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Assemblée Nationale

Session ordinaire de 1999-2000 - 53ème jour de séance, 126ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 9 FÉVRIER 2000

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

Sommaire

PRéSOMPTION D’INNOCENCE - deuxième lecture - (suite) 2

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 9

ARTICLE PREMIER 14

APRèS L'ARTICLE PREMIER 15

ART. 2 A 16

APRèS L'ART. 2 C 16

ART. 2 D 18

ART. 2 G 19

APRèS L’ART. 2 19

APRèS L’ART. 2 BIS 21

ART. 2 TER 22

APRèS L’ART. 2 TER 22

ART. 2 QUATER 23

APRèS L’ART. 2 QUATER 23

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.

PRéSOMPTION D’INNOCENCE - deuxième lecture - (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.

M. Michel Hunault - Madame la Garde des Sceaux, vous avez tout à l’heure rappelé les grandes lignes de votre projet initial, en date du 16 septembre 1998. Reconnaissez que les 207 amendements qui lui ont été apportés l’ont profondément modifié et amélioré. L’échec du Congrès destiné à réformer le Conseil supérieur de la magistrature, vous a sans doute incitée à rechercher une plus large adhésion. Et, de fait, cette adhésion vous est aujourd’hui acquise sur le fond car aucun groupe, je crois, ne votera contre ce texte.

M. Alain Tourret - Voilà une bonne chose !

M. Michel Hunault - La discussion de ce projet a permis mieux qu’une prise de conscience : elle a favorisé une volonté de mieux garantir les libertés individuelles et, donc, de renforcer les droits des victimes. Celles-ci seront désormais mieux informées et pourront se constituer parties civiles en suivant une procédure simplifiée. Par ailleurs, vous avez réaffirmé que la privation de liberté doit demeurer exceptionnelle : comment ne pas saluer la limitation ainsi apportée à la détention provisoire ? Cette dernière a donné lieu à des abus, contre lesquels un certain nombre d’entre nous se sont élevés ici, et elle est l’une des premières causes de la surpopulation carcérale ; en outre, elle maintient en prison des personnes qui n’ont rien à y faire. Le progrès est par conséquent incontestable.

Je me félicite de même de l’institution d’un juge de la détention provisoire, distinct du juge d’instruction.

Quant à la garde à vue qui, comme vous l’avez rappelé, concerne 400 000 personnes chaque année, la présence de l’avocat dès la première heure, puis à la vingtième heure, constitue une avancée. Il serait cependant indispensable de mieux encadrer la procédure et, de ce point de vue, il me paraîtrait souhaitable de diffuser dans les commissariats la réponse que vous aviez donnée à une question écrite le 14 juin dernier…

M. Robert Pandraud - Les policiers connaissent les règles !

M. Michel Hunault - Mais, s’il faut limiter le recours à la détention provisoire, on peut aussi privilégier les mesures alternatives. Je pense en particulier à l’utilisation du bracelet électronique, dont le principe a été adopté en décembre 1997. Or cette disposition n’a jamais été appliquée. Est-ce parce qu’elle avait été proposée par l’UDF ? Toujours est-il qu’il conviendrait maintenant de lui donner corps…

Autre progrès considérable, et qui nous met en conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme et avec son protocole : on pourra désormais faire appel des décisions prises par les cours d’assises. J’aurai ici une pensée pour votre prédécesseur, M. Toubon, qui, en mai 1997, avait déjà posé le principe.

Les mesures concernant la mise en examen ne sont pas suffisantes, mon collègue Patrick Devedjian l’a déjà souligné en même temps qu’il rappelait les propositions d’Edouard Balladur sur le sujet. La mise en examen s’apparente aujourd’hui à une mise en accusation et un membre d’un Gouvernement, mis en examen, a dû par le passé démissionner alors même que sa culpabilité n’est toujours pas prouvée aujourd’hui. Mieux vaudrait donc carrément supprimer la mise en examen.

Réduction des délais d’instruction, présence renforcée de l’avocat, double degré de juridiction en matière criminelle, développement des mesures alternatives à l’incarcération, enregistrement des gardes à vue : autant de mesures qui tendent à mieux garantir les libertés individuelles. Mais, Madame la Garde des Sceaux, aurez-vous les moyens de votre politique ? Les crédits de la justice ont certes progressé davantage que le budget de l’Etat ces dernières années mais une loi de programmation serait nécessaire. Cela seul garantirait que les magistrats disposeront réellement des moyens d’appliquer ces mesures qui représentent un indéniable progrès (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jacques Floch - Mme la rapporteur a décrit tout à l’heure avec le talent qui est le sien le contenu de ce grand projet de loi car, n’en déplaise à Mme Catala, il s’agit bien d’un grand projet de loi. Il faut se féliciter de l’excellent travail accompli en commission où le dialogue a été permanent entre le Gouvernement et le Parlement. Il n’est plus question ici de « godillots ».

Madame la Garde des Sceaux, on ne vous remerciera jamais assez d’avoir osé ouvrir ce grand débat sur ce que doit être la justice aujourd’hui. Vous avez accepté de prendre ce risque alors que la tâche était, aux dires de certains, insurmontable et que vous auriez pu vous contenter de gérer le quotidien avec son lot d’insuffisances, de récriminations, d’exigences, d‘espoirs et de désarrois. Au contraire, vous avez essayé de donner corps à cette phrase simple de la déclaration de politique générale de Lionel Jospin : « Nous réformerons la justice ».

Ce défi à la société, à l’histoire, aux conservatismes ne peut se comprendre que si l’on reconnaît les changements majeurs intervenus dans la deuxième moitié du XXe siècle, parmi lesquels les velléités d’équité, les exigences d’égalité devant la loi qui se sont fait jour, sans parler d’égalité devant la justice, ce qui est légal n’étant pas toujours juste.

Madame la ministre, votre persévérance pour convaincre de la nécessité de rendre performante l’administration judiciaire parce que vous croyez intimement à son rôle essentiel pour la régulation sociale nous a obligés à sortir des sentiers battus et des faux débats.

C’est cela surtout qui déplaît mais c’est aussi cela qui nous fait nous engager à vos côtés pour essayer de détruire toutes ces insolentes forteresses dont les tenants n’ont pas encore compris que le XIXe siècle a vécu.

Le legs du passé pèse d’un poids énorme sur l’institution judiciaire d’autant que pendant des lustres le sujet a fait l’objet de l’indifférence générale.

Certes l’opinion publique s’intéresse –ou on l’intéresse– surtout à ce qui est spectaculaire : les grands crimes, les crimes odieux, ceux qui jettent l’effroi, ceux qui ont autorisé un autre crime, la peine de mort ou la condamnation à l’enfer du bagne.

Mais qui s’intéresse à la nécessaire révision du code pénal ou du code de procédure pénale dont la marque bonapartiste ne finit pas d’entraver le progrès de notre société ? La pensée unique a de beaux ancêtres : si on n’y prend garde, elle finira par s’en réclamer.

Qui s’intéresse à toutes les décisions prises par le juge civil dans les tribunaux d’instance ? Qui met en exergue, qui rend compte de ces décisions souvent équitables marquées du coin du bon sens et qui font beaucoup pour la paix civile, la paix sociale, l’équilibre familial, la tranquillité d’esprit de nos concitoyens ?

Madame la Garde des Sceaux, en ouvrant plusieurs fronts pour porter cette folle idée de réforme de l’institution judiciaire, vous vous rendez coupable d’un orgueil sans borne, d’une présomption ô combien téméraire. Quelques-uns ici ont envie, avec vous, d’être téméraires et orgueilleux, car nous ne pouvons pas abandonner cette longue marche.

Certes des retards imprévus, mais aussi voulus, nous ont empêché d’aller à Versailles. Ce n’est que partie remise. Bientôt, dans ce haut lieu de notre histoire, de jeunes arbres seront replantés, la tempête ayant fait table rase du passé. J’y vois un symbole, comme j’en vois un dans notre débat d’aujourd’hui.

Nous avons envie de dépasser les turbulences de décembre et janvier. Notre volonté commune de réformer n’est en rien émoussée.

Ce texte relatif à la présomption d’innocence et aux droits des victimes, nous offre la chance de la réaffirmer. Certains pensent que nous sommes peut-être déjà allés trop loin et parlent de révolution, mot qui fait encore peur, mais qui moi me rassure car je sais que nous effleurons seulement la réforme. Et dans ce contexte d’immobilisme constant, c’est presque un exploit. On le doit au Premier ministre, à vous, Madame la Garde des Sceaux, à vous Madame la présidente de la commission des lois, à vous Madame la rapporteur, à vous tous, mes chers collègues, qui vous êtes investis avec conviction dans cette grande démarche.

Souvenez-vous qu’après avoir publié la déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789, nos prédécesseurs s’empressèrent en hommes éclairés certes, mais surtout bourgeois et propriétaires, non pas d’établir un code civil mais un code pénal car ils voulaient garantir l’ordre public et assurer la conservation de l’ordre social par des « remèdes rapides ». Napoléon et ses jurisconsultants surent en tirer profit. Le code pénal de 1810 n’est qu’un approfondissement de cet important travail de droit.

Mais les constituants de 1791 avaient quelques restes du siècle des Lumières. La prison devait être selon eux un lieu de correction et de rédemption. Napoléon Bonaparte n’eut pas les mêmes scrupules. La législation pénale deviendra ce qu’elle est restée, une longue liste de peines « non pas pour apaiser la colère mais pour prévenir le crime ». Il s’agissait de mettre à l’écart tous ceux qui pouvaient représenter un danger pour l’ordre social, voire l’ordre politique. Souvenez-vous du titre de l’ouvrage de Louis Chevalier : Classes laborieuses, classes dangereuses. Quelle vision du monde ! Quelle profonde erreur !

Souvenez-vous également du long combat que certains menèrent pour lutter contre ce terrible conformisme : 1832 : les circonstances atténuantes ; 1885 : la libération conditionnelle ; 1891 : le sursis ; 1938 : la suppression du bagne ; 1981 : la suppression de la Cour de sûreté de l’Etat ; 1981 : l’abolition de la peine de mort ; 1982 : la suppression des tribunaux des forces armées.

Je suis sûr, Madame la Garde des Sceaux, que l’histoire retiendra qu’en 2000, ensemble, nous avons réformé les textes sur la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes et que le droit et la justice en sont sortis grandis (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Louis Mermaz - Ce texte relatif à la présomption d’innocence et aux droits des victimes nous est présenté alors que la réforme du CSM est en panne, provisoirement espérons-le, et que l’Assemblée nationale vient de créer une commission d’enquête sur les prisons. La réforme du CSM devait asseoir l’indépendance des juges, y compris du parquet, mais surtout assurer leur légitimité en évitant tout corporatisme. La commission d’enquête sur les prisons qui devra s’intéresser à l’ensemble du système judiciaire, de la Chancellerie au mitard, doit permettre, après l’émotion soulevée par l’ouvrage de Mme Vasseur, de savoir ce qui se passe réellement dans les prisons.

Fermer des prisons vétustes et en construire de plus modernes, c’est bien, il le faut, mais il faut surtout réduire le nombre de personnes emprisonnées. Un Garde des Sceaux qui quitterait la Chancellerie alors que le nombre de détenus aurait diminué pendant qu’il exerçait ses fonctions, ce qui ne s’est pas vu depuis fort longtemps, serait pour moi un grand Garde des Sceaux.

Nous traitons aujourd’hui de la protection de la présomption d’innocence et des droits des victimes dans un climat apaisé, alors qu’un certain consensus se fait jour même si nous savons que cette réforme ne sera pas la dernière puisqu’aussi bien en matière de justice, le progrès doit être continu. Le texte que nous examinons comporte des avancées certaines par rapport à sa version de première lecture, qui constituait elle-même un progrès par rapport à la situation actuelle. Chacun y a contribué, la Garde des Sceaux, le Sénat –j’aurai à cet instant envie de faire l’éloge du bicamérisme–, la présidente de la commission des lois, la rapporteuse, nos collègues Mme Bredin, M. Tourret, d’autres encore et je ne citerai aucun de nos collègues de l’opposition -ce serait les compromettre (Sourires).

Présence de l’avocat à la première heure de garde à vue, enregistrement sonore pour les majeurs comme pour les mineurs –et sans doute un jour vidéo– constituent des avancées majeures. Et un amendement ainsi qu’un sous-amendement seront présentés tendant à réglementer les odieuses fouilles au corps.

M. Alain Tourret - Très bien !

M. Louis Mermaz - Toutes ces mesures sont importantes quand on sait que 400 000 personnes, soit l’équivalent de la population d’une grande ville, passent chaque année en garde à vue.

La détention provisoire aussi sera réformée : 13 000 personnes, soit l’équivalent de la population d’une ville moyenne, y sont placées chaque année, alors que, même selon le droit actuel, la détention devrait être exceptionnelle. Nous allons encadrer la détention provisoire et créer une institution nouvelle, le juge de la détention.

Ce n’est pas une mauvaise chose que parfois majorité et opposition se retrouvent sur la défense des droits de l’homme. Mais je rappellerai quand même que la loi Badinter de 1985 prévoyait une juridiction collégiale de la détention provisoire : cette excellente loi a malheureusement été abrogée le 30 décembre 1987…

M. Jean-Luc Warsmann - Elle n’était pas financée !

M. Louis Mermaz - Si, si, les moyens avaient été prévus ! Derechef la loi Vauzelle du 4 janvier 1993 restaurait un juge-délégué dans un premier temps, une juridiction collégiale dans un deuxième temps. Cette loi, elle aussi, a été abrogée le 24 août 1993…

M. Jean-Luc Warsmann - Que ne l’avez-vous rétablie immédiatement !

M. Louis Mermaz - Je me contente de décrire les faits ! Félicitons-nous, Monsieur Warsmann, que la majorité d’hier ait fait sa révolution culturelle et rompe avec la philosophie sécuritaire !

La disposition qui va imposer des cellules individuelles pour les personnes mises en examen est très importante : nous devrons veiller à ce que les moyens financiers suivent.

Et puis il y a cette grande réforme, la possibilité d’appel devant les cours d’assises, nous ne pouvons tous que nous en réjouir.

Cette réforme accomplie, il restera encore beaucoup à faire. Le système de la comparution immédiate est une justice à l’abattage, les magistrats sont les premiers à le dire, plus tôt on le changera, mieux cela vaudra.

Il faudrait aussi revoir l’échelle des peines, qui correspond souvent à l’esprit du XIXe siècle.

Très importants aussi seront les moyens financiers. Certes, le budget de la Justice n’a jamais été aussi important, mais il faudra aller plus loin en matière de création de postes.

Il faudra aussi développer les alternatives à l’emprisonnement, surtout pour les mineurs, car c’est une catastrophe pour eux et pour la société. Les nouvelles orientations de 1999 concernant la protection judiciaire de la jeunesse, l’engagement de créer 100 centres éducatifs et 50 centres de placement immédiat d’ici fin 2000 vont dans le bon sens, mais c’est encore insuffisant.

Ce débat aura fait progresser la notion de procédure contradictoire et désormais le juge devra instruire autant à décharge qu’à charge : c’est un esprit nouveau, qui profitera à la fois aux suspects et aux victimes car celles-ci pourront désormais se constituer partie civile.

Si la loi est véritablement appliquée et si les moyens financiers suivent, une nouvelle étape sera franchie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Christiane Taubira-Delannon - Ce texte porte un joli nom, promesse d’une rigueur généreuse inspirée du droit des gens.

Par son contenu, ses équilibres astucieux, les échanges intenses qu’il a suscités, ce texte témoigne de nos idéaux de justice et de progrès, de notre choix d’une société solidaire et protectrice des plus vulnérables, fidèle au principe qu’entre le faible et le fort, c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère.

Nous avons le privilège de vivre une époque où l’audace n’est plus constitutionnellement sacrilège, ni politiquement incorrecte, ni culturellement insolite. L’Etat français n’est plus un Etat central unifié, la nationalité française recouvre désormais trois citoyennetés : la citoyenneté française s’enrichit d’une citoyenneté néo-calédonienne et d’une citoyenneté polynésienne. Elle reconnaît encore plus de cultures –la tahitienne, la mélanésienne, l’européenne et sans le dire encore, la corse, la guyanaise, la martiniquaise, la guadeloupéenne… Elle survit à une diversité plus large encore, avec une population majoritairement musulmane à Mayotte, une monarchie à Wallis, des Amérindiens et des Bushinengs en Guyane. Cette pratique de l’altérité au quotidien réserve quelques surprises, mais il faudra continuer d’avancer.

En même temps, il faudra s’interroger sur les principes dont on risque de s’éloigner quand on se rapproche des réalités, car les réalités peuvent être inégalitaires, conservatrices, dominatrices. C’est dans cet esprit qu’il faudra explorer les systèmes coutumiers.

Vous avez toujours montré, Madame la ministre, votre souci que les principes se traduisent par des actes, tels que le recrutement de magistrats et la modernisation des structures. A cet égard, certaines demandes mériteraient un examen attentif, par exemple en Guyane, la création d’une cour d’appel, le maintien de permanences, la définition d’un statut des interprètes. L’accès au droit devrait être renforcé par la diffusion de brochures d’information juridique dans les langues natives et les langues étrangères les plus courantes, le maintien de consultations juridiques gratuites, la mise à disposition des victimes de psychologues...

Je n’insisterai pas sur la vétusté du tribunal de Cayenne. Vous avez dû reporter une série de visites prévues en Guyane, à la Martinique et à la Guadeloupe : elles vous permettraient d’évaluer les besoins matériels, mais aussi de prendre la mesure des relations conflictuelles entre l’institution judiciaire et nos sociétés.

En Guyane, l’Etat a parfois été prédateur, négligeant, parasite, discriminatoire, injuste. Mais ce texte montre qu’un gouvernement peut résolument choisir de mettre la puissance d’Etat au service des plus vulnérables. C’est un texte flamboyant et j’en souhaiterais presque dix lectures pour avoir dix fois le bonheur de le voter ! (Exclamations sur divers bancs ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste)

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Ce texte est assurément un grand texte qui réforme en profondeur des étapes clés de la procédure pénale. Il marque incontestablement un grand progrès et contribuera à un meilleur rapport des citoyens à la justice. Ce sentiment est partagé par la grande majorité de la commission des lois. Permettez-moi cependant de rappeler à ceux qui seraient tentés de s’attribuer le mérite de l’évolution de ce texte qu’il est dû principalement à la volonté réformatrice de Lionel Jospin et d’Elisabeth Guigou, qui ont engagé des réformes considérables, assorties des moyens nécessaires.

Je suis étonnée, voire inquiète, de la façon dont certains de nos collègues présentent le débat parlementaire. Oui, de très nombreux parlementaires de divers groupes ont beaucoup travaillé sur ce texte. Ils ne l’ont fait ni contre ni sans le Gouvernement, mais avec lui, et nous devrions nous réjouir que le débat parlementaire ait pris toute sa place.

Hier, d’aucuns, dans l’opposition, s’inquiétaient de ce que le Pacs n’était qu’une proposition de loi, craignant pour sa bonne fin. Ceux-là peuvent-ils aujourd’hui reprocher à la majorité et à la Garde des Sceaux d’avoir travaillé ensemble ? Je souhaite, pour ma part, que cet espace de réflexion commune s’élargisse encore.

Il reste que ce texte novateur répondra, une fois adopté, aux attentes de nos concitoyens. Sa vraie histoire sera ce résultat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Vous avez été nombreux à reconnaître les progrès que permettra ce texte et je vous en remercie. Sans reprendre le terme de « flamboyant », car nous le sommes moins, ici, que dans les îles, je dirai de ce projet qu’il donne plus d’espace aux libertés sans nuire à l’enquête. De nombreux orateurs ont souligné qu’ils poursuivaient cet objectif depuis fort longtemps.

La création du juge de la détention provisoire a été considérée comme une étape remarquable, M. Gerin déplorant toutefois que ce texte n’institue pas la collégialité. Je n’y verrais aucun inconvénient, bien au contraire, et la question se posera sans doute, à nouveau, lorsque toutes les juridictions auront été remises à flot. Cependant, j’ai refusé de m’associer à toute proposition de réforme qui ne serait pas financée.

M. Jean-Luc Warsmann - Faux ! Ce sont des mots !

Mme la Garde des Sceaux - C’est pourquoi je préfère dire : « faisons ce que nous pouvons, à un moment donné », en attendant d’en venir à ce projet supplémentaire que sera la délibération collective.

M. Gerin, Mme Catala et M. Hunault ont souligné combien les moyens sont importants à qui veut mettre en œuvre une réforme de la justice. A M. Hunault, je sais gré d’avoir eu l’honnêteté de reconnaître l’effort consenti au cours des dernières années qui, bien qu’encore insuffisant –je suis la première à l’admettre– est sans précédent. J’ai, d’autre part, été très intéressée par la suggestion faite par Mme Catala de voir les cabinets des juges d’instruction tenir un fichier informatisé de la situation des détentions. Qu’elle se rassure : l’informatisation est de fait dans la plupart des cabinets, et les dispositions nouvelles ne créeront pas de difficultés particulières à cet égard.

J’ai noté, par ailleurs, quelques imprécisions, et aussi quelques fausses pistes. De ces imprécisions, les orateurs ne sont pas responsables puisqu’ils ont fait état des statistiques du ministère qui, jusqu’à présent, mêlaient le nombre des détenus provisoires qui ne sont jamais passés en jugement et celui des prisonniers qui, déjà jugés, attendent un jugement d’appel. Qu’en est-il exactement ? Au 1er janvier, on comptait en France 51 900 détenus, dont 31 400 définitivement condamnés. Il y avait donc, dans les prisons françaises, 20 500 prévenus soit, c’est vrai, 40 % de l’ensemble des personnes incarcérées. Mais 14 000 l’étaient par l’action d’un juge d’instruction, soit 23 %. C’est encore beaucoup trop, mais ce n’est pas 40 %.

J’ai entendu aussi, je vous l’ai dit, quelques fausses bonnes idées. Ainsi, M. Devedjian a suggéré que l’on supprime la mise en examen. M. Balladur l’avait également demandé, si bien que j’ai porté à cette question une attention particulière, pour me rendre compte qu’aller en ce sens aurait pour conséquence de répéter ce à quoi nous avons assisté après qu’en 1992 on eut supprimé l’inculpation : tous ses défauts en ont été transférés sur la mise en examen.

C’est pourquoi je propose, plutôt que de supprimer la mise en examen, de la reculer le plus que cela se peut, en créant la procédure de témoin assisté.

On a encore proposé d’instituer un tribunal de la mise en examen. Très mauvaise idée que celle-là, comme je l’ai déjà expliqué : quelle terrible chose qu’un pré-jugement si un non-lieu devait intervenir ensuite ! Je comprends l’esprit de cette proposition, mais je considère qu’en l’espèce, lui donner force de loi priverait le justiciable de la protection que l’on souhaite lui donner.

M. Michel, ancien juge d’instruction, a formulé une autre de ces fausses bonnes idées en suggérant que l’on supprime les juges d’instruction. Personne, à part lui, ne le demande plus, mais il a laissé entendre que mon plaidoyer en faveur de leur maintien m’aurait été soufflé. Qu’il le sache : rien de ce que j’ai dit n’a été déterminé par un autre que moi.

Sur le fond, la question qui demeure est de savoir si un seul homme, fût-il juge du siège, peut instruire à charge et à décharge. Je le pense, étant données les garanties supplémentaires apportées par le texte, qui donne une place plus grande aux avocats, et, de plus, je fais confiance au juge. C’est peut-être un pari, mais j’ai des contacts fréquents avec les jeunes générations de juges d’instruction, qui déplorent le décalage entre les textes et la réalité et condamnent les dérives, et je les pense capables de faire de cette réforme la leur.

Je suis certaine que le dispositif que nous instituons est le meilleur possible, sachant qu’aucun n’est idéal. Il nous faudra toujours nous efforcer de restreindre l’écart entre les principes et leur application, et nous y arriverons d’autant mieux que les jeunes juges d’instruction savent que plus personne ne peut s’affranchir du devoir de rendre des comptes.

M. Devedjian a emprunté une bien mauvaise piste en amalgamant le Kosovo, Auschwitz et les Arméniens, d’une part, l’article 26 du projet, d’autre part. Il y avait là, pour le moins, une exagération qui n’avait pas lieu d’être. Dois-je vraiment rappeler que ce dont il s’agit, dans cet article, c’est de réprimer les atteintes à l’image des victimes d’infractions pénales ?

En tout état de cause, l’amendement que je propose tend à ne retenir une infraction que lorsque l’atteinte à la dignité est grave et que la victime n’a pas donné son accord. Les craintes de M. Devedjian me semblent donc pour le moins excessives. Mon unique souci est de protéger la dignité de victimes anonymes que personne ne viendra défendre.

J’ai entendu l’embarras de l’opposition sur la réforme constitutionnelle. Je pense notamment aux interventions de MM. Devedjian et Albertini, alors que Mme Bredin ou M. Gerin ont rappelé avec éloquence les raisons de cette réforme.

Mais, Monsieur Albertini, tout n’est pas dans tout. Le présent texte n’est pas lié à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Or la loi constitutionnelle qui devait être soumise au Congrès le 24 janvier 2000 traitait seulement de cela. Elle posait deux questions simples : veut-on que les procureurs soient enfin nommés comme des magistrats –et non comme des préfets ? Veut-on que le CSM soit plus ouvert sur la société ? Il y a un peu plus d’un an, 90 % des parlementaires avaient répondu oui et le Congrès visait donc à leur demander s’ils confirmaient leur vote. Je conteste formellement le fait que l’on laisse à penser que les six autres textes de la réforme doivent être soumis au vote du Congrès. Je le répète, le présent texte n’est pas lié à la réforme constitutionnelle mais je vois bien pourquoi l’opposition cherche à tout globaliser.

M. Jean-Luc Warsmann - Votre souci de polémiquer est déplacé !

Mme la Garde des Sceaux - Il n’y a pas de « coproduction » sur des projets de loi ordinaire entre la majorité et l’opposition. Je ne veux pas laisser se confirmer cette globalisation qui cherche à faire oublier pourquoi le Président de la République s’est senti contraint de repousser la convocation du Congrès.

Madame Taubira-Delannon, le sort de la Guyane retient toute mon attention et je me félicite des efforts réalisés sur place pour moderniser l’institution judiciaire : réhabilitation du TGI en Guyane, ouverture d’une maison de la justice et du droit à Saint-Laurent-du-Maroni, état civil des Amérindiens.

Je remercie Catherine Tasca d’avoir rappelé avec des mots simples que ce texte était le fruit d’une collaboration étroite du Gouvernement et de la majorité parlementaire, à travers les lectures successives et qu’il avait bénéficié de propositions très intéressantes de la part de certains députés de l’opposition. J’espère que nous n’aurons pas besoin de dix lectures pour parvenir à rapprocher les positions, à trouver une rédaction vigoureuse et à bâtir un texte qui recueille un large consensus, ce qui augmentera ses chances d’entrer dans la réalité…

Mme la Présidente de la commission des lois - Et dans l’histoire !

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

La discussion générale est close.

M. Pierre Albertini - Rappel au Règlement, fondé sur l’article 58. Un de nos collègues s’est emporté et, pointant sur nous un index que je ne veux pas croire vengeur, a déclaré : « Ce ne sont pas des démocrates ! » Je souhaite que cette assertion soit retirée. Ce type d’accusation n’est pas tolérable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. le Président - Je n’ai pas entendu ces mots et je gage que les services des comptes rendus ne les ont pas entendus non plus…

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J’ai reçu une demande de motion de renvoi en commission, déposée par le groupe UDF en application de l’article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Je constate avec satisfaction que nous pouvons enfin avoir un débat approfondi sur la réforme de notre système judiciaire. Ma satisfaction est cependant tempérée parce qu’il nous manque la vision d’ensemble exacte de l’intention du Gouvernement. Nous aurions donc souhaité faire un point direct avec vous en commission, Madame la Garde des Sceaux.

Le report du Congrès, et je m’exprime ici au nom de mon groupe et d’autres parlementaires, ne résulte pas d’un calcul politicien mais de la volonté assumée de marquer un temps d’arrêt pour dissiper un certain nombre de malentendus. La gauche s’est alors crue autorisée à dire que la droite n’était pas favorable à l’indépendance de la justice. Vous l’avez dit mais il n’en est rien ! La réalité, c’est que nous avons ressenti le trouble profond des magistrats et que nous avons considéré qu’il fallait prendre le temps de la réflexion. Cette réforme de la justice est nécessaire mais gardons-nous de toute injustice. Ne faisons pas des magistrats, des avocats, des professions judiciaires, des policiers ou des gendarmes des boucs émissaires des dysfonctionnements du système. Sachons reconnaître nos erreurs et nos lâchetés. Au législateur de définir les règles. S’il faut dépénaliser ou toiletter les textes, faisons-le. Si nos concitoyens sont sévères sur la justice, ils mettent en cause davantage l’insuffisance de moyens que les acteurs de la justice. Gardons-nous des caricatures. Nous n’acceptons pas, je le dis solennellement comme l’a rappelé avec force le président Giscard d’Estaing, de faux procès sur l’indépendance de la justice.

Soyons évolutifs et lucides. Traquons l’obsolète et ne nous rassurons pas à bon compte. Il est toujours possible d’inventer de nouveaux concepts mais il faut les confronter à la réalité pour voir s’ils seront applicables. Songez à la suppression de l’inculpation qui devait tout régler. Elle n’a, en définitive, pas réglé grand-chose. Un peu d’audace n’est pas interdit car rien n’est sacrilège. Nous sommes au milieu du gué. Beaucoup reste à faire pour passer de la présomption de culpabilité à la présomption d’innocence.

Nous devons rétablir les principes fondateurs de notre République : « Tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable » et « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ».

En souhaitant revenir aux principes contenus dans la déclaration des droits de l’homme, notre objectif n’est pas d’étouffer des affaires, de nous autoprotéger ou de nous exonérer de nos responsabilités mais de combattre l’air du temps, fait de rumeurs, d’amalgames, d’idées fausses ou de désignation à la vindicte publique de victimes expiatoires.

Nous devons refuser les règlements de comptes sordides. Ne nous méprenons pas sur l’attitude de nos concitoyens : aujourd’hui le droit à l’information, le goût du sensationnel priment sur les droits de la défense et de la personne. Ce droit à l’information est d’ailleurs essentiel pour permettre à notre démocratie de lutter contre la barbarie, contre le terrorisme, contre l’injustice. Mais prenons garde à la présomption de culpabilité, plante vénéneuse qui fleurit sur le terreau des détritus que produisent les adversaires de la démocratie. La procédure est perçue comme source de lenteur alors qu’elle est une garantie. Certes, la vérité est une valeur, mais certains manquements au respect de l’homme sont intolérables. Lorsque la justice a parlé, elle est souveraine. Evitons que l’opinion s’érige en juge de façon instantanée, passionnelle et partiale. Se faire justice soi-même, c’est le pire des remèdes, disons-le avec force, mais répondons au besoin de justice et attachons-nous à rendre intelligible et accessible non seulement la décision de justice, mais aussi la loi.

Pourquoi nos concitoyens sont-ils parfois aussi avides de désigner des coupables et des boucs émissaires ? Est-ce une contrepartie à certaines dérives ? Expriment-ils ainsi un appétit de vengeance, une soif de pouvoir ? Ce phénomène de meute se produirait-il si nous exercions davantage notre fonction de contrôle ? Pourquoi la magistrature a-t-elle le sentiment d’être concurrencée, méprisée dans ses prérogatives, contrecarrée dans ses initiatives, bridée dans ses possibilités ? N’éludons pas ces questions. Elles conditionnent une vraie réforme de la justice, elles sont en amont du débat sur la présomption d’innocence.

C’est parce que ce texte ne doit être qu’une étape vers une réforme plus profonde, c’est afin que la réflexion se prolonge que nous demandons le renvoi en commission.

Il nous faut d’abord mieux définir les étapes de la procédure judiciaire aux yeux de nos concitoyens : engagement des poursuites et saisine du juge d’instruction, information et instruction, jugement, application et exécution de la peine. Deux systèmes sont possibles. MM. Balladur, Devedjian, Houillon et Albertini proposent le recours exclusif au témoin assisté, la mise en examen équivalant ainsi au renvoi devant le tribunal. On peut aussi imaginer une mise en examen prononcée par le parquet, puis un renvoi devant le juge d'instruction qui dirige l’information et instruit à charge et à décharge. Ce n’est pas une procédure accusatoire mais un système qui permet de clarifier les rôles et les responsabilités comme l’exigent le bon fonctionnement de la justice et l’intérêt des justiciables. Il y a, en effet, trop de confusions : entre les magistrats du parquet et du siège, entre les tâches d’accusation et de justice, entre les tâches d’investigation et les tâches juridictionnelles pesant sur le juge d’instruction.

Le débat n’est donc pas clos par le dispositif de témoin assisté car la mise en examen sera perçue par l’opinion comme un renvoi devant le tribunal. D’autres questions sont d’ailleurs en suspens : faut-il préférer le juge de la détention ou la collégialité ? Comment se passera le dialogue entre le juge d’instruction et celui de la détention ?

J’en viens au deuxième grand débat en suspens : faut-il maintenir le secret de l’instruction ? Si l’on répond oui, alors il faut le faire respecter ! Nous avons tous à l’esprit des cas où une personne recevant une lettre de mise en examen l’a retrouvée dans la presse quelques heures plus tard. Il y a donc eu probablement violation du secret professionnel. Si le secret a encore une valeur, il faut déclencher des enquêtes. Si tel n’est pas le cas, ayons le courage de le supprimer et tirons-en les conséquences pour les droits de la défense et de la personne.

Autre problème, les moyens. Nous avons constaté, Madame la ministre, l’augmentation de votre budget depuis trois ans, mais les trois quarts de vos crédits sont consacrés à l’administration pénitentiaire. Il faut donc saisir l’occasion du grand débat national pour obtenir du Premier ministre une loi de programmation pour cette grande fonction régalienne qu’est la justice. Il en va du respect des dates butoirs, de la collégialité et de bien d’autres dispositions prévues par ce texte. Avec une loi de programmation, le ministre des finances ne pourrait plus toucher aux crédits de la justice et seul le Parlement serait autorisé à remettre en question les inscriptions budgétaires annuelles. Oui, il faut des moyens financiers et humains pour faire progresser la réforme de la justice.

Ce qui est en jeu, c’est l’autorité de la décision de justice, la sérénité que lui confère sa force, son indépendance. Votre ministre est le seul qui porte le nom d’une vertu. Faisons en sorte que le sentiment de justice progresse, que le système judiciaire soit plus accessible, plus rapide, mieux compris, que chaque citoyen accepte de croire en la justice de son pays, qu’il ne s’érige pas lui-même en juge, que la présomption d’innocence, principe essentiel de l’état de droit, soit mieux fondé. Pour cela, il faut encore travailler, c’est pourquoi le groupe UDF souhaite le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme la Garde des Sceaux - J’ai apprécié le ton de cette demande de renvoi en commission. Si ce n’est pas une manœuvre dilatoire c’est, du moins, un exercice de style que s’impose de temps à autre l’opposition et l’on a vu pire dans le genre… (Murmures sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Un exercice de style comporte toujours des figures imposées et oblige à brider son talent pour forcer le trait…

Cela étant, vous avez soulevé une question importante –l’une des plus importantes peut-être de celles que pose ce projet– en évoquant la mise en cause par les médias de certaines personnes. Le secret de l’instruction est-il encore opérant, avez-vous demandé. Vous avez ajouté : il faut le faire respecter ou le lever. Or j’ai rappelé tout à l’heure que ce secret n’était pas un secret absolu, mais un secret professionnel imposé aux seuls juges d’instruction et officiers de police judiciaire. Les parties civiles et les journalistes n’y sont pas soumis. Chaque fois que j’ai été informée d’une violation de ce secret par des acteurs du système judiciaire et qu’on m’en a apporté des preuves tangibles, j’ai saisi les instances disciplinaires. Je continuerai d’agir ainsi. Cependant, comme ce secret ne s’impose pas à toutes les parties, comme il n’est que partiel, il est inévitable qu’il se heurte à des limites -celles qui tiennent aux impératifs de l’information notamment.

Comment éviter la recherche du sensationnel et l’acharnement des médias contre des personnes un peu connues qui apparaissent alors condamnées à l’avance, au mépris de la présomption d’innocence ? Je suis moi-même parfois indignée par cette médiatisation mais je ne crois pas que le remède se trouve dans la procédure pénale. Même dans la procédure britannique, où le secret de l’enquête est en principe absolu, ce secret n’est pas respecté parce que la médiatisation submerge tout ! Que faire dans ces conditions ? Je pense qu’il faut d’abord poser publiquement le problème, en débattre avec l’opinion. Au reste, la presse elle-même s’interroge de plus en plus à ce sujet et elle élabore un code déontologique. Tout à l’heure, pendant l’interruption de séance, j’ai vu sur France 2 un reportage très explicite sur le sujet : la télévision publique –et c’est nouveau– pose donc la question de la responsabilité des médias et des journalistes. Les élus de la nation ne sauraient demeurer en reste, non qu’ils doivent chercher à museler la presse, mais parce que le débat doit être ouvert dans la société.

S’agissant des moyens de la justice, je vous remercie d’avoir reconnu l’effort consenti par ce gouvernement depuis trois ans. Pour ma part, je tiens à souligner la contribution personnelle du Premier ministre, qui a pesé dans les arbitrages pour assurer cette progression continue.

Une loi de programme ? Pourquoi pas, à ceci près que les crédits ont été gelés un an après le vote de la dernière. L’expérience n’est donc pas concluante et je préfère donc avoir à démontrer année après année notre volonté de maintenir l’effort, avec le soutien du Premier ministre –et j’ai bien conscience que nous sommes encore loin du compte pour la justice, après vingt ou vingt-cinq années d’une insuffisante attention aux besoins (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christophe Caresche - M. Donnedieu de Vabres a posé une question assez pertinente mais dont l’importance doit cependant être relativisée. Pourquoi, a-t-il demandé, les Français sont-ils enclins à chercher des boucs émissaires et pourquoi la présomption de culpabilité l’emporte-t-elle si souvent sur la présomption d’innocence ? Pour moi, on ne peut répondre correctement à cette question si l’on oublie que, pour beaucoup de nos concitoyens, la justice reste largement inégalitaire, au profit des puissants. Et, entre ce projet et celui qui concerne les relations entre la chancellerie et le parquet, il y a, à défaut d’autres, un lien d’ordre psychologique : nous, parlementaires, ne serons crédibles lorsque nous traitons de la présomption d’innocence que lorsque nous aurons fait l’effort de laver la suspicion qui entoure le rapport des politiques à la justice. Je regrette donc le report du Congrès qui eût cassé symboliquement ce lien et lavé cette suspicion. Même si le Gouvernement a déjà franchi le pas en renonçant aux instructions individuelles, beaucoup de Français pensent encore, en effet, que nous ne nous intéressons à la justice qu’à raison des affaires mettant en cause le monde politique.

L’opposition nous presse d’aller plus loin, quitte à bouleverser la procédure pénale. Certes, comme nous l’a rappelé M. Devedjian, beaucoup de ces dispositions se trouvaient déjà dans la loi de 1992. Mais l’opposition, si d’aventure elle revenait au pouvoir, mettrait-elle en œuvre cette loi depuis abrogée ? J’en doute.

Il est exact que nous ne proposons pas d’aller vers un système accusatoire qui bénéficie d’une sorte d’effet de mode, notre système inquisitoire semblant condamné. Mais, ainsi que l’a relevé Mme la Garde des Sceaux, nous introduisons dans notre procédure pénale des éléments du système contradictoire au moment où les Anglais introduisent dans la leur des éléments de système inquisitoire. Ce faisant, nous bâtissons un modèle en quelque sorte hybride et nous devons l’assumer. Le système accusatoire n’est pas la panacée, comme on le voit aux Etats-Unis. Cela étant, on comprend que les libéraux soient séduits par le système anglo-saxon.

Pour le reste, M. Donnedieu de Vabres n’ayant pas donné beaucoup d’arguments contre ce projet qui nous paraît abouti, je ne puis que vous inviter à rejeter sa motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. André Gerin - Dans un discours embarrassé, M. Donnedieu de Vabres nous a donné le sentiment qu’il avait quelque mal à reconnaître que la justice n’était la propriété ni des magistrats ni des responsables politiques, mais bien des seuls justiciables.

Faire progresser le droit n’est le monopole de personne mais le devoir de tous, Monsieur ! Vous apparaissez, face à cette tâche, bien frileux !

En réalité, ce qui vous gêne est que ce soit un gouvernement de gauche qui ose avancer sur cette question essentielle. Soyez plutôt beaux joueurs ! Vous avez présenté cette motion de renvoi en commission de manière défensive (Murmures sur les bancs du groupe UDF). Qu’attendent nos concitoyens de la représentation nationale ? Qu’elle sache dépasser les clivages partisans pour adopter des textes de progrès conformes aux intérêts de notre République. Voilà pourquoi il convient de repousser cette motion.

M. Jean-Luc Warsmann - Je suis d’accord avec M. Caresche sur deux points. Oui, ce projet est lié aux textes touchant à la réforme de la justice, l’opposition le dit depuis longtemps, et elle pense que cette réforme ne peut pas être « saucissonnée ». D’autre part, il est vrai que nos concitoyens soupçonnent toujours les politiques de se mêler de la justice. Ils n’ont pas tort quand l’actuelle Garde des Sceaux demande à être informée quotidiennement et dans le détail de l’évolution de toutes les affaires « signalées », c’est-à-dire mettant en cause une personne connue. Comment n’auraient-ils pas de doutes quand ils apprennent que dans l’affaire Dumas, le ministère exige d’être tenu au courant heure par heure ? D’ailleurs dans le projet de loi relatif aux liens entre la chancellerie et le parquet, pour la première fois ont été adoptées des dispositions faisant obligation aux procureurs d’informer le Garde des Sceaux en temps réel de toutes les affaires. Voilà des méthodes que l’opposition réformera dès son retour au pouvoir.

Par ailleurs, nous manquons de chiffres, d’abord sur les moyens financiers nécessaires. Par exemple, aucune étude d’impact n’a été réalisée sur le coût de l’instauration d’un appel tournant. Nous n’en avons qu’une indication partielle sur la mise en place d’un juge de la détention, laquelle exigera pourtant un renforcement substantiel des effectifs. Madame la ministre est certaine qu’elle déposera des moyens nécessaires : nous aurions aimé qu’elle dévoile le nombre de magistrats supplémentaires indispensable, et précise le calendrier. Il nous faudrait disposer aussi d’une étude chiffrée sur les prévenus : combien de délinquants n’auraient pas été placés en détention l’an passé si les mesures proposées avaient été en vigueur ?

On le voit, ce texte mérité d’être affiné et complété. Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera la motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Alain Tourret - Je comprends que l’on puisse toujours demander à examiner un texte de manière plus approfondie. Mais en l’espèce, le vote de ce renvoi en commission aurait pour seul effet d’interdire à un condamné par une cour d’assises de faire appel, à une personne placée à tort en détention provisoire de solliciter l’indemnisation du préjudice qu’elle a subi, à une personne relaxée de réclamer le remboursement des frais irrépétibles, à certaines victimes de se constituer partie civile. Que représentent les quelques avantages d’un tel examen complémentaire par rapport à tous ces inconvénients ? Il faut donc rejeter cette motion de renvoi et voter sans retard cette grande loi fondatrice (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Philippe Houillon - Madame la présidente de la commission des lois, permettez-moi de le rappeler : les commissaires ont été unanimes à juger inadmissibles les conditions de travail de la commission, qui a dû examiner à la dernière minute de très nombreux amendements du Gouvernement. Vous aviez d’ailleurs indiqué que vous le rappelleriez vous-même…

Mme la Présidente de la commission des lois - Je le ferai.

M. Philippe Houillon - Cela seul justifierait le renvoi en commission.

M. Tourret a fait valoir que si ce renvoi était voté, des victimes n’allaient pas pouvoir faire valoir immédiatement leurs droits, ni des condamnés faire appel d’un verdict d’assises… Oui, mais combien de réformes ne sont-elles pas appliquées faute de décrets d’application ! Jamais les décrets concernant le bracelet électronique, par exemple, dont nous reparlerons ce soir, n’ont été publiés. A quoi bon voter des textes dans la précipitation s’ils ne peuvent être appliqués ? C’est pourquoi quelques semaines de plus seraient utiles, d’autant que nous ne disposons d’aucune indication sur les moyens. Un débat plus approfondi serait d’autant plus nécessaire que le texte qui nous revient en deuxième lecture est bouleversé !

A M. Caresche, j’indiquerai seulement que notre seul souhait est de mettre en conformité le droit français avec la Convention européenne des droits de l’homme. Que vous le vouliez ou non, nous ne pourrons plus nous contenter dans ce pays de mesures qui n’y sont qu’à moitié conformes.

Pour toutes ces raisons, le groupe Démocratie libérale votera la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.

M. le Président - J’appelle maintenant, conformément à l’article 91, alinéa 9, du Règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Mme la Présidente de la commission - Je ne laisserai pas à M. Houillon le privilège de défendre les conditions de travail de la commission des lois.

Celle-ci a en effet été saisie ce matin, très tardivement, de nombreux amendements, d’origine gouvernementale mais aussi parlementaire, dont certains fort complexes. Si l’ordre du jour traduit les engagements de réforme pris par ce Gouvernement et sa majorité, et il faut s’en féliciter, il impose trop souvent des délais excessivement brefs pour examiner les textes. Ce qui est arrivé ce matin n’est en effet pas exceptionnel.

M. Pierre Albertini - Hélas !

Mme la Présidente de la commission - Madame la Garde des Sceaux, je vous demande donc de vous faire l’interprète de cette préoccupation auprès de l’ensemble du Gouvernement. Nombreux sont les parlementaires qui ont beaucoup travaillé sur ce texte et qui auraient aimé le faire dans de meilleures conditions, afin d’assumer pleinement leurs responsabilités (Applaudissements sur divers bancs).

ARTICLE PREMIER

Mme Christine Lazerges, rapporteuse de la commission des lois - L’amendement 85 tend à rétablir la version votée par l’Assemblée en première lecture. Le Sénat, lui, est revenu au texte initial du Gouvernement.

Nous avons beaucoup travaillé sur cet amendement très important car il indique les principes directeurs de notre procédure pénale. Nous avons notamment souhaité mettre les victimes au cœur du texte –c’est le sens du paragraphe III. Le paragraphe IV énonce un à un les droits des personnes poursuivies.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable. Je pense que sur cet article un accord pourra intervenir qui conciliera la précision du texte de votre commission et la concision du Sénat.

M. Emile Blessig - Le sous-amendement 200 vise à préciser la notion de « délai raisonnable » en se référant aux textes internationaux ratifiés par la France. Nous pensons notamment à la convention européenne des droits de l’homme, qui a donné lieu à une jurisprudence très précise sur ce point.

Mme la Rapporteuse - Nous souhaitons, bien entendu, nous conformer à la convention européenne des droits de l’homme pour l’intégralité de ce texte. Il n’y a pas de raison de le mentionner spécialement à l’avant-dernier alinéa du paragraphe IV, ou alors il faudrait y faire référence à chaque alinéa. Avis défavorable au sous-amendement.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

M. Jean-Luc Warsmann - Je voudrais d’abord rappeler à Mme la ministre les deux questions que j’ai posées concernant l’évaluation des moyens nécessaires et l’impact des dispositions concernant la détention provisoire.

En ce qui concerne le sous-amendement, je fais observer que l’ensemble de l’article premier n’est qu’un rappel général de principes fondamentaux et je ne vois pas d’objection à ce qu’il fasse référence aux engagements internationaux de la France.

D’autre part, Mme Lazerges a expliqué que l’amendement 85 reprenait le texte voté par l’Assemblée : il y manque cependant le principe que « la loyauté de l’enquête et de l’information doit être respectée » et la référence à des « preuves loyalement obtenues ». Mon amendement 33 tend à rétablir ces précisions.

Mme la Rapporteuse - Je souhaite évidemment que les preuves soient loyalement obtenues. Mais on ne peut demande à chaque juridiction de le vérifier, d’autant que dans le système français le jugement doit se fonder sur l’intime conviction du juge et non sur les preuves.

La jurisprudence de la Cour de cassation rappelle de façon constante qu’aucune disposition légale ne permet d’écarter des moyens de preuve au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Les victimes, en particulier, peuvent se procurer leurs preuves comme bon leur semble.

M. Pierre Albertini - Si l’article comportait une référence générale à la Convention européenne des droits de l’homme, je n’aurais pas proposé de sous-amendement sur la notion de délai raisonnable.

Il a surtout une vertu pédagogique. C’est précisément parce que sur ce point et d’autres la France ne respecte pas ses engagements internationaux que je crois ce rappel utile. Notre pays ne doit pas se contenter d’avancer à pas comptés, contraint par les condamnations qui s’accumulent.

M. Patrick Devedjian - De fait, l’amendement 85 ne rétablit qu’un texte amputé.

Mme Lazerges a apporté le meilleur argument en faveur de nos propres amendements : c’est précisément parce que la Cour de cassation a souligné l’absence de fondement légal pour écarter les preuves obtenues de façon déloyale que nous voulons introduire ce fondement légal. Ce serait une avancée, pour employer votre vocabulaire.

Le sous-amendement 200, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 85, mis aux voix, est adopté, et l’article premier est ainsi rédigé.

APRèS L'ARTICLE PREMIER

M. Patrick Devedjian - Je défends l’amendement 2 de M. Balladur. Il propose un dispositif alternatif pour régler les difficultés que pose la présomption d’innocence. Il supprime purement et simplement la mise en examen généralisant la procédure de témoin assisté et en reportant l’accusation à la fin de l’enquête.

En outre, il institue un tribunal de la liberté qui statue sur la détention provisoire en audience collégiale et publique. Cette publicité est un élément de contrôle majeur.

M. Balladur avait espéré que cette proposition permettrait un vrai dialogue, votre projet étant insuffisamment protecteur. Le fait que le juge d’instruction continue à participer à la procédure de mise en détention est dangereux, la commission Truche l’avait d’ailleurs rappelé. C’est le reproche fondamental que nous faisons à votre texte.

Jusqu’à présent, ni la droite ni la gauche n’avait osé franchir le Rubicon, c’est vrai. Mais nous avons évolué, et nous considérons qu’il n’est pas de respect possible de la présomption d’innocence si ce mélange des genres est maintenu. Le dispositif proposé par M. Balladur est d’ailleurs beaucoup plus proche de l’esprit de la Convention européenne des droits de l’homme que ne l’est votre texte, et le modèle européen que l’on définira un jour écartera de toute évidence le juge d’instruction de la procédure de mise en détention provisoire.

Mme la Rapporteuse - M. Devedjian use d’arguments répétitifs, et je ne pense pas que le dispositif qu’il nous propose constitue une avancée. Il s’agit plutôt d’un recul, ou au moins d’un surplace.

Le texte institue une gradation soigneusement réfléchie, des paliers qui empêcheront toute confusion des genres, et la mise en examen ne sera autorisée que très avant dans la procédure, et seulement si des indices précis, graves et concordants l’autorisent. Au contraire, le dispositif qui nous est proposé nous ferait revenir au point de départ, je veux dire à la situation actuelle. Avis donc très défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Cet amendement ne fait que reprendre une proposition rejetée en première lecture, non parce qu’elle émanait de l’opposition mais parce qu’elle n’atteint pas le but fixé. Je ne reprendrai pas mon argumentation de la première lecture, je me bornerai à souligner que ses effets pervers outrepassent largement ses avantages, que l’on a d’ailleurs bien du mal à distinguer.

La suppression du terme suffirait-elle à dissiper l’opprobre qui pèse sur les mis en examen ? Qu’en a-t-il été de la suppression de l’inculpation ? Quant à faire de toute personne impliquée dans une procédure, à quelque titre que ce soit, un témoin assisté, cela ne réglerait rien, bien au contraire, car l’opinion n’y verrait qu’une mise en examen camouflée. Et multiplier les possibilités d’accès au dossier risquerait d’entraver le déroulement de l’enquête dans les cas où police et justice ont affaire à des bandes organisées. Le statut du témoin assisté y perdrait tout son intérêt, et la tentation de le soupçonner serait difficilement évitée.

Les mesures proposées n’offrent pas les garanties tangibles qu’apporte le texte du Gouvernement, qui vise à ce que les mises en examen ne soient prononcées que lorsqu’elles sont vraiment nécessaires.

Mme Frédérique Bredin - Le dispositif proposé est moins protecteur que le projet qui, en instituant ce statut de témoin assisté, innove pour le meilleur.

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Devedjian - L’amendement 35 est défendu.

Mme la Rapporteuse - L’amendement est satisfait par l’article 1 bis conforme.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

M. Patrick Devedjian - Il est retiré.

ART. 2 A

M. le Président - Je constate que l’amendement 207 n’est pas défendu.

L'article 2 A, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Devedjian - L’amendement 36 est retiré.

M. le Président - L’amendement 208 n’est pas défendu.

APRèS L'ART. 2 C

Mme Frédérique Bredin - Par l’amendement 86 rectifié, la commission souhaite insérer après le troisième alinéa de l’article 63 du code de procédure pénale un alinéa ainsi rédigé : « Les personnes gardées à vue doivent être retenues dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine auquel chacun a droit ». Il s’agit de leur assurer le droit au repos, le droit de s’alimenter et le droit de ne pas être fouillées dans des conditions indignes.

Mme la Garde des Sceaux - Comme je l’ai déjà indiqué, je suis favorable.

M. Pierre Albertini - Plusieurs d’entre nous ont dénoncé les conditions traumatisantes dans lesquelles se font les gardes à vue, qui s’accompagnent de fouilles à corps. De par l’usage qui est fait des commissions rogatoires, les juges d’instruction n’ont qu’une vision assez lointaine de ce qui se passe réellement au cours d’une garde à vue. Or il s’y produit souvent des faits en tous points condamnables et le ministre de l’intérieur devrait être ici pour s’en expliquer. C’est pourquoi le sous-amendement 206 tend à préciser le texte, sympathique mais trop vague, de l’amendement.

M. Alain Tourret - Il faut le savoir, la garde à vue est un moment de non-droit. Elle s’effectue trop souvent dans des conditions inacceptables et créent des traumatismes psychiques irréversibles. La portée du sous-amendement 254, qui tend à interdire les fouilles corporelles sans autorisation du procureur de la République, ne peut être comprise si l’on ignore que tout gardé à vue commence par être dénudé, puis fouillé à corps. On organise ainsi un viol légal. C’est insupportable, et tout particulièrement quand doivent subir de tels excès des gens qui n’ont rien à se reprocher.

Si le texte reste imprécis, les pratiques n’évolueront pas. Comme M. Albertini, je pense qu’il convient de préciser que les fouilles corporelles ne doivent pas porter atteinte à l’intégrité des suspects –cela concerne plus de 400 000 personnes chaque année ; au-delà, je suggère qu’elles ne soient possibles que sur autorisation du procureur de la République, au cas par cas. J’insiste sur ce sujet car nous connaissons tous des personnes qui ont été démolies par les violences qu’elles ont subies en de telles circonstances.

Mme la Rapporteuse - Vous avez raison d’insister, Monsieur Tourret, car il s’agit d’une question douloureuse. Nous connaissons tous en effet des personnes qui ont été fouillées dans des conditions indignes, alors qu’elles n’étaient pas même suspectes. Pour autant, il est difficile d’interdire les fouilles purement et simplement. La proposition de M. Albertini ne le fait d’ailleurs pas. Elle tend à indiquer aux forces de police et de gendarmerie qu’il y a plusieurs manières d’y procéder et qu’il faut veiller à respecter l’intégrité physique des personnes qui y sont soumises. La commission est donc favorable au sous-amendement 206 de M. Albertini qu’elle préfère au sous-amendement 254.

Mme la Garde des Sceaux - MM. Tourret et Albertini poursuivent le même objectif. Ce qui me heurte dans la proposition de M. Tourret, c’est l’idée de soumettre les fouilles à une autorisation du procureur de la République. Il y a là un risque de substitution et de confusion des responsabilités qui me gêne, par-delà les problèmes pratiques de mise en œuvre qu’une telle évolution ne manquerait pas de susciter. Je suis donc à mon tour plus favorable au sous-amendement 206 de M. Albertini qui précise les garanties devant être prises.

M. Louis Mermaz - En commission des lois, nous n’avons pas voté le sous-amendement 206 en nous reposant sur celui de M. Tourret. Si celui de M. Albertini devait finalement être retenu, il faudrait avoir l’assurance que le Garde des Sceaux a bien entendu ce qu’a fortement réaffirmé M. Tourret et qui est largement partagé sur les bancs de notre assemblée. Le ministre devrait donc adresser une circulaire aux services concernés pour mettre fin à des pratiques indignes.

M. Alain Tourret - Je suis d’accord pour retirer mon sous-amendement si la Garde des Sceaux s’engage à préciser par voie de circulaire les conditions dans lesquelles il doit être procédé à une fouille à corps et à affirmer qu’elle ne doit avoir aucun caractère systématique.

Mme la Garde des Sceaux - Je puis vous promettre de saisir mes collègues de l’Intérieur et de la Défense de la nécessité de rappeler ces règles, qui ne relèvent pas de la responsabilité directe des procureurs.

M. Jean-Luc Warsmann - Ils ont pourtant le contrôle de la garde à vue !

Mme la Garde des Sceaux - Mais il n’est pas question qu’ils se substituent en permanence aux autorités compétentes.

M. le Président - Je propose à M. Albertini que le texte de son sous-amendement soit accordé au pluriel, afin de rendre cohérente la rédaction de l’amendement.

M. Pierre Albertini - Bien sûr.

Le sous-amendement 206, mis aux voix, est adopté à l’unanimité.

L'amendement 86 rectifié, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

ART. 2 D

Mme Nicole Catala - Je déplore que la commission des lois ait choisi de revenir au texte adopté par notre Assemblée en première lecture car s’agissant de l’information dont doit bénéficier le gardé à vue, la rédaction du Sénat reprenait mot pour mot les dispositions de l’article 5-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, qui dispose que « toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et des accusations portées contre elle ». Le texte de l’amendement 87 marque un recul en ce qu’il propose d’indiquer seulement « la nature de l’infraction sur laquelle porte l’enquête ». Nous serions donc en retrait par rapport à un engagement international ratifié par la France et je suggère plutôt de le transcrire littéralement.

Mme Frédérique Bredin - L’opposition exprimait en commission un avis différent. Dont acte. En ce qui concerne l’amendement 87, les formulations de la Convention européenne, qui parle d’ « arrestation » et « d’accusations » ne satisfont guère la présomption d’innocence. C’est pourquoi la rédaction retenue par la rapporteuse me semble plus sage.

Mme la Rapporteuse - L’amendement 87 tend en effet à revenir au texte adopté en première lecture par notre Assemblée, pour les raisons que Mme Bredin a indiquées. Notre souci est que rien de subjectif ne puisse laisser à penser que des accusations précises sont portées dès le début de la procédure. Ces difficultés tiennent sans doute à un problème de traduction de dispositions rédigées en anglais. En tout état de cause, nous ne voulons pas que soit « accusée » la personne qui est gardée à vue.

Mme la Garde des Sceaux - Favorable.

M. Philippe Houillon - J’observe que nous avons décidément bien du mal à adapter nos textes à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et je frémis devant les justifications avancées. L’article 5 de la convention parle de personnes arrêtées. Sommes-nous dans un autre cadre ? Les personnes gardées à vue n’ont-elles pas été arrêtées ? Que nous dit l’amendement 87 : qu’au moment de placer une personne en garde à vue, on ne sait pas très bien ce qu’on lui reproche et qu’on ne peut rien lui dire à cause de problèmes de traduction… On peut donc arrêter quelqu’un en vertu d’un dossier vide. Le texte de la convention a été correctement traduit. On sait pourtant ce qu’une arrestation veut dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Mme la Rapporteuse - Une personne en garde à vue est bien arrêtée et a bien été interpellée. On doit donc lui indiquer la nature de l’infraction qui a conduit à son interpellation. C’est bien dans cet esprit que nous refusons que les simples témoins soient désormais gardés à vue. Mais la personne qui est interpellée n’est pas encore « accusée », au sens que donne la langue française à ce mot.

M. Patrick Devedjian - Elle a le droit de savoir pourquoi elle a été arrêtée !

Mme la Rapporteuse - Elle sera en effet informée « de la nature de l’infraction sur laquelle porte l’enquête », ce sont les termes de l’amendement.

Mme Nicole Catala - A l’avenir, il faudra des indices pour qu’une personne soit placée en garde à vue. Il sera important pour elle de savoir si elle est mise en cause en tant qu’auteur, que co-auteur ou que complice d’une infraction.

Mme Frédérique Bredin - Il faut quand même laisser à l’enquêteur les moyens de mener son interrogatoire. S’il est tenu de le faire dans des conditions correctes, il n’est pas obligé de dire d’entrée tout ce qui permettrait à la personne de se défausser. Il importe qu’il indique la nature de l’infraction sur laquelle porte l’enquête et qui justifie la garde à vue.

Par ailleurs, il y a une différence entre soupçons et accusations. La seconde est extrêmement lourde et je comprends mal que vous repreniez ce terme à votre compte.

L'amendement 87, mis aux voix, est adopté et l’article 2 D est ainsi rétabli et rédigé.

L'article 2 E bis, mis aux voix, est adopté.

ART. 2 G

Mme la Rapporteuse - L’amendement 88 supprime cet article afin que les dispositions relatives aux modalités d’emprisonnement soient examinées lorsque nous débattrons de la détention provisoire.

Mme la Garde des Sceaux - Je n’ai pas d’objection à ce qu’on déplace la discussion.

L'amendement 88, mis aux voix, est adopté, et l’article 2 G est ainsi supprimé.

APRèS L’ART. 2

Mme Frédérique Bredin - L’amendement 90, que la commission a adopté, devrait rassurer tous ceux qui s’inquiètent du déroulement de la garde à vue puisqu’il en prévoit l’enregistrement. Cette pièce supplémentaire du dossier ne remplacera en rien le procès-verbal mais sera, en cas de contestation du déroulement de la garde à vue, un élément objectif permettant de se rendre compte de ce déroulement et de savoir quelles questions ont été posées et quelles réponses ont été apportées.

Cela peut sembler technique mais c’est une vraie révolution silencieuse, qui modifiera les rapports entre la personne qui interroge et celle qui est interrogée.

M. Jean-Luc Warsmann - L’amendement 66 corrigé a le même objet.

Je souhaiterais à ce propos connaître la position du ministre de l’intérieur sur la faisabilité de cette mesure. Qu’en pensent par ailleurs les organisations de policiers ?

Mme Nicole Catala - L’amendement 90 prévoit la destruction des enregistrements au bout de cinq ans. Cela semble un peu court dans le cas de la révision d’un procès d’assises. Je propose donc par le sous-amendement 244 que les enregistrements soient conservés vingt ans ou d’une durée inférieure si la personne a exécuté entièrement sa peine, une année de plus étant prévue pour le cas où elle souhaiterait demander sa réhabilitation.

Mme la Rapporteuse - Le délai de cinq ans paraît raisonnable et de nature à éviter l’encombrement des archives.

Mme la Garde des Sceaux - Je ne vois pas la pertinence d’un délai aussi long, d’autant que la révision peut intervenir après vingt ans, y compris en matière correctionnelle.

Le sous-amendement 244, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteuse - La commission a adopté l’amendement 90 et donc repoussé le 66 corrigé.

Mme la Garde des Sceaux - Je l’ai déjà indiqué, je ne m’opposerai pas à l’amendement 90, car j’adhère à l’objectif d’un meilleur contrôle de la garde à vue. Mais je veux insister, afin que votre assemblée soit complètement éclairée, sur les difficultés que soulèvent ces amendements et sur certaines de leurs conséquences.

En premier lieu, j’observe que les objectifs recherchés par cet enregistrement ne sont pas clairement définis. S’agit-il de renforcer le contrôle des gardes à vue, alors que seuls les interrogatoires seront enregistrés, et uniquement sous forme sonore ? S’agit-il de garantir la sincérité des déclarations figurant sur le procès-verbal, ce qui ne coïncide pas avec le caractère écrit de notre procédure pénale ?

A ce propos, je rappelle que, bien évidemment, un procès-verbal de déclaration n’a pas pour but d’être la reproduction intégrale des propos tenus, mais qu’il présente un caractère synthétique tout en retranscrivant fidèlement le contenu des propos. Cela vaut ici comme pour les auditions des victimes mineurs d’infractions sexuelles, et j’ai d’ailleurs donné cette précision dans la circulaire du 20 avril 1999 qui commentait la loi du 17 juin 1998 sur ce point.

L’intérêt principal d’un enregistrement est donc de vérifier d’éventuelles discordances de fond et non de forme entre les propos tenus et les propos retranscrits dans un procès-verbal signé par l’intéressé, qui accepte ainsi cette retranscription.

A cet égard, votre amendement précise que l’enregistrement peut être écouté sur décision d’un magistrat, ce qui semble indiquer qu’aucun contentieux ne pourrait intervenir si ce magistrat, malgré la demande des parties refusait cet enregistrement. On peut penser toutefois qu’il sera difficile pour la juridiction d’instruction ou de jugement de refuser de faire droit à de telles demandes. Si celles-ci sont faites de façon systématique dans le cadre des audiences de comparution immédiate, cela risque ainsi de signifier la fin des procédures en temps réel, pourtant indispensables pour juger la délinquance urbaine. Cette difficulté mérite d’être signalée.

Par ailleurs, certaines personnes pourront refuser de parler en sachant que leur propos seront enregistrés et que cet enregistrement pourra être utilisé contre elles. Ne faut-il donc pas, comme pour les mineurs victimes, prévoir l’hypothèse dans laquelle la personne refuse l’enregistrement ?

Sur cette question complexe la réflexion devra nécessairement progresser –ne serait-ce que pour prévoir un délai d’entrée en vigueur de cette partie de la réforme. Je souhaite qu’elle soit menée de façon constructive.

C’est dans ce même esprit constructif que je m’en remets à la sagesse de votre assemblée.

Je ne suis pas favorable à l’amendement 66 corrigé car celui de la commission me paraît plus précis.

Monsieur Warsmann, la loi sur la délinquance sexuelle de juin 1998 ayant prévu l’enregistrement des mineurs victimes, les ministres de l’intérieur et de la gendarmerie ont déjà pris les dispositions pratiques pour les organiser. La réflexion du Gouvernement sur ce point est d’autant plus avancée que l’enregistrement de la garde à vue des mineurs avait déjà été adopté en première lecture du présent projet.

M. Pierre Albertini - J’ai bien peur que la « virtuelle révolution silencieuse » de Mme Bredin ne devienne de plus en plus virtuelle et je me réjouissais sans doute un peu tôt de voir la commission se rallier à un amendement que j’avais déposé en vain en première lecture ! Je me félicite néanmoins qu’on n’ait pas opposé cette fois l’argument du coût : lorsqu’on connaît le prix d’un magnétophone, l’objection n’est guère sérieuse !

Mme la Garde des Sceaux a fait valoir le caractère synthétique du procès verbal et là est bien le problème. La façon de poser les questions, l’ordre dans lequel on les pose et l’insistance avec laquelle on revient sur un sujet peuvent ne pas apparaître dans un compte rendu neutre et le climat psychologique de l’interrogatoire peut alors être travesti. Or ces éléments importent, spécialement pour les personnes les plus fragiles ou exposées pour la première fois à une garde à vue.

D’autre part, s’il est vrai que nous n’avons prévu que la « faculté » d’écouter ces enregistrements au cours de la procédure, je pense qu’il sera difficile de refuser cette écoute. Et je ne vois vraiment pas comment les inconvénients pourraient l’emporter sur les avantages. Vous alléguez qu’il conviendrait peut-être de protéger les personnes gardées à vue contre elles-mêmes, lorsqu’elles auraient avoué, mais ce souci de prendre en compte le sentiment profond d’une personne, au besoin contre elle-même, nous ramène très loin en arrière, à l’époque des méthodes inquisitoriales. Pour moi, ces enregistrements seraient au contraire un progrès, car ils inciteraient à des interrogatoires plus pondérés et sérieux. Je ne doute que vos collègues de l’Intérieur et de la Défense ont fait valoir auprès de vous les objections des policiers et des gendarmes mais l’Assemblée doit faire usage de son pouvoir d’écrire la loi et j’espère qu’elle adoptera cette proposition.

M. Philippe Houillon - Je crains quant à moi que cette révolution soit si silencieuse qu’on n’en entende plus parler.

En commission, le débat a été consensuel et le vote unanime. Cependant, en première lecture, Madame la Garde des Sceaux, je crois me souvenir que vous nous aviez opposé un avis défavorable en invoquant notamment le problème des moyens. Cette fois, vous vous en êtes rapportée à notre sagesse mais vous avez auparavant multiplié les mises en garde. Ces préventions sont-elles telles que les moyens et les décrets nécessaires feront défaut ? Il faut nous dire la vérité car mieux vaut savoir ce qu’il en sera avant que nous ne votions. Oui ou non, êtes-vous aujourd’hui en mesure de nous promettre que le nécessaire sera fait ?

Mme Frédérique Bredin - En étendant aux personnes gardées à vue la disposition adoptée en première lecture en faveur des mineurs, nous réaliserons une réelle avancée. Se donner les moyens d’un contrôle en cas de contestation sur le déroulement des gardes à vue et des interrogatoires représente un véritable changement de culture. Ces enregistrements feront la lumière sur la nature des interrogatoires –et je pense aussi bien, quant à moi, aux réponses qu’aux questions car la mesure sera protectrice pour les deux parties.

Ces enregistrements permettront aussi de vérifier l’exactitude du procès-verbal : l’amélioration sera sensible pour les personnes mises en cause comme pour les magistrats enquêteurs.

Faut-il recourir aux moyens audiovisuels et informatiques ? Je le crois. Bien sûr, on ne peut bouleverser la procédure du jour au lendemain mais l’utilisation des enregistrements sonores est une première étape, en attendant une réflexion plus poussée sur la nature, peut-être trop tributaire de l’écrit, de la procédure actuelle.

Je vois mal comment les personnes gardées à vue pourraient refuser un tel enregistrement : dès lors qu’elles sont soumises à la garde à vue, celle-ci doit se dérouler conformément à la loi, à laquelle elles ne peuvent que se plier.

Enfin, dès lors que le législateur l’a décidé et que la garde à vue se déroule sous le contrôle du procureur et sous le regard vigilant de la défense, comment ces enregistrements pourraient-ils ne pas avoir lieu ?

Mme la Garde des Sceaux - Monsieur Houillon, j’ai tenu à appeler l’attention de l’Assemblée sur certaines des conséquences possibles de cette disposition, comme c’était de mon devoir de le faire. Mais, si l’Assemblée vote cet amendement, ce Gouvernement appliquera bien évidemment la mesure comme il applique toutes les lois de la République (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Pour les projets, nous arrêtons à l’avance les dispositions pratiques nécessaires à leur application. Lorsqu’il s’agit de propositions de l’Assemblée, nous ne pouvons bien sûr faire de même mais il ne peut y avoir de doute : la loi votée sera appliquée !

L'amendement 90, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L’amendement 66 corrigé tombe.

Mme la Rapporteuse - L’amendement 89 vise à améliorer encore le déroulement des gardes à vue : nous demandons que, sur le registre, soient indiquées non seulement les heures pendant lesquelles la personne gardée à vue a pu se reposer, mais aussi celles auxquelles elle s’est alimentée. Ce sera une autre petite révolution silencieuse, car trop souvent, les intéressés doivent rester à jeun.

Mme la Garde des Sceaux - Avis très favorable.

L'amendement 89, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l’unanimité !

APRèS L’ART. 2 BIS

M. le Président - Les amendements 209, 210 et 211 ne sont pas défendus.

ART. 2 TER

Mme la Rapporteuse - L’amendement 91 tend à rétablir une disposition supprimée par le Sénat permettant l’enregistrement des gardes à vue des mineurs.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

M. Patrick Devedjian - Je retire mon amendement 259 identique pour me rallier au 91. Je me félicite de l’évolution de la position de Mme le rapporteur comme de la Garde des Sceaux qui, en première lecture, s’étaient toutes deux déclarées défavorables à l’enregistrement des interrogatoires de garde à vue, pour les mineurs comme pour les majeurs. C’est la conjonction des efforts de l’opposition et d’une partie de la majorité socialiste, tout particulièrement de Mme Bredin, qui aura permis de renforcer ainsi les droits de la défense.

L'amendement 259 est retiré.

L'amendement 91, mis aux voix, est adopté et l’article 2 ter est ainsi rétabli et rédigé.

APRèS L’ART. 2 TER

Mme Nicole Catala - L’amendement 198 tend à préciser l’article 81 du code de procédure pénale relatif à la constitution du dossier de l’instruction. Je demande que « toutes les pièces réunies par le juge et afférentes à l’affaire en cours » figurent au dossier, cotées et paraphées. Il arrive en effet que certains rapports de police ou d’autres documents ne soient pas d’emblée joints au dossier mais conservés par les responsables de l’enquête qui ne les y joignent qu’au moment qu’ils jugent opportun.

Mme la Rapporteuse - La commission a repoussé cet amendement qui lui a paru inutile.

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Pourquoi ?

Mme la Rapporteuse - Les juges d’instruction assurent que toutes les pièces des dossiers sont cotées. Cette disposition est presque injurieuse à leur égard.

Mme la Garde des Sceaux - L’article 81, alinéa 2, du code de procédure pénale prévoit en effet que toutes les pièces figurent au dossier.

M. Louis Mermaz - L’amendement de Mme Catala paraît de bon sens.

Mme la Garde des Sceaux - Il est inutile !

M. Louis Mermaz - Serait-il si grave de préciser de nouveau cette obligation ?

Mme Nicole Catala - Il arrive, et la presse s’en est parfois fait l’écho, que certaines pièces soient laissées de côté jusqu’à un stade ultérieur de l’enquête et qu’on ne les révèle qu’au moment opportun par exemple pour aggraver les charges retenues. C’est une pratique inadmissible qui porte atteinte aux droits de la défense.

Mme la Présidente de la commission - Des fautes sont toujours possibles mais nous ne pouvons pas redire ce qui est déjà dit dans la loi, sauf à faire peser un soupçon généralisé à partir de quelques cas où il y aurait eu faute.

M. Patrick Devedjian - Le deuxième alinéa de l’article 81 du code de procédure pénale dispose que toutes les pièces figurant au dossier sont cotées. L’amendement de Mme Catala tend à exiger que toutes les pièces figurent au dossier. Il y a une différence !

Mme la Rapporteuse - C’est du bégaiement législatif !

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Cet amendement pose en réalité le problème de l’accès en temps réel aux éléments du dossier pour les défenseurs, dont on sait qu’il n’est pas toujours garanti.

L'amendement 198, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 2 QUATER

Mme la Rapporteuse - L’amendement 92 tend à supprimer cet article qui, concernant le contrôle de la police judiciaire, relève du projet de loi relatif à l’action publique en matière pénale.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

L'amendement 92, mis aux voix, est adopté et l’article 2 quater est supprimé.

APRèS L’ART. 2 QUATER

M. le Président - Les amendements 214, 212 et 213 ne sont pas défendus.

La suite du débat en renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu aujourd’hui, jeudi 10 février, à 9 heures.

La séance est levée à 0 heure 45.

Le Directeur du service
des comptes rendus analytiques,

Jacques BOUFFIER

 


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