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Session ordinaire de 1999-2000 - 54ème jour de séance, 127ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 10 FÉVRIER 2000

PRÉSIDENCE de M. Pierre-André WILTZER

vice-président

Sommaire

PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
-deuxième lecture- (suite) 2

ART. 3 bis 2

APRÈS L'ART. 3 bis 3

ART. 3 ter 3

APRÈS L'ART. 4 bis 4

APRÈS L'ART. 4 ter 4

ART. 4 quater 5

ART. 5 5

APRÈS L'ART. 5 5

ART. 5 bis 5

APRÈS L'ART. 5 bis 6

AVANT L'ART. 5 ter 6

ART. 5 ter 7

ART. 5 quater 7

ART. 5 quinquies 7

ART. 6 bis 7

ART. 7 7

APRÈS L'ART. 7 9

APRÈS L'ART. 8 9

APRÈS L'ART. 9 bis 9

ART. 9 ter 9

ART. 9 quater 10

ART. 9 quinquies 10

ART. 9 sexies 10

ART. 9 septies 10

APRÈS L'ART. 9 septies 10

ART. 10 A 15

ART. 10 B 15

ART. 10 C 16

AVANT L'ART. 10 17

ART. 10 17

APRÈS L'ART. 10 20

ART. 10 bis A 20

APRÈS L'ART. 10 bis A 20

ART. 10 bis 21

APRÈS L'ART. 10 bis 22

ART. 12 22

ART. 13 22

ART. 14 22

AVANT L'ART. 15 22

ART. 15 23

La séance est ouverte à neuf heures.

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PRÉSOMPTION D'INNOCENCE -deuxième lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

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ART. 3 bis

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Dans un courrier adressé en décembre aux parlementaires, j'ai indiqué que je comptais réécrire l'article 80-1 du code de procédure pénale, relatif à la mise en examen.

C'est l'objet de l'amendement 15 du Gouvernement, qui vise à poser trois principes : le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes contre lesquelles il existe des indices graves ou concordants de culpabilité ; il ne peut procéder à une mise en examen sans avoir préalablement entendu les observations de la personne, ou l'avoir mise en mesure de les faire, en étant assistée d'un avocat ; enfin, la mise en examen ne doit intervenir que si le recours à la procédure de témoin assisté n'est pas possible.

Il paraît par ailleurs préférable de faire référence à des indices « rendant vraisemblable » la culpabilité de la personne, plutôt qu'à des indices « laissant présumer » cette culpabilité, puisque la personne est présumée innocente.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse de la commission des lois - Le sous-amendement 93 de la commission vise à rendre plus difficile la mise en examen en indiquant que les indices l'autorisant devraient être non seulement « graves ou concordants », mais aussi « précis ». La culpabilité de la personne mise en examen doit être plus que vraisemblable.

Mme la Garde des Sceaux - Je ne vois pas d'objection à l'ajout de cet adjectif.

En revanche votre sous-amendement introduit aussi l'expression « à peine de nullité » au début de l'article. Il ne faudrait pas en conclure que nous accordons la possibilité de faire appel de la mise en examen : le régime de nullité actuel ne sera pas modifié par l'adoption de ce sous-amendement.

Cette précision faite, le Gouvernement émet un avis favorable.

M. Jacques Floch - Ce sous-amendement a pour objet de rendre moins subjectif le recours à la mise en examen, qu'il importe d'encadrer.

M. Patrick Devedjian - Mon amendement 260 risquant de tomber, je veux ouvrir dès maintenant un débat qui a eu lieu au Sénat, à propos de l'expression « graves ou concordants ». La jurisprudence a toujours considéré ces qualifications comme cumulatives et non alternatives : il fallait que les indices soient graves « et » concordants. En écrivant « ou », vous rendez en fait la mise en examen plus facile.

Mme Frédérique Bredin - C'est inexact.

M. Patrick Devedjian - La conjonction « ou » indique l'alternative, la conjonction « et », le cumul. C'est de la grammaire.

Mme la Rapporteuse - Il ne s'agit que de donner une marge de man_uvre au juge d'instruction, qui est obligé de mettre en examen si les indices sont « précis, graves et concordants », mais qui peut le faire s'ils sont « précis, graves ou concordants ».

M. Patrick Devedjian - C'est donc bien que vous élargissez la possibilité de mettre en examen.

Mme la Rapporteuse - La mise en examen ne doit pas être automatique. Il faut bien que le juge d'instruction ait une certaine marge de man_uvre.

Le sous-amendement 93, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 15 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté, et l'article 3 bis est ainsi rédigé.

M. le Président - L'amendement 260 tombe.

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APRÈS L'ART. 3 bis

Mme la Rapporteuse - L'amendement 94 de la commission est de coordination.

L'amendement 94, accepté par le Gouvernement, est adopté.

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ART. 3 ter

Mme la Garde des Sceaux - Conformément au principe que nous venons de poser en adoptant la nouvelle rédaction de l'article 80-1 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ne pourra plus mettre une personne en examen par lettre recommandée sans débat contradictoire préalable.

En revanche, le juge pourra convoquer une personne par lettre recommandée, dans un délai compris entre dix jours et un mois, pour une première comparution, à l'issue de laquelle cette personne pourra, le cas échéant et après avoir été entendue avec son avocat, lequel aura pris connaissance du dossier, être mise en examen. En conséquence, il convient d'abroger l'article 116-1, qui se situe dans l'hypothèse, supprimée, d'une mise en examen par lettre recommandée.

Mme la Rapporteuse - La commission est tout à fait favorable à ce que la première comparution ait lieu avant la mise en examen, plutôt qu'après. Il n'est d'ailleurs pas certain du tout que la personne entendue soit mise en examen au terme de l'entretien : le juge pourra en faire un simple témoin assisté.

M. Patrick Devedjian - Cet amendement illustre ce que j'ai dit hier, et qui m'a valu les sarcasmes de la gauche. Quoi qu'il en soit, l'article 116-1, qui résulte de l'abrogation partielle de la loi du 4 janvier 1993, n'était pas une si mauvaise disposition : grâce à lui, la mise en examen pouvait être entourée d'une certaine discrétion, au lieu que l'intéressé soit accueilli par un essaim de journalistes et de photographes devant le palais de justice. Il est vrai que la notification des charges était souvent des plus sommaires, mais vous auriez pu remédier à cet inconvénient en obligeant le juge à les énoncer de façon plus précise.

La solution que vous avez choisie est absurde, car la première comparution a justement pour objet de recueillir les déclarations spontanées de la personne entendue, qui réagit à la notification des charges qui lui sont notifiées. Le formalisme auquel devra se plier le juge est d'ailleurs vain, car son opinion, en vérité, sera déjà faite, et le seul effet de la réforme sera de ralentir le cours de la justice, car un magistrat ne pourra mettre en examen plus de quelques personnes par jour. Enfin, si la mise en examen est précédée d'un débat contradictoire, elle devient un acte juridictionnel, et il n'est donc pas normal de refuser qu'elle soit susceptible d'appel.

M. Alain Tourret - Je suis d'un avis entièrement opposé à celui de M. Devedjian. Le débat contradictoire permettra à la fois au juge d'être mieux renseigné et au justiciable de mieux faire valoir ses droits. Le premier devra signifier d'emblée au second, non des incriminations, mais des faits ainsi que leur qualification juridique, puis lui dire en quoi ils sont susceptibles d'entraîner sa mise en examen. La personne convoquée pourra préparer sa défense et même se faire accompagner d'un avocat, ce qui évitera des mises en examen abusives ou précipitées. Quant à la « discrétion » qu'était censée garantir la mise en examen par courrier, c'est une plaisanterie : le contenu de la lettre recommandée était communiqué à la presse le jour même !

M. Patrick Devedjian - Et par qui ?

M. Alain Tourret - Hélas ! Nous ne le savons que trop... Avec ce nouvel article, les choses seront claires, précises et, qui plus est, encadrées par un délai raisonnable, qui ne laissera pas aux rumeurs le temps de s'épanouir.

Mme Frédérique Bredin - Je suis stupéfaite des contradictions que recèle le discours de M. Devedjian : il demandait hier que l'on supprime la mise en examen, il nous reproche aujourd'hui que celle-ci soit appelée à devenir trop rare, ou pas assez rapide.

M. Patrick Devedjian - Vous m'avez mal compris !

Mme Frédérique Bredin - L'entretien préalable donnera au justiciable, éventuellement assisté par son avocat, la possibilité de s'expliquer, et au juge celle de choisir entre la mise en examen et le statut de témoin assisté. Vous devriez reconnaître que c'est une avancée considérable.

Mme la Garde des Sceaux - Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, je souligne à l'intention de M. Devedjian que la mise en examen par lettre recommandée restera possible, dès lors que la première comparution aura eu lieu. Si le juge veut, à l'issue de celle-ci, se donner le temps de la réflexion, il pourra différer sa décision.

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté, et l'article 3 ter ainsi rédigé.

L'article 4 bis, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 4 bis

Mme la Garde des Sceaux - L'amendement 17 modifie les modalités de la première comparution, afin de tirer les conséquences de l'obligation d'avoir un débat contradictoire avant toute décision de mise en examen.

L'amendement 17, accepté par la par la commission, mis aux voix, est adopté.

Mme la Garde des Sceaux - L'amendement 18 est également de coordination. La mise en examen ne pouvant être décidée qu'après audition de l'intéressé, le simple fait d'avoir délivré à son encontre un mandat d'amener ou un mandat d'arrêt ne vaudra plus ipso facto mise en examen. Il faut donc compléter l'article 134 du code de procédure pénale, afin que le juge puisse, dans l'hypothèse où la personne recherchée n'est pas retrouvée avant la clôture de l'instruction, ordonner son renvoi devant la juridiction de jugement s'il existe contre elle des charges suffisantes.

Mme la Rapporteuse - Avis favorable.

M. Patrick Devedjian - Dès lors que le mandat d'arrêt ou d'amener ne tient plus lieu de mise en examen, quelle légitimité y a-t-il à se saisir du justiciable par la force ?

Ce qui fondait le mandat d'arrêt ou le mandat d'amener, c'était de priver de liberté une personne interpellée du fait de sa mise en examen. Qu'en est-il à présent de la légitimité juridique de cette procédure ?

Mme la Garde des Sceaux - La situation n'est pas différente de celle qui a cours aujourd'hui. Si un témoin est en fuite, il faut bien le rattraper. Aujourd'hui, l'interpellation, le mandat d'arrêt ou le mandat d'amener valent mise en examen. Désormais, puisque celle-ci ne sera plus possible avant qu'ait eu lieu un débat contradictoire, il est nécessaire qu'il n'y ait plus automaticité de la mise en examen car l'on peut faire amener par la force quelqu'un dont la situation ne justifie pas une mise en examen.

M. Patrick Devedjian - Je comprends votre argumentation mais quel est alors le fondement juridique de l'arrestation ?

Mme la Garde des Sceaux - Il est dans le fait que la personne interpellée a voulu se soustraire à la justice, en ne répondant pas à une convocation ou en prenant la fuite.

L'amendement 18, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 4 ter

Mme la Garde des Sceaux - L'amendement 19, 2ème rectification tend à compléter la modification de l'article 116. Désormais, lors de la première comparution, le juge d'instruction, après avoir entendu les observations de la personne assistée de son avocat, décidera soit de l'entendre comme témoin assisté, soit de la mettre en examen, et il l'informera des droits qui résultent de son statut.

Mme la Rapporteuse - Favorable.

M. Alain Tourret - Madame la Garde des Sceaux, l'avocat pourra-t-il présenter ses observations à tout moment et seront-elles notées au procès-verbal de l'instruction ?

Mme la Garde des Sceaux - Oui. Les conditions seront identiques à celles d'une audition ordinaire.

L'amendement 19, 2ème rectification, mis aux voix, est adopté.

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ART. 4 quater

M. Pierre Albertini - L'amendement 236 est défendu.

L'amendement 236, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4 quater et l'article 4 quinquies, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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ART. 5

Mme la Rapporteuse - L'amendement 95 tend à supprimer une disposition introduite par le Sénat qui vise à appliquer le principe du contradictoire aux expertise pénales. Sur le fond, une telle évolution soulèverait de nombreuses difficultés. Elle risque, sans apporter de réelles garanties supplémentaires, d'allonger la durée des instructions. Elle semble en outre difficilement conciliable avec les spécificités de la procédure pénale : ainsi, il paraît pour le moins délicat d'obliger la victime d'une atteinte à la personne à subir une expertise en présence de l'auteur des faits. Ne serait-ce qu'au nom du respect de la personne humaine, nous demandons la suppression de l'article I bis de cet article.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

M. André Gerin - Je déplore que l'on veuille supprimer une disposition introduite au Sénat à l'initiative du groupe socialiste. Cette suppression est en contradiction avec plusieurs dispositions du projet qui tendent à renforcer le caractère contradictoire des expertises pénales.

M. Jean-Pierre Michel - Cet amendement me semble au contraire excellent en ce qu'il tend à renforcer l'autonomie du droit pénal. Le pénal est un droit sui generis qui, par essence, n'est pas contradictoire. D'accord pour renforcer les droits de la défense mais veillons à préserver l'autonomie du droit pénal.

Mme la Rapporteuse - Très bien !

L'amendement 95, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 5

Mme la Rapporteuse - L'amendement 96 est un amendement de praticiens. Aujourd'hui, si les arrêts de la chambre d'accusation qui sont susceptibles de recours sont notifiés intégralement aux parties, seul le dispositif est notifié à leurs conseils, alors que le délai de pourvoi est de cinq jours. Il est nécessaire, pour apprécier l'opportunité d'un pourvoi, que le conseil dispose également de l'arrêt complet comprenant la motivation.

Mme la Garde des Sceaux - Favorable.

L'amendement 96, mis aux voix, est adopté.

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ART. 5 bis

M. Pierre Albertini - L'amendement 237 est défendu.

L'amendement 237, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Garde des Sceaux - L'amendement 226 est de coordination : l'article 116 du CPP est réécrit par l'amendement 19 rectifié et la modification prévue par l'article 5 bis n'a plus de raison d'être.

Mme la Rapporteuse - Favorable.

L'amendement 226, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 bis amendé, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 5 bis

Mme la Garde des Sceaux - L'amendement 229 est de coordination avec le sous-amendement 93 qui précise que les nouvelles conditions de la mise en examen sont édictées à peine de nullité.

Son objet est d'indiquer les conséquences d'une éventuelle annulation de la mise en examen par la chambre d'accusation, à savoir que la personne doit alors bénéficier du statut de témoin assisté et que les interrogatoires auxquels le juge a pu procéder doivent être considérés comme les auditions d'un témoin assisté et non comme les interrogatoires d'un mis en examen. Bien évidemment, la personne pourra toujours être mise en examen ultérieurement.

A défaut d'une telle précision, la personne n'aurait plus de statut dans la procédure, ce qui porterait atteinte aux droits de la défense.

L'amendement 229, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

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AVANT L'ART. 5 ter

Mme la Rapporteuse - Je présenterai ensemble une série d'amendements, dont le premier est l'amendement 100, qui tendent à supprimer la section 3 bis introduite par le Sénat « dispositions relatives à la responsabilité pénale des élus locaux ». De façon étrange, le Sénat a en effet insérer à cet endroit du texte plusieurs dispositions relatives à la responsabilité pénale des élus locaux qui sont hors sujet puisqu'il ne saurait être question d'en faire un cas particulier. La commission Massot a traité de cette question de manière pertinente. M. Michel a rappelé qu'une proposition de loi avait été adoptée en première lecture par le Sénat à ce sujet, mais pour intéressantes qu'elles soient, ces dispositions ne relèvent pas de la procédure pénale. La commission y est donc défavorable.

M. le Président - Votre propos vaut pour les amendements 100, 97, 98 et 99.

M. Jacques Floch - Il convient en effet de supprimer ces articles qui sont hors sujet. Cela dit, à un an des élections municipales, le problème de la responsabilité des élus locaux doit absolument être posé. J'espère que les conclusions de la commission Massot et l'examen de la proposition adoptée par le Sénat nous permettront de le régler.

Les élus locaux sont exposés à des décisions judiciaires qui leur portent préjudice, comme à tous ceux qui assument leurs responsabilités avec les risques que l'on sait.

Je sais, Madame la Garde des Sceaux, que vous vous préoccupez de cette question et si nous ne pouvons aujourd'hui adopter ce texte en l'état, nous savons qu'il nous faudra bientôt légiférer à ce propos.

M. Pierre Albertini - Je crois que le Sénat a apporté une mauvaise réponse à une bonne question. Il a chargé le Conseil d'Etat de se prononcer sur l'existence d'une faute détachable du service. Si la faute n'est pas détachable, l'élu est renvoyé devant le tribunal administratif ; si elle l'est, elle donne lieu à une incrimination pénale. A l'évidence, ce dispositif fait du Conseil d'Etat le juge du fond, ce qui ne correspond ni à sa vocation, ni à sa compétence. Par ailleurs, il serait malvenu de prévoir un régime dérogatoire pour la responsabilité pénale des seuls élus alors qu'il s'agit d'un problème beaucoup plus général, qui concerne aussi les fonctionnaires, les chefs d'entreprises, les présidents d'associations, les chefs d'établissements scolaires. Nous avons intérêt à traiter globalement cette question essentielle de la faute non intentionnelle.

Nous ne souhaitons d'ailleurs pas instaurer de privilège de juridiction pour les élus. Revenir à cette fin sur les dispositions adoptées en 1993 ne ferait que les condamner davantage aux yeux de l'opinion.

La proposition du sénateur Fauchon, pour homéopathique qu'elle me paraisse, nous permettra de reprendre le débat dans quelques semaines, dans une démarche plus saine que celle que le Sénat avait imaginée de façon un peu précipitée.

Mme la Garde des Sceaux - Je me réjouis de ce consensus autour de ce que Jacques Floch a fort justement qualifié de vrai problème : la responsabilité pénale des élus et, plus généralement, des décideurs publics, en cas de faute non intentionnelle. Cette question provoque beaucoup d'émotion car nombreux sont ceux qui ont le sentiment que des condamnations interviennent sans qu'il y ait de lien entre une faute et le dommage.

Un débat s'est déjà engagé au Parlement, à la suite d'une question de M. Haenel et j'ai demandé à la commission présidée par M. Massot de me faire des propositions à ce propos. Entre temps, le Sénat a adopté, lors de la première lecture du présent projet, les dispositions dans lesquelles M. Albertini a vu à juste titre une mauvaise réponse à une bonne question. Ces dispositions aboutissent en effet à traiter les élus autrement que le reste de la population, alors que chacun peut voir sa responsabilité mise en cause pour une faute non intentionnelle. Il est bon qu'elles soient rejetées, mais cela ne nous dispense pas de traiter ce problème.

C'est ce que nous ferons fin février à l'occasion de l'examen de la proposition Fauchon, qui est intéressante car elle concerne tous les citoyens et s'attache à mieux définir le lien entre la faute et le dommage. Cela dit, il faudra nous demander s'il convient d'accroître la responsabilité pénale des personnes morales, point sur lequel le Gouvernement est très réticent.

Enfin, le rapport Massot montre que des pistes autres que la modification du seul code pénal peuvent être explorées : accélération de la justice administrative, indemnisation civile, par exemple. Je souhaite donc que nous ayons un débat exhaustif.

M. le Président - Chacun s'étant exprimé, je vais mettre aux voix successivement les amendements de suppression du titre de la section et des différents articles.

L'amendement 100, mis aux voix, est adopté.

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ART. 5 ter

L'amendement 97 est adopté et l'article 5 ter est ainsi supprimé.

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ART. 5 quater

L'amendement 98 est adopté et l'article 5 quater est ainsi supprimé.

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ART. 5 quinquies

L'amendement 99 est adopté et l'article 5 quinquies est ainsi supprimé.

L'article 6, mis aux voix, est adopté.

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ART. 6 bis

Mme la Rapporteuse - Le Sénat a souhaité confier au tribunal correctionnel la possibilité de prononcer une amende lorsqu'un témoin refuse de comparaître et a prévu une amende de 25 000 F. Ce montant a paru excessif à notre commission, qui a en outre jugé plus simple de laisser au juge d'instruction, magistrat du siège, le soin de prévoir une sanction. L'amendement 101 supprime donc cet article.

L'amendement 101, accepté par le gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 6 bis est ainsi supprimé.

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ART. 7

Mme la Rapporteuse - L'amendement 102 vise à élargir la catégorie de témoin assisté, sans aller toutefois aussi loin que le Sénat, qui l'étendait au simple témoin non mis en cause nommément.

Désormais, cette catégorie comprendra toute personne nommément visée par un réquisitoire introductif d'instance, toute personne visée par une plainte avec constitution de partie civile et -c'est ce que nous ajoutons- toute personne nommément visée par une plainte ou mise en cause par la victime, qui serait ainsi obligatoirement entendue en qualité de témoin assisté si elle en faisait la demande.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis tout à fait favorable à cet amendement qui étend le champ d'application de la procédure de témoin assisté.

L'amendement 102, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 103 précise les droits du témoin assisté en ajoutant à l'assistance d'un avocat et à l'accès au dossier la possibilité de demander une confrontation avec celui qui l'a mis en cause.

Mme la Garde des Sceaux - Avis très favorable : il faut que le témoin assisté dispose de droits importants mais sans que son statut puisse être confondu avec celui de la personne mise en examen. C'est à ce prix que la procédure sera utilisée.

Mme Frédérique Bredin - Je soutiens cette extension des droits du témoin assisté, étant bien entendu que celui-ci pourra toujours demander à être mis en examen pour disposer de droits encore plus amples.

L'amendement 103, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 104 est précisément celui qui permet au témoin assisté de demander au juge d'instruction, à l'occasion d'une audition, à être mis en examen. Les droits attachés à ces deux statuts n'étant pas exactement les mêmes, il ne faudrait pas en effet que le témoin assisté soit empêché d'exercer l'intégralité des droits de la défense, dès lors qu'il ne redoute pas d'être stigmatisé par une mise en examen.

L'amendement 104, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

Mme la Garde des Sceaux - L'amendement 20, pour être un amendement de cohérence, n'en est pas moins important.

En vertu des principes posés à l'article 80-1, avant toute mise en examen, y compris celle d'un témoin assisté, l'intéressé doit pouvoir faire valoir ses observations au juge après avoir été informé de l'intention du juge. Il convient toutefois de permettre au juge de procéder à cette mise en examen sans être obligé d'informer le témoin assisté de son intention et de l'entendre à nouveau, dans l'hypothèse où cette mise en examen intervient en toute fin d'information. Cela présentera deux avantages : le juge n'aura pas à réentendre une personne déjà entendue à plusieurs reprises, ce qui devrait lui faciliter l'observation des délais et l'inciter à recourir à la procédure de témoin assisté ; quant à ce dernier, il ne sera mis en examen que pendant un temps très bref, ce qui limitera l'atteinte à la présomption d'innocence.

Toutefois, pour garantir pleinement les droits de la défense, l'amendement prévoit que, si l'intéressé veut à nouveau s'expliquer devant le juge, ce dernier sera tenu de faire droit à sa demande.

Je signale une erreur matérielle à la ligne 2 de l'amendement : au lieu de « peut procéder », il faut bien évidemment lire : « ne peut procéder ».

M. le Président - Ce sera donc l'amendement 20 rectifié.

Mme la Rapporteuse - Avis favorable, sous réserve que soit adopté le sous-amendement 105. Aux termes de l'article 113-8, la mise en examen ne peut intervenir que si existent des indices « précis, graves ou concordants » : il convient d'adopter la même rédaction ici.

M. le Président - ...Comme nous l'avons déjà fait par le sous-amendement 93.

Le sous-amendement 105, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

L'amendement 20 rectifié ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 7 modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 7

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - L'amendement 233 est défendu.

L'amendement 233, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

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APRÈS L'ART. 8

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Les amendements 37, 38 et 258 sont défendus.

Les amendements 37, 38 et 258, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 106 tend à compléter l'article 652 du code de procédure pénale en indiquant qu'un membre du gouvernement pourra être interrogé comme témoin assisté sans autorisation du Conseil des ministres. Privilégier dans ce cas ce statut de témoin assisté, plutôt que celui de mis en examen pour lequel cette autorisation est expressément requise, permettait de maintenir une certaine discrétion...

M. Jacques Floch - On peut rêver !

Mme la Rapporteuse - Cela dit, je suis consciente des limites de l'argument.

Mme la Garde des Sceaux - Je comprends l'intention, mais la procédure peut se retourner contre les intéressés... Sagesse !

L'amendement 106, mis aux voix, est adopté.

Les articles 9A, 9B, 9C et 9 bis, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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APRÈS L'ART. 9 bis

Mme la Rapporteuse - L'amendement 107 reprend dans le chapitre premier, consacré au renforcement des droits de la défense et au respect du caractère contradictoire de la procédure, les dispositions de l'article 21 septies aux termes duquel les procès-verbaux d'interrogatoire doivent mentionner les questions posées. Cependant, afin de ne pas alourdir inutilement la procédure, il ne prévoit cette formalité qu'au cas où les parties ou leurs avocats le demanderaient.

Le Sénat avait introduit cette disposition dans un autre article, mais elle sera mieux placée ici.

Mme la Garde des Sceaux - En effet. Avis favorable.

L'amendement 107, mis aux voix, est adopté.

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ART. 9 ter

Mme la Rapporteuse - Le Sénat a souhaité allonger les délais d'appel pour donner le temps de la réflexion aux intéressés. Pour ne pas prolonger l'incertitude juridique où se trouvent les parties, la commission estime plus judicieux de maintenir à dix jours le délai d'appel en matière correctionnelle, comme le prévoit l'actuel article 498 du code de procédure pénale. Cependant, pensant comme les sénateurs qu'un délai aussi bref peut avoir des effets dommageables, nous proposons que le désistement de l'appel principal puisse intervenir dans le délai d'un mois, entraînant alors automatiquement la caducité des appels incidents. Nous simplifions donc, mais autrement que ne le faisait le Sénat.

Tel est le sens de l'amendement 108.

L'amendement 108, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 9 ter est ainsi rédigé.

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ART. 9 quater

Mme la Rapporteuse - L'amendement 109 vise à donner un caractère plus contradictoire à la procédure devant les cours d'appel en autorisant l'audition de témoins à décharge cités par le prévenu. L'article 513 du code de procédure pénale serait alors ainsi rédigé : « Les témoins à décharge cités par le prévenu sont entendus dans les règles prévues aux articles 435 à 457. Le ministère public peut s'y opposer si ces témoins ont déjà été entendus par le tribunal. La Cour tranche avant tout débat de fond ».

L'idée de M. Montebourg, retenue par la commission, est que la défense doit pouvoir utiliser en appel les mêmes moyens de défense qu'en première instance.

Mme la Garde des Sceaux - C'est un excellent amendement qui renforce les droits de la défense en appel sans risquer d'entraîner des débats inutiles. J'y suis très favorable.

L'amendement 109, mis aux voix, est adopté.

L'article 9 quater, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

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ART. 9 quinquies

Mme la Rapporteuse - L'amendement 110 tend à supprimer un article introduit par le Sénat qui aurait pour conséquence d'interdire à toute juridiction d'entendre comme simple témoin un membre ou un ancien membre du Gouvernement sur des actes non détachables de leurs fonctions, comme une infraction commise par un collaborateur. Nous considérons, pour notre part, que les membres ou les anciens membres du Gouvernement ne doivent bénéficier d'aucun privilège.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

L'amendement 110, mis aux voix, est adopté et l'article 9 quinquies est supprimé.

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ART. 9 sexies

Mme la Rapporteuse - L'amendement 111 tend à supprimer l'article 9 sexies. Le Sénat aurait en effet souhaité que l'on puisse très aisément solliciter le renvoi d'une affaire devant une autre juridiction. Il nous paraît nécessaire de rétablir le filtre du procureur général près la cour d'appel en cas de demande des parties tendant à un tel renvoi.

L'amendement 111, mis aux voix, est adopté et l'article 9 sexies est supprimé.

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ART. 9 septies

Mme la Rapporteuse - L'amendement 112 est encore de suppression. Le Sénat souhaitait rétablir les privilèges de juridiction dont bénéficiaient les élus locaux jusqu'en 1993, date à laquelle ils furent abrogés, notamment en raison des nombreuses annulations de procédure qu'ils entraînaient. Il n'y a aucune raison de restaurer ces privilèges.

M. André Gerin - Très bien !

L'amendement 112, mis aux voix, est adopté et l'article 9 septies est supprimé.

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APRÈS L'ART. 9 septies

Mme la Rapporteuse - L'amendement 114 est de coordination.

L'amendement 114, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - Nous nous sommes très largement inspirés, dans l'amendement 113 rectifié, des propositions du groupe de travail présidé par le premier président près la cour d'appel. Nous proposons que les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ne puissent être effectuées que par le magistrat instructeur et en présence du bâtonnier ou de son délégué. A ce contrôle a priori s'adjoint un contrôle a posteriori puisque s'il apparaît ultérieurement que certaines pièces n'avaient pas à être saisies pour figurer au dossier du juge d'instruction, le bâtonnier ou son délégué pourront demander au président du tribunal de grande instance de statuer dans les cinq jours sur le bien-fondé de la saisie. Le rejet de la contestation par le président n'interdit d'ailleurs pas aux parties d'intenter ultérieurement une action en nullité. Ce dispositif nous paraît de nature à garantir suffisamment les perquisitions en question. J'ajoute que le président du tribunal de grande instance, qui statuera sur le bien-fondé des saisies, sera également le juge de la détention provisoire et du contrôle des enquêtes.

M. le Président - Le sous-amendement 220 n'est pas défendu.

Mme la Garde des Sceaux - Je soutiens cet amendement qui reprend en effet les propositions du groupe de travail réuni en 1999, à ma demande, autour du premier président de la cour d'appel, M. Canivet. Il représente une garantie pour les avocats sans faire obstacle aux investigations nécessaires. Il améliore l'amendement qu'avait présenté au Sénat M. Haenel et qu'avait soutenu M. Badinter.

L'amendement 113 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement attache une importance particulière à l'amendement 223. Un Etat de droit se doit de protéger efficacement les droits de la défense. C'est pourquoi il convient, comme votre assemblée vient de le décider, d'encadrer très strictement les perquisitions dans les cabinets d'avocats. C'est aussi pourquoi il convient d'éviter que dans le cadre d'un contrôle judiciaire, un avocat mis en examen puisse se voir interdit d'exercer sa profession dans des hypothèses qui ne le justifieraient pas.

La loi du 4 janvier 1993 avait complété l'article 138.12° du code de procédure pénale en indiquant que dans le cas d'un avocat, le juge d'instruction devait, préalablement à l'interdiction d'exercice de l'activité, saisir le conseil de l'Ordre qui statue alors conformément à la loi. Dans l'esprit de M. Pezet, alors rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, il s'agissait de retirer aux magistrats instructeurs la possibilité d'interdire eux-mêmes à un avocat l'exercice de son activité. Cet amendement fut adopté malgré l'avis défavorable de M. Vauzelle, alors Garde des sceaux, qui jugeait inacceptable que l'on subordonne ainsi l'application d'une règle générale de procédure pénale à la décision d'une instance disciplinaire. Au Sénat, le texte adopté par l'Assemblée fut interprété comme exigeant que le juge d'instruction saisisse le conseil de l'Ordre après avoir prononcé l'interdiction d'exercice. Cette interprétation, qui donnait satisfaction au Gouvernement, fut reprise dans la circulaire et c'est celle que retient aujourd'hui la Cour de cassation.

Ce texte peut encore être amélioré. Je comprends donc que M. Gouzes, qui était d'ailleurs le président de la commission des lois en 1993, ait déposé en première lecture un amendement tendant à inscrire clairement dans la loi l'objectif visé en 1993. Ces dispositions qui figurent maintenant à l'article 33 bis du projet retirent donc au juge d'instruction la possibilité d'interdire à un avocat mis en examen et placé sous contrôle judiciaire d'exercer sa profession, même si les faits qui lui sont reprochés ont été commis dans ce cadre et risquent donc de se renouveler. Cette interdiction ne pourrait plus être prononcée que par le conseil de l'Ordre à la demande du juge et sous le contrôle de la chambre d'accusation.

Mais cette solution n'est pas satisfaisante. Même si la profession d'avocat justifie des garanties particulières pour protéger les droits de la défense, une telle règle serait contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi. Elle pourrait aussi avoir des effets pervers, risquant d'inciter les autorités judiciaires à placer un avocat en détention provisoire, si cela paraît le seul moyen d'éviter que l'infraction qu'il a commise ne se renouvelle.

C'est pourquoi j'ai déposé l'amendement 223 qui institue, tout en conservant au juge d'instruction ses prérogatives en matière de contrôle judiciaire, un recours suspensif confié au président du tribunal de grande instance devant lequel le bâtonnier pourra formuler ses observations. Le caractère suspensif de ce recours empêche que l'interdiction prononcée par le juge soit appliquée et l'éventuelle révocation du contrôle judiciaire en cas de violation de cette interdiction, tant que le président du tribunal de grande instance, éclairé par le bâtonnier, n'aura pas confirmé l'interdiction d'exercice. L'information du conseil de l'Ordre prévue par l'article 138 sera bien entendu maintenue, le président du tribunal ayant cinq jours pour statuer sur la contestation. Si le conseil statue lui-même dans ce délai, il pourra advenir que le contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'exercice soit inutile, auquel cas il ne sera pas confirmé par le président.

Ce dispositif apporte donc des garanties sérieuses, tout en restant conforme à notre ordre juridique.

Vous avez, avec raison, supprimé les dispositions adoptées par le Sénat qui tendaient à créer un régime spécifique pour les élus. Ce ne serait pas rendre service aux avocats que d'instituer pour eux un tel régime.

Je vous demande d'adopter cet amendement, dans lequel il faut voir un hommage à la profession d'avocat.

Mme la Rapporteuse - La commission a repoussé cet amendement. Elle n'a en effet pas voulu l'approuver sans avoir entendu les explications de Mme la Garde des Sceaux, qui m'ont personnellement convaincue. Nous ne devons pas créer de régimes particuliers par profession. En outre, les dispositions adoptées en première lecture risquent d'inciter le juge d'instruction, dans les cas difficiles, à demander la détention provisoire. J'approuve donc l'amendement du Gouvernement.

M. Alain Tourret - Dans le procès pénal, l'avocat n'est pas dans la même situation que le simple citoyen. On ne peut pas non plus le comparer à un élu. Il est détenteur des secrets confiés par son client, ainsi que de certaines pièces essentielles à la défense.

Je suis gêné d'entendre dire qu'il ne peut bénéficier de dispositions particulières. Les avocats ne sont pas des justiciables comme les autres.

Leurs ordres ont donc vocation à statuer, sous le contrôle de la cour d'appel. Les ordres des avocats ont d'ailleurs une grande tradition de rigueur : il faut faire confiance aux bâtonniers.

Madame la Garde des Sceaux, malgré vos explications, je ne peux me défaire d'un certain scepticisme et c'est pourquoi je m'abstiendrai.

M. André Gerin - Je soutiens l'amendement du Gouvernement. La justice n'est la propriété ni des citoyens ni des magistrats, ni des avocats, ni d'ailleurs des hommes politiques. Elle n'appartient pas aux justiciables. C'est notre conception républicaine du service public de la justice qui est en cause.

M. Patrick Devedjian - S'il importe en effet de respecter le principe de l'égalité de tous devant la justice, il n'en reste pas moins que l'avocat est plus exposé que les autres. Il est en effet le contradicteur du juge. Leur relation est généralement très tendue, le juge ayant l'impression que l'avocat compromet l'arrestation d'un malfaiteur dangereux qu'il faut absolument confondre.

L'avocat, c'est l'homme seul contre les pouvoirs. Le remettre, pour être jugé, entre les mains de son contradicteur, c'est porter atteinte aux droits de la défense. Si le justiciable est un avocat, le juge n'est pas impartial et il ne peut pas l'être. Il faut qu'intervienne un tiers qui soit indépendant : l'ordre des avocats. C'est une conception, d'ailleurs, qui remonte à Saint Louis.

Vous voulez que la justice soit indépendante : cela passe par l'indépendance de la défense.

On ne peut donner certains pouvoirs au juge, qui est l'adversaire naturel de l'avocat, car tout procès est un conflit.

Je comprends vos réticences à vous en remettre au conseil de l'Ordre. On le soupçonnera de corporatisme...

M. André Gerin - Le pré carré !

M. Patrick Devedjian - Mais les décisions du conseil de l'Ordre sont susceptibles d'appel, devant des magistrats : ceux des cours d'appel, justement, ont un certain recul, parce qu'ils ne sont pas en conflit avec les avocats.

Ce système fonctionne bien. A Paris, où le contentieux est abondant, parce qu'il y a eu de fortes personnalités inscrites au barreau, la cour d'appel a régulé convenablement la profession. Une fois que le conseil de l'Ordre, particulièrement sévère, avait prononcé la suspension à vie d'un parlementaire avocat, la cour d'appel a ramené cette suspension à trois ans.

Ne soyez pas ceux qui auront mis la défense sous le boisseau ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Pierre Albertini - Sinon un conflit, le procès est au moins une confrontation. Il faut faire confiance aux avocats, ou bien on réduira leur rôle et leur autorité. Le conseil de l'Ordre est généralement sévère et la profession me semble bien régulée. On ne peut parler de corporatisme. Il faut garantir un certain équilibre et c'est pourquoi je suis hostile à l'amendement du Gouvernement.

Mme la Garde des Sceaux - Je comprends le souci de MM. Devedjian et Albertini, qui est aussi le mien. Il faut reconnaître la spécificité de l'avocat qui, M. Tourret l'a dit, n'est pas dans la situation de tout un chacun devant le juge d'instruction. Mais nous devons veiller à ne pas déroger à nos principes juridiques et éviter qu'un ordre professionnel se substitue à la justice pénale.

C'est pourquoi la solution retenue par le Gouvernement est celle-là même que vous avez adoptée dans le cas d'une perquisition dans un cabinet d'avocat.

Mme Frédérique Bredin - Ce sujet difficile mérite une réflexion approfondie, à laquelle la commission n'a pu procéder. Je me demande notamment si nous ne devrions pas rendre la décision du président du TGI susceptible d'appel.

Mme la Garde des Sceaux - Le recours devant la cour d'appel reste possible.

M. Alain Tourret - Il est pourtant écrit, au deuxième paragraphe, que l'ordonnance du président du TGI est « non susceptible de recours ».

Mme la Garde des Sceaux - Le placement sous contrôle judiciaire est susceptible de recours, l'ordonnance du président ne l'est pas.

Mme Frédérique Bredin - Je propose donc de supprimer, par voie de sous-amendement, les mots « non susceptible de recours ».

M. le Président - Ce sous-amendement portera le numéro 265.

Mme la Rapporteuse - A titre personnel, je n'y suis pas favorable, car il serait illogique que la décision prise par le président du TGI soit susceptible d'appel dans le cas d'une interdiction, alors qu'elle ne le serait pas en matière de perquisition ou de prolongation de garde à vue.

Mme la Garde des Sceaux - Je crois qu'il y a malentendu. Lorsque l'interdiction prononcée par le juge d'instruction est contestée devant le président du TGI, de deux choses l'une : ou bien ce dernier donne raison à l'avocat, et la question est résolue ; ou bien il confirme la décision du juge d'instruction, et le contrôle judiciaire lui-même devient effectif, et donc susceptible de recours devant la cour d'appel, sans qu'il soit nécessaire de le préciser.

M. Jean-Pierre Michel - Raison de plus pour supprimer les mots « non susceptible de recours »...

M. Louis Mermaz - Le caractère embrouillé de notre débat illustre l'inconvénient qu'il y a à déposer tardivement des amendements que la commission ne peut examiner. J'invite donc le Gouvernement à éviter, à l'avenir, de procéder ainsi (« Très bien ! » sur de nombreux bancs). Peut-être serait-il bon que la commission des lois se réunisse.

M. Pierre Albertini - Je demande une suspension de séance d'une dizaine de minutes, afin que chacun puisse mesurer les conséquences du vote que l'Assemblée va émettre sur l'amendement du Gouvernement.

La séance, suspendue à 10 heures 55, est reprise à 11 heures 10.

Mme la Garde des Sceaux - Je propose à votre assemblée d'augmenter les garanties offertes aux avocats. Je rappelle l'économie du dispositif que je propose dans l'amendement 223 rectifié. Le juge d'instruction peut prononcer un contrôle judiciaire à l'encontre d'un avocat. Celui-ci peut alors présenter un recours, qui est suspensif de l'interdiction qui lui est faite d'exercer. Ce recours est transmis au président du tribunal de grande instance. Si celui-ci -et sa décision est insusceptible d'appel- ne confirme pas la décision du juge d'instruction, il est mis fin au contrôle judiciaire. S'il la confirme, il est justifié que le contrôle judiciaire intervienne et les cinq jours de suspension qui ont précédé sa décision doivent être mis à profit par l'Ordre des avocats pour présenter des observations.

Restons dans l'hypothèse où le président du tribunal de grande instance confirme la décision de placement sous contrôle judiciaire. Celle-ci est susceptible d'appel devant la cour d'appel. Aujourd'hui, cet appel doit être formé dans un délai de vingt jours. Avec les parlementaires de la majorité, nous proposons, soit de réduire ce délai, soit de le rendre suspensif, au même titre que le recours devant le président du tribunal de grande instance. Je suis favorable à cette dernière solution, qui fait l'objet d'une nouvelle rectification : l'amendement 223 déjà rectifié comportera donc un quatrième alinéa. Ainsi, l'appel formé contre l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, confirmée par le président du tribunal de grande instance, suspend l'effet de l'interdiction d'exercer. Sans contrevenir à notre ordre juridique, le dispositif devient ainsi très protecteur, il permet d'éviter le risque que le juge d'instruction ne soit incité à placer en détention provisoire un avocat pour de mauvaises raisons. La protection des avocats se trouve ainsi portée à un niveau maximal.

M. Patrick Devedjian - Oui, que l'Ordre des avocats statue, cela pose problème. Cependant, même avec les appels suspensifs, que le juge d'instruction en conflit avec l'avocat prenne la première décision me choque. Mieux vaudrait en confier le soin au président du tribunal de grande instance.

Mme la Garde des Sceaux - Ce que je propose revient au même. Même si le juge d'instruction prend la décision, elle ne s'applique pas tant que le président du tribunal de grande instance, et celui de la cour d'appel en cas de recours, n'ont pas statué. Mais il convient quand même que le juge d'instruction puisse prendre une décision lorsqu'un avocat commet des actes graves. Le refuser ne sert guère les intérêts de la profession.

Mme Frédérique Bredin - La solution de la Garde des Sceaux me paraît excellente. Il n'est pas acceptable qu'un ordre professionnel puisse contrevenir à une décision pénale. L'idée d'un appel suspensif est tout à fait pertinente et protectrice de la fonction d'avocat. Je retire donc le sous-amendement 265.

M. Alain Tourret - En effet, le dispositif proposé trouve un juste équilibre entre la nécessité de prendre une décision à l'encontre d'avocats qui ont failli et l'obligation de protéger les avocats en raison de leur rôle particulier dans la procédure judiciaire.

Par ailleurs, je vois mal qui, à la place du juge d'instruction pourrait prendre la décision.

M. Patrick Devedjian - Le président du tribunal !

M. Alain Tourret - Mais c'est le juge d'instruction qui est le plus au courant. Le président du tribunal se prononcera, lui, au cours du délai de cinq jours, après avoir entendu le bâtonnier. N'oublions pas toutefois qu'il y a bien une justice à deux vitesses, que Paris n'est pas la France et que, dans les petits tribunaux, le président est souvent très proche du juge d'instruction. C'est en cela qu'il est indispensable de prévoir un recours devant la cour d'appel. Dès lors que l'exécution est suspendue, les droits des avocats sont ainsi garantis et je voterai donc l'amendement ainsi rectifié.

M. Patrick Devedjian - Il me semble que la nouvelle rédaction laisse subsister une ambiguïté entre l'ordonnance du juge d'instruction et celle du président du tribunal de grande instance.

M. le Président - Il me semble que le texte indique qu'il ne s'agit pas de la même ordonnance.

Mme la Garde des Sceaux - Pour moi, il n'y a pas de confusion possible. Mais nous profiterons de la navette pour améliorer éventuellement la rédaction.

L'amendement 223, 2ème rectification, mis aux voix, est adopté.

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ART. 10 A

Mme la Rapporteuse - L'amendement 115 rétablit un article important qui pose comme principe que « la personne mise en examen, présumée innocente, reste libre ». C'est donc seulement à titre exceptionnel qu'elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire et, lorsque celles-ci se révèlent insuffisantes, placée en détention provisoire. Il convient également de rétablir la section.

Mme la Garde des Sceaux - Favorable.

M. André Gerin - Je me réjouis que la commission nous propose de rétablir cet article. Quiconque connaît la situation dans nos prisons ne peut que souhaiter voir réaffirmé le principe selon lequel la personne mise en examen doit rester libre. Le placement en détention provisoire est bien loin de faire reculer l'insécurité. Il a un effet désastreux, en particulier pour les jeunes.

L'amendement 115, mis aux voix, est adopté et l'article 10 A est ainsi rédigé.

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ART. 10 B

Mme la Rapporteuse - L'amendement 116 rétablit également un article important, qui supprime l'obligation qu'il y ait un juge d'instruction pour chaque TGI. Alors que les juges d'instruction travaillent de plus en plus en équipe, mieux vaut en effet qu'il y ait un cabinet par département qu'un juge par tribunal. Ainsi amorçons-nous une révision intelligente de la carte judiciaire.

Mme la Garde des Sceaux - Favorable.

M. André Gerin - Je vois mal le rapport avec la présomption d'innocence et j'ai des craintes pour la justice de proximité.

Mme la Rapporteuse - Je connais, au fin fond de petits tribunaux, des juges d'instruction qui se sentent terriblement isolés et qui ne demandent qu'à pouvoir travailler de concert avec des collègues. Le travail judiciaire n'est plus ce qu'il était il y a seulement cinquante ans, d'autre part, et même les petites juridictions se trouvent confrontées à des affaires effroyablement complexes, qui exigent un travail de groupe. Je ne crois donc pas que le fait de maintenir un juge d'instruction dans chaque tribunal de grande instance soit une condition de l'efficacité pour la justice pénale. En outre, la création d'un juge de la détention ne rendra que plus nécessaires des regroupements.

Il n'y a pour moi aucune antinomie entre ceux-ci et l'administration d'une justice de proximité. Cette dernière réclame en effet un accès facile à des juges d'instance, pouvant trancher rapidement de petits conflits, ou l'ouverture de maisons de justice, mais elle n'impose pas qu'on trouve partout des juges d'instruction. Je vous rappelle que ceux-ci n'instruisent que 7 ou 8 % des affaires pénales.

Mme la Garde des Sceaux - Je n'avais pas l'intention de revenir aujourd'hui sur ce que j'avais dit en première lecture en faveur de cet amendement mais il est de fait qu'il convient de permettre aux juges d'instruction confrontés à des affaires complexes de travailler en équipe. En matière économique et financière, nous avons commencé de leur adjoindre des assistants spécialisés. Cela ne va pas contre une justice de proximité ou contre une justice organisée pour répondre aux besoins des justiciables plutôt qu'à ceux des magistrats : au contraire, cela permettra d'accélérer le cours des affaires et de sortir au plus vite de la période intermédiaire pendant laquelle les personnes sont mises en cause sans être jugées.

La situation est d'ailleurs la même, s'agissant des juges pour enfants. On n'a pas intérêt à disposer d'un de ces juges dans chaque TGI : leur regroupement permet d'organiser des permanences et de traiter immédiatement les cas de délinquance juvénile.

Certes, le raisonnement ne vaut pas pour toutes les affaires, et notamment pas pour les conflits de proximité, mais nous disposons là d'autres modes de traitement, adaptés aux besoins.

L'amendement 116, mis aux voix, est adopté et l'article 10 B est ainsi rédigé.

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ART. 10 C

Mme la Rapporteuse - L'amendement 117 vise à rétablir le texte adopté par l'Assemblée en première lecture pour demander que la carte judiciaire soit révisée dans les deux ans suivant la publication de cette loi. Cette révision est entamée et les tribunaux de commerce ont commencé d'être regroupés mais, si nous voulons que le juge de la détention puisse remplir ses missions, elle est indispensable. Les magistrats et les professionnels de la justice en font d'ailleurs une priorité, après le vote des textes nécessaires par le Parlement mais avant même l'accroissement de leurs moyens. Cette disposition a donc toute sa place ici.

Mme la Garde des Sceaux - Comme en première lecture, mon avis sera défavorable. Pour indispensable qu'elle soit, la révision de la carte judiciaire n'a pas à être liée à la présente réforme. Le Gouvernement doit en effet rester maître du rythme auquel elle sera effectuée.

M. Alain Tourret - La commission a repris cet amendement que j'avais déposé en première lecture. Nous n'échapperons pas à cette révision, quelle que soit l'opposition des lobbies locaux ou politiques. On peut renforcer la justice de proximité ou les compétences des tribunaux d'instance -en leur attribuant par exemple le contentieux postérieur au divorce-, mais on ne peut faire l'économie de regroupements pour les tout petits tribunaux de grande instance. Dans quel délai ? Nous avons proposé deux ans afin de pouvoir disposer de juges de la détention capables de maîtriser la jurisprudence, européenne notamment, mais je ne vois pas d'alternative, sauf à doter les petits TGI de magistrats supplémentaires. La départementalisation de l'instruction m'apparaît donc inéluctable.

M. Louis Mermaz - Je crois que Mme la Garde des Sceaux a répondu au souci de l'Assemblée. D'autre part, cet amendement ressemble fort à un cavalier, assorti d'une injonction au Gouvernement ! Quand beaucoup d'élus multiplient les démarches pour sauver leur tribunal, on ne peut s'empêcher de juger la disposition quelque peu paradoxale. Faisons donc confiance au Gouvernement pour mener à bien cette révision sans lui fixer une date butoir.

Mme la Rapporteuse - Nous savons que cette révision est déjà entamée mais nous tenons à souligner qu'elle est indispensable pour la bonne application de la présente réforme. La commission maintiendra donc son amendement.

M. Patrick Devedjian - Je soutiens l'amendement : la révision de la carte judiciaire est aussi indispensable que difficile. Quant à l'injonction, elle est plutôt un moyen d'aider le Gouvernement à résister aux pressions de tous les élus, de gauche ou de droite, hostiles à cette réforme. Depuis deux ans et demi, 36 tribunaux de commerce ont été supprimés mais une deuxième série de suppressions, annoncée en décembre puis, à nouveau en janvier, n'a toujours pas été réalisée. Et rien n'a été fait en ce qui concerne les tribunaux judiciaires. Or c'est la condition de toute les autres réformes, en particulier de celles qui exigent des magistrats. L'intention de Mme Lazerges est donc pure !

L'amendement 117, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Garde des Sceaux - Merci !

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AVANT L'ART. 10

M. Patrick Devedjian - L'amendement 6 de M. Balladur relève d'un dispositif dont la pièce maîtresse n'a malheureusement pas été adoptée. Je me bornerai donc à rappeler que ce dispositif protégeait la présomption d'innocence dans la mesure où il ne prévoyait que des témoins : il était donc impossible de distinguer entre eux ceux qui finiraient par être mis en examen et les autres. Je défends donc ce vrai progrès, mais sans illusions...

Mme la Rapporteuse - L'amendement est en fait tombé.

M. le Président - En effet.

M. Patrick Devedjian - Je l'admets.

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ART. 10

M. Patrick Devedjian - L'amendement 7 est défendu.

Mme la Rapporteuse - Avis défavorable. Nous ne souhaitons pas que soient supprimées certaines exceptions à la non-publicité du débat sur le placement en détention provisoire.

Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable.

L'amendement 7, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - L'amendement 215 n'est pas défendu.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 118 tend à rétablir le texte adopté par l'Assemblée en première lecture. Il a un double objet : d'une part, redonner au juge chargé de la mise en détention provisoire son nom de « juge de la détention provisoire » ; d'autre part, prévoir qu'il ne peut être choisi que parmi des magistrats du siège ayant une certaine expérience : président, premier vice-président ou vice-président. Nous souhaitons même qu'il s'agisse chaque fois que possible du président du tribunal de grande instance.

M. Pierre Albertini - Mon sous-amendement 201, que j'avais déjà déposé en première lecture, tend à entourer de garanties supplémentaires la décision de prolongation de la détention provisoire en prévoyant que celle-ci ne pourra être prononcée que par une formation collégiale.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable à l'amendement et défavorable au sous-amendement. La logique du texte est de confier au juge de la détention un regard sur toutes les décisions relatives à la détention provisoire : placement, prolongation, remise en liberté.

M. Jean-Luc Warsmann - Je suis très réservé sur l'instauration d'un juge de la détention. Qu'il doive impérativement être choisi parmi les présidents, les premiers vice-présidents ou les vice-présidents posera problème dans nombre de juridictions. Cette mesure est en outre extrêmement coûteuse en moyens financiers et humains. Quand tant de juridictions sont engorgées, est-ce opportun ? Enfin, je doute que l'institution de ce nouveau juge change considérablement la situation.

Il y a un grief que l'on fait souvent aux magistrats français : ils auraient pour seul objectif d'incarcérer. Cette défiance n'a aucun fondement. D'une part, les magistrats ne font qu'appliquer la loi -si les effets de la loi sont mauvais, c'est elle qu'il faut changer ; d'autre part, les abus sont en fait très rares. Le vrai scandale, c'est que des prévenus demeurent placés en détention provisoire parfois plus d'un an après que l'instruction de leur dossier a été terminé, tout simplement parce qu'il n'est pas possible d'organiser l'audience plus tôt. Voilà à quoi il faudrait, selon moi, remédier en priorité.

Mme la Rapporteuse - M. Warsmann trouve l'institution d'un juge de la détention trop coûteuse, M. Albertini en souhaiterait au contraire plusieurs. Où est la cohérence de la droite ?

Notre position à nous est claire : nous souhaitons un juge de la détention qui porte un second regard sur l'instruction. La collégialité ne nous paraît pas nécessaire pour les décisions de prolongation de la détention provisoire. Elle existe d'ailleurs de fait si le prévenu fait appel de la décision du juge de la détention.

M. Jean-Luc Warsmann - La caricature est facile et n'éclaire jamais le débat, les procès d'intention non plus. Des divergences d'appréciation, il en existe aussi au sein de la majorité plurielle, que nous pourrions aussi mettre en exergue. Permettez qu'ici, comme il est de tradition, chaque parlementaire soit libre de ses positions.

Je n'ai fait qu'exprimer des réserves sur la création d'un juge de la détention. D'une part, parce que je ne pense pas que cela modifiera notablement la situation actuelle en matière de détention provisoire. D'autre part, parce que je ne suis pas certain que le ministère de la justice soit assez riche pour se payer un tel dispositif. Dès lors que les moyens ne sont pas infinis, mieux vaudrait réfléchir à l'affectation la plus utile des magistrats. Je crains qu'en l'espèce, la Chancellerie ne soit atteinte du même mal que le ministère de l'éducation nationale...

Le sous-amendement 201, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 118, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Devedjian - Je défendrai en même temps les amendements 234 et 39. Je suis, pour ma part, favorable à l'instauration d'un juge de la détention tout à fait distinct du juge d'instruction. Et précisément, il me semble que l'article 10 entretient la confusion des genres.

Tout d'abord, le juge de la détention est saisi par voie d'ordonnance par le juge d'instruction dont la décision peut donc faire l'objet d'un recours, tandis qu'il n'est pas tenu, lui, de statuer par ordonnance, ce qui exclut tout recours. N'y a-t-il pas là un paradoxe ?

Ensuite, le juge d'instruction sollicite du juge de la détention le placement en détention provisoire. Qu'il soit ainsi requérant porte atteinte à son impartialité. Dans la procédure pénale française, c'est le Parquet et lui seul qui normalement requiert. Le juge d'instruction sera ici un être hybride, à moitié juge, à moitié procureur.

Enfin, avec le dispositif proposé, pour la première fois dans notre droit, un magistrat pourra être désavoué par un magistrat du même degré. Retrouvons l'esprit de notre code de procédure pénale. Restituons au Parquet, et à lui seul, sa mission qui est de requérir. Sinon, il ne servira plus à rien.

M. le Président - L'amendement 216 est identique au 39.

Mme la Rapporteuse - Avis défavorable. M. Devedjian propose un tout autre système que celui que nous avons retenu après mûre réflexion. Nous proposons que le juge de la détention porte un second regard sur l'instruction. Il est un magistrat du siège, aussi bien que son collègue juge d'instruction, qui ne le saisit que lorsqu'il estime nécessaire le placement en détention provisoire. Le Parquet n'est en rien concerné.

Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable. Le juge d'instruction conservant la possibilité de ne pas demander la détention provisoire, il ne jouera pas un rôle plus répressif que dans le système actuel.

Celui que préconise M. Devedjian, certes cohérent, revient sur un point essentiel : la détention provisoire ne doit être possible que si deux juges l'estiment nécessaire.

Par ailleurs, le juge de la détention provisoire ne sera pas sur le même pied que le juge d'instruction, puisque cette formation sera assurée par le président ou le vice-président du tribunal. Nous avons justement fait en sorte d'accorder une prime d'autorité au juge de la détention provisoire.

M. Jean-Luc Warsmann - Nous devons nous demander quelle sera l'efficacité du nouveau dispositif. Aujourd'hui, le placement en détention provisoire est susceptible d'appel, mais peu de décisions sont invalidées. Cela ne changera guère, car il ne sera pas facile au juge de la détention provisoire de contrarier un collègue.

S'agissant des moyens nécessaires à la mise en _uvre de votre réforme, on trouve des données intéressantes dans un courrier adressé par M. Jospin au président de l'Assemblée nationale. En 1996, apprend-on, il y eut 30 000 décisions de mise en détention provisoire, avec en moyenne deux demandes de mise en liberté par dossier, ce qui fait encore 60 000 décisions. Ajoutons deux demandes de mise en liberté pour chacune des 10 000 personnes déjà en détention provisoire, soit 20 000 décisions.

Le temps de traitement d'un dossier est évalué à 2 heures 30 ou à 1 heure 30 s'il s'agit d'une prolongation ou d'une demande de mise en liberté.

Quant un juge de la détention provisoire sera appelé, vers 21 heures, à cent kilomètres de son siège, aura-t-il le temps de prendre véritablement connaissance du dossier ?

Ce surcroît de travail causé par cette réforme va occuper 114 de nos 6 000 juges à plein temps. Ne seraient-ils pas utiles à d'autres tâches ?

Il peut y avoir de bonnes réformes que nous ne pouvons pas nous payer.

M. Patrick Devedjian - Si je suis favorable à l'institution d'un juge de la détention provisoire, j'estime en revanche que le système défendu par Mme Lazerges ne changera rien à la situation actuelle. « Parlez, ou je vous mets en détention provisoire », disent aujourd'hui certains juges d'instruction : c'est le rapport Truche qui signale cette forme atténuée de la torture.

Dans votre système, le juge d'instruction pourra toujours menacer de saisir le juge de la détention provisoire : celui-ci statuera objectivement, certes, mais le prévenu court malgré tout un risque d'emprisonnement, tandis que le juge d'instruction conserve le pouvoir de le laisser en liberté.

« Parlez, ou je vous mets en prison », dit-il aujourd'hui. « Parlez, et je vous mets en liberté », pourra-t-il dire demain. Il n'y a pas de changement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Garde des Sceaux - Il y a une grande différence entre M. Devedjian et moi, c'est que j'ai la naïveté de faire confiance aux juges d'instruction, aux présidents et aux vice-présidents des tribunaux, pour statuer en conscience et de manière impartiale.

Monsieur Warsmann, la réforme est déjà financée. J'ai déjà nommé soixante juges de la détention provisoire et le budget pour 2000 m'autorise à nommer les quarante derniers. En outre, le recrutement de magistrats supplémentaires nous permet d'améliorer le fonctionnement des tribunaux. Nous avons organisé une véritable opération de sauvetage pour les cours d'appel et nous venons de recruter 212 juges, ce qui représente le plus gros recrutement depuis 25 ans.

M. Jean-Luc Warsmann - D'après le courrier du Premier ministre, il faudrait 114 juges là où vous n'en nommez que cent.

Surtout, la majorité des 212 juges recrutés seront affectés aux tribunaux de commerce et à la détention provisoire. Vous n'en affectez que 34 à la résorption du retard et 25 à la délinquance des mineurs. Je désapprouve cette affectation des moyens.

L'amendement 234, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 39 et 216.

M. Pierre Albertini - L'amendement 235 est défendu.

Mme la Rapporteuse - Avis défavorable. Contrairement à ce que vous demandez, la liberté ne se motive pas car elle est la règle. Seuls les placements en détention provisoire doivent faire l'objet d'une ordonnance motivée.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

L'amendement 235, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 119 de la commission est rédactionnel. Chaque fois que nous rencontrerons dans le texte l'expression du Sénat « le magistrat mentionné à l'article 137-1 », votre commission demandera qu'on lui substitue les mots « le juge de la détention provisoire ».

L'amendement 119, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 120 de la commission vise à réécrire l'article 137-3 du code de procédure pénale afin d'indiquer clairement que les décisions ordonnant ou prolongeant une détention provisoire ou rejetant une demande de mise en liberté sont prises par une ordonnance spécialement motivée.

En revanche, les refus d'ordonner ou de prolonger la détention ainsi que les décisions de mise en liberté font l'objet d'une ordonnance non motivée, puisque la liberté ne se motive pas.

L'amendement 120, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 121 de la commission est rédactionnel.

L'amendement 121, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 10, modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 10

Mme la Rapporteuse - Si le président du tribunal de grande instance n'assure pas lui-même les fonctions de juge de la détention provisoire, il peut les déléguer à un autre magistrat. L'amendement 122 rectifié de la commission vise à l'autoriser à déléguer aussi, dans ce cas, ses compétences en matière de prolongation de la garde à vue dans les affaires de terrorisme et de trafic de stupéfiants, de perquisition dans les cabinets d'avocat ou encore de placement sous contrôle judiciaire.

Mme la Garde des Sceaux - C'est une disposition très utile, notamment aux grandes juridictions.

M. Alain Tourret - Il faudrait aller plus loin encore, et étendre la compétence du juge de la détention provisoire à toutes les mesures touchant à la liberté du justiciable, tel le contrôle judiciaire : lors de la prochaine lecture, peut-être ?

L'amendement 122 rectifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 10 bis A

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 40 vise à rendre plus facile la mise en liberté sous caution, en prévoyant que celle-ci doit tenir compte des ressources et des charges de la personne mise en examen et que ce dernier pourra s'en acquitter dans les conditions fixées par les articles L. 277 et suivants du Livre des procédures fiscales.

Mme la Rapporteuse - La commission l'a jugé effroyablement complexe, et lui a préféré son propre amendement 124, qui sera discuté à l'article 10 bis, et qui prévoit notamment la prise de sûretés.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

M. Jean-Luc Warsmann - Je ne vois pas ce que notre amendement a de complexe, et je soupçonne qu'il y a là quelque parti pris défavorable à l'opposition, mais j'accepte de le retirer.

L'amendement 40 est retiré.

M. Alain Tourret - Le Sénat ayant heureusement modifié l'article 38 du code de procédure pénale pour consacrer le rôle des associations habilitées, l'amendement 125, adopté par la commission, étend cette innovation à l'article 81, alinéa 7, dudit code.

L'amendement 125, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 10 bis A, ainsi modifié.

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APRÈS L'ART. 10 bis A

Mme la Rapporteuse - L'amendement 123 substitue, au septième alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale, le terme « l'éducation surveillée » au terme « la protection judiciaire de la jeunesse », qui n'a plus cours depuis quelques années.

L'amendement 123, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

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ART. 10 bis

Mme la Rapporteuse - L'amendement 124, que j'annonçais il y a quelques instants, étend le champ du cautionnement, prévoit que celui-ci doit tenir compte des ressources et des charges du justiciable et empêche ce dernier, dans l'intérêt des victimes, d'organiser son insolvabilité. La commission n'a pas souhaité faire référence au Livre des procédures fiscales, comme le suggèrent M. Warsmann et, par son amendement 194, M. Heuclin, car obliger le juge d'instruction à consulter le comptable du Trésor chaque fois qu'il a à fixer un cautionnement freinerait le développement de cette formule.

Mme Frédérique Bredin - Les articles 177 et suivants du Livre des procédures fiscales ont le mérite d'exister et de fonctionner, ce qui permet de les étendre sans difficulté aux procédures judiciaires, alors que nous attendons toujours la sortie des décrets d'application des dispositions sur les sûretés..

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 124 et défavorable à l'amendement 194.

M. Jean-Luc Warsmann - Mme Bredin a raison : il est exaspérant de constater que les décrets d'application de lois aussi importantes que la loi de juin 1998 sur la répression de la délinquance sexuelle, celle de décembre 1998 sur l'accès au droit ou celle de juin 1999 sur la simplification des procédures judiciaires sont toujours en souffrance et que, par conséquent, ni le fichier national d'empreintes génétiques, ni l'injonction thérapeutique, ni la composition pénale ne peuvent entrer en vigueur - et je n'aurai pas la cruauté d'évoquer le bracelet électronique, dont le principe a été adopté par le Parlement en 1997...

M. Pierre Albertini - Le problème est plus général : il s'agit de savoir dans quelle mesure les lois votées par le Parlement sont suivies d'application - selon l'empressement, l'inertie, voire l'opposition sournoise des administrations qui en sont chargées. Je m'adresse donc à Mme Tasca : l'une des missions de la commission des lois ne serait-elle pas d'exercer un contrôle critique de l'application des lois ? Nous gagnerions, je le crois, à nous doter d'une capacité d'expertise plus affinée, ne serait-ce que pour mieux voir les conséquences des textes que nous votons - le plus souvent dans l'ignorance des blocages ultérieurs auxquels ils se heurteront.

M. Jean-Luc Warsmann - Il faut créer un service après-vente législatif ! (Sourires)

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Je partage entièrement votre préoccupation. Il y a, parmi les administrateurs de la commission, une personne chargée du suivi des lois, mais cette personne, outre le fait qu'elle n'est pas parlementaire, reste tributaire des informations que lui donnent les ministères concernés. Je suis prête à me ressaisir de cette question avec l'ensemble des membres de la commission, en limitant toutefois nos efforts à quelques textes, car nos forces ne sont pas illimitées.

Mme la Garde des Sceaux - Il serait utile, en effet, que le Gouvernement et le Parlement procèdent à une évaluation conjointe, et plus systématique, de l'application des lois. Nous prendrions ainsi la mesure des difficultés objectives qui peuvent expliquer le retard pris par les décrets : nécessité de consulter les professionnels concernés, procédure interministérielle, etc.

Il faut éliminer tout ce qui relève de l'inertie. J'ai là un bilan, dont je vous fais grâce car je pourrai vous le transmettre par écrit, qui montre que de nombreux décrets ont été pris sur plusieurs lois importantes, qu'il s'agisse de la nationalité, des infractions sexuelles -90 % des textes ont d'ores et déjà été publiés, ou de la loi de 1998 portant création des assistants spécialisés. S'agissant de l'accès au droit et de la résolution amiable des conflits, chacun comprendra qu'un temps de concertation avec les avocats soit nécessaire. Leur avis est précieux. Je rappelle enfin que la loi portant création du pacte civil de solidarité a été mise en _uvre dans des délais records.

M. André Gerin - Ce problème est général, et de portée constitutionnelle. Il y va de la revalorisation du rôle du Parlement et de la primauté du législatif.

S'agissant de l'amendement de Mme Bredin, nous considérons qu'il va dans le sens de la justice et de l'équité sociale.

L'amendement 124, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 194 tombe.

L'article 10 bis est ainsi rédigé.

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APRÈS L'ART. 10 bis

Mme la Rapporteuse - L'amendement 126 rectifié tend à préciser la procédure devant le juge de la détention. De manière systématique, la personne qu'adresse le juge d'instruction au juge de la détention comparaîtra devant lui. Mais, il n'y aura débat contradictoire que si ce dernier envisage de la placer en détention provisoire.

Mme la Garde des Sceaux - Cette clarification est bienvenue.

L'amendement 126 rectifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 12

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 41 est défendu.

L'amendement 41, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 127 est de coordination.

L'amendement 127, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Albertini - L'amendement 8, qui fait partie d'une série relevant de la même logique, tend à mieux séparer l'investigation du jugement. Il vise à renforcer la collégialité en sorte que seul le tribunal de la liberté puisse prononcer des mesures privatives de liberté. Les esprits ne semblent pas mûrs pour retenir cette logique, qui va pourtant dans le sens de l'histoire. Aussi, tout en prenant date, j'accepte de retirer cet amendement comme les suivants.

L'article 12, modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 13

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 42 est défendu.

L'amendement 42, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 128 est de coordination.

L'amendement 128, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 13 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 14

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 43 est défendu.

L'amendement 43, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 129 est de coordination.

L'amendement 129, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 14 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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AVANT L'ART. 15

M. Jean-Luc Warsmann - Par l'amendement 261, je propose que le Gouvernement présente au Parlement avant le 31 décembre 2000 un bilan de la mise en _uvre de la loi du 19 décembre 1997 concernant le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté.

Mme la Rapporteuse - Un tel bilan -un rapport de plus- serait pour le moins prématuré en l'absence de décret d'application de ladite loi.

Défavorable donc.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

M. Jean-Luc Warsmann - Je n'ai moi-même aucun goût pour la multiplication des rapports. En présentant ce genre d'amendements, un parlementaire a en fait l'espoir d'obtenir des informations. Si le Garde des Sceaux consentait à nous informer, je serais prêt à retirer mon amendement.

Mme la Garde des Sceaux - Je donnerai ces informations à propos de l'amendement que présentera la commission.

M. Jean-Luc Warsmann - Je retire mon amendement, tout en relevant l'inélégance du procédé.

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ART. 15

M. Alain Tourret - L'amendement 130 participe de la volonté de limiter le recours à la détention provisoire. Deux voies sont possibles à cette fin : soumettre le dossier à l'_il neuf du juge de la détention ou limiter les cas susceptibles de donner lieu à un placement en détention provisoire. En l'état, l'article 143 du code de procédure pénale offre de très larges possibilités de placement en détention. Le présent amendement tend à instaurer des seuils clairs et équilibrés, au travers d'un système souple à quatre étages : ainsi, la mise en détention serait possible si la personne mise en examen encourt, soit une peine criminelle, soit une peine supérieure à trois ans d'emprisonnement, soit une peine supérieure ou égale à cinq ans dans le cas d'un délit contre les biens, ou si elle a déjà été condamnée à une peine privative de liberté supérieure à un an, car elle ne peut, dans ce dernier cas, bénéficier de la même bienveillance.

Cet amendement, qui a fait l'objet d'un large consensus en commission, marquera un grand progrès pour les libertés.

Mme la Garde des Sceaux - Il s'agit d'un amendement important. La question est difficile car il convient de concilier le caractère exceptionnel de la détention et le respect du principe de proportionnalité, sans pour autant désarmer la répression.

Il n'est donc pas anormal que sur un sujet aussi délicat la position du Parlement comme celle du Gouvernement aient pu évoluer. En première lecture votre Assemblée avait adopté le projet du Gouvernement qui élevait ces seuils, actuellement fixés à un ou deux ans, à trois ou deux ans selon les cas. Dans un souci de simplification, le Sénat a fixé un seuil unique de trois ans. Votre commission propose désormais un seuil général de trois ans et un seuil de cinq ans, s'agissant des délits contre les biens.

Nous avons procédé à une analyse très détaillée des effets de ces seuils et l'Assemblée peut ainsi connaître précisément les conséquences de son vote.

D'un point de vue juridique, la distinction entre les délits, délits contre les biens comme le vol ou l'abus de confiance prévus par le livre III du code pénal, pour lesquels un seuil de cinq ans sera exigé, et les autres délits, pour lesquels le seuil sera de trois ans, me paraît justifiée. Il en résultera notamment que pour les principaux délits en matière économique et financière, qui ne figurent pas dans le code pénal, comme par exemple l'abus de biens sociaux, la détention provisoire restera possible. C'est un point essentiel à mes yeux.

Elle ne le sera plus pour les délits du livre III du code pénal, comme l'abus de confiance, punis de trois ans d'emprisonnement. Mais la différence entre l'abus de confiance et l'abus de biens sociaux est toutefois compréhensible : le premier concerne en principe une relation entre deux personnes, tandis que dans le deuxième ce sont les biens d'une société qui ont été détournés, le plus souvent de façon occulte. Dans ce cas, la détention provisoire évite que l'on fasse disparaître les preuves. Il est vrai qu'il existe des abus de confiance d'une particulière gravité -comme le détournement des fonds d'une association caritative. Mais il conviendrait sans doute, dans un tel cas, de prévoir des peines aggravées, comme le suggère d'ailleurs votre commission.

D'un point de vue statistique les derniers chiffres disponibles en matière de détentions provisoires, qui datent de 1997, montrent que le nouveau seuil de cinq ans entraînera en principe, par rapport aux seuils adoptés par le Sénat, une baisse d'environ 1 700 détentions, en flux, principalement pour des vols simples et des abus de confiance. Le seuil général de trois ans fixé par le Sénat et repris par votre commission entraînera lui une baisse de 3 000 détentions. On aura donc ainsi sur un total de 27 500, 17 % de détentions en moins, sans préjuger des effets de la création du juge de la détention.

Il reste à préciser l'application de ces seuils aux mineurs dès lors que l'ordonnance de 1945 sur la délinquance juvénile prévoit de diviser par deux les peines encourues par les mineurs. Selon le Gouvernement, pour la détermination des seuils de placement en détention provisoire, la peine prise en compte doit être celle qui est prévue par le code pénal et non celle qui peut être prononcée par les juridictions de jugement du fait de la minorité, cause légale de réduction de la peine. Cette précision devrait lever toute incertitude sur ce point.

Cet amendement permet donc de concilier les exigences de répression tout en limitant les excès de la détention provisoire, et le Gouvernement y est par conséquent favorable.

M. Pierre Albertini - Je voterai cet amendement. Mais le fait même que nous devions fixer des seuils montre la perversité d'un système qui nous oblige à prévoir des formules automatiques. Nous n'avons pas trouvé d'autre moyen et les chiffres que vient d'indiquer Mme la ministre montrent bien son utilité. Il conviendra toutefois de faire dans quelques temps le bilan de l'ensemble des nouvelles mesures.

M. Jean-Luc Warsmann - Depuis le début la discussion, le Gouvernement et la majorité affirment faire confiance aux magistrats pour limiter le recours à la détention provisoire et voilà qu'on veut leur ôter toute marge d'appréciation.

Bien sûr, réduire la durée de la détention provisoire est un objectif absolu d'intérêt général et il est scandaleux qu'une personne attende dans sa cellule que l'on fixe la date de son audience. Mais ce n'est pas cette détention provisoire qui est visée ici.

Par ailleurs, j'ai cru comprendre que la dégradation et la destruction de biens appartenant à autrui et la destruction de biens publics étaient également visés au titre des infractions prévues au Livre III. Je ne suis pas convaincu que cela soit particulièrement opportun au moment où tant d'actes de délinquance pèsent sur la vie quotidienne de nos concitoyens. En fait, tout dépend de l'endroit où l'on met le curseur et je ne suis pas sûr qu'il soit bien placé.

Par ailleurs la réduction escomptée de 17 % du nombre de détentions provisoires ne correspond-elle pas à la différence entre le droit actuel et la rédaction du Sénat plutôt qu'avec la rédaction de notre commission des lois ?

Pour toutes ces raisons, je suis réservé sur cet amendement. Je ne suis pas certain qu'il concilie au mieux le respect de l'ordre public et les libertés individuelles.

M. Alain Tourret - Vos amis ont tous estimé le contraire en première lecture et en commission !

M. Louis Mermaz - Nous parlons de la présomption d'innocence, qui n'empêche pas qu'il y ait ensuite condamnation. Simplement, on n'enfermera plus à titre préventif des gens qui verront leur procès se dérouler ensuite. Je me réjouis que l'Assemblée et le Gouvernement se retrouvent sur l'abaissement des seuils comme, il y a deux ans sur la proposition de M. Tourret.

Cette conjonction est heureuse au moment où se constitue la commission d'enquête sur l'état des prisons et, dans deux ans, comme l'a dit Mme la ministre, nous devrions constater que le nombre des détenus a baissé.

Mme la Rapporteuse - Cet amendement est l'un de ceux auxquels la commission a le plus largement réfléchi et ce n'est donc pas sur un coup de tête que nous avons ainsi entrepris de borner le champ de la détention provisoire.

Il nous a tout d'abord paru qu'il fallait distinguer entre les infractions contre les personnes et les infractions contre les biens, étant entendu que les cas douteux, comme ceux de fraude alimentaire, devaient rester justiciables de la détention provisoire.

En second lieu, nous avons pensé à tous ces cas dramatiques, tel le suicide d'une mère de cinq enfants placée en détention provisoire pour le vol d'un pull-over, dont chacun pourrait rapporter un exemple.

Enfin, nous avons estimé qu'en revanche, les personnes déjà condamnées à une peine ferme d'emprisonnement de plus d'un an ne devaient pas échapper à la détention provisoire car, pour elles, le choc serait moins insupportable. D'où le 4° de notre amendement.

Nous sommes tous d'accord, je pense, pour éviter à des délinquants primaires une expérience qui ne peut qu'être catastrophique dans l'état actuel de nombre de prisons. Cet amendement me paraît donc équilibré et raisonnable -et, en tout état de cause, il est très raisonné.

M. Jean-Luc Warsmann - L'auteur de dégradations passera donc en tout et pour tout deux heures au commissariat !

L'amendement 130, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Floch - Très bien !

M. le Président - Compte tenu de l'heure, nous ne pourrons aller au terme de l'article.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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