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Session ordinaire de 1999-2000 - 56ème jour de séance, 133ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 23 FÉVRIER 2000

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

Sommaire

PRESTATION COMPENSATOIRE EN MATIÈRE DE DIVORCE 2

AVANT L'ARTICLE PREMIER 20

ARTICLE PREMIER 22

APRÈS L'ARTICLE PREMIER 24

ARTICLE PREMIER bis 25

ARTICLE PREMIER ter 25

APRÈS L'ARTICLE PREMIER ter 25

ARTICLE PREMIER quater 25

ART. 2 26

ART. 2 bis 27

APRÈS L'ART. 2 bis 28

ART. 2 ter 29

ART. 2 ter 29

APRÈS L'ART. 2 ter 29

AVANT L'ART. 4 29

ART. 4 29

APRÈS L'ART. 4 30

EXPLICATIONS DE VOTE 30

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.

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PRESTATION COMPENSATOIRE EN MATIÈRE DE DIVORCE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat relative à la prestation compensatoire en matière de divorce.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Je me réjouis que votre Assemblée examine ce soir cette proposition relative à la prestation compensatoire, adoptée par le Sénat en première lecture le 25 février 1998. Il s'agit en effet de la première étape -sans doute la plus urgente- de la réforme d'ensemble du droit de la famille, dont j'ai fait une priorité dès mon arrivée au ministère de la justice, parce qu'elle intéresse la vie quotidienne d'un grand nombre de nos concitoyens. Soucieuse à la fois d'adapter notre droit aux changements de la société, et de préserver les fondements de l'organisation familiale, j'ai pris le temps d'élaborer, avec le Parlement, une réforme équilibrée, dans laquelle s'intègre pleinement celle de la prestation compensatoire et qui poursuit deux objectifs principaux : garantir la stabilité de la filiation et mieux assurer l'égalité entre les différents modes d'établissement de cette filiation et leurs conséquences sur les droits des individus ; faire en sorte que les couples se séparent dans des conditions qui respectent à la fois l'intérêt des enfants et la dignité des hommes et des femmes.

En présentant la réforme de la justice, il y a deux ans, j'ai indiqué que la prestation compensatoire devait être rénovée dans le cadre plus large de la réflexion sur le droit de la famille.

Depuis, j'ai reçu les rapports d'Irène Théry, en mai 1998, et du groupe de travail animé par le professeur Dekeuwer-Desfossez, en septembre 1999. Nous avons donc aujourd'hui une vue d'ensemble de la réforme et une large concertation avec les courants de pensée philosophiques, sociaux, religieux, politiques est engagée.

Des propositions seront soumises à la conférence de la famille, en juin prochain. Après quoi, le Gouvernement arrêtera les grandes lignes du projet qui sera soumis au Parlement au début de 2001.

Mais, sans attendre la réforme du droit de la famille, il paraît indispensable de réformer la prestation compensatoire. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée la présente proposition.

Les parlementaires, les médias se sont fait l'écho de situations absurdes, conséquences d'une législation inadaptée. J'ai moi-même souligné à plusieurs reprises le caractère inéquitable des obligations mises à la charge de certains débiteurs de prestations compensatoires.

Comment être insensible à la détresse matérielle et morale de cette famille recomposée, dont l'époux, malade, voit la totalité de sa pension de retraite absorbée par le paiement d'une rente viagère à sa première épouse et qui doit vivre du seul RMI versé à sa seconde femme ? Que répondre à cette femme, découragée, qui doit, après le décès de son père, payer sur ses revenus personnels la rente de prestation compensatoire accordée à une seconde épouse qu'elle ne connaît pas et qui perçoit déjà une confortable pension de réversion ? Mais comment ne pas entendre, aussi, cette autre femme, abandonnée après de longues années de mariage par un mari dont elle a assuré la réussite professionnelle au détriment de la sienne, et qui ne dispose plus que de la prestation compensatoire pour vivre ?

Il s'agit, certes, de cas extrêmes mais qui témoignent de l'inadaptation de la loi de 1975 aux réalités actuelles.

Mme Christine Boutin - Très bien !

Mme la Garde des Sceaux - Sur les 120 000 divorces qui sont prononcés chaque année, 13,7 % sont assortis d'une prestation compensatoire et 70 % de ces divorces comprennent une rente, parfois en complément d'un capital. Enfin, 3 300 de ces rentes sont viagères. La prestation compensatoire concerne donc une minorité de séparations. Pour autant elle aboutit souvent à des situations douloureuses, voire absurdes.

En 1975, le législateur a entendu mettre fin au contentieux abondant qu'avait suscité le régime des pensions alimentaires versées entre conjoint. La prise en compte des torts, les possibilités de révision ouvertes sans restriction avaient exacerbé les passions et laissé aux époux le sentiment de ne pouvoir clore définitivement une union.

La loi nouvelle a institué la prestation compensatoire avec l'idée de régler une fois pour toutes les conséquences financières du divorce. Aux termes de l'article 270 du code civil, la prestation vise à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des ex-époux. C'est pourquoi son fondement est indemnitaire et forfaitaire, elle est en principe attribuée sous forme de capital, et quand elle est versée sous forme de rente, elle n'est pas normalement révisable.

En laissant la possibilité, à titre subsidiaire, de la fixer sous forme de rente, le législateur a favorisé un certain rapprochement avec les anciennes pensions alimentaires. Ainsi la prestation compensatoire est fixée selon les besoins du créancier et les ressources du débiteur. Elle est indexée « comme en matière de pension alimentaire » et peut varier par périodes successives suivant l'évolution probable des ressources et des besoins. Elle peut, dans les divorces sur requête conjointe, être révisée en cas de changement imprévu dans la situation des époux, dès lors que ces derniers s'en sont réservé la faculté. Enfin, elle ne peut être accordée à l'époux qui voit prononcer le divorce à ses torts exclusifs.

La pratique elle-même a accentué la ressemblance avec les anciennes pensions alimentaires. Elle y a été incitée par les perturbations du statut des familles liées à la crise économique. En fragilisant les revenus et le patrimoine des époux, la crise a limité les possibilités concrètes de versement des prestations compensatoires en capital, de même qu'elle a conduit à des situations d'iniquité manifeste. Par ailleurs la révision, au début exceptionnelle, est devenue quasiment impossible.

Loin de favoriser un règlement définitif des droits des époux, l'application de la loi de 1975 maintient ainsi des relations durables entre des époux qui ne partagent plus aucune communauté de vie.

J'entends aboutir à une réforme équilibrée, respectant les droits de celui qui paie la prestation, mais aussi ceux des personnes qui la perçoivent pour vivre et qui sont à 97 % des femmes.

Comme votre commission l'a souligné, il faut résoudre les problèmes pratiques rencontrés, qui tiennent essentiellement aux difficultés de constituer le capital et à la quasi-impossibilité de réviser les modalités de paiement du capital et les mensualités.

Le premier principe, déjà posé par la loi de 1975, mais qu'il convient de mieux affirmer, est celui de la primauté du capital sur la rente. Actuellement, le recours à la rente est ouvert dès que le versement d'un capital est impossible à ordonner et sans que le juge ait à motiver son choix. En outre, le juge ne dispose pas de moyens juridiques suffisants pour faciliter le versement en capital, notamment par l'abandon de biens en propriété ou par la souscription d'une assurance garantissant un emprunt destiné à payer la prestation. J'ai souhaité faire évoluer la législation sur ce point, mais je n'ai pas été totalement suivie par le Sénat. Votre commission a repris mes préoccupations à son compte, je l'en remercie.

La durée de paiement du capital sera d'abord portée de trois à huit ans voire, exceptionnellement, au-delà, lorsque la révision des modalités de paiement du capital s'avérera nécessaire.

Cette démarche originale est intéressante : elle tend à régler la question des rentes temporaires, qui représentent 63 % du total des rentes ordonnées ; elle est réaliste à l'égard des capacités financières des débiteurs.

Néanmoins ce mécanisme suscite certaines interrogations.

D'abord, il faut bien mesurer les conséquences de l'étalement du versement d'un capital sans limitation dans le temps, dans des situations exceptionnelles il est vrai. Ce dispositif peut perpétuer les relations financières entre époux, contrairement à l'objectif poursuivi, et conduire à suspendre tout versement jusqu'à un retour, souvent hypothétique, à meilleure fortune.

Pour que le versement en capital soit privilégié, votre commission préconise de ne recourir aux rentes que sous forme de rentes viagères, décidées en considération de l'âge et de l'état de santé du créancier, et par une motivation spéciale de la décision.

Comme le Sénat, la commission souhaite également qu'à tout moment la rente puisse se transformer en un capital immédiatement libérable, en limitant toutefois cette faculté au débiteur et à ses héritiers. Je vous propose de l'étendre, sous certaines conditions, au créancier.

La femme, qui en est bénéficiaire dans la majorité des cas, pourra disposer plus rapidement de la totalité des sommes attribuées par le juge et ce versement mettra fin aux relations financières des ex-époux.

Le second objectif est d'assouplir les possibilités de révision des modalités de paiement du capital et des rentes.

S'agissant du capital, elles sont ouvertes seulement au débiteur, en cas de changement notable dans sa situation et ne remettent pas en cause le montant du capital alloué.

En revanche les rentes pourront être révisées en cas de changement important de la situation financière des parties. Notre commission se rallie donc au critère que j'ai proposé au Sénat. Ainsi, le débiteur d'une rente de longue durée connaîtra à l'avance les limites de ses obligations.

Toutefois pour votre commission cette révision de la rente ne peut être qu'une diminution. Je souhaite préserver un équilibre entre les droits des femmes bénéficiaires et ceux des débiteurs.

Le troisième objectif est d'élargir le droit des héritiers à demander la révision de leurs obligations. La proposition de loi facilitera la révision de la rente, tant pour le débiteur de son vivant que pour ses héritiers s'ils ont accepté la succession. Mais je ne peux souscrire à la proposition de transmettre la charge du capital aux héritiers dans les seules limites de l'actif successoral. Ce serait s'écarter du droit commun des successions, dont il faut préserver la cohérence.

Après tout, une solution simple pour l'héritier est de refuser une succession ou de l'accepter sous bénéfice d'inventaire. Dans le courrier que je reçois, combien de gens m'écrivent : « Si j'avais su, j'aurais refusé ». Cela explique bien des situations difficiles.

D'autre part, votre commission propose que la pension de réversion soit déduite de plein droit de la prestation compensatoire. J'approuve cette solution. Toutefois je souhaite que cette déduction ne soit pas automatique pour les rentes déjà allouées car il serait injuste de priver brutalement les bénéficiaires d'une partie de leurs ressources. Mieux vaut laisser le juge décider dans chaque cas.

Je salue le travail de la commission, de sa présidente Mme Tasca, et du rapporteur dont la réflexion approfondie a ouvert des pistes nouvelles sur lesquelles nous cheminons ensemble. J'espère que nous pourrons trouver une solution de consensus pour modifier notre droit dans l'équité. La proposition de votre commission est globale et équilibrée, je l'en félicite et je l'approuve (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Alain Vidalies, rapporteur de la commission des lois - Depuis de nombreuses années, les parlementaires sont régulièrement saisis de situations dramatiques, parfois iniques, issues des conditions d'application de la loi de 1975. Tous les groupes ont déposé des propositions de loi pour mettre fin à ses situations auxquelles l'opinion est très sensible.

Sans attendre la grande réforme du droit de la famille, le Gouvernement a accepté d'inscrire à l'ordre du jour prioritaire la proposition de loi adoptée par le Sénat. Je vous en remercie, Madame la ministre.

Avant 1975, en application de l'ancien article 301 du code civil, le tribunal pouvait accorder au conjoint ayant obtenu le divorce une pension alimentaire révisable en permanence, en fonction de l'évolution des besoins du demandeur et des ressources du débiteur. Cette situation maintenait, toute la vie durant, un lien juridique et éventuellement un conflit permanents entre les ex-conjoints.

En réaction, le législateur de 1975 y a substitué par l'article 270 du code civil, une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective des époux.

Le caractère indemnitaire de cette prestation est clairement affirmé. Elle doit être forfaitaire et son paiement doit en priorité intervenir sous la forme d'un capital. Elle ne peut être modifiée que si l'absence de révision entraîne pour le débiteur des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Dans les faits, la pratique très majoritaire de la rente temporaire ou viagère liée à la quasi impossibilité de révision, a abouti à une situation inextricable qui justifie la modification de la loi.

Seulement 20 % des prestations compensatoires sont en capital, contre 61 % en rentes. Pour les divorces contentieux, le juge retient la rente dans 78 % des décisions. Deux tiers des rentes sont limitées dans le temps et un tiers accordées à titre viager. Pour les femmes entre 50 et 59 ans à la date du divorce, le pourcentage de rente à vie atteint 64,4 %.

En revanche, la limitation des possibilités de révision a été interprétée d'une manière particulièrement rigoureuse, l'exceptionnelle gravité n'étant reconnue que dans des cas très limités.

Ainsi, la majorité des ex-conjoints -c'est-à-dire des ex-maris puisque la prestation compensatoire est allouée dans 98 % des cas à la femme- ont été condamnés à payer des rentes non révisables et dans une proportion non négligeable à vie. Cette rente étant au surplus transmissible aux héritiers qui, pas plus que le débiteur, n'ont la possibilité réelle d'en demander la révision.

Il faut garder à l'esprit, à la fois les difficultés engendrées avant 1975 par des possibilités de révision permanente et celles issues du droit actuel lié à la prédominance des rentes et à la quasi-impossibilité de leur révision.

Le Sénat ouvre la possibilité d'une révision des prestations compensatoires en cours et à venir, en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties. Cette révision interviendrait aussi bien à l'initiative du débiteur qu'à celle du créancier et pourrait donc entraîner dans certains cas une augmentation de la rente. Mais le caractère indemnitaire et forfaitaire de la prestation compensatoire est maintenu.

Il est à craindre qu'on revienne aux inconvénients qui ont justifié l'intervention du législateur en 1975, et que devant l'inflation prévisible des procédures, la jurisprudence impose à nouveau une lecture très restrictive des changements substantiels permettant la révision.

C'est pourquoi, en partageant les objectifs du Sénat, j'ai proposé une rédaction évitant les inconvénients constatés sous l'empire des deux régimes d'avant et d'après 1975.

Le principe du paiement en capital doit être réaffirmé. La prestation compensatoire a un caractère indemnitaire et le capital fixé par le juge ne doit jamais pouvoir être révisé dans son montant ; le juge pourrait seulement en prévoir les modalités de paiement sur une période maximale de huit années, modalités qu'il pourrait modifier en cas de changement notable dans la situation du débiteur.

En cas de décès du débiteur, la charge passerait à ses héritiers, qui pourraient eux-mêmes engager l'action aux fins de modification des modalités de paiement.

Si le paiement en capital, souhaité par le législateur de 1975, n'a finalement été retenu que dans 20 % des cas, c'est parce que la rente temporaire est plus adaptée à la réalité des situations patrimoniales, parce que la possibilité pour le débiteur de la déduire intégralement de ses revenus constitue une forte incitation, et enfin parce qu'elle présente une certaine facilité d'élaboration.

Mais, dès lors que nous souhaitons que le juge fixe toujours un capital, la conversion de celui-ci en rente temporaire et la possibilité de révision sont inconciliables. En effet, soit la révision diminue la charge du débiteur et aboutit donc à une diminution du capital, solution contraire au caractère forfaitaire de la prestation compensatoire, soit elle ne porte que sur les modalités de paiement et l'on entre alors dans le système de modulation adopté par votre commission des lois.

Je vous propose donc d'exclure les rentes temporaires des modalités de la prestation compensatoire que le juge pourra imposer dans les divorces contentieux. Seul subsisterait le paiement en capital, avec les assouplissements nécessaires, et dans certains cas exceptionnels, la rente viagère. Je suis bien conscient que celle-ci peut être à l'origine de situations dramatiques, mais elle est parfois la seule solution équitable.

Il convient toutefois d'en marquer le caractère exceptionnel. Le texte adopté par la commission des lois exige donc une motivation spéciale visant l'âge ou la santé de l'époux créancier. La rente viagère pourrait être modifiée, mais uniquement à la baisse, en cas de changement important dans la situation du débiteur. Il n'est pas possible d'envisager une révision à la hausse à l'initiative du créancier, sauf à revenir à une conception alimentaire et aux errements d'avant 1975.

Le débiteur conserverait la possibilité de demander la capitalisation de la rente ou d'en faire assurer le paiement par un tiers garant, c'est-à-dire un organisme financier. Au décès du débiteur, la charge de la rente passerait à ses héritiers, mais sous déduction de plein droit de la pension de réversion du chef du conjoint décédé.

Les modifications que je vous propose d'adopter respectent les principes dégagés par le législateur de 1975 : la prestation compensatoire est une indemnité, et non la compensation de la perte du devoir de secours. Bien évidemment, comme le Sénat, je vous propose d'ouvrir les nouvelles possibilités de révision à toutes les rentes en cours.

Il reste, Madame la ministre, que des dispositions fiscales seraient nécessaires pour compléter ce dispositif : la disparition des rentes temporaires déductibles du revenu du débiteur devrait être compensée par une déduction spécifique portant sur le capital versé sous forme d'annuités ou de mensualités ou sur les intérêts de l'emprunt destiné à son paiement immédiat. J'espère que le Gouvernement formulera des propositions à ce sujet.

Je voudrais souligner en terminant que nos propositions rejoignent les recommandations de la Délégation aux droits des femmes. Certes, les débiteurs à qui nous allons ouvrir un droit à révision sont quasi exclusivement des hommes, mais il ne faudrait pas en conclure que nous légiférons pour les hommes et contre les femmes ! Parmi les très nombreuses lettres que je reçois en qualité de rapporteur, beaucoup émanent de femmes, nouvelles épouses, nouvelles compagnes des hommes débiteurs d'une prestation compensatoire.

Il s'agit seulement pour nous de constater, comme Mme Dekeuwer-Défossez dans son rapport sur le droit de la famille, que « L'intangibilité des prestations compensatoires, voulue en 1975 pour assainir l'après-divorce, a créé à l'expérience des situations humaines intolérables » et en conséquence, de tenter de faire _uvre de justice (Applaudissements sur tous les bancs).

Mme Nicole Bricq, suppléant Mme Marie-Françoise Clergeau, au nom de la Délégation aux droits des femmes - 98 % des bénéficiaires d'une prestation complémentaire sont des femmes, mais une injustice faite aux hommes ne rend pas justice aux femmes ; en outre, comme l'a dit le rapporteur, de nombreuses femmes subissent à leur tour les conséquences de la situation actuelle.

La délégation aux droits des femmes a souhaité se saisir de ce texte et a formulé des recommandations qui portent sur quatre points.

Elle considère en premier lieu que le principe du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital doit être réaffirmé et adapté aux réalités.

Nous devons notamment permettre un versement fractionné du capital, sous forme de versements mensuels ou annuels. Une durée de 6 à 8 années me paraît la mieux adaptée.

Dans le même ordre d'idées, il nous paraît important que la modification du régime du divorce permette de lier les modalités de la prestation compensatoire et de la liquidation du régime matrimonial.

Enfin, nous avons constaté à la lecture des conclusions des rapports de Mme Théry et de Mme Dekeuwer-Défossez qu'il était impératif de réviser les règles fiscales applicables à la prestation versée, les dispositions actuelles encourageant les versements en capital déguisés en rente.

En second lieu, il est indispensable de prévoir la possibilité de réviser les modalités de paiement du capital, sans pour autant modifier le montant de celui-ci.

En troisième lieu, le versement sous forme de rente viagère doit rester l'exception. Toute décision l'instituant doit être motivée de façon expresse par le juge. A l'âge, l'état de santé du créancier et les éléments d'appréciation énumérés par l'article 272 actuel du code civil, il serait souhaitable d'ajouter la durée du mariage, les ressources et les besoins des deux parties.

Par ailleurs, des conditions spécifiques de révision doivent être prévues pour la rente viagère. Celle-ci n'ayant pas un caractère alimentaire, elle ne peut être révisée qu'à la baisse. De plus le mouvement vers l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes tendra à faire disparaître la prestation compensatoire.

Enfin, je voudrais insister sur le fait que le décès du débiteur laissant la charge de la dette aux héritiers, la loi doit permettre à ceux-ci d'exercer une action en révision, portant sur le niveau de la rente lorsqu'il s'agit d'une rente viagère ou sur les modalités de paiement lorsqu'il s'agit d'un capital fixe. Dans tous les cas de révision, lorsque le créancier perçoit une pension de réversion du chef du conjoint divorcé décédé, elle doit être déduite.

Par notre vote, nous allons affirmer ce que doit être la règle, préciser ce que doit être l'exception et rendre cohérentes les modalités de révision et de transmission. Une évaluation régulière de la jurisprudence est nécessaire ; nous avons besoin de statistiques précises du ministère de la justice.

Il appartiendra au Gouvernement de prendre rapidement les mesures réglementaires nécessaires. Madame la ministre, nous ne doutons pas de votre volonté et de votre engagement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Gérard Gouzes - Les auteurs de la loi de 1975 portant réforme du divorce et créant la prestation compensatoire ne se doutaient pas de la situation désastreuse dans laquelle ils plongeraient des milliers de divorcés, contraints, quelle que soit l'évolution de leur situation sauf événement « d'une exceptionnelle gravité », de payer à leur ex-conjoint une rente à vie, souvent exorbitante par rapport à leurs revenus, transmissible à leurs héritiers, non révisable.

Véritables condamnés à perpétuité, ceux-ci désespéraient de voir le législateur reprendre un jour ce texte dépassé et injuste. Plusieurs propositions de loi ont néanmoins été déposées. Celle du groupe socialiste inspire les amendements que nous soutiendrons au texte des sénateurs About et Pagès que nous examinons ce soir. Je tiens à cet instant à remercier Mme la Garde des Sceaux d'avoir fait inscrire ce texte à l'ordre du jour : il y avait en effet urgence.

Après le dépôt du rapport Dekeuwer-Défossez, le Gouvernement engagera une vaste réforme du droit de la famille. Après le vote du PACS, cette majorité aura ainsi en peu de temps modernisé le cadre civil des relations individuelles et familiales. Ce chantier ne pourra attendre car le présent texte peut difficilement être séparé de la réforme du divorce lui-même.

Avant 1975, un conjoint qui divorçait à ses torts exclusifs demeurait débiteur du devoir de secours. Le législateur de 1975 eut la « bonne idée » de supprimer ce devoir et instaura la prestation compensatoire, destinée à compenser la disparité des conditions de vie consécutive au divorce. Capital forfaitaire et définitif, elle pouvait être transformée en rente si le versement d'un capital était impossible. Cette bonne idée est malheureusement devenue cauchemar pour des milliers de divorcés. En effet, les bénéficiaires ont préféré l'octroi d'une rente plutôt que d'un capital à gérer, d'autant que celle-là était plus avantageuse sur le plan fiscal. En outre, le versement d'un capital n'était pas toujours possible. La confusion s'est aussi installée dans les esprits entre pension alimentaire et indemnité compensatoire. Le versement d'une prestation compensatoire fut par ailleurs décidé non plus seulement dans le cas des divorces prononcés aux torts exclusifs de l'un des époux, mais aussi de la grande majorité des divorces aux torts partagés. Enfin, il faut avoir le courage de le dire, la Cour de cassation a fait preuve de laxisme, effaçant totalement la priorité légale donnée au capital sur la rente, celle-ci devenant le mode normal d'attribution de la prestation compensatoire.

Dès 1982, une étude menée auprès des cours d'appel de Rennes et d'Angers révélait que 85 % des prestations compensatoires étaient attribuées sous forme de rente. En Aquitaine, au troisième trimestre 1989, dans 25 cas de divorce pour faute, 22 prestations compensatoires étaient de même des rentes.

Pourtant privilégier la rente, c'était prendre le risque d'une dérive de l'institution, c'était, compte tenu des très minces possibilités de révision, risquer de la voir, déconnectée de la réalité, devenir foncièrement injuste.

La jurisprudence n'a jamais tenu compte du fait que le conjoint bénéficiaire de la prestation compensatoire hérite, gagne au Loto ou fasse un très riche remariage, comme elle a toujours ignoré la diminution des revenus du débiteur. Pis, cette injustice pouvait frapper avec la même rigueur les héritiers !

Comment ne pas considérer dans ces conditions le mariage comme un piège pour les uns et une aubaine pour les autres ? Dans certains cas, avoir été marié et divorcé constituait la source de revenus la plus sûre.

Les juges ont par ailleurs octroyé des rentes plus élevées aux femmes inactives qu'aux femmes qui travaillaient. Ainsi le système en place contribuait à maintenir le modèle de la femme au foyer maintenue dans la dépendance, sans lui donner aucune chance d'insertion professionnelle. Quant aux débiteurs piégés, ils perdaient nécessairement confiance dans la justice de notre pays.

Aujourd'hui, quelque peu dans l'urgence, nous allons, tout en maintenant le caractère patrimonial et forfaitaire de la prestation compensatoire, prévoir son versement sous forme de capital ; adapter ses modalités de paiement aux revenus du débiteur ; autoriser plus facilement la révision des rentes actuelles et atténuer la charge susceptible de peser sur les héritiers ; permettre la conversion des rentes en capital. Respect du droit, souplesse, responsabilité, tels sont les principes qui nous guident.

Mais il faudra aller plus loin. En effet, toute approche morcelée est source de confusion. Il faudra préciser que l'octroi d'une prestation compensatoire, véritable rançon versée pour retrouver sa liberté, ne sera plus accordée que de façon exceptionnelle.

Le non-respect de la hiérarchie instituée par la loi de 1975 et que nous allons solennellement renforcer aujourd'hui, tient au fait que la liquidation de la communauté intervient généralement longtemps après le prononcé du divorce. Tous les contentieux naissent de cette contradiction, insurmontable aujourd'hui puisque le juge doit fixer la prestation compensatoire indépendamment de la liquidation de la communauté. Il y a là quelque chose d'irréaliste. Mieux vaudrait globaliser la procédure du divorce. Nous aurons l'occasion de le faire dans quelques mois. De même, il faudra modifier le droit fiscal qui, pour l'heure, vicie le dispositif.

J'aborde avec prudence la présente proposition de loi. Il s'agit seulement aujourd'hui de mettre fin à des situations insupportables et de clarifier les concepts juridiques. Il nous reviendra demain d'approfondir l'ensemble du dispositif afin de dédramatiser le divorce et ses conséquences. En attendant, il nous faut redonner un sens aux mots de justice et d'équité car beaucoup n'y croyaient plus. C'est ce que le groupe socialiste compte faire ce soir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Delnatte - Partant du constat que le divorce et la fin du devoir de secours entre époux provoquaient parfois de profondes disparités dans les conditions de vie, le législateur de 1975 a institué une prestation qui compense, autant qu'il est possible, ces disparités. Il était normal qu'il se préoccupe tout particulièrement du sort des femmes ayant renoncé, après leur mariage, à une vie professionnelle. En 1975, on comptait deux fois plus de femmes au foyer qu'aujourd'hui.

La loi de 1975 visait également à concentrer dans le temps les effets du divorce. C'est pourquoi la règle était que la prestation soit versée sous forme de capital.

La prestation, forfaitaire, ne pouvait être révisée, même en cas de changements imprévus des ressources ou des besoins des parties. La seule exception résidait dans l'hypothèse où l'absence de révision aurait entraîné pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Ce dispositif est aujourd'hui inadapté, tant en raison de l'évolution des conditions de vie et des pratiques que de la jurisprudence.

400 000 personnes, dont 98 % d'hommes, paient aujourd'hui une prestation compensatoire. Il n'est pas possible d'éluder les difficultés rencontrées par certains de ces débiteurs.

La crise économique, le chômage, le surendettement qui en sont la conséquence ont en effet parfois gravement déstabilisé les situations professionnelles et patrimoniales les mieux établies.

Dans le même temps, la recomposition croissante des familles a compliqué encore la situation des intéressés. Aujourd'hui, un divorcé sur cinq se remarie, de sorte que les femmes et les enfants partageant la vie d'un homme remarié sont parfois les premières victimes du versement d'une prestation compensatoire non révisable.

Ces situations deviendront de plus en plus courantes du fait de l'allongement de la durée de vie, qui augmente la probabilité de changements dans la vie conjugale.

En sens inverse, le remariage du créancier peut réduire les disparités de conditions de vie que la prestation compensatoire était censée estomper.

Une grande part des difficultés provient de l'attitude des juges qui ont généralisé le versement sous forme de rente viagère ou temporaire, alors que celui-ci ne devait être que subsidiaire. Ils ont pu être encouragés dans cette voie par le régime fiscal des rentes viagères, nettement plus avantageux. En effet, pour le débiteur, la rente est déductible des revenus et pour le créancier, elle bénéficie des abattements fiscaux applicables aux traitements et salaires. En revanche, le capital, même payé en trois fois, est soumis aux droits de mutation à titre gratuit à l'instar des donations et au-delà d'un abattement de 330 000 francs, les droits s'établissent de 5 % à 40 %.

La jurisprudence est donc en partie à l'origine des difficultés actuelles, ayant toujours refusé de tenir compte des aléas de la situation du débiteur, interprétant de façon très restrictive la notion de « gravité exceptionnelle ». Ainsi, a-t-on rejeté une demande de révision formulée par un débiteur ayant perdu son emploi et ne touchant plus que le RMI. Enfin, la rente est transmissible aux héritiers du débiteur sans aménagement possible, ce qui leur crée parfois des obligations insupportables, alors qu'ils n'ont aucun lien avec le créancier. Toutes ces situations sont vécues comme des injustices profondes.

Le 12 décembre 1996, le sénateur Nicolas About déposait une proposition de loi destinée à y remédier ; il était suivi par d'autres, et en février 1998 le Sénat adoptait un texte à l'unanimité. Vous avez alors approuvé cette initiative, Madame la Garde des Sceaux, sans toutefois aller jusqu'à inscrire ce texte à l'ordre du jour de notre assemblée. Le 1er décembre 1999, je vous posais une question d'actualité sur l'urgence de mener à bien cette procédure législative. Vous en avez alors accepté le principe. Aujourd'hui, vous tenez votre engagement et je vous en donne acte.

Les travaux en commission ont permis d'améliorer le texte des sénateurs. Quelques questions restent cependant en suspens, que devra résoudre notre débat.

Première question : la liberté laissée aux juges dans la fixation du montant du capital ou, à titre tout à fait subsidiaire, de la rente, ne risque-t-elle pas d'entraîner des situations contrastées d'une juridiction à l'autre, comme nous le constatons déjà ? Certains préconisent la mise en place d'un barème, qui éviterait les contradictions les plus criantes. Nous vous proposerons que le juge fixe le montant du capital en fonction d'un barème fixé par décret en Conseil d'Etat. Lorsque, par décision spécialement motivée, le juge choisit la rente viagère, nous proposons que cette dernière ne puisse excéder 30 % des revenus nets d'impôts du débiteur.

En second lieu, la jurisprudence persiste à refuser que les tribunaux puissent soumettre la fixation définitive de la prestation compensatoire à la condition de la liquidation du régime matrimonial. C'est pourtant l'une des suggestions faites par la Délégation aux droits des femmes. Seul un règlement de tous les intérêts pécuniaires des époux au cours de l'instance pourrait éclairer les choix du juge. C'est pourquoi nous proposerons un sous-amendement en ce sens.

Troisième question : a-t-on vraiment réglé le problème des héritiers du débiteur ? Certes, le texte améliore leur situation quand ils doivent verser le solde du capital dû. Mais la rente demeure transmissible aux héritiers. Nous estimons préférable de capitaliser automatiquement la rente au décès du débiteur. Le montant du capital ainsi obtenu constituerait un passif de succession, qui serait traité conformément au nouvel article 276 du code civil, pour éviter aux héritiers des contentieux de révision.

Enfin, cette réforme appelle impérativement un volet fiscal. Comment privilégier le paiement de la prestation compensatoire sous forme de capital si on laisse subsister une fiscalité qui pénalise lourdement ce type de règlement ? Dans un arrêt du 10 juin 1997, la Cour de cassation a d'ailleurs rappelé la règle qui taxe différemment une prestation compensatoire, selon que son versement est effectué sous forme de rente ou de capital.

L'article 40 de la Constitution interdit aux parlementaires de proposer une diminution des ressources publiques. Cette tâche revient donc au Gouvernement. Vous avez écarté, Madame la Garde des Sceaux, la suggestion sénatoriale de doubler le seuil d'exonération du droit de mutation. Vous avez pourtant reconnu la réalité du problème, et vous êtes engagée à rechercher « une solution moins pénalisante pour les finances publiques ». Il est indispensable que vous présentiez ce soir des propositions fiscales équitables, pour que la réforme soit efficace et le travail du Parlement utile.

Pour l'essentiel, le groupe RPR est favorable au texte proposé et souhaite l'améliorer sur les quatre points que j'ai évoqués. Mais au-delà de cette réforme ponctuelle, le RPR souhaite que soit engagée une véritable réforme du droit de la famille. Le Gouvernement ne s'est pas encore vraiment attelé à cette tâche. Il a préféré consacrer ses efforts à l'institution du pacte civil de solidarité, qui est venu créer de la confusion au sein du code civil et brouiller les repères. Vous disposez pourtant depuis 1998 du rapport de Mme Théry, et depuis septembre 1999, des travaux de la commission présidée par Mme Dekeuwer-Desfossez. Vous vous êtes engagée, Madame la Garde des Sceaux, à réformer le droit de la famille sur la base de ce rapport. Pour nous, cette réforme ne doit pas se contenter de réparer les échecs de la vie, ni se lancer dans une épuisante fuite en avant pour adapter le droit aux m_urs.

C'est dans la perspective d'un droit de la famille construit autour de repères stables, sûrs et compréhensibles que s'inscrit la réflexion du groupe RPR. Le droit à la famille fait partie des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Le nier ou le négliger, c'est non seulement priver l'homme d'une partie essentielle de son existence, mais détruire le lien social. Nous en mesurons tous les jours les conséquences néfastes sur la vie sociale, en particulier chez les jeunes. Mettre la famille au c_ur d'un projet de société moderne, ouverte et solidaire, voilà l'un des défis essentiels que nous voulons relever en ce début du XXIème siècle (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Bernard Outin - Le 25 février 1998, le Sénat adoptait à l'unanimité une proposition de loi sur la prestation compensatoire que vous-même, Madame le Garde des Sceaux, avez accompagnée dans son principe. La question est importante et délicate, et toute tentation partisane serait ici déplacée. La présente proposition n'est pas parfaite ; il faut que nous approfondissions la réflexion, que la navette parlementaire permette des améliorations. Mais il n'y a pas de recette miracle, d'autant que la prestation compensatoire n'est qu'un aspect d'une procédure du divorce qui date maintenant de plus de vingt ans. Pour nous, elle aurait dû être examinée dans le cadre d'une réforme globale, mais il y avait urgence.

La famille a subi au cours des dernières décennies des bouleversements majeurs que le droit n'a pas assez pris en compte. Pour dix mariages célébrés, quatre divorces sont prononcés. Ce sont 1,6 million d'enfants qui vivent dans des familles monoparentales, la plupart du temps avec leur mère. Certes, le divorce entraîne souvent l'isolement, en particulier celui de la femme, mais le critère à retenir pour l'octroi de prestation à vocation spécifique est d'un maniement délicat et nécessite vraiment une réflexion d'ensemble. Pourtant, les situations d'urgence que connaissent de nombreuses personnes, notamment par suite de l'application de l'article 270 du code civil, ont conduit l'ensemble des groupes parlementaires à élaborer des propositions de loi qui, bien que différentes tendent toutes à assouplir les conditions de la prestation compensatoire. Nous pouvons nous féliciter que la décision ait été prise de mettre fin sans attendre, aux situations souvent insupportables que cette prestation impose à beaucoup de divorcés débiteurs.

Cela ne signifie pas que rien ne doive subsister du mariage une fois le divorce prononcé.D'ailleurs, personne ne remet en cause le principe généreux contenu dans la loi de 1975 qui organise les suites d'un divorce. Cette loi entendait mettre fin au contentieux abondant entre les ex-époux qu'entraînait le versement d'une pension alimentaire. La prestation compensatoire en diffère profondément, en ceci qu'elle constitue pour le législateur un forfait indemnitaire versé pour compenser, dans toute la mesure du possible, « la disparité que crée la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des conjoints ».

Les orateurs précédents ont largement évoqué les difficultés liées à la prestation compensatoire. Chacun connaît ici des exemples des résultats insatisfaisants de la loi de 1975. Je n'y reviendrai pas, sauf sur un point. La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. Elle ne peut être révisée même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties, sauf si l'absence de révision devait avoir pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Mais celle-ci est examinée en fonction de la seule situation de celui qui l'invoque. Elle ne joue pas si le bénéficiaire de la prestation obtient des avantages financiers importants imprévisibles au moment du jugement. Quand on sait que même le décès du conjoint débiteur ne change rien, puisque les héritiers devront continuer à verser la rente, on est en droit de se demander ce qui pourrait constituer « l'exceptionnelle gravité »...

On a pu juger par exemple que le licenciement d'un débiteur ne constituait pas un changement imprévisible, « compte tenu du contexte économique », et ne pourrait justifier une révision. Il en a été jugé de même pour la mise à la retraite anticipée et la liquidation judiciaire. Dans de tels cas, l'application stricte de la loi est contraire à l'objectif du législateur. Et elle est redoutable pour le débiteur, qui se retrouve subitement dans une situation d'une injustice criante. Dans l'actuel contexte économique et social, ces cas ne sont pas isolés. Quand notre pays compte plus de deux millions et demi de chômeurs, quand un foyer sur trois est touché par le problème de la perte d'emploi, il est urgent de modifier la loi, d'autant que la tranche d'âge la plus confrontée au divorce est celle qui compte le plus de chômeurs de longue durée.

En outre, la révision de la prestation n'est pas envisagée lorsque la situation du conjoint bénéficiaire de la rente s'est modifiée. Dans certains cas, le conjoint débiteur se trouve financièrement en bien plus grande difficulté que le bénéficiaire.

La proposition de loi adoptée par le Sénat est un texte de compromis, qui comporte des avancées réelles. Notre groupe se félicite que la commission des lois en ait amélioré et précisé certaines dispositions-clés. En insistant par exemple sur la nécessaire disparition de la rente au profit du versement d'un capital, la commission nous propose non seulement de rappeler ce qui doit rester la règle, mais, tenant compte de la situation économique et sociale, elle permet au débiteur d'échelonner son règlement sur plusieurs années.

Le juge ne pourra plus fixer la prestation compensatoire sous forme de rente qu'à titre exceptionnel et par décision motivée en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier. D'autre part, la fixation du montant prendra en considération la durée du mariage et la situation professionnelle des époux au regard du marché du travail.

Nous souscrivons pleinement à l'élargissement des possibilités de révision de la rente en cas de changement notable dans les ressources ou les besoins des parties. De même, la prise en compte de la pension de réversion dont bénéficie la personne créancière de la prestation est une disposition très positive.

Je m'interroge toutefois, Madame le Garde des Sceaux, sur l'application concrète de cette mesure aux situations en cours. Comment les tribunaux, déjà asphyxiés, feront-ils face aux dizaines de milliers de demandes en révision qu'induira cette disposition ? A-t-on prévu des moyens pour régler au plus vite les situations conflictuelles ?

Notre collègue Patrick Braouezec m'a signalé plusieurs situations où les héritiers du débirentier décédé doivent renoncer à la succession faute de pouvoir assumer la prestation compensatoire. Dans d'autres cas, le débirentier ne se remarie pas pour ne pas transmettre cette charge à sa seconde épouse ou aux enfants issus de cette nouvelle union. A l'inverse certains cas nous font réfléchir, comme celui que vous avez évoqué, Madame la ministre, lors du débat au Sénat, sur ce qu'il y aurait de trop brutal à poser en principe l'intransmissibilité de la rente.

Cela étant, le principe de la transmissibilité d'une telle dette est-il justifiable ?

Plus généralement, qui, dans une société moderne, doit prendre en charge les personnes sans ressources ? La solidarité nécessaire ne relève--telle pas de la responsabilité des pouvoirs publics ?

Comme le soulignait, en février 1998, le sénateur Pagès, ce texte introduit une certaine souplesse dans une loi qui en manquait singulièrement, mais les mesures envisagées ne suffisent pas à clore le débat. Je souhaite néanmoins qu'elles soient rapidement traduites dans les faits, car la situation douloureuse que connaissent tant de nos concitoyens ne peut perdurer.

M. Emile Blessig - L'UDF se réjouit que la réforme de la prestation compensatoire attendue depuis de nombreuses années par nombre de nos concitoyens divorcés soit enfin examinée par l'Assemblée, presque deux ans après avoir été adoptée par le Sénat.

Les deux idées majeures de la loi de 1975 sur le divorce restent d'actualité, puisqu'il s'agissait de distinguer les conséquences pécuniaires du divorce de la question des torts et d'éviter les conflits postérieurs en conférant un caractère définitif à la décision prise.

Pour ce faire, le législateur a concentré les effets patrimoniaux du divorce au moment de son prononcé et donné à la prestation compensatoire un caractère indemnitaire, c'est-à-dire forfaitaire et invariable.

Mais si, fidèle à cet esprit, le code civil prévoit le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital, la portée de cette disposition a été affaiblie par l'article 276 qui prévoit que, par défaut, la prestation compensatoire peut prendre la forme d'une rente.

De ce fait, la notion de prestation compensatoire s'est brouillée, et a pris une nature double : indemnitaire en cas de versement de capital, alimentaire en cas de versement d'une rente. La confusion est générale, alors même que, quelle que soit la forme du paiement, la prestation compensatoire conserve son caractère indemnitaire et donc forfaitaire, invariable sauf en cas d'une exceptionnelle gravité, et transmissible aux héritiers du débiteur. Vingt-cinq ans près son introduction, l'application de la prestation compensatoire a conduit à de réelles injustices, qu'il convient d'éviter à l'avenir et de réparer pour les victimes actuelles.

Pour l'UDF, il n'y a pas lieu de remettre en cause les principes de la loi de juillet 1975 ; il faut maintenir le caractère indemnitaire de la prestation compensatoire et rechercher un équilibre entre les droits du conjoint créancier, ceux du conjoint débiteur et, le cas échéant, les héritiers de ce dernier.

Comment procéder ? L'UDF considère que l'évaluation de la prestation compensatoire doit être faite à partir de la situation des parties au moment du divorce, et que le juge doit obligatoirement en fixer le montant en capital.

Il convient par ailleurs d'admettre des modalités de paiement de la prestation compensatoire souples et variées : versement d'un capital en une ou plusieurs fois, avec un étalement maximum sur huit ans, abandon de biens en pleine propriété ou en usufruit, ou même conversion de ce capital en rente viagère dans les cas exceptionnels et sur décision motivée du juge.

La loi devrait encore permettre la révision des modalités de paiement en cas de changement substantiel dans la situation des parties, héritiers de l'époux débiteur compris.

Enfin, il ne faut pas laisser la loi fiscale torpiller la loi civile.

Je ne traiterai, aujourd'hui, que du premier et du dernier point que je viens d'évoquer. Pour ce qui est de l'évaluation de la situation des époux au moment du divorce, l'article 271 du code civil demande au juge de fixer la prestation compensatoire en fonction de la situation des deux époux au moment du divorce... et de son évolution dans un avenir prévisible ! Nous proposons que la référence à « l'évolution prévisible des situations respectives » soit supprimée, car la loi ne peut demander au juge de lire l'avenir. L'évolution du nombre des divorces, les modifications intervenues depuis 1975 dans le sens d'une parité généralisée et l'allongement de la durée de la vie plaident également en faveur de l'évaluation définitive de la situation des parties au moment du divorce.

On ne peut, par ailleurs, laisser la loi fiscale torpiller la loi civile. L'une des raisons du succès du versement de la prestation compensatoire sous forme de rente tient en effet à son statut fiscal avantageux.

En effet, alors que le débiteur d'une prestation compensatoire en capital n'a droit à aucune déduction fiscale, la rente est déductible du revenu du débiteur et imposable entre les mains de l'époux créancier. Le régime fiscal de la rente est ainsi aligné sur celui des pensions alimentaires.

J'ai donc déposé un amendement, cosigné par notre collègue Charles de Courson, prévoyant que le versement d'une prestation en capital ouvrait droit, pour le débiteur, à déduction chaque année dans la limite de huit ans, d'un huitième du montant du capital versé, montant qui serait en contrepartie imposé entre les mains du créancier. Il s'agit d'une mesure d'équité et de simplification.

M. Charles de Courson - Tout à fait.

M. Emile Blessig - Mais la loi doit aussi réparer les injustices nées de l'application de la loi de 1975.

C'est pourquoi le groupe UDF est favorable au principe de la révision à la baisse des prestations compensatoires allouées sous l'empire de la loi de 1975, en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties. Le tribunal fixera à cette occasion le montant résiduel de la prestation compensatoire à la date de la demande de révision, en tenant éventuellement compte des sommes déjà versées.

Pour le doyen Carbonnier, l'un des pères de la loi de 1975, « la législation doit être aussi une sorte de service après-vente ». C'est ce à quoi nous nous livrons ce soir, en adaptant cette loi à l'évolution de nos modes de vies, dans l'intérêt des 16 000 à 18 000 couples dont le divorce donne lieu, chaque année, à la fixation d'une prestation compensatoire.

Mais ce toilettage ne doit pas repousser l'examen des relations patrimoniales et pécuniaires des parties au moment du divorce. Le rapport Dekeuwer-Défossez a avancé des propositions très intéressantes à ce sujet. Une telle réforme renforcerait nos présents travaux. Puisse-t-elle ne pas trop tarder !

Ma dernière remarque portera sur les justiciables qui, souvent depuis de longues années, ont souffert de la loi de 1975. Chaque année, des poursuites pénales sont engagées, et plusieurs dizaines de personnes ont été condamnées à des peines d'emprisonnement, parfois fermes, faute de ne pouvoir payer, de bonne foi, à leur ex-conjoint, la prestation compensatoire fixée bien des années plus tôt.

Ayant à l'esprit les modifications législatives que nous allons adopter, je vous demande, au nom de l'UDF, Madame la Garde des sceaux, si vous entendez donner des directives aux parquets, appelant leur attention sur les dispositions de la loi nouvelle, et leur demandant d'en tirer les conséquences pour les infractions nées sous l'emprise de la loi ancienne. De même, la situation des personnes incarcérées de ce chef de poursuite pourrait-elle faire l'objet d'un examen par le juge d'application des peines ?

Au bénéfice de ces observations, le groupe UDF votera ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. André Aschieri - Nous sommes appelés à nous prononcer sur la révision d'un régime de la prestation compensatoire qui ne correspond plus à l'état d'une société qui a évolué depuis qu'elle a été instaurée. Cette réforme, attendue et espérée par nombre de nos concitoyens, va nous permettre d'introduire les notions de proportion et de modération dans le droit de la prestation compensatoire.

Son institution, en 1975, visait à compenser la disparité de conditions de vie entre les ex-époux due au divorce. Dans le cas le plus fréquent, il s'agissait de l'épouse, qui n'avait pas travaillé durant son mariage et qui se trouvait sans aucune ressource au moment du divorce.

La prestation compensatoire consacrait donc un droit à l'assistance et à la solidarité, au bénéfice de l'époux le moins fortuné. Elle devait être versée sous forme de capital, la rente étant l'exception.

Il est regrettable que ce qui devait être l'exception soit devenu la règle, alors même que la prestation compensatoire ne peut être révisée qu'à titre exceptionnel, même lorsque des changements imprévus dans les ressources des parties interviennent.

Nous ne remettons pas en cause l'objectif initial de la prestation compensatoire. Mais, depuis les années 1970, les choses ont changé. Les femmes sont entrées massivement sur le marché du travail et certaines refusent parfois, lorsqu'elles travaillent au moment du divorce, de recevoir ce type d'assistance. Les modalités de versement de cette prestation doivent donc être revues.

Pourquoi maintenir un système archaïque, dénoncé avec une unanimité peu coutumière sur ces bancs ?

La situation que nous connaissons aujourd'hui n'est tolérable ni socialement ni juridiquement, car on ne tient pas compte des évolutions postérieures au divorce. C'est ainsi que le débiteur est contraint de poursuivre ses versements, même si sa situation financière s'est dégradée. Nous ne sommes plus dans la situation de plein-emploi que nous avons connue dans les années 70 ! Pourquoi le chômage, la retraite ou la maladie ne sont-ils pas des événements suffisants pour revoir cette situation ? Pourquoi, à l'inverse, l'amélioration de la situation financière de l'ancien conjoint n'est-elle pas prise en compte ? Et que dire des situations ubuesques, qui font que les enfants d'un premier mariage versent, après le décès de leur parent remarié, cette pension à vie à un nouvel époux avec lequel ils n'ont aucun lien de parenté et qu'ils ne connaissent parfois même pas ?

La prestation compensatoire privilégie l'un des époux divorcés, en contradiction avec l'esprit du droit de la famille. La transmission de la dette aux héritiers est intolérable sur le plan de la morale.

De telles situations ne peuvent perdurer. C'est pourquoi je me félicite, Madame la ministre, que vous engagiez cette réforme.

J'aimerais toutefois appeler votre attention sur un certain nombre de points. Le rapport Théry, en mai 1998, soulignait que si la prestation compensatoire devait être maintenue, elle ne saurait conduire à conserver un statut social comme un droit acquis par le mariage, mais devrait permettre de rétablir un équilibre né de choix faits en commun par les époux, pendant leur vie commune, et désormais rompu. C'est pourquoi les Verts sont particulièrement favorables au versement d'un capital au moment du divorce, pour solde de tout compte. Les biens acquis pendant le mariage permettront, dans bien des cas, de clore une situation dans le respect de l'équité. Si le versement sous forme de capital ne peut être envisagé, il pourra alors, conformément à l'esprit de la loi de 1975, être converti en rente. Mais celle-ci devra être révisable et révisée en fonction des changements de la situation économique des deux ex-époux. Ainsi, en cas de remariage de l'époux créancier, il n'y aura plus lieu de la maintenir.

J'appelle aussi votre attention sur la situation des personnes incarcérées pour non-versement des prestations.

Chaque année, des peines d'emprisonnement ferme sont prononcées parce qu'un ex-époux ne peut ou ne veut continuer à verser la prestation compensatoire fixée par le juge civil, bien des années avant. Cette situation est juridiquement légitime mais difficile à accepter moralement, notamment lorsque la prestation prétend régler une situation sociale qui n'existe plus. Ainsi des ex-époux sont condamnés pour abandon de famille alors même que le divorce met fin au devoir de secours. De telles condamnations sont nécessaires lorsqu'il s'agit de parents qui abandonnent leur famille sans verser les pensions alimentaires. Mais il apparaît injuste, dans bien des situations relatives à la prestation compensatoire.

La réforme relative aux prestations compensatoires était une nécessité et elle va être votée. C'est bien ! Mais d'autres réformes sont également urgentes, je pense en particulier aux problèmes de l'adoption par les couples concubins. La législation actuelle donne des droits à un seul parent. En cas de séparation, l'autre vit un drame cruel.

Plus généralement, nous appelons de nos v_ux une grande loi sur la famille, qui modernisera notre législation en l'humanisant et en l'adaptant à notre société. Telle est votre volonté, Madame la ministre, c'est pourquoi les députés Verts voteront cette proposition dans laquelle ils voient un premier pas.

M. Yves Nicolin - Enfin un texte consensuel et peu importe, Monsieur Gouzes, qui en a la paternité.

« Pourquoi suis-je condamné à la perpétuité, pourquoi mes enfants vont-ils recevoir cette perpétuité en héritage ? »

Si nous nous retrouvons ce soir, c'est pour mettre fin, au-delà de nos divergences politiques, à de telles situations ubuesques.

Pauline et Stéphane sont frère et s_ur, ils ont 18 et 24 ans. Elle, entame ses études, lui, est comptable et gagne 7 500 F par mois. Chaque fin de semaine, ils se rendent dans la maison familiale où ils ont grandi, pour y retrouver leur père, aujourd'hui à la retraite. Mais leur père décède, premier choc. Le notaire chargé de la succession leur révèle que ce père a été marié une première fois et qu'à ce titre, il versait mensuellement une rente de prestation compensatoire de 5 600 F, deuxième choc. Il les informe aussi que la rente à verser à une femme qui n'est pas leur mère et dont ils découvrent l'existence est désormais à leur charge, jusqu'à son décès, troisième choc.

Pauline, l'étudiante, n'a pas de ressources et Stéphane ne peut assumer cette rente de 5 600 F. Seule solution, pour ne pas risquer la prison, vendre la maison de famille à laquelle ils tiennent tant pour entretenir à vie cette personne qui est pourtant remariée et vit confortablement, quatrième choc.

C'est parce que nous rencontrons trop de situations aberrantes comme celle-ci que depuis une dizaine d'années, plusieurs propositions de réforme de la loi de 1975 ont été déposées au Parlement et 244 questions adressées aux ministres de la justice successifs. Je vous félicite, Madame la Garde des Sceaux, d'avoir accepté que ce texte soit inscrit à l'ordre du jour prioritaire.

Mme Véronique Neiertz et M. René Dosière - Très bien !

M. Yves Nicolin - Mais il aura fallu deux ans, pour que le Gouvernement accepte, enfin que nous débattions d'un texte adopté par le Sénat à l'initiative de l'opposition (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Et du groupe communiste...

M. Yves Nicolin - Derrière de nombreuses initiatives parlementaires, il y a surtout l'immense attente de ces hommes et de ces femmes qui en divorçant, croyaient sincèrement tourner une page de leur existence, de ces enfants de divorcés, de ces veuves ou seconds époux, tous condamnés à entretenir à vie, une personne devenue étrangère, qui est bien souvent remariée et cumule parfois plusieurs rentes.

En substituant la prestation compensatoire à la pension alimentaire entre époux divorcés, la loi de 1975 avait pourtant cherché à limiter le plus possible, les sources de conflits ultérieurs, en donnant un caractère forfaitaire et quasi-définitif à cette compensation, donc au divorce. Cela a induit à inscrire deux principes dans le code civil : selon le premier, le divorce met fin au devoir de secours entre ex-époux ; le second prévoit comme moyen de paiement principal de la nouvelle prestation, le versement d'un capital. Or, dans la pratique, la rente est devenue la règle et, d'indemnitaire, la prestation compensatoire est, de fait, devenue alimentaire.

En même temps, sa justification -conserver définitivement le statut social acquis pendant le mariage- s'avère aujourd'hui ringarde, à l'heure où les femmes aspirent à l'indépendance, à davantage de responsabilités dans le travail, dans la vie publique, et à une plus grande égalité.

Or, le mariage conduit parfois, une épouse ou un époux, à renoncer à des perspectives professionnelles ou à des droits à la retraite. Cette renonciation dans l'intérêt de la famille et de l'autre époux, dont la situation a été ainsi privilégiée, peut se transformer, au moment du divorce, en un véritable préjudice moral et matériel.

C'est pourquoi j'ai proposé avec plusieurs collègues de l'opposition de remplacer cette prestation compensatoire quelque peu périmée, par une indemnité de séparation versée en capital, dont le fondement serait de permettre à l'époux le plus fragile de s'adapter à la nouvelle situation. Nous n'envisagions la rente que de façon très subsidiaire, prévoyant en tout état de cause sa révisibilité, son intransmissibilité et sa fin de plein droit en cas de remariage ou de conclusion d'un PACS.

Ma proposition tendait vers un objectif clair : donner aux époux les moyens de leur autonomie et de leur liberté futures.

Grâce au Sénat, que vous ne pourrez plus taxer de ringardise, et à sa majorité consciente des évolutions sociales contemporaines, une proposition a enfin pu être inscrite à l'ordre du jour et adoptée en première lecture.

Ce texte suscite un réel espoir, pour les 400 000 débiteurs qui attendent depuis si longtemps une réforme.

Mais pour ne pas manquer son but, cette réforme devra apporter de vraies solutions aux difficultés actuelles.

Ainsi, elle doit d'abord garantir le versement en capital, en prévoyant un versement échelonné, garanti le cas échéant par une assurance. De même, il convient de permettre au débiteur d'annuités, ce que l'on permet au débiteur de la rente : la déduction fiscale de ces annuités.

La loi devrait par ailleurs chercher à uniformiser les critères et les montants de ces prestations aujourd'hui très disparates selon les cours d'appel. Un barème indicatif comme celui que je propose, établi en considération des jugements rendus depuis plusieurs années, rendrait les décisions plus prévisibles sans porter atteinte à l'appréciation souveraine des juges.

Dans l'hypothèse, qui devra rester exceptionnelle, où les parties n'auraient d'autre solution que d'opter pour la rente, il est absolument nécessaire d'ouvrir un droit réel à sa révision, voire à sa suppression en fonction de l'évolution des besoins et ressources de chacun, des montants déjà versés, de l'éventuel remariage, du PACS, ou du concubinage notoire du créancier, du décès du débiteur.

L'idée d'une révision en cas de « changement important » nous paraît en effet trop vague et encore trop proche des cas « d'exceptionnelle gravité » prévus par l'article 273, qui précisément interdit aujourd'hui toute révision de la prestation compensatoire, en dehors des cas extrêmes d'exclusion et de cessation d'activité consécutive à une maladie grave.

Ce droit à la révision selon des critères souples et précis, comme le principe d'intransmissibilité successorale de la rente, devraient naturellement s'appliquer aux rentes en cours, afin de permettre à ces milliers de familles parfois plongées dans les situations dramatiques d'obtenir rapidement du juge aux affaires familiales, une décision plus juste sur le fondement de la nouvelle loi.

Enfin, Madame la ministre, j'appelle votre attention sur les quelques dizaines de débiteurs actuellement incarcérés ou sur le point de l'être pour abandon de famille, après cessation de versement des rentes de prestation compensatoire. L'esprit qui nous anime tous ici aujourd'hui, ne devrait-il pas vous conduire, à donner instruction dès à présent aux magistrats, d'éviter de requérir des peines d'emprisonnement pour celles et ceux qui, bien que ne vivant pas une situation exceptionnellement grave au sens de l'article 273, ne sont à l'évidence pas en mesure d'honorer cette dette ?

Je souhaite, comme l'ensemble du groupe Démocratie libérale, une réforme qui, dans l'esprit de la proposition du sénateur Nicolas About, soit susceptible de donner à celles et ceux qui décident de se séparer, ainsi qu'à leurs enfants, les moyens d'un véritable nouveau départ dans la vie. Le régime de la future indemnité devra consacrer le droit à l'autonomie des ex-époux, c'est-à-dire à la liberté. Rien n'est sans doute pire, après un mariage qui se brise, qu'un divorce qui s'éternise...

Et c'est pourquoi, le groupe Démocratie libérale soutiendra cette proposition en souhaitant que le Gouvernement et nos collègues de la majorité se montrent un peu plus ouverts, sur un sujet qui transcende nos clivages politiques car, comme à l'accoutumée, aucun de nos amendements n'a été retenu en commission (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Véronique Neiertz - C'est faux ! Vous n'y étiez pas...

M. Yves Nicolin - Je ne suis pas membre de la commission des lois, mais figurez-vous, j'en lis les comptes rendus.

Enfin, Madame la ministre, il faudra prévoir les moyens nécessaires pour que la justice fonctionne lorqu'afflueront les demandes reconventionnelles (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme Véronique Neiertz - On a rappelé les principes de la réforme. Je voudrais faire entendre la voix de ceux et celles qu'elle concerne, les victimes. Comme vous tous, j'ai reçu un énorme courrier sur cette question. Un homme divorcé m'écrit qu'il verse depuis 1991 une prestation compensatoire de 4 750 F, soit 30 % de son revenu mensuel. Retraité depuis le 1er janvier 2000, il a subi une diminution de revenu. Il est logé par sa deuxième épouse et n'a pu conserver son véhicule. Or, depuis plus d'un an, son ex-épouse a des revenus supérieurs. Après 40 ans de travail, il se sent condamné à vie et après la mort car ses enfants et son épouse actuelle hériteront de la dette. Qu'on rende la loi plus juste, qu'on institue un seuil pour les prestations en cours lorsque l'équilibre n'existe plus, demande-t-il.

Ecoutons maintenant cette femme qui a épousé un divorcé redevable d'une prestation compensatoire. S'il meurt, elle devra continuer à subvenir aux besoins de l'ex-épouse. Elle aussi demande qu'on fasse évoluer une loi inique pour que la dette soit définie au moment du divorce, et ne soit plus une rente à vie.

Tout est dit dans ces deux lettres : la nécessité d'opérer un versement en capital pour apurer la situation avant la mort du débiteur ; celle d'en finir avec la rente viagère transmissible aux héritiers ; celle de pouvoir réviser le montant de la prestation compensatoire en cas de changement notable de la situation de débiteur.

Ce sont exactement les principes de cette réforme.

Personnellement, j'aurais souhaité qu'on supprime la rente viagère dès maintenant ainsi que la transmissibilité aux héritiers. Le mariage n'est pas une assurance-vie et les femmes d'aujourd'hui ont, pour beaucoup, acquis leur autonomie financière. Mais supprimer totalement la rente viagère, c'est risquer de créer une autre catégorie de victimes, ces femmes d'un certain âge qui ont peu ou pas travaillé ou l'ont fait comme conjoint-collaborateur.

Mme Nicole Catala - Tout à fait.

Mme Véronique Neiertz - Nous remplaçons donc la rente viagère par le versement d'un capital du vivant du débiteur, nous rendons la rente viagère exceptionnelle et révisable à la baisse.

Si je suis favorable à la suppression progressive de la rente viagère, je ne le suis pas à celle de la prestation compensatoire, parce que comme son nom l'indique, elle compense des inégalités. Tant que les salaires des femmes seront inférieurs de 30 %, tant que les pouvoirs publics encourageront les femmes à quitter le marché du travail en instituant des prestations comme l'APE, que les entreprises leur imposeront le temps partiel, que pouvoirs publics et entreprises n'accepteront pas de rendre compatibles vie familiale et vie professionnelle, la prestation compensatoire demeurera indispensable. Autant dire qu'elle a de beaux jours devant elle !

Aujourd'hui nous commençons à adapter le droit de la famille aux nouvelles formes de vie. Nous y avons été aidés par le rapport de Mme Dekeuwer-Défossez. J'espère que nous mettrons fin aux injustices crées par l'application de la loi de 1975 sans en créer d'autres.

Enfin je souhaite qu'on élimine tous les avantages fiscaux qui rendent la rente plus attractive que le versement en capital. Ainsi, vous n'auriez pas de problème avec votre collègues des finances, Madame la ministre ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe UDF)

Mme Christine Boutin - Dans la réforme du droit de la famille, celle de la prestation compensatoire était la plus justifiée et la plus urgente. Je salue le souci partagé du Sénat, de l'Assemblée et du Gouvernement d'y procéder. Dans l'esprit de la loi de 1975, la prestation compensatoire n'était pas une pension alimentaire ni une indemnité compensatoire de reconversion. Avec la généralisation du paiement par rente, elle s'est rapprochée de la pension alimentaire.

Ce qui nous est proposé, à l'initiative du Sénat, c'est de renforcer les principes affirmés par la loi de 1975. Associations, débiteurs, juristes, sont unanimes. La prestation compensatoire doit être payée sous forme de capital et non de rente.

Les amendements, notamment ceux du groupe UDF, permettront de le garantir. Le paiement par rente est en particulier une fausse bonne solution pour les débiteurs les moins aisés qui, sur le long terme, finiront par verser plus qu'ils n'auraient versé en capital. L'amendement de M. Blessig obligera à calculer toujours le montant en capital quelles que soient ensuite les modalités de paiement. L'étalement sur huit ans favorisera aussi le recours au paiement en capital. Le rendre déductible fiscalement pour le débiteur, comme l'est la rente, serait aussi incitatif. Je comprends qu'on ne puisse le faire aujourd'hui, mais je vous demande de vous engager à faire figurer cette mesure dans le prochain projet de loi de finances.

La transmissibilité de la rente viagère devrait avoir des conséquences plus limitées puisque la commission a prévu la possibilité de révision ou de transformation en capital pour les héritiers. Mais on ne peut la supprimer complètement car cela léserait l'ex-conjoint auquel on a attribué un droit à compensation. Pour l'instant, il faut bien informer les héritiers sur la nécessité de demander un inventaire avant d'accepter la succession.

En tout état de cause, dans la grande réforme de la famille que nous attendons depuis vingt ans -tout est prêt- le problème essentiel est le droit des successions. Dans ce cadre il faudra revenir sur ces questions. Mais déjà, je suis heureux qu'on ait inscrit à l'ordre du jour ce texte qui réglera des difficultés chroniques (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme Nicole Feidt - Notre société se transforme. La législation doit changer avec elle. Nous l'avons fait évoluer en adoptant la loi sur le PACS ; aujourd'hui nous devons intervenir pour remodeler la prestation compensatoire, le système actuel aboutissant à des situations iniques. Le consensus qui est apparu tant sur la nécessité de la réforme que sur son contenu est significatif.

En faisant du versement en capital la règle et de la rente viagère ou temporaire l'exception, alors qu'actuellement, dans 80 % des cas, le juge retient le versement sous forme de rente, ce texte réalise l'objectif que s'était fixé le législateur de 1975.

Les femmes étant de plus en plus nombreuses à travailler, la prestation compensatoire est appelée, à terme, à disparaître. Néanmoins, il convient d'accompagner les évolutions, non seulement en réaffirmant le principe du versement en capital, mais en rendant possible un paiement fractionné et échelonné ainsi qu'une révision des modalités de paiement. S'agissant des rentes viagères, la prise en considération par le juge d'une évolution des ressources du débiteur comme des besoins du créancier permettra de mettre fin à des situations particulièrement choquantes.

Enfin, il est normal que le caractère transmissible de la prestation s'accompagne de la possibilité pour les héritiers du débiteur d'exercer une action en révision.

Ce texte vient pallier les dysfonctionnements apparus dans l'application de la loi de 1975 mais n'en modifie pas l'esprit. En consacrant une évolution importante du statut de la femme mariée et en progressant dans le sens de l'équité, il représente une nouvelle avancée de notre société (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Estrosi - Il était plus que temps que la représentation nationale aborde ce sujet délicat.

Loin de nous l'idée de remettre en cause le devoir de secours résultant d'un divorce mais tout n'a pas été résolu, tant s'en faut, par la loi de 1975.

Le législateur de 1975 avait souhaité que le versement d'un capital soit la solution la plus fréquente, mais sa volonté a été contrariée par l'administration fiscale. L'accord semble unanime sur la nécessité d'une réforme, le système actuel aboutissant à des situations dramatiques. Le fait que les enfants issus d'un remariage et la seconde épouse doivent continuer à payer la rente est particulièrement scandaleux.

Nous nous félicitons des initiatives prises par les sénateurs pour pousser le Gouvernement à l'action.

L'objectif commun à l'ensemble des parlementaires est de mettre fin aux dérives.

Il convient de confirmer que le versement en capital est préférable au paiement d'une rente viagère et, le cas échéant, imposer au juge de fixer la durée du versement de ladite rente. Il faut offrir différentes solutions pour le versement d'un capital, comme l'abandon d'un bien en propriété, sans négliger l'aspect fiscal.

Il faut, bien sûr, prévoir la possibilité de modifier le niveau de la prestation compensatoire en cas de versement de rente, pour faire face à des modifications de ressources, tant de l'époux débiteur que de ses héritiers, et permettre aux juges de statuer sur la capitalisation de ladite rente.

Plus de 16 000 couples ont divorcé en 1996 en assortissant ce divorce d'une prestation compensatoire. La représentation nationale s'honorerait de répondre à l'attente de plusieurs dizaines de milliers de familles françaises (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du Règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

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AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur - L'amendement 1 tend à introduire un premier titre, dont l'intitulé serait « De la prestation compensatoire ».

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Nicolin - Je retire l'amendement 32.

M. Gérard Gouzes - Mon amendement 33 veut signifier que la prestation compensatoire doit être absolument exceptionnelle.

M. le Rapporteur - Rejet car cet amendement touche à l'article 270 du code civil, c'est-à-dire à la définition même de la prestation compensatoire ; ce sujet pourra être évoqué dans une réforme plus large du droit de la famille.

Mme la Garde des Sceaux - Je partage les préoccupations de l'auteur de l'amendement de ne pas faire de la prestation compensatoire un droit systématiquement accordé en cas de divorce, mais au contraire un droit résiduel. Mais tel est déjà le cas : le code civil ne prévoit aucune automaticité en la matière, mais au contraire pose des conditions à apprécier selon chaque cas d'espèce ; en pratique, la prestation compensatoire n'est accordée que dans 13 % des divorces. Par ailleurs, certaines situations justifient pleinement le recours à ce mécanisme : je pense aux femmes qui ont sacrifié leur carrière professionnelle pour élever leurs enfants.

En conséquence, avis défavorable.

M. Gérard Gouzes - Dans la mesure où nous en reparlerons lors de l'examen du projet de loi réformant le droit de la famille, je retire mon amendement.

L'amendement 33 est retiré.

M. Yves Nicolin - Afin que le juge puisse statuer en toute connaissance de cause sur le montant de la prestation, il faut que les patrimoines propres et communs des époux puissent être évalués avec précision, par les parties elles-mêmes ou, à défaut, par un notaire ou un avocat désigné d'office. Tel est l'objet de notre amendement 23.

M. Emile Blessig - L'amendement 35 supprime la référence à l'évolution de la situation des parties « dans un avenir prévisible » pour la fixation de la prestation. On ne peut demander au juge d'être devin. La notion « d'avenir prévisible » est subjective.

M. Gérard Gouzes - L'amendement 34 corrigé est défendu.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces trois amendements, non que leur inspiration soit mauvaise. Il s'agirait, comme le préconise d'ailleurs Mme Dekeuwer-Défossez, de liquider la communauté en même temps que le divorce serait prononcé, comme c'est actuellement le cas pour les seules divorces sur requête conjointe. Cette proposition paraît pour l'heure prématurée. Mieux vaut attendre la réforme d'ensemble de la procédure de divorce.

Quant à la prise en compte par le juge de l'évolution de la situation des parties « dans un avenir prévisible », elle ne paraît pas anormale.

Mme la Garde des Sceaux - Bien que favorable moi aussi à ce qu'on lie la fixation de la prestation compensatoire à la liquidation de la communauté, je juge également cette disposition prématurée. Nous réexaminerons la question à l'occasion du projet de loi réformant le droit de la famille que je vous présenterai début 2001. Pour l'heure, j'invite M. Nicolin à retirer l'amendement 23.

S'agissant de l'amendement 35, j'y suis défavorable bien que je comprenne le souci de son auteur. Il n'y a aucune raison de figer le pouvoir d'appréciation du juge au moment précis du prononcé du divorce alors que des événements sont prévisibles à brève échéance qui peuvent modifier la situation respective des parties.

Quant à l'amendement 34, je comprends là encore que M. Gouzes puisse souhaiter des critères précis pour la fixation du montant de la prestation. Mais ces critères figurent déjà à l'article 272 du code civil. Je ne pense pas par ailleurs souhaitable de poser comme principe général que la prestation compensatoire est « fonction des besoins et des ressources de chacune des parties », sauf à assimiler son régime à celui des pensions alimentaires, avec tous les inconvénients que l'on sait. Je suis donc défavorable à l'amendement 34.

M. Yves Nicolin - J'entends bien les arguments de Mme la Garde des Sceaux. Il n'en reste pas moins que d'ici 2001, on restera sans moyen d'évaluer de manière précise les patrimoines respectifs. Je maintiens donc mon amendement.

Mme Christine Boutin - Le texte que nous allons voter aujourd'hui doit clairement inciter au versement de la prestation compensatoire sous forme de capital et non de rente, à moins que l'on se contente d'un coup d'épée dans l'eau. C'est pourquoi l'amendement 35 me paraît préférable au texte proposé, donnant plus de garanties en ce sens. C'est bien parce que la loi de 1975 ne prévoyait pas expressément que la prestation compensatoire était fixée au moment du divorce que le système de la rente s'est peu à peu installé. Mieux vaudrait pour la sécurité des épouses bénéficiaires comme des époux débiteurs fixer un capital au moment de la rupture, son versement fût-il étalé.

M. Gérard Gouzes - Convaincu par les arguments du rapporteur et de la Garde des Sceaux, je retire mon amendement.

L'amendement 23, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 35.

M. Emile Blessig - L'amendement 36 est défendu.

M. Yves Nicolin - L'amendement 2 est défendu.

M. le Rapporteur - L'amendement 2 propose que l'on tienne compte dans la détermination des besoins et des ressources en fonction desquels est fixée la prestation compensatoire d'une part la durée du mariage, -ce que fait la jurisprudence-, d'autre part la situation professionnelle des époux. Cet amendement satisfait le premier alinéa de l'amendement 24, dont le deuxième alinéa est, quant à lui, inutile.

Pour ce qui est de l'amendement 36, nous l'avons repoussé pour les raisons déjà exposées tout à l'heure.

M. Patrick Delnatte - Le sous-amendement 46 à l'amendement 2 tend à préciser que la prestation compensatoire est fixée en fonction des droits en matière de retraite. Cela est particulièrement important dans la mesure où il existe une forte inégalité des Français devant la retraite.

M. le Rapporteur - Cela va de soi. La jurisprudence en tient systématiquement compte. Cette précision alourdirait donc inutilement le texte.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis favorable à l'amendement 2 même si la jurisprudence prend déjà en compte la durée du mariage et si l'article 272 du code civil mentionne déjà les qualifications professionnelles des époux parmi les critères d'appréciation. Je n'ai aucune objection à ces références supplémentaires.

Quant aux amendements 24 et 36, j'y suis défavorable. Enfin, le sous-amendement 46 est inutile.

L'amendement 36, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 24.

Le sous-amendement 46, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

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ARTICLE PREMIER

M. Didier Quentin - Je suggère par l'amendement 19 d'abandonner la notion de « prestation compensatoire » au profit de celle d'« indemnité de séparation ». En effet la définition de la prestation compensatoire à l'article 270 contredit l'évolution sociale et la recherche d'une égalité croissante entre les sexes.

La rente versée ne saurait viser à pérenniser un statut social considéré comme un droit acquis, mais à indemniser un préjudice causé par la séparation.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Il relève d'un débat beaucoup plus large sur la procédure de divorce et la conception même de la prestation compensatoire.

On ne peut dès aujourd'hui s'engager dans une réforme dont les conséquences ne sauraient d'ailleurs se limiter à une disposition aussi simple. S'il s'agit en effet d'une indemnité qui compense les engagements pris en commun par les époux, il faut alors déconnecter la prestation compensatoire de tout lien avec les torts et griefs dans le divorce. Ce débat, que nous retrouverons au sujet du droit de la famille, va très au-delà de celui d'aujourd'hui.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

Mme Véronique Neiertz - J'appelle l'attention de nos collègues sur le fait qu'une indemnité de séparation, par son contenu philosophique et juridique, n'a rien à voir avec une prestation compensatoire. Cette dernière a pour objet de compenser une différence de revenu et un préjudice financier résultant du divorce. Une indemnité de séparation, logiquement, devrait au contraire être versée aux deux personnes : au nom de quoi ? Comment l'évaluer ? Nous parlons là de tout autre chose. C'est peut-être un débat qu'on peut avoir, mais cela n'entre pas dans le champ de la prestation compensatoire telle qu'elle est définie en 1975 comme aujourd'hui.

L'amendement 19, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Nicolin - L'amendement 26 tend, sinon à éviter certaines hypocrisies, du moins à éliminer de la loi certains objectifs. Un de nos anciens collègues, aujourd'hui au Conseil constitutionnel, détestait les adjectifs, il avait raison. Je propose donc de supprimer la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article. Que dit en effet l'article 273 ? Que la prestation ne peut être révisée qu'en cas de changement « substantiel » dans les ressources ou les besoins des parties. Mais à l'article 2 bis la commission proposera d'ouvrir la possibilité de la révision. A l'article premier, soyons donc simples : supprimons l'adjectif « substantiel », et disons simplement que la prestation compensatoire a un caractère forfaitaire ; nous traiterons de la révision ultérieurement.

M. le Rapporteur - On touche là à l'architecture générale du texte. Vous envisagez une disposition qui permettrait d'engager la procédure de révision de la prestation versée sous forme de rente sur simple demande d'une partie, dès qu'elle l'estimerait possible ou nécessaire. En l'état actuel de la rédaction de la proposition, si vous supprimez tout adjectif et ne précisez donc pas dans quelles conditions peut s'engager la révision, vous revenez au dispositif antérieur à 1975. Or il ne faut pas oublier pourquoi le législateur est intervenu en 1975 : c'est que le mouvement d'opinion, qui se manifeste aujourd'hui contre l'application de la loi de 1975, se manifestait déjà contre ce combat judiciaire permanent qui opposait les ex-conjoints tout au long de leur vie. Il faut donc préciser les conditions de révision de la prestation compensatoire.

En outre, de quelle révision parlez-vous ? Dans notre dispositif la révision n'est possible qu'à la baisse. A trop en ouvrir la possibilité, craignez d'aboutir à des résultats contraires à l'objectif, et de rendre possible des révisions à la hausse. Il nous faut un dispositif cohérent et précis. C'est pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

Mme la Garde des Sceaux - Je partage l'analyse du rapporteur. Il faut bien sûr assouplir les conditions de la révision : nous sommes là pour cela. Mais il faut éviter de revenir au système de la pension alimentaire. C'est pourquoi les amendements 5 et 8 de la commission, que nous examinerons tout à l'heure, me semblent mieux répondre à ces préoccupations que l'amendement 26.

M. Yves Nicolin - Je ne suis pas sûr que l'adjectif « substantiel » apporte un garde-fou ou une quelconque garantie. Ce qui est substantiel pour vous ne le sera peut-être pas pour un juge. D'autre part je ne crois pas à la possibilité d'une révision à la hausse. Il serait étonnant que le débiteur la demande. En outre le juge détermine un montant destiné à compenser la perte d'une situation antérieure au divorce ; il ne se détermine pas par rapport à une situation postérieure. Je maintiens que des termes comme « substantiel » ou « important » sont flous et n'apportent rien.

L'amendement 26, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Emile Blessig - Je propose par l'amendement 37 de substituer à la dernière phrase de cet article les deux phrases suivantes : « Son montant est obligatoirement chiffré sous la forme d'un capital. Il ne peut être révisé ». Il est partiellement satisfait par l'amendement 3 de la commission ; le mien toutefois prévoit expressément la non-révisabilité, s'agissant d'un capital.

M. Yves Nicolin - L'amendement 25 a pour but d'aider les juges. Selon les ressorts, l'évaluation du capital peut être totalement différente. Nous proposons donc qu'un décret fixe un barème indicatif, c'est-à-dire une fourchette. Il ne s'agit pas d'interférer avec les décisions des juges, mais de permettre qu'elles soient plus homogènes.

M. le Rapporteur - L'amendement 3 de la commission est peut-être l'amendement essentiel de cette réforme. Celle-ci écarte la disposition étrange qui interdisait la révision en dehors de circonstances d'une « exceptionnelle gravité ». Cette formulation presque célèbre va donc disparaître du code civil par l'amendement 3, qui tend à rédiger ainsi la dernière phrase de l'article : « Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge ». Cette formulation me semble satisfaire l'amendement de M. Blessig.

Reste la question du barème. Etablir un barème me semble impossible, compte tenu de la complexité et du nombre des paramètres -la durée du mariage, l'âge respectif des époux, leur avenir prévisible, etc.- ainsi que la diversité des situations.

La question pourrait alors se poser dans d'autres circonstances, à vrai dire à chaque fois qu'il s'agit de fixer le montant d'une indemnité : en cas d'accident de la circulation par exemple. Imagine-t-on la difficulté de définir un barème tenant compte des séquelles dans toutes leurs variantes ? Dans ces cas-là, comme pour la prestation compensatoire, un pouvoir d'appréciation doit être laissé aux juges. D'autre part, l'uniformisation, si on la souhaite, peut être obtenue beaucoup plus facilement que dans le passé, par l'utilisation des moyens modernes de communication et de stockage de données. Je pense enfin peu probable que les justiciables apprécient de voir leur situation personnelle traitée dans le cadre rigide d'un barème.

M. Patrick Delnatte - Je ne suis pas de votre avis. Il faut, c'est vrai, laisser aux juges un pouvoir d'appréciation. Mais ils constatent eux-mêmes combien les décisions prises diffèrent selon les juridictions, et ils s'attachent à les uniformiser au sein des cours. Pourquoi ne pas étendre à l'ensemble du territoire cet effort d'uniformisation, et empêcher ainsi que les justiciables aient affaire à ce qu'il faut bien qualifier de loterie, selon qu'ils habitent Lille ou Marseille ? Le sous-amendement 47 tend à remédier à cette situation.

M. le Rapporteur - Mais l'on pourrait appliquer le même raisonnement dans tous les cas où un juge est amené à se prononcer ! Devrait-il en être ainsi, par exemple, lorsqu'il faut fixer la pension alimentaire des enfants ? Je ne le pense pas.

M. Patrick Delnatte - Le sous-amendement 45 est défendu.

Mme la Garde des Sceaux - J'approuve l'amendement 3, qui traduit un des principes fondamentaux de la réforme, dans une rédaction plus précise que l'amendement 37, qu'il satisfait. Pour ce qui est de l'amendement 25, je ne suis pas non plus d'avis qu'il faille figer les choses et, ce faisant, substituer à un dispositif que l'on révise parce qu'il est trop rigide un autre tout aussi rigide. Il faut laisser un pouvoir d'appréciation aux juges ; c'est pourquoi je suis défavorable au sous-amendement 47. Je considère enfin que la disposition préconisée par le sous-amendement 45 doit être examinée dans le cadre de la réforme globale du droit de la famille.

M. Patrick Delnatte - On le sait, la liquidation du régime matrimonial peut, dans certains cas, prendre jusqu'à dix ans ! Disposer, comme il est proposé dans le sous-amendement 45, que le juge peut surseoir à statuer sur le montant du capital jusqu'à la liquidation du régime matrimonial et, dans ce cas, allouer une prestation compensatoire provisionnelle, c'est répondre à un v_u de la délégation aux droits de la femme.

M. Yves Nicolin - Le rapporteur nous dit qu'il serait inopportun de fixer un barème, au motif que l'on ne peut envisager la multitude des cas individuels. Mais ce n'est pas ce que nous demandons ! Ce qu'il faut déterminer, c'est un barème fondé sur le capital et les revenus des conjoints au moment du divorce, et l'appliquer en tous points du territoire. Ainsi en finirait-on avec des disparités bien réelles, et que rien ne justifie. On fixe bien une fourchette de peines ! Pourquoi refuser un barème permettant de fixer des prestations compensatoires d'un montant identique que l'on vive et divorce au sud ou au nord du pays ?

M. Emile Blessig - L'ancienne rédaction de l'article premier précisait que le montant de la prestation compensatoire ne pouvait être révisé. Cette mention a disparu. Si elle était réaffirmée dans ce débat, je retirerais l'amendement 37.

M. le Rapporteur - C'est une des propositions essentielles de la commission : dès lors que la prestation compensatoire est versée sous forme de capital, elle n'est jamais révisable. Seules peuvent être révisées les modalités de paiement.

M. Emile Blessig - Je retire l'amendement 37.

L'amendement 25, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les sous-amendements 47 et 45.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 44 n'est pas défendu.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

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APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Yves Nicolin - La possibilité de réviser une rente actuellement servie au titre de la prestation compensatoire doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments utiles.

M. Gérard Gouzes - Un barème ! Un barème !

M. Yves Nicolin - Ne dénaturez pas nos propos ! Je constate qu'en votant les propositions de la commission, l'opposition se montre bien plus constructive que la majorité, qui repousse tous nos amendements !

Il faut, certes, tenir compte des conséquences de la séparation au moment où elle survient, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, et c'est ce qu'ont fait les juges jusqu'à présent. Mais si la possibilité de révision de la rente servie est ouverte, il faut prendre en considération tous les éléments d'appréciation de la situation nouvelle et, en particulier, le montant total des sommes versées par l'époux créancier et l'évolution de la situation familiale personnelle de chacune des parties. D'où l'amendement 27.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement, qui n'a pas sa place à cet endroit du texte et qui devrait être retiré.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis très défavorable à cet amendement qui conduirait à élargir de manière substantielle la possibilité de réviser les rentes versées au titre de la prestation compensatoire et en corollaire, à ressusciter les contentieux auxquels le législateur de 1975 avait voulu mettre fin. Les facultés de révision de la prestation compensatoires doivent être strictement encadrées.

M. Yves Nicolin - Je souhaite prendre la parole.

M. le Président - Le vote est ouvert.

L'amendement 27, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Nicolin - J'aurais aimé avoir l'occasion de m'exprimer.

M. le Président - Le Règlement me donne la possibilité, mais ne me fait pas l'obligation, de laisser tous les orateurs prendre la parole. Je l'ai fait autant que je l'ai pu jusqu'à présent, et je le ferai encore, jusqu'à ce que le débat soit clos, à l'heure prévue.

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ARTICLE PREMIER bis

M. le Rapporteur - L'amendement 4 tend à supprimer cet article qui donne compétence au juge aux affaires familiales pour connaître des demandes de révision de la prestation compensatoire, ses dispositions étant replacées à la suite des dispositions relatives au régime de la prestation compensatoire.

Mme la Garde des Sceaux - Favorable.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté et l'article premier bis est supprimé.

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ARTICLE PREMIER ter

M. Didier Quentin - L'amendement 20 est défendu.

L'amendement 20, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier ter, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ARTICLE PREMIER ter

M. Yves Nicolin - Je retire l'amendement 28. Comme cela, nous serons couchés à 1 heure...

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ARTICLE PREMIER quater

M. Emile Blessig - L'amendement 38 tombe.

M. le Rapporteur - Avec l'amendement 5, nous en venons à une disposition essentielle du texte puisque nous ouvrons au juge, par une nouvelle rédaction de l'article 276 du code civil, la possibilité de fixer les paiements du capital, sur une période de huit ans, sous forme de versements mensuels ou annuels, indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

Le montant du capital initial ne pourra jamais être révisé, seules les modalités pourront être modifiées, en cas de changement notable de situation, et à la demande uniquement du débiteur.

A titre exceptionnel, en cas de difficultés à la fin de la période, le juge pourra aménager les versements au-delà de la huitième année. Les héritiers d'un débiteur décédé disposeront aussi de la possibilité de demander un aménagement.

Enfin, le débiteur pourra demander à se libérer par anticipation du solde du capital.

J'ajoute que cet amendement, qui revient aux principes chers au législateur de 1975, a été signé non seulement par des députés de la majorité mais aussi de l'opposition, dont nous avons pris les arguments en considération.

Mme la Garde des Sceaux - Dès lors que le principe retenu est celui du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital, toutes les conséquences doivent en être tirées, y compris au niveau de la succession. En matière successorale, les dettes se transmettent aux héritiers au-delà de l'actif de la succession et ils en sont tenus sur leurs biens personnels. S'ils veulent s'assurer que les biens successoraux sont suffisants pour acquitter la prestation, ils peuvent invoquer le bénéfice d'inventaire qui leur permettra de ne pas être redevables personnellement des dettes du défunt. Dans l'hypothèse où la succession est déficitaire, les héritiers peuvent y renoncer et ne sont alors tenus d'aucun passif. Ainsi, les règles de droit commun répondent déjà à la préoccupation de la commission de ne pas voir les héritiers du débiteur tenus à titre personnel. Il n'y a donc pas lieu d'inscrire une disposition spécifique.

En conséquence, le sous-amendement 52 du Gouvernement vise à la supprimer.

M. Patrick Delnatte - Le sous-amendement du Gouvernement marque un véritable recul. On risque ainsi de faire perdurer des situations très mal vécues que le texte de la commission permettrait de régler.

M. Yves Nicolin - Pour des cas douloureux comme celui de Pauline et de Stéphane que j'évoquais tout à l'heure, ce sous-amendement réduirait à néant tous les efforts que nous faisons ce soir, en obligeant des enfants à rembourser une dette à des personnes étrangères. Je suis donc favorable à l'amendement de la commission et hostile au sous-amendement du Gouvernement.

Le sous-amendement 52, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 5, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté et l'article premier quater est ainsi rédigé.

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ART. 2

M. Emile Blessig - L'amendement 39 reprend l'idée selon laquelle le juge devrait fixer le montant de la prestation en capital et, seulement en cas de circonstances particulières, le transformer en rente viagère.

C'est ce qui distingue la position de l'UDF de celle de la commission.

M. le Rapporteur - Nous avons posé comme règle générale le versement de la prestation en capital. On peut se demander s'il fallait en rester là et si l'ensemble des situations étaient ainsi prises en compte. Nous avons considéré qu'il fallait aller plus loin et nous précisons donc qu'à titre exceptionnel, dans certaines situations liées à l'âge et à l'état de santé de l'épouse, la rente doit pouvoir perdurer. Tel est l'objet de l'amendement 6 de la commission.

M. Blessig propose que le capital représentatif de la rente viagère soit également fixé. Mais dans quel ordre le juge raisonnerait-il ? En fait, il fixerait le montant mensuel nécessaire -car on sait bien qu'en fait la rente est plus alimentaire qu'indemnitaire- et capitaliserait ensuite.

Dans notre dispositif, nous permettons au débiteur de demander au juge de remplacer la rente par un capital. Cela me semble mieux répondre à la préoccupation de M. Blessig que le système qu'il propose. La commission a donc repoussé son amendement.

M. Patrick Delnatte - Par le sous-amendement 48 corrigé, nous proposons que la rente ne puisse dépasser 30 % des revenus nets d'impôts du débiteur. Cela favoriserait aussi une certaine harmonisation.

M. le Rapporteur - Le remède serait pire que le mal. Dans les faits, ce plafond de 30 %, que vous croyez protecteur, deviendrait vite la règle et vous n'auriez guère rendu service aux justiciables. Je suis donc fermement opposé à ce sous-amendement.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis favorable à l'amendement 6 car le recours à la rente viagère doit demeurer l'exception et car les critères retenus -âge et état de santé du créancier- me paraissent tout à fait pertinents.

L'amendement 39 me semble déjà satisfait par l'amendement 6, dont la rédaction est meilleure.

Enfin, le sous-amendement 48 corrigé limiterait considérablement le pouvoir d'appréciation du juge, alors que les cas d'espèce sont très divers. Il serait en outre source d'un abondant contentieux après divorce.

L'amendement 39, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 48 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté et l'article 2 est ainsi rédigé

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ART. 2 bis

M. Yves Nicolin - L'amendement 39 reprend celui que j'ai défendu tout à l'heure et que le rapporteur avait alors jugé hors de propos. J'aimerais qu'il me réponde cette fois sur le fond. Ne pense-t-il pas que lorsque le créancier d'une prestation compensatoire sous forme de rente refait sa vie, il n'est plus fondé à profiter de la rente mensuelle versée par le premier époux ?

M. Didier Quentin - Mon amendement 21 prévoit ceci : « A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente ou du capital est non transmissible aux héritiers. »

Ce serait plus juste à l'égard de ceux qui ne sont pas responsables des aléas de la vie de leurs parents. A cause de cette transmissibilité, certains divorcés hésitent à se remarier afin de ne pas compromettre l'avenir, d'autres déshéritent leurs enfants pour leur éviter un tel passif. Tâchons d'éviter des conflits dans les familles recomposées.

M. le Rapporteur - On avance souvent que le principe même de la transmission est un scandale et qu'il faut la supprimer. Mais nous touchons à la vie des gens et il faut prendre des exemples concrets.

Un homme a été marié 25 ans puis divorce. Il est aisé et paye une prestation compensatoire. Il se remarie, crée une famille et décède. Ses héritiers, aisés, auront à prendre en charge une ex-épouse âgée et souvent sans revenus. Dans ce cas, refuser la transmission de la prestation compensatoire, c'est renvoyer cette dernière au RMI ou à la charge de la société. Serait-ce juste ?

Prenons maintenant le cas où la personne qui touche la prestation se remarie et se trouve dans une situation qui ne justifie plus cette transmission. C'est ce cas là qui pose problème et qu'il nous faut régler. Nous le faisons en permettant au juge de diminuer le montant de la prestation compensatoire. Nous prenons donc en considération l'évolution de la situation du créancier et plus seulement du débiteur comme le faisait la loi de 1975. Mais l'amendement 7 maintient l'hérédité de la rente viagère.

M. Patrick Delnatte - Si nous acceptons la transmission de la rente viagère, pour éviter les contentieux avec les héritiers, je propose par mon sous-amendement 49 que la prestation compensatoire soit alors automatiquement transformée en capital.

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Je souscris à l'analyse du rapporteur et à l'amendement 7. Avis défavorable sur les amendements 29, 21 et sur le sous-amendement 49.

Les amendements 29 et 21, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Le sous-amendement 49, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 7, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 bis est ainsi rédigé

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APRÈS L'ART. 2 bis

M. le Rapporteur - L'amendement 8 prévoit que la prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère peut être révisée à la baisse en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties.

L'action en révision est ouverte au débiteur et à ses héritiers.

Mme la Garde des Sceaux - J'en suis d'accord. Mais il faudrait peut-être réfléchir plus à la possibilité de laisser le créancier demander aussi une révision. Sagesse.

Mme Véronique Neiertz - La rente viagère doit devenir exceptionnelle et en prévoyant sa révision à la baisse l'amendement 8 nous fait faire un grand pas. Mon sous-amendement 54 va plus loin en rendant possible sa suppression totale. Celle-ci pourrait intervenir dans deux cas : lorsque le débiteur est chômeur en fin de droit ou surendetté passif et donc en situation dramatique ; lorsque les revenus de l'ex-conjoint ont beaucoup augmenté. La rente viagère devient très dérogatoire. Montrons qu'elle peut disparaître.

M. Yves Nicolin - Mon sous-amendement 30 tient compte d'un éventuel remariage du créancier. Il change alors de vie, c'est un élément important.

M. le Rapporteur - Dans cette rédaction, l'amendement va à l'encontre de votre objectif.

Vous proposez d'écrire : « Un tel changement peut résulter notamment du mariage du créancier ou lorsque celui-ci a conclu un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage notoire. »

C'est une formulation très restrictive ; pour notre part, nous pensons aussi à la capacité que doit avoir le débiteur de faire prendre en considération sa nouvelle situation par le juge. Mieux vaut, donc, s'en tenir à une rédaction générale, faute de quoi la jurisprudence risque de considérer votre liste comme limitative.

La commission n'a pas examiné le sous-amendement 54 mais j'y suis tout à fait favorable.

Mme la Garde des Sceaux - Sur le sous-amendement 54, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée. Avis défavorable au sous-amendement 30.

Le sous-amendement 54, mis aux voix, est adopté.

Le sous-amendement 30, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 8 sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Je vous propose, plutôt que de nous arrêter à une heure, d'aller jusqu'à une heure trente pour terminer l'examen du texte, ce qui implique que l'on aille à un rythme soutenu (Assentiment).

M. le Rapporteur - L'amendement 9 tend à autoriser le débiteur à demander au juge la substitution d'un capital à une rente viagère.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable si le sous-amendement 53 du Gouvernement est adopté ; sagesse dans l'autre cas.

M. Emile Blessig - Je retire le sous-amendement 40.

Le sous-amendement 53, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 9 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Emile Blessig - Je défends en même temps les amendements 41 rectifié et 43, qui tendent à rétablir l'équité fiscale entre les débiteurs de prestations compensatoires. Il convient de permettre l'imputation du capital sur le revenu global. Ces amendements sont gagés sur les articles 575 et 575 A.

M. le Rapporteur - Actuellement, les rentes temporaires sont déductibles. Les personnes qui, du fait de la suppression des rentes temporaires, ne bénéficieront plus de cette déduction ne doivent pas être pénalisées sur le plan fiscal. Techniquement, il serait difficile d'adopter ces amendements mais, Madame la ministre, nous souhaiterions que le Gouvernement s'engage à trouver une solution.

Mme la Garde des Sceaux - C'est une question très importante mais complexe. Du fait de la progressivité de l'impôt sur le revenu, le mécanisme proposé pourrait entraîner une imposition lourde pour le créancier. Le sujet doit être approfondi. En accord avec le ministre des finances, je m'engage à ce qu'une solution soit trouvée d'ici à la prochaine lecture (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe UDF). Dans ces conditions, je souhaite le retrait de ces amendements.

M. Patrick Delnatte - Nous prenons acte de cet engagement, en espérant que la prochaine lecture interviendra rapidement...

Les amendements 41 rectifié et 43 sont retirés.

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ART. 2 ter

M. le Rapporteur - L'amendement 10 tend à compléter cet article par les mots « ou du capital ».

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

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ART. 2 ter

M. le Rapporteur - L'amendement 10 de la commission se justifie par son texte même.

L'amendement 10, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 2 ter ainsi modifié.

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APRÈS L'ART. 2 ter

M. le Rapporteur - L'amendement 13 tend à donner compétence au juge des affaires familiales pour statuer sur les demandes de révision.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 14 est de coordination.

L'amendement 14, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 11 précise les formes que peut prendre la prestation compensatoire dans le cas d'un divorce sur requête conjointe. Les époux pourront notamment, s'ils le souhaitent, convenir d'une prestation versée sous forme de rente temporaire.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 12 est de coordination.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, est adopté.

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AVANT L'ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 15 corrigé se justifie par son texte même.

L'amendement 15 corrigé, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité.

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ART. 4

M. Emile Blessig - Je retire mon amendement 42 déjà satisfait.

L'amendement 42 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 16 tend à ouvrir la possibilité au débiteur et à ses héritiers de demander la révision à la baisse d'une rente viagère lors de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté à l'unanimité et l'article 4 est ainsi rédigé.

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APRÈS L'ART. 4

M. Yves Nicolin - Je retire l'amendement 22.

L'amendement 22 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 17 ouvre les mêmes possibilités pour les rentes temporaires que l'amendement 16 pour les rentes viagères.

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

M. le Rapporteur - L'amendement 18 prévoit que dès l'entrée en vigueur de la loi, les pensions de réversion sont déduites de plein droit des prestations compensatoires en cours de versement. Il a paru normal d'appliquer le droit futur aux situations existantes... de façon que le décès de l'ex-conjoint ne soit plus jamais une bonne nouvelle se traduisant par une amélioration de la situation de l'ex-conjoint survivant.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis favorable à la déduction des pensions de réversion des prestations compensatoires mais celle-ci ne peut pas être automatique pour celles fixées avant l'entrée en vigueur de la réforme, comme le propose la commission. En effet, les bénéficiaires de ces rentes, s'ils n'ont pas de droit acquis au cumul des deux, peuvent se trouver dans des situations où la déduction brutale de la pension de réversion leur créerait des difficultés financières parfois insurmontables.

Le Gouvernement juge donc préférable de laisser plus de latitude au juge qui appréciera la situation dans chaque cas d'espèce. Tel est l'objet de l'amendement 50.

M. Gérard Gouzes - Les deux amendements poursuivent le même objectif mais celui du Gouvernement a l'avantage de la souplesse. Il permettra d'éviter des injustices.

M. Pierre-Christophe Baguet - Nous voterons l'amendement du Gouvernement.

L'amendement 18, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 50, mis aux voix, est adopté.

Mme la Garde des Sceaux - L'amendement 51 tend à prévoir que le nouveau régime s'applique aux instances pendantes.

M. le Rapporteur - Cet amendement est tout à fait opportun.

L'amendement 51, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Mes chers collègues, je me permets de vous féliciter pour le rythme du débat.

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Yves Nicolin - Ce texte, que nous avons discuté en un temps record, permettra des avancées tout à fait positives. Nous n'avons certes pas obtenu gain de cause sur tous les points, mais les prochaines lectures comme l'examen du futur projet de loi relatif au droit de la famille nous donneront d'autres occasions.

De ce débat, il ressort deux clivages essentiels entre la majorité et l'opposition sur le sujet. Tout d'abord, sur la question de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers. Ensuite, sur celle de la fiscalité : nous prenons acte des engagements du Gouvernement en ce domaine mais le débat devra se poursuivre afin de rendre cette fiscalité la plus neutre possible. Enfin, Madame la Garde des Sceaux, que comptez-vous faire pour faire face à l'afflux de demandes de révision que suscitera immanquablement cette loi ? Plusieurs tribunaux, déjà engorgés, ont fait part de leurs inquiétudes.

Le groupe Démocratie libérale votera ce texte qui transforme la prestation compensatoire de rente en capital. Comment pourrait-il ne pas le faire alors que pour une fois le groupe socialiste, le groupe communiste et celui des Verts sont favorables au capital ? (Sourires)

M. Gérard Gouzes - Le groupe socialiste se félicite de ce débat sérieux, même si M. Nicolin vient de plaisanter, qui a abouti à un texte équilibré. Cela représentera une libération pour tous les divorcés qui subissent aujourd'hui une situation injuste.

La prestation compensatoire ne sera plus confondue avec la pension alimentaire ; elle sera dorénavant versée sous forme d'un capital forfaitaire sauf exception, laquelle devra être motivée ; elle reste transmissible aux héritiers -je suis heureux de voir que sur ce point, c'est le groupe Démocratie libérale qui est contre l'héritage : nul doute que ses électeurs apprécieraient qu'il développe cette idée ! (Sourires) Cette prestation sera également révisable, ce qui permettra de sortir de situations inextricables particulièrement injustes. Enfin, il aura aussi été tenu compte de la situation des créanciers éventuellement en difficulté. En effet, à une injustice que nous réparons ne doit pas succéder une autre injustice.

Je remercie notre excellent rapporteur et tous ceux qui, sur tous les bancs, ont appuyé cette réforme tant attendue. Le groupe socialiste votera ce texte qui participe de la modernisation du droit de la famille que vous avez entreprise, Madame la Garde des Sceaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Delnatte - Le groupe RPR le votera également. Il regrette toutefois que n'aient pas été adoptés des amendements qui visaient à simplifier le dispositif afin d'éviter les contentieux. Là est notre inquiétude : c'est que le texte laisse encore beaucoup de place à l'intervention du juge, ce qui fait craindre un alourdissement du contentieux, voire des dérives. Nous le voterons toutefois ; après quoi il faudra une bonne réforme du droit de la famille, redonnant un certain nombre de repères.

M. Alain Tourret - C'est en effet un fort bon texte, que nous approuvons pleinement. Je ferai cependant quelques observations. Après tout, le législateur de 1975 était peut-être lui aussi un bon législateur : les dérives observées sont avant tout celles de la jurisprudence et des magistrats. La loi de 1975 voulait un capital, non une rente. Mais de nombreux tribunaux ont, par facilité, fait prévaloir la rente, nous obligeant aujourd'hui à légiférer. Ce qui me conduit à m'interroger sur l'ouverture qui persiste et qu'à coup sûr les magistrats exploiteront. Qu'on le veuille ou non, en effet, ils sont favorables à la rente, pas au capital, et je crains qu'ils n'utilisent la moindre meurtrière que nous aurons laissé subsister. Toutefois notre débat d'aujourd'hui aura été suffisamment clair, et je pense que la volonté du Parlement devra cette fois primer sur celle des magistrats.

L'équilibre entre les droits des créanciers et ceux des débiteurs est un gage de pérennité. Pour conclure je veux féliciter particulièrement M. le rapporteur et Mme la Garde des Sceaux pour le travail accompli, qui nous permet d'aboutir à une aussi bonne loi.

M. Emile Blessig - Le propos de ce débat était de rectifier certaines dérives et de mieux définir pour l'avenir les conditions d'allocation de la prestation compensatoire, mais aussi de réparer les injustices apparues depuis vingt-cinq ans dans l'application de la loi de 1975. Bien que nous n'ayons pu nous accorder sur tout, ce qui est normal, notre débat a été utile et riche. Il permettra d'apporter dès maintenant une réponse aux préoccupations de nos concitoyens concernés, et de réparer les injustices. Mais il contribue aussi à préparer l'avenir, d'abord sur le plan fiscal, pour éviter que la loi ne soit annulée par la persistance de dispositions fiscales restrictives ; mais aussi dans la perspective de la réforme du droit de la famille et du divorce, qui était présente à l'arrière-plan de ce débat. Bien entendu le groupe UDF votera ce texte.

M. Bernard Outin - Dès la discussion générale j'ai dit que le groupe communiste soutiendrait ce texte, qui comporte des avancées ; et je confirme que nous le voterons (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Je me félicite d'avoir présidé une soirée aussi consensuelle.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Mme la Garde des Sceaux - Je veux remercier votre Assemblée de cet excellent travail, et votre commission ainsi que son rapporteur pour avoir apporté une amélioration considérable au travail déjà fait. Je suis très heureuse que cette loi soit votée à l'unanimité. Je souligne le caractère constructif des propositions de l'opposition et je remercie M. le Président de nous avoir permis de conduire à leur terme nos travaux, avec la célérité, mais aussi la compétence qui lui sont habituelles.

M. le Président - Je vous remercie de ces compliments, et je remercie l'Assemblée qui a fait les efforts nécessaires pour que la séance se termine dans les délais prévus.

Prochaine séance ce matin, jeudi 24 février, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 20.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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