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Session ordinaire de 1999-2000 - 49ème jour de séance, 117ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 1er FÉVRIER 2000

PRÉSIDENCE de M. Laurent FABIUS

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

TRANSPORT ROUTIER 2

ATTITUDE À ADOPTER FACE À L'AUTRICHE 2

CONFLITS SOCIAUX LIÉS AUX 35 HEURES 4

PLAN CONTRE LA VIOLENCE À L'ÉCOLE 5

RÉORGANISATION DE L'ADMINISTRATION FISCALE 6

LOI SUR LES ANIMAUX DANGEREUX 7

GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS 7

PLUS-VALUES DE RECETTES FISCALES 9

PERCEPTIONS RURALES 10

DÉFENSE DU FRANÇAIS 10

SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ (lecture définitive) 11

ACTIVITÉS PHYSIQUES
ET SPORTIVES 20

QUESTION PRÉALABLE 28

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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TRANSPORT ROUTIER

M. Michel Vaxès - La deuxième loi sur les 35 heures votée fin 1999 doit dynamiser la création d'emplois, permettre une avancée sociale pour l'ensemble des salariés et les aider à mieux concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle. Mais au premier jour de son application, des conflits se font jour et risquent de se prolonger, notamment si le patronat du transport routier persiste à refuser de répondre aux préoccupations des salariés.

Si les chauffeurs routiers se sont mis en grève hier et aujourd'hui, c'est qu'ils contestent les conditions d'application par les entreprises de transport de la réduction du temps de travail. Si les décrets d'application doivent bien sûr prendre en compte les spécificités du transport routier, ce secteur doit néanmoins bénéficier des 35 heures, et ce tout en permettant aux entreprises de faire face à la concurrence.

Monsieur le ministre des transports, qu'allez-vous faire pour renouer le dialogue social entre les protagonistes et débloquer la situation ? Qu'en est-il des négociations à ce jour puisque vous avez reçu ce matin même des représentants des organisations syndicales ? Enfin, que compte faire la France lors de sa présidence de l'Union européenne pour que l'harmonisation du temps de travail des routiers s'effectue par le haut, comme vous en avez vous-même souvent exprimé le souhait ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Je sors en effet d'une réunion avec les organisations syndicales de salariés. Elles m'ont fait part de leur détermination : le secteur du transport routier doit bénéficier, comme les autres, des dispositions de la deuxième loi sur les 35 heures. Et sur ce point, je leur ai dit ceci au nom du Gouvernement : les mesures relatives au déclenchement des heures supplémentaires dès la 36ème heure de travail hebdomadaire ou bien encore à la durée maximale du travail seront dès aujourd'hui, 1er février, date d'entrée en vigueur de la loi, appliquées sans ambiguïté aucune. Et nous créerons les conditions pour que les syndicats eux-mêmes et le ministère puissent vérifier au jour le jour l'application des décrets.

Les organisations syndicales m'ont également fait part de leurs inquiétudes concernant les salaires et le pouvoir d'achat. En effet, la réduction du temps de travail de salariés qui travaillent encore souvent aujourd'hui 250 à 300 heures par mois peut entraîner des problèmes réels. J'ai demandé que dès la semaine prochaine, s'ouvrent des négociations paritaires portant à la fois sur l'application des décrets et sur les salaires.

Quant à l'harmonisation des temps de travail des chauffeurs routiers dans les pays européens, c'est bien un problème majeur. Nous nous heurtons aujourd'hui au refus de plusieurs Etats, mais soyez assuré que la détermination du gouvernement français sera sans faille. Il faut en finir avec le dumping économique et social qui prévaut aujourd'hui dans le secteur du transport routier en Europe, au mépris des conditions de travail et de vie des chauffeurs mais aussi de la sécurité routière et de la survie des entreprises. J'ai d'ailleurs signalé aux organisations syndicales que la Commission européenne pouvait les entendre directement (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

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ATTITUDE À ADOPTER FACE À L'AUTRICHE

M. Jacques Brunhes - Monsieur le Premier ministre, en Autriche, le leader de l'extrême droite, Jörg Haider, admirateur des Waffen SS et de « la politique de l'emploi d'Hitler » négocie avec la droite pour constituer le gouvernement. L'accession au pouvoir du parti d'Haider constitue un défi éthique et politique sans précédent en Europe depuis 1945, d'autant que l'Autriche est membre de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe.

Les réactions d'indignation se multiplient, le Président de la République notamment a fait part de son inquiétude. Il faut maintenant passer aux actes pour mettre les dirigeants de Vienne au ban des institutions communautaires. Comment accepter un gouvernement autrichien qui comprendrait des partisans d'Haider, dont les valeurs sont absolument contraires à celles de l'Union européenne comme de la France ?

Il ne s'agit pas d'isoler le peuple autrichien, mais de proscrire Haider et tous ceux qui pactiseraient avec lui, comme l'avaient demandé à Vienne le 12 novembre dernier les milliers de personnes qui s'étaient mobilisées contre le racisme.

Certes, il faut réfléchir aux causes de cette situation nouvelle, aux conséquences des politiques néo-libérales, aux conditions de l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale. Mais dans l'immédiat, Monsieur le Premier ministre, quelle attitude compte adopter le gouvernement français en cette affaire où il y va de la démocratie et de l'humanisme (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Le projet d'alliance en Autriche entre le parti conservateur et le parti d'extrême-droite a suscité en Europe et en France une profonde et légitime émotion. La réprobation que vous venez d'exprimer, Monsieur le député, est partagée par l'ensemble de la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Si nous n'avons pas oublié les brûlures de l'histoire européenne, il faut toutefois éviter les amalgames et les années 2000 en Europe ne sont pas les années trente. L'Allemagne de Hindenburg et de Hitler ne peut être comparée à l'Autriche de MM. Schüssel et Haider. Le FPÖ, parti de M. Haider, n'est pas un parti national-socialiste. Mais c'est un parti d'extrême droite xénophobe, dont le leader a rendu hommage en son temps, nous ne l'avons pas oublié, à Hitler et à sa politique de l'emploi, ainsi qu'aux Waffen SS. Ce même leader a bien montré ce qu'il est par ses récents dérapages verbaux, inconvenants à l'égard du Président de la République française, répugnants à l'égard du Gouvernement belge (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et sur de nombreux bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Voilà pourquoi le projet d'alliance actuel provoque notre indignation et notre refus.

Certains responsables à Vienne parlent d'ingérence dans les affaires intérieures de leur pays : cette alliance ne regarderait que le peuple autrichien. Sauf que l'Autriche appartient aujourd'hui à une communauté fondée sur des valeurs humanistes. Lorsqu'en début des années 90 s'est posée la question du passé du Chancelier Kurt Waldheim, l'Autriche n'était pas membre de l'Union européenne et chaque pays était donc libre de choisir la nature des relations qu'il souhaitait ou non continuer d'entretenir avec elle. La communauté internationale des nations démocratiques a d'ailleurs lancé alors un boycott qui a conduit à la démission de M. Waldheim.

La situation est différente aujourd'hui car l'Autriche fait partie de l'Union européenne. Par le seul fait d'accepter dans les instances communautaires des représentants de ce parti d'extrême-droite, nous apporterions une caution politique à une alliance que certains responsables ont librement choisie en Autriche. Il ne s'agit donc pas d'ingérence dans les affaires intérieures de ce pays. Cette alliance, nous la jugerions dangereuse, aussi bien dans notre propre pays. Et je tiens ici à rendre hommage à la droite parlementaire qui, à quelques exceptions près, a fermement refusé dans trois de nos régions toute alliance avec l'extrême-droite. Cela a notamment été la position du Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Il appartient aujourd'hui aux quinze Etats membres de l'Union de rappeler les règles minimales qu'implique le vivre ensemble au sein de la communauté européenne. Et les idées défendues par le FPÖ, le parti de M. Haider, sont contraires aux principes fondateurs de l'Union européenne.

Il faut passer aux actes, avez-vous dit, Monsieur le député. En effet, et la France comme les autres pays membres de l'Union l'ont fait. Le Président de la République dès vendredi, avec mon plein accord et après avoir pris contact avec le Chancelier allemand, a proposé au Président de l'Union plusieurs mesures. Je me suis moi-même entretenu à diverses reprises au téléphone avec M. Guttierez. Et la présidence portugaise a adressé hier au Président de la République autrichienne et à l'actuel Chancelier M. Klima, une déclaration selon laquelle si une telle alliance était constituée, il n'y aurait plus de contact diplomatique et officiel entre les 14 pays et l'Autriche : les contacts au niveau des ambassadeurs seraient d'ordre purement technique. Nous n'appuierions plus aucune proposition de poste en faveur de l'Autriche au plan européen et international.

Si nous nous sommes situés au plan des relations bilatérales et au plan politique, c'est que le Traité ne permet pas d'agir de façon préventive. Il faudrait, selon l'article 7 du traité d'Amsterdam, des violations graves et persistantes aux principes fondamentaux de l'Union pour que nous puissions agir. Nous n'entendons pas attendre d'en arriver là. C'est pourquoi la pression politique exercée par les chefs d'Etat et de gouvernement, par nos formations politiques, par les mouvements spirituels, par l'opinion, par les médias est absolument nécessaire pour que s'opère une prise de conscience en Autriche et que le mouvement soit interrompu. Sinon, en contact avec nos partenaires européens, le Gouvernement français serait amené à prendre toutes mesures pour que l'Autriche de MM. Haider et Schüssel soit politiquement isolée en Europe (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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CONFLITS SOCIAUX LIÉS AUX 35 HEURES

M. Hervé Morin - 1er février 2000, premier jour d'application de la loi sur les 35 heures : les conflits se multiplient dans les entreprises privées, notamment les transports routiers, et dans l'ensemble du secteur public -hôpitaux, RATP, La Poste, la SNCF.

Nous n'avons cessé de rappeler, pendant la discussion de cette loi, qu'elle ne devait être ni dirigiste ni obligatoire, mais décentralisatrice et fondée sur la confiance dans les partenaires sociaux au niveau de l'entreprise.

La France est le seul pays au monde, avec la principauté de Monaco, à avoir appliqué une réduction générale et obligatoire du temps de travail. Le conflit des transporteurs routiers montre bien qu'il est impossible d'appliquer une loi unique pour tous -le Gouvernement l'a d'ailleurs lui-même remise en question dans le décret concernant ce secteur.

Comment allez-vous concilier la compétitivité des entreprises françaises avec la volonté légitime des salariés de bénéficier des fruits de la croissance et donc de voir leur pouvoir d'achat augmenter ?

Aujourd'hui, la France, après avoir évité le bogue informatique, est confrontée à un véritable bogue social (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Il vaut mieux que la raison l'emporte et que vous ne preniez pas vos désirs pour des réalités... (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR) Nous n'ignorons pas les conflits -même si La Poste et la RATP, que vous avez citées, ne relèvent pas du champ d'application de la loi sur les 35 heures. En ce qui concerne les transports routiers, seule une harmonisation européenne permettra de régler le problème.

Nous travaillons à résoudre tous ces conflits, mais n'en exagérons pas le nombre : il y a eu 350 000 journées de grève en 1998, soit 100 000 de moins qu'en 1997 (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR) et ne parlons pas des deux millions de journées de grève de 1995... Ne nous trompons pas non plus sur leur signification : ils traduisent souvent l'impatience des salariés de passer aux 35 heures dans de bonnes conditions.

Je rappelle que plus de 25 000 accords de réduction du temps de travail ont été signés, créant ou préservant 160 000 emplois. Dans la liste figurent la plupart des grandes entreprises industrielles -Renault, PSA, Alstom, Aérospatiale, Dassault etc. la plupart des grands groupes étrangers, toute la grande distribution et une bonne partie du secteur des grands services. Cela commence dans le secteur public, où il y a effectivement un certain nombre de mouvements sociaux.

Monsieur Morin, voyez le chômage qui baisse, voyez ces 25 000 accords (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR) ; prenons les conflits en considération, mais nous pensons que ce mouvement de négociation sans précédent et même les conflits offrent l'occasion de régler les problèmes et d'améliorer les conditions de travail.

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PLAN CONTRE LA VIOLENCE À L'ÉCOLE

Mme Annette Peulvast-Bergeal - « Ni tout préventif, ni tout répressif » avez-vous dit, Monsieur le ministre de l'éducation nationale, en présentant le deuxième volet de votre plan anti-violence dans les écoles.

Celui-ci va permettre de déployer des moyens supplémentaires dans les établissements en difficulté : 7 000 adultes supplémentaires d'encadrement, augmentation des classes-relais, dispositifs de sécurité autour de 75 établissements, meilleur statut pour les enseignants concernés...

M. Gilbert Meyer - C'est la question ou c'est la réponse ?

Mme Annette Peulvast-Bergeal - ...toutes ces mesures vont dans le bon sens et montrent que le découragement n'est pas à l'ordre du jour : au contraire, la sécurité reste une de nos priorités.

Au-delà de l'amplification médiatique, aux effets parfois catastrophiques -je sais de quoi je parle, étant élue de Mantes- je voudrais vous signaler qu'il subsiste des inquiétudes et des interrogations : comment allez-vous former ces jeunes éducateurs qui vont être confrontés à la violence au quotidien et comment concevez-vous le partenariat entre l'école, la justice et l'éducation nationale ?

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Le combat que nous menons contre la violence est programmé et méthodique : 4 000 aides-éducateurs, 100 conseillers principaux d'éducation, 800 surveillants à mi-temps, 100 infirmières, 2 000 jeunes ouvriers, 1 000 adultes-relais, ce sont au total près de 8 000 personnes nouvelles qui vont arriver dans 412 établissements.

Mardi 8 février les recteurs recevront la dotation exacte et la quasi-totalité de ces moyens pourront être engagés immédiatement, sauf pour les postes sur concours.

Les titulaires des emplois-jeunes seront regroupés pendant trois mois pour une formation qui sera pilotée par un comité sous la direction de Mme Jacqueline Costa-Lacoux, en partenariat avec la police, la gendarmerie, la protection judiciaire de la jeunesse et les responsables de la politique de la ville. Le dispositif a été testé en Seine-Saint-Denis.

Parallèlement la validation des acquis professionnels est engagée avec les trois IUT délivrant actuellement le DEUST de médiation sociale, et dès la rentrées les IUT de Villetaneuse et de Montreuil seront habilités à le délivrer également.

Une circulaire rappelant à la hiérarchie son devoir de soutien sera envoyée lundi. Mme la Garde des Sceaux a adressé une instruction générale au parquets pour renforcer l'application des textes. Dès cette semaine, le ministre de l'intérieur envoie une circulaire d'urgence concernant le suivi des établissements visés et une convention sera signée début mars avec la Défense pour assurer une surveillance de proximité. Mais le plus important, c'est l'engagement des équipes animées par les chefs d'établissements et je leur rends hommage (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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RÉORGANISATION DE L'ADMINISTRATION FISCALE

M. Thierry Carcenac - Monsieur le ministre de l'économie, vous avez décidé d'engager pour 2003, une réorganisation sans précédent de l'administration fiscale. Elle doit aboutir à la simplification de la déclaration et du paiement des impôts et à la création d'un correspondant fiscal unique pour chaque contribuable.

Moderniser l'administration, confier de nouvelles missions aux agents notamment pour lutter contre la fraude, c'est bien. Nous sommes favorables aussi à ce que le coût de collecte des impôts soit réduit grâce à une simplification des procédures. Bref, nous partageons votre volonté, Monsieur le ministre, qui rejoint celle de ce gouvernement, et vise à réformer la société en profondeur.

Cependant, cette modernisation doit se faire en concertation étroite avec les parlementaires, qui votent l'impôt, et avec les élus locaux, inquiets des conséquences que la réforme pourrait avoir sur l'aménagement du territoire et sur les services publics de proximité.

Pouvez-vous nous donner des assurances quant au maintien d'un service public de proximité, quant à la préservation des emplois et quant aux modalités de la concertation à venir, afin de rassurer les agents du ministère et les élus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Vous approuvez la volonté de moderniser l'Etat qui était au c_ur de la déclaration de politique générale du Premier ministre. Le vaste effort de rénovation du service public dont il avait parlé est en cours dans le ministère dont j'ai la responsabilité.

Je veux placer en face des usagers, particuliers et entreprises, un interlocuteur unique pour les formalités les plus simples. Cette réforme profitera aussi aux agents, dont la qualité n'est pas en cause. Des garanties seront offertes à ceux qu'elle touchera, leur métier deviendra plus intéressant et leurs carrières seront améliorées.

Le service public y gagnera aussi. Certains considèrent que réformer le service public consiste à supprimer des emplois, pas nous. Nous, nous voulons un service public fort, transparent et proche des usagers.

Le service public de proximité sera maintenu de même que le service rendu par le réseau du Trésor public aux collectivités locales. Pour les impôts, le réseau sera organisé sur la base des centres des impôts existants. Les cartes qui circulent, relevant de la désinformation, sont nulles et non avenues (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Enfin, la réforme entreprise n'a pas pour but de supprimer massivement des emplois. Cela, c'était une autre époque ! (Mêmes mouvements) Nous voulons rendre le service public plus efficace pour renforcer certaines de ses missions telles que le contrôle fiscal, l'accueil des usagers ou le conseil juridique aux collectivités locales, tout en améliorant la formation et les perspectives de carrière des agents.

Pour ce qui est de la concertation, après en avoir débattu ce matin en commission des finances, je prends l'engagement solennel qu'elle se poursuivra avec les élus au niveau national et départemental sur les projets et non sur les décisions. Florence Parly et moi-même veillerons au respect scrupuleux de cet engagement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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LOI SUR LES ANIMAUX DANGEREUX

M. Bertrand Kern - La loi du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants est entrée en vigueur le 6 janvier dernier. Elle comporte des mesures destinées à exercer un contrôle sur les chiens dangereux tels que les pitbulls dont l'acquisition, la vente et l'importation sont interdites et la stérilisation obligatoire.

En cas de non-respect de ces dispositions, les propriétaires de ces chiens s'exposent à des sanctions administratives et pénales pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement. Mais l'application de ces mesures très dissuasives se révèle difficile. Nombre de nos concitoyens, satisfaits que le Parlement ait légiféré sur cette question, souhaiteraient que la loi soit appliquée.

Pouvez-vous, Monsieur le ministre, dresser un premier bilan de son application et exposer les mesures que le Gouvernement envisagerait de prendre pour en améliorer la mise en _uvre ?

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Chevènement, retenu par une réunion à Berlin. Je partage votre sentiment sur l'inquiétude que les chiens d'attaque suscitent dans nos villes. Les agressions qu'ils ont commises ont justifié le recours à la loi.

C'est ainsi que la loi du 6 janvier 1999 a imposé des obligations aux propriétaires de chiens, qui ne peuvent être ni des mineurs, ni des personnes ayant subi une condamnation. Les animaux dangereux doivent être tenus en laisse et muselés sur la voie publique ; ils n'ont accès ni aux transports en commun, ni aux lieux ouverts au public. Ils doivent être stérilisés et déclarés en mairie.

Des sanctions sont prévues en cas de non-respect de ces dispositions. Les fonctionnaires de police et de gendarmerie peuvent exiger la production des documents d'identification de l'animal. La préfecture de police de Paris dispose d'une équipe cynophile pour intervenir en ce domaine. Un décret a été publié au Journal officiel du 30 décembre 1999, il est notamment relatif aux formulaires de déclaration en mairie. Toutes les informations ont été portées à la connaissance des mairies.

Au vu des premiers résultats, une campagne d'information pourra être organisée en liaison avec le ministère de l'agriculture. J'insiste sur la détermination du Gouvernement, donc des forces de police et de gendarmerie, à faire appliquer la loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS

M. Jean Rigal - Ma question a trait à la gestion des déchets radioactifs. Mes compatriotes aveyronnais sont inquiets, comme le sont sans doute les habitants de 71 cantons répartis sur 16 départements. En effet, vendredi dernier, ils ont appris par la presse qu'une « mission collégiale de concertation granit » avait identifié quinze massifs granitiques, dont celui dit de Sanvensa, dans l'Aveyron, pour accueillir des laboratoires souterrains d'étude du stockage de déchets radioactifs en couches géologiques profondes.

Y a-t-il eu une volonté de rétention d'informations de la part d'un organisme officiel, ou, au contraire, une « fuite » délibérément organisée par des organisations beaucoup moins officielles, pour affoler la population et les élus ?

Certes, il est légitime que les pouvoirs publics se préoccupent, conformément à la loi du 31 décembre 1991, de la gestion à long terme des déchets radioacifs. Mais la transparence est de rigueur sur un dossier aussi sensible. En effet, les déchets peuvent rester radioactifs pendant plusieurs milliers d'années et le stockage en couches géologiques profondes est de plus en plus contesté.

Les élus territoriaux, en particulier ceux des cantons aveyronnais, s'interrogent donc sur une démarche qui pourrait avoir des conséquences désastreuses pour le développement d'une région à forte vocation agricole et touristique.

Pouvez-vous nous indiquer, Madame la ministre, comment a été diffusée l'information dont j'ai fait état et les intentions du Gouvernement sur ce dossier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - La loi de 1991 dégage trois voies de recherche pour la gestion des déchets radioactifs : la transmutation, le stockage en sub-surface et le stockage en profondeur.

Pour ce dernier, la décision a été prise de créer un laboratoire en site argileux à Bure, dans la Meuse, et de rechercher un deuxième site, en terrain granitique cette fois. L'ANDRA a confié au BRGM le soin d'identifier a priori les zones qui pourraient convenir. Une commission de scientifiques, assistée de la commission nationale d'évaluation créée par la loi Bataille, a émis un avis favorable pour 15 des 350 sites identifiés initialement.

Une commission collégiale de concertation, dont les membres ont été désignés par le ministre de la recherche, par le secrétaire d'Etat à l'industrie et par moi-même recueillera l'avis des élus et des populations sur ces quinze sites.

Ce n'est qu'au vu de son rapport que des études plus approfondies seront entreprises avant toute décision définitive.

Cette commission de concertation a été créée par un arrêté du 19 novembre 1999. J'ai insisté auprès de ses membres sur la nécessité de vérifier non seulement la faisabilité technique mais aussi sociale du projet ainsi que son intégration dans le développement territorial. Il était normal que les trois missionnaires prennent de premiers contacts de courtoisie avec les présidents de conseils généraux et les parlementaires.

Toutes les informations sont disponibles sur les sites Internet de l'ANDRA et de mon ministère. J'ai demandé aux missionnaires de jouer le jeu de la transparence et de prendre le temps nécessaire à une concertation loyale et équitable. Cette démarche traduit l'évolution des méthodes adoptées par l'ANDRA (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et plusieurs bancs du groupe socialiste).

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GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS

Mme Sylvia Bassot - Permettez-moi de réitérer la question de l'orateur précédent, votre réponse ne pouvant être considérée comme satisfaisante.

Vendredi dernier, par une fuite dans la presse, -il faudra penser à changer les joints- (Interruptions et rires sur les bancs du groupe socialiste et divers bancs).

Arrêtez votre pétard ! (Mêmes mouvements)

Bref, j'ai ainsi pris connaissance, comme de nombreux élus, de la liste des quinze massifs géologiquement propices au stockage de déchets radioactifs dans le granit.

Cette fuite n'est pas une première puisqu'au printemps dernier les élus avaient pu prendre connaissance dans la presse de la carte des zones éligibles à la prime à l'aménagement du territoire.

L'élaboration de la présente liste, qui concerne cinq cantons de ma circonscription, particulièrement celui d'Athis, s'est encore faite sans que les élus concernés soient tenus au courant. Et cette absence totale de concertation vaut pour tout le territoire : ni les conseillers généraux, ni les maires des cantons retenus pour l'enfouissement de matières nucléaires n'ont été officiellement informés. Le procédé est pour le moins cavalier...

Pourtant, le 19 novembre dernier, trois « missionnaires », comme vous les appelez, avaient été nommés par le Gouvernement afin d'informer les élus et les populations concernés. Qu'ont-ils donc fait depuis ?

Sur un dossier aussi sensible que le nucléaire et qui vous est cher, il y a là un manquement grave au devoir d'information des élus comme de la population.

Le Gouvernement clame son attachement à la concertation, au dialogue et à la transparence. Or sa gestion des dossiers est centralisatrice, jacobine et opaque. Vous ne faites pas ce que vous dites !

Le Gouvernement entend-il, comme il en a l'habitude, se limiter à une concertation de façade avec les élus locaux ? Ces derniers émettront-ils des avis, dont personne ne tiendra compte, les décisions étant déjà prises dans des bureaux parisiens ? Les élus locaux ont-ils encore une utilité aux yeux de ce gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Je suis perplexe : si tout n'est pas rendu public en tous temps et en tous lieux, vous invoquez la tradition d'opacité de l'industrie nucléaire, point sur lequel il m'est arrivé de partager votre avis. Si on communique de façon transparente, sans rien celer, en utilisant les moyens modernes de communication et les rencontres directes avec les élus, vous appelez cela des fuites... (Protestations sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF) Que voulez-vous exactement ?

La commission de concertation n'est pas composée de suppôts du lobby nucléaire mais de M. Mingasson, ancien préfet, de M. Huet, ingénieur général des eaux et forêts, de M. Brisson, ingénieur des mines. Nous leur avons demandé de rompre avec les pratiques passées de l'ANDRA, qui s'apparentaient parfois à l'achat de consciences (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe RCV), et d'assurer le respect effectif d'une procédure de concertation qui prendra le temps nécessaire mais qui doit aboutir à faire mûrir des réflexions sur la base d'un échange d'arguments.

J'entends -et Christian Pierret et Claude Allègre avec moi- me faire le garant de la loyauté et du sérieux de cette concertation. La publication de tous les éléments dont nous disposerons est un premier gage de cette volonté (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

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PLUS-VALUES DE RECETTES FISCALES

M. Philippe Briand - « Les parlementaires de droite avaient raison : l'Etat a engrangé en 1999 de considérables plus-values de recettes fiscales » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), lit-on dans Le Monde de ce soir.

En effet, pour la troisième fois, le Gouvernement s'apprête à annoncer des rentrées d'impôts très supérieures à ses prévisions : plus 13 milliards le 24 novembre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), plus 11 milliards avant Noël (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et, nous dit-on, près de 20 milliards aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Sautter ne qualifiait-il pas MM. Mariani et de Courson de « princes de l'extrapolation » quand ils évoquaient à l'automne une cagnotte entre 30 et 40 milliards ? Vouliez-vous dissimuler ces fonds à votre majorité, certes très dépensière ? Ou s'agit-il d'un manque de compétence de vos experts ?

Il conviendrait aujourd'hui de nous soumettre une loi de finances rectificative destinée, en cette année où la France a battu des records de prélèvements, à rendre aux Français les milliards qui leur ont été pris (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - La croissance est là, c'est une excellente nouvelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Elle apporte, en effet, des recettes fiscales supplémentaires. C'est aussi une bonne nouvelle, que vous connaissez puisque lors de l'examen du collectif, le Gouvernement a rectifié à la hausse les recettes, d'abord de 13 milliards, puis de 11 milliards. Ce qui est aussi une excellente nouvelle, c'est que ces plus-values proviennent de l'impôt sur les sociétés car si les entreprises paient plus d'impôt, c'est qu'elles vont bien, donc que l'emploi va bien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Depuis ce matin, nous lisons et nous entendons les chiffres les plus divers : 20 et même 40 milliards de plus. Ces chiffres sont, bien entendu, fantaisistes. Sur les plus-values fiscales comme sur les déficits, nous serons fixés à la mi-février. Nous avons en effet arrêté les comptes hier et, en dépit d'un système comptable très performant, nous avons besoin de quelques jours pour fournir en primeur à votre assemblée les informations exactes, non une extrapolation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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PERCEPTIONS RURALES

M. Christian Jacob - Monsieur le ministre de l'économie, la semaine dernière des rumeurs, confirmées par vos services déconcentrés, ont fait état de la fermeture prochaine de très nombreuses perceptions. Dans le cadre de la réforme attendue de votre ministère, pour faire des économies, il semble que vous ayez choisi, comme votre majorité en a l'habitude, de dépouiller les campagnes au profit des villes.

Or, si nous sommes tous favorables à la réforme de l'Etat et de ses structures, elle doit se faire au service de nos concitoyens, non à leur détriment. Mieux vaudrait, comme le suggère un rapport parlementaire, regrouper le recouvrement de la redevance, de la taxe d'habitation et d'autres impôts.

Entendez-vous revenir sur votre décision de supprimer des perceptions dans nos campagnes ? Mènerez-vous réellement la concertation annoncée avec les élus ou en avez-vous la même conception que M. Glavany, qui la mène uniquement avec les élus de sa majorité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Chaque membre du Gouvernement a une conception de la concertation qui mérite d'autres compliments...

La vie administrative de nos 37 000 communes est liée à la présence d'un comptable qui peut aussi apporter aux maires les conseils dont ils ont besoin. Je l'ai dit à M. Carcenac -mais peut-être n'écoutez-vous pas les réponses que le Gouvernement fait à la majorité...- le réseau rural des perceptions ne sera pas touché par cette réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste)

Vous le verrez, la concertation aura lieu au niveau départemental, tous les élus y seront associés, notamment en ce qui concerne la répartition des tâches fiscales entre le réseau du trésor public et celui des impôts. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DÉFENSE DU FRANÇAIS

M. Jacques Myard - Il ne se passe pas une semaine sans que nous apprenions que ceux qui ont pour devoir de défendre notre langue la bafouent et la trahissent (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). C'est un haut fonctionnaire des finances qui s'adresse dans un idiome étranger au Parlement européen où il existe partout une traduction simultanée. C'est un PDG d'une entreprise nationale qui impose ce même idiome comme langue de travail de son conseil d'administration. C'est le ministre de l'éducation qui lance des appels d'offres dans le même idiome. C'est le Premier ministre lui-même qui, lors de manifestations publiques à l'étranger, au Québec (M. Le Premier ministre fait un geste de dénégation) et en Chine, s'adresse dans le même idiome à des gens qui ne le parlent pas. C'est enfin, l'Assistance publique de Paris qui refuse de publier des articles de recherche écrits en français et impose cette même langue étrangère. Trop c'est trop !

Nous ne pouvons accepter que le français devienne une langue morte. Nous ne pouvons accepter d'être obligés d'utiliser une langue étrangère comme langue de travail, au mépris de nos intérêts économiques, politiques et culturels, n'est-ce pas, Monsieur Lang ! Après la pensée unique, voilà la langue unique ; après l'exclusion sociale, allez-vous favoriser l'exclusion linguistique ? Quelles mesures compte prendre et respecter le Gouvernement pour qu'en France le français demeure la langue de travail de chacun et pour que l'on puisse vivre et travailler avec elle en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et quelques bancs du groupe socialiste)

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Je ne répondrai pas en breton, ne connaissant pas cette langue. Je n'ai pas besoin de m'en excuser : on ne l'a jamais parlé dans la région dont je suis l'élu depuis 25 ans.

Plus sérieusement, je vous invite à raison garder et à ne pas considérer le français comme une citadelle assiégée par le langue anglaise. On constate, dans tous les pays dits « francophones », la volonté de s'ouvrir à l'anglais. Mais, dans le même temps, et sans que cela soit souligné autant qu'il le faudrait, une grande appétence pour le français se manifeste dans les pays anglophones, et nous essayons de satisfaire cette demande.

Le sommet de Hanoï a fixé, au nombre de ses priorités, le renforcement de l'usage du français dans les organisations internationales, et une ligne budgétaire a été créée, qui vise à la formation à cette fin des diplomates concernés.

Le Gouvernement rappelle aux fonctionnaires qui dépendent de son autorité qu'ils doivent s'exprimer en français dans tous les cas où cela est possible -mais le français n'est pas langue officielle dans toutes les instances internationales.

N'ayons pas de la francophonie une idée étriquée, mais sachons être conquérants, et répondre à la demande qui nous est faite (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La séance suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de M. Ollier.

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

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SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ (lecture définitive)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre demandant à l'Assemblée de statuer définitivement, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur le projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de ce projet de loi en lecture définitive.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Je me réjouis que dix-huit articles aient été adoptés en termes identiques par les deux assemblées. Un consensus a pu être trouvé notamment sur les articles 47 et 48 concernant les conditions de révision des contrats existants, essentiels à la concrétisation de la nouvelle organisation électrique, ainsi que sur l'article 43, relatif aux dispositions sociales, qui introduit des mécanismes de négociation collective, particulièrement utiles dans un secteur où les acteurs vont devenir plus nombreux et diversifiés.

Je salue la qualité du travail réalisé par l'Assemblée nationale comme par le Sénat. Je rends hommage au président de votre commission de la production, M. André Lajoinie, ainsi qu'à votre rapporteur, M. Christian Bataille, qui ont contribué à façonner ce texte.

S'agissant de l'objet légal d'EDF, la rédaction adoptée à l'initiative de M. Lajoinie contient d'utiles précisions par rapport à celle qu'avait proposée le Gouvernement. Nous permettons à EDF d'affronter la concurrence dans des conditions d'équité, tout en conservant son statut d'établissement public.

Le compromis trouvé à l'article 22, largement inspiré par la commission de la production, permet aux producteurs d'acheter de l'électricité pour compléter leur offre. Cette possibilité sera utile pour le bon fonctionnement du marché, mais aussi pour EDF elle-même.

Je me félicite également de l'instauration d'une tarification « produits de première nécessité » et du renforcement du mécanisme d'aide pour la fourniture d'électricité aux plus démunis. Ces dispositions, décidées par votre assemblée à l'initiative de votre excellent collègue Claude Billard et du groupe communiste, concrétisent la mise en _uvre d'un droit à l'énergie pour tous.

Les interventions denses et sensées des membres du groupe socialiste, notamment de MM. Alain Cacheux, Pierre Ducout, Yvon Montané et Jean-Louis Dumont, ont permis de clarifier les possibilités d'intervention des collectivités locales en matière d'autoproduction, d'accès au réseau et de maîtrise de la demande. Elles ont aussi conduit à la mutualisation, par le fonds de péréquation de l'électricité, des coûts liés au maintien du service public dans un but d'aménagement du territoire.

Au nom du groupe RCV, M. Honde a défendu à l'article 42, un amendement que le Gouvernement a repris et qui précise utilement les possibilités pour EDF d'intervenir en matière de maîtrise d'_uvre. M. Hascoët et ses collègues ont, pour leur part, souhaité alléger les contraintes des petits producteurs d'électricité, notamment à partir d'énergies renouvelables. C'est ainsi qu'ils ont proposé qu'une simple déclaration se substitue à l'actuelle procédure d'autorisation et que ces producteurs soient exonérés de la contribution au Fonds du service public de la production d'électricité. M. Desallangre également a apporté son éminente contribution au débat.

Enfin, je ne saurais minimiser l'apport des groupes de l'opposition. Au travers de leurs interventions acérées, MM. Borotra, Goulard et Birraux, bien que s'opposant au Gouvernement sur les grandes options, ont largement contribué à améliorer le texte sur le plan technique et sur le plan rédactionnel. Cela a notamment été le cas à l'article 13 bis, introduit par le Sénat, et relatif aux incompatibilités professionnelles pour les agents du GRT. Ils ont également apporté d'utiles précisions concernant l'habilitation et l'assermentation.

Malgré l'esprit constructif des débats qui avait marqué la première lecture au Sénat, force est de constater que la Haute assemblée a la semaine dernière rétabli son texte initial à l'identique, à l'exception de l'article 21 voté par l'Assemblée à l'unanimité pour faciliter la reconstruction des ouvrages électriques endommagés par les tempêtes de décembre. Je souhaite donc que l'Assemblée revienne aujourd'hui au texte qu'elle a adopté en deuxième lecture, plus conforme aux choix politiques de la majorité.

Je m'attacherai maintenant à ce que les décrets d'application de cette loi soient publiés dans les meilleurs délais tout en organisant toutes les concertations nécessaires. C'est ainsi que seront requis, selon les sujets, les avis du Conseil supérieur de l'électricité et du gaz -présidé par votre collègue, M. Kucheida qui a, à plusieurs reprises, insisté sur la très forte sensibilité sociale attachée à la mise en place du nouveau système électrique français-, du Comité technique de l'électricité, de la commission de régulation de l'électricité qui sera prochainement mise en place, du Conseil de la concurrence et bien entendu du Conseil d'Etat. Mes services veilleront à ce que ces concertations indispensables soient menées à la fois de manière approfondie et rapidement. Le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz sera notamment saisi des premiers projets de décrets dès la promulgation de la loi. Je suis certain que tous les groupes partagent ce souhait que les dispositions réglementaires ne se fassent pas attendre, cette loi devant contribuer à renforcer l'industrie électrique française (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Christian Bataille, rapporteur de la commission de la production - Si je me félicite de la célérité avec laquelle ont travaillé nos collègues sénateurs, je regrette le ton polémique à l'excès de leur rapport. Je me refuse néanmoins à entrer dans une querelle sur les prérogatives respectives de chaque assemblée. J'assure, pour ma part, la Haute assemblée de tout mon respect pour la vénérable institution qu'elle représente et je me réjouis qu'une prochaine loi améliore encore son mode de représentation.

L'Assemblée nationale a trouvé un équilibre satisfaisant pour la transposition en droit interne de la directive européenne. Cela étant, toute latitude avait été laissée aux Etats sur le degré d'application de la directive. L'Union européenne n'est pas responsable de tous les maux, comme on le laisse parfois entendre. En revanche, je trouve choquant que M. Werner Müller, ministre allemand de l'économie et de la technologie, s'immisce dans la politique économique de notre pays en réclamant du Gouvernement français la sortie du nucléaire et la privatisation de EDF, comme il l'a fait dans Le Monde du 29 janvier. Il n'en sera rien et il faut se féliciter que l'Assemblée et le Gouvernement aient réaffirmé en même temps que leur attachement à l'Union européenne, leur attachement au service public de l'électricité et à l'entreprise publique EDF.

Le Sénat a été beaucoup moins conciliant que notre assemblée puisque sur 41 articles, seuls 3 ont été adoptés conformes alors que nous en avions retenu 14 le 17 janvier. Dans ces conditions rapprocher les points de vue devenait une équation insoluble.

Je vous propose toutefois de retenir l'amendement à l'article 21, qui avait été complété par notre assemblée en nouvelle lecture, et qui précise les conditions de reconstruction des ouvrages détruits ou endommagés par les intempéries de décembre 1999.

Je tiens enfin à souligner qu'entre la commission mixte paritaire du 18 novembre 1999 et l'examen définitif de ce 1er février 2000, ne se sont écoulées que quelques petites semaines, qui sans constituer un handicap sur le plan économique, ont permis à la représentation nationale d'exprimer mieux sa volonté, ce à quoi la démocratie a gagné (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Guy Hascoët - Selon nous, cette loi devait réaffirmer certains principes : nécessité d'un service public de l'énergie -à ne pas confondre avec un monopole absolu-, diversification des filières, décentralisation de la production, maîtrise de la demande, renforcement du rôle des collectivités locales qui doivent redevenir des acteurs-clés. Et sur tous ces points, ce texte comporte des améliorations.

Nous serons vigilants sur la façon dont cette grande maison qu'est EDF, et peut-être demain aussi GDF, s'adapteront au nouveau contexte européen. Appels d'offres, contrats, reprise de leur production aux producteurs indépendants : autant de points sur lesquels les comportements devront évoluer. C'est à l'aune de ces évolutions que nous forgerons notre appréciation. Je suis convaincu que l'entreprise publique EDF -et au-delà le service public de l'électricité- ne se trouvera renforcée que si elle accepte de jouer le jeu de manière transparente et sincère avec ses partenaires.

Certains jugent ce texte trop peu libéral, d'autres insuffisamment contraignant, d'autres encore trop abstrait sur la place qui revient aux collectivités locales. Il a, selon moi, le mérite de traduire un équilibre qui n'était pas facile à trouver à l'occasion de la transposition en droit interne de la directive européenne. Il ouvre de nouveaux champs d'action et rend possible la poursuite de la modernisation. Après que nous aurons transposé aussi la directive Gaz et peut-être la directive Énergies renouvelables, le paysage de l'énergie aura profondément changé. Alors sans doute faudra-t-il organiser ici un nouveau débat pour prendre en compte ces évolutions et recadrer notre politique énergétique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. François Goulard - Grâce à l'abstention bienvenue du groupe communiste, cette loi sera très certainement adoptée dans quelques instants.

Nous avons déjà eu des exemples de projets de loi présentés par ce gouvernement dont l'intitulé était une anti-phrase. C'est le cas de la loi réduisant autoritairement le temps de travail qui a été baptisée loi d'incitation à la réduction négociée du temps de travail.

Avec ce projet, nous en avons un second exemple : au lieu de moderniser le secteur de l'électricité, il s'agit d'interdire son évolution, au lieu de développer le service public, d'en organiser, à terme, la nécrose.

Cette loi, il est vrai, est le résultat d'une contorsion entre deux objectifs parfaitement contradictoires : transposer en droit interne une directive européenne libéralisant le marché de l'électricité et satisfaire le parti communiste.

La directive européenne nous imposait d'introduire la concurrence, par étapes et avec des transitions, certes, mais de sorte qu'à terme la concurrence soit la règle et non pas l'exception.

Le parti communiste, lui, considère comme inacceptable tout changement de la position occupée par EDF. Non pas pour des considérations idéologiques, -ce parti n'en a plus guère. Mais les particularités du financement du comité central de l'entreprise EDF ont des charmes auxquels on renonce difficilement...

Monsieur le ministre, vous avez usé de votre habilité pour naviguer entre deux écueils, la condamnation de la France par l'Europe et la condamnation du parti communiste. Mais en évitant Charybde, vous avez heurté Scylla. En donnant satisfaction au parti communiste, vous avez pris le risque de nous mettre en délicatesse avec l'Europe et c'est ce qui se passe.

Ce projet n'est pas une transposition honnête de la directive européenne-à laquelle il n'est d'ailleurs même pas fait référence dans le corps du texte, alors que c'est obligatoire.

Tous nos partenaires européens vous le disent avec de plus en plus d'insistance. Le rapporteur a fait allusion à l'interview du ministre allemand demandant d'ouvrir le capital d'EDF -c'est un ministre socialiste du gouvernement Schröder...

M. le Rapporteur - C'est un non-inscrit !

M. François Goulard - Et en effet comment comprendre qu'EDF puisse acquérir des entreprises de production et de distribution d'électricité dans des pays où le marché a été totalement libéralisé tout en conservant son monopole sur le marché national ? Cette position n'est pas tenable et ne sera pas tenue. L'Europe appelle la réciprocité et vous la refusez. Dans quelques mois ou quelques années, la justice ou la force des choses vous contraindront à changer ce texte. Nous aurons perdu du temps, alors qu'EDF en a besoin pour s'adapter aux nouvelles conditions : cela implique en effet de la part des dirigeants et des salariés un changement profond d'approche de leur métier.

Et le service public, direz-vous ? Vous mettez derrière ce mot une charge émotionnelle qui vous fait parfois commettre des injustices -par exemple quand vous célébrez, à juste titre, l'effort des agents d'EDF après la catastrophe qui a frappé la France, mais oubliez ceux des autres- et aussi des erreurs, car c'en est une que de vouloir faire échapper le service public à toute évolution.

Entendons-nous bien : je souhaite davantage d'efficacité et de moyens pour le service public de la justice ou celui de l'éducation nationale. Mais admettez que les télécommunications, autrefois service public, relèvent aujourd'hui largement de l'économie de marché, tout en conservant des obligations de service public.

Pour l'électricité, quel est notre objectif ? Que tous les Français disposent de l'électricité dans les meilleures conditions économiques possibles. Cet objectif est parfaitement compatible avec la concurrence : il l'est dans les autres pays, pourquoi pas dans le nôtre ? Que vous le vouliez ou non, cette concurrence s'imposera, pour des raisons à la fois juridiques, économiques et techniques.

Le Gouvernement se targue volontiers de modernité. Mais face à un blocage politique, il n'est pas en mesure de conduire une politique de l'énergie conforme aux intérêts du pays. Nous le déplorons, et nous prenons date (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Alain Cacheux - Je voudrais rappeler les axes essentiels qui ont guidé les députés socialistes dans cette transposition de la directive européenne de 1996.

Premier axe, n'ouvrir que progressivement le marché de l'électricité à la concurrence -concurrence dont nous ne sommes pas les chantres permanents, qui n'a pas toujours les vertus mécaniques qu'on lui prête, et dont la logique, surtout si elle est portée à son paroxysme, est contradictoire avec l'esprit et le contenu d'un service public de qualité.

Or, parce que EDF a une bonne image auprès des Français et qu'en décembre, le service public de l'électricité a démontré toute son efficacité, l'opposition feint de croire qu'une concurrence très affirmée n'est en rien contradictoire avec un service public modernisé.

Dans son esprit, toute limitation mise à la concurrence serait le produit d'une conception passéiste. En réalité, il y a bien contradiction entre la logique de la concurrence, surtout quand elle est débridée, et les principes de base du service public de l'électricité. C'est notamment vrai pour la péréquation tarifaire sur le territoire, que la concurrence forcenée mettrait en pièces.

On a évoqué l'exemple de notre voisin allemand : mais celui-ci ne connaît pas le principe de péréquation des tarifs et est donc bien loin de la conception que nous nous faisons de l'égal accès au service public.

Vouloir un service public modernisé, c'est donc respecter un équilibre entre les lois du marché et les principes du service public et les députés socialistes s'y sont efforcés, dans le respect de notre spécificité nationale, du service public à la française.

Que les ultra-libéraux n'en veuillent pas, c'est dans l'ordre des choses. Mais que vous, Monsieur Borotra, qui vous dites gaulliste, vous ne teniez pas à la spécificité française, j'ai du mal à le croire. D'autant que c'est grâce à vous que nous avons pu faire une transposition de gauche de la directive électricité, puisque c'est vous, comme ministre, qui avez négocié en 1996 les marges de man_uvre que nous nous sommes contentés d'utiliser à fond.

Il faut donc voir dans votre attitude un ralliement -factice- d'ailleurs très provisoire à un discours qui n'est pas le vôtre, au nom d'une unité de l'opposition ou bien de la consigne d'opposition systématique au Gouvernement édictée par la nouvelle présidente du RPR.

Cette négociation européenne de 1996 avait d'ailleurs été l'occasion d'avancées non négligeables vers les conceptions françaises du service public.

Dès lors comment nous reprocher de poursuivre ce combat en France et surtout en Europe où les vents ultra-libéraux sont encore puissants ?

Second axe de notre action, défendre les chances de l'entreprise publique dans cette concurrence qui s'ouvre en élargissant le principe de spécialité et surtout en maintenant son intégrité. C'est tout le débat que nous avons eu sur le gestionnaire du réseau de transport.

Là encore certains membres de l'opposition n'ont pu taire l'hostilité de principe, voire la montée d'adrénaline que provoque chez eux la notion même d'entreprise publique.

Toute mesure servant les intérêts d'entreprises privées, fussent-elles hégémoniques, seraient bonnes, alors que toute disposition préservant les chances d'une entreprise publique fût-elle performante et appréciée des Français, serait par nature mauvaise et dépassée.

Il est vrai que vous avez dû atténuer votre discours après les événements de décembre car une grande entreprise pétrolière privée a fait preuve d'irresponsabilité, alors qu'EDF faisait face, avec efficacité et volonté de servir l'usager, aux conséquences de la tempête.

Les socialistes ont été, sur ce point, des pragmatiques ; oui à l'entreprise privée quand elle améliore le service rendu au client, mais oui à l'entreprise publique quand elle se met au service de tous ses usagers, sans oublier les plus démunis. Et quand il y a contradiction entre ces intérêts, on définit une position d'équilibre.

Troisième axe, défendre les responsabilités de l'Etat et des pouvoirs publics dans ce secteur si sensible de l'électricité. C'est le débat sur la commission de régulation de l'électricité.

Enfin, dernier axe, défendre le statut du personnel non pas en vertu d'une conception étriquée de la défense des acquis sociaux, mais parce que l'adhésion du personnel est la condition nécessaire du bon fonctionnement du service public de l'électricité. Pour certains représentants de l'opposition, toute avancée sociale obtenue par les salariés doit être rognée, démantelée, par une concurrence sauvage. C'est même un de leurs principaux objectifs.

Pour nous, les socialistes, ces avantages doivent être préservés. C'est même le sens de notre combat. Si il faut égaliser les conditions de concurrence, qu'on le fasse par le haut et non par le bas.

En conclusion, nous avons réussi à élaborer un texte équilibré, pragmatique, propre à préserver les responsabilités de l'Etat et les intérêts légitimes des salariés des industries électriques et gazières. Je ne sais si cet équilibre durera un demi siècle comme la loi de 1946, mais je suis persuadé qu'il durera bien plus longtemps que de nombreuses personnes, ici et ailleurs, ne le croient. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Franck Borotra - Vous avez fait, Monsieur le secrétaire d'Etat, une distribution des prix très réussie sans oublier personne ou presque... Je pense, par exemple, à M. Meï. J'ai aussi entendu M. Bataille qualifier la Haute assemblée de vénérable -il aurait pu dire respectable- et je suis sûr que cela fera grand plaisir au Sénat ! (Sourires) Quant à M. Cacheux, il a dit qu'il s'agissait d'une transposition de gauche : je pense, pour ma part, qu'il s'agit plutôt d'une transposition gauche, autrement dit maladroite (Nouveaux sourires).

Sans refaire le débat qui a déjà eu lieu, je veux seulement rappeler quelques vérités de bon sens et prendre date.

La loi que vous allez faire adopter s'inscrit dans un contexte politique consternant. Pour la deuxième fois, Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez sciemment rompu le consensus qui existait autour de la politique énergétique de la France. C'est pourtant un sujet qu'il n'est pas souhaitable d'exposer à des remises en causes désastreuses à l'occasion des alternances. Vous l'aviez déjà fait avec Superphénix. Vous recommandez aujourd'hui avec EDF. Ce faisant, vous commettez une faute politique grave. L'intérêt national consiste pour vous à préserver l'équilibre délicat de la majorité plurielle. Votre souci de ne pas déplaire aux communistes fait que la France est le seul pays d'Europe où les communistes font encore la loi !

D'autre part, contrairement à ce que vous prétendez, ce qui est en cause dans cette affaire, ce n'est pas le service public contre le marché ; ce n'est pas non plus EDF établissement public contre EDF entreprise privée. Nous sommes très attachés aux missions de service public d'EDF et notre souci est de valoriser cette grande entreprise publique. Je ne crois pas aux seules vertus du marché et je l'ai déjà prouvé. Mais vous vous trompez sur la notion de service public, qui est pour vous inséparable de monopole, de tutelle de l'Etat, de statut exorbitant du droit commun, de prélèvements sur l'entreprise ou même de pantouflage. Bref, vous avez une vision archaïque du service public.

Le véritable débat porte sur l'intérêt économique de la France et d'EDF. Vous plaidez pour qu'EDF reste en l'état dans un cadre d'établissement public, mais vous croyez à tort que le statu quo est viable alors qu'il est intenable. EDF devra évoluer d'autant plus vite que la pression extérieure sera plus forte. Or, la loi ne lève pas les incertitudes qui pèsent sur l'entreprise publique. Elle la soumet à la loi de la réciprocité parce que vous avez refusé d'introduire un minimum de logique du marché, sans que cela constitue une quelconque garantie pour l'avenir. Vous ne faites que retarder l'inéluctable.

Ensuite, fondé sur un contresens économique et politique, votre projet isole la France. Il n'est conforme à la directive qu'en apparence. Le taux d'ouverture en Europe est supérieur à 60 %. Cette situation porte en elle la logique de la dérégulation généralisée à terme. Si vous aviez transposé la directive avec réalisme, avec le souci d'ouvrir le marché à la concurrence, vous auriez pu, à terme, défendre une spécificité de l'organisation du marché français de l'électricité. Au contraire, en rendant une copie illisible, vous exposez la France à une décision ultérieure prise par une majorité de pays qui ont choisi une véritable ouverture et une dérégulation complète. Vous n'avez pas voulu faire d'EDF une entreprise à part entière, dotée d'un statut de société anonyme, à même de nouer des alliances et de choisir sa stratégie.

Notre débat n'était pourtant que de degré, non de nature. Il aurait suffi de prendre quelques précautions de bon sens sans remettre en cause les limites de l'ouverture à la concurrence.

Comme le disait Marcel Boiteux, « le réseau et son emploi sont dissociés. On n'a jamais songé à nationaliser la circulation automobile pour rationaliser l'emploi du réseau routier ». Le plus sûr moyen de défendre l'entreprise publique est de la libérer des tutelles et des charges qui l'entravent.

Vous auriez pu définir une nouvelle politique énergétique. Vous ne l'avez pas voulu pour des raisons politiciennes et mesquines. Je terminerai en citant Saint-Just : « Ceux qui ne font la révolution qu'à moitié ne font que creuser leur propre tombe ». (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Claude Billard - Nous parvenons au terme de l'examen d'un projet qui modifiera profondément le régime juridique du secteur de l'électricité.

La semaine dernière, une nouvelle fois, l'opposition de droite du Sénat a infléchi le texte dans un sens plus libéral, notamment en ce qui concerne les pouvoirs et le rôle de la commission de régulation de l'électricité, les modalités de soutien à la production décentralisée, l'affaiblissement du rôle des pouvoirs publics dans l'élaboration de la politique énergétique, le statut du gestionnaire du réseau de transport et les conditions d'exercice du négoce.

Sur tous ces points, en deuxième lecture, la majorité plurielle avait rétabli, en l'améliorant le texte adopté en première lecture. Nous nous félicitons en particulier que la loi reconnaisse un droit à l'électricité pour tous et le principe d'une tarification sociale.

Toutefois, les différentes lectures de ce projet n'ont pas modifié notre appréciation sur ses aspects dangereux. En effet, sous la pression de l'Europe d'inspiration libérale, nous sommes contraints de faire place aux intérêts privés dans un système qui fonctionnait, jusqu'ici, au mieux de l'intérêt général.

Même maîtrisée et progressive, l'introduction de la concurrence dans ce secteur n'en reste pas moins contraire à la préservation des intérêts vitaux de notre pays et des besoins de notre pays et des besoins de notre population. En fait, l'ouverture à la concurrence n'a pas pour but de faire baisser les prix en faveur des consommateurs, mais de permettre à des intérêts particuliers de prendre place sur un marché dont la rentabilité peut être énorme.

Il y a, à l'évidence, contradiction entre la logique de la concurrence et celle du service public. C'est avec cette contradiction, que ce projet tente de biaiser en prétendant parvenir à un équilibre.

Alors que ce texte aurait pu, et dû, conforter le service public et limiter les effets néfastes de la concurrence, je crains qu'il n'aboutisse, à terme à un rétrécissement du champ d'action du service public.

Certains veulent dès maintenant aller plus loin. N'est-ce pas le ministre allemand de l'économie qui, jeudi dernier, avant même que notre assemblée ne se prononce, pressait le Gouvernement de privatiser EDF ? Ces propos inacceptables, traduisent une logique avec laquelle votre projet tente de composer.

C'est la principale raison pour laquelle le groupe communiste s'abstiendra, comme il l'a fait depuis la première lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Claude Birraux - La France victime de la tempête panse ses plaies et l'émotion s'estompe. Mais je tiens à renouveler l'hommage de mon groupe à la solidarité, à la conscience professionnelle, au courage et au dévouement des personnels d'EDF, mais aussi, parce qu'ils ont été parfois oubliés, aux agents des entreprises privées, aux agents d'entreprises européennes, publiques et privées qui ont travaillé de concert, dans un même élan de solidarité.

Nous voici donc en dernière lecture. Le Sénat a rétabli son texte, comme l'Assemblée l'avait fait huit jours plus tôt. Faut-il s'en étonner étant donné le peu de considération que la majorité avait manifesté pour le travail du Sénat en commission mixte paritaire ? Ne s'agissait-il pas surtout, au-delà des divergences de la majorité sur ce texte, de donner du Sénat une image négative, au moment où le Parlement examine des textes relatifs à son organisation, et bien que 70 % de ses amendements aient été adoptés avec l'accord du Gouvernement ? D'ailleurs, les déclarations du président de la commission des affaires étrangères ont parachevé l'oeuvre de démolition. A moins qu'il ait confondu « l'inutilité du Sénat » avec celle d'un sénateur de Paris qui lui fait de l'ombre dans une histoire d'élection municipale.

M. Michel Destot - Ça vole bas...

M. Claude Birraux - Cette troisième lecture n'appelle pas de nouveaux développements. Ce texte risque de rendre la position de la France et d'EDF plus fragile.

En étant le dernier pays à transposer cette directive, nous attirons tous les regards et nous attisons le scepticisme de nos partenaires. Après avoir laissé passer la date butoir du 19 février 1999, vous avez laissé croire à l'Union européenne que tout serait bouclé avant la fin de 1999. Le Gouvernement porte la responsabilité d'avoir attendu sept mois après la première lecture à l'Assemblée avant d'inscrire ce texte à l'ordre du jour du Sénat. L'Union européenne, dont la patience a des limites, a déclenché la procédure d'infraction.

Ce texte présente bien des faiblesses vis-à-vis de l'esprit et de la lettre de la directive. Le gestionnaire du réseau de transport, dont l'indépendance n'est pas démontrée, sera soumis à une pression très forte des concurrents d'EDF. En outre les dispositions prévues pour le commerce de l'électricité me paraissent incompatibles avec la règle de la réciprocité, implicite dans la directive.

Vous figez des seuils d'éligibilité ou de puissance d'installations et vous refusez par avance toute souplesse, toute adaptation en fonction de l'évolution du marché et de la situation en Europe.

A vous entêter à réduire le rayon d'action de la commission de régulation de l'électricité, vous ne lui conférez vraiment pas le statut d'autorité indépendante. Quant aux régies, en les privant de la possibilité de faire des offres globales à leurs clients éligibles, vous leur ôtez toute liberté d'action, donc toute possibilité de défendre leur existence.

Autre fragilité de votre texte, les contraintes de statuts que vous imposez à tout nouvel entrant dans la production électrique sur le territoire national. Non seulement cette disposition pourra être contournée puisque l'on peut conquérir des parts en France depuis les pays voisins, mais en outre, selon le conseil supérieur de l'électricité et du gaz, la légalité même de certaines dispositions est sujette à caution.

Je regrette que le Gouvernement n'ait pas saisi la chance que lui offrait la directive de remettre à plat les dossiers du statut, des retraites, dont l'avenir est incertain à partir de 2015, du démantèlement.

Toutes ces lacunes risquent de mettre EDF en difficulté dans sa stratégie de développement européen. Certes, on pourrait imaginer qu'EDF évolue vers une société anonyme détenue par l'Etat. Mais il faudrait pour cela user de subterfuges, certes légaux, pour contourner son statut d'établissement public.

En fait, pour ne pas déplaire à certains membres de sa majorité, le Gouvernement a choisi la stratégie la plus conservatrice, en essayant de faire croire que l'ouverture européenne et la directive n'allaient rien changer, tout en proclamant que l'Europe devait être le marché d'EDF. On a vraiment l'impression qu'il ne croit pas le producteur national capable de relever le défi de l'ouverture européenne. Il gâche ainsi une occasion de moderniser le service public, d'entrer résolument dans l'ère du marché européen. Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

La discussion générale est close.

M. le Président - La commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, ...

M. Franck Borotra - A-t-on essayé ?

M. le Président - ...l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.

Je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.

Ces amendements, conformément aux articles 45, alinéa 4, de la Constitution, et 114, alinéa 3, du Règlement reprennent des amendements adoptés par le Sénat au cours de la nouvelle lecture à laquelle il a procédé.

M. le Rapporteur - L'amendement 2 reprend en effet un amendement adopté par le Sénat qui précise la composition de la commission de concertation consultée par le préfet pour autoriser la reconstruction rapide des ouvrages détruits ou endommagés par les tempêtes de décembre dernier, en y incluant des représentants des DNN et des autorités concédantes ou organisatrices de la distribution d'électricité.

M. Pierre Micaux - L'amendement 1 est identique et je suis quelque peu surpris que la commission l'ait adopté.

Monsieur le ministre, nous n'avons pas discuté de la transposition de la directive européenne, mais de la prise en compte de la directive du PC (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste), dans le cadre des nécessités de la majorité plurielle. Ce ne sont pas des couleuvres que l'on vous a fait avaler, mais des boas, que vous avez quand même digérés...

Comment pouvez-vous soutenir des participations d'EDF en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Amérique du sud et imposer à ceux qui veulent entrer chez nous de subir nos règles sociales et fiscales ? Depuis la première lecture, vous avez fait un virage à 160 degrés (Rire). Tout ce que vous allez y gagner, c'est une série de procès devant la Cour de justice européenne voire devant l'OMC, dont vous aurez ensuite l'outrecuidance de faire payer les dépens par les Français.

M. le Secrétaire d'Etat - Considérant que la composition de la commission consultative était assez explicite, je m'en étais remis à la sagesse du Sénat. Mais si l'Assemblée veut le suivre, je n'y vois que des avantages.

Les amendements 2 et 1, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Je mets aux voix, conformément au troisième alinéa de l'article 114 du Règlement, l'ensemble du projet de loi, tel qu'il résulte du texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés.

L'ensemble du projet, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Bocquet - Le groupe communiste s'est abstenu.

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    ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi modifiant la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports - Le projet que je vous présente constitue le quatrième volet de la démarche de rénovation législative entreprise depuis 1998. La loi du 6 mars 1998 renforce la sécurité des installations et garantit le droit à l'information dans les manifestations sportives. La loi du 23 mars 1999 assure une meilleure protection de la santé des sportifs et donne des moyens exceptionnels à la lutte contre le dopage. Elle a contribué à accélérer la mobilisation des Etats au niveau international. La création de l'agence mondiale antidopage est un pas en avant considérable.

A ce propos, je le dis ici avec une certaine gravité : s'il se confirme que des représentants d'un parti extrémiste et xénophobe accèdent au gouvernement de l'Autriche, il est totalement exclu que la France soutienne la candidature de la capitale autrichienne pour le siège de l'Agence (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste). Je souhaite que cette position, qui relève aussi d'une certaine éthique, soit partagée par l'ensemble de mes collègues de l'Union européenne. Tel sera, j'en suis sûre, le cas.

Enfin, la loi du 28 décembre 1999 concerne principalement le sport professionnel. Elle modernise le statut des sociétés sportives, définit leur relation avec les associations et les collectivités territoriales, interdit toute transaction commerciale concernant les mineurs et protège à la fois les clubs qui ont réalisé un effort de formation et les jeunes eux-mêmes.

On le voit, ces trois réformes se caractérisent par la même volonté de mettre les valeurs humaines au c_ur de l'évolution du sport. Le même esprit anime le dernier volet de ce travail.

Le projet qui vous est soumis aujourd'hui repose sur un triple objectif : assurer l'indépendance et valoriser l'action des associations sportives ; encourager le développement et la démocratisation des pratiques sportives ; organiser enfin un véritable service public du sport, tenant compte du rôle central du mouvement sportif et de la diversité des pratiques. Il était en effet nécessaire d'adapter la loi de 1984 aux enjeux nouveaux.

L'activité sportive concerne à présent 13 millions de licenciés, 170 000 associations, 530 000 bénévoles et 15 000 éducateurs professionnels. Mais l'activité physique ne se limite pas au cadre de l'association ou du club, et l'on estime à 26 millions le nombre de pratiquants. Il est donc nécessaire d'établir des passerelles entre les différentes formes d'activité physique et sportive. C'est l'une des innovations de ce projet.

Sur le plan économique, les évolutions liées au sport sont considérables. Ainsi, les droits de télévision constituent aujourd'hui la première source de financement du sport professionnel avec un montant annuel supérieur à trois milliards. Mais ces droits ne bénéficient qu'à quelques sports et leur répartition reste très inégale au sein même des disciplines considérées.

Quant à la dépense sportive cumulée des ménages, de l'Etat, des collectivités et des entreprises, elle est d'environ 135 milliards.

Les entreprises du secteur emploient quelque 85 000 personnes, soit 35 % de plus qu'en 1994, contre 7 % pour l'ensemble des autres secteurs, et près de 40 000 « emplois-jeunes » à dominante sportive ou d'éducation populaire ont été créés. Cet effectif considérable confirme l'ampleur de la demande sociale en matière d'animation et d'encadrement sportif.

Simple passe-temps masculin de privilégiés fortunés au début du XXème siècle, le sport est reconnu aujourd'hui pour sa capacité à créer du lien social. Source d'épanouissement individuel et d'émotions collectives, il est devenu un nouvel alphabet de la solidarité pour des jeunes en quête de repères, et il joue ainsi un rôle éducatif.

Cette évolution se poursuit, à mesure qu'une place nouvelle est octroyée aux femmes, annonçant une transformation majeure du sport au cours du XXIème siècle.

La mesure nouvelle que je vous propose d'adopter à cet égard, ainsi que les amendements retenus par votre commission visent précisément à placer le sport au c_ur d'une évolution qui constitue, à mes yeux, un choix de civilisation irréversible. Le sport permet encore d'exprimer son appartenance à une communauté nationale multiple.

Ce phénomène, qu'a révélé la dernière coupe du monde de football, se vérifie à chaque fois que les équipes de France participent à un rendez-vous important. Qui aurait imaginé, il y a peu de temps encore que l'équipe de France féminine de handball enthousiasmerait près de 12 millions de téléspectateurs ?

C'est que, face aux inquiétudes suscitées par un certain type de mondialisation, les équipes nationales incarnent une France ouverte sur le monde et solidaire.

Le renforcement du rôle des fédérations, dans le dispositif que je vous propose, traduit aussi cette fonction identificatrice du sport.

Au nombre des autres évolutions constatées, je citerai enfin la démocratisation de certaines pratiques sportives, l'apparition de nouveaux sports et le développement des activités physiques et sportives de pleine nature qui s'inscrivent désormais, avec le schéma collectif du sport, dans une dynamique d'aménagement du territoire.

Je tiens à remercier la commission pour son travail en ce domaine.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles - Merci !

Mme la Ministre - Cela étant, les vingt années qui viennent de s'écouler se caractérisent essentiellement par l'influence croissante de l'économique dans le sport, phénomène qui ne doit pas être diabolisé car, dans une certaine mesure, il contribue à renforcer la reconnaissance sociale du fait sportif. C'est d'ailleurs dans cette perspective que j'organise, le 6 avril, une rencontre avec les dirigeants de grandes entreprises.

Cependant, chacun s'accorde désormais à souligner, y compris parmi les acteurs économiques, les risques résultant de l'utilisation du sport pour servir les seuls intérêts financiers, au détriment de son éthique, de son unité et, finalement des sportifs eux-mêmes.

Les illustrations de ces dérives inquiétantes ne manquent pas : championnats privés, mais aussi rythme infernal des compétitions nationales et internationales qui ne peut que favoriser le recours au dopage, ou encore errements inadmissibles de certains intermédiaires qui gagnent de l'argent en jouant de la situation précaire de jeunes étrangers.

Aujourd'hui, plus encore que par le passé, seule une volonté politique déterminée et partagée pourra préserver et promouvoir les valeurs que l'on prête au sport en termes d'éducation, de culture, d'éthique, de respect de soi et d'autrui et de solidarité, toutes valeurs citoyennes.

Il faut, pour cela, rejeter les inévitables dérives de la déréglementation ou de l'étatisation, en s'inscrivant dans la voie originale, si chère au regretté Nelson Paillou, d'une étroite coopération entre les pouvoirs publics, le mouvement sportif et, désormais, les acteurs économiques.

C'est le sens du présent projet, qui a fait l'objet d'une très large concertation avec le mouvement sportif et tous les acteurs et actrices du sport, et dont la cohérence avec les lois votées en 1998 et 1999 est patente.

Le renforcement du service public du sport constitue notre premier objectif. Le modèle français est fondé sur une étroite complémentarité entre l'Etat, les collectivités territoriales et le mouvement sportif.

Entièrement reformulé, l'article premier affirme la fonction éducative, sociale et culturelle du sport et organise les responsabilités dévolues à tous ceux qui sont chargés de sa promotion et son développement.

Une attention toute particulière est portée à la vie démocratique et à l'égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités et aux pratiques dans les clubs et dans les fédérations, et les décrets d'application reprendront naturellement les recommandations formulées dans le rapport de M. Asensi.

Notre deuxième objectif est de renforcer l'unité et l'indépendance du mouvement sportif.

Regroupées au sein du Comité national olympique et sportif français, dont les prérogatives sont renforcées par l'article 12, les fédérations sportives disposent désormais de moyens appropriés pour réguler les aspects économiques des pratiques sportives organisées sous leur égide.

L'article relatif aux intermédiaires encadre précisément leur activité. Je sais combien cet article constituera un point d'appui solide pour les fédérations qui veulent moraliser cette profession.

L'article 19, qui instaure la mutualisation d'une partie des ressources des droits de télévision en faveur du sport amateur, tend à faciliter le fonctionnement des clubs et la formation des éducateurs. Il concrétise la nécessaire solidarité entre le sport professionnel et les autres pratiques sportives.

Vous le savez, cette disposition est approuvée par une très large majorité de l'opinion. Elle est soutenue par celles et ceux qui, dans les associations sportives, admettent de moins en moins qu'une partie des activités sportives draine des sommes considérables et parfois indécentes, cependant que d'autres doivent se débattre avec les moyens du bord.

Cette disposition est reconnue légitime par un avis récent du Conseil constitutionnel, et elle figure, dans son principe, parmi les recommandations du président de la Commission de l'Union européenne visant à sauvegarder les fonctions sociales du sport.

Une mesure similaire a été adoptée par le gouvernement britannique, et une disposition identique vient d'être soutenue publiquement par ma collègue italienne. Lors de la prochaine présidence française de l'Union européenne, je proposerai la généralisation de cette mesure.

Notre troisième objectif est de reconnaître la diversité des pratiques sportives, et de la valoriser.

Tout en soulignant le rôle irremplaçable du mouvement sportif, il importe de reconnaître la diversité des pratiques sportives et de soutenir ceux qui les promeuvent et les organisent. Tel est l'objet de l'article 8, qui reconnaît l'apport des associations de jeunesse et d'éducation populaire.

En ce qui concerne les sports de pleine nature, plusieurs amendements visent à concilier liberté et sécurité. Je m'en félicite. J'organise d'ailleurs, en avril, une journée de travail regroupant tous les partenaires concernés.

Afin d'associer l'ensemble des acteurs du sport, le Conseil national des activités physiques et sportives devra pleinement remplir sa fonction d'échanges et de propositions. L'article 25 lui attribue explicitement cette mission et lui confie le pilotage de la politique de recherche dans le domaine du sport et l'examen des normes d'équipements sportifs établies par les fédérations.

Des amendements visent à élargir encore ses missions, notamment pour ce qui concerne la place des femmes.

J'attache une très grande importance à ce que les textes d'application nécessaires au bon fonctionnement de cette instance paraissent très rapidement après la promulgation de la loi. Je peux déjà vous informer que j'envisage sept collèges regroupant des représentants du CNOSF, des ministères concernés, des élus, des entreprises, des confédérations syndicales et patronales, des éducateurs sportifs ainsi que des experts et des personnalités qualifiées.

La consolidation du sport de haut niveau constitue notre quatrième objectif. C'est pourquoi l'article 21 renforce le rôle majeur de la commission nationale du sport de haut niveau. Quant à l'article 22, il donne une base législative à la reconnaissance des droits et des obligations des sportifs de haut niveau.

Les articles 23 et 24 améliorent notablement leurs possibilités d'emploi dans la fonction publique et dans les entreprises publiques et privées. Je note, à la lecture de vos amendements, que vous souhaitez élargir encore l'accès au sport de haut niveau.

Notre cinquième objectif est de moderniser l'organisation de l'encadrement des activités physiques et sportives. L'article 32 y tend, qui prévoit l'intégration du dispositif dans les règles communes du droit du travail et de la formation professionnelle. Cela permettra une meilleure protection des salariés, la reconnaissance du paritarisme social et la validation des expériences acquises, qu'elles soient professionnelles ou bénévoles.

Si le sport est désormais reconnu à sa juste place, il ne peut pas s'affranchir des règles communes de la vie sociale et économique.

Il ne saurait être asservi à des logiques qui lui sont étrangères et, encore moins, être soumis aux seules lois du marché et des intérêts financiers. Il lui faut donc affirmer sa spécificité. Le présent projet a pour ambition de contribuer à cet objectif. Ce texte, votre commission a souhaité l'amender, parfois sensiblement, sur une série de points. Je note avec satisfaction que, loin de remettre en cause les fondements même du texte initial, nombre de ces amendements renforcent la démarche du Gouvernement. J'apprécie en particulier vos propositions en faveur des bénévoles. Si votre Assemblée adopte ces propositions, tous les bénévoles y verront le signe que leur rôle irremplaçable est clairement reconnu. Elles constitueront donc une avancée considérable.

Le débat que nous allons engager et les mesures qui en découleront sont très attendues. Je sais qu'au-delà des différentes sensibilités politiques, il existe, dans cette assemblée, un attachement particulier à la place du sport dans notre société et je sais que nous sommes nombreuses, nombreux, à lui assigner un rôle dans la libération humaine (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Patrick Leroy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Est-il indispensable de légiférer une huitième fois pour modifier la loi du 16 juillet 1984 ? Depuis les élections de 1997, nous sommes déjà intervenus à quatre reprises.

La loi du 6 mars 1998, a permis de renforcer le dispositif de sécurité mis en place en 1992, afin que la Coupe du monde de football se déroule dans de bonnes conditions. Notre collègue Henri Nayrou, qui en fut le rapporteur, a pu se féliciter du travail accompli : même si c'est encore trop, on n'a déploré qu'un seul accident grave ; la victime, le gendarme Nivel, se remet peu à peu, et ses agresseurs ont été condamnés. Les quelques fraudes à la billetterie ont été jugées ou sont en cours d'instruction.

Le projet relatif à la préservation de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, que M. Alain Néri a défendu comme rapporteur avec la conviction qu'on lui connaît, est né des inquiétudes manifestées par l'ensemble du monde sportif. On nous fait souvent le reproche de légiférer après un scandale, mais les événements survenus pendant le Tour de France 1998 allaient donner une éclatante justification au travail législatif en cours. Ceux qui évoquaient le risque de créer une distorsion de concurrence au détriment de notre pays peuvent être rassurés par l'action que vous avez menée sur le plan international Madame la ministre, qu'illustrent la signature d'accords internationaux, notamment avec votre homologue australienne avant les Jeux olympiques de Sydney, et la création de l'Agence internationale de lutte contre le dopage.

La loi du 15 juin 1999 relative à la délivrance des grades des arts martiaux, que j'avais proposée au nom du groupe communiste a mis un terme au problème de la validation des grades attribués par les différentes fédérations.

La loi issue de la proposition de notre collègue Jean-Marc Ayrault, est en vigueur depuis le 28 décembre dernier. Elle met les clubs professionnels à armes égales avec les grands clubs européens...

M. François Rochebloine - Non !

M. le Rapporteur - ...leur donne la possibilité de recevoir des subventions et protège les jeunes candidats au football professionnel.

M. Alain Néri - Très bien !

M. le Rapporteur - Il faut maintenant poursuivre ce qui a été si bien commencé . Votre projet, Madame la ministre, poursuit l'_uvre de moralisation entreprise depuis 1997, instaure une démocratisation à laquelle aspire le monde sportif et jette les bases d'une modernisation améliorant la sécurité des pratiquants.

Moralisation, d'abord. La profession d'intermédiaire fait l'objet d'une réforme propre à écarter les indélicats. La commission a fort utilement étendu l'interdiction de la profession à toutes les personnes ayant fait l'objet de condamnations figurant au casier judiciaire n° 2. Elle a maintenu les dispositions prohibant le cumul de responsabilité au sein d'un groupement sportif partie au contrat pour lequel l'intermédiaire serait mandaté. Elle a réaffirmé l'interdiction de percevoir des commissions du joueur et du club simultanément. Elle n'a pas repris l'interdiction relative au contrat concernant un mineur, redondante avec la mesure adoptée dans la loi du 28 décembre dernier, mais a adopté une disposition contraignant l'intermédiaire à obtenir l'autorisation de la fédération concernée.

La précédente loi avait permis le rétablissement des subventions aux clubs sportifs professionnels sous conditions de ressources et en contrepartie de missions d'intérêt général ; ce projet tend à limiter la somme qu'une collectivité locale peut dépenser auprès d'un club professionnel pour une opération publicitaire valorisant son image.

Dans la loi de finances pour 2000, Madame la ministre, vous avez fort judicieusement fait adopter une taxe de 5 % sur les droits de retransmission télévisée des manifestations sportives les plus médiatisées, au profit des disciplines moins en vogue et des petits clubs. Cette manne de 150 à 180 millions permettra d'indemniser les bénévoles et de rétribuer un encadrement qui fait aujourd'hui cruellement défaut. Les clubs disposant de ressources inférieures à 500 000 F, hors subvention, pourront en outre bénéficier à nouveau d'une garantie d'emprunt accordée par une collectivité ; les conditions drastiques qui sont posées éviteront toute dérive.

Enfin, les conditions d'exercice du sport de haut niveau seront mieux précisées, s'agissant des études, de l'emploi et de la formation des sportifs.

Démocratisation, ensuite. Votre projet subordonne l'agrément d'une fédération à l'existence dans ses statuts de dispositions favorisant d'une part l'égal accès des hommes et des femmes aux instances dirigeantes, d'autre part une meilleure représentation des licenciés. Il suffira aux fédérations de se conformer aux statuts types fixés par décrets en Conseil d'Etat. La commission propose de surcroît que les élections des représentants soient organisées par scrutin de liste, en excluant les listes bloquées, avec pouvoir délégué limité à une seule procuration.

Le droit d'accès des personnes handicapées aux activités physiques fait également l'objet d'un rappel indispensable, que ce soit à l'école, dans les établissements spécialisés ou dans les associations sportives scolaires, universitaires ou d'entreprise.

Démocratiser, c'est aussi mieux reconnaître les bénévoles. La commission a donc voulu combler une lacune du projet en reprenant la faculté de favoriser le bénévolat ouverte dans le cadre des conventions relatives à la réduction du temps de travail ; l'initiative en revient à nos collègues de l'opposition qui semblent, comme l'a fait remarquer le président Jean Le Garrec, prendre peu à peu conscience du bien-fondé de cette loi...

Relève de la même démarche la reconnaissance du travail accompli par les organisations de jeunesse et d'éducation populaire, les fédérations affinitaires et multisports. Le projet les autorise à édicter des règles techniques pour les pratiques sportives qui ne font pas l'objet de la délégation ministérielle mentionnée à l'article 17 de la loi de 1984. La commission a adopté un amendement dont la rédaction lève l'équivoque relative aux disciplines dont les fédérations délégataires ont la charge. Sait-on que le saut à la perche et le triple saut féminins, dont les épreuves officielles sont désormais organisées par la Fédération française d'athlétisme, ont d'abord été mis au point par la fédération sportive et gymnique du travail ?

La reconnaissance de cet univers sera nettement améliorée par une présence au sein du Conseil national des activités physiques et sportives qui, bien que créé en 1984, n'a jamais vu le jour.

Modernisation enfin. Elle passe par des mesures concernant l'enseignement, l'encadrement et la sécurisation des pratiques sportives.

Il n'est pas question d'amoindrir l'exigence de sécurité des pratiques, mais, force est de constater, qu'une exigence de diplômes trop systématique nuit au développement de l'emploi, voire favorise les pratiques hors la loi. La commission a cherché à améliorer les dispositions de votre projet en supprimant la référence à une liste de disciplines « à risques ».

Le développement d'activités nouvelles, en particulier en pleine nature, rend nécessaire la mise en place d'une base de réglementation. Participe aussi de la modernisation le renforcement des pouvoirs du CNOSF.

Adapter la formation des professeurs d'école, équiper les nouveaux collèges et lycées d'installations sportives, donner aux établissements de l'enseignement supérieur la possibilité d'autoriser l'accès de leurs installations aux associations sportives et aux collectivités territoriales, sont des idées de bon sens. Toutefois, il conviendra de déterminer ce qu'on entend par formation au sein des IUFM.

Formation générale de base pour tous les futurs enseignants ou institution de « dominantes » qui pourrait conduire à une spécialisation de l'éducation physique et sportive ? Le débat reste ouvert.

La conciliation, préalable à tout recours contentieux en cas de conflit entre une fédération et l'un de ses adhérents, sera désormais obligatoire pour toutes les fédérations agréées. Le président de la conférence des conciliateurs, nouvelle autorité créée par ce projet, aura à juger du bien-fondé de la saisine, ce qui permettra d'éviter toute man_uvre dilatoire pour obtenir par exemple qu'une sanction soit suspendue. Dans le même esprit, la commission a étendu la faculté d'écarter la conciliation pour les faits de violence manifeste. La commission propose par ailleurs de fixer un délai-limite pour que le conciliateur fasse connaître sa décision et que les parties puissent la contester.

L'enjeu de ce projet de loi est considérable puisqu'il vise à adapter la loi de 1984, laquelle organise la pratique du sport en France de la maternelle jusqu'à la participation aux Jeux Olympiques. Tel qu'amendé par la commission, ce texte équilibre les pouvoirs, renforce l'unité du monde sportif et permet d'éviter les dérives en matière d'éthique sportive que provoquerait un libéralisme sauvage (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Mme Catherine Picard, au nom de la Délégation aux droits des femmes - Ce texte entend rénover les structures du mouvement sportif, démocratiser encore l'accès au sport, ouvrir plus largement le monde sportif sur la vie locale, renforcer l'unité du mouvement sportif, du sport de haut niveau à la pratique amateur quotidienne, facteur important de cohésion sociale.

La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a été satisfaite d'y trouver une volonté politique en faveur du développement du sport féminin mais aussi d'une meilleure représentation des femmes dans les instances sportives. Si les succès remportés par les sportives françaises ont amené un nombre croissant de jeunes filles à pratiquer un sport en club, les instances dirigeantes des clubs et des fédérations demeurent des univers largement masculins. En 1999, sur 102 fédérations, deux seulement avaient à leur tête une présidente et sur 52 postes de directeur technique national, seuls trois étaient occupés par des femmes. L'évaluation de la situation dans les clubs, engagée par le ministère, démontre elle aussi la faiblesse du nombre de femmes ayant accédé à des responsabilités.

En vue d'inverser cette tendance, le ministère a engagé une réflexion sur le thème des femmes et du sport. Une conseillère technique est d'ailleurs spécialement chargée de ce dossier au cabinet et des relais locaux sont mis en place. Les assises nationales qui se sont tenues les 29 et 30 mai dernier sur le thème « Femmes et sport » ont constitué à cet égard une étape importante.

Il faut que les femmes soient plus nombreuses dans l'organisation des compétitions pour que leurs contraintes spécifiques soient mieux prises en compte. Un progrès en ce domaine sera un atout non négligeable pour la France dans la perspective de l'organisation de la Conférence européenne sur les femmes et le sport, en 2004.

La parité doit devenir la règle pour la composition des organes du mouvement sportif, à tous niveaux -commission nationale du sport de haut niveau, groupes spécialisés, FNDS, CNAPS- comme le prévoit l'article 25. Un rééquilibrage doit également être entamé à l'échelon des fédérations, des ligues et des clubs : c'est l'objet de l'article 5.

Cet article, qui traite du statut des groupements sportifs, modifie la loi de 1984. Il était en effet indispensable d'assurer un fonctionnement plus démocratique et une meilleure représentation féminine dans les organes dirigeants.

Cette dernière préoccupation était déjà présente dans un arrêté du 4 avril 1963 relatif à l'administration des fédérations et des ligues. Celui-ci fixait le principe qu'un siège au comité directeur serait réservé à une femme pour chaque tranche de 10 % de licenciées féminines dans l'effectif total.

Malgré l'entrée en vigueur de ces dispositions de nature réglementaire et leur consécration par la jurisprudence, la place des femmes dans les organes dirigeants du monde sportif n'a que très faiblement progressé. Si le sport féminin, de masse comme de haut niveau, s'est développé, le mouvement ne s'est malheureusement pas étendu aux échelons d'administration et de direction.

Il faut fixer des objectifs d'augmentation de la représentation des femmes et se donner les moyens de les atteindre. Le Comité international olympique a déjà invité les comités nationaux à agir auprès des organes du mouvement olympique pour qu'ils relèvent la représentation féminine dans leurs instances de 10 % à l'échéance 2000, puis de 20 % à l'horizon 2005.

Il conviendra de sanctionner ceux qui refuseront une telle évolution. La procédure d'agrément ministériel prévue à l'article 5 peut en donner l'occasion. Le décret du 13 février 1985 ouvre la possibilité à l'Etat de retirer son agrément à une structure sportive qui aurait cessé de remplir les conditions requises à cet effet. Toutefois, si l'agrément est nécessaire pour obtenir des subventions d'Etat, il ne l'est pas encore pour en obtenir des collectivités locales. L'extension de cette exigence serait opportune.

La délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes a jugé utile de formuler certaines recommandations afin de renforcer encore l'efficacité du texte.

Il faut tout d'abord subordonner l'octroi de l'agrément à l'adoption de dispositions statutaires favorisant réellement la démocratisation du mouvement sportif, et l'égalité d'accès des hommes et des femmes aux instances décisionnelles. Il conviendra donc de modifier les conditions d'agrément fixées par l'article 8 de la loi de 1984. La date limite de mise en conformité des groupements sportifs avec les nouvelles dispositions pourrait être fixée au 31 décembre 2000 ou au 30 juin 2001. Le principe de parité devra s'appliquer également au Conseil national des activités physiques et sportives. Un bilan annuel devra par ailleurs être effectué par le Gouvernement, afin d'évaluer l'efficacité du dispositif et d'arrêter les mesures à prendre pour atteindre les objectifs fixés. L'Etat devra allouer en priorité ces subventions aux structures satisfaisant aux exigences de démocratisation et de féminisation. Enfin, la fonction éducative, sociale et culturelle du sport pour tous et pour toutes n'étant plus à démontrer, c'est à tous les niveaux que les femmes et les hommes doivent être représentés de façon équilibrée dans les fonctions d'administration, d'encadrement et d'animation. L'Etat et les collectivités locales doivent prendre toute la mesure de cette exigence, en particulier dans le cadre des actions d'animation sportive et de développement de l'accès au sport menées dans les quartiers difficiles et en milieu rural.

Démocratiser le mouvement sportif à tous les niveaux : tel est bien l'enjeu. Les membres de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes, qui appellent de leurs v_ux la réalisation des objectifs de ce projet de loi, lui apportent leur soutien le plus net (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je tiens tout d'abord à vous remercier, Madame la ministre, pour votre totale disponibilité auprès de la commission. Celle-ci, passionnée, comme vous le savez, par la chose sportive, a donc pu mener son travail avec grand plaisir et dans de bonnes conditions.

Cette loi, qui complète les deux lois relatives, l'une à la santé des sportifs et au dopage, l'autre aux clubs professionnels, était indispensable.

Il faut tout d'abord, comme vous l'avez fait vous-même, rappeler quelques chiffres. Le mouvement sportif français, ce sont 23 millions de sportifs et 850 000 bénévoles. Mouvement de masse donc où l'on recherche le plaisir, la santé, mais aussi un certain exercice de la citoyenneté et à l'heure où le temps libéré va s'accroître, tous ces objectifs sont importants.

Le mouvement sportif français, ce sont aussi 135 milliards de dépenses, 85 000 emplois créés et ce nombre croît de façon exponentielle, mais c'est également une bulle financière qui à tout instant peut éclater. Il faut donc maîtriser ce risque, ne serait-ce que pour protéger le mouvement de masse.

Ce texte, indispensable disais-je, n'était pas facile à élaborer. Vous vous êtes calée sur la loi de 1984, ce qui était de bonne méthode législative, mais il faut aller plus loin.

De votre texte, se dégagent trois grandes orientations. Tout d'abord, assurer la transparence et renforcer l'unité du mouvement sportif. J'ai encore en mémoire le temps où certains dirigeaient le rugby français depuis un bistrot d'Agen où ils tapaient le carton. Heureuse époque, dont il est plaisant d'évoquer le souvenir, mais aujourd'hui révolue ! Il faut un mouvement sportif transparent et plusieurs articles de votre texte visent à instaurer cette transparence. Que la création de ligues professionnelles assorties de commissions de contrôle n'a-t-elle été décidée plus tôt ! Cela aurait évité à une ville que je ne citerai pas mais que chacun reconnaîtra de connaître le drame qu'elle vit actuellement. La maîtrise des subventions publiques est un autre élément important. Leur liaison par convention à des actions d'intérêt général permettra de sortir d'un flou propice aux dérives.

L'article 8 et nos amendements assurent la démocratisation de la gestion du mouvement sportif par une meilleure organisation des élections et une plus grande présence des femmes -actuellement il n'y en a pas une seule au comité national olympique !

Deuxième objectif, la protection des sportifs de haut niveau par l'indispensable moralisation du rôle des intermédiaires et les dispositions spécifiques aux mineurs. Dans le même ordre d'idées, les articles 23 et 24, qui assurent aux sportifs une continuité de carrière, sont très importants. Je me souviens de l'époque où l'entreprise où je travaillais préparait les sorties de carrière d'hommes comme Delecour, Lissenko, Monclar et bien d'autres. Il faut reprendre cette démarche pour éviter que des sportifs « usés » ne se retrouvent dans des conditions épouvantables. A ce titre, l'amélioration du calendrier des épreuves apportée par l'article 56 amendé est aussi très utile.

Troisième point, le développement du sport de masse et de l'éducation populaire est capital. La redistribution de 5 % des droits de retransmission télévisée est tout à fait justifiée, surtout quand on sait que les sommes ont doublé en un an ! Ces 150 ou 180 millions supplémentaires pour le FNDS permettront notamment de financer des projets pour les jeunes des quartiers en difficulté, qui réapprennent la citoyenneté par la pratique sportive.

Bien entendu, tous les amendements que la commission a adoptés sur le bénévolat -congé de formation, validation des acquis, dégrèvements fiscaux- sont un pas très important. On ne peut plus traiter le bénévolat comme il y a 20 ou 30 ans.

La réflexion sur le développement des sports de plein air doit également se poursuivre.

Sur ces trois grands points, il faut avancer. Les amendements et éventuellement la deuxième lecture (« Il n'y en aura pas ! » sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) amélioreront encore ce qui devrait devenir un grand texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une question préalable déposée en application de l'article 91 alinéa 4 du Règlement.

M. Christian Estrosi - C'est avec une certaine impatience que nous abordions ce débat car ce texte, sans cesse annoncé, a été reporté à de multiples reprises. Certes, nous avons eu droit à des communications en Conseil des ministres mais le projet de loi n'arrivait jamais alors que les problèmes sont aigus.

Le sport subit de profonds bouleversements. Il est donc impératif de prendre en compte ces mutations souvent brutales.

C'est cependant avec une grande déception que nous avons découvert le contenu de votre projet. N'y voyez pas l'approche manichéenne propre au débat politique.

Je refuserai, pour ma part, d'enfermer le sport dans une vision idéologique de la société.

M. le Président de la commission - Qui le fait ?

M. Christian Estrosi - Nous sommes déçus par les lacunes et les erreurs de votre projet.

Vous nous aviez promis une grande loi d'orientation sur le sport. Mais vos ambitions ont fondu au fil des mois. Si certaines dispositions sont positives, l'effet d'annonce prend le pas sur le fond.

Ce texte aurait dû forger les outils du sport français de demain. Je crains qu'il ne serve d'alibi à une nouvelle tentative d'étatisation du sport français. C'est une habitude chez vous, Madame la ministre : nous retrouvons les mêmes techniques et les mêmes arguments que lors du débat budgétaire où vous avez introduit, à cinq heures du matin, un prélèvement sur les recettes des clubs professionnels. C'est la même philosophie que celle de votre projet de budgétisation du FNDS, que nous avons heureusement fait échouer. C'eût été si confortable pour vous que de faire passer votre budget à 2 milliards de francs et de pouvoir désormais distribuer vous-même cette manne. Cette philosophie consiste avant tout à reprendre en main le mouvement sportif et à rogner la liberté des fédérations délégataires.

Après de telles opérations comment voulez-vous que le mouvement sportif, et nous-mêmes, vous fassions confiance ?

Sur ce texte, vous utilisez le leurre du football pour cacher l'ensemble des autres dispositions. Mais le football ne représente pas l'ensemble du sport français... il y a plus de 50 autres fédérations.

Bien sûr, vous avez demandé un rapport de l'inspection sur les centres de formation de football à quelques jours de ce débat.

Nous condamnons naturellement les dérives constatées et nous souhaitons que des réponses adaptées soient trouvées. Mais nous nous interrogeons sur la coïncidence de ce rapport et de notre discussion...

En ce qui concerne les centres de formation, nous sommes favorables à un contrôle accru mais l'évolution doit se faire au niveau européen sinon le sport français sera pénalisé.

Pour en revenir au projet, il semble que vous ne preniez pas toute la dimension du sport en France : vous faites plutôt du clientélisme.

Le sport n'est pas seulement l'objet d'un effet de mode après une coupe du monde réussie. C'est une réalité et une passion partagée et pour nous, un sujet de réflexion et de préoccupation. Il semble que vous sous-estimiez la place qu'il occupe dans notre société, ses dimensions éthique, éducative et économique.

Alors que nous attendions de vous une réflexion globale sur le sport, vous nous présentez un projet médiocre dans lequel vous saupoudrez quelques dispositions sur les sujets à la mode...

Mais le sport contemporain est une réalité très complexe.

Porteur des valeurs les plus nobles de notre société et modèle d'intégration, il est aussi devenu un enjeu économique qui a conduit à des dérives très éloignées de l'éthique sportive. Le drame du Heysel, l'affaire Valenciennes-OM, les scandales du dopage, l'utilisation politique par certains Etats des performances sportives ont gravement remis en cause ce modèle.

Cette situation appelle, bien sûr, une réaction.

Sans rejeter de façon un peu dogmatique ce nouveau paysage sportif, comme vous avez tendance à le faire, il faut tenter d'encadrer ces évolutions.

Hélas, votre projet est bien décevant.

Prenons le cas des fédérations sportives. L'efficacité des structures sportives repose sur la délégation de service public à une seule fédération, de l'ensemble des prérogatives et missions d'une discipline, faute de quoi nous irons au devant de problèmes inextricables.

La coexistence de deux niveaux de décision et d'organisation conduira à un nivellement par le bas, en particulier en ce qui concerne les normes de sécurité.

Actuellement, une fédération délégataire peut confier l'organisation de compétitions à une fédération affinitaire. Il est donc inutile et dangereux de modifier la loi pour atteindre le même objectif. Que vous portiez atteinte à ce principe fondamental d'organisation du sport français trahit les desseins cachés que nous devinons mais que vous refusez d'avouer. Vous n'avez manifestement pas compris que le sport, à l'instar de toutes les autres activités, a subi les conséquences d'une mondialisation brutale, difficile à maîtriser mais incontournable. Vous ne réagissez à cette situation qu'en prenant des mesures obsolètes tout en espérant que le fait de braquer le projecteur sur le football fera oublier le reste de votre projet.

D'autre part, loin de renforcer les fédérations, ce projet les affaiblit, alors que l'Etat devrait les aider à gérer leur sport au quotidien et à évoluer avec leur temps.

S'agissant de la formation, la distinction que vous établissez entre sports à risques et sports sans risques est particulièrement critiquable. Elle traduit une méconnaissance fondamentale de la pratique sportive. Tous les sports peuvent devenir dangereux dès lors qu'ils sont pratiqués dans de mauvaises conditions. Mais vous n'établissez cette distinction que pour rendre moins exigeant le niveau de la formation, à seule fin de trouver un débouché pour les 50 000 ou 60 000 emplois-jeunes qui, dans peu de temps, n'auront plus d'affectation.

En outre, la saturation des centres de formation a privé les titulaires de ces emplois d'une véritable formation ; ils ont appris sur le tas le métier d'encadrement ou d'animateur sportif. Le Gouvernement Jospin avait seulement oublié d'indiquer que ces jeunes, cinq ans plus tard, n'auraient plus de place !

M. Alain Néri - Nous verrons cela en temps utile.

M. Christian Estrosi - Bref, alors que la qualité de la formation sportive n'est déjà pas satisfaisante, vous l'affaiblissez encore pour résoudre un problème politique.

Et que dire des gadgets qui peuplent ce texte ? Ils trahissent un état d'esprit qui privilégie la forme au détriment du fond.

Ainsi, l'article 12, avec la création de la Commission nationale du sport de haut niveau qui nous laisse imaginer que, demain, vous supprimerez l'ordre des avocats ou celui des médecins !

M. Alain Néri - Ce serait une bonne chose !

M. Christian Estrosi - Ou encore l'article 18 qui n'est qu'une déclaration d'intention dépourvue d'effets sur l'accès des personnes handicapées aux disciplines physiques et sportives.

Quant à l'article 5 qui concerne la parité, je m'amuse d'avance de « l'égal accès des femmes et des hommes aux instances dirigeantes » de la danse classique, des ballets ou encore de l'haltérophilie. Pourquoi n'avoir pas inscrit cette disposition dans la Constitution ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mais plus important me semble être l'axe central de votre projet : la mutualisation qui ne suscite apparemment pas l'enthousiasme que vous escomptiez.

Il est vrai que cette idée est à la fois trompeuse, injuste et inefficace.

Trompeuse, car vous opposez artificiellement grandes fédérations vouées aux gémonies et petites fédérations qui devraient recevoir la manne céleste. En fait, les gros paieront et les petits clubs ne recevront qu'un pourboire.

Les clubs devraient, grâce à ce système miracle, pouvoir acquérir un véhicule pour transporter les enfants sur les terrains ; ils toucheront en fait, royalement, 1 000 ou 2 000 francs de subsides de l'Etat... Ils se retourneront donc vers leurs fédérations, qui n'auront plus d'argent ! Voilà un bel effet d'annonce pour un résultat nul !

Idée injuste d'ailleurs, car l'Etat choisira ses pauvres et distribuera les subventions, au gré de ses envies. Dans ce texte, la volonté d'étatisation n'est jamais très loin !

Inefficace, enfin, car c'est vous-même, Madame la ministre, qui avez permis aux collectivités locales de subventionner les clubs sportifs. L'Etat va donc reprendre au football, au rugby, au tennis et au cyclisme, ce que les collectivités locales leur ont donné. Tant pis pour le contribuable local et pour le sport !

Vous voulez que, désormais, les collectivités subventionnent les clubs sportifs professionnels, alors que les petits clubs ne vivent que grâce aux subventions que le conseil municipal leur accorde.

M. Alain Néri, M. Edouard Landrain et M. François Rochebloine - Et grâce aux buvettes !

M. Christian Estrosi - Désormais, le maire va enlever aux petits clubs pour donner aux clubs professionnels, alors que l'Etat prendra aux gros pour donner aux petits !

Pourtant, vous savez que nos grands clubs manquent souvent d'argent. Ils sont placés dans une situation de concurrence inégale face à leurs rivaux européens. Ils subiront, de plus, le poids d'une nouvelle taxe dont nous ignorons les modalités.

Certains, pour moins que cela, dénonceraient un véritable hold-up de l'Etat !

Je ne peux croire, pourtant, que vous ignoriez les effets de la mondialisation. Ainsi, votre projet risque d'aboutir à de nouvelles délocalisations en incitant les fédérations à déléguer hors de France, à leur fédération internationale, les droits de retransmission télévisée de tel ou tel événement, tout en signant une convention leur assurant le reversement de tout ou partie de ces droits. Que ferez-vous, par exemple, si la fédération française de tennis reverse à la fédération internationale de tennis à Londres les droits de Rolland Garros en s'assurant de leur reversement par convention pour participation à l'organisation de l'événement ? De tels montages peuvent avoir des conséquences insoupçonnées. Piètre résultat et tout cela pour satisfaire votre besoin d'affichage politique.

Bien entendu, les grands organisateurs d'événements sportifs se détourneront de la France, ce qui risque de nuire à notre candidature aux Jeux Olympiques de 2008.

J'en viens à l'article 22, pour le moins étonnant, de votre projet : la participation des sportifs à des missions d'intérêt général. Il m'apparaît scandaleux d'aborder par ce biais un sujet qui relève de la stricte autonomie des fédérations, qui n'ont pas failli en la matière.

Quant aux sportifs de haut niveau, ils contribuent volontairement et bénévolement plus que n'importe qui, à l'accomplissement de ces missions d'intérêt général.

De même, exiger que les fédérations fixent un calendrier aux sportifs de haut niveau révèle une méconnaissance profonde de la manière dont ceux-ci gèrent leur courte carrière. Comment ferez-vous pour éviter qu'un cycliste ou un footballeur n'ait à participer en même temps à un championnat FSGT et à une compétition organisée par la fédération ?

Bref, le mouvement sportif attendait autre chose du Gouvernement.

Nous aurions souhaité que ce projet donne l'impulsion nécessaire, avant la présidence française de l'Union européenne, à la définition de grandes orientations permettant aux acteurs du monde sportif de lutter à armes égales avec leurs concurrents étrangers.

L'évolution du statut des clubs, en particulier leur cotation en Bourse, un financement des clubs professionnels transparent et conforme à l'éthique sportive, constituent des objectifs prioritaires à définir à l'échelle européenne.

Nous devons mettre à profit la présidence française pour faire progresser l'harmonisation européenne du statut fiscal et social des clubs, notamment en matière de TVA.

Il faut définir quelques principes forts, qui seront respectés sur tout le territoire européen, tels que la préservation de l'intégrité des compétitions, la reconnaissance du rôle formateur des clubs ou encore la primauté des fédérations délégataires.

La France doit être un ferment dans l'Union européenne. La lutte contre le dopage, la préservation de l'esprit olympique, l'égal accès du public aux rencontres sportives, pour éviter qu'après des compétitions à deux vitesses, nous n'assistions demain à des retransmissions à deux vitesses entre télévision non payante et programme à péage, figurent au premier rang des propositions que la France peut formuler.

Nous attendions aussi des initiatives pour coordonner l'action des différents ministères -ministère de la ville et de l'aménagement du territoire notamment, qui dépensent beaucoup d'argent pour le sport. Ainsi, par exemple, telle ou telle association décide d'aménager une salle polyvalente, sans pour autant que le directeur départemental de la jeunesse et des sports puisse participer à la définition du projet, si bien que l'argent du contribuable est consacré à des équipements qui ne sont même pas aux normes.

Je croyais qu'un tel projet pouvait garantir un regard de votre ministère sur les initiatives de tous les autres. Tel n'est hélas pas le cas.

Nous attendions plus et mieux de votre part pour assurer l'avenir du sport et son développement harmonieux. Vous nous offrez un texte fourre-tout où l'on discerne un certain esprit partisan, qui entraîne le sport vers un processus technocratique ; l'éparpillement le dispute à l'aveuglement, et le Gouvernement cherche à remettre en cause le principe selon lequel la charte olympique doit prédominer. Nous attendions une loi d'orientation sur le sport, prenant en considération les enjeux économiques sans oublier l'essentiel, la dimension éthique. Aucune des dispositions de votre projet ne relève ce défi.

Pour toutes ces raisons, il n'y a pas lieu de débattre de ce texte inopportun (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme la Ministre - Peut-on penser au sport sans penser clientélisme, étatisme, politique politicienne ? Vous ne semblez pas y croire, moi si ! Je pense partenariat, travail en commun avec le mouvement sportif, avec tous les acteurs et les actrices du sport. Pour cela, il faut leur faire un peu confiance et ne pas penser que les fédérations ont pour seul objectif de délocaliser leurs moyens ou leurs épreuves. Le mouvement sportif français a montré dans la lutte pour la santé des sportifs et contre le dopage qu'il voulait un sport français net, porteur de valeurs et qu'il était avec le Gouvernement dans cette tâche.

Vous parlez de modernité et de mutation. Mais quel gouvernement a osé aborder les questions du sport professionnel, sinon ce gouvernement ?

M. Guy Drut - Ce n'est pas vrai !

Mme la Ministre - Quel gouvernement a décidé de redonner des subventions publiques aux clubs professionnels pour des buts d'intérêt général ? Ce gouvernement, parce qu'il a pris en compte la réalité économique du sport ! Quel gouvernement a inscrit le sport dans les neuf schémas collectifs pour l'aménagement du territoire ? Ce gouvernement !

Vous parlez de modernité et vous osez encore aujourd'hui parler comme vous l'avez fait de la place des femmes dans le sport, de leur capacité à le pratiquer, de leur capacité à avoir une opinion !

En ce qui concerne le FNDS, nous avons décidé non seulement de ne pas le budgétiser mais de lui attribuer de nouvelles sources de revenus grâce aux bénéfices de la Coupe du monde et, bientôt, grâce aux 5 % de prélèvement. D'ailleurs si ces 5 % ne servent à rien, si, à vos yeux, une voiture, quelques milliers de francs pour un club, ce n'est rien, pourquoi en parler tant ? Il s'agit simplement...

M. Christian Estrosi - D'une machine à perdre !

Mme la Ministre - ...d'une mesure de solidarité destinée à éviter des cassures qui auraient pu être terribles au sein de certaines fédérations.

Enfin, la plus belle façon de porter la candidature de Paris-Ile-de-France aux Jeux Olympiques de 2008, c'est de porter les valeurs du sport comme nous le faisons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Bernard Outin - M. Estrosi a défendu cette étonnante question préalable en nous montrant qu'il voulait débattre de tout... Refuser de mettre à jour la loi de 1984, c'est nier les évolutions. Ce pourrait être une mesure conservatoire, c'est plutôt du conservatisme... Ne pas débattre reviendrait à nier la mondialisation, la médiatisation, les changements de pratique, l'irruption des femmes dans le monde sportif et leurs résultats, l'irruption de l'argent.

Il reste, Monsieur Estrosi, beaucoup à faire, c'est pourquoi le groupe communiste votera contre cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Jean-Claude Beauchaud - M. Estrosi attend ce texte depuis des années, pourtant il veut maintenant que nous retournions dans nos foyers... Ce serait nier à la fois le travail accompli en commission et l'évolution du sport et de notre société depuis seize ans.

Il a par ailleurs une conception surprenante du respect des normes pour les installations, comme si les maîtres d'_uvres n'y étaient pas astreints. Nous n'avons pas la même conception que lui de l'encadrement des activités, pour lui, c'est de l' « étatisation »...

Pour nous, il convient aujourd'hui d'examiner ce texte, de l'enrichir avant de l'adopter. Cette loi est attendue par les sportifs de notre pays, nous voterons contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Guy Drut - Il nous a fallu, en commission, bien des efforts pour tenter de comprendre un texte dont M. Le Garrec a affirmé lui-même ne pas toujours savoir le fil directeur.

Ma position n'est pas facile puisque j'ai été votre prédécesseur, Madame la ministre. Je tenterai de faire profiter l'Assemblée et le peuple sportif de l'expérience acquise en bientôt cinquante ans de pratique. Cela ne vous a peut-être pas sauté aux yeux, mais j'ai fait quelques petites choses avant votre arrivée et l'on verra bien, entre votre nom et le mien, lequel l'histoire sportive retiendra. (Vives protestations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme Catherine Picard - C'est petit !

M. Guy Drut - A semelle, semelle et demie...

Mme Martine David - Vous nous aviez habitué à mieux...

M. Guy Drut - Nous attendions un texte ambitieux, une véritable loi d'orientation. Aussi malgré un accompagnement médiatique important, je regrette comme nombre de parlementaires, y compris de votre majorité, et comme le mouvement sportif, que nous n'ayons à débattre que de ce projet.

Vous avez parlé de concertation, mais je me souviens que le Comité national olympique et sportif français, dont je suis membre, a exprimé, en vain, sa position sur un report de ce texte. Je me souviens aussi que la taxation de 5 % des droits de télévision a été adoptée grâce à un amendement furtif, voté à 7 heures du matin, à la fin de la loi de finances, sans même que la commission des finances l'ait examiné.

M. Alain Néri - Nous l'avons adopté à l'unanimité...

M. Guy Drut - Vous n'étiez que 4 ou 5 en séance...

A l'évidence, ce texte n'est pas prêt. Il a fallu y ajouter en commission, au moyen de 250 amendements, des dispositions concernant des sujets aussi importants que le bénévolat, les sports de pleine nature et même la notion de service public.

Ce projet me semble bien timoré sur les aspects européens, à moins de six mois de la présidence française de l'Union. Le principe de mutualisation risque en outre d'entrer en conflit avec les dispositions communautaires relatives à la libre concurrence et à la libre prestation des services.

On peut en effet imaginer que le prélèvement opéré soit jugé discriminatoire, le sport amateur des autres pays de l'Union ne bénéficiant pas d'aides équivalentes alors même qu'une partie des recettes provenant de contrats signés avec des fédérations françaises seraient allouées au sport amateur français.

Je vous rappelle encore que l'article 88 du traité d'Amsterdam stipule que les aides directes des collectivités locales aux sociétés sportives doivent être soumises à l'approbation de la Commission. A ma connaissance, rien de ce genre n'a été fait.

Enfin, les mesures visant à réglementer la profession d'agents, même si elles vont dans le bon sens, traduisent une vision très limitée de la réalité. Les pratiques dénoncées pouvant évidemment s'exercer à partir d'un autre pays européen, il aurait fallu privilégier une concertation à l'échelle communautaire plutôt que se limiter au pré carré français.

En matière de parité, vous témoignez d'une conception audacieuse de la constitutionnalité. Je n'ai pas d'objection à la parité, mais elle s'applique aux mandats politiques et le nouvel article 3 de la Constitution n'en étend pas la règle aux fédérations sportives ! Le souci d'efficacité aurait dû commander de réunir leurs représentants pour débattre avec eux des moyens propres à garantir une parité que les jeunes filles qui brillent sous nos couleurs n'ont pas attendue pour réussir ce qu'elles entreprennent !

Depuis 1984, le sport a profondément changé, c'est exact. Mais s'il a progressé dans le domaine économique, il a stagné dans le domaine éducatif. M. Néri s'est plus à le souligner en commission, en insistant sur le fait que l'éducation physique n'est pas assurée dans les écoles primaires et que l'Etat faillit donc à sa responsabilité, les collectivités locales étant de ce fait contraintes de pallier cette défaillance. Parfois, M. Néri parle d'or, comme parlaient d'or ceux de ses collègues qui avaient suivi nos propositions d'aménagement du rythme scolaire. Ce que vous proposez en la matière sonne très bien, mais vous ne pouvez ignorer que rien ne se fera aussi longtemps que les activités suggérées devront se dérouler pendant les périodes extra-scolaires !

M. Alain Calmat - C'est des contrats bleus dont vous nous parlez !

M. Guy Drut - Mais je ne me suis jamais caché, à l'époque, de reprendre l'action engagée par la circulaire Calmat-Chevènement ! Pour autant, la lumière ne s'est pas faite à votre arrivée au pouvoir !

M. Alain Néri - Ni éteinte avec votre départ !

M. Guy Drut - Quant à la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire qui n'a pas compris grand-chose à la réalité, elle nous propose des mesures dont on sait qu'elles seront sans effet : les contrats locaux d'éducation s'apparentent au patronage ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Nous aurons l'occasion de revenir sur l'ensemble des articles. Aussi limiterai-je mon propos à deux sujets que j'estime essentiels : les fédérations affinitaires et la mutualisation. Laissez-moi vous rappeler, auparavant, que nous avons voté votre loi contre le dopage et que j'ai eu l'occasion de souligner l'action menée par votre Gouvernement lors de la réunion organisée à ce sujet par le CIO. C'est d'ailleurs à mon initiative qu'une règle a été fixée stipulant que seuls peuvent être candidats à l'accueil des Jeux Olympiques les villes de pays ayant adopté une réglementation antidopage contraignante. La preuve est ainsi faite que l'on peut s'entendre sur les grands principes !

Malheureusement, la vraie modernisation du cadre législatif de notre organisation sportive reste à faire. Le texte que vous nous présentez ne permet pas l'adaptation nécessaire au cadre européen défini depuis 1984 ; d'ailleurs, vous n'avez pas jugé utile la concertation avec nos partenaires, qui avait permis de lancer une initiative commune en matière d'organisation du sport.

J'attendais aussi de votre projet qu'il permette au mouvement sportif français de disposer enfin de moyens qui lui font, pour l'heure, sérieusement défaut. Sait-on assez que l'on comptait 1 800 cadres sportifs pour 9,5 millions de licenciés il y a 10 ans, et 1 683 aujourd'hui, pour 14,5 millions de licenciés ?

J'attendais encore de votre texte que la réforme du statut du bénévolat engagée par Mme Alliot-Marie et poursuivie par mes soins avec M. Juppé s'applique enfin. Or, les dispositions que vous préconisez tiennent des déclarations d'intention plus que de tout autre chose, et elles dépendent bien davantage de la réglementation que de la loi. En outre, certaines sont dangereuses, car elles ont pour effet l'étatisation du sport en France ou le démantèlement d'un dispositif qui avait fait la preuve de son succès. Ainsi de l'article 8, qui, s'il était adopté en l'état, permettrait à toute association de jeunesse et d'éducation populaire d'adapter les règles techniques de toute discipline. Mais quelle est l'utilité d'inscrire dans la loi des pratiques de fait ? N'ai-je pas, moi-même, institué à Coulommiers un triathlon qui regroupe des disciplines assez originales. Y a-t-il besoin de prévoir, que sais-je, le rugby à 17 ou le football avec ballon carré ?

Pourquoi sembler ignorer, par ailleurs, que les fédérations délégataires participent à une mission de service public ? Le président du Comité national olymique et sportif français, M. Sérandour, exposait récemment dans l'Humanité, un journal que l'on peut difficilement taxer de partialité, que « la règle, le jeu, le sport ne peuvent vivre et progresser que si les hommes se rassemblent, s'associent, se fédèrent pour les garantir ». Laissez donc l'organisation sportive française aux fédérations délégataires !

Non seulement vous vous attaquez au système sportif français mais, en outre, vous affaiblissez son image et son attrait en proposant de créer un fonds de mutualisation. Je suis, vous le savez, favorable à l'institution de ce que j'ai moi-même qualifié de contribution sportive généralisée, mais à la condition expresse qu'il s'agisse d'une contribution volontaire et non d'une énième taxe supplémentaire ! Tirer la sonnette d'alarme, comme cela a été fait, oui, mais que l'on ne cherche pas à pérenniser une mesure qui aurait pour effet de produire des sommes importantes dont nul ne connaîtrait l'affectation. Point n'est besoin de déterminer si 150 ou 160 millions suffisent ou ne suffisent pas : cela reviendrait à ce que vous choisissiez vos pauvres, au terme d'un saupoudrage qui ne servirait pas le mouvement sportif. Comme M. Tapie distribuant des ballons, vous vous apprêtez à distribuer des aumônes ! Mais le sport français n'a pas besoin d'un Robin des Bois pour faire preuve de solidarité !

Mieux vaudrait « taxer Bercy » ! Que n'obtenez-vous de votre collègue que les droits perçus par la Fédération de football, et qui s'élèvent à quelque 8 milliards, soient taxés à 5,5 % au lieu de 20,6 %, comme ils le sont actuellement ? La différence, allouée au mouvement sportif, permettrait des choses autrement grandes que le fonds de mutualisation que vous préconisez !

M. François Rochebloine - Excellente idée !

M. Guy Drut - De quoi souffrent, en fait, les autres fédérations, sinon d'une difficulté d'accès à l'image ? Pourquoi, alors, ne pas appuyer le projet de chaîne sportive cogéré par le CNOSF, et qui demande 150 millions ? Dites aux fédérations de s'arranger entre elles et qu'on ne parlera plus de taxation !

Voilà ce que je voulais vous dire, Madame la ministre. C'était peut-être un peu décousu, mais à l'image de votre projet (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Celui-ci est, en l'état, trop électoraliste pour que nous puissions le voter. Nous verrons ce qu'il en sera à l'issue de son examen par les deux assemblées (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 15.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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