué a été que le Gouvernement n'ayant pas arbitré, il n'était pas possible de discuter sur le fond. Monsieur Gorce, vous nous aviez habitué à mieux lors du débat sur les 35 heures. Je signale d'ailleurs que nous n'avons pu avoir aucun contact avec le Gouvernement ! Pourtant dès le vote de la loi contre les exclusions, Mme la ministre avait assuré que le Gouvernement prendrait « toutes les mesures de nature à prévenir les licenciements économiques ». Mais nous n'avons rien vu venir depuis. Que verrons-nous aujourd'hui ?

Enfin, notre texte n'irait pas assez loin, selon certains. Moi, je ne suis pas adepte du tout ou rien. Je ne crois pas à un texte qui, miraculeusement, résoudrait toutes les questions que posent les licenciements économiques. D'ailleurs, sur les 27 articles que comportait initialement notre proposition de loi, nous en avons retenu six, dans un souci d'efficacité.

Ces arguments augurent-ils d'un rejet pur et simple ? Ce serait le premier portant sur un texte présenté par un groupe de la majorité plurielle, et ce serait un précédent pour le moins extrêmement fâcheux !

Certes, on peut comprendre l'hésitation face à un sujet aussi grave, qui concerne directement des millions de salariés. J'espère donc que les jours écoulés depuis la réunion de la commission auront permis à chacun de se déterminer afin de prendre aujourd'hui ses responsabilités.

Il est urgent de légiférer en ce domaine. Selon certains, l'amélioration de la situation de l'emploi permettrait de l'éviter. C'est un contresens ! Le nombre des licenciements économiques et des plans sociaux diminue depuis 1997 : il faut en profiter pour améliorer leur régime juridique, car ce n'est pas en période de crise qu'on pourrait le faire.

Cette tendance à la baisse est d'ailleurs fragile, comme le montrent les chiffres du premier semestre 1999. La tentation de recourir aux licenciements économiques persiste dans les grandes entreprises, qui font pourtant de gros bénéfices : 100 milliards de profits pour les vingt plus importantes !

Il faut donc, impérativement, légiférer. Le Premier ministre lui-même a souligné la nécessité de combattre le licenciement abusif. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision relative à « l'amendement Michelin », a rappelé la nécessité d'une intervention du législateur. Malgré ses 2 milliards de profits, Michelin a supprimé 7 500 emplois : nous avions adopté un amendement, pendant la discussion de la deuxième loi sur les 35 heures, qui avait donné espoir aux salariés. Qu'il ait été censuré nous oblige à légiférer, d'autant que Moulinex suit l'exemple de Michelin.

La Cour de cassation a élaboré, depuis quelques années, une jurisprudence favorable aux salariés. Faut-il s'en contenter ? Je préférerais que nous lui donnions une valeur législative. Grâce à cette proposition, nous pourrions reprendre et même étendre certaines avancées jurisprudentielles. Il ne s'agit pas d'interdire tout licenciement économique, mais de mettre fin aux abus.

J'ai préparé ce texte avec pragmatisme. J'ai entendu tous les acteurs de la vie économique. J'ai reçu les représentants des salariés les plus concernés : ceux de Michelin, Renault, Wolber. Ces consultations ont permis d'aboutir à un texte clair et applicable dès son entrée en vigueur.

Cinq articles font l'objet d'amendements de réécriture. Je suggère en outre l'introduction d'un nouvel article et la suppression du dernier.

J'ai souhaité réécrire l'article premier afin de donner une nouvelle rédaction à l'article L. 321-1 du code du travail, qui définit le licenciement pour motif économique.

Le code du travail en effet dispose que les causes de ce licenciement sont « notamment » des « difficultés économiques » et des « mutations technologiques ». Je souhaite tout d'abord la suppression du mot « notamment », qui fait peser sur le juge une responsabilité trop lourde dans l'appréciation de la réalité et du sérieux de la cause invoquée.

Il faut aussi préciser dans la loi la troisième cause possible de licenciement reconnue par la jurisprudence, les « nécessités de réorganisation indispensable à la préservation de l'activité de l'entreprise ». Les licenciements ne peuvent être que le dernier recours possible pour assurer la survie de l'entreprise.

Enfin, je souhaite préciser les termes de « difficultés économiques » et de « mutation technologique », afin que le licenciement ne soit possible que si les difficultés économiques n'ont pu être surmontées par tout autre moyen, ou lorsque des mutations technologiques remettent en question la pérennité même de l'entreprise.

Avec l'article 2, il s'agit d'étendre la procédure du plan social. Les licenciements qui ont lieu dans le cadre d'un plan social ne représentent aujourd'hui que 15 % du total. Je propose de rendre obligatoire l'établissement d'un tel plan dès que l'entreprise procède au licenciement de 5 salariés sur une période de 30 jours, au lieu de 10 salariés actuellement sur 10 jours. En effet, 10 fois 10, cela fait cent licenciements possibles sans plan social en moins d'une année !

Je suggère aussi de reprendre dans un article 2 bis l'amendement Michelin invalidé par le Conseil constitutionnel le 13 janvier dernier, au motif que le législateur « n'a pas pleinement exercé sa compétence ». Il convient donc aujourd'hui d'en reprendre la logique -qui, donc, n'a pas été contestée en elle-même- et d'obliger l'employeur à engager sérieusement et loyalement des négociations sous le contrôle du juge. S'il n'y a pas d'accord collectif préalable en matière de réduction du temps de travail ou si l'employeur n'a pas engagé de négociations sérieuses et loyales, la procédure de licenciement sera nulle et de nul effet.

Selon la jurisprudence, l'employeur doit, lorsqu'il envisage de licencier un salarié, chercher préalablement à le reclasser. Cette obligation de reclassement constitue une obligation de moyens et non de résultat : ce n'est que s'il n'a pas pu reclasser le salarié que l'employeur peut mettre en _uvre la procédure de licenciement. La Cour de cassation a précisé que l'obligation de reclassement doit être loyale et complète. L'article 3 tend à conforter la jurisprudence élaborée depuis 1992 en reconnaissant au salarié sur le point d'être liencié le droit de contester devant le juge la façon dont son employeur s'est acquitté de l'obligation de reclassement.

Ce salarié pourra désormais, en vertu de la loi, saisir le bureau de jugement du conseil des prud'hommes, qui statuera dans un délai d'un mois. Le licenciement sera considéré comme nul et de nul effet si le juge donne raison au salarié.

L'article 4 pose la question de la sous-traitance, qui n'est traitée nulle part dans notre législation. Je vous propose, dans un souci d'efficacité, une rédaction plus simple que dans la proposition initiale, afin de poser le principe d'un lien juridique entre donneur d'ordres et sous-traitant, lesquels formeraient ainsi une seule unité économique et sociale.

L'article 5, dans la proposition initiale, visait à poser un principe général en droit commercial : celui de la nullité de plein droit de toute décision prise dans l'entreprise en cas de non-respect des règles de consultation des institutions représentatives du personnel.

M. le Président - Veuillez conclure. Vous avez doublé votre temps de parole, ce n'est pas normal.

M. le Rapporteur - Ce n'est pas normal d'employer l'article 94 contre ses alliés. Je continuerai à parler même si vous me coupez le micro.

M. le Président - Je ne comprends pas votre agressivité alors que je vous invite simplement à respecter le Règlement.

M. le Rapporteur - Je vous propose de réécrire l'article 5, afin de conforter une jurisprudence récente de la chambre sociale de la Cour de cassation. Il s'agit d'indiquer que, si l'employeur n'a pas pris ses responsabilités en n'organisant pas d'élections pour les représentants du personnel par exemple, il ne peut prendre prétexte de l'inexistence de ces institutions pour se justifier de n'avoir pas respecté les règles de consultation et d'information du délégué du personnel ou du comité d'entreprise prévues en cas de licenciements économiques. Un licenciement effectué dans ces conditions doit être considéré comme irrégulier et donner lieu à l'attribution d'une indemnité aux salariés licenciés.

L'article 6 de la proposition de loi proposait d'instituer un système de « bonus-malus » en fonction de l'usage fait par l'entreprise du licenciement économique l'année précédente, sur le modèle du régime de cotisations « accidents du travail ».

Je reste sur le fond favorable à cette mesure, qui correspond d'ailleurs à un engagement de la majorité plurielle, puisque le Premier ministre y a fait référence dans son discours de Strasbourg.

Toutefois, cette disposition ne me semble pas pouvoir être examinée dans le cadre de la présente proposition que nous voulons immédiatement applicable.

Il ne faut pas, en outre, inciter les employeurs à diminuer artificiellement le nombre des licenciements économiques, à recourir à de faux licenciements pour motif personnel, à pousser des salariés à la démission, à externaliser certaines activités ou encore à recourir à des formes de travail précaire devenues comparativement plus attractives.

Cet article étant supprimé la proposition, dès lors plus rigoureuse, devrait faire l'objet d'un large consensus. La lutte contre les licenciements abusifs est en effet une partie intégrante de la lutte pour l'emploi que la majorité plurielle a engagée. Ne dites pas que demain on rasera gratis. C'est aujourd'hui que s'appliquent les plans de licenciements, que souffrent les salariés et des régions entières. Je vous demande donc de discuter cette proposition. Nous demanderons un scrutin public (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. le Président - Le temps de parole du rapporteur est fonction de celui demandé en Conférence des présidents pour l'ensemble du texte. Vous avez parlé 25 minutes. Il fallait demander que la durée globale du débat soit deux fois et demie plus longue.

M. le Rapporteur - Je ne le conteste pas, Monsieur le Président, et je vous remercie de votre obligeance.

M. André Lajoinie - Les tenants du libéralisme veulent soumettre le marché du travail aux exigences des fonds de placement. A leurs yeux, l'armée de réserve des chômeurs est un mal nécessaire. Les députés communistes ont toujours lutté contre cette vision archaïque et inhumaine. Le Premier ministre juge désormais possible le retour au plein emploi. La proposition de loi que nous vous soumettons s'inscrit dans cette perspective.

La croissance, soutenue par la consommation, a entraîné la création de 320 000 emplois en 1999. Selon l'INSEE, il pourrait y en avoir 400 000 en 2000. Cette embellie, facilitée par les emplois-jeunes et les 35 heures, reste timide et précaire. Les licenciements économiques se poursuivent. En novembre 1999, ils ont frappé 18 000 personnes. Ce fléau alimente la pauvreté, pèse sur les comptes sociaux, fragilise les actifs.

Certes certaines PME-PMI, en difficulté réelle, sont contraintes de se séparer d'une partie de leur personnel. Mais des multinationales qui font de confortables bénéfices licencient pour se conformer au diktat de la Bourse, pudiquement baptisé « création de valeur pour l'actionnaire ». Et les gains de productivité ne profitent pas à l'emploi. On ne peut accepter ce cynisme destructeur qui fait du salarié une simple variable d'ajustement des coûts. Il y a quelques mois, Alcatel annonçait 12 000 suppressions d'emplois, puis Michelin 7 500. ABB-Alstom s'apprête à licencier 12 000 personnes dont 1 500 en France, et Moulinex 2 000.

Certes, la loi offre des garde-fous. A l'initiative des députés communistes, l'Assemblée a adopté un amendement essentiel à la loi du 27 janvier 1993. Désormais l'employeur doit débattre sur le contenu du plan social des efforts de reclassement, la situation de l'entreprise. Des condamnations ont été prononcées et la jurisprudence a conforté cette loi. En cas d'insuffisance du plan social, il peut y avoir annulation du licenciement et réintégration ou indemnisation financière. Malgré ces progrès, le patronat continue à rechercher la compétitivité par la suppression d'effectifs.

Nous voulons faire du licenciement économique l'ultime recours. Il s'agit notamment de restreindre la notion de « difficultés économiques » et d'éviter que les réductions de coût portent en priorité sur les coûts salariaux, ou soient l'occasion d'accroître le travail précaire. Depuis 1983, la part des salaires dans la valeur ajoutée n'a cessé de diminuer ; pas le taux de chômage.

Nous souhaitons en outre étendre le champ d'application des dispositions de 1993, l'obligation de plan social ne concernant actuellement que 15 % de licenciements économiques. Nous voulons également ouvrir le droit, pour chaque salarié, de contester individuellement son licenciement et, pour les instances prud'homales, de sanctionner les efforts insuffisants de reclassement.

Certains groupes externalisent leurs activités pour licencier par procuration. Nous proposons donc de créer un lien juridique entre les entreprises donneuses d'ordres et les sociétés sous-traitantes.

Enfin, il convient de renforcer les capacités d'intervention des salariés et de leurs délégués. Peut-on tolérer que près de la moitié des sociétés de plus de cinquante salariés ne disposent toujours pas de comité d'entreprise ?

Il ne s'agit nullement de corseter les entreprises dans un carcan administratif. Les mesures que nous proposons sont précises et réalistes. En 1993, notre amendement a fait crier à la catastrophe.

Depuis le chiffre d'affaires des entreprises a augmenté ; leur taux d'épargne était de 18,3 % en 1997 contre 12 % en 1980 et on a émis 292 milliards d'actions en Bourse. La catastrophe annoncée n'a pas eu lieu hier. Elle n'aura pas lieu demain.

Je vous invite donc à examiner sur le fond cette proposition que nous faisons dans un esprit constructif. Lors de son investiture, le Gouvernement s'était engagé à réformer la législation sur les licenciements collectifs Il ne l'a pas fait et je le regrette. Le ministre des relations avec le Parlement m'avait indiqué qu'il prendrait contact avec le rapporteur et avec moi-même avant ce débat. Nous n'avons rien vu venir. Le sujet serait-il tabou ?

Et que dire du débat en commission des affaires sociales ? Le porte-parole du groupe socialiste, tout en reconnaissant la nécessité de légiférer a fait valoir qu'il était urgent d'attendre (Rires sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Il est étrange qu'on ait invoqué, pour arrêter le débat, l'article 94 du Règlement, article autoritaire s'il en est, et alors qu'il s'agit d'une niche parlementaire, qui donne des droits au Parlement.

M. le Rapporteur - Si peu...

M. André Lajoinie - En effet. Quand le Gouvernement acceptera-t-il un vrai débat sur cette question, qui est l'une des première préoccupations des salariés ? Qu'on ne vienne pas nous dire que la croissance suffirait à limiter les licenciements, comme ce fut le cas en commission (Dénégations de M. le président de la commission des affaires sociales).

Il n'en est rien. Le groupe communiste, appuyé sur le mouvement social, ne renoncera pas à lutter contre les licenciements abusifs. Ce faisant, il a conscience de tenir les engagements précis que nous avons pris, vous et nous, en 1997 au nom de la gauche (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Hervé Morin - Madame la ministre, je vous souhaite d'abord une bonne année. Je ne sais pas si pour M. Gremetz elle commencera bien, car le sort de sa proposition de loi semble compromis...

La question est la suivante : en rendant plus stricte la législation sur les licenciements économiques, peut-on limiter les licenciements et par là le chômage ?

Les analyses du marché du travail faites par les sociologues, Robert Reich et la fondation Saint-Simon distinguent trois catégories. Il y a d'abord les salariés à stabilité polyvalente. Ce sont ceux de grandes entreprises, de la banque, de l'assurance dont l'emploi est stable non plus en raison de la pression syndicale mais de leur capacité à s'adapter au marché du travail.

La seconde catégorie est celle des professionnels, agents de la modernisation et qui profitent de la mondialisation et de la flexibilité du travail. Reste une troisième catégorie, celle des salariés « flexibles » justement, les moins qualifiés, les moins bien défendus, ceux qui souffrent le plus. Ce sont les working poor aux Etats-Unis et ceux qui subissent le plus le chômage en France. D'ailleurs, le pouvoir d'achat des 5 % de salariés les moins bien payés a diminué de 20 % depuis 20 ans alors que le salaire réel diminuait de 5 %. A ces trois catégories s'ajoute bien sûr celle des cadres dirigeants.

On le voit, la diversité des situations au travail ne cesse de croître, et les inégalités sont manifestes, tant en matière salariale que pour ce qui touche à la protection sociale ou des possibilités d'adaptation aux évolutions du marché du travail. De toutes, celle-là est la plus grave.

Ainsi, certains salariés sont placés, à leur corps défendant, à l'écart de la mondialisation ; d'autres sont, de par leur statut, à l'abri des évolutions, les derniers basculent d'une situation à l'autre selon les événements qui affectent leur secteur d'activité. On l'a vu pour les salariés de Renault à Vilvorde, on le voit maintenant pour ceux de Michelin ou de Moulinex. D'autres, enfin, sont marginalisés, à qui sont proposés de pseudo-stages ou des CES, ou qui touchent le RMI. Que l'on veuille bien se rappeler les déclarations ministérielles, lors de la création du RMI ! Ce dispositif devait concerner, affirmait-on, 300 000 personnes au maximum ; les érémistes sont plus d'un million aujourd'hui !

M. Alain Clary - C'est la conséquence des licenciements !

M. Hervé Morin - La situation générale étant celle que j'ai décrite, la question est de savoir si l'adoption d'un droit du travail plus contraignant serait de nature à l'améliorer. Or une étude récente de l'UNEDIC montre que si le pays a connu, en 1992, 300 000 pertes d'emplois, le solde entre suppressions et créations d'emplois a été positif en 1998, alors que les licenciements étaient plus nombreux. Faut-il donc maintenir à tout prix des emplois si d'autres peuvent être créés ailleurs ?

D'autre part, les professeurs de droit social s'accordent à constater, et notre collègue Gaëtan Gorce ne me démentira pas, que si le volume du code du travail a doublé, sinon triplé, il n'est appliqué que très imparfaitement. Dans ces conditions, à quoi bon multiplier les prescriptions ?

M. Alfred Recours - Curieux argument !

M. Jean-Claude Lefort - On ne peut dire à la tribune de l'Assemblée nationale qu'il est inutile de faire des lois.

M. Hervé Morin - Qui ne voit, ensuite, que la rigidification croissante du droit du travail conduit à l'externalisation et au développement de l'intermittence et des contrats à durée déterminée, c'est-à-dire de la précarité ?

Les groupes de l'opposition considèrent, d'autre part, que le code du travail, figé dans l'uniformité, ne répond pas à la diversité des situations et que l'impact de la réglementation sur le niveau de l'emploi n'est pas démontré. On en verra pour preuve l'ampleur du chômage de longue durée, ou le taux d'activité des salariés de plus de 50 ans, qui place la France en bien triste position face à ses partenaires. En fait, la sédimentation du droit du travail a pour conséquence d'empêcher certains salariés de retrouver une place dans le marché du travail.

Enfin, un droit du travail plus rigide donnerait-il plus d'avantages aux salariés des secteurs florissants ? Rien ne dit qu'ils souhaitent voir la réglementation se renforcer encore ; plus probablement, ils veulent un droit du travail mieux adapté à des conditions de travail nouvelles : les leurs.

Dans ces conditions, quelles propositions, contraires à celles de M. Gremetz, peut faire l'UDF ?

M. Jean-Claude Lefort - Abolir le droit du travail !

M. Hervé Morin - En premier lieu, il faudrait permettre aux partenaires sociaux de discuter ensemble la possibilité d'assouplir les règles relatives aux licenciements des salariés stables polyvalents, en leur garantissant des contreparties touchant leur rémunération, la formation, la gestion prévisionnelle des effectifs et le droit à la reconversion. On retrouve, avec cette proposition, la notion de « contrat d'activité » chère à M. Boissonnat et propre à favoriser l'employabilité.

Il faut, d'autre part, définir un socle de droits sociaux minimaux pour les salariés « flexibles », les plus vulnérables, et instaurer, à leur bénéfice, le droit au reclassement et à la reconversion. Il convient aussi d'alléger fortement les charges sociales qui pèsent sur les bas salaires, allégement qui devrait être fixé de manière forfaitaire à 2 000 ou 3 000 F. Le groupe UDF aurait d'ailleurs préféré que les milliards qui vont être consacrés à la réduction du temps de travail servent à alléger les charges sociales et, de la sorte, à stabiliser la situation des salariés.

Il est temps d'élaborer un droit du travail conforme non au XIXe siècle, mais à notre époque...

M. Georges Hage - Et de renforcer l'exploitation des travailleurs !

M. Hervé Morin - Mais non ! Il s'agit, comme l'expose Mme Amy Dean, une des responsables du grand syndicat américain AFL-CIO, de trouver la réponse appropriée aux changements induits par l'évolution économique. Pourquoi cet objectif ne vaudrait-il pas pour le Parlement français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Jacques Desallangre - J'ai écouté avec un grand intérêt l'orateur qui m'a précédé différencier les catégories de salariés pour mieux nous faire oublier qu'ils sont unis dans une même dépendance à l'égard des employeurs et des actionnaires. Je l'ai entendu, aussi, reprendre le refrain de la « destruction créatrice », selon lequel il faudrait détruire des emplois pour embaucher, refrain que j'entends parfois sur d'autres bancs que ceux de la droite. Enfin, il a exposé qu'il faut assouplir le code du travail, voire le supprimer.

M. Hervé Morin - Je n'ai pas dit cela !

M. Jacques Desallangre - Après avoir institué, la semaine dernière, une commission chargée d'examiner l'emploi des fonds publics attribués aux entreprises, nous devrions aujourd'hui pouvoir juguler les abus de certains groupes, qui procèdent à des licenciements économiques alors qu'ils sont prospères. La présente proposition de loi, réaliste, tend à renchérir leur coût et à améliorer le contrôle des motifs. Profitons donc de l'éclaircie économique pour reconstruire les protections qui devraient caractériser le droit du travail.

L'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, impose au législateur de fixer le cadre dans lequel la liberté de chacun peut s'exprimer. C'est précisément ce cadre qui est censé permettre à tous les membres de la société de jouir des mêmes droits. Or les entreprises ont acquis durant la dernière décennie une liberté accrue par la déréglementation et l'ouverture des marchés.

Mais alors que les citoyens ne peuvent exercer leur liberté que dans la mesure où cela « ne nuit pas à autrui », le code civil leur faisant obligation de réparer les préjudices dont ils sont l'auteur, certains voudraient que les entreprises soient les seules personnes juridiques dont la liberté ne serait pas encadrée et soumise au principe de responsabilité. Elles pourraient ainsi tout faire pour augmenter leurs bénéfices, sans se soucier des préjudices qu'elles causent et des restrictions de liberté qu'elles imposent à ceux qui se retrouvent au chômage à cause d'elles. Les entreprises n'auraient-elles que des droits mais pas de devoirs ?

Le législateur a pour mission de définir l'intérêt général et de le faire respecter. Précisément, la question posée aujourd'hui est la suivante : le comportement actuel de certaines entreprises est-il conforme à l'intérêt général ?

Est-il acceptable qu'un groupe industriel prospère jette sur le pavé 7 500 de ses salariés dans le seul objectif d'accroître sa productivité, de servir de juteux revenus à ses actionnaires et d'obtenir le renchérissement artificiel du cours de l'action, cours qui n'est plus que la matérialisation d'une croyance déconnectée de l'économie réelle ?

M. Dominique Dord - Le vieux catéchisme...

M. Jacques Desallangre - Vous seul détenez sans doute la vérité économique ?

La jurisprudence de la Cour de cassation permet aux entreprises prospères de licencier leurs salariés pour raisons économiques dès lors que l'objectif poursuivi est la préservation de la compétitivité ou l'adaptation aux mutations technologiques. Il serait dès lors judicieux que le législateur dénie tout caractère réel et sérieux au motif économique quand l'entreprise ou le groupe réalisent des profits ou constituent des réserves. Il faudrait aussi que les salariés puissent saisir le juge afin qu'il se prononce sur la réalité et le sérieux du motif économique avant que la situation soit irréversible, c'est-à-dire avant la rupture du contrat de travail (« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste). De même devrions-nous envisager de responsabiliser les actionnaires en leur faisant supporter le coût total qu'engendrent les licenciements pour la collectivité. Si ce coût social faisait l'objet d'une imputation sur leurs dividendes, les actionnaires ne verraient sans doute pas les licenciements du même _il (Exclamations sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF).

La proposition de loi du groupe communiste ne reprend pas l'ensemble de ces suggestions -qui figurent dans une proposition de loi que j'ai déposée avec mes collègues du MDC et certains députés Verts et radicaux- mais son adoption marquerait un premier pas décisif car elle illustrerait la volonté politique de la gauche plurielle de combattre les abus de ces groupes qui font fi de l'intérêt général. Nous devons en tout cas réformer l'environnement juridique dans lequel s'exprime la liberté d'entreprendre afin de favoriser des comportements plus conformes à nos idéaux de justice sociale.

Mais pour ce faire, encore faudrait-il que nous puissions engager la discussion au fond. Il paraît que tel ne va pas être le cas, ce qui pose une question institutionnelle, celle de la place de l'initiative parlementaire dans l'élaboration de la loi.

Certains, au sein de la commission, ont cru opportun de se référer aux intentions du Gouvernement pour justifier le refus de présenter des conclusions et l'application de l'article 94 du Règlement. Si elle devenait récurrente, une telle pratique risquerait de réduire à néant ce qui reste de l'initiative parlementaire, laquelle se réduirait alors à une simple interpellation du Gouvernement.

Tant pour des raisons de fond que de forme, donc, nous souhaitons vivement que cette proposition de loi soit débattue. Si elle l'est, les députés MDC la voteront car le droit du licenciement économique doit être réformé en profondeur (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Thierry Mariani - La gauche aime les grandes déclarations de principe. Nous l'avons vu au printemps 1997, avec les beaux discours sur Vilvorde, et il y a quelques semaines, à propos de Michelin. Mais ensuite, rien... Nous voici encore réunis ce matin autour d'un texte comme la gauche les aime : utopique, irréaliste, mais permettant de se donner bonne conscience à peu de frais puisqu'il n'aboutira pas.

Je m'étonne des conditions de ce débat. En avril dernier, le groupe communiste avait déposé une proposition de loi sur les licenciements économiques, qui ne comprenait pas moins de 24 articles et se voulait être la grande contribution du Parti communiste à l'_uvre législative de la majorité plurielle. Après quelques mois de discussion laborieuse au sein de la majorité, nous en sommes réduits à débattre d'un texte qui, bien que ne comprenant plus que six articles n'a même pas recueilli l'adhésion de la majorité en commission des affaires sociales ! De sorte que nous risquons, si j'ai bien compris de ne même pas passer à la discussion des articles... Est-il vraiment nécessaire de bloquer une matinée dans un calendrier surchargé pour débattre d'une proposition qui n'emporte même pas l'adhésion d'une majorité, il est vrai de plus en plus plurielle et disparate...

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous pouvez parler !

M. Thierry Mariani - De quoi allons-nous donc débattre aujourd'hui ? Pas du texte d'avril dernier, dont le parti socialiste et le Gouvernement ne veulent plus entendre parler... Pas non plus du texte déposé à la hâte le 22 décembre dernier qui constitue une sorte de version allégée du premier, car lui non plus ne semble pas convaincre vos alliés socialistes, Monsieur Gremetz...

M. le Rapporteur - Mais vous, vous pouvez le voter !

M. Thierry Mariani - Nous ne débattrons pas plus des amendements de repli proposés en commission par M. Gremetz puisque, la commission ayant refusé de conclure, ces amendements ne sont que virtuels. Nous serions-nous déplacés pour examiner une proposition de loi fantôme ?

Mme la Ministre - Il ne fallait pas vous donner la peine de venir (Sourires).

M. Thierry Mariani - J'ai toujours plaisir à être en séance avec vous (Sourires).

Cela étant, comment aurions-nous pu débattre sérieusement d'une proposition niant à ce point les réalités économiques ? Comment aurions-nous pu adopter un texte fondé sur une idéologie d'un autre temps qui méconnaît à ce point les besoins réels des entreprises ?

Ce n'est pas en imposant aux entreprises des normes toujours plus strictes et toujours plus tatillonnes que nous parviendrons à créer des emplois dans ce pays.

Alors qu'elles réclament à corps et à cris plus de liberté, moins de charges, tous les projets du Gouvernement et de sa majorité ne visent qu'à apporter toujours plus d'Etat dans des domaines où la négociation et la convention devraient prévaloir -comme l'a d'ailleurs rappelé, il y a quelques jours, le Conseil constitutionnel.

L'article premier du présent texte prétend donner une nouvelle définition du licenciement économique. Il dit en effet que le licenciement économique doit être lié à des difficultés économiques qui n'ont pu être surmontées par la réduction des coûts autres que salariaux ou à des mutations technologiques indispensables à la pérennité de l'entreprise. Mais il serait temps que nos collègues communistes prennent conscience que les entreprises ne licencient pas pour le plaisir de licencier !

M. Jean Vila - Pour le plaisir du portefeuille !

M. Thierry Mariani - Pour l'immense majorité des chefs d'entreprise, la préservation des emplois constitue une priorité.

Nous n'aurions pas pu vous suivre davantage sur l'article 2, qui n'aurait eu comme conséquence que de crisper un peu plus les chefs d'entreprise disposés à embaucher, sans réellement apporter une protection supplémentaire aux salariés.

A l'article 3, vous instauriez une procédure permettant aux salariés de saisir le conseil des prud'hommes qui devait statuer dans un délai d'un mois... Là encore, vous auriez créé de nouvelles contraintes et suscité de nouveaux contentieux.

A l'article 4, qui prévoyait de contrôler les licenciements dans les entreprises de sous-traitance, vous mettiez en place un comité d'entreprise élargi aux deux entreprises : une structure de plus, une formalité supplémentaire !

Je passe sur l'article 5, qui prévoyait d'obliger les sociétés commerciales à respecter la législation relative aux institutions représentatives du personnel, pour en venir au dernier article qui introduisait un système de bonus-malus dans le régime d'assurance chômage afin de pénaliser les entreprises qui licencient et avantager les autres... Nouvelle usine à gaz qui me rappelle les dispositions de la loi sur les 35 heures relatives au financement des heures supplémentaires.

Obliger, contrôler, encadrer : nous ne pouvons accepter cette philosophie car nous croyons à la liberté d'entreprendre et nous considérons que l'Etat, avant de s'immiscer dans la vie des entreprises, doit assumer ses missions régaliennes.

Certes, Monsieur Gremetz, en commission vous avez mis de l'eau dans votre vin : vous semblez d'accord pour supprimer l'article instituant un système de bonus-malus dans le régime d'assurance chômage, ainsi que pour relever de deux à cinq salariés le seuil de déclenchement d'un plan social. Mais en même temps, vous vouliez réintroduire l'amendement Michelin, censuré par le Conseil constitutionnel... Vos amis de la majorité l'ont refusé. Nous sommes donc dans le flou le plus total : nous ne savons pas si vos partenaires voudront passer à la discussion des articles.

Pour notre part, nous attendons d'en savoir plus pour déterminer notre vote mais nous ne pouvons que nous opposer à une telle proposition. Il ne faudrait pas que la séance réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée devienne une simple vitrine politique, pour ne pas dire politicienne, où l'on présente des textes dont on sait qu'ils n'aboutiront pas ; elle serait alors celle des occasions perdues. Pour la majorité plurielle, elle est déjà celle de la division affichée (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - Certaines propositions de loi aboutissent, parfois mieux en étant votées à l'unanimité : ce fut le cas pour celle relative à l'expression « guerre d'Algérie ».

M. Gaëtan Gorce - Notre économie connaît depuis deux ans une embellie d'autant plus remarquable qu'elle suit une récession féroce. Nous nous étions engagés en 1997 à la relancer ; la croissance retrouvée a bénéficié à tous les secteurs d'activité et près d'un million d'emplois ont été créés. Il serait paradoxal de nous reprocher d'avoir su redresser la situation...

Ces résultats sont pour beaucoup dans le soutien que nous apportent les Français. Cependant confiance économique et confiance sociale entretiennent des relations complexes. L'embellie économique s'accompagne de la persistance, chez nos concitoyens d'un sentiment de fragilité sociale et de précarité. Né des vingt années de crise, ce sentiment est aujourd'hui entretenu par l'attitude de grandes organisations patronales qui n'hésitent pas à vanter la flexibilité des horaires, des contrats et des rémunérations. Il s'explique aussi par le déséquilibre croissant entre des organisations syndicales affaiblies et des groupes de plus en plus puissants ; enfin, il s'alimente de la progression de l'intérim et des CDD.

Nous sommes déterminés à répondre à ces inquiétudes. Depuis deux ans, et le plus souvent sous votre impulsion, Madame la ministre, nous nous sommes mobilisés pour l'emploi et contre la précarité. Notre récent débat sur la réduction du temps de travail en a encore témoigné. En ce qui concerne les licenciements, la meilleure façon de les faire reculer est de soutenir la croissance ; le nombre de licenciements économiques est ainsi passé de 600 000 en 1993 à 400 000 en 1997 et moins de 300 000 en 1999.

Mais l'amélioration de la situation économique rend le licenciement encore plus insupportable, surtout s'il s'effectue au mépris des règles de droit ou des salariés. Nous avons tous en tête des exemples d'entreprises qui, au nom d'une rentabilité jamais discutée, jamais évaluée, n'hésitent pas à sacrifier la vie professionnelle et parfois la vie personnelle de leurs salariés. Je citerai celui d'Epeda, devenue propriété d'un groupe suisse qui au printemps 1999 a négocié un accord de 35 heures et qui, quelques semaines plus tard, a annoncé la fermeture pure et simple de deux sites industriels sur quatre, à Mer et à la Charité-sur-Loire, sans même que son PDG nouvellement nommé ait jugé nécessaire de se rendre sur place. Depuis, il n'a jamais été possible d'obtenir la moindre discussion sur les motifs de cette décision -alors que le regroupement des activités va se faire sur des sites qui semblent moins performants.

Certes, la loi ne peut ni interdire le licenciements ni pleinement résoudre les problèmes nés de situations économiques ou commerciales difficiles ; mais elle devrait pour le moins garantir à chaque salarié les moyens d'être informé, conseillé et écouté et de faire sanctionner les abus.

Le groupe socialiste considère que, comme je l'ai indiqué en commission, une amélioration significative de la législation sur le licenciement économique est nécessaire. Ne serait- ce que parce que la procédure de plan social ne s'applique qu'à un trop petit nombre de cas, ne serait-ce que parce que la transparence s'impose d'autant plus que les licenciements sont de moins en moins justifiés par des difficultés liées à la conjoncture, et de plus en plus motivés par des choix stratégiques.

Il conviendrait d'organiser une véritable prévention du licenciement économique, par une consultation régulière et précoce des représentants du personnel. Si l'on ne veut plus que les directions considèrent les effectifs comme la meilleure variable d'ajustement, un dialogue, appuyé sur des informations précises, est indispensable.

S'agissant de la procédure elle-même, on pourrait revoir les modalités d'intervention de l'inspection du travail.

Enfin, il conviendrait de bâtir un véritable droit à la reconversion. Comment accepter qu'on rejette sur le marché du travail les salariés les plus âgés ou les moins qualifiés, ou que les dégâts provoqués sur un bassin d'emploi par une décision de restructuration ne soient pas compensés par le groupe responsable ?

Toutes ces orientations mériteraient d'être approfondies. La loi ne peut intervenir sans concertation préalable entre les partenaires sociaux.

Madame la ministre, nous ne vous demandons pas aujourd'hui un engagement sur une réforme d'ensemble, mais seulement sur des mesures d'urgence destinées à combattre et à sanctionner les licenciements abusifs. Il s'agirait de rétablir l'obligation de négocier la réduction du temps de travail avant tout plan social, de renforcer les garanties d'information et de consultation des représentants du personnel et de veiller au respect des engagements pris dans le cadre du plan social. Je suis certain que la majorité plurielle pourrait se retrouver si une concertation -qui a malheureusement fait défaut dans la préparation de ce texte- s'engageait entre ses membres.

La persistance du sentiment de fragilité sociale que j'évoquais au début de mon propos serait préjudiciable à la qualité et à la stabilité des rapports sociaux comme à la bonne marche de notre économie. Dans un environnement fortement concurrentiel, la démotivation ne peut en effet que nuire à l'efficacité.

Aussi sommes-nous déterminés à lutter résolument contre la précarité du travail et les licenciements abusifs. Cet objectif fait partie de la politique de croissance et de solidarité que le Gouvernement et sa majorité mènent depuis deux ans et sur laquelle nous nous sommes toujours retrouvés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Nicolin -Vous connaissez tous le film français à grand succès, où se sont illustrés Jean Reno et Christian Clavier, Les couloirs du temps, plus connu comme Les visiteurs II. Eh bien, j'ai l'impression aujourd'hui que le groupe communiste veut nous faire faire un grand bond en arrière et visiter « les couloirs du temps ». Prenant encore une fois le patronat comme bouc émissaire, vous ne savez que montrer les entreprises du doigt quand cela va mal. Les avez-vous une seule fois félicitées alors même qu'elles ont embauché ces derniers temps des milliers de personnes ? Mme Aubry se plaît pourtant à annoncer le recul du chômage... ressenti par beaucoup de chômeurs comme bien irréel.

Les vieux démons de l'économie dirigée et du totalitarisme resurgissent. Le groupe communiste inscrit à l'ordre du jour une proposition de loi visant à encadrer les licenciements pour motif économique et reprenant en partie un texte précédent, beaucoup plus ambitieux et irréaliste encore. Bien que le Gouvernement ait repris certaines idées du groupe communiste dans les futurs projets de loi sur les régulations économiques et les emplois précaires, le groupe a voulu montrer sa différence et prendre une position extrême. Sa proposition de loi n'a pourtant aucune chance d'être adoptée puisque le Gouvernement va en demander le rejet.

Il y a certes des points positifs dans cette initiative communiste. Ainsi, grande avancée, ne sont proposés ni l'octroi d'emplois à vie, ni la suppression des licenciements, ni le retour à l'autorisation administrative de licenciement (Sourires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Le groupe communiste n'est toutefois pas encore totalement convaincu des bienfaits de l'économie privée.

Il tente de répondre à la détresse que connaissent nombre de nos concitoyens, malheureusement avec un remède pire que le mal. Ce n'est pas en tentant de recoller avec de la « super-Hue » les lunettes déformantes, teintées de passéisme, avec lesquelles depuis des années vous regardez le monde et qui se sont brisées devant les réalités de l'économie moderne, que vous recouvrerez la vue (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR ; protestations sur les bancs du groupe communiste). Vous formez avec vos alliés socialistes un attelage bancal qui tire aujourd'hui à Hue et à dia... à tel point que le Gouvernement ne veut même pas discuter de votre proposition, qu'il juge totalement dépassée.

Rappelez-vous Vilvorde, cette couleuvre, que dis-je, cet anaconda que vous a fait avaler Lionel Jospin qui, candidat, manifestait contre la fermeture de l'usine et qui, une fois Premier ministre, étouffait l'affaire.

L'Histoire est cruelle. Elle vous montrera une fois encore que vous servez d'alibi à une majorité qui a besoin de vous et que le parti socialiste se moque de vous...

M. Thierry Mariani - Ils le savent !

M. Maxime Gremetz - On se moque des salariés.

M. Yves Nicolin - L'article premier de la proposition précise que tout employeur ne doit utiliser le licenciement économique que comme recours ultime et lorsque les difficultés ne peuvent être résolues par la réduction des coûts autres que salariaux. Comme si cela n'allait pas de soi !

L'article 2 vise à abaisser de dix à deux le nombre de licenciements à partir duquel un plan social est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. Ce choix est totalement arbitraire et ôte tout caractère collectif au plan social. Je pourrais ainsi, article après article, montrer que ce texte n'aboutirait qu'à administrer davantage l'économie, ce qui ne résoudrait rien ni sur le plan économique ni sur le plan social.

L'article 4 par exemple tend à instituer une représentation commune des salariés d'une entreprise sous-traitante et de son donneur d'ordre. Si celui-ci doit procéder à un licenciement économique pour motif économique, celle-là pourrait convoquer un comité d'entreprise élargi aux représentants des deux entreprises. Cette idée d'un comité mixte est récurrente chez les communistes. Malheureusement, la notion de sous-traitant, purement économique, n'existe pas en droit. Il est donc impossible de mettre en place un tel comité...

M. Maxime Gremetz - C'est d'ailleurs pourquoi cette proposition ne figure plus dans le texte.

M. Yves Nicolin - Elle figurait dans la première version.

M. Maxime Gremetz - Mais c'est que nous, nous écoutons !

M. Yves Nicolin - Faisons un instant un cauchemar d'inspiration communiste. Imaginons, ce qu'à Dieu ne plaise, que nous vivions sous un gouvernement inspiré par cette idéologie du passé ! Le père de famille qui aurait commandé un traiteur pour le mariage de sa fille mais que ses finances auraient obligé par la suite à revoir à la baisse le nombre d'invités, ne pourrait revenir sur sa commande initiale : avec les communistes au pouvoir, ce qui avait été prévu devrait être tenu quoi qu'il en soit !

M. Maxime Gremetz - C'est nul !

M. Yves Nicolin - Les socio-libéraux modérés que nous sommes ne sauraient accepter que cet ultra-communisme développe son emprise sur notre économie (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Maxime Gremetz - C'est archi-nul ! Vous parlez de ce que vous ne connaissez pas.

M. Jean-Michel Marchand - Alors que jusqu'à présent les entreprises licenciaient parce qu'elles rencontraient des difficultés, certaines grandes sociétés réduisent aujourd'hui leurs effectifs « pour motif économique » alors qu'elles sont prospères. L'affaire Michelin a mis en lumière cette méthode de gestion particulièrement cynique où les salariés servent de variable d'ajustement pour le plus grand profit des actionnaires et où il appartient presque toujours exclusivement à la collectivité nationale de réparer les dégâts.

La loi n'a pas évolué face à ces nouvelles pratiques qui masquent mal la véritable motivation des licenciements, à savoir une gestion ultra-libérale dans la seule perspective de profit à court terme.

Les grandes entreprises se sont en effet exonérées de nombreuses contraintes sociales en externalisant une partie de leur production ou certains services. Elles ont ainsi réduit leurs coûts en utilisant à leur profit la dépendance dans laquelle elles tiennent les entreprises sous-traitantes et leurs salariés. TotalFina, avec la catastrophe écologique et économique causée par la marée noire, en est un exemple. Mais externaliser les risques liés au transport en recourant aux pavillons de complaisance ne permet plus de s'exonérer de ses responsabilités morales ni financières ni, je l'espère, juridiques.

Il est urgent que la loi donne une définition nouvelle, plus précise et plus protectrice pour les salariés, du motif économique de licenciement. Tout doit être fait pour empêcher les licenciements « saucissonnés » de moins de 10 salariés par période de 30 jours. Il faut obliger les entreprises à anticiper les difficultés et à élaborer des stratégies de reclassement. C'est au sein même de l'entreprise qu'il convient de rechercher d'abord des solutions alternatives aux licenciements. Parallèlement, les salariés doivent pouvoir faire sanctionner l'absence de véritable recherche de solutions de reclassement. En ce cas, la nullité du licenciement serait une juste réparation à la légèreté blâmable de l'employeur.

La saisine directe du bureau de jugement du conseil des prud'hommes, sans préalable de conciliation, lequel devrait impérativement statuer dans les deux mois, serait préférable au référé dont les décisions, par nature, peuvent être remises en question par les juges du fond.

Enfin, il serait pertinent de s'inspirer de la notion d'unité économique et sociale pour instaurer une solidarité entre les entreprises donneuses d'ordres et leurs sous-traitants.

De telles mesures devraient être transposées, à l'échelle des bassins d'emploi. Car, s'il faut admettre que certains emplois périclitent du fait de l'obsolescence de certaines productions ou de la mécanisation de tâches pénibles, il est inacceptable que les entreprises ne soient pas tenues d'anticiper de telles évolutions et d'en effacer les effets.

Les Verts sont très critiques sur l'utilité de certaines productions, au regard du développement durable, de la protection des ressources naturelles et de l'épanouissement de chaque individu. Des évolutions sont nécessaires en matière de production énergétique, de protection sociale et de qualité de vie. Il faut produire mieux, dans de meilleures conditions de travail, avec la volonté d'économiser l'énergie, de respecter l'environnement, de lutter contre l'effet de serre pour le mieux-être de tous et l'avenir de notre planète. Il faut mettre l'économie au service de l'homme tout en respectant la biodiversité. Beaucoup reste à faire. Cette proposition de loi peut permettre des avancées dans ce sens. C'est pourquoi les députés Verts la voteront (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - Les licenciements économiques ont diminué de 40 % mais c'est précisément parce que la situation s'améliore globalement que ces licenciements deviennent intolérables et que toute leur brutalité ressort. Les élus ne sont plus seuls à s'en préoccuper : le sujet est devenu une préoccupation sociale comme en témoignent le récent film Ressources humaines ou encore la bande dessinée de Tardi et Pennac.

Cela étant, il n'est pas facile de trouver des solutions, il faut avoir le courage de le dire et Maxime Gremetz a eu ce courage quand il avoue, avec modestie, que la réponse proposée n'est « pas parfaite ». Il a raison, car le problème n'est pas posé dans toute sa dimension.

Toute entreprise, par définition, connaît des aléas dans son activité. Le pire serait de ne pas prendre en compte ses difficultés, même s'il est parfois délicat de distinguer entre de réelles difficultés économiques et les conséquences d'une absence de stratégie ou d'erreurs de gestion. La recherche accrue de profit peut être à l'origine de telles difficultés. Les dix chefs d'entreprise les mieux payés au monde sont responsables de 500 000 suppressions d'emploi -et parmi eux, le président de mon ancienne entreprise.

Comment faire la part des licenciements commandés par une nécessité économique et des autres ? La difficulté n'est pas mince. La nier serait commettre une grave erreur.

Bien entendu, il faut protéger le salarié et les gouvernements de gauche, depuis 1981, s'y sont employés : je pense au travail accompli par M. Auroux, puis par Mme Aubry. On peut élargir la réflexion -qu'il s'agisse de la dynamique de l'emploi, de l'aménagement du territoire, de la formation professionnelle et des chances de nouveau départ-, mais on ne peut traiter le problème de manière partielle.

Première question à se poser : est-il nécessaire et utile de revoir le code du travail ? M. Gremetz, par exemple, nous invite à réfléchir au seuil de déclenchement des plans sociaux. Faut-il raisonner en nombre de salariés concernés ? Faut-il fixer un délai d'appréciation ? Bien que le dispositif résulte d'une négociation syndicale, qui a abouti le 10 octobre 1986, la question mérite d'être posée.

Je note toutefois que les plans sociaux ne concernent que les entreprises de plus de cinquante salariés. Or c'est dans les petites sociétés que les salariés sont le moins protégés. M. Gremetz a raison de poser la question, mais je considère que la réflexion sur ce point n'est pas achevée (Interruptions sur les bancs du groupe communiste).

Il faut aussi être capable d'anticiper les difficultés d'une entreprise. Trop souvent, on prend des mesures quand il est trop tard et que la maison brûle. Anticiper les difficultés est la meilleure façon de protéger les salariés. Quelle est notre conception du droit d'alerte ? Quel rôle le comité d'entreprise doit-il jouer ? Comment améliorer la gestion prévisionnelle des effectifs ? La dynamique des 35 heures permettra aux entreprises de résoudre certains problèmes. Faut-il aller plus loin ? Le débat est ouvert.

Se pose, enfin, le problème du déséquilibre entre le donneur d'ordres et ses sous-traitants. Depuis quelques années, les entreprises ont tendance à externaliser les difficultés, ce qui se traduit par de graves inégalités entre salariés. Je pense en particulier aux maladies professionnelles. M. Gremetz a perçu le problème, mais son remède est à mon avis insuffisant et inefficace. C'est dans le cadre de la négociation collective qu'on pourra avancer.

La France, vous le savez, est le seul pays d'Europe où existe pour les paiements deux règles différentes : 30 jours pour les clients et 120 jours pour les fournisseurs. Cela cause des disparités insupportables entre les entreprises. Puisque le MEDEF souhaite de nouvelles négociations, invitons-le à se saisir du problème pour aboutir à un code de bonne conduite.

J'ai écouté avec attention M. Gremetz, même si j'ai en effet souhaité, Monsieur le président Lajoinie, que la commission ne présente pas de conclusions. Le débat n'en est pas clos pour autant : la preuve ! (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Mais évitons de l'aborder de manière tronquée.

M. le Rapporteur - Oh !

M. le Président de la commission - Monsieur Gremetz, je serai précis. Je souhaite que nous établissions un calendrier. Je veux à ce propos interroger Mme la ministre.

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Ah !

M. le Président de la commission - Je sais, Madame la ministre, que le Gouvernement est en train de préparer un texte de modernisation sociale.

M. Thierry Mariani - Allo ?

M. le Président de la commission - Je souhaite qu'il comporte un chapitre relatif aux problèmes que nous évoquons aujourd'hui, afin que nous puissions reprendre certaines suggestions de M. Gremetz, dont je salue le travail, ainsi que les propositions de M. Gorce et celles que je viens de formuler.

Monsieur le président Lajoinie, j'ai trop conscience de la gravité du problème, j'ai trop souvent lutté, en tant qu'élu du Nord, aux côtés des salariés, pour légiférer à la légère.

M. le Rapporteur - Oh !

M. le Président de la commission - On ne peut se contenter de faire semblant. Je souhaite au contraire que nous allions jusqu'au bout. Je suis à l'écoute de la majorité plurielle, mais je refuse qu'elle prenne position avant d'avoir mûrement réfléchi (Interruptions sur les bancs du groupe communiste).

Sur ce terrain, le Gouvernement a pris l'engagement d'aller de l'avant, mais il faut que les mesures prises se révèlent efficaces (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gaëtan Gorce - Je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance.

La séance, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 15.

Mme la Ministre - Cette proposition vise à diminuer le nombre de licenciements économiques et à faire reculer le chômage. L'ensemble de la majorité plurielle et le Gouvernement partagent ces deux objectifs et nous souhaitons y travailler ensemble.

Le sujet est grave et mérite mieux que certaines critiques que nous avons entendues ce matin de la part de l'opposition. Je suis sûre que certains, lorsqu'ils rencontrent des travailleurs licenciés dans leur circonscription, ne leur tiennent pas le même discours. Moi-même à la Lainière de Roubaix, chez Cerplex, chez Levis dans le Nord-Pas-de-Calais, j'ai mesuré l'angoisse de ces hommes et de ces femmes qui se sentent entraînés dans un gouffre d'où ils ont peur de ne pas sortir.

Mais le droit du licenciement est complexe. Il faut donc trouver les bonnes réponses à ces vraies questions. Ce n'est pas facile. Depuis des années les partenaires sociaux ont discuté. Il y a eu l'accord interprofessionnel de 1969. L'autorisation administrative n'a pas réglé le problème puisque 95 % de licenciements ont été autorisés. La loi de 1993 a constitué une amélioration, même si l'on peut encore mieux contrôler les plans sociaux.

Mais ne commettons pas d'erreur dans le diagnostic ou dans les remèdes. Nous serons jugés sur les améliorations à court terme, mais aussi à moyen terme et il faut éviter les retours de bâton pour les salariés.

Éviter les licenciements lorsque c'est possible, compenser et réparer lorsqu'ils ne peuvent être évités, telles sont les priorités de notre action depuis deux ans et demi.

Ces orientations -le prévention et le reclassement- ne me semblent pas assez présentes dans la proposition dont les auteurs ont choisi de se concentrer sur la procédure de licenciement pour motif économique.

Il ne s'agit pas d'éluder la question ou de temporiser. Les Français sont attentifs à notre action dans ce domaine, et toute la majorité en est consciente. Depuis deux ans et demi le Gouvernement n'est pas resté inactif.

Prévenir les licenciements, c'est d'abord mener une politique volontariste pour relancer une croissance riche en emplois. Elle porte aujourd'hui ses fruits. Un million d'emplois ont été créés, et le nombre de chômeurs a diminué de 513 000, même si les licenciements restent trop nombreux. La prévention consiste aussi, quand l'entreprise est en difficulté, à limiter au maximum les licenciements. Nous l'avons fait grâce à la réduction du temps de travail. Avant même la loi récente, des accords d'entreprises concernant 450 000 salariés ont ainsi permis d'éviter 22 000 licenciements. Depuis juin 1998, trois plans de licenciement sur quatre font l'objet d'une réduction du temps de travail. C'est cette procédure incitative que l'Assemblée voulait étendre en adoptant « l'amendement Michelin » de Mme Saugues. Grâce à cela, depuis juin 1998, 40 % des licenciements économiques prévus sont évités, et ils le sont en totalité dans 47 % des conventions « défensives » tandis que 46 % de ces conventions prévoient d'autres mesures d'accompagnement. Depuis le vote des 35 heures, 93 % des conventions défensives évitent tous les licenciements prévus.

La seconde loi sur la réduction du temps de travail généralisait la procédure incitative. Le Conseil constitutionnel a annulé cette disposition, non sur le fond mais parce qu'il faut certainement améliorer la procédure et les délais. Nous y travaillons avec l'auteur de l'amendement et avec l'ensemble des groupes.

Prévenir les licenciements, c'est aussi responsabiliser les entreprises. Elles sont juges des motifs économiques. Mais on ne peut pas gagner de l'argent, licencier et demander à la collectivité d'en assumer le coût, sans reclasser les salariés, les former, les aider. Nous accompagnons les entreprises qui ont des difficultés ; nous disons à celles qui n'en ont pas de prendre toutes leurs responsabilités. Il n'y a pas de liberté sans responsabilité, on nous le dit assez sur d'autres thèmes.

M. Thierry Mariani - Sur la justice !

Mme la Ministre - Oui. Alors tirez-en également les conséquences pour les licenciements économiques.

Dès mon arrivée j'ai demandé aux entreprises qui faisaient des bénéfices de financer elles-mêmes les préretraites. Nous avons cessé de les financer pour l'industrie automobile -qui a perçu ainsi 1 milliard par an pendant 17 ans- car cela ne se justifie plus aujourd'hui. De même nous avons renforcé le mécanisme de la contribution Delalande car les licenciements « secs » devenaient plus avantageux que les préretraites FNE. A l'initiative du groupe communiste, les exonérations qui permettaient de contourner cette contribution ont été supprimées. Nous avons aussi soumis l'acceptation des plans sociaux à une action des grands groupes pour compenser les conséquences des restructurations dans le bassin d'emploi atteint. C'est certainement un des domaines où il faut accentuer notre action.

1 888 plans sociaux ont été notifiés à l'administration en 1997. Grâce à la conjoncture et aussi à ces mesures, il y en a eu 1 215 en 1998. Les licenciements économiques sont passés de 312 000 à 251 000, soit une réduction de 40 %.

M. le Rapporteur - Et en 1999 ?

Mme la Ministre - On ne connaît pas encore les chiffres globaux. Mais ils diminuent par rapport à 1998.

M. le Rapporteur - Pour le premier semestre, non !

Mme la Ministre - Mais il reste trop de licenciements sans fondement économique, trop de plans sociaux insuffisants alors que les entreprises pourraient aider leurs salariés. C'est sur ces deux terrains que nous voulons agir, et non pas seulement sur la procédure de licenciement économique.

Les salariés ne doivent plus être l'élément d'ajustement des coûts, encore moins la variable sur laquelle on joue pour faire augmenter l'action en Bourse. C'était pourtant le cas dans certaines annonces symboliques qui ont choqué l'ensemble des Français.

Pour éviter cela, je ne pense pas qu'on puisse modifier seulement la procédure de licenciement économique. Je ne suis pas sûre que stipuler que le motif économique du licenciement n'est justifié que lorsque « les difficultés économiques n'ont pu être surmontées par la réduction des coûts autres que salariaux » ou « par tout autre moyen que le licenciement » comme vous le faites dans l'article premier de la proposition améliorera la situation des salariés. Ce n'est pas le rôle du juge de requalifier l'action qu'aurait dû mener le chef d'entreprise. Nous risquerions de dire que l'entreprise ne peut licencier que lorsqu'elle est au bord du gouffre et d'entraîner finalement un nombre plus important de licenciements. La jurisprudence a déjà conforté la loi de 1993. Ainsi, selon un arrêt de la Cour de cassation de 1999, l'employeur ne peut alléguer d'une baisse du chiffre d'affaires ou des bénéfices pour justifier des licenciements économiques. De même, la Cour de cassation a établi dans plusieurs arrêts rendus en 1995, 1997 et 1998 que la réorganisation d'une entreprise ne pouvait entraîner de licenciements économique que s'il y allait de sa survie.

On le voit : des garde-fous existent, mais certaines sociétés parviennent cependant à les contourner. Nous devons donc améliorer le dispositif existant, ce que le Gouvernement compte bien faire, après avoir entendu les représentants de tous les groupes de la majorité plurielle. Quant à l`opposition, elle serait bien inspirée de ne pas gloser sur une question d'autant plus douloureuse que des salariés sont encore frappés de licenciement alors que la croissance a repris.

Le Gouvernement est prêt à travailler, dans les plus brefs délais, avec l'ensemble des groupes de la majorité plurielle pour éviter que des licenciements aient lieu qui ne soient pas réellement justifiés par des motifs économiques et pour permettre que, s'ils sont malheureusement justifiés, les salariés retrouvent une place sur le marché du travail et que les entreprises contribuent à leur reconversion.

Au-delà encore, le Gouvernement souhaite mettre au point, avec les partenaires sociaux, une véritable gestion prévisionnelle des compétences et de la formation. Comment se satisfaire que la France soit l'un des rares pays dans lesquels un salarié peut avoir passé 30 ans dans la même entreprise sans jamais avoir eu la possibilité de s'adapter à de nouvelles techniques ? La réforme de la formation professionnelle que prépare Nicole Péry permettra de modifier ces pratiques.

Le Gouvernement souhaite aussi que les salariés qui ont commencé à travailler tôt et qui ont exercé des emplois pénibles puissent mettre fin à leur carrière et céder leur place à des jeunes. C'est l'objet du décret qui paraîtra dans quelques jours, dès que l'accord de la Commission européenne sera acquis.

Il faudra, aussi, reprendre l'amendement d'Odile Saugues visant à ce que tout plan social soit précédé d'une négociation tendant à la conclusion d'un accord de réduction du temps de travail. Le Conseil constitutionnel n'a pas remis en cause le fonds de cette proposition, mais il a demandé que son articulation avec la procédure des licenciements collectifs pour motif économique soit précisée. Elle le sera.

Sur tous ces sujets, le Gouvernement a déjà beaucoup travaillé, en concertation avec nombre d'entre vous. Loin de vouloir éluder ces question d'une importance capitale, il s'engage à reprendre ce dossier en déposant dans les prochaines semaines sur le bureau du Parlement un projet de loi « de modernisation sociale » qui contiendra un volet relatif aux licenciements économiques et un autre sur la formation.

Rien ne serait pire que d'adopter un texte qui finirait par se retourner contre les salariés. Conscient que des progrès doivent être faits, le Gouvernement s'engage à engager, dans les heures qui viennent, avec tous les groupes de la majorité plurielle, une réflexion d'ensemble sur un texte de portée plus large que celui qui vous est proposé aujourd'hui, puisqu'envisageant une aide au reclassement, mais moins centré sur la procédure de licenciement.

C'est pourquoi le Gouvernement vous suggère de ne pas passer à la discussion des articles, et de trouver, ensemble, une solution meilleure pour réduire des licenciements pour certains inacceptables mais toujours douloureux (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Ainsi, le Gouvernement nous demande de ne pas légiférer sur les licenciements économiques. Mais l'on ne peut, pour justifier cette demande, dire tout et son contraire !

Il faut prendre le temps de légiférer, nous dit Mme la ministre. Mais le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, ne soulignait-il pas lui-même la multiplication des plans sociaux, ne dénonçait-il pas les licenciements économiques injustifiés, ne disait-il pas souhaiter que ce qui s'était passé à Vilvorde ne se reproduise plus ? N'affirmait-il pas que les plans sociaux devaient constituer un ultime recours, et qu'ils devaient être négociés ? Il avait, disait-il, demandé à Mme la ministre de l'emploi de revoir, pour toutes ces raisons, la législation sur les licenciements économiques. C'était en 1997. Depuis lors, combien de plans sociaux ont été mis en _uvre, combien de milliers de licenciements économiques ont eu lieu ?

Vous-même, Madame la ministre, avez dit, lors de la discussion de la loi contre l'exclusion, qu'il fallait légiférer.

Pour notre part, nous avons élaboré une proposition de 27 articles, dont il nous a été dit qu'elle ne pouvait être examinée dans le cadre de la « niche parlementaire », ce qui est compréhensible. Seulement, il y a urgence, et les chiffres que vous nous avez donnés sont incomplets : si, en 1998, il y a eu 1 200 plans sociaux, on en comptait 700 pour le seul premier semestre 1999, selon le magazine Alternatives économiques, soit 1 400 en rythme annuel.

C'est manifester pour les organisations syndicales, les juristes et les parlementaires qui travaillent depuis deux ans à cette proposition, un certain manque de respect que d'annoncer qu'il faut engager maintenant la réflexion ! M. Gorce, quant à lui, explique que nos propositions ne coïncident pas avec celles du groupe socialiste ; mais quelles sont-elles donc ?

Le Premier ministre n'a pas raison de dire, au lendemain des licenciements économiques auxquels la société Michelin a procédé dans les circonstances que l'on sait, que « l'on ne peut rien faire ». Il a raison, en revanche, de dire qu'il faut légiférer et, si l'urgence n'était pas avérée, pourquoi l'insistance mise à faire voter l'amendement Saugues, invalidé non sur le fond mais en raison de son imprécision ?

En fait, le Gouvernement ne veut pas que cet amendement s'applique, bien que les plans sociaux se multiplient et que la situation soit celle que l'on sait chez Moulinex, Dunlop, Goodyear !

Vous affirmez une divergence avec les juristes et la jurisprudence, Madame la ministre, en estimant que l'employeur est seul juge de la validité d'un plan économique.

Mme la Ministre - Sous le contrôle du tribunal !

M. le Rapporteur - Sous prétexte de restructurations « nécessaires », telle entreprise licencie des milliers de salariés, tout en faisant 2 milliards de profits et en espérant que son cours en Bourse flambe !

Dans le même esprit, la direction de Dunlop prétend imposer les « cinq huit » et obtenir pour ce faire une nouvelle dérogation du ministère du travail, après celle qu'elle a déjà obtenue de vous, Madame la ministre, concernant le travail le dimanche. Résultat, les salariés sont en grève depuis sept jours et la direction refuse de négocier.

Notre proposition de loi vise à instaurer d'emblée une discussion contradictoire -c'est-à-dire à laquelle participent les employeurs mais aussi les organisations syndicales- sur la réalité et le sérieux du motif économique invoqué pour licencier. Et nous proposons une procédure de référé car dans ces cas-là, il faut agir vite. Voyez en effet ce qui s'est passé à Amiens avec Yoplait : six mois après les licenciements, les prud'hommes ont considéré que le motif économique n'était pas valable et ont demandé la réintégration des salariés. Mais c'était trop tard, il n'y avait plus d'entreprise où les réintégrer ! Il faut donc agir très en amont.

Et ne tirez pas prétexte des imperfections du texte que nous proposons pour le renvoyer aux calendes, Monsieur le président de la commission. S'il est imparfait, enrichissons-le, amendons-le, mais au moins débattons-en ! Nous pouvons par exemple, si vous le souhaitez, élargir le dispositif aux petites entreprises.

Mais il n'est en tout cas pas acceptable -je vous le dis au nom du groupe communiste- qu'un groupe de la majorité décide que l'on ne discutera pas des articles de cette proposition...

M. Thierry Mariani - Non, ce n'est pas normal !

M. le Rapporteur - Vous avez besoin, Madame la ministre, des communistes dans la majorité plurielle. Alors ne nous dites pas : « ce n'est pas vous qui légiférerez sur le sujet, mais nous ! ». Ce serait un diktat inacceptable !

L'amendement Michelin avait suscité beaucoup d'espoirs, sa liquidation par le Conseil constitutionnel y a mis fin et pourrait favoriser un certain fatalisme. Il y a donc urgence à légiférer. La droite n'est sans doute pas d'accord avec le contenu de notre proposition de loi, mais je suis sûr qu'elle est d'accord pour en discuter. Laissons donc place au débat républicain (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. le Président de la commission - Je ne voudrais pas que l'on se méprenne sur nos intentions. Lorsque le groupe communiste dépose un texte, j'ai une propension naturelle -je crois l'avoir suffisamment démontré- à le considérer avec attention, à la fois parce que ce groupe appartient à la majorité plurielle, que sa sensibilité rejoint souvent la mienne et parce que j'ai l'habitude d'écouter.

Le mot de « diktat » ne me paraît donc pas du tout approprié. Nous nous sommes au contraire toujours efforcés, depuis deux ans et demi, de trouver des espaces de concertation nous permettant d'aboutir à des solutions. Et c'est ce que nous avons cette fois encore cherché à faire en nous appuyant sur la perspective d'un texte de modernisation sociale qui sera déposé d'ici peu par le Gouvernement et voté avant la fin de la session. Et le cadre tracé par Mme la ministre -coût du plan social, protection des salariés, relations entre les donneurs d'ordre et les sous-traitants- me satisfait.

Je suis sensible à ce qu'a dit M. le rapporteur à propos de Moulinex mais le texte proposé n'aurait aucun effet sur la situation des salariés de cette entreprise : Moulinex a en effet suivi toutes les procédures requises et présenté un plan défensif sur les 35 heures. Ne faisons donc pas semblant de régler des problèmes qui ne peuvent l'être que par une réflexion d'ensemble non seulement sur la hauteur du plan social mais aussi sur la politique de l'emploi dans une région donnée.

La discussion va s'arrêter, mais pas la réflexion ni la consultation. Et nous traiterons le problème avec rigueur, selon le calendrier établi par le Gouvernement.

M. le Président - La commission des affaires sociales n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi. Conformément aux dispositions du même article du Règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Sur le vote sur le passage à la discussion des articles, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public. Nous passons maintenant aux explications de vote.

M. Alain Bocquet - Les licenciements économiques qui se poursuivent ou qui sont annoncés compromettent l'efficacité de la politique de la gauche, tant en ce qui concerne la création d'emplois que la lutte contre l'exclusion. La politique de l'emploi et le droit au travail sont trop importants pour être dictés par les marchés financiers et la recherche du profit immédiat.

Parce que la prévention des licenciements est une question d'urgence, le groupe communiste a inscrit dans sa « fenêtre » parlementaire une proposition de loi relative au régime juridique des licenciements pour motif économique une semaine après avoir fait adopter, à l'initiative de Robert Hue, sa proposition de contrôle des fonds publics destinés aux entreprises.

La présente proposition vise à donner à ces dernières une responsabilité citoyenne et à mettre fin aux abus que vous savez. Nous n'acceptons pas qu'on nous oppose l'archaïque article 94 pour empêcher qu'il en soit débattu ! Les députés communistes et apparentés souhaitent vivement que la discussion aille à son terme.

En tout état de cause, notre initiative aura eu le mérite de contribuer au débat et de souligner la nécessité d'aller au fond du problème pour opposer des mesures concrètes à la toute puissance patronale. Car l'urgence à légiférer reste entière, en particulier après la censure de l'amendement Michelin par le Conseil constitutionnel. Les licenciements sont-ils tolérables quand les bénéfices d'une entreprise sont en expansion ? Ne devraient-ils pas être l'ultime recours plutôt qu'un facteur d'adaptation ? Le cas de Moulinex nous rappelle qu'il y a urgence à mener ce chantier.

Une grande bataille populaire doit s'amplifier sur ces questions dans les prochains mois. Les députés communistes auront à c_ur de participer et de faire en sorte que les salariés se saisissent de ce dossier majeur et se mobilisent pour instaurer une législation plus protectrice de leurs droits (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Thierry Mariani - Nous sommes contre les mesures proposées dans ce texte mais nous considérons qu'il a le mérite de lancer le débat.

Le groupe RPR souhaite que la discussion se poursuive. D'abord, pour une raison de méthode : le gouvernement Jospin ne cesse de botter en touche, sur les retraites, sur le statut des élus, sur la responsabilité des magistrats, aujourd'hui sur les licenciements ; il est temps de s'attaquer à ces problèmes ! Ensuite, pour une raison de principe : les niches parlementaires sont trop rares ; qu'on laisse au moins la discussion aller jusqu'au bout.

J'ajoute que nos collègues du groupe socialiste font preuve d'une certaine incohérence. En décembre, ils ont voté à grand bruit l'amendement Michelin, qui a connu le sort que l'on sait ; ils ont l'occasion d'examiner à nouveau ce problème aujourd'hui : pourquoi remettre à plus tard ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Yves Rome - À une juste interpellation du groupe communiste, le groupe socialiste a répondu par la voix de Gaëtan Gorce qu'il fallait rechercher les moyens de renforcer la confiance sociale. Maxime Gremetz a évoqué le sujet de manière incomplète ; la proposition de loi qu'il a défendue ne règle pas le problème au fond.

Mme la ministre n'a pas éludé le débat, bien au contraire, et ses engagements nous satisfont. De bonnes pistes ont été ouvertes pour réduire les licenciements non justifiés, améliorer la qualité des plans sociaux, prévenir les licenciements économiques par la formation, réintroduire l'idée qui sous-tendait l'amendement Michelin. Assuré que le Gouvernement fera des propositions dans le cadre d'un projet de loi de modernisation sociale, le groupe socialiste souhaite que la discussion ne se poursuive pas sur ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Delattre - Quel démocrate !

M. Hervé Morin - Le groupe UDF votera pour le passage à la discussion des articles. La mise en _uvre systématique de l'article 94 est contraire au principe même de la niche parlementaire telle que l'ont voulue le Constituant et le Président Séguin. Tout en étant opposés au contenu du texte, nous considérons que la discussion doit aller jusqu'à son terme (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. François Goulard - Maxime Gremetz sait notre opposition au texte qu'il propose ; mais comme l'ont expliqué Thierry Mariani et Hervé Morin, le comportement d'une partie de la majorité pose un vrai problème de procédure parlementaire : il est anormal d'utiliser abusivement l'article 94 pour mettre fin au débat. C'est nier toute valeur à l'initiative parlementaire.

Si le Gouvernement et une partie de la majorité refusent de débattre, c'est en raison d'un profond malaise quant aux positions à adopter sur ces sujets : nous l'avons constaté lorsque le Premier ministre a commencé, sur l'affaire Michelin, par expliquer à la télévision que l'Etat ne pouvait rien faire, puis, au vu des réactions, a tenté de faire machine arrière... Mais nous dénonçons ce manque de courage politique. Le Gouvernement et le groupe socialiste doivent nous dire ce qu'ils pensent sur cette question des licenciements ! Nous n'acceptons pas leur dérobade (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

A la majorité de 116 voix contre 70 sur 189 votants et 186 suffrages exprimés, l'Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée

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FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 10 février 2000 inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ANNEXE
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 10 février 2000 inclus a été ainsi fixé ce matin en Conférence des présidents.

CET APRÈS-MIDI

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ projet tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ;

      _ projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles de Wallis-et-Futuna ;

ces deux textes donnant lieu à une discussion générale commune.

MERCREDI 26 JANVIER, à 15 heures, après les questions au Gouvernement et l'éloge funèbre de Roland Carraz, et à 21 heures,

et JEUDI 27 JANVIER, à 15 heures et à 21 heures :

      _ suite du projet tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ;

      _ suite du projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles de Wallis-et-Futuna ;

      _ projet, adopté par le Sénat, relatif à l'élection des sénateurs.

MARDI 1er FÉVRIER, à 9 heures :

      _ questions orales sans débat.

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ lecture définitive du projet sur la modernisation et le développement du service public de l'électricité ;

      _ proposition, adoptée par le Sénat, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce ;

      _ projet modifiant la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

MERCREDI 2 FÉVRIER, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ suite du projet modifiant la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

JEUDI 3 FÉVRIER, à 9 heures :

      _ déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sur les conséquences et les suites des intempéries et de la marée noire qui sont intervenues fin décembre 1999 ;

à 15 heures et à 21 heures :

      _ suite du projet modifiant la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

MARDI 8 FÉVRIER, à 9 heures :

      _ proposition de M. Philippe Douste-Blazy et plusieurs de ses collègues relative à la participation et à la croissance pour tous

      _ (séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution).

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ troisième lecture du projet de loi organique relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux ;

      _ nouvelle lecture du projet relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives ;

ces deux textes donnant lieu à une discussion générale commune.

MERCREDI 9 FÉVRIER, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures,

et JEUDI 10 FÉVRIER, à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures :

      _ deuxième lecture du projet renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes.


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