Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1999-2000)

Session ordinaire de 1999-2000 - 51ème jour de séance, 121ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 3 FÉVRIER 2000

PRÉSIDENCE de M. Laurent FABIUS

Sommaire

          DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT SUR LES CONSÉQUENCES
          ET LES SUITES DES INTEMPÉRIES ET DE LA MARÉE NOIRE.......... 2

La séance est ouverte à neuf heures.

Top Of Page

DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT SUR LES CONSÉQUENCES
ET LES SUITES DES INTEMPÉRIES ET DE LA MARÉE NOIRE

L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur les conséquences et les suites des intempéries et de la marée noire qui sont intervenues fin décembre 1999 et un débat sur cette déclaration.

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Vous avez exprimé le souhait d'un débat à l'Assemblée nationale sur les mesures adoptées pour faire face aux conséquences des tempêtes et du naufrage de l'Erika en décembre dernier. Je vous ai dit ma disponibilité à y prendre part. Cet échange a lieu aujourd'hui et le Gouvernement s'en félicite. Je souhaite que cette discussion soit l'occasion d'informer de la façon la plus complète la représentation nationale sur les dispositions que nous avons retenues le 12 janvier dernier. Trois semaines après, elle me permettra de faire un premier point sur leur mise en _uvre.

Le Gouvernement s'est rapidement mobilisé. L'ampleur des dégâts infligés aux deux tiers du pays l'imposait. Les deux ouragans qui ont successivement balayé notre territoire, la marée noire de l'Erika ont atteint beaucoup de nos concitoyens dans leurs proches, dans leur cadre de vie, dans leurs biens et souvent dans leur outil de travail. La solidarité était notre premier devoir. Je me suis rendu immédiatement, comme le Président de la République, auprès de ceux que gagnait parfois un profond et légitime désarroi, pour témoigner de cette solidarité, pour constater l'étendue des dommages, pour voir comment répondre le plus rapidement et le plus efficacement possible aux besoins. Plusieurs ministres ont fait de même. Ce mouvement de fraternité a également été celui de nombreux Français. Je tiens une nouvelle fois à saluer le grand élan qui a porté les bénévoles, les associations, les fonctionnaires de l'Etat, les militaires venus en renfort, les agents des entreprises et des services publics -en particulier les équipes d'EDF- les entreprises sous-traitantes, et aussi les maires, les élus des différentes collectivités, les membres de votre assemblée -sans oublier nos partenaires européens- qui se sont mobilisés pour aider nos concitoyens les plus durement touchés.

Le Gouvernement a souhaité associer étroitement les élus à sa démarche. J'y ai veillé personnellement lors de mes déplacements sur le terrain. L'ensemble des ministres ont multiplié les échanges, recueilli les suggestions et les propositions des élus, cherché à répondre à leurs préoccupations. C'est ce que nous faisons aujourd'hui encore. Et nous poursuivrons ces consultations. Je recevrai le 8 février à Matignon les élus du littoral atlantique pour traiter avec eux les conséquences de la marée noire de l'Erika. Je réunirai le 17 février les représentants des trois plus grandes associations d'élus afin de discuter des réponses apportées aux intempéries.

J'ai présenté le 12 janvier 2000 un plan d'ensemble. Après de premières mesures d'urgence, décidées au terme d'un travail considérable, le dispositif arrêté concerne l'ensemble des personnes et des biens qui ont subi des dégâts. Il vise à porter remède rapidement aux situations de plus grande précarité personnelle ou professionnelle. Il traduit en actes et en moyens financiers la solidarité nationale. Il sera complété et révisé si le besoin s'en fait sentir.

Je souhaite aujourd'hui faire avec vous un premier point sur la mise en _uvre de ce plan.

Nous avons voulu remédier en priorité aux situations les plus difficiles. Pour les particuliers, le risque tempête est pris en charge par les assurances. Le Gouvernement a fait en sorte que les indemnisations interviennent dans les meilleures conditions : les formulaires de déclaration ont été simplifiés, les délais ont été étendus jusqu'au 31 janvier, les expertises et les règlements doivent se faire rapidement. Dans le cadre des contrats multirisques, la franchise a été plafonnée à 1 500 F. Les compagnies d'assurance ont accepté d'élargir le champ des dommages couverts.

Un dispositif de secours a été mis en place en faveur des personnes dont le logement, les biens ou l'outil de travail ont été détruits et qui se trouvent en situation précaire. Pour les aider à faire face aux dépenses de la vie quotidienne, l'Etat complète l'effort de solidarité des communes et des organismes sociaux par une dotation exceptionnelle de 500 millions de francs aux commissions d'aide sociale d'urgence. Des instructions précises ont été adressées aux préfets sur les conditions d'attribution de ces aides et les premiers crédits ont déjà été délégués.

Ceux dont le logement a été endommagé pourront bénéficier de prêts à taux nul pour la réparation des biens immobiliers non garantis par les assurances, comme les vérandas ou les clôtures. Ces prêts seront accordés par les organismes du 1 % logement : une convention portant sur un milliard de francs a été signée à cet effet avec l'Union d'économie sociale du logement. Les prêts à taux zéro du ministère du logement sont par ailleurs ouverts pour l'acquisition d'un nouveau logement en cas de destruction de l'habitation principale.

Enfin, les personnes victimes des intempéries pourront bénéficier de délais pour le paiement de leurs impôts -voire de remises en cas de grandes difficultés-, ainsi que pour celui de la redevance télévision. De même, dans ces situations, des délais seront accordés pour souscrire les déclarations.

L'agriculture est l'un des secteurs les plus touchés. Pour les biens non assurables par nature, la procédure des calamités agricoles a été lancée : la commission nationale se réunira dès le 11 février et les premiers acomptes seront versés avant le 1er mars, afin d'indemniser les pertes de fonds et de récoltes.

Dans l'immédiat, des avances de trésorerie, des délais de paiement, des reports d'annuités et, dans certains cas, des dégrèvements de charges sociales sont accordés, ainsi que des prêts bonifiés à 1,5 %. Les textes nécessaires seront publiés en fin de semaine. Ces mesures spécifiques compléteront le dispositif mis en place en liaison avec la Banque des petites et moyennes entreprises pour toutes les victimes des tempêtes de fin décembre. Le Fonds d'allégement des charges, doté de 200 millions, sera en outre affecté aux exploitations agricoles les plus touchées.

Trois cents millions sont mis à la disposition des offices agricoles d'intervention, l'ONIFLHOR, l'ONILAIT et l'ONIVAL, afin d'indemniser les pertes de production ou les dommages mal couverts par les contrats d'assurance -tunnels de plastique utilisés pour le maraîchage, pertes de production laitière ou abris pour de petits élevages.

Un plan national a été adopté pour la forêt. Il faut en effet évacuer, stocker et mettre en valeur les bois abattus. Deux enveloppes exceptionnelles de prêts bonifiés à 1,5 % ont été prévues. Huit milliards seront consacrés à l'abattage et au dégagement des bois, quatre milliards à leur stockage et à leur valorisation. Les décrets nécessaires ont été publiés hier. Les crédits destinés à la protection sanitaire des forêts, au dégagement, à la réalisation de pistes forestières et d'aires de stockage sont prêts à être engagés. Pour faire face au besoin de personnels qualifiés, un programme d'actions pour l'emploi en forêt a été lancé par Jean Glavany et Martine Aubry, avec pour objectif la formation de 2 500 demandeurs d'emploi.

Nous allons aider les professions forestières à surmonter ce sinistre. Il sera possible de déduire des revenus professionnels des charges liées à la tempête non couvertes par les assurances. Les nouveaux matériels feront l'objet d'un amortissement accéléré. Les exploitants forestiers pourront bénéficier d'un dégrèvement exceptionnel de leur taxe foncière sur les propriétés non bâties de 1999, pour les parcelles atteintes par la tempête. Instruction a été donnée aux services fiscaux en ce sens.

Le Gouvernement fera en outre bénéficier tous les travaux d'exploitation forestière, plantation, débardage, élagage, du taux réduit de TVA à 5,5 % , qui s'applique déjà à l'abattage et au tronçonnage des arbres. La Commission européenne est par ailleurs saisie d'une demande d'extension du taux réduit de TVA à l'ensemble des utilisations énergétiques du bois. D'autres dispositions fiscales sont à l'étude, qui devront tenir compte des spécificités des investissements dans un secteur dont l'horizon est celui de la longue durée.

Avec l'appui du Gouvernement, et particulièrement de Jean Glavany, l'ensemble des professions forestières a décidé le gel des coupes dans les régions épargnées par la tempête. Les bois abattus seront utilisés en priorité. Le surcoût qu'entraîne leur transport est important. C'est pourquoi, aux 200 millions prévus le 12 janvier, nous ajoutons une enveloppe de 500 millions. Une aide forfaitaire de 50 francs par tonne de bois transporté par rail complétera ainsi le tarif exceptionnel décidé par la SNCF. Une aide variant de 20 à 50 francs par tonne en fonction des distances sera accordée au transport par route et par voie navigable. L'objectif est de dégager et commercialiser au plus vite plus de 25 millions de tonnes des essences les plus fragiles.

A plus long terme, il faudra reconstituer la forêt française. Le Gouvernement a prévu un effort considérable pour le reboisement : 6 milliards de subventions y seront consacrés sur dix ans. Les effectifs techniques seront renforcés dans le secteur forestier, grâce au recrutement de 230 agents sur trois ans. La mobilisation des 200 ingénieurs et techniciens forestiers appelés sous les drapeaux en 2000 et 2001 y contribuera. Au total, le plan pour la forêt mobilisera plus de 2 milliards de francs en 2000, soit 500 millions de plus que ce que j'avais annoncé le 12 janvier.

Le littoral atlantique a été touché à la fois par la pollution pétrolière et par les tempêtes, et certaines côtes ont subi les deux. Le Gouvernement traitera donc de la même manière les pêcheurs et les conchyliculteurs affectés par l'un ou l'autre de ces sinistres. Comme pour les agriculteurs, des avances de trésorerie, des reports d'annuités et des dégrèvements de charges sociales seront accordés. La BDPME y apportera son concours quelle que soit l'origine des dégâts. Trois cents millions de francs affectés à l'OFIMER permettront notamment de reconstituer les matériels et les stocks des conchyliculteurs, de réparer les navires et de compenser les pertes d'exploitation des marins pêcheurs. Pour les dégâts de la marée noire, ces crédits permettront également de verser très vite des avances à taux zéro sur les indemnités attendues du FIPOL.

Pour les autres secteurs économiques, le chômage partiel touchant les entreprises privées d'activité par les intempéries sera indemnisé à 100 %. A la demande du Gouvernement, la BDPME a procédé à des avances sur les indemnisations des assurances qui ont atteint 40 millions au 31 janvier. Le FISAC -Fonds d'intervention et de soutien au commerce et à l'artisanat- interviendra avec un premier crédit de 200 millions. Les modalités d'attribution de ce fonds ont été précisées aux préfets par une circulaire du 28 janvier. Un fonds de garantie mis en place auprès de la SOFARIS permet d'accorder 2 milliards de prêts. Comme pour les particuliers, des délais pour les déclarations et le paiement des impôts pourront être accordés aux entreprises frappées par les tempêtes ; le ministre de l'économie et des finances en a donné l'instruction, dès le 13 janvier, à ses services. Enfin, les dégâts causés aux équipements touristiques feront l'objet d'un examen particulier, notamment pour l'hôtellerie de plein air.

Certaines collectivités sont atteintes par les ouragans à la fois dans leurs équipements et leur patrimoine culturel, dans leurs richesses agricoles et forestières, dans leurs ressources économiques. L'Etat leur témoignera sa solidarité. D'abord face aux urgences : 100 millions ont été immédiatement dégagés pour aider les communes les plus affectées. Les dépenses liées aux interventions effectuées par les services départementaux d'incendie et de secours hors de leurs zones de défense seront prises en charge. Comme je l'ai dit le 12 janvier, l'Etat contribuera aux dépenses engagées par les collectivités pour l'intervention de bénévoles, en tenant compte des ressources communales, des charges supportées et du cadre juridique de l'intervention.

Il aidera aussi à reconstruire les biens non assurables. Des subventions exceptionnelles seront versées aux collectivités locales pour les dépenses d'investissement résultant des tempêtes : un milliard y sera consacré cette année. Le taux moyen de ces concours sera de 50 %. Des modulations seront proposées par les préfets pour tenir compte de la taille des collectivités et des catégories de dépenses.

En complément des indemnisations des assurances, l'Etat accordera 200 millions de subventions pour la restauration du patrimoine historique et culturel. Des aides seront également apportées aux collectivités pour les équipements éducatifs et sportifs. L'Etat fera, d'autre part, pour la restauration de son propre patrimoine un effort de l'ordre de 600 millions.

Les communes forestières dont les recettes vont diminuer fortement, soit parce que leur patrimoine forestier est atteint, soit parce qu'elles renoncent par solidarité à des coupes de bois, recevront des aides exceptionnelles pour leur fonctionnement. Les délais de remboursement du Fonds de compensation de la TVA pourront être réduits. Une disposition législative sera soumise à cet effet au Parlement.

Nous devons aussi, bien sûr, traiter avec persévérance les conséquences du naufrage de l'Erika. Les opérations de lutte contre la pollution se poursuivent. Les plans POLMAR terre et mer restent en vigueur. Si l'Abeille Supporter et son robot Triton ont achevé leur travail de repérage des fuites et de colmatage, nous maintenons une surveillance vigilante de l'épave.

Son traitement doit débuter dans les meilleurs délais. Après que j'ai reçu le président de Total, cette société s'est vu confier par une convention signée le 26 janvier la maîtrise d'ouvrage de ce traitement, dont elle s'est engagée à supporter le coût. Son cahier des charges prévoit un contrôle de l'Etat sur le choix des solutions et le déroulement des opérations. La première réunion du comité de pilotage constitué par le Gouvernement s'est tenue le 31 janvier. Regroupant les représentants des ministères concernés ainsi que la préfecture maritime de l'Atlantique, s'appuyant sur un collège d'experts, il assurera la conduite de ces opérations. Sitôt réalisées les études techniques et choisies des entreprises qualifiées, les travaux de traitement de l'épave pourront commencer, rapidement, je l'espère. Je viens de désigner Jean-Claude Gayssot pour coordonner l'action de l'Etat sur ce sujet et veiller à l'information des élus et du public.

M. Jean-Yves Le Drian - Très bien !

M. le Premier ministre - La sécurité et la protection de l'environnement resteront tout au long de ce processus au premier rang de nos préoccupations.

De nouveaux moyens sont dégagés pour le nettoyage des côtes. Le fonds POLMAR a déjà bénéficié de 120 millions, délégués aux préfets. J'ai décidé de l'abonder de 140 millions supplémentaires : 100 millions pour le nettoyage proprement dit, 40 pour le renouvellement du matériel. Le FIPOL a ouvert un bureau à Lorient et les indemnisations interviendront à partir du 20 février.

A la demande de Dominique Voynet, les préfets concernés ont créé dans chaque département une cellule d'évaluation de l'impact écologique de la marée noire. Par ailleurs, le ministère de l'environnement a installé à Rennes un Observatoire des conséquences de la marée noire. L'Etat est attentif à empêcher que de nouvelles pollutions résultent d'un stockage hâtif ou d'un nettoyage inadapté. Ainsi, les déchets pétroliers collectés sur le littoral sont orientés sur le centre de stockage de Donges, et maintenant celui de Paimboeuf. Les coûts du stockage et du traitement des déchets seront supportés par Total. Le Gouvernement a également prévu un dispositif de protection de la santé des bénévoles, face à la toxicité du produit ramassé. Outre des recommandations sanitaires, sur la suggestion de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, des capteurs ont été mis en place dans les zones touchées pour vérifier le taux d'hydrocarbures. La qualité de l'eau est également étroitement surveillée.

Pour la protection des côtes, l'Etat concourra pour moitié aux dépenses engagées par les collectivités pour les travaux d'enrochement et de reconstruction des digues, dépenses évaluées à 150 millions pour 2000.

Le Gouvernement fera tout pour que le rayonnement touristique de ces régions ne soit pas affecté par les conséquences des tempêtes et de la pollution. A l'initiative de Michèle Demessine, des crédits spécifiques seront dégagés, notamment pour restaurer l'image de ces territoires ; 15 millions y sont aujourd'hui affectés.

Au total, pour faire face aux conséquences des deux ouragans comme à celles de la marée noire, les mesures arrêtées représentent d'ores et déjà un effort budgétaire de 4 milliards 600 millions pour l'année 2000 -sans compter les prêts, qui représentent 12 milliards pour la seule forêt. Il faut aussi prendre en compte les 6 milliards prévus sur dix ans pour l'aide à la reconstitution des forêts.

Afin d'aller vite, ces mesures sont d'abord financées en mobilisant les crédits disponibles sur le budget des charges communes dans la loi de finances pour l'année 2000. Au-delà, les moyens nécessaires seront dégagés pour abonder les budgets des ministères concernés ; j'y veillerai avec Christian Sautter et Florence Parly.

Nous solliciterons également les instruments communautaires disponibles. J'ai fait part le 20 janvier au président de la Commission européenne, M. Prodi, de notre souhait de voir s'exercer la solidarité de l'Union européenne, en raison du caractère exceptionnel et dramatique des événements que notre pays a subis. Notre première demande est que les projets nécessaires à la réparation des dommages, dans les soixante-neuf départements sinistrés, puissent être effectivement éligibles à un financement au titre des fonds structurels, ce qui implique une interprétation souple des critères d'éligibilité. Nous souhaitons par exemple que soient éligibles les opérations de restauration ou de reconstruction de l'outil de production des PME, du patrimoine naturel et culturel, les reconstructions d'infrastructures directement liées à l'activité économique, ou encore l'indemnisation des conchyliculteurs propriétaires de navires d'exploitation. La reconstitution du potentiel agricole et celle des forêts sinistrées pourront bénéficier d'un soutien communautaire au titre des crédits de développement rural. Nous avons déjà indiqué à la Commission qu'un renforcement des moyens alloués à la France sera demandé cette année, en soutien du plan national « chablis ». Le Gouvernement demande en outre que des moyens spécifiques soient dégagés, au titre notamment de la pollution marine, de la restauration de milieux vitaux pour les oiseaux et des infrastructures de transport de l'énergie à très haute tension. L'Observatoire du suivi de la marée noire devrait recevoir un soutien communautaire. Nous serons attentifs à la mobilisation rapide des fonds disponibles.

Enfin, le Gouvernement entend tirer les enseignements de ces événements dramatiques.

Nous le ferons d'abord avec les élus. Nous préparons activement le comité interministériel de l'aménagement du territoire et le comité interministériel de la mer qui se réuniront à Nantes le 28 février. Il a été demandé aux préfets d'organiser la plus large concertation avec les collectivités territoriales sinistrées afin que nous puissions arrêter des mesures de réparation sur le long terme. Les nouveaux besoins pourront être pris en compte par des avenants aux contrats de plan Etat-régions.

Vous avez décidé de constituer une commission d'enquête sur la sécurité en mer et le transport maritime des produits dangereux et polluants. Le Gouvernement sera particulièrement attentif à ses conclusions.

Les professionnels devront être associés à la définition des règles nouvelles. Jean-Claude Gayssot réunira dès le 10 février l'ensemble des acteurs du transport maritime, en vue d'élaborer une charte de la sécurité maritime sur la fiabilité des matériels et la qualification des équipages qui permettra ainsi de lutter contre les pavillons de complaisance. Ensuite, nous ferons rapidement connaître les démarches que nous engagerons aux plans national, communautaire et international, afin d'assurer la sécurité maritime et de renforcer et harmoniser les systèmes de contrôle et de sanctions par les Etats du port et du pavillon. La sécurité maritime sera l'une des priorités de la Présidence française de l'Union européenne.

M. Jean-Yves Le Drian - Très bien !

M. le Premier ministre - A l'initiative de Jean-Pierre Chevènement, une mission interministérielle d'évaluation, présidée par M. Gilles Sanson, inspecteur général de l'administration, sera chargée d'évaluer les dispositifs mis en _uvre à l'occasion des tempêtes : prévention, procédures d'alerte des populations, organisation des secours, gestion de crise, normes de construction. Elle examinera la pertinence des pratiques d'assurance des biens des collectivités locales face aux risques de catastrophe naturelle. Cette mission, qui procédera à de larges consultations, commencera ses travaux dans les tout prochains jours.

C'est grâce à la solidarité de tous que les épreuves ont pu être affrontées. Le Gouvernement continuera de déployer ses efforts pour réparer les dommages subis et pour soutenir l'activité économique. Vos interventions contribueront, j'en suis sûr, à enrichir un travail que nous entendons poursuivre avec ténacité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - En ouvrant la discussion, je demande aux orateurs de bien respecter leur temps de parole. Le Premier ministre répondra en fin de séance.

M. François Brottes - Je me félicite de la tenue de ce débat qui confirme que le pays est solidaire des victimes des drames récents et que le Gouvernement veut associer la représentation nationale à l'élaboration et au suivi de réponses à la hauteur des catastrophes.

Membre de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications je rends hommage aux agents du service public qui ont démontré une fois de plus qu'il existe en France un « atavisme du service public » dont nous pouvons être fiers.

Mais c'est le président du groupe d'étude forêt/filière bois de notre assemblée qui s'exprime à présent. Même si l'ensemble des surfaces de bois abattus par la tempête correspond à environ 5 % de la surface de la forêt française, ou encore à 2 fois la croissance biologique annuelle d'une forêt métropolitaine qui a doublé de surface en un siècle et demi, l'impact de la tempête est très important.

Dans certaines régions, des communes ou des propriétaires ont subi une perte de 100 %. Souvent entre 5 et 10 ans de récolte sont tombés, à quoi s'ajoute l'insolence d'une blessure dans les paysages. Les 5 000 kms de chemins de randonnées rendus inutilisables témoignent de l'ampleur du sinistre et le choc prend une dimension historique lorsque dans des parcs et jardins des arbres presque légendaires sont tombés, comme pour nous rappeler que l'arbre pas plus que l'homme n'est éternel.

J'ai confiance dans le plan de la reconstitution des forêts. Les 6 milliards de subvention pour le reboisement sur 10 ans, que vous avez annoncé le 12 janvier dernier, Monsieur le Premier ministre, le souci, de la part des professionnels, d'une sylviculture qui mélange un peu plus les essences, qui pratique la futaie irrégulière et qui valorise la régénération naturelle, une lutte plus efficace contre l'effet de serre grâce à des millions de nouveaux jeunes arbres, doivent nous permettre de relever ce défi. En revanche, dans cette course contre la montre pour sortir et stocker les chablis, ce qui m'inquiète, c'est qu'après le désarroi, la colère de l'impuissance monte, chacun prenant conscience que le temps perdu ne se rattrape pas.

Votre intervention doit permettre à toute la filière de se ressaisir. Le temps est à la fois long et court, car une fois passés les jours de la première urgence, il y eut le temps des évaluations rapides et le plan annoncé le 12 janvier a montré que le Gouvernement avait bien pris la mesure du chantier.

Mais, comme cela est normal, entre l'annonce et la mise en _uvre, il semble s'être déjà écoulé trop de temps, d'autant que l'interprofession est diverse, pas toujours bien organisée.

La réactivité du monde sylvicole n'a rien à voir avec celle du monde agricole. Les conflits d'intérêts entre ceux qui vendent le bois et ceux qui l'achètent ne facilitent pas la définition des bonnes mesures à prendre.

Surtout, l'anéantissement en « un coup de vent » de l'investissement forestier de plusieurs générations a de quoi déstabiliser les meilleures volontés. Le traumatisme chez les forestiers est profond. En outre, certains « prédateurs » profitent de la chute des cours du bois pour réaliser des opérations à forte valeur ajoutée.

Dans le secteur de la transformation du bois, la désorganisation des approvisionnements, les incertitudes sur le prix du mètre cube, les difficultés de stockage, provoquent de la « surchauffe » chez les uns et du chômage technique chez les autres.

Dans l'opinion, donc chez le consommateur, l'émotion provoquée par les images de millions d'arbres abattus risque de pénaliser les différents marchés du bois, alors qu'il faut et qu'il faudra utiliser de plus en plus de bois pour mieux faire vivre la forêt. Le bois, matériau de grande qualité, est présent sur les marchés de l'énergie, de la construction, de l'emballage, du papier carton, de l'ameublement ou encore de la décoration.

C'est donc une crise profonde qui menace une filière employant plus de 500 000 personnes, comme l'avait souligné un rapport de Jean-Louis Bianco. Votre gouvernement, dans la dernière loi de finances, avait déjà augmenté de près de 40 % le budget de la forêt, il avait supprimé une taxe qui pesait notamment sur les scieurs, il avait inscrit le projet de loi forestière au calendrier de cette session, bref, il n'avait pas attendu la tempête pour montrer une détermination sans précédent pour la forêt et la filière bois. Le 12 janvier dernier, Monsieur le Premier ministre, vous aviez indiqué que le premier train de mesures pourrait être complété. Les dispositions que vous venez d'annoncer sont de nature à apaiser les inquiétudes.

Je souhaite que le prochain texte de loi forestière soit l'occasion d'améliorer la fiscalité avec, par exemple, la mutualisation au plan national du risque de chablis, de renforcer la filière et de mieux valoriser les multiples fonctions de la forêt.

Pour l'heure, l'essentiel est d'élaborer le plan de bataille qui, dans chaque département, conduira à ce que les mesures annoncées se concrétisent au plus vite. Sur ce point, votre engagement personnel est un gage d'efficacité.

Monsieur le Premier ministre, votre volonté est claire, la mobilisation des acteurs est forte. Nous devons tous démontrer que, malgré la tempête, la forêt demeure une immense chance pour la France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Didier Quentin - Au nom du groupe RPR, je me félicite de l'organisation de ce débat. Il répond à la proposition que je vous avais faite, le mardi 18 janvier, de dialoguer avec les élus sur les meilleurs moyens de remédier aux suites des intempéries et de la marée noire.

Il me paraît souhaitable de ne pas faire d'amalgame entre ces deux catastrophes, et de parler d'ouragan. En effet, je représente un département qui n'a pas été atteint par la marée noire, et j'espère que vous aurez à c_ur de le constater, Monsieur le Premier Ministre, lors de vos vacances. En revanche, nous avons subi de plein fouet « l'ouragan », appellation qui rend mieux compte du caractère exceptionnel de cette catastrophe climatique.

Je pense à tous ceux qui ont perdu leur vie lors de ce drame, et je salue le dévouement dont ont fait preuve beaucoup de nos compatriotes, des élus locaux aux sapeurs-pompiers et aux personnels d'EDF qui ont fait honneur au service public.

Il conviendra de tirer les enseignements de cet ouragan, qu'il s'agisse de la prévision, des systèmes d'alerte, et de l'organisation des secours, qui se sont montrés d'autant plus efficaces qu'ils étaient plus proches.

Aujourd'hui, notre débat doit surtout porter sur les actions d'urgence. Dès le 31 décembre 1999, Monsieur le Premier ministre, par un courrier adressé aux parlementaires, vous avez fixé le cadre des interventions de l'Etat. Le 12 janvier 2000, vous avez annoncé une série de dispositions et, le 18 janvier, répondant à une question que je vous avais posée, vous vous êtes dit « ouvert à l'idée d'un débat parlementaire sur les conséquences des ouragans ».

Mais force est de constater que, six semaines après ces cataclysmes, la plupart des sinistrés sont toujours dans l'attente des premières indemnisations. Or, il y a urgence !

Il en va de la survie de nombreuses entreprises, dans plusieurs secteurs d'activité : la conchyliculture, la pêche, l'agriculture et l'élevage, la sylviculture, l'horticulture, l'aquaculture, l'artisanat, le commerce, l'industrie, et les professions du tourisme.

Il ne faudrait pas qu'après la mobilisation des premières semaines, des dizaines de milliers de sinistrés cèdent à la déprime, puis à la colère...

Le ministre de l'agriculture, M. Glavany, lors de sa visite en Charente-Maritime, a affirmé qu'en raison du caractère exceptionnel du phénomène, les mesures aussi devront être exceptionnelles.

Un autre de vos ministres, M. Sautter, a déclaré qu'il n'y aurait pas d'impôt tempête.

Effectivement, ces mesures exceptionnelles peuvent être financées par la « cagnotte », ces 45 milliards de plus-values fiscales enregistrées en 1999, même si Mme Parly demeure discrète sur les chiffres.

Les sinistrés attendent que la solidarité nationale, à laquelle ils ont droit, fasse redémarrer les entreprises et finance les réparations indispensables à la remise en état de notre patrimoine.

Il appartient à l'Etat de peser de tout son poids pour accélérer l'indemnisation par les compagnies d'assurances. Monsieur le Premier ministre, dans votre intervention du 12 janvier, vous avez déclaré que le ministre de l'économie avait demandé aux compagnies d'assurances de faire preuve de diligence et de compréhension. Or, beaucoup de particuliers et de professionnels rencontrent des difficultés pour la fixation du montant des franchises. L'Etat va-t-il prendre en charge la différence entre la franchise contractuelle et la limite de 1 500 F pour les particuliers, et sous quelle forme ? Y aura-t-il un accord effectif avec les compagnies d'assurances sur cette limitation, ou bien cette instruction sera-t-elle confirmée par voie législative ?

En tout état de cause, même si les compagnies d'assurances font bien leur travail, il restera une part non couverte, comme les pertes d'exploitation ou les dommages aux jardins, parcs et cimetières. Il faudrait répartir l'effort avec les collectivités locales, dans la proportion d'un tiers pour celles-ci et de deux tiers pour l'Etat. C'est ainsi que, dans la région Poitou-Charentes, samedi dernier, à l'initiative du président Raffarin, nous avons adopté un plan triennal d'aide de 600 millions. Nous avons décidé de solliciter de l'Etat 1,1 milliard, dans le cadre d'une convention annexée au contrat de plan.

De plus, comme l'avait demandé le Président de la République, il va falloir veiller scrupuleusement à la bonne application des mesures accordant de nouveaux délais de paiement aux ménages et aux entreprises.

A titre exceptionnel, il faut exonérer de TVA les travaux de remise en état qui sont en dehors du champ d'application du taux réduit de 5,5 %. De même, il importe que les travaux engagés par les collectivités locales soient considérés comme éligibles au fonds de compensation de la TVA. Il serait en effet choquant que l'Etat engrange un bénéfice fiscal au détriment des sinistrés. Forestiers et particuliers doivent encore effectuer un important travail pour abattre et débiter les arbres qui menacent de tomber. Il faudra le terminer avant l'été car, pour les bois de pin, se poseront des problèmes de sécurité liés au risque d'incendie.

Le recours à des personnes non qualifiées et travaillant au noir peut être tentant. Les employeurs, alors en infractions seraient aussi responsables des blessures causées à ces travailleurs. C'est pourquoi je préconise le recours massif à des bûcherons professionnels venus de l'étranger et la mise à disposition par l'Etat de moyens lourds.

Dans mon département de la Charente-Maritime, la conchyliculture et le tourisme ont été particulièrement touchés.

A une question orale que je lui ai posée mardi dernier sur l'urgence de verser les premières aides aux ostréicultures, M. Glavany m'a assuré que toutes les dispositions prendraient effet avant la fin février. J'en ai pris acte et j'insiste sur la nécessité, pour la commission départementale d'indemnisation, d'instruire les dossiers rapidement. Il faut en outre renforcer ses moyens.

D'autre part, j'appelle votre attention sur le problème de la reconstruction des digues, y compris les digues privées d'intérêt collectif. Le comité interministériel de l'aménagement du territoire et le comité interministériel de la mer, que vous avez convoqués pour la fin février à Nantes, devront prévoir expressément un dispositif complet d'aides pour la défense des côtes. Il faudra aussi faire appel au concours de l'Union européenne : le commissaire Michel Barnier s'est déclaré ouvert à une telle demande lors de sa récente visite en Charente-Maritime.

S'agissant du tourisme, notre pays a été une nouvelle fois, en 1999, la première destination du monde, avec plus de 71 millions de visiteurs, grâce à notre exceptionnel patrimoine culturel et architectural ainsi qu'à la richesse et la diversité de nos paysages.

Beaucoup de monuments ont été endommagés et de paysages ravagés, de la place d'Austerlitz de l'île d'Aix au moulin de Valmy, en passant par les arbres centenaires du château de Versailles. C'est le visage de la France qui a été balafré.

La remise en état doit être engagée dès le printemps, en attendant les replantations de l'automne. Il y a là une tâche considérable, qui doit être assurée par les collectivités locales, les professionnels, mais aussi de très nombreux particuliers. Ils n'y parviendront pas sans une aide massive de l'Etat et une incitation fiscale qui pourrait prendre la forme de déductions et de réductions d'impôt.

Pour les professionnels du tourisme, l'activité la plus sinistrée est celle de l'hôtellerie de plein air. Il faudrait créer pour eux un fonds spécial d'indemnisation qui prendrait en charge les dommages non indemnisés par les assurances.

L'Etat doit prévoir des aides immédiates de trésorerie, pour financer les dépenses engagées par les exploitants pour nettoyer ou déblayer les terrains, une exonération des charges sociales sur les frais de personnel affectés aux opérations de nettoyage et de déblaiement ainsi qu'une exonération des surtaxes de l'EDF. Par ailleurs, il importe d'accélérer le remboursement de la TVA qui doit intervenir au plus tard quinze jours après la déclaration.

Un report du 15 juin au 15 octobre 2000 de l'échéance de la taxe professionnelle est nécessaire, tout comme une exonération partielle de la taxe foncière pendant trente ans pour les exploitants forestiers. Il faut encore élaborer un plan de boisement pour 2001, avec l'assistance gratuite d'architectes paysagistes, prévoir une aide spécifique consacrée à des expertises d'assurés et pour la reconstruction des installations et le réaménagement des terrains, assouplir les procédures afin de dégager des superficies supplémentaires au profit de l'hôtellerie de plein air.

Telles sont, Monsieur le Premier ministre, les mesures qui permettraient à cette activité de redresser la situation. Les réservations pour la saison estivale, dans certains départements, sont d'environ 40 %, inférieures à ce qu'elles étaient l'année dernière à la même époque !

Vous devrez aussi restaurer l'image touristique de la France et de son littoral atlantique. Nous comptons sur un financement substantiel de l'Etat et sur un concours actif du secrétariat d'Etat au tourisme et de la Maison de la France. En liaison avec les différents acteurs du tourisme et les collectivités territoriales, le ministère devra mettre en _uvre une campagne de communication dès les prochaines semaines. A cet égard, les 15 millions annoncés me semblent insuffisants.

Monsieur le Premier ministre, la tâche de réparation et de reconstruction est immense. Nos compatriotes sinistrés entendent s'y consacrer avec c_ur, mais ils ont besoin de se sentir épaulés. C'est à l'Etat de le faire. Vous avez les moyens d'agir, avec la « cagnotte » de 1999. Démontrez-nous désormais qu'au-delà des bonnes intentions, votre gouvernement a réellement la volonté de répondre aux attentes de nos compatriotes (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Michel Suchod - Monsieur le Premier ministre, je veux d'abord vous remercier pour la sollicitude dont a fait preuve le Gouvernement. Le ministre de l'intérieur est venu en Gironde, le ministre de l'agriculture n'a jamais vu autant d'arbres abattus et vous-même vous êtes rendu en Dordogne. Il était important, pour les populations, de voir les plus hauts responsables de l'Etat présents sur le terrain.

La tempête a aussi eu un effet pédagogique, en ce qu'elle a rapproché les Français du service public. Ils ont compris, à l'heure où tout dépend de la Fée Electricité, ce que sont nos grandes entreprises nationales, EDF et France Télécom. Ils ont pu apprécier la mobilisation des services de l'Etat, des préfets et des sous-préfets, de l'armée. Mon conseil général s'est réuni spécialement pour remercier le chef d'état-major de l'Aquitaine. L'armée, en participant aux travaux d'urgence, s'est rendue très populaire. Il en va de même des employés d'EDF : dans mon canton de la Dordogne, nous avons apprécié la venue d'agents de Manosque et d'Avignon.

Les Français comprennent mieux les efforts consentis pour la préservation de la forêt et la sécurité civile. J'ajoute, Monsieur le Premier ministre, qu'il était bien venu de confier, comme vous l'avez fait, une mission à une personnalité sur l'avenir de la sécurité civile.

J'en viens à votre plan d'urgence. Je suis l'élu d'un département -le troisième de France par l'étendue- dont la moitié de la superficie est couverte par de la forêt. Celle-ci est détenue par des petits propriétaires, puisque 80 % des parcelles font moins de 4 hectares. Ils y mènent une sylviculture extensive, alliant production de bois et autres activités. La vente de bois est fréquemment utilisée par les agriculteurs pour équilibrer leur compte. Le bois approvisionne une industrie départementale qui compte 320 PME et occupe 4 200 salariés. Enfin, ce mode de gestion permet la conservation d'une richesse environnementale. Notre forêt est donc extrêmement différente de celles des Vosges et des Landes.

400 000 hectares ont été touchés ; 5 millions de mètres cubes de bois, soit l'équivalent de cinq années de production, sont sur le sol. Les mesures actuelles sont perçues comme trop favorables aux grosses structures et à l'aval de la filière ; nous souhaitons donc que les décrets publiés hier soient complétés par des dispositions spécifiques : aide à la pénétration sur les exploitations et au débardage, aide aux groupements d'employeurs pour l'acquisition de matériels, aide au remembrement des parcelles, allégement de charges sociales pour les personnes qui pourraient venir travailler sur les exploitations.

Nous avons beaucoup apprécié la participation des militaires. Nous regrettons qu'elle soit sur le point de cesser dans notre département car nous en aurions eu besoin encore pendant un ou deux mois.

Les producteurs de noix doivent faire face d'une part à l'absence de production et d'autre part à la reconstruction de leur outil, qui nécessite des moyens financiers qu'ils n'ont plus. Il serait nécessaire d'envisager leur éligibilité aux aides compensatoires. Le seuil retenu dans le décret en préparation sur l'indemnisation des moyens paraît trop élevé.

S'agissant de l'électricité, nous attendons les directives de M. Roussely sur la reconstruction du réseau, qui ne doit pas se faire à l'identique ; il conviendrait, même si c'est plus cher, d'enterrer un certain nombre de lignes.

M. Yves Cochet - Ce n'est pas forcément la solution.

M. Michel Suchod - Le coût de cette reconstruction avoisine le milliard. Avec la clé de répartition normale, la moitié doit être prise en charge par l'EDF, l'autre par le syndicat des collectivités électrifiées, ce qui représente pour celui-ci plus de douze années d'investissements normaux : il faudra donc demander la solidarité de l'Etat.

Dans le domaine des télécommunications, des travaux très importants sont également nécessaires pour rétablir le réseau. Ils impliquent la montée en puissance des sous-traitants, qu'il nous faut persuader d'embaucher et d'investir.

J'en viens au problème de l'indemnisation. J'avais demandé à Mme Parly le 18 janvier son opinion sur les coefficients de vétusté appliqués par les assureurs ; elle m'avait indiqué qu'elle aurait avec ceux-ci des discussions afin de trouver des solutions humaines. Beaucoup de problèmes se posent encore car les assureurs font des difficultés pour mettre la main à la poche...

D'abord, la distinction opérée entre la situation de tempête et l'état de catastrophe naturelle est mal comprise. C'est ainsi que le contenu des congélateurs n'est pas indemnisable parce que la perte résulte de la panne d'électricité, et n'est donc qu'un effet induit de la tempête.

Concernant les chutes d'arbres, les assurances refusent en général d'indemniser le débitage, le désouchage et l'enlèvement des arbres.

Les chefs d'entreprise déplorent eux aussi que les pertes d'exploitation ne soient pas indemnisées au motif qu'aux dires des assureurs, elles ne sont pas directement imputables à la tempête mais résultent d'une carence du fournisseur d'électricité. Ils souhaitent une modification du régime d'assurance.

Enfin, certains exploitants agricoles sont dans une situation très grave du fait de l'absence d'assurance des constructions légères -abris d'animaux, volières, clôtures d'herbages...- qui ne relèvent même pas du régime des calamités agricoles.

Des dispositions seraient nécessaires en faveur des professionnels des métiers de bouche qui ont subi des pertes d'exploitation, ainsi qu'en faveur des agriculteurs les plus touchés, pour lesquels il faudrait décider un report des annuités d'emprunt.

Monsieur le Premier ministre, l'Europe et le monde ont été très frappés par ce qui s'est passé chez nous. La photo où l'on vous voit en compagnie d'une famille qui s'éclaire à la lampe à pétrole a été publiée dans la Tribune de Genève, aux Etats-Unis et même dans un journal bolivien. Il est indispensable, à la veille de la saison touristique, de restaurer l'image de notre pays ; les crédits que vous pourrez débloquer à cet effet seront bienvenus, de même que les mesures que vous évoquiez sur l'indemnisation des dégâts spécifiques de l'hôtellerie de plein air.

En conclusion, je soulignerai d'abord qu'il y a encore des incertitudes dans l'évaluation. On traite aujourd'hui le visible, mais il y a aussi ce qui est actuellement invisible...

Je voudrais aussi vous féliciter des démarches que vous avez entreprises à Bruxelles, d'ailleurs relayées par nos parlementaires européens, qui se sont étonnés que le régime des aides ne permette plus depuis deux ans d'intervenir dans l'Union.

Enfin, je me réjouis de la solidarité des nations d'Europe : voir dans une commune de mon canton 80 réservistes des chasseurs-alpins italiens s'occuper de débardage m'a paru très réconfortant (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Catala remplace M. Fabius au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

M. Dominique Bussereau - Je m'exprime bien sûr au nom de mon groupe, mais, comme Didier Quentin, avec la sensibilité d'un député d'un département particulièrement sinistré, la Charente-Maritime, qui, le 28 au matin déplorait 13 morts et 80 blessés.

D'autres décès ont suivi, y compris parmi les pompiers. M. le ministre de l'intérieur était présent, et je l'en remercie, aux obsèques de l'un d'eux, dont le fils, lui-même pompier volontaire, a continué à travailler sur le terrain.

Ce qui s'est passé a révélé une faiblesse de nos procédure d'urgence : le plan ORSEC n'est pas adapté au cas où toute une région ou tout le pays sont touchés. Vous avez donc eu raison, Monsieur le Premier ministre de diligenter une mission à ce sujet ; il nous faut penser à l'éventualité d'une catastrophe provoquée par des actes de terrorisme.

Les grandes entreprises publiques ont eu un comportement exemplaire, qu'il s'agisse d'EDF, de la SNCF ou de France Télécom, cette dernière ayant cependant moins bien pratiqué la communication.

La nouvelle organisation de cette entreprise, plus favorable à la commercialisation de ses produits, explique sans doute que les liaisons téléphoniques aient tardé à être rétablies : vous voyez qu'un libéral peut critiquer une entreprise du secteur concurrentiel ! Certainement France Télécom va-t-elle chercher à améliorer sa capacité de réaction. En tout cas, nous avons demandé la création d'une commission d'enquête sur l'organisation de nos grands services publics, car il est stupéfiant que, dans un grand pays comme le nôtre, ces services puissent ainsi totalement faire défaut. Est-ce dû à leur organisation centralisée, pyramidale ? Toujours est-il que ce point mérite réflexion.

L'Etat a réagi rapidement et, dès le 12 janvier, il a annoncé des aides. Fort bien mais, sur le terrain, en dépit des informations fournies par vos services, il arrive encore que des maires ne sachent pas toujours bien de quoi il retourne. En outre, certaines de ces aides ne sont toujours pas concrétisées : lorsque nous interrogeons les secrétaires généraux des préfectures ou les sous-préfets, ils nous répondent parfois que la circulaire ou le décret nécessaires ne leur sont pas encore parvenus.

Enfin, dans ces mesures, les prêts bonifiés ont une trop grande part peut-être : l'argent frais, le « cash » fait parfois cruellement défaut. Comment expliquer par exemple à un forestier dont les bois ne sont plus que chablis qu'il doit emprunter ? Il faudrait certainement trouver quelques aménagements.

Du côté de l'Europe, M. Barnier, qui nous a récemment rendu visite, nous a laissé peu d'espoir. Vous avez évoqué votre démarche auprès du Président Prodi : j'espère que l'Union saura en définitive se montrer plus généreuse...

Nous vous avons suggéré par ailleurs une méthode : celle de l'avenant au contrat de plan. Ce contrat concernant notre région vient d'être signé par Mme Voynet : les quatre présidents de conseil général et le Président du conseil régional proposent d'apporter 600 millions et sollicitent 1,2 milliard de l'Etat afin de contractualiser l'ensemble des aides.

S'agissant de la forêt, notre crainte vient de ce que tous les arbres qui ne seront pas dégagés avant le printemps seront perdus. Dans nos régions, les pins maritimes l'emportent : ils vont « bleuir » et les maladies se propager -pour ne pas parler des risques d'incendie. Il serait donc bon qu'en sus du programme national qu'a présenté M. Glavany, nous disposions d'enveloppes par région afin de faire face aux problèmes spécifiques.

Pour les services départementaux d'incendie et de secours, deux problèmes se posent. D'une part, ces SDIS ont été beaucoup sollicités et nous avons donc de nombreuses vacations à verser. Or les budgets ont déjà été votés et nombre de ces services risquent de se trouver en déséquilibre financier si l'Etat ne vient pas à notre aide. D'autre part, Monsieur le ministre de l'intérieur, pour prévenir des incendies, nous aurons besoin de renforts dès les premières chaleurs. Nous souhaitons donc des effectifs supplémentaires de la sécurité civile et, peut-être, des Canadair sur zone.

S'agissant de l'agriculture, notre demande est la même que pour l'ostréiculture : il faut, en sus des prêts et des mesures liées à l'état de calamité, des aides directes. Nos agriculteurs et horticulteurs ont donc sollicité, par l'intermédiaire du préfet, une aide de 9 millions.

L'ouragan s'est accompagné, dans l'estuaire de la Gironde, d'un raz-de-marée épouvantable : des gens ont été noyés ou sont morts par hypothermie après avoir passé jusqu'à quinze heures dans l'eau. Il s'impose donc de financer la réparation des digues et de dégager les millions de mètres cubes qui encombrent aujourd'hui nos marais. Il conviendra aussi de trouver une solution pour les terres qui ne sont plus exploitables : ne pourrait-on les geler et procéder à des échanges ? L'Union européenne ne pourrait-elle accorder des dérogations ?

Je terminerai en suggérant deux mesures concrètes. La première émane de notre groupe politique mais je crois qu'elle peut être reprise par tous car elle est de bon sens : elle consisterait à étendre le taux réduit de TVA aux travaux de remise en état, afin que ceux qui ont à réparer un toit ou une clôture n'aient pas à payer plus qu'ils ne peuvent. Nous avons déposé une proposition de loi à ce sujet.

En second lieu, comme M. Suchod l'a relevé, l'arrêté reconnaissant l'état de catastrophe naturelle ne prend en compte que les dégâts causés par les mouvements de mer, et non ceux qui sont dus à la tempête. Or les assurances ne couvrent pas une bonne part de ceux-ci, notamment lorsqu'il ont été provoqués par des coupures d'électricité prolongées -les compagnies d'assurance ne voient là que pertes d'exploitation directes. On serait bien avisé de réfléchir à une nouvelle rédaction de cet arrêté.

Ces sinistres ont donné lieu à un formidable mouvement de solidarité, notamment de la part des maires et des autres élus qui se sont trouvés en première ligne. Nous avons aussi constaté que les générations réagissaient différemment : les jeunes qui n'avaient jamais été privés d'électricité ne comprenaient pas ce qui se passait tandis que ceux qui avaient connu la guerre retrouvaient des réflexes d'entraide. Nous avons ainsi assisté à de très belles choses ! Pour autant, nous avons un impérieux besoin de l'Etat : il faut aller encore plus loin, Monsieur le Premier ministre ! Nous vous le demandons au nom des hommes et des femmes qui ont souffert ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Daniel Paul - Pour un trop grand nombre de nos concitoyens, l'année 1999 s'est tristement conclue sur le déchaînement de la nature, mais aussi sur un naufrage dû à la négligence des hommes, trop souvent enclins à courir au profit. Ces deux catastrophes ont cependant révélé la grande solidarité dont sont capables les Français : quelle réponse à tous ceux qui parlent sans cesse de l'égoïsme ou de l'insensibilité de nos compatriotes !

Quant à nos services publics, par leur mobilisation face à l'adversité, ils ont à nouveau illustré leur efficacité. En assurant la continuité du service et en accordant à tous les usagers un traitement égal, ils ont démontré, s'il en était encore besoin, qu'ils constituent un facteur de cohésion sociale sur l'ensemble du territoire, et par là même un atout considérable pour notre pays. Le dévouement de leurs agents apporte un démenti flagrant à ceux qui rêvent de les affaiblir et ces épreuves n'ont fait que confirmer l'existence d'une véritable culture de service public dans notre pays. Preuve est désormais faite qu'il faut travailler à rendre ces services encore plus efficaces, plutôt que de réduire leurs moyens comme y tend la droite en prônant leur privatisation (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Sachons tirer les conséquences de ces tristes événements, afin d'être encore mieux à même de faire face à l'avenir. Il faut exploiter les ressources des nouvelles techniques, par exemple pour enterrer les lignes électriques, mais il faut surtout garantir la présence des hommes sur l'ensemble du territoire.

Si la tempête et la marée noire ont également démontré l'efficacité de nos services publics, de l'Etat et des élus locaux, ainsi que la solidarité de nos concitoyens quelque chose distingue ces deux événements : en effet, s'il l'on ne peut bien sûr désigner un responsable de la tempête, on le peut pour le naufrage et pour la marée noire qui a suivi.

L'émotion légitime suscitée par ces tempêtes et par la marée noire a été bénéfique, donnant naissance à un formidable élan de solidarité. Elle ne suffit pas. Les habitants du littoral atlantique craignent que les aides apportées pour nettoyer les côtes ne s'inscrivent pas dans la durée. Nous n'avons pas le droit de les abandonner. La solidarité devra encore s'exprimer même lorsque les projecteurs de l'actualité se seront éteints. Le nettoyage des côtes restera un problème tant que le sort de l'épave n'aura pas été réglé. Tous ceux qui ont connu le naufrage de l'Amoco Cadiz en 1978 savent les difficultés qu'il y a à surmonter les épreuves.

Les promesses faites devront également être tenues. Nous n'avons pas le droit de lésiner sur les moyens pour venir en aide au littoral sinistré : il y va de la crédibilité de l'Etat et de tous ses responsables.

Après le naufrage de l'Erika, il nous faut rechercher des solutions afin qu'une catastrophe écologique ne se reproduise plus. L'ensemble du plan POLMAR répond-il parfaitement aux problèmes ? Certains dispositifs, au niveau national et au niveau des ports, devraient aussi être revus. Il devient urgent que la mer soit traitée comme les autres secteurs d'activité.

Aux conséquences écologiques désastreuses de cette marée noire -plus de 40 000 oiseaux mazoutés, atteintes graves aux ressources halieutiques, dégradation des paysages et des écosystèmes- s'ajoutent des conséquences économiques dramatiques pour les professionnels de la mer -pêcheurs, conchyliculteurs, paludiers- et les professionnels du tourisme qui craignent une baisse considérable de la fréquentation touristique. Une association de tourisme social de la région du Havre a lancé, comme beaucoup d'autres, un cri d'alarme : les touristes risquent de bouder les 5 000 lits qu'elle propose sur la côte atlantique faute d'une importante campagne de promotion disant ce qui est.

Mon ami Félix Leyzour a déjà souligné ici la nécessité de placer les pollueurs face à leur responsabilité puisque cette catastrophe n'est pas imputable à la fatalité mais bien à la recherche effrénée du plus grand profit. L'immense majorité de la population souhaite que des mesures réellement dissuasives soient prises à l'encontre des armateurs et des affréteurs qui ne respectent pas les normes de sécurité. Le coût des réparations de tous les préjudices subis devrait leur être imputé. Mme Demessine a d'ailleurs obtenu de Total Fina une première somme de 30 millions pour financer une campagne de promotion nationale et internationale des secteurs touchés. L'Etat apportera, pour sa part, 15 millions. L'effort devra être poursuivi pour parvenir au résultat escompté.

S'il faut faire payer les pollueurs, cela ne suffit pas car cela reviendrait à octroyer un droit à polluer aux plus puissants d'entre eux.

M. Yves Cochet - Tout à fait.

M. Daniel Paul - Après les naufrages du Torrey Canyon et de l'Amoco Cadiz, il est temps d'en finir avec les navires hors norme.

L'Assemblée nationale a décidé, le 20 janvier dernier, de créer une commission d'enquête sur la sécurité en mer. Sans préjuger de ses conclusions, je souhaite ici tirer les leçons de la triste expérience de vingt ans de déréglementation du transport maritime.

Aujourd'hui, 40 % du pétrole consommé dans le monde, soit 1,4 milliard de tonnes de brut par an, circule par voie maritime. S'y ajoute le transport de produits pétroliers raffinés et de produits chimiques, encore plus dangereux. 300 000 navires transitent chaque année dans la Manche, soit 500 000 tonnes de pétrole brut, 35 000 tonnes de gaz et 60 000 tonnes de produits chimiques par jour ! Les risques sont donc considérables pour les 4 000 km de côtes françaises si nous ne nous assurons pas de la fiabilité de l'acheminement des cargaisons. Une partie de la Bretagne vient malheureusement d'en faire la triste expérience.

Il faut lutter résolument contre les pavillons de complaisance et les navires poubelles. La France, qui comporte une large façade maritime, doit prendre l'initiative de cette lutte au sein de l'Union européenne : la présidence qu'elle exercera au second semestre lui en donne l'opportunité. Bien que l'Europe soit la principale utilisatrice de ces pavillons, il faut être confiant. Une dynamique peut être enclenchée malgré la réticence de certains Etats. Si les cinq pays qui bordent la Manche et la mer du Nord et regroupent les principaux ports européens mettaient au point un accord sur ces questions, celui-ci aurait un écho extraordinaire. Les premiers accords qu'ils ont élaborés depuis 1994 ont été repris par l'Union. Une telle approche devrait être encouragée.

Comment imaginer, en effet, que des Etats disposant des ports de Hambourg, Bremenhaeven, Rotterdam, Anvers, Felixtow, Dunkerque, Le Havre, Marseille, mais aussi Barcelone et Gênes pour l'Espagne et l'Italie, ne puissent pas ensemble imposer de nouvelles orientations ? Quels sont les armateurs et les affréteurs qui pourraient ne pas en tenir compte ?

A ce jour, près des deux tiers de la flotte pétrolière mondiale naviguent sous pavillon de complaisance ce qui est beaucoup moins coûteux pour les affréteurs. Les équipages de ces navires peuvent être de n'importe quelle nationalité ; il arrive que l'on compte jusqu'à dix nationalités différentes à bord d'un même navire ! La barrière de la langue et les différences de formation entre ces hommes posent de graves problèmes de sécurité. La recherche exclusive du profit maximal explique le succès de ces pavillons, malheureusement au détriment de la sécurité.

Remettre en question l'utilisation des pavillons de complaisance n'est pas du protectionnisme primaire. Il s'agit simplement de dénoncer des pratiques qui mettent en danger les équipages, les côtes, la flore et la faune et d'exiger de nouvelles règles pour tous, dans l'intérêt de l'ensemble des Etats. Tous doivent se battre pour les pavillons nationaux et exiger un seuil minimal de qualité.

Nous ne pouvons non plus tolérer certaines atteintes éhontées aux droits de l'homme, connues de tous. Si l'esclavage a été aboli en 1848, les navires battant pavillon de complaisance sont encore souvent de véritables négriers. Nous ne pouvons tolérer les conditions de travail et de sécurité imposées à ces marins. Entre 140 et 190 navires sombrent chaque année, entraînant la mort de 600 personnes, marins ou passagers. La coopération nécessaire avec les pays en voie de développement n'exige pas que l'on cautionne ce recours scandaleux à la complaisance et à l'exploitation des hommes.

La transparence doit être une priorité. Aujourd'hui, deux navires sur cinq ne respectent pas les normes internationales et leurs propriétaires sont très difficiles à identifier. Ainsi, les groupes pétroliers se retranchent derrière des sociétés-écrans entre le propriétaire du navire, le fournisseur des équipages, l'affréteur, le chargeur dont les adresses sont disséminées à travers le monde, le rapport du BEA sur le naufrage de l'Erika l'a bien montré.

A l'OMI, les droits de vote sont proportionnels au tonnage détenu. Il faut rééquilibrer ces règles de fonctionnement et donner plus de poids aux Etats ayant les plus longs périmètres côtiers et donc la superficie la plus importante d'eaux territoriales. Avec le droit des Etats du pavillon, le droit des Etats du port, il faut aussi un droit des Etats des eaux et des côtes.

Nous pourrions imposer aux candidats à l'entrée dans l'Union européenne le respect de règles élémentaires comme l'obligation de disposer d'une véritable administration maritime ainsi que d'organismes de classification et de contrôle. Parmi les pavillons les plus souvent défectueux, figurent, en effet, Malte, Chypre, la Turquie, la Roumanie, tous candidats à l'entrée dans l'Union européenne. Il faut exiger qu'ils assument totalement leur responsabilité quand des navires arborent leur pavillon national et en faire un préalable à leur entrée dans la Communauté.

Enfin, il importe de renforcer les contrôles : sans des contrôles techniques rigoureux dans tous les ports, nous ne pourrons éradiquer les navires poubelles. Et des contrôles dignes de ce nom exigent des moyens financiers à la hauteur. Le Gouvernement a annoncé une augmentation du nombre d'inspecteurs : ll faut qu'elle intervienne rapidement et qu'elle continue afin que nos ports puissent non seulement contrôler les 30 % des navires prévus dans le mémorandum de Paris, mais améliorer encore cet objectif surtout si un suivi précis des flottes, en particulier les plus dangereuses, se met en place et que les contrôles peuvent s'effectuer, y compris au-delà des 200 miles.

Si le naufrage du pétrolier Erika a mis en lumière les insuffisances du transport maritime, il ne doit pas pour autant laisser croire que tous les armateurs sont fautifs. Fort heureusement, il en existe de sérieux et de compétents. Il serait dommage de décourager les bons professionnels, aujourd'hui victimes de cet amalgame, qui acceptent les règles et par conséquent de se trouver en position de faiblesse face à ceux qui ne les respectent pas. C'est grâce à ceux qui ont appliqué le droit que la pollution pétrolière a diminué de 60 % ces dernières années Ce chiffre doit nous encourager à formuler des propositions pour que l'horreur vécue sur nos côtes ne se reproduise plus nulle part. Si le risque zéro n'existe pas, on peut réduire le risque de manière tout à fait significative, à condition d'en avoir une volonté forte dans la durée.

La catastrophe causée par l'Erika nous donne toutefois l'espoir de voir enfin la législation existante respectée et améliorée pour renforcer la sécurité de la navigation. La commission d'enquête diligentée par l'Assemblée nationale et que je vais présider aura à c_ur d'atteindre cet objectif. Elle essaiera d'éclairer le Gouvernement pour renforcer la législation afin de protéger les eaux territoriales et pour que le France mène à bien la charge qui lui incombe au sein de l'Union. Nous pouvons aussi espérer que les conditions de travail et d'existence des équipages s'améliorent.

Enfin, comment ne pas souhaiter des mesures concrètes en faveur du pavillon national et de la formation d'équipages nationaux qualifiés ? Il est temps, là aussi, de rompre avec la logique libérale de déréglementation, dont on a vu où elle conduit. Une forte politique maritime, cela signifierait plus d'emplois et plus de sécurité. Si les différences entre les deux catastrophes de la fin 99 sont importantes, des points communs existent aussi. Les deux illustrent la nécessité de ne pas laisser triompher la loi de l'argent, celle qui aboutit à la déréglementation du transport maritime et qui permet à un groupe pétrolier de passer du « Je fais tout » dans les années 70, à « je ne fais plus rien » dans les années 90 ; celle aussi qui veut démembrer les services publics ou les soumettre à concurrence. Face à cela, faisons en sorte que la puissance publique, les Etats, mais aussi l'ensemble des citoyens sachent constater ces dérives et exiger que la place de l'homme redevienne la priorité (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Pierre Hériaud - Au nom du groupe UDF, j'aborderai les conséquences économiques et environnementales de la marée noire, ainsi que les mesures à prendre pour prévenir de tels accidents.

Mais je tiens auparavant à rendre un hommage solennel au corps des sapeurs-pompiers, à l'armée, à la protection civile, à la Croix-Rouge ainsi qu'aux très nombreux bénévoles qu'ils encadraient. Sur les 19 communes littorales du département de Loire-Atlantique, plus de 600 spécialistes encadrent chaque jour autant de bénévoles. Pour l'ensemble de la façade atlantique, ce sont trois mille personnes qui sont chaque jour en action.

Le plan POLMAR terre a été revu en août 1999 pour le département de Loire-Atlantique. J'avais alors demandé que les maires y soient associés : les événements ont montré l'importance de leur rôle sur le terrain. La mise à contribution des services techniques des communes les plus importantes, ainsi que des services administratifs pour enregistrer les candidatures bénévoles puis les affecter, a démontré que l'efficacité ne s'obtient que dans la proximité, là où s'exerce réellement la responsabilité de gens très motivés. C'est une leçon à méditer.

Enfin il faut rendre hommage aux services de l'Etat et aux responsables, élus et agents, des collectivités locales. La région des Pays de Loire et le département de Loire-Atlantique ont immédiatement accordé des avances financières aux communes, notamment les petites.

A ce jour le nettoyage des plages et des criques est opéré à plus de 80 %. Mais l'inquiétude renaît avec de nouvelles traces dont la provenance est mal connue. S'agit-il de nouvelles fuites ? Ou des premiers dépôts de mazout qui, partiellement repris par les marées des 23 et 24 janvier, flottent à nouveau ?

La population et les élus sont excédés par une multitude d'informations, souvent contradictoires avec leurs observations, et par la rétention des informations concernant la qualité de l'eau, enjeu crucial pour les ostréiculteurs et conchyliculteurs.

Vous-même, Monsieur le Premier ministre, êtes venu à La Baule, peu après le début du sinistre, pour mesurer l'ampleur du problème. Mme Voynet, M. Glavany, M. Chevènement, Mme Demessine se sont ensuite succédé. Chacun y est allé de ses engagements et de son soutien, dans la limite de ses attributions, s'en remettant aux mesures qu'annoncerait le Gouvernement.

Ce que nous attendons, c'est une solidarité gouvernementale à la mesure du grand mouvement de solidarité qui s'est développé sur le terrain.

Où en est-on aujourd'hui ? La pollution et la dépollution continuent. Il en va de même des dépenses à la charge de l'Etat et des communes, puisque tous les moyens restent en place. A cet égard, Monsieur le Premier ministre, les élus vous demandent une mesure exceptionnelle permettant d'appliquer le taux de TVA de 5,5 % aux travaux de réparation des dégâts de la tempête et de dépollution des plages engagés par des entreprises réquisitionnées.

Les procédures judiciaires sont engagées pour établir une estimation des pertes et des indemnisations, principalement auprès du FIPOL. Total Fina a mis en oeuvre des mesures de dépollution. Nous ignorons encore si cette société entend abandonner son droit à intégrer la valeur de sa cargaison dans les pertes à indemniser par le FIPOL ; dans le cas contraire cela grèverait les possibilités d'indemnisation des autres secteurs. Dans cette estimation il faudra prendre en compte les conséquences du drame sur le secteur du tourisme. La plupart des communes littorales, dont la population est multipliée l'été par cinq ou six, voire plus, gèrent des équipements surdimensionnés dont l'amortissement n'est possible que grâce aux ressources provenant du tourisme. Or nous sommes à la période où se font les réservations. Les comités régionaux et départementaux du tourisme élaborent un plan de communication pour promouvoir nos stations littorales en France et à l'étranger. C'est très important, car la France accueille de plus en plus de ressortissants de l'Union européenne, qui réservent d'ailleurs plutôt en avant-saison et en arrière-saison pour leurs vacances estivales. Ce qui correspond à la politique conduite depuis des années par les collectivités littorales : leur stratégie tend à passer d'un tourisme de six semaines à un tourisme de six mois, voire des quatre saisons, avec les investissements qui en découlent : équipements hôteliers, ludiques et sportifs. Ce n'est donc qu'après la saison 2000 qu'une estimation sera possible. Encore y faudra-t-il une méthodologie appropriée : prendre en compte la seule perte de chiffre d'affaires des établissements d'accueil serait négliger les effets en cascade de cette baisse sur l'économie locale.

Nécessaire, une politique de soins ne suffit pas : il faut une politique de prévention. C'est là, Monsieur le Premier ministre, que nous vous demandons de prendre des initiatives, et d'appuyer la démarche du groupe UDF, engagée par M. Landrain, M. Caillaud et moi-même, pour la création d'un corps de garde-côtes, sur le modèle américain.

M. Yves Cochet - Bonne idée !

M. Pierre Hériaud - Il existe une réglementation maritime nationale et internationale pour les transporteurs. En France, les préfets maritimes ont un pouvoir de contrôle et d'intervention jusqu'à 60 milles des côtes. En 1982, par le mémorandum de Paris, l'Europe du nord s'est donné le droit d'inspecter les bateaux faisant escale dans ses ports et de les retenir à quai s'ils ne satisfont pas aux normes. Sur le plan international enfin, la réglementation impose des normes techniques et un contrôle régulier des navires par des sociétés de classification.

Et pourtant, les conditions minimales de sécurité sont parfois loin d'être assurées. L'existence de pavillons de complaisance, la possibilité d'obtenir des certificats de navigabilité sans valeur réelle rendent possibles des catastrophes qui ne sont plus tolérables.

Nous avons besoin d'une réglementation comportant les mesures suivantes. Tout d'abord, une remise des plans du navire soumis à l'agrément des garde-côtes, avant toute entrée dans un port français, puis européen. Ensuite, une inspection en rade avant tout accostage du navire, et très vite une inspection complète à chaque escale dans un port français, puis européen. Il faut aussi une inspection annuelle de tout bâtiment ayant double coque, désormais obligatoire, avec information des ambassades des pays concernés. L'agrément doit être accordé à un nombre limité de sociétés de classification et d'experts, après examen méticuleux par le corps des garde-côtes. Il faut enfin qu'après relâche dans un port de tout tanker pétrolier, un certificat de dégazage soit remis aux autorités compétentes, dernier contrôle obligatoire pour pouvoir reprendre la mer.

M. Yves Cochet - Très bien ! Mais il faudra que nos ports soient équipés.

M. Pierre Hériaud - Ce n'est qu'à ces conditions qu'une politique de prévention sera efficace. J'ai rappelé le mémorandum de Paris, par lequel l'Europe du nord s'est donné le droit d'inspecter les bateaux faisant escale dans ses ports. Cette politique doit être harmonisée au plan européen. Nous vous demandons de tout mettre en _uvre pour régler cette question pendant la présidence française de l'Union ; vous avez d'ailleurs dit que vous le feriez.

Aujourd'hui, nous avons ce débat. La semaine prochaine vous nous recevrez, avec quelques maires et représentants d'associations d'élus. Un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire doit se réunir, ce mois-ci à Nantes, en même temps qu'un conseil interministériel sur la mer. Ce sont autant d'occasions de rappeler les indemnisations nécessaires à l'équilibre des situations financières dégradées de certaines activités économiques. Devant l'importance des pertes, et compte tenu des surplus de rentrées fiscales, une loi budgétaire complémentaire prenant en compte cette situation ne serait-elle pas opportune ? Je vous demande, au nom du groupe UDF, de bien vouloir, à chaque étape des débats, apporter des réponses fermes et des engagements précis sur la politique que vous entendez conduire. Je vous remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Philippe Duron - Voici un mois, notre pays affrontait un phénomène météorologique sans précédent dans notre histoire climatique : un ouragan associé à des inondations et à une marée noire qui a ravagé une partie importante du littoral atlantique. Le bilan humain très lourd a endeuillé cette fin d'année 1999. Le Calvados déplore plusieurs victimes ; je tiens notamment à rendre hommage à l'adjudant-chef Claude Cosnard, mort en secourant une famille isolée. Les ouragans des 26 et 27 décembre sont sans précédent chez nous par leur force, et l'ampleur de leurs effets. De nombreux départements ont subi de surcroît des inondations de grande ampleur. Dans le Calvados, décembre 1999 a été le mois le plus pluvieux depuis cent-vingt ans, provoquant de nombreuses crues. Vous-même, Monsieur le Premier ministre, et votre Gouvernement, avez pris la mesure des événements et apporté aux élus et aux populations les encouragements et les secours qui s'imposaient.

J'aborderai les deux thèmes de la prévention et de l'indemnisation. Face à des tempêtes d'une telle ampleur, la prévention est difficile : fréquent sous les climats intertropicaux, ce phénomène climatique est ici rarissime. Toutefois, selon les experts, il peut se reproduire. Il faut donc consolider notre système de prévention. Nous devons accroître la fiabilité de l'information météorologique : le modèle ARPEGE de Météo France, en minimisant la violence du phénomène, n'a pas permis d'en anticiper suffisamment les conséquences. Quatre-vingt-huit de nos concitoyens ont péri dans ces tempêtes. On peut penser que ce bilan aurait été plus lourd encore si la tempête qui a touché la moitié sud du pays l'avait atteinte en plein jour. De nombreux accidents -des fractures du visage ou des membres antérieurs- montrent la nécessité d'une information simple sur les comportements à adopter face à des vents d'une telle force. L'usage des médias, de la radio notamment, pourrait être renforcé. Accélérer l'enfouissement des lignes électriques et téléphoniques, comme l'annonçait Christian Pierret lors du débat sur l'électricité, limitera les risques et les interruptions du service.

Une meilleure couverture du territoire en matière de téléphonie mobile faciliterait, lors d'un tel phénomène, l'organisation des secours. L'analyse de la gestion de cette crise montrera, j'en suis convaincu, la nécessité d'inventorier de façon précise les groupes électrogènes disponibles, ainsi que les stocks de bâches et de tous les matériels de première urgence.

Quant aux inondations, elles représentent le risque le plus important en matière de catastrophes naturelles. Ce risque concerne directement plus de deux millions de personnes en France, et peut affecter jusqu'à une commune sur trois. Un dispositif de prévention existe déjà : documents départementaux des risques majeurs, atlas des zones inondables, systèmes d'annonces de crues, sans oublier les plans de prévention des risques, instaurés par la loi du 2 février 1995.

Malgré les efforts réalisés depuis 1997, seules 1 700 communes sont dotées d'un PPR, dont la méthode d'élaboration et les résultats sont parfois contestés.

A la suite de la mission que vous avez confiée en février 1999 à Yves Dauge, ce dernier, dans son rapport, a préconisé la création d'une instance nationale permettant d'analyser les inondations et d'assurer à leur sujet un retour d'expérience, afin de reconstituer et de diffuser la « mémoire » du risque.

Quelles suites le Gouvernement compte-t-il donner à ces propositions ?

En matière d'indemnisation, je salue la rapidité des mesures prises. La déclaration de l'état de catastrophe naturelle dans 69 départements par le Conseil des ministres du 29 décembre permettra, conformément à la loi du 13 juillet 1982, une indemnisation rapide.

Cela ne dispense pas de nous interroger sur le système. En effet, les tempêtes, ouragans et cyclones ne relèvent pas de la garantie des catastrophes naturelles, mais de la loi du 25 juin 1990, qui impose aux assurances de couvrir les sinistres liés à ces risques. Dispositif nettement moins avantageux pour l'assuré que celui de la loi de 1982, qui comporte une indemnisation valeur à neuf des dégâts. Certains sinistrés, en particulier des agriculteurs, auront des difficultés à remettre en état un patrimoine immobilier souvent ancien. Le Gouvernement, vous l'avez dit, a pris des mesures complémentaires pour pallier les insuffisances du système d'indemnisation. Reste que le système d'indemnisation fondé sur l'état de catastrophe naturelle conserve l'inconvénient de privilégier la réparation au détriment de la prévention.

Le Gouvernement, les services et les entreprises publics et nos concitoyens ont fait face de façon exemplaire à une crise majeure. Le principe de précaution nous impose cependant d'améliorer le système d'information et de prévention. De plus, à l'issue du bilan de cette catastrophe, il faudra améliorer le dispositif d'indemnisation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Louis Guédon - Le naufrage de l'Erika et la pollution qui s'est ensuivie ont provoqué une mobilisation générale. Cependant, la colère de nos concitoyens se comprend bien. S'il s'agissait du premier naufrage, on pourrait invoquer la fatalité. Mais ce n'est pas le cas. Comment, alors, notre littoral a-t-il pu subir ainsi une nouvelle marée noire ?

Comment expliquer le dysfonctionnement du plan POLMAR mer ? Comment expliquer l'absence de réactions entre le premier appel de détresse et le naufrage ?

Comment expliquer que la nappe de mazout annoncée à La Rochelle ait en fait touché Le Guilvinec, rendant les dispositifs de protection inutiles en Charente-Maritime et inefficaces dans le Finistère ?

Comment faire croire aux populations maritimes que l'on pouvait pomper ce mazout avec des navires inadaptés ?

Il est regrettable que les mesures relevant du plan POLMAR terre n'aient concerné que les estuaires et les entrées de ports. Les bénévoles sont venus nombreux mais au bout de six semaines la lassitude se fait sentir, d'autant que de nouvelles nappes apparaissent.

Cette situation, devenue insoutenable, conduit les populations concernées à se mobiliser et à s'organiser pour qu'une attitude responsable et préventive se substitue aux propos lénifiants.

La facture, au total, sera lourde. 70 millions seront à la charge des assureurs, 1,2 milliards à celle du FIPOL, l'Etat finançant pour sa part le plan POLMAR, le tout avec le souci légitime de faire payer les pollueurs. Les professionnels de la mer et du tourisme et les collectivités locales attendent des réponses concrètes.

Comment admettre que les compagnies pétrolières, qui réalisent des bénéfices substantiels, confient leur dangereuse cargaison à des navires douteux ? Il est primordial que l'Etat fasse valoir ses droits à indemnisation après ceux des collectivités territoriales.

Que penser du développement des pavillons de complaisance qui ont porté la flotte de Malte au troisième rang mondial alors que notre flotte de commerce est descendue à la vingt-cinquième place ? Notre tradition maritime, notre littoral, le plus long d'Europe, devraient être valorisés par le renouveau d'une véritable flotte marchande.

Le temps presse. L'économie touristique, première source de devises, est incompatible avec l'improvisation. Il est urgent d'apporter la preuve que les réparations de notre littoral sont entières et définitives.

Avec raison, le Gouvernement a annoncé une grande campagne de communication. Déjà les départements ont pris des initiatives analogues, en direction d'une clientèle qui s'est toujours montrée fidèle.

Notre population maritime attend que toute la lumière soit faite, et que la rigueur la plus grande vienne donner force au consensus national qui s'est manifesté (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Yves Cochet - Notre débat porte sur « les conséquences et les suites des intempéries et de la marée noire » : il manque le mot « causes »... Le réseau électrique a subi chez nous des dégâts plus importants qu'en Allemagne et en Belgique. Les éléments naturels ne sont pas seuls en cause, les intempéries ont fait apparaître une vulnérabilité plus grande de notre réseau, principalement du fait du choix massif de l'énergie nucléaire. La concentration qu'elle implique sur une vingtaine de sites de production entraîne une multiplication de kms de lignes à haute tension et de grosses pertes en ligne, sans parler de la dégradation des paysages. Les effets dévastateurs de la tempête ont donc été aggravés par ce choix. De plus, à la centrale du Blayais, la montée des eaux de la Gironde a inondé les sous-sols et mis hors d'état de marche deux des quatre réacteurs.

On a pu mesurer dans les forêts les conséquences de mauvais choix : plantation à outrance de résineux dans les régions qui ne leur sont pas familières, ou culture de futaies homogènes.

La catastrophe de l'Erika pouvait être évitée si, après celle du Torrey Canyon, de l'Amoco Cadiz, du Tanio, une politique de prévention de la pollution et de renforcement de la sécurité maritime avait été engagée. Or, jusqu'au naufrage de l'Erika, ce qui a été fait pour prévenir les risques liés au transport de marchandises dangereuses dans des navires à bout s'est réduit à peu de choses. Pas de contrôle sérieux des matériels et des équipages, alors que la Manche est devenue l'autoroute maritime la plus dense du monde.

Alors que faire ?

Le caractère démesuré des ravages causés par les intempéries prouve que des choix ont été effectués en dépit du bon sens, sans précaution, suivant la pensée économique unique.

Il faut donc prendre désormais en compte la sécurité d'approvisionnement, la protection de l'environnement, le développement local et l'emploi. Donnons la priorité à une production décentralisée et diversifiée d'énergie, en recourant à la cogénération, en créant des unités de production de plus petite taille, en favorisant les économies d'énergie et les énergies renouvelables. Grâce à sa politique d'enfouissement des lignes, l'Allemagne a moins souffert des intempéries. Cela mérite réflexion. Les Verts ne sont pas les apôtres d'une prétendue énergie-miracle prête à remplacer à court terme l'énergie nucléaire. Mais ce qui est possible, dans les dix à vingt années qui viennent, c'est de développer par les piles à combustibles une énergie à faible coût, produite à l'échelle du village ou du quartier, qui pourraient alors se passer du cordon ombilical d'EDF.

L'inondation de la centrale nucléaire du Blayais était évitable. Cet incident a permis d'identifier seize sites exposés au même risque. Mais cessons d'attendre les accidents pour faire des contrôles !

S'agissant des forêts, il nous faut tirer la leçon de cette catastrophe en diversifiant les essences et en révisant les critères ainsi que les modes d'exploitation forestière. Nous devons aussi développer la recherche par la mise en place de laboratoires forestiers capables d'imaginer plusieurs scénarios.

Afin de lutter contre la pollution maritime, les Verts ont déposé une proposition de loi tendant à appliquer le principe du pollueur payeur au transport maritime : Daniel Paul a évoqué l'intérêt d'une telle mesure. Il faut aussi renforcer les contrôles et les sanctions, fixer de nouvelles normes sociales et de sécurité, réprimer, enfin, les rejets en haute mer. En effet, si nous avons tous été émus par la « marée noire », c'est la pollution chronique, causée par les dégazages, qui est la plus massive. Comme l'a suggéré M. Hériaud, il faudrait exiger de tout navire un certificat de dégazage avant de l'autoriser à reprendre la mer.

Nous proposons aussi la création, au sein du ministère de l'environnement, d'un établissement public qui pourrait se dénommer « Agence de protection de l'espace maritime » et dont le rôle serait de combattre la pollution chronique.

Entre les intempéries et la marée noire, il peut sembler qu'il n'y ait qu'une coïncidence. Je pense le contraire. En effet, l'Erika transportait du pétrole, destiné à être brûlé dans les moteurs thermiques de nos véhicules, qui sont la première source des gaz à effet de serre... Or, s'il n'est pas possible aujourd'hui d'établir un lien incontestable entre les désordres climatiques et le réchauffement de la planète, on ne peut en conclure que l'effet de serre ne joue aucun rôle dans ces perturbations. Les experts s'attendent à un réchauffement de 1 à 3 degrés d'ici la fin du siècle, ce qui se traduira par l'aggravation de la sécheresse dans certaines zones et de plus fortes pluies dans d'autres, à cause d'une évaporation plus forte à la surface des océans. Il faut dès maintenant, par l'application du principe de précaution, rendre notre société et nos infrastructures moins vulnérables aux intempéries.

Enfin, comme l'a fait le ministère de l'environnement, nous devons rejeter le principe des permis de polluer (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Mme Sylvia Bassot - Je voudrais appeler l'attention de M. Glavany sur la détresse de nos agriculteurs après la tempête du 26 décembre. Ils ont dû, ces dernières années, faire face à des crises à répétition : ESB, dioxine, listéria, effondrement des cours. Dans la même période, le contexte économique s'est durci avec les mesures protectionnistes prises par les Américains, et les rapports avec la grande distribution se sont encore tendus.

Cette tempête est donc une épreuve de plus pour le monde agricole, qui se mobilise avec courage et détermination pour reconstruire, mais qui, seul, ne pourra pas s'en sortir.

Alors que nous sommes capables d'envoyer chaque semaine des satellites dans l'espace, nous devons être capables de sauver notre agriculture sinistrée, cette agriculture qui va payer un lourd tribut et qui ne se remettra que difficilement tant ses blessures sont profondes.

Toutes les filières ont été touchées et beaucoup d'exploitants ont perdu leur outil de travail. Dans un département comme l'Orne, la facture est impressionnante : 700 millions de dégâts, dont 200 ne seraient pas couverts par les assurances.

Un million de mètres carrés de bâtiments agricoles sont endommagés, 2,5 millions de litres de lait ont été perdus et 100 000 pommiers et poiriers sont tombés. Le bocage en fleur était un spectacle unique en Europe...

Le Gouvernement a annoncé des mesures d'urgence. Il me paraît indispensable de les compléter par des aides financières plus importantes. Les avenants aux contrats de plan que vous avez annoncés vont dans le bon sens. Il faudra prendre en compte les spécificités de chaque région. En Basse-Normandie, la reconstitution des vergers doit être prioritaire.

M. René André - Très bien !

Mme Sylvia Bassot - Des moyens supplémentaires doivent être mobilisés. En effet, les pertes d'exploitation, les différentiels de vétusté et les dégâts sanitaires sur le cheptel ne sont pas assurés. La reconstitution du potentiel de production va nécessiter des investissements importants. Bercy doit prendre des mesures d'allégement fiscal : non-imposition des indemnisations perçues et modulation exceptionnelle du régime d'imposition des bénéfices et des plus-values.

Compte tenu de l'ampleur des dégâts, une adaptation des taux d'indemnisation pour calamité agricole est nécessaire. Une simplification de la procédure aussi. Monsieur le ministre, il est urgent d'agir !

Tout doit être fait pour que les premiers acomptes soient versés d'ici la fin de ce mois.

Enfin, le manque de main-d'_uvre se fait cruellement sentir. Des initiatives ont été prises, faisant appel aux associations d'insertion. Leur coût est réparti entre les agriculteurs et les collectivités locales, mais l'Etat doit participer à cet effort.

Au plan administratif, il faut être plus souple, plus rapide, tout en restant vigilant. Le calendrier et les objectifs du plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole doivent être revus. Je souhaite le report des échéances pour les agriculteurs sinistrés et l'intégration rapide de ceux qui, en-deçà ou au-delà du seuil d'UGB, doivent reconstruire leur bâtiment.

Le ministre des finances doit faire en sorte que les services de la concurrence et des prix se montrent particulièrement vigilants : les prix des matériaux ne doivent pas s'envoler, comme les tuiles et les ardoises pendant la tempête.

Je demande au ministre de l'équipement de donner les instructions nécessaires pour que les permis de construire soient accordés rapidement.

Enfin, une dérogation nationale et temporaire sur le nombre d'heures travaillées dans les exploitations serait la bienvenue.

Quelle que soit l'importance des mesures engagées par l'Etat et les collectivités territoriales pour aider le monde agricole, elles n'effaceront jamais le préjudice moral.

Certains agriculteurs sont complètement découragés, car ils ont vu, en une nuit, une vie de travail balayée et détruite. Permettre à ceux qui sont proches de la retraite de partir la tête haute et redonner espoir aux plus jeunes, tels doivent aussi être les objectifs de l'Etat, qui certes doit remédier aux conséquences économiques de cette tempête, mais aussi porter un regard humain sur cette catastrophe.

M. René André - Très bien !

Mme Sylvia Bassot - Alors que les agriculteurs ont été les premiers à dégager bénévolement routes et chemins, la solidarité nationale doit maintenant les aider à assurer la survie de leurs exploitations (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. René Dutin - Il y a quinze jours, j'avais déjà questionné le Gouvernement sur les conséquences de la tempête, particulièrement dans mon département, la Dordogne, qui en a payé un lourd tribut. Je salue la mémoire des victimes et j'apporte toute ma sympathie à leurs familles.

La vie courante est redevenue normale et le dernier groupe électrogène est enlevé aujourd'hui même dans ma circonscription. A nouveau, je tiens à rendre hommage à tous ceux qui ont su se mobiliser dans l'urgence : préfet et sous-préfet, agents de la DDE, du SDIS, d'EDF, de France télécom, de La Poste et de la SNCF. On ne saurait oublier les élus, et avant tout les maires, qui ont été les premiers interlocuteurs des sinistrés. Grâce à eux et aux employés municipaux, le désastre a été atténué. Il faut, enfin, saluer le formidable élan de solidarité qui s'est manifesté.

A présent, il faut reconstruire. Je déplore que l'état de catastrophe naturelle n'ait pas été étendu à la tempête car beaucoup de dégâts ne relèvent pas de l'indemnisation par les assurances : celles-ci ne prennent pas en charge, chez les particuliers, l'abattage des arbres, l'enlèvement des souches, les destructions de clôtures, vérandas ou volets. Et que dire des cimetières, dont les pierres tombales sont saccagées...

Pour les artisans, PME et commerçants qui ont été privés d'électricité, je soutiens l'idée d'une déduction fiscale sur l'exercice 2000 pour compenser les pertes qui n'auraient pu être indemnisées.

Pour les agriculteurs, les seuils d'éligibilité à la procédure des calamités agricoles doivent être abaissés. Il conviendrait aussi de continuer à faire appel à l'armée pour réparer les dégâts ; et ne pourrait-on, en concertation avec les collectivités locales, mobiliser ultérieurement les groupements d'employeurs ? Il faut dégager les rivières et cours d'eau pour éviter les crues, déblayer et reboiser la forêt.

Le plan national en faveur de la forêt comporte des mesures positives mais je ne crois pas qu'il soit suffisant. Les 50 000 propriétaires forestiers de Dordogne qui ont moins de 4 hectares ne pourront pas en bénéficier. Peut-être faudrait-il envisager des groupements d'employeurs. Pour évacuer le bois, il faudrait que des gares bois soient très vite opérationnelles et que les tarifs du transport soient fixés au plus juste, comme vous l'avez dit ce matin, Monsieur le Premier ministre.

Enfin, des mesures exceptionnelles doivent être prises pour aider les professionnels du tourisme.

Les besoins sont donc immenses. Les assurances, qui affichent des profits fabuleux, doivent jouer pleinement leur rôle, et non faire du chantage à la hausse des primes. L'Etat doit prendre des mesures à la hauteur de la situation. Les sinistrés ont besoin d'un message fort de solidarité de la nation pour retrouver l'espoir (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Fabius remplace Mme Catala au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Laurent FABIUS

M. Pierre Micaux - Mon propos concernera la forêt, cette forêt que nous aimons et qui est incontestablement la principale victime de la catastrophe, même si les dégâts ne peuvent pas encore être mesurés avec précision. Tant d'arbres ont été abattus, déracinés, cassés... Hier encore deux hommes ont payé de leurs vie leur contribution au travail de désenchevêtrement. N'envoyons pas n'importe qui en forêt, une formation est indispensable.

115 millions de mètres cubes de bois auraient été abattus, dont les deux tiers dans la forêt privée. C'est dire toute l'attention que méritent les propriétaires privés, qui doivent être placés sur un pied d'égalité avec les propriétaires publics.

L'enjeu écologique, économique, social et humain est sans précédent. Il ne faut pas pour autant remettre complètement en cause notre gestion forestière. On reparle déjà de remettre en question la futaie... Ne tombons pas dans les slogans. Sans doute cette tempête sera-t-elle l'occasion de remédier à certains errements passés, mais ne refaisons pas nous-mêmes une tempête dans toute la forêt.

Pour ce qui concerne le court terme, il faut penser aux risques phytosanitaires, qu'on pourrait qualifier de cancer de la forêt, ainsi qu'à la dégradation des sols et de l'écosystème. La forêt est une alliée irremplaçable contre l'effet de serre. Soyons conscients qu'elle se trouve aujourd'hui très affaiblie pour affronter des vents même beaucoup moins violents.

Il y a urgence à intervenir. Le Gouvernement va dans le bon sens, mais il faut aller encore plus vite. Pour mieux appréhender la situation, une reconnaissance aérienne s'impose. Il convient, autant que faire se peut, de n'exploiter que les arbres complètement abattus ; sous réserve de règles de sécurité, ceux qui sont encore enracinés peuvent attendre quelques mois. Il est urgent de donner le feu vert pour 230 postes d'encadrement de chantiers en forêt privée ; vous allez dans le bon sens, Monsieur le Premier ministre, mais trois ans, c'est long...

Il faut tout faire pour éviter de déséquilibrer les marchés. Il y a toujours des aigrefins... Des cellules de marché se mettent en place ; c'est bien. L'Etat devra soutenir les propriétaires dans la défense des cours et la conquête de marchés nouveaux. C'est bien d'avoir fait reporter l'exploitation de coupes déjà vendues, mais on ne pourra pas éviter de compenser le manque à gagner. Il nous faut aussi réfléchir au risque d'importations supplémentaires de bois dans quatre ou cinq ans.

Pour le moment, il faut surtout que les bûcherons soient en nombre suffisant. On ne pourra pas éviter de faire appel à des étrangers.

En ce qui concerne le transport, l'évolution des tarifs de la SNCF entre décembre 1999 et janvier 2000 donne le sentiment que l'entreprise publique veut profiter de la situation ; ne pourriez-vous pas lui lancer un appel à la solidarité ?

Il faut répondre à l'urgence, mais aussi préparer le projet de loi d'orientation de la forêt et de la filière bois. L'une des voies à explorer est l'association du monde agricole. Les contrats territoriaux d'exploitation devraient y aider.

Pensons aussi aux pépiniéristes, qui vont être assaillis de demandes. Il faut veiller à ce que les prix demeurent sages !

Mais n'anticipons pas et suivons une progression logique. Supposons que les grumes soient débordées : pour conjurer le risque phytosanitaire, il faut envisager dès aujourd'hui de les immerger ou de les arroser. Les collectivités, les SIVOM, les syndicats d'adduction d'eau ne manqueront pas d'être sollicités, compte tenu du coût de l'eau et il convient par conséquent que le fonds national du développement des adductions d'eau les aide.

Pour accroître les aires de stockage, pour faire face aux surcoûts d'exploitation, il faut des prêts bonifiés à taux très bas, des subventions d'investissement et des procédures d'amortissement accélérées -et ce au plus vite.

Des conditions de financement supportables doivent de même être ménagées pour faire face au gonflement du stock de sciages.

Bien évidemment, les soutiens devront aller à parité à l'ONF, aux collectivités et aux propriétaires privés. Nous avons par ailleurs apprécié votre décision d'accorder des dégrèvements sur le foncier non bâti et des délais de paiement, mais ne pourriez-vous convaincre Bercy de supprimer les droits de mutation sur les parcelles « mortes » ?

On peut faire encore bien d'autres suggestions : abaissement à 5,5 % de la TVA sur les travaux forestiers, autorisation donnée aux communes de placer librement leurs excédents de recettes provenant de la vente de chablis... D'autre part, si consacrer 6 milliards sur dix ans à la reconstitution de la forêt part d'une bonne intention, la somme est loin d'être à la mesure des besoins. En outre, il est plus que jamais évident que la budgétisation des crédits remplaçant ceux du Fonds forestier national doit avoir un caractère pérenne : il ne faut plus permettre à Bercy de jouer avec la nature !

Je lancerai trois idées pour conclure.

La France compte 3,5 millions de propriétaires forestiers dont seulement 1,2 million possèdent plus d'un hectare : ne serait-ce qu'à titre expérimental, ne pourrait-on mettre l'occasion à profit pour pousser à des remembrements ? Cinq cent mille hectares ont été dévastés et la mesure irait dans l'intérêt de ces petits propriétaires comme de la forêt elle-même, qui deviendrait plus sûre... et plus rentable.

Deuxièmement, ne serait-il pas urgent de consacrer exclusivement la TGAP à la protection de la nature, au lieu de la dévoyer au secours des 35 heures ?

Enfin, Monsieur le ministre de l'agriculture, compte tenu de l'ampleur de la tâche suscitée par ces récents événements, ne croyez-vous pas que vous devriez être assisté par un secrétaire d'Etat à la forêt ? Celle-ci le mérite !

M. Michel Hunault - Très bien !

M. Maxime Bono - Je veux moi aussi saluer la mémoire des victimes et souligner l'ampleur de l'élan de solidarité ainsi que le travail considérable effectué par les services publics. Si les activités littorales n'ont, hélas, pas été les seules à souffrir des intempéries, nombre d'entre elles ont cumulé les dommages de la tempête et ceux de la marée noire. A cela s'ajoute la dégradation de l'image de nos côtes : les hôteliers constatent une baisse considérable des réservations et s'attendent pour 2000 à une fréquentation inférieure de parfois 40 % à celle de 1999. Cependant, après l'arrêt d'exploitation que la privation d'électricité leur a imposé au moment des réveillons, ils apprécient les mesures annoncées : aides de trésorerie, indemnisation à 100 % du chômage technique, prêts bonifiés.

En revanche, deux secteurs restent très inquiets : le premier est celui du tourisme associatif et social dont 350 villages de vacances ont été fortement touchés. Il redoute de perdre 1,2 millions de clients en 2000 et ignore encore s'il aura accès à l'ensemble des aides prévues pour les entreprises à caractère industriel et commercial.

Le second est celui de l'hôtellerie de plein air qui a vu son outil de travail dévasté. Dans la seule Charente-Maritime, 44 000 arbres se sont abattus dans les campings, endommageant plus de 1 700 mobil-homes et, dans la France entière, ce sont 3 000 de ces mobil-homes qui ont été totalement détruits. Il faut dégager des milliers d'arbres, reconstituer les capacités d'accueil et replanter. C'est dire si ce secteur mérite à lui seul une attention particulière. Enfin, tous les professionnels du tourisme attendent une vaste opération de promotion qui redonne aux 31 millions de visiteurs accueillis chaque année dans nos régions littorales le désir d'y revenir. Nous nous félicitons donc du plan sur deux ans que vient d'annoncer à Lorient Mme Demessine.

Paludiers, ostréiculteurs, mytiliculteurs et pêcheurs ont également subi des pertes sévères. Les mesures que vous avez annoncées dès le 12 janvier, Monsieur le Premier ministre, permettront d'indemniser aussi la perte de fonds d'exploitation et elles ont été appréciées, mais l'urgence est grande et l'impatience grandit dans l'attente des premiers chèques. M. le ministre de l'agriculture a promis qu'ils arriveront avant la fin de ce mois et je l'en remercie, le sachant homme de parole. J'ai d'ailleurs noté dans vos propres propos, Monsieur le Premier ministre, le même engagement.

Pour autant, on peut encore compléter le dispositif. Il conviendrait d'abord de solliciter l'Europe pour la reconstruction des digues, que les propriétaires, souvent personnes privées, auront beaucoup de mal à rénover malgré votre engagement de contribuer pour 50 % à cette reconstruction.

Une deuxième mesure devrait concerner la pêche. Votre gouvernement a institué des SOFIPECHE qui permettent d'acquérir des bateaux grâce à la collecte de fonds assortis d'avantages fiscaux. La date limite pour cette collecte était fixée au 31 décembre. Une prorogation du délai jusqu'à la date de dépôt des déclarations d'impôts sur le revenu serait sans doute peu coûteuse et contribuerait à la reconstitution de flottes terriblement endommagées.

Enfin, comme en matière de tourisme, une vaste campagne de promotion des produits de la mer s'imposera afin d'effacer l'image de la marée noire, de mettre un terme à la mévente des produits et de rendre ainsi à nos côtes leur légitime réputation de qualité -cette réputation que s'est employé à restaurer l'ensemble des services publics et que travaillent encore quotidiennement à rétablir les hommes et les femmes de notre littoral atlantique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Hunault - Je me réjouis de cette déclaration et de ce débat, et je vous remercie, Monsieur le Premier ministre, d'être resté avec nous jusqu'au terme de cette séance. Comme nombre de nos collègues, je tiens aussi à saluer l'élan de solidarité par lequel tous, élus, bénévoles, associations et agents de services publics, ont répondu à des événements tragiques.

Au bout de trois heures de débat, il me semble qu'on n'a guère traité d'un sujet pourtant important : les assurances. Pourtant, les assureurs aussi ont promptement réagi à la tempête, indiquant dès le jour même que le risque était couvert par les contrats multirisques-habitation, allongeant le délai de déclaration de plus d'un mois, puis facilitant les remboursements et simplifiant les modalités de règlement.

L'événement devrait également nous inciter à poser le problème des biens non assurables. Il est rarissime que les bâtiments ne soient pas assurés mais le cas est fréquent en revanche pour les pertes d'exploitation et les organisations professionnelles devraient donc bien inviter leurs adhérents à réfléchir à ce point. Cependant, d'autres biens ne sont pas assurables et l'Etat devrait sur ce point jouer un rôle essentiel.

Des mesures de prévention s'imposent aujourd'hui : certains bâtiments, sans être détruits, sont considérablement affaiblis. Des plans de prévention des risques s'imposent dans chaque département. Je suggérerai aussi qu'on maintienne les commissions d'indemnisation mises en place sous l'autorité des préfets en les transformant en observatoires chargés d'évaluer les risques et de suivre l'application des mesures que le Gouvernement a décidées.

Vous venez, Monsieur le Premier ministre, d'annoncer de nouvelles mesures, faisant suite à celles prises à la mi-janvier. Vous avez pu compter jusqu'ici, pour leur application, sur les collectivités. Je pense toutefois que nous pourrions gagner en efficacité si, dans les régions qui sont littéralement à reconstruire, il y avait une contractualisation analogue à celles des contrats Etats-région.

L'argent ne réparera jamais les dommages causés par la marée noire à la nature. En revanche, l'indemnisation des professionnels est indispensable. Or elle souffre de certaines incertitudes. Des polémiques se sont également ouvertes sur les conclusions du laboratoire Analytica, qui font état d'un risque cancérigène. Sur ce point, la transparence se révèle nécessaire.

Les professionnels de la mer viennent de recevoir une mauvaise nouvelle : les coquillages de Loire-Atlantique seraient souillés et, dans quelques heures, l'Agence de la sécurité des produits alimentaires doit se prononcer sur l'interdiction ou non de leur mise sur le marché. Ces professionnels sont désemparés et il conviendrait donc de compléter en leur faveur les mesures que vous venez d'annoncer.

Les conséquences de la catastrophe sur l'économie du tourisme devront également faire l'objet d'un suivi attentif. En effet, si l'on peut penser que, grâce à l'effort de solidarité, les plages atlantiques seront propres cet été, les images de la marée noire ne s'effaceront pas de sitôt dans l'esprit des touristes. Les mesures annoncées devront être complétées si besoin.

Mon collègue Edouard Landrain m'a demandé de suggérer que dans les départements touchés, le produit de la taxe sur les espaces naturels sensibles puisse être affecté au traitement des conséquences de la marée noire.

Je conclurai en insistant sur la nécessité de légiférer au niveau européen. Présidant l'Union au second semestre, la France aura la possibilité de faire progresser le dossier. Il faut notamment mieux établir la responsabilité des affréteurs et des armateurs. M. Desmarest a récemment polémiqué à Nantes sur les responsabilités respectives des uns et des autres : il faut lever toute ambiguïté et fixer des critères précis.

Un grand quotidien a titré sur les défaillances de l'Etat dans la lutte contre la marée noire. J'ai voulu, pour ma part, placer mon intervention sous le signe de la construction. Vous avez tenu vous-même, Monsieur le Premier ministre, à assister à notre débat jusqu'à la fin. L'élan de solidarité nationale qui s'est manifesté depuis un mois justifie que la représentation nationale, aujourd'hui informée, puisse suivre avec attention l'application des mesures que vous nous avez présentées (Applaudissements sur les tous les bancs).

M. Joseph Parrenin - Après les inondations désastreuses du sud de la France, la fin de l'année 1999 a été marquée par deux autres catastrophes : les deux tempêtes des 26 et 27 décembre et la marée noire consécutive au naufrage du pétrolier Erika.

Si nous ne pouvons éviter les tempêtes, nous pouvons toutefois mieux nous prémunir contre ce risque et nous devons en réparer les dégâts. La population, les élus, les services publics se sont immédiatement mobilisés, faisant preuve d'une grande solidarité et d'une remarquable efficacité.

Quant au Gouvernement, il s'est immédiatement rendu dans les régions sinistrées, Mme Voynet dans les forêts de Mignovillard et de Prince, M. Chevènement près de Pontarlier et M. Moscovici dans le pays de Maîche pour constater les dégâts sur les massifs forestiers.

Notre collègue François Brottes a parlé tout à l'heure de la filière bois. Celle-ci a quelques difficultés à faire face à cette situation exceptionnelle mais il ne faut surtout pas porter d'accusation à tort et à travers : l'ensemble des partenaires se sont mobilisés et ont cherché à faire au mieux, comme j'ai pu le constater dans diverses réunions locales.

La gestion de la forêt est très diverse en France. Les forêts domaniales et la majorité des forêts communales des communes forestières sont gérées par l'ONF. Celui-ci a immédiatement réagi, mobilisant ses moyens et ses personnels. Malheureusement, de nombreux postes sont vacants dans les régions touchées. Certaines communes, notamment dans le Sud-Ouest, gèrent leurs forêts elles-mêmes : elles manquent de moyens techniques pour exploiter et commercialiser de telles quantités de bois. Il en est de même des propriétaires privés dont les forêts sont parfois gérées par des coopératives ou par les chambres d'agriculture.

Il convient donc d'abord de renforcer les effectifs de toutes ces structures. De nombreux départs en retraite sont prévus à l'ONF : des embauches anticipées se justifieraient. De même, l'embauche de nombreux jeunes en formation, la libération anticipée des jeunes actuellement sous les drapeaux, des reports d'incorporation, voire, comme cela a été le cas à EDF, le rappel de jeunes retraités pour quelques mois constitueraient de bonnes mesures.

L'octroi de prêts bonifiés à taux faible, annoncé pour les communes forestières, doit bénéficier aux communes épargnées comme aux communes sinistrées. En effet, si celles-ci ignorent quand elles pourront exploiter et commercialiser les bois abattus, celles-là doivent suspendre les coupes ordinaires afin de faciliter l'écoulement des chablis.

Une autre préoccupation concerne les routes communales. Déjà endommagées par les tempêtes, elles seront totalement détériorées après l'exploitation massive des forêts. Il paraît donc souhaitable d'abonder la deuxième part de DGE dans les départements concernés.

L'exploitation des dizaines de milliers de mètres cubes de bois qui ne peuvent être destinés au sciage doit être organisée au niveau décentralisé tout en bénéficiant de l'appui financier de l'Etat. Les régions et les départements devront accompagner cet effort. L'ADEME devra elle aussi mobiliser ses moyens, en particulier sur les utilisations énergétiques des bois.

Je terminerai par la reforestation. Nos concitoyens, citadins comme ruraux, sont sensibles à la qualité de nos paysages et de nos forêts. Je m'inscris en faux contre certaines affirmations démagogiques et erronées mettant en cause les politiques sylvicoles. C'est bien la tempête exceptionnelle et elle seule qui, là où elle a sévi, a conduit à la destruction des arbres de toutes essences.

Nous devrons rapidement replanter dès que les forêts seront dégagées. Le plan annoncé sur dix ans doit être sensiblement raccourci afin de redonner espoir et confiance ; la reconstitution des forêts étant très longue, il ne faut pas attendre.

Enfin, au nom du groupe socialiste, je demande que l'on nous fasse régulièrement le point sur l'évolution de ce dossier, qu'il s'agisse de l'exploitation des bois, la situation de la filière, le coût réel de la reforestation et la situation des communes forestières les plus touchées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Goulard - Monsieur le Premier ministre, vous avez décliné tout à l'heure les mesures prises par le Gouvernement après les deux ouragans de décembre dernier et la catastrophe de l'Erika. Personne n'eût compris que la solidarité de l'Etat ne s'exerçât pas au bénéfice des personnes, des professions et des collectivités sinistrées. Parmi ces mesures, certaines sont substantielles, d'autres très timides mais ce n'est ici ni le lieu ni l'heure de polémiquer. Nous avons le devoir ici d'exprimer et de relayer le sentiment de solidarité nationale qui a animé les Français ces dernières semaines. Cela ne doit pas nous empêcher de considérer les faits en toute objectivité, afin notamment d'en tirer toutes les leçons.

Si le comportement des hommes a été partout, quelles qu'aient été leurs fonctions ou leurs responsabilités, irréprochable, quand il n'a pas été admirable, il n'en a pas toujours été ainsi de celui des organisations. Certains membres de la majorité ont émis des réserves sur l'organisation de la production et de la distribution d'électricité ainsi que sur la capacité du réseau à résister aux intempéries. Ils ont eu raison de soulever ces questions.

Je traiterai, pour ma part, de la marée noire qui a frappé ma région. Les côtes du Morbihan seront propres à brève échéance parce que nous déployons les moyens nécessaires avec le courage et la ténacité que l'on prête ordinairement à notre caractère. Les conséquences de la catastrophe sur la vente des produits de la mer et sur le tourisme n'en seront pas moins considérables. Et les indemnisations nécessaires dépasseront très certainement les possibilités des mécanismes conventionnels existants. Les victimes s'adresseront à tous les protagonistes du drame sans en exclure aucun.

L'Etat a signé le 26 janvier une convention avec Total relative au pompage du pétrole restant dans l'épave. Cela ne vaut pas pour nous, collectivités, professionnels, victimes à un titre ou à un autre, renoncement à poursuivre en responsabilité la compagnie. Que vous ayez, Monsieur le Premier ministre, demandé aux préfets d'inciter les conseils généraux à retirer leur plainte contre Total nous a été incompréhensible, pour ne pas dire davantage.

Le principal obstacle à la mise en jeu de la responsabilité de Total est le protocole additionnel à la convention internationale de 1969, signé en 1992 par un gouvernement socialiste, lequel exonère l'affréteur et toute responsabilité civile pour les dommages consécutifs à une pollution par les hydrocarbures. Cela ne nous privera pas d'explorer d'autres voies de recours, notamment celle d'un recours en responsabilité contre l'Etat. Trop d'insuffisances dans la prévention et dans le traitement de la crise ont été constatées. Il y a eu le temps de l'expression spontanée de la solidarité, dans les jours et les semaines qui ont suivi le drame. Demain viendra le temps des mesures nécessaires pour éviter que de tels enchaînements de défaillance conduisent à nouveau à de pareilles catastrophes. Mais aujourd'hui c'est la réparation qui s'impose. Comptez sur nous pour y veiller (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Bernard Grasset - Je veux penser avant tout aux victimes et à leurs familles, et redire aussi la gratitude que nous devons aux agents des services publics et aux militaires qui se sont dépensés sans compter. Vous êtes venu sur le terrain, Monsieur le Premier ministre ; l'éventail des mesures annoncées est bon ; l'effort budgétaire est conséquent. Mais il importe que les subventions soient rapidement débloquées, et que les indemnisations arrivent vite aux entreprises et aux particuliers, sans tracasseries administratives ni procédure inquisitoire. Sinon le bénéfice de cet effort considérable serait perdu et le découragement reviendrait pour longtemps.

J'évoquerai deux problèmes : l'agriculture, et les dégâts non assurables causés aux particuliers. L'agriculture a beaucoup souffert : bâtiments d'exploitation détruits, productions compromises, champs ravagés. J'insiste pour que les premiers versements interviennent dès les prochains jours. J'évoquerai le cas de l'horticulture en Charente-Maritime : 60 % des surfaces couvertes sont détruites. La perte de chiffre d'affaires est estimée à 100 millions. Le coût de reconstruction des serres est de 80 millions. Cent quarante entreprises sont concernées, deux cent cinquante emplois menacés. L'intervention d'ONIFLHOR doit être rapide et à la hauteur ; il serait souhaitable que ses dirigeants viennent se rendre compte sur place. Je n'ai pas à vous convaincre, Monsieur le ministre de l'agriculture, vous qui avez récemment rencontré les courageux horticulteurs rochefortais.

Plus généralement, il faut prendre des mesures financières, fiscales et sociales adaptées et assouplir les mesures réglementaires pour faciliter la reconstruction des bâtiments agricoles. Sur ce point, il faudra prévoir la remise aux normes : envisagez-vous d'adapter à la situation la mise en _uvre du plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole ? Il serait également opportun d'adapter les mesures de la PAC, qu'il s'agisse de la jachère ou des procédures de contrôle. Pourrions-nous d'autre part disposer encore de l'aide de l'armée pour quelques actions spécifiques ?

Un autre problème angoissant est celui des dommages non assurables, et notamment des arbres abattus. Le coût de tronçonnage et de dessouchage d'un arbre varie de 4 000 à 10 000 F. Il faut prévoir des aides pour les propriétaires les plus modestes. Il serait également opportun de ramener à 5,5 % le taux de TVA pour quelques mois, et pour ces travaux précis. Cela réduirait en outre les tentations de travail au noir et les risques de blessures graves encourus par ces bûcherons amateurs.

Monsieur le Premier ministre, vous avez pris la juste mesure de l'étendue de la catastrophe. Les mesures annoncées sont bonnes. Il faut maintenant aller vite dans l'indemnisation. Je sais votre détermination à ce sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Christian Jacob - On a évoqué déjà le dégâts de la tempête dans le secteur agricole. Plusieurs problèmes se posent, notamment celui des biens non assurables -par exemple les pertes d'exploitation- mais aussi des biens assurables, mais non assurés. Évoquant l'horticulture de son département, M. Doligé m'indiquait que les dégâts dépassaient 20 millions, dont 6 millions seulement sont assurés. M. Lemoine donnait des chiffres analogues pour la Basse-Normandie. Dans un canton de ma circonscription, les dégâts s'élèvent à 40 millions, dont 35 pour les agriculteurs et 5 pour les artisans et commerçants -compte non tenu des particuliers.

On a évoqué déjà la nécessaire adaptation des mesures, notamment lors des contrôles PAC, les problèmes de clôtures, les prairies, etc. Je souhaite revenir sur les pertes d'exploitation, qu'ont subies par exemple les éleveurs laitiers, les aviculteurs, les horticulteurs. A ce sujet je m'interroge sur les responsabilités d'EDF. Prenons le cas d'un éleveur bovin qui utilise un tank à lait pour refroidir son lait.

Faute de courant, il a jeté son lait au caniveau. S'il fait appel à son assureur, celui-ci objecte que le bien assuré n'a pas subi de dommages : et de fait le tank est intact. L'éleveur se tourne alors vers EDF, puisque la rupture d'approvisionnement est une rupture de contrat. EDF répond : c'est un cas de force majeure. Or cette réponse me semble un peu courte. S'il y a eu rupture de courant, en effet, c'est le résultat de choix politiques -éventuellement tout à fait compréhensibles- faits par EDF. Ainsi le choix de n'avoir que quelques grandes centrales implique le besoin de nombreuses lignes à haute tension, avec les risques qui en résultent. Il en va de même pour le choix -pour des raisons de coût là encore compréhensibles- de retarder l'enfouissement des lignes. Qu'en est-il du principe de précaution pour EDF ? Je me demande si l'argument de la force majeure n'est pas un peu facile, et s'il ne faudrait pas en rediscuter avec EDF. Bien sûr je rends hommage aux gens d'EDF, particulièrement aux lignards : le problème n'est pas là, c'est un problème de responsabilité financière, sur lequel nous devons avancer.

Je souhaite aussi évoquer la forêt. Des mesures sont annoncées, mais il faut aller plus loin. Mettre en place des prêts bonifiés pour les replantations est une bonne chose. Mais pour dégager les arbres abattus il faut des aides directes, et vite. Comment replanter, tant qu'on n'aura pas dégagé ? Il faut aussi prévoir des allégements de cotisations sociales pour les bûcherons et tous les travailleurs du bois, sans quoi l'on risque de voir se développer le travail au noir, ainsi que les accidents qui menacent les bûcherons amateurs.

Je sais que l'addition sera lourde. Mais il y a la « cagnotte fiscale » (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Ne m'objectez pas qu'il est contradictoire pour les libéraux de demander plus d'Etat. Cet argent n'est ni à vous, ni à nous : il est aux Français, qui depuis trois ans ont supporté 400 milliards de prélèvements supplémentaires. Aujourd'hui nous demandons que la solidarité nationale s'exerce : l'excédent fiscal permet d'aller au-delà de ce qui est annoncé (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Yves Deniaud - Dans la perspective d'une juste réparation des dégâts, j'évoquerai les recettes qu'il faut y affecter, puis les dépenses. Pour les recettes, on peut penser aux excédents fiscaux de 1999. Des indiscrétions font état de certains chiffres ; nous connaîtrons la réalité à la mi-février. Quelle qu'elle soit, il sera sans doute possible d'en distraire quelques milliards supplémentaires pour que la solidarité nationale s'exerce pleinement. En commission des finances, M. le ministre de l'économie m'a objecté la contradiction qu'il y aurait pour nous, partisans d'une maîtrise rigoureuse des dépenses publiques et de la réduction des déficits et de l'impôt, à exiger des dépenses supplémentaires. La réponse à cette objection tient en trois points. Tout d'abord, même en l'absence de ressources nouvelles, l'énormité du désastre suffirait à justifier un effort particulier de solidarité nationale. Ensuite les 40 ou 45 milliards de la « divine surprise » attendue représentent des impôts supplémentaires payés par les Français en sus de ce qui était annoncé : il est donc légitime de leur en restituer une partie. Enfin les sommes versées par l'Etat ne constitueront qu'une avance remboursable sur la TVA qu'acquitteront particuliers et entreprises. Pour 80 milliards, montant estimé des travaux, ce sont 16 milliards de TVA, non prévus dans la loi de finances pour 2000, qui entreront dans les caisses de l'Etat. Il serait bien légitime qu'on puisse à hauteur de cette somme, restituer aux Français sinistrés l'équivalent de l'impôt qu'ils paieront par la suite.

Pour ce qui est des dépenses, l'Etat doit se manifester par des subventions, et non pas seulement par des reports d'impôts et des prêts, qu'il faut bien rembourser un jour ou l'autre -ce qui sera très difficile pour beaucoup de gens. Après M. Jacob, je veux évoquer les agriculteurs sinistrés. Le Fonds national de garantie des calamités agricoles peut verser des indemnités à hauteur de 75 % des dommages, mais bien sûr dans la limite de ses possibilités- et là est le problème : il ne dispose pas aujourd'hui des sommes nécessaires pour faire face aux demandes. Il faut donc l'abonder. Dans l'Orne, la chambre d'agriculture estime à 200 millions les dégâts non assurés : on imagine l'extrapolation à l'échelle nationale. Comment seront indemnisées les pertes d'exploitation non assurées en raison des coupures de courant ? Comment financer la reconstitution des plantations pérennes et la compensation des pertes à long terme que leur destruction provoque ?

Dans l'Orne, le verger de pommiers et de poiriers est très largement détruit. Or il faut quinze ans pour qu'un pommier ait un rendement convenable, trente pour un poirier. Que vont devenir les producteurs en attendant ? Il est donc juste que des subventions leur soient accordées et que des programmes de reconstitution soient mis en _uvre.

Le Gouvernement a suggéré avec raison des avenants aux contrats de plan : que l'Etat prenne alors en charge deux tiers des financements me paraît équitable.

Des fonds européens sont disponibles en appui. Il faudra veiller à ce qu'ils soient mobilisés plus rapidement que d'habitude. Au total, l'effort de solidarité nationale doit être exemplaire. Tout le monde le dit. Mais, les Normands le savent bien, la générosité doit se compter en milliards dûment versés. Cet effort est finançable sans péril par l'Etat, il serait inexcusable qu'il ne soit pas accompli (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - Je remercie les membres du Gouvernement et singulièrement le Premier ministre d'avoir assisté à l'ensemble du débat.

M. le Premier ministre - Deux ouragans d'une extrême violence, une marée noire qui souille nos côtes atlantiques, c'est, avant toute mesure pour y faire face, une épreuve humaine. Nous n'avons pas oublié tous ceux qui sont morts dans les deux catastrophes. L'un de vous, citant un cas particulier, a rappelé le dévouement et parfois le sacrifice des représentants des services publics. Je me trouvais au centre de la cellule de crise à La Rochelle quand ont été connus la mort de ce pompier et le dévouement de son fils qui continuait à agir sur le terrain. De la même manière j'ai pu saluer l'homme jeune qui avait sauvé deux personnes par son courage et son esprit d'initiative. Dans d'autres départements, j'ai mesuré ce qui s'est manifesté de dévouement et de courage.

Ces épreuves ont montré que notre peuple n'était pas emprisonné dans l'individualisation et dans l'égoïsme dont on dit qu'ils le caractériseraient désormais. Au contraire le sens de la solidarité, du voisinage, du rassemblement s'est manifesté, entre les simples citoyens, chez ceux qui agissaient comme bénévoles ou professionnels, mais aussi chez les élus, qui ont su dépasser leurs divergences légitimes pour travailler ensemble.

Le même climat, pour l'essentiel, a prévalu ce matin ici. Ce débat a été utile. Je ne pourrai pas répondre à tout ou à tous. Je vous ai écoutés, les ministres présents l'ont fait également, ainsi que les conseillers des autres membres du Gouvernement. Nous ferons notre profit de ce que nous avons entendu.

Des observations de caractère général ont été présentées. Ainsi, les catastrophes ont rapproché les Français de leurs services publics. Face aux débats et aux tendances lourdes qui s'expriment au niveau mondial, aux critiques parfois injustes dont les services publics ont été victimes, ce constat largement partagé est bienvenu.

M. Louis Mexandeau - Très bien !

M. le Premier ministre - Cela ne dispense pas tel service public ou telle grande entreprise publique de tirer des leçons de ces événements pour mieux organiser les réseaux, diversifier les sources d'énergie, rendre le maillage territorial moins dépendant de décisions ou d'instruments centralisés.

Beaucoup de vous l'ont dit, les Français ont mesuré l'importance de l'Etat. Non pas l'Etat bureaucrate, lourd et lent, mais l'Etat qui rassemble et mobilise, dans des administrations et à travers des agents, des talents, des expériences, des dévouements et des compétences au service de nos concitoyens. Sur le terrain, j'ai été heureux d'entendre presque partout des compliments sur la façon dont les préfets s'étaient tenus auprès des élus, partageant au quotidien leur engagement contre la tempête. J'ai retransmis, avec le ministre de l'intérieur, ces compliments au corps préfectoral réuni place Beauvau.

L'Etat, dans un pays démocratique, doit être en effet l'expression organisée et efficace de la communauté nationale. Cette forme de réhabilitation de l'Etat n'était pas inutile.

Cet Etat, et c'est le seul point où j'ai été surpris par la pauvreté de l'information, n'a évidemment donné aucune instruction pour faire en sorte que tel ou tel élu renonce à une procédure judiciaire contre telle ou telle entreprise. Quand on veut porter recours contre l'Etat, qu'on a pourtant professionnellement illustré, on devrait s'interroger à quel moment l'Etat, et gouverné par qui, peut être mis en cause. Monsieur le député, (M. le Premier ministre se tourne vers M. François Goulard), ce n'est peut-être pas là qu'il faut situer le sens de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). L'Etat a répondu et répondra à la demande de solidarité. Mais il n'entend pas se substituer aux assurances privées. Je ne voudrais pas que par un désir légitime d'agir plus vite, on presse l'Etat d'assumer des coûts qui relèvent de la responsabilité des compagnies d'assurance.

Les assurés ont versé des primes. Je ne vois pas pourquoi ce serait à l'impôt acquitté par l'ensemble des Français de répondre au nécessaire engagement des compagnies d'assurance. Je ne critique pas ces dernières. Nous avons noué avec elles de bonnes relations. Elles ont pris la mesure du problème. Mais que chacun ait sa responsabilité.

Avec les 4,6 milliards mobilisés dès 2000, avec ce qu'il s'apprête à faire dans le temps, avec l'engagement de réviser si nécessaire son effort, l'Etat, donc le Gouvernement, n'a pas été défaillant. Pour agir, mieux vaut une économie en bon état, une croissance forte, une gestion maîtrisée de la dépense publique. Pour dégager sans barguigner les sommes nécessaires, il est préférable d'être assuré du contexte économique, du dynamisme retrouvé, du chômage qui recule, des comptes sociaux maîtrisés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). L'Etat remplit son rôle sans qu'il soit besoin de revenir sur la question de la cagnotte.

Depuis quelques semaines, alors même que les chiffres réels ne sont pas encore connus, la « cagnotte » semble avoir remplacé la fameuse « cassette »... (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Mais Christian Sautter n'est pas un nouvel Harpagon ! Il s'agit des crédits de l'Etat, que vous examinez ici. Contrairement à ce que répète sans cesse l'opposition, les plus-values de rentrées fiscales sont parfaitement connues de vous. D'ailleurs, 24 milliards ont déjà été inscrits dans le collectif. Ils ont servi à financer, à hauteur de 10 milliards, le remboursement promis par d'autres à l'Unedic et non honoré... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Trois milliards ont été consacrés au relèvement des minima sociaux et aux mesures en faveur des chômeurs en fin de droits. Le solde nous a permis de réduire le déficit, ce à quoi vous nous aviez encouragé.

Ce collectif, vous l'avez voté. Il n'y a pas de mystère. Le ministre des finances fait ses comptes et nous verrons combien il faut ajouter à ces 24 milliards déjà connus. Mais nous n'arriverons sans doute pas au chiffre de 45 milliards, qui est une extrapolation.

En matière budgétaire, vous le savez, il n'y a jamais de mystère. D'ailleurs, en tant que Premier ministre, j'ai sur l'administration de Bercy, dont je salue la grande compétence, un regard très attentif en permanence... (Rires sur tous les bancs) Cela fait semble-t-il l'unanimité : j'en suis content.

On s'est interrogé sur la complexité du dispositif mis en place. Elle s'explique par la complexité de la réalité elle-même et par notre volonté d'actionner toutes les touches du clavier. Les situations diffèrent grandement. On ne peut traiter de la même manière la forêt du domaine public et les forêts de Dordogne, morcelées, en une multitude d'exploitations. On ne peut parler de la même façon des conchyliculteurs et des pêcheurs, des agriculteurs dont les serres ont été emportées et des marins pêcheurs. Nous sommes confrontés à une grande diversité de territoires et de types d'agriculture. Il nous appartient de faire en sorte que l'ensemble des mécanismes existants, des ressources et des droits soient portés à la connaissance des intéressés, qu'il s'agisse des particuliers ou des entreprises.

Si on admet qu'un Etat de droit doit obéir à certaines règles, qu'il est soumis à l'examen des comptables publics, on doit reconnaître que ce Gouvernement a fait preuve d'une réactivité exceptionnelle. Il a obtenu des assureurs qu'ils se mobilisent et renoncent à exiger une expertise pour les sinistres de moins de 20 000 F. Les indemnisations pourront de la sorte intervenir rapidement. Déjà 15 % des personnes sinistrées ont touché un chèque et je souhaite que ce pourcentage augmente vite. L'Etat, par ailleurs, a abondé d'un milliard, dans le budget pour 2000, la provision pour dommages accidentels, évitant ainsi des discussions entre ministères qui, pour être légitimes, ne nous en auraient pas moins fait perdre du temps. Ces crédits ont été immédiatement délégués aux préfets, qui disposent d'une large autonomie, pour les affecter aux opérations les plus nécessaires.

Des instructions ont été données aux comptables publics de faire preuve de souplesse dans la passation des marchés publics, afin d'accélérer le paiement des actions de remise en état.

Le versement rapide des aides constitue une priorité pour le Gouvernement.

Il nous faut agir, à une plus vaste échelle, comme nous l'avons fait dans l'Aude après les inondations de novembre : le versement des premières aides est intervenu moins de deux mois après la catastrophe, ce qui constituait un record historique.

Je veux rassurer l'un d'entre vous, qui se demande si les armées vont continuer à rester présentes sur le terrain. Elles mobilisent actuellement 4 000 hommes, sans compter les 1 200 hommes engagés dans le plan POLMAR. Ils se consacrent en priorité au déboisement des itinéraires forestiers et à la sécurisation des cours d'eau, se chargeant d'abord des actions d'urgences et intervenant aussi là où on manque de main d'_uvre civile.

Je vous rappelle en outre qu'Alain Richard a décidé d'accorder un report d'incorporation aux jeunes exploitants et aux fils d'exploitants agricoles appelés sous les drapeaux en février et en avril (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Cependant, il faut comprendre que le ministre de la Défense et les chefs d'état-major aient besoin que les soldats assurent aussi leurs missions propres.

Nous sommes d'accord pour signer des avenants aux contrats de plan. Encore faut-il que les crédits en jeu demeurent dans une juste proportion avec le montant de l'enveloppe initiale. En outre, de tels avenants ne peuvent évidemment porter que sur des mesures de moyen ou long terme, et non sur des mesures d'urgence. Enfin, l'effort doit être raisonnablement partagé entre l'Etat et la région.

La forêt a beaucoup souffert de la catastrophe et les professions du bois s'impatientent. Je vous confirme que les préfets recevront leurs instructions cette semaine et que des crédits leur seront délégués en même temps, de sorte que les premières aides puissent être versées un mois et demi après la tempête.

Je le sais, cette forêt sinistrée constitue un immense chantier. J'ai confiance en nos forestiers, qui sauront relever ce défi. Ils peuvent compter sur le soutien de l'Etat.

La forêt française est une chance pour notre économie comme pour notre écologie. Le Parlement sera saisi ce semestre du projet de loi forestière et nous en profiterons pour tirer les leçons du sinistre.

Les agriculteurs sont souvent victimes de calamités et c'est pourquoi il existe des procédures d'aide classiques : fonds d'indemnisation des calamités agricoles, fonds d'allégement des charges, aide aux agriculteurs en difficulté. Tous ces dispositifs seront mis en _uvre et même améliorés. Le taux des prêts bonifiés passera de 4,9 à 3,5 %. Les offices agricoles seront dotés de 300 millions : je précise qu'il s'agit bien de moyens supplémentaires et non de redéploiements.

Le monde agricole sait que nous le défendons dans les négociations internationales, comme nous l'avons fait au sein de l'Union européenne.

La conchyliculture est gravement touchée. Nous avons débloqué 125 millions pour ce secteur et le plan d'aide aux 850 conchyliculteurs concernés est en cours d'élaboration. L'essentiel des pertes se constatera en fin d'année, mais l'OFIMER dispose déjà de ressources supplémentaires. J'ajoute que les conchyliculteurs seront exonérés de la redevance pour occupation du domaine public maritime, ce qui représente 5 000 à 15 000 F par exploitation.

Quelques mots encore sur certains points précis, sans répondre, faute de temps, à toutes les questions qui ont été posées.

La nature du fioul : toutes les analyses confirment qu'il s'agit de fioul n° 2, visqueux, lourd, mais peu toxique, et non un déchet hautement cancérigène, comme l'a affirmé un laboratoire.

L'origine des pollutions arrivant ces jours-ci sur les côtes : le préfet maritime affirme que les deux épaves ne fuient plus ; le plus probable est donc que les grandes marées de fin janvier ont redécollé des plaques de fioul échouées sur des rochers. On ne peut exclure, en outre, des dégazages sauvages.

Total : je n'ai pas l'habitude de polémiquer au sujet d'une grande entreprise française et j'ai essayé de faire en sorte qu'elle assume ses responsabilités. Elle a annoncé qu'elle passerait en dernier -après les particuliers, les collectivités et l'Etat- au FIPOL ; le remboursement de la cargaison de l'Erika paraît donc assez peu vraisemblable. Elle s'est engagée à assumer le coût du pompage et l'indemnisation des dégâts écologiques.

La réglementation : le Gouvernement entend agir résolument contre un système qui privilégie la réduction des coûts de transport, au détriment de la sécurité et de l'environnement. Cela suppose de lutter contre les pavillons de complaisance, d'améliorer la fiabilité des navires, de responsabiliser les différents acteurs du transport maritime, de renforcer et d'harmoniser les systèmes de contrôle et de sanction par les Etats. Les élus et les professionnels seront associés à la définition de nouvelles règles. Après la rencontre avec les élus du littoral et la table ronde qu'animera Jean-Claude Gayssot le 10 février, le Gouvernement présentera rapidement son plan d'action aux niveaux national, communautaire et international.

J'ai évoqué le travail qui va être conduit sous l'autorité du ministre de l'intérieur, en coordination avec d'autres départements ministériels. On peut penser que les conséquences de la tempête ont été aggravées par des systèmes de production trop intensifs et centralisés ; vous nous avez suivis en votant la loi d'orientation agricole et la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement durable du territoire. Des schémas de services collectifs sont actuellement en discussion dans les administrations et seront soumis à consultation à partir du mois d'avril ; dans le cadre du schéma de l'énergie, il sera notamment demandé à EDF de réfléchir aux normes de construction des lignes.

J'ai présidé il y a quinze jours le conseil interministériel de l'effet de serre. Nous avons adopté un plan ambitieux, salué par nos partenaires européens. La présidence de l'Union pourra nous aider à faire avancer nos propositions.

Faut-il réformer les procédures d'urgence ? Sur la suggestion du ministre de l'intérieur, j'ai confié à M. Gilles Sanson une mission d'évaluation qui devrait déboucher sur des améliorations, notamment en ce qui concerne la prévention et l'articulation entre POLMAR terre et POLMAR mer.

Compte tenu de l'heure, il me paraît raisonnable de conclure. Ce débat était utile, en tout cas pour le Gouvernement ; il n'a peut-être pas mobilisé autant de parlementaires que la détermination avec laquelle il avait été demandé aurait pu laisser penser. J'en ai été d'autant plus sensible à la qualité des interventions, émanant souvent d'élus issus de régions particulièrement touchées. J'ai apprécié le ton qu'ils ont adopté et l'intérêt de leurs suggestions.

Ce rendez-vous sera suivi d'autres, qui nous permettront de faire le point. Le Gouvernement est déterminé à agir dans la durée même quand le temps aura passé : nous n'oublierons pas les hommes et les femmes qui ont été frappés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale