Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1999-2000)

Session ordinaire de 1999-2000 - 59ème jour de séance, 139ème séance

1ÈRE SÉANCE DU MERCREDI 1ER MARS 2000

PRÉSIDENCE de M. Laurent FABIUS

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

SERVICE PUBLIC DU CADASTRE 2

CONTRIBUTION DES ENTREPRISES AUX DÉPENSES
SOCIALES DE LA NATION 2

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE 3

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE 4

AMNISTIE EN CORSE 5

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE 6

TRAFIC DE STUPÉFIANTS À LA MARTINIQUE 7

INSÉCURITÉ 8

POLITIQUE HOSPITALIÈRE 8

FORMATION DES JEUNES SPORTIFS 9

CONDITIONS DE VIE ET DE TRAVAIL DES GENDARMES 10

SÉCURITÉ ROUTIÈRE 11

PROTECTION DES TRÉSORS NATIONAUX 12

ARTICLE PREMIER 26

ART. 2 27

ART. 3 27

ART. 4 28

APRÈS L'ART. 4 28

ART. 4 BIS 30

ART. 5 31

APRÈS L'ART. 6 34

ART. 7 34

EXPLICATIONS DE VOTE 34

RÉUNION D'UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE 35

La séance est ouverte à quinze heures.

      Top Of Page

      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Top Of Page

SERVICE PUBLIC DU CADASTRE

M. Gérard Saumade - Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ma question concerne le service public cadastral qui assure une mission essentielle en matière fiscale et foncière. Il produit en effet le plan parcellaire, qu'il met gratuitement à la disposition des communes et des particuliers. Il s'agit d'un domaine où la coopération entre l'Etat et les collectivités est exemplaire.

Or un projet interne de la direction générale des impôts tend à transférer ces compétences à l'Institut géographique national. Ainsi, le cadastre abandonnerait toute activité topographique et le corps des géomètres du cadastre serait éteint. Comme vous l'imaginez, cette orientation inquiète les personnels concernés comme les élus, d'autant qu'elle entraînerait la fin de la gratuité du service. S'il est nécessaire de réformer certains services publics, à quoi bon bouleverser ceux qui donnent satisfaction à tous ?

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si les missions topographiques, foncières et fiscales du cadastre seront mises en cause et, en toute hypothèse, quelles mesures vous entendez prendre pour garantir l'avenir du service public cadastral et de ses personnels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe du RPR)

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Comme vous, Monsieur le député, je crois au service public. Le service public du cadastre est utile à nos concitoyens et aux collectivités. Il est assuré par plus de 6 000 agents de très grande qualité...

Plusieurs députés UDF - La question !

Mme la Secrétaire d'Etat - ...et il a une mission fiscale et topographique...

Plusieurs députés UDF - On le sait !

Mme la Secrétaire d'Etat - Il va de soi qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause ces missions... (« Ah ! » sur les divers bancs) qu'il faut, à l'inverse, conforter. Il est vrai qu'une réflexion est actuellement conduite au sein de la DGI pour les adapter aux nouvelles technologies, mais je puis vous affirmer qu'aucun projet n'est à ce jour arrêté,...

M. Gérard Saumade - Tant mieux !

Mme la Secrétaire d'Etat - ...que les décisions qui seront prises n'altèrent en rien les missions du cadastre et que les élus en seront les premiers informés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Top Of Page

CONTRIBUTION DES ENTREPRISES AUX DÉPENSES SOCIALES DE LA NATION

M. Pierre Goldberg - Monsieur le Premier ministre, l'amélioration de la situation économique se traduit par un niveau exceptionnel de rentrées fiscales mais aussi par la situation financière favorable des entreprises. En 1999, la Bourse a ainsi progressé de plus de 51 % et la cagnotte financière des grandes entreprises privées explose (« Ah ! » sur divers bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Elle pourrait être utilisée avec le plus grand profit pour couvrir les dépenses sociales et d'investissement. Or, si rien n'est fait, elle ira pour l'essentiel à la spéculation financière (« Oh » ! sur divers bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Et les entreprises, toujours en quête de taux de rentabilité records, en profitent pour écraser les salaires et pour supprimer des postes de travail. Il est urgent de les mettre à contribution...

Un député DL - Il se trompe de millénaire !

M. Pierre Goldberg - ...pour répondre aux besoins du pays en matière hospitalière, sociale ou d'aide à l'investissement des PME et des PMI. Peut-on continuer de dire que l'on ne dispose pas de moyens suffisants pour couvrir ces dépenses ? Quelles mesures entendez-vous prendre, Monsieur le Premier ministre, pour que les fruits de la croissance profitent à tous et soient mieux mobilisés dans la bataille pour le plein emploi que vous affichez comme votre priorité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Comme le groupe communiste -qui y a poussé- le sait, les grandes entreprises ont été mises à contribution depuis 1997 et elles participent à la solidarité nationale. Ainsi, les plus-values financières sont désormais taxées au taux plein de l'impôt sur les sociétés, l'avoir fiscal a été ramené de 50 à 40 % des sommes distribuées, les dividendes entre sociétés « mères » et « filles » sont passibles d'un taux d'imposition de 5 % et les bénéfices sont soumis à une nouvelle contribution sociale de 1,1 % pour financer la réduction du temps de travail. Comme vous le voyez, les grandes entreprises ont été invitées à développer leur activité productive, à créer des emplois et à privilégier la création de richesses plutôt que la spéculation. Résultat : l'impôt sur les bénéfices des sociétés a rapporté 288 milliards en 1999 contre 223 l'année précédente et vous savez que cette heureuse surprise a donné lieu à quelques débats...

S'agissant du partage des fruits de la croissance en 2000, la loi de finances qui a été votée comprend plusieurs dispositions importantes et le collectif du printemps prochain témoignera d'efforts plus importants encore dans le sens de la justice sociale et du plein emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Top Of Page

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE

M. Bernard Birsinger - Monsieur le ministre de la fonction publique, le groupe communiste n'est pas satisfait de l'échec de la négociation sur les 35 heures dans la fonction publique. Le Gouvernement ne peut se contenter de renvoyer chaque fonction publique à des négociations isolées, et s'agissant de la fonction publique territoriale, au niveau de chaque collectivité. Une telle orientation est de nature à accroître les disparités qui existent déjà et à rompre l'unicité du service public.

C'est pourquoi nous réaffirmons notre attachement à la conclusion d'un accord-cadre. Le Gouvernement doit revoir sa copie et ne peut maintenir sa position selon laquelle la réduction du temps de travail ne serait pas créatrice d'emploi dans la fonction publique. Notre société a besoin de plus de fonctionnaires... (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) et de services publics de proximité dans les domaines de la solidarité, de la santé, de la sécurité ou de la culture. La tempête a démontré leur efficacité. Ne l'oublions pas parce que les beaux jours reviennent ! Les personnels hospitaliers ont obtenu une rallonge budgétaire de 3,8 milliards au titre de l'exercice 2000. C'est une étape importante mais le Gouvernement aurait gagné du temps s'il avait prêté plus d'attention aux propositions de notre groupe lors du vote du budget (Bruits sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Allez-vous, Monsieur le ministre, faire de nouvelles propositions aux cinq millions de fonctionnaires afin qu'ils entraînent avec eux le pays vers le plein emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Les 35 heures seront mises en _uvre dans la fonction publique, dans le cadre d'une négociation déconcentrée, service par service, hôpital par hôpital, collectivité par collectivité...

Un député RPR - C'est économique !

M. le Ministre - Pour éviter les disparités qui pourraient découler d'une telle approche, nous avions souhaité aller vers un accord-cadre qui pose quelques principes communs. En dépit d'une bonne préparation et de longues discussions, la démarche n'a pas abouti. Une organisation syndicale était prête à s'engager. Les autres, tout en reconnaissant les progrès réalisés, n'ont pas suivi et je le regrette.

Les syndicats ont concentré leurs critiques sur le volet « emploi », qui était pourtant riche puisqu'il comprenait des engagements de recrutements en compensation des départs à la retraite, des mesures spécifiques pour les hôpitaux, la transformation d'heures supplémentaires en emplois et la poursuite du plan de résorption de la précarité.

L'absence d'accord ne signifie pas que les organisations syndicales de la fonction publique ne participeront pas à la mise en _uvre des 35 heures. L'Etat employeur appliquera la réduction du temps de travail, selon sa propre méthode et dans les délais requis. De même, la négociation se poursuivra dans les trois fonctions publiques et le plan de résorption de l'emploi précaire sera mené à bien (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

Top Of Page

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE

M. François Goulard - En entendant M. le ministre de la fonction publique, on ne peut qu'être frappé de la différence d'approche du Gouvernement en matière de réduction du temps de travail, selon qu'il envisage la situation des entreprises ou celle du secteur public. Pour ce qui concerne les 14 millions de salariés du privé, vous avez nié les difficultés de mise en _uvre d'une réduction du temps de travail uniforme et imposée et, à travers la publication de deux lois successives, vous avez laissé peu de place à la négociation. Les partenaires sociaux étaient en quelque sorte sommés de s'entendre. Cela ne vous a d'ailleurs pas empêché de vider les accords d'une part importante de leur portée. De même, vous êtes restés indifférents aux difficultés d'application concrète de la réduction du temps de travail : blocages salariaux, modifications d'horaires et de conditions de travail difficilement acceptables...

Mais lorsque de législateur, l'Etat devient employeur, il prend subitement conscience de toutes ces difficultés et l'urgence qui prévalait pour l'entreprise disparaît, de même que l'objectif -naguère majeur- de création d'emploi qui se heurte à l'impossibilité budgétaire. La négociation échoue lamentablement et les conflits se multiplient. En définitive, l'Etat n'assume pas ses responsabilités d'employeur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL)

Alors, Monsieur le Premier ministre, qu'en sera-t-il de la réduction du temps de travail dans la fonction publique ? Qui sera concerné et selon quels critères ? S'appliquera-t-elle aux enseignants ? (Bruits sur les bancs du groupe socialiste)

Amènera-t-elle des créations de postes ? Comment sera-t-elle financée ?

En d'autres termes, cette importante réforme est-elle pilotée, ou bien avez-vous choisi la politique du chien crevé au fil de l'eau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je retrouve votre sens de la nuance.

Si le Gouvernement a engagé cette réforme, dans le secteur public comme dans le secteur privé, c'est parce que nous avons échoué, les uns et les autres, à réduire le chômage. Les Français n'auraient pas accepté que nous négligions une piste aussi importante que la réduction du temps de travail.

Je l'ai toujours dit, les 35 heures visent d'abord à créer des emplois, mais cette réforme ne doit évidemment pas s'appliquer à ceux qui sont déjà à 35 heures !

Dans le secteur privé, près de 175 000 emplois ont été créés ou préservés par la réduction du temps de travail. Dans la fonction publique hospitalière, j'ai déjà dit que des emplois allaient être créés là où apparaissent des besoins.

La réduction du temps de travail modifie profondément l'organisation même du travail. Pourquoi 86 % des entreprises déclarent-elles qu'elles fonctionnent mieux ? Parce que cette réforme les a amenées à examiner tous les facteurs de leur compétitivité.

Plusieurs députés RPR - N'importe quoi !

Mme la Ministre - Il en ira de même dans le secteur public. Nous croyons que l'Etat doit être toujours plus efficace, que chaque franc versé par les contribuables doit améliorer la qualité du service public. C'est pourquoi le grand débat ouvert au sein des trois fonctions publiques aboutira à une réduction du temps de travail qui aura pour effet d'améliorer le service aux usagers.

Enfin, cette réforme a pour objet d'améliorer les conditions de travail, en particulier pour ceux qui travaillent beaucoup.

Il est tout de même paradoxal qu'un groupe qui réclame sans cesse « moins d'Etat »...

Plusieurs députés DL - Mieux d'Etat !

Mme la Ministre - ...nous reproche ces efforts. Le Gouvernement est cohérent. Gageons, comme le fait déjà la presse britannique, que grâce à cette réforme, notre pays aura franchi dans cinq ans une étape majeure dans la modernisation de nos entreprises comme de notre service public.

Il s'agit d'un vrai projet de société. C'est sans doute pourquoi nous ne pouvons nous entendre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Top Of Page

AMNISTIE EN CORSE

Mme Anne-Marie Idrac - Monsieur le Premier ministre, sur tous ces bancs, mais aussi dans l'opinion publique, nous nous interrogeons tous sur cette hypothèse d'une amnistie en Corse à propos de laquelle Mme Erignac s'est exprimée avec une hauteur de vue et une dignité qui ont impressionné chacun.

Le respect dû aux victimes et à leur mémoire nous oblige à ne pas dépasser certaines bornes. Ce sens de l'Etat interdit de bouleverser les repères de nos concitoyens. Il serait donc humainement et politiquement inadmissible d'amnistier des crimes de sang.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous dire que le Gouvernement n'acceptera jamais ce que Mme Erignac a eu raison de qualifier d'inacceptable : amnistier des assassins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL, sur de nombreux bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Je veux, avant de vous répondre, rappeler l'action du Gouvernement, compte tenu des rumeurs qu'on entend.

En décembre 1999, j'ai pris une initiative politique, estimant que la situation de blocage et de tension qui s'installait dans l'île devenait dangereuse. J'ai choisi de m'adresser aux élus de la Corse, qui ont été réunis à Matignon afin qu'ils fassent part au Gouvernement de leurs préoccupations et de leurs propositions.

C'est ainsi que, le 13 décembre, j'ai reçu l'ensemble des élus de l'Assemblée de Corse, ainsi que les parlementaires de l'île et les présidents des deux conseils généraux. J'ai reçu l'ensemble de ces élus, y compris les nationalistes, ce qui ne signifie pas que j'ai ouvert le dialogue avec les seuls nationalistes.

Depuis, les élus de la Corse discutent. Il est bon qu'on se parle, comme il est bon que les citoyens des deux départements corses participent à cette discussion.

Pour avancer, j'ai renoncé à poser pour préalable la renonciation à la violence, mais ce geste ne veut naturellement pas dire que le Gouvernement ne condamne pas la violence. Je l'ai dit le 13 décembre : « le Gouvernement condamnera et combattra la violence, toujours et en toutes circonstances ».

Il n'est pas non plus possible de penser que la violence restera impunie. Je l'ai dit dans le même texte, « le Gouvernement assume en Corse le rôle qui lui revient. L'Etat doit assurer le respect de la légalité républicaine et la sécurité ». Notre détermination ne faiblira pas.

D'ailleurs, grâce au travail effectué, sous le contrôle de la justice, par la police et la gendarmerie, trois mois après les attentats contre l'URSSAF et la direction départementale de l'Équipement, les auteurs présumés de ces attentats qui ont failli être meurtriers ont été arrêtés.

Ce travail, normal, légitime et nécessaire, sera poursuivi.

Dans ce contexte, a été évoquée de nouveau la question de l'amnistie. Je peux vous dire que, pour le Gouvernement, elle ne se pose pas.

M. Pierre Lellouche - Très bien !

M. le Premier ministre - Elle ne se posera jamais pour les assassins du préfet Claude Erignac (Vifs applaudissements sur tous les bancs).

Plusieurs députés RPR - Et les autres ?

M. le Premier ministre - C'est là une position de principe du Gouvernement, c'est la mienne, et l'intervention de Mme Erignac n'a fait que la renforcer.

Certains bruits m'obligent à préciser les conditions dans lesquelles se poursuivra la discussion en Corse.

Actuellement, le débat a lieu entre les élus de la Corse. Le dialogue avec le Gouvernement se nouera dès que leurs propositions nous auront été transmises. Une deuxième réunion aura lieu à Matignon, dans un délai qu'il faudra fixer.

Tous les contacts auront lieu au grand jour.

M. Jean Ueberschlag - Et au Grand Orient !

M. le Premier ministre - C'est une question de principe. Et puis, j'ai tiré les leçons du passé (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Pierre Lellouche - Et que s'est-il passé rue Cadet ?

M. le Premier ministre - Les contacts dont a parlé la presse ne concernent en rien le Gouvernement, qui n'en était pas informé (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Il reste disponible et examinera avec attention les propositions des élus, dans les conditions de transparence que je viens d'indiquer et à l'exclusion de tout autre méthode (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Top Of Page

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Mme Nicole Catala - Le ministre de la fonction publique vient d'essuyer un échec cuisant. A l'exception d'une organisation, les syndicats de fonctionnaires ont refusé de signer son projet d'accord-cadre sur la réduction du temps de travail (Bruits).

M. le Président - mes chers collègues, veuillez vous asseoir et faire silence.

Mme Nicole Catala - Le Gouvernement est donc incapable de mettre en _uvre pour ses propres agents une mesure qu'il a imposée aux entreprises privées, et qu'il leur impose d'appliquer à marche forcée. A l'heure où plusieurs rapports mettent gravement en cause la gestion des administrations publiques -je pense au rapport sur le temps de travail des fonctionnaires, ou à la question des rémunérations dans l'administration fiscale- nous sommes en droit de nous interroger sur notre capacité à diriger ces administrations, à les moderniser pour mieux répondre aux attentes des Français.

Quelles orientations inspirent votre politique de la fonction publique ? Et, pour ce qui est des 35 heures, comment allez-vous sortir de l'impasse où vous êtes aujourd'hui ? Ce sera d'autant plus difficile que votre attitude a heurté une organisation syndicale ouverte au dialogue, la CFDT, que vous avez traitée par le mépris en refusant de signer l'accord avec elle. Et cela sans justification juridique, puisqu'il n'est pas nécessaire qu'un accord soit majoritaire pour être valablement signé. Comment sortirez-vous de cette politique qui consiste à faire deux pas en avant, trois pas en arrière ? Comment sortirez-vous de l'impasse où se trouve le dialogue social entre le Gouvernement et la fonction publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Votre sollicitude me touche... Il n'y a pas eu d'accord valant pour l'ensemble de la fonction publique, peut-être parce que tous les partenaires n'ont pu se mettre d'accord sur des mesures concrètes valables pour tous. Il y aura donc des accords par ministère et par collectivité : c'est bien le dialogue social, et dans ce domaine vous n'avez guère de leçons à nous donner (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Nous allons donc poursuivre ce dialogue, en repartant des points auxquels nous étions arrivés, pour les mettre en _uvre directement au niveau des ministères, des collectivités, des hôpitaux.

Vous rappelez que nous n'avons pas signé d'accord avec une organisation syndicale qui pourtant y était disposée. C'est qu'il ne s'agissait pas d'un accord normatif mais d'un accord de méthode, qui ne vaut que s'il illustre un consensus sur la méthode. C'est pourquoi nous n'avons pas cru devoir signer en nous prévalant de l'accord d'une seule organisation, même si nous lui en savons gré (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

Top Of Page

TRAFIC DE STUPÉFIANTS À LA MARTINIQUE

M. Pierre Petit - La Martinique est aujourd'hui en proie à une vague de violence liée à la montée de la toxicomanie. Le trafic de stupéfiants se fait à partir des îles voisines, d'où l'on peut venir à la Martinique avec une facilité déconcertante. Notre île ne mesure que quatre-vingts kilomètres sur trente. Mais la police n'a pas même une vedette pour lutter contre le trafic ! C'est dire dans quelle indigence nous sommes. Je demande donc au Gouvernement, et en particulier au ministre de l'intérieur, de montrer qu'il existe une volonté politique. Quelles mesures envisage-t-il pour nous aider à éradiquer le fléau ? Quels moyens peut-il nous donner pour surveiller nos côtes ? Elles ne sont pas si longues, et le problème pourrait être réglé en un ou deux ans (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Les Antilles sont en effet l'un des axes du trafic de drogue à destination de l'Europe et de l'Amérique du Nord. Quels sont les moyens mis en _uvre ? A Fort-de-France est installé un centre interministériel de formation antidrogue. Ce centre, qui reçoit des policiers de tous les pays des Caraïbes, dispense des cours en français, anglais, espagnol et néerlandais, ce qui traduit bien notre volonté de coopération. Il travaille aussi avec la Barbade et la Jamaïque. Sur le plan des actions, il existe un programme européen auquel participent, outre la France et les pays de la zone, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l'Espagne, avec une collaboration américaine, pour coordonner les moyens de coopération maritime. Vous soulignez que la police nationale n'a pas de vedette, mais les douanes et la marine nationale interviennent activement. En 1991, à la Martinique, les saisies ont augmenté de 50 % pour le cannabis, et se sont fortement accrues pour l'héroïne. A la Guadeloupe, plus touchée par le crack, les saisies se sont également accrues.

Il est clair que la lutte n'est possible qu'en coordination avec les pays voisins ; une rencontre aura lieu prochainement à la Martinique. Il faut en effet mettre en relation tous les moyens d'information, et procéder -ce qui se fait déjà- à des patrouilles communes. Soyez sûr de notre détermination (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

Top Of Page

INSÉCURITÉ

M. Christian Estrosi - Je comptais vous poser une question, Monsieur le Premier ministre, à la suite de la réaction très digne de Mme Erignac la semaine dernière. Mais je dois dire que votre réponse à Mme Idrac, beaucoup plus précise que celle que vous aviez faite il y a quelques semaines à notre collègue René André, ne peut que nous rassurer et nous satisfaire, bien que vous n'ayez pas pris d'engagement précis sur tous les actes de terrorisme en Corse.

Je poserai donc une autre question, celle-ci à M. le ministre de l'intérieur, sur la montée des actes de violence dans notre pays. Pas un jour ne s'écoule sans que des agents des transports fassent grève contre l'insécurité, ou des enseignants contre la violence, le racket et l'activité des dealers dans les établissements ; pas un jour sans que des citoyens soient agressés dans leur cage d'escalier, dans la rue, dans leur commune... Nos enfants vont à l'école sous une menace permanente.

Au Conseil des ministres de ce matin, M. le ministre de l'intérieur a annoncé son intention de mettre en _uvre une vraie police de proximité et de renforcer l'îlotage. Mais il n'a pas précisé de quels moyens ce choix était assorti. Par ailleurs il n'est plus acceptable que les policiers arrêtent des délinquants pour qu'ils soient aussitôt relâchés par ceux qui ont en charge notre justice. Sur tous ces points, je souhaite des réponses précises.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - M. Chevènement étant retenu au Sénat par la discussion d'un projet de loi, je veux vous apporter quelques précisions sur la communication faite ce matin en conseil des ministres. Il s'agit de mettre en place une police de proximité. Cette action, expérimentée sur cinq sites d'abord, sur une soixantaine ensuite, va être généralisée dans 37 départements, regroupant dix millions d'habitants. Le but est une police mieux organisée, sur le terrain, proche de la population, avec une responsabilité directe, et une formation. C'est une vraie mutation pour la police nationale.

M. Jean-Louis Debré - Ce n'est pas nouveau !

M. le Secrétaire d'Etat - Vous ne l'aviez pourtant pas fait, Monsieur Debré (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Il s'agit de déployer les effectifs sur le terrain. Nous avons, d'autre part, en formation six mille fonctionnaires, soit plus qu'aucun contingent des vingt dernières années. Le Premier ministre a autorisé le recrutement de plus de mille fonctionnaires supplémentaires pour pallier les départs en retraite. Il y a donc un véritable engagement ; élu d'un département où ces problèmes sont vécus de façon cruciale, j'en prends la mesure. Sur le plan de l'organisation de la police, vous n'avez pas de leçons à nous donner (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Top Of Page

POLITIQUE HOSPITALIÈRE

M. Philippe Nauche - Un mouvement social a traversé ces dernières semaines le monde hospitalier. Des négociations ont eu lieu. La politique de santé du Gouvernement a permis de réduire en partie les inégalités entre régions. Les SROS de deuxième génération ont apporté aux agents hospitaliers une vision plus claire de l'avenir. Pourtant toute transformation de l'outil hospitalier est difficile et nécessite des ajustements, notamment pour ce qui est de la disponibilité des professionnels. Aussi le groupe socialiste se félicite-t-il du niveau des moyens annoncés ce matin en faveur de l'hôpital public, au terme d'une négociation conduite avec les représentants des personnels et des praticiens hospitaliers. Il souhaiterait cependant savoir quelles sont, à plus long terme, les intentions du Gouvernement en matière d'organisation de l'hôpital public (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Briand - Merci pour la question !

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - L'hôpital est au c_ur de notre système de soins, et les Français ont pu vérifier, une fois de plus, à la suite des intempéries et de l'épidémie de grippe, la qualité de ses professionnels. Il a su évoluer, s'adapter à l'évolution des besoins, des pathologies et des thérapies, tout en réduisant les inégalités. Une nouvelle étape de sa modernisation est enclenchée, et le Gouvernement a entendu ce que lui ont dit les représentants des personnels au cours de quelque cinquante heures de négociations. J'ai d'ailleurs été impressionnée, à cette occasion, par la qualité de leurs propositions, davantage axées sur l'avenir du service public, sur la qualité des soins, de l'accueil et de l'accompagnement que sur les questions statutaires. Oui, les personnels hospitaliers peuvent être fiers de leurs organisations syndicales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR)

Les discussions ont permis de consolider les priorités du Gouvernement, et si ce dernier a décidé de mettre sur la table une enveloppe importante, ce n'est pas pour soulever le couvercle de la marmite, mais pour accompagner la nécessaire modernisation du service public hospitalier. Celui-ci disposera de 5,1 milliards supplémentaires, dont 3,8 dès cette année, soit plus de dix milliards en trois ans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Le Premier ministre a décidé, en outre, que l'Etat participerait de façon significative au financement de ce plan : 2 milliards seront inscrits au collectif de printemps (Même mouvement).

Dans l'immédiat, 2 milliards seront attribués aux établissements pour remplacer les personnels en congé de maladie, de maternité ou de formation. 800 millions seront affectés à l'amélioration des conditions de travail et 600 millions à des projets de réorganisation. A plus long terme, les questions de statut, de formation, le secteur des urgences et celui de la psychiatrie feront l'objet d'une attention prioritaire, de même que la rénovation du dialogue social et la transparence dans l'utilisation des moyens.

Ce projet de protocole, qui répond, je le crois, aux attentes des personnels comme à celles des Français, marque une étape nouvelle, grâce à laquelle l'hôpital public méritera davantage encore la confiance de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Top Of Page

FORMATION DES JEUNES SPORTIFS

Mme Odette Casanova - Madame la ministre de la jeunesse et des sports, vous avez commandé à l'inspection générale de votre ministère, le 14 septembre dernier, une enquête administrative sur les conditions de recrutement, d'accueil et d'encadrement dans les centres de formation des clubs de football, la presse ayant fait état de pratiques préoccupantes et révélé, en particulier, la présence de mineurs venus clandestinement d'Afrique francophone. Je souhaite que vous nous fassiez part des principales conclusions de l'enquête et des mesures que vous comptez prendre pour mettre fin à ces dérives et faire respecter les droits et la dignité des jeunes sportifs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports - Il ressort de l'enquête menée par l'inspection générale que les centres de formation sont un atout pour le développement du sport et pour le sport de haut niveau ; c'est une raison de plus pour les défendre contre les dérives constatées. Il s'est constitué, en effet, à la marge de ces centres, des structures d'accueil où se trouvent, éloignés de leurs familles, des jeunes amenés en France dans des conditions scandaleuses par des intermédiaires dont les agissements s'apparentent à du trafic et relèvent, selon moi, des tribunaux (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Charles Ehrmann - Très bien !

Mme la Ministre - La loi d'orientation que vous avez adoptée en première lecture prévoit, pour tous les sports, l'agrément des centres de formation, l'interdiction de toute transaction commerciale portant sur des mineurs, la protection de ces derniers par le code du travail et par des conventions organisant leur retour dans le système éducatif ou sur le marché du travail en cas de non-sélection, et la moralisation de la profession d'agent. Toutes ces mesures seront, en outre, mises en débat au niveau de l'Union européenne sous la présidence française.

S'agissant du football proprement dit, j'ai demandé au directeur technique national, M. Aimé Jacquet, de me faire d'ici juin une série de propositions en vue d'améliorer la formation des jeunes joueurs. Le responsable d'un centre de formation me rappelait récemment la devise originelle de ces centres : « Respect de l'enfant, respect de la famille, respect des études, respect des petits clubs ». Je n'y vois pas d'incompatibilité avec le développement du sport de haut niveau (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Charles Ehrmann - Très bien !

Top Of Page

CONDITIONS DE VIE ET DE TRAVAIL DES GENDARMES

M. Georges Lemoine - Vous avez présidé il y a quelques jours, Monsieur le ministre de la défense, le conseil supérieur de la fonction militaire, qui a notamment examiné les revendications des gendarmes, revendications que ces derniers avaient fait valoir quelques jours auparavant par le truchement des médias. Il faut savoir en effet, à un moment où l'on parle beaucoup des 35 heures, que la journée de travail d'un gendarme était, en 1998, de 9 heures et 12 minutes !

Les gendarmes souhaitent disposer des moyens humains et matériels nécessaires pour faire face aux missions que la nation leur confie. Ils ont beaucoup apprécié, je le crois, la présence du Premier ministre dans la cour des Invalides le 16 février et les propos qu'il a tenus pour témoigner la gratitude de la nation et l'attachement du Gouvernement à la gendarmerie nationale (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR), mais ils attendent maintenant des mesures précises et concrètes (Applaudissements sur de nombreux bancs).

M. Alain Richard, ministre de la défense - La réunion dont vous parlez fait suite à une concertation qui a duré plus de trois mois, et qui portait en priorité sur l'allégement de la charge de travail des gendarmes. Je rappelle, en effet, que la population des zones de gendarmerie s'est accrue de 1,7 million entre le dernier et l'avant-dernier recensements.

Nous avons donc adopté plusieurs mesures destinées à améliorer les conditions de vie personnelle et familiale des gendarmes : réorganisation des astreintes grâce au téléphone portable, instauration de deux quartiers libres de journée pendant la semaine, octroi de trois semaines de congé pendant les vacances scolaires.

D'autres mesures tendant à alléger la charge de travail des personnels et à améliorer l'organisation des services seront proposées et donneront lieu à une concertation locale.

De façon à maintenir le niveau et la qualité du service, le Gouvernement a consenti un effort d'équipement supplémentaire. En sus du programme déjà voté, la gendarmerie bénéficiera de 1 500 véhicules, 3 500 micro-ordinateurs, 8 000 téléphones portables et 650 fax dans les brigades les plus chargées. Les crédits de fonctionnement ainsi que ceux consacrés à l'entretien des logements, qui avaient connu des retards, seront augmentés.

Le Gouvernement a, par ailleurs, décidé de recruter 1 500 sous-officiers supplémentaires en trois ans. Ce renforcement des effectifs permettra dès 2000 de constituer 60 pelotons de surveillance et d'intervention dans les zones où la charge de travail est la plus importante et de pourvoir 130 postes dans les centres opérationnels qui assurent la permanence en dehors des heures d'ouverture des brigades et sont aujourd'hui débordés.

Il faut donc se féliciter des résultats auxquels a permis d'aboutir une concertation menée dans d'excellentes conditions, sans tensions particulières, grâce à la grande maîtrise dont ont fait preuve les gendarmes mais aussi à l'attention portée au problème par les parlementaires, notamment certains commissaires de la défense. La relation de confiance qui existe entre le Gouvernement, la représentation nationale et la gendarmerie qui a encore apporté la preuve de sa disponibilité et de son dévouement lors des récentes tempêtes, s'en trouve confortée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Top Of Page

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. André Borel - Je regrette que ma question, posée en fin de séance, ne puisse être retransmise. Les millions de téléspectateurs qui ont vu ce week-end les images du tragique accident survenu à un peloton de cyclistes ne pourront pas voir aujourd'hui un député de base prendre la défense des cyclistes dans l'hémicycle...

M. le Président - Si la retransmission en direct de cette séance de questions au Gouvernement est terminée, soyez rassuré, Monsieur le député, toutes les images de nos séances sont transmises à toutes les chaînes de télévision qui peuvent les reprendre. Je ne doute pas qu'elles le feront de votre question...

M. André Borel - Nous avons tous été traumatisés à la vue du terrible accident survenu samedi matin à un peloton de cyclistes fauché par un chauffard qui roulait à une vitesse excessive. Cet accident a fait quatre morts, une vingtaine de blessés dont quatre grièvement atteints et dont certains resteront handicapés à vie.

La sécurité routière nous concerne tous. J'associe d'ailleurs à ma question nos collègues Pierre Goldberg, président de l'Amicale cycliste parlementaire, Alain Fabre-Pujol, député de la circonscription du Gard où s'est produit l'accident, et Armand Jung qui s'est déjà penché sur le problème de la sécurité des cyclistes et formulé des propositions pour l'améliorer.

On le sait, certains automobilistes frôlent dangereusement les cyclistes lorsqu'ils les dépassent. Mais au-delà de ces comportements automobiles répréhensibles, l'aménagement des routes, voire des voies cyclables elles-mêmes, est en cause. Ainsi les cyclistes sont-ils souvent obligés de faire un écart pour éviter ici, une grille de récupération des eaux usées -malheureusement toujours installée dans le sens de la chaussée-, là un regard en fonte qui dépasse... Les pistes cyclables sont mal entretenues par les DDE : les gravillons, la boue, parfois des déchets jetés par les automobilistes, s'y accumulent dangereusement.

Il conviendrait qu'à l'avenir DDE et conseils généraux se concertent avant tout aménagement réalisé sur une route départementale et que l'avis des organisations concernées au premier chef par la sécurité des cyclistes -fédération française de cyclisme, fédération française de cyclotourisme, UFOLEP,...- soit sollicité car qui mieux qu'elles saurait donner un avis sur ces aménagements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Permettez-moi d'exprimer comme vous mon émotion devant ces vies gâchées suite au tragique accident que vous avez rappelé. Ce type d'accident ne peut que susciter notre révolte et nous inciter à refuser la fatalité. Plus de trois cents cyclistes ont, hélas, encore trouvé la mort sur nos routes l'an passé !

Des mesures destinées à améliorer la sécurité des cyclistes ont été prises par décret du 14 septembre 1998 : ainsi le code de la route impose-t-il désormais aux automobilistes de laisser un espace minimal d'1,5 mètre lors du dépassement d'un cycliste en rase campagne. Une nouvelle série de mesures sera prochainement examinée dans le cadre interministériel.

Pour ce qui est des infrastructures, une instruction avait été donnée aux services techniques compétents afin d'étudier dans chaque département les moyens d'améliorer la sécurité. Une expertise, lancée à ma demande, révèle qu'en tout état de cause, cette instruction doit être mieux appliquée qu'elle ne l'est aujourd'hui. Vous pouvez compter sur mon appui pour qu'il en aille ainsi dans mes services.

Ma collègue Marie-George Buffet, très sensible elle aussi aux questions de sécurité, a pris l'initiative d'une rencontre consacrée à la sécurité des activités de pleine nature. Soyez assuré que le problème spécifique du cyclisme y sera traité. J'accorderai d'ailleurs la plus grande attention aux propositions qui me seront faites dans cette perspective.

Le Gouvernement est déterminé à gagner la bataille qu'il a engagée en faveur de la sécurité routière, notamment de la limitation de vitesse et du respect mutuel de tous les usagers de la route. J'espère pouvoir vous annoncer bientôt que les mesures déjà prises ont permis d'épargner 400 vies en 1999. Ce n'est pas encore assez. Mais vous pouvez, Monsieur le député compter sur la détermination du Gouvernement à faire reculer encore le nombre des accidentés de la route et à lutter contre le fléau de l'insécurité routière (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 10, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Forni.

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

vice-président

    Top Of Page

    PROTECTION DES TRÉSORS NATIONAUX

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Le Parlement et le Gouvernement ont engagé d'importantes réformes, au cours des derniers mois, pour relancer le marché de l'art. Je pense, bien sûr, au projet relatif aux ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, mais aussi à la modification de la loi de 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane.

Chacun reconnaît l'urgence de définir de nouvelles modalités de circulation des _uvres d'art pour offrir plus de souplesse et de liberté aux collectionneurs et aux propriétaires d'objets d'art tout en permettant à l'Etat d'acquérir des _uvres reconnues comme étant des trésors nationaux.

La proposition de M. Lagauche, adoptée par le Sénat, répond pour l'essentiel aux difficultés que suscite l'application de la loi de 1992, qui visait avant tout à rendre notre droit interne compatible avec la législation communautaire. Assurer la libre circulation des marchandises tout en permettant à l'Etat de maintenir sur notre territoire les _uvres les plus importantes du patrimoine, tels étaient les objectifs du législateur.

Le contrôle de la circulation des biens culturels a incontestablement été libéralisé, puisque le ministère de la culture délivre désormais quelque 500 certificats par mois et ne le refuse que pour une dizaine d'_uvres ou d'objets d'art chaque année.

En revanche, le second objectif n'a été que partiellement atteint. Alors que quatre-vingts trésors nationaux ont été interdits de sortie du territoire, l'Etat et les collectivités territoriales n'ont pu acquérir que trente _uvres, qui ont rejoint les musées et les bibliothèques de notre pays. Au nombre de ces chefs-d'_uvre, je citerai Le voyage de Pierre Bonnard acquis par le musée d'Orsay, Saint Jean-Baptiste dans le désert de Georges de La Tour, acquis par le département de la Moselle, le Psautier de Metz acquis par la bibliothèque de Metz, le Portrait de Berthe Morisot de Manet pour le musée d'Orsay, ou encore l'émouvant ensemble d'_uvres, de photographies et de souvenirs de Picasso acquis pour le musée Picasso lors de la vente de la succession Dora Maar.

On le voit, l'enrichissement des collections publiques concerne aussi bien les Musées nationaux que ceux des collectivités territoriales. Je souhaite que le mouvement ainsi amorcé, et amplifié ces dernières années, se poursuive. L'arrivée d'_uvres maîtresses dans un musée accroît sa fréquentation et marque notre volonté de reconnaître la qualité du travail accompli par les conservateurs territoriaux.

Même si les dispositions de la loi de 1992 ont eu des effets bénéfiques, elle présentait quelques faiblesses, si bien que l'Etat n'a pu assumer pleinement sa mission de protection du patrimoine national.

L'une des carences de notre législation, soulignée par nos partenaires, tient à l'absence d'une réelle procédure de négociation entre l'Etat et les détenteurs de trésors nationaux. Cela a eu pour conséquence de nombreux désaccords qui nous ont empêchés d'acquérir certains chefs-d'_uvre, ainsi que je l'ai souligné précédemment.

Il était donc indispensable de définir de nouvelles modalités d'acquisition, ce à quoi tend la proposition adoptée par le Sénat, qui fixe une nouvelle procédure d'acquisition, précédée par une estimation contradictoire de l'_uvre par référence aux seuls prix du marché international de l'art. Cette solution a le mérite de respecter les droits des propriétaires.

Le texte qui vous est soumis comporte d'autres mesures destinées à simplifier et à alléger les formalités administratives préalables à l'exportation des biens culturels. Les professionnels du marché de l'art ont souligné à plusieurs reprises la nécessité de procédures plus souples, s'agissant en particulier de la durée du certificat. Il devient permanent pour les biens culturels vieux de plus de cent ans, et sa durée est portée à vingt ans pour les autres. La simplification est appréciable.

Par ailleurs, l'importation et l'exportation de biens culturels à titre temporaire seront libérées, ce qui devrait également favoriser le marché de l'art.

Enfin, la composition de la commission consultative chargée d'émettre un avis sur la délivrance des certificats de circulation sera rééquilibrée et composée à parité de fonctionnaires et de représentants du marché de l'art.

Un mot sur l'article 4 bis, voté par le Sénat et rejeté par votre commission, et qui tendait à inclure dans le texte des mesures d'incitation fiscale en faveur des propriétaires privés. Je rappelle que cette proposition a pour objet de favoriser l'acquisition, par l'Etat, des trésors nationaux, sans entraver le libre jeu du marché de l'art. Il s'agit bien d'améliorer le dispositif de 1992, et non de régler les difficultés fiscales du marché de l'art.

Les objectifs poursuivis demeurent la protection des trésors nationaux et l'enrichissement des collections publiques. Des mesures fiscales en faveur des propriétaires privés contrediraient directement l'esprit de la proposition puisqu'elles inciteraient les collectionneurs à conserver les _uvres.

De plus, l'exonération partielle des droits de mutation ôterait beaucoup de sa portée à la dation en paiement, principal vecteur juridique d'enrichissement des collections publiques. Or cette procédure de paiement en nature a montré son efficacité puisque, depuis 1972, près de 300 offres de dation ont été acceptées, pour une valeur totale libératoire d'environ 2,3 milliards.

En diminuant le montant des droits de mutation, l'exonération partielle réduirait mathématiquement l'offre potentielle de dations, ce que nous ne souhaitons pas.

En second lieu, elle sort du champ législatif visé par la proposition puisqu'elle concerne les mesures de classement déterminées par la loi du 31 décembre 1913, qui fait actuellement l'objet d'un projet de réforme. C'est dans ce cadre que je me suis engagée devant le Sénat, tout comme je le fais aujourd'hui, à étudier des mesures d'incitation fiscale appropriées.

Après avoir exprimé au Sénat ma reconnaissance pour l'initiative du présent texte, proposé par le sénateur Lagauche, je tiens à souligner l'excellent travail engagé par votre rapporteur et à remercier l'ensemble des membres de la commission des affaires culturelles pour les améliorations qu'ils ont apportées à la proposition et à certains articles de la loi de 1992.

Je ne doute pas que les débats qui vont suivre nous permettront d'enrichir encore ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Rouger, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Protéger le patrimoine national et permettre aux citoyens de conserver la liberté d'échanger des biens culturels de grande valeur : tel est l'enjeu du texte que nous examinons aujourd'hui. Les biens culturels qui nous intéressent sont les « trésors nationaux ». Selon François Furet, il s'agit d' « une chose indispensable pour penser l'histoire de la nation, un lieu de mémoire -qui témoigne de quelque chose d'abstrait et en même temps de profondément vécu- autour duquel s'est regroupée une collectivité ».

La loi du 31 décembre 1992 a donné pour la première fois en droit français une définition des trésors nationaux : « Il s'agit, tout d'abord, des biens appartenant aux collectivités publiques, ensuite, des biens classés en application des lois du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques ou de la loi du 3 janvier 1979 sur les archives ». S'ajoutent à cette masse existante : « les biens qui présentent un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie ».

Le décret du 29 janvier 1993 fixe les biens qui constituent potentiellement des trésors nationaux et qui doivent à ce titre obtenir un certificat d'exportation. Quatre catégories sont visées : les objets archéologiques de plus de cent ans d'âge, les éléments faisant partie intégrante de monuments historiques ou religieux de plus de cent ans d'âge, les incunables et manuscrits et les archives de plus de cent ans d'âge. Les « tableaux et peintures entièrement faits à la main » sont soumis quant à eux à autorisation, si leur valeur excède 950 000 F.

La qualité de trésor national confère au bien une valeur telle qu'il ne peut quitter librement le territoire national. La réglementation doit donc tendre à trouver un juste équilibre entre le devoir pour l'Etat de conserver les _uvres indissociables de son histoire et celui de garantir à leurs propriétaires la faculté de commercer librement.

La loi de 1941 prévoit un régime d'autorisation pour l'exportation des objets présentant un intérêt national et ouvre à l'Etat le droit d'acheter d'office les biens présentés à l'exportation, au prix déclaré par le propriétaire. Rigoureuse et novatrice, cette loi doit être mise en conformité avec la réglementation communautaire.

En effet, les articles 30 et 34 du traité CE prohibent les interdictions absolues d'importation et d'exportation de produits communautaires, les restrictions quantitatives et les mesures d'effet équivalent, susceptibles d'entraver les échanges intra-communautaires. Cependant, l'article 36 a prévu un régime dérogatoire, qui autorise certaines restrictions de circulation pour les biens culturels qualifiés de « trésors nationaux ». C'est dans cette perspective que la loi de 1992 a réformé les procédures de retenue sur le territoire des biens culturels.

Les biens non soumis à certificat d'exportation peuvent circuler librement. Les autres sont soumis à une demande d'autorisation d'exportation. Si le bien n'est pas un trésor national, un certificat de libre circulation est accordé pour une durée de cinq ans. S'il est en revanche considéré comme un trésor national, le certificat est refusé et le propriétaire est contraint de maintenir l'_uvre sur le territoire pendant au moins trois ans.

Durant cette période, le trésor national peut être acheté par l'Etat ou être classé, même sans l'accord du propriétaire.

Cette loi a montré des faiblesses. En effet, aux termes de l'arrêt Walter de 1994, l'Etat a été condamné à verser 145 millions au propriétaire du tableau de Van Gogh Un jardin à Auvers pour le dédommager du préjudice subi par le classement d'office de l'_uvre.

Ainsi, le mécanisme de classement d'office devient dommageable pour l'Etat, qui doit alors payer une indemnité correspondant au prix de l'_uvre sur le marché, sans posséder l'_uvre. En définitive la seule possibilité pour l'Etat serait d'acquérir l'_uvre. Cependant, les crédits d'acquisition du ministère restent modestes et le propriétaire n'est jamais tenu de vendre à l'Etat l'_uvre dont le certificat a été refusé.

La proposition de loi du sénateur Lagauche, tend à surmonter cette difficulté en proposant, d'une part, un allongement de la durée du certificat d'exportation, et, d'autre part, une procédure stricte d'acquisition par l'Etat qui renforce la sécurité juridique du dispositif.

Ainsi, la durée initiale du certificat d'exportation qui était de cinq ans dans la loi de 1992, passe à vingt ans pour les biens de moins de cent ans, et elle devient permanente pour les biens de plus de cent ans. Cette mesure permet aux propriétaires de sortir d'une insécurité juridique que rien ne justifiait.

En outre, en cas de refus de certificat, une procédure de conciliation permet désormais à l'Etat et au propriétaire de trouver un terrain d'entente. Ainsi, l'Etat pourra présenter une offre au propriétaire, en référence aux prix du marché international. A défaut d'accord amiable, deux experts pourront être désignés, par l'Etat et par le propriétaire et, en cas de divergence, un tiers expert sera choisi. La valeur du bien étant ainsi déterminée, si l'Etat fait une offre d'achat, et que le propriétaire la décline, le refus de certificat d'exportation sera renouvelé automatiquement.

Le propriétaire d'un trésor national aura donc le choix, soit de vendre à l'Etat, au prix du marché, soit de le conserver sur le territoire national. Pour ces _uvres majeures, le préjudice relatif du propriétaire qui a choisi de vendre ne résulte que de l'obligation de vendre à l'Etat. Il ne subira donc aucun dommage pécuniaire.

Ainsi, cette proposition, si elle ne règle pas tous les problèmes est globalement positive. Un certain nombre des amendements défendus en commission l'ont enrichie. D'autres sont venus supprimer les amendements présentés par la commission des finances au Sénat.

M. Michel Herbillon - Il y a tout lieu de le regretter !

M. le Rapporteur - En effet, si ces amendements soulèvent de vraies questions, les solutions préconisées ne nous semblent pas adaptées.

Pour remédier au problème des indemnités dues par l'Etat en cas de classement d'office, M. Yann Gaillard, rapporteur de la commission de finances au Sénat a proposé des mesures de défiscalisation au profit des propriétaires concernés afin que ces _uvres restent sur le territoire national. Il s'agissait en particulier d'exonérer certains droits de succession. Or les contraintes fiscales peuvent être résolues par la dation qui constitue un dispositif efficace d'enrichissement des collections publiques, dont la valeur libératoire est légèrement supérieure au montant des crédits d'acquisition du budget de l'Etat. Le système proposé par la commission des finances du Sénat risque de limiter l'intérêt de la dation et aurait donc un effet contre-productif.

M. Michel Herbillon - Pas du tout !

M. le Rapporteur - Pour autant, il est légitime de rechercher des solutions qui permettent à l'Etat de classer des _uvres sans courir le risque de verser des indemnités exorbitantes. Tel ne peut être cependant l'objet de cette loi qui ne saurait nous dispenser d'une réforme de la loi du 31 décembre 1913.

Deuxième point, l'Etat peut-il présenter des offres au nom d'une personne privée au cours de cette procédure ? Cela me semble aller à l'encontre de l'esprit de la loi.

M. Pierre Lellouche - Vous préférez que les _uvres quittent le territoire national !

M. le Rapporteur - En effet, si au nom de la préservation du patrimoine national, on souhaite inciter le propriétaire à vendre, il est naturel que ce soit en faveur de l'Etat ou d'une personne publique. Cela permettra aussi que ces _uvres entrent dans les collections publiques et puissent être exposées.

M. Pascal Terrasse - Et non qu'elles échouent dans un coffre-fort !

M. le Rapporteur - Il n'en va pas de même lorsqu'il s'agit d'une personne privée car le commerce entre les personnes privées est libre. Dans le cadre d'une restriction territoriale, si ce n'est pas au bénéfice de l'Etat, le propriétaire de l'_uvre doit pouvoir choisir librement son acquéreur privé. L'Etat n'a pas pour rôle de servir d'intermédiaire dans un échange commercial privé. Sa mission doit rester centrée sur la reconnaissance et la qualification du bien.

Ce texte vise à protéger les trésors nationaux tout en respectant les acteurs du marché de l'art. Nous avons tout à gagner d'une meilleure entente entre le monde de l'art, le commerce et la puissance publique. La France doit redevenir un pays où les collectionneurs n'aient plus peur de venir. C'est pourquoi il est prévu que les _uvres importées à titre temporaire n'aient pas besoin de certificat et que le certificat soit systématiquement accordé pour les biens importés en France depuis moins de cinquante ans.

Les moyens d'acquisitions demeurent insuffisants. L'Etat est concerné en premier lieu par la protection des trésors nationaux. On peut le regretter, il faut le constater. Le budget de l'Etat n'étant pas extensible à l'infini, il faut faire des choix. L'acquisition des _uvres d'art ne doit pas être une fin en soi. Cependant, nous avons l'obligation de faire preuve d'imagination pour nouer des partenariats et faire converger les intérêts des différents acteurs. Il faut aussi que les _uvres majeures de notre histoire culturelle puissent circuler en dehors de nos frontières. C'est ainsi qu'elles seront mises en valeur et acquerront la qualité de trésor national.

Notre commission a donc adopté cette proposition, modifiée par des amendements qui garantissent le respect de chacun des partenaires et assurent un compromis entre la liberté d'échange et la protection de notre patrimoine (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Michel Herbillon - Ce débat est salutaire, tant le contraste apparaît saisissant entre la richesse de notre patrimoine culturel et la faiblesse de notre dispositif de protection.

La préservation du patrimoine national constitue un des fondements essentiels de l'action culturelle de l'Etat, mais l'Etat est impuissant à empêcher l'exode de nos _uvres d'art ; au rythme de 2 milliards par an, notre pays perd son âme.

La modification, en 1992, de la loi de 1941 sur l'exportation des _uvres d'art est en partie responsable de cette situation.

D'un système fondé sur un contrôle extrêmement strict des exportations, nous sommes passés brusquement à une législation beaucoup plus souple qui privait l'Etat de la plupart de ses instruments. En cas de refus d'un certificat d'exportation, il n'a plus d'autre choix que d'acquérir ou de classer le bien.

Or l'évolution jurisprudentielle, et plus précisément l'arrêt Walter, qui contraint à indemniser les propriétaires d'un bien classé sans leur consentement à hauteur du prix d'_uvres comparables sur le marché international, a supprimé de fait toute possibilité de classement.

Comment, en effet, user de cette procédure, alors qu'elle oblige à débourser une somme équivalente à celle de l'achat, sans pour autant devenir propriétaire du bien ? Comment a fortiori y recourir pour des _uvres majeures alors que le coût de certaines d'entre elles dépasse parfois le montant des crédits annuels d'acquisition dégagés par l'Etat ?

La carence des moyens accordés par Bercy, que chaque année nous dénonçons, aboutit à ce paradoxe que plus une _uvre a de valeur, plus elle risque de quitter le territoire !

Notre système de protection des trésors nationaux est ainsi doublement déstabilisé, juridiquement et budgétairement.

La proposition de nos collègues sénateurs, intéressante, comporte des dispositions susceptibles d'améliorer la protection des trésors nationaux tout en améliorant le fonctionnement du marché de l'art.

L'idée d'instaurer un système de double expertise et de recourir à un tiers expert, en cas de désaccord, pour évaluer le prix d'un bien considéré comme trésor national constitue ainsi un moyen juridique pertinent pour favoriser l'acquisition de trésors nationaux par la puissance publique, sans pour autant léser les droits du propriétaire.

Il faut de même rendre hommage au Sénat pour avoir assoupli certaines dispositions qui, sans apporter de garanties pour la préservation de nos trésors nationaux, pénalisaient le marché de l'art français. L'allongement de la durée de validité du certificat, son exonération pour les biens importés à titre temporaire, de même que l'impossibilité de classer les biens importés depuis moins de cinquante ans s'inscrivent dans cette logique.

L'ouverture plus grande aux personnalités qualifiées de la commission d'avis sur les refus de certificat est également positive.

Nul ne s'opposera à ces mesures de bon sens. Mais le véritable débat est ailleurs : il porte sur les amendements de la commission des finances du Sénat, c'est-à-dire sur le degré d'efficacité que le législateur entend donner à la réforme du dispositif de protection de nos trésors nationaux.

M. Henri Plagnol - Parfaitement !

M. Michel Herbillon - Intéressante en effet, cette réforme demeure cependant modeste. Or à quoi bon favoriser l'achat de trésors nationaux par l'Etat si celui-ci ne veut pas dégager les moyens nécessaires aux acquisitions ?

M. Pierre Lellouche - Bien sûr !

M. Michel Herbillon - Je doute, Madame la ministre, que vous soyez en mesure d'annoncer aujourd'hui une augmentation massive de ces crédits. D'ailleurs, quand bien même ils doubleraient, cela ne suffirait pas.

C'est pour contourner cet écueil budgétaire que le sénateur Yann Gaillard, auteur d'un rapport remarqué sur le marché de l'art, a déposé des amendements qui ont le mérite de nous ouvrir des perspectives nouvelles.

Sa démarche s'inspire de ce constat que la France ne pourra conserver un grand nombre d'_uvres d'art sur son sol et retrouver une place prépondérante qu'à la condition de prendre toute une série de mesures fiscales : baisse du taux de TVA à l'importation, réforme du droit de suite, incitations à conserver les _uvres sur notre sol.

C'est pourquoi, à la différence du Gouvernement et du rapporteur, qui a obtenu en commission la suppression du volet fiscal de la proposition sénatoriale, nous considérons que celui-ci doit être maintenu. Ne nous contentons pas d'une réformette, ni d'une de ces lois pleines de bonnes intentions qui, faute de moyens, ne mènent à rien, si ce n'est à décrédibiliser le travail du législateur.

Si nous ne voulons pas en rester aux incantations, il faut faire preuve de volonté politique et se donner des moyens à la hauteur de nos ambitions : par exemple, accepter l'exonération partielle des droits de mutation pour les objets mobiliers classés avec l'accord de leur propriétaire, ou encore autoriser l'Etat à présenter une offre d'achat d'une personne privée qui s'engage à demander le classement du bien concerné.

J'ai entendu bien des critiques à propos de ces mesures. Aucune, pourtant, ne me paraît justifier leur suppression.

La crainte de voir les détenteurs de biens culturels demander leur classement dans le seul but de faire profiter leur héritier de l'avantage fiscal, et voir ainsi le système de la dation déstabilisé, n'est pas sérieuse. Car, jusqu'à preuve du contraire, le classement n'est pas de droit en France : il relève encore de la seule responsabilité du ministre de la culture, après avis de la commission compétente.

On ne peut non plus prétendre qu'il n'est pas convenable que l'Etat serve d'intermédiaire entre deux personnes privées. Dois-je rappeler que si ce dispositif d'inspiration britannique nous est proposé, c'est pour remédier à la carence de l'Etat, aujourd'hui incapable de remplir une mission d'intérêt général ?

D'ailleurs, une des tâches actuelles du directeur des musées de France n'est-elle pas, en cas de refus de certificat d'exportation, de rechercher un acquéreur susceptible de maintenir le bien sur le territoire national ? Il serait hypocrite de ne pas officialiser ce procédé.

Je ne vois aucun argument de fond qui explique l'hostilité du Gouvernement et du rapporteur à ces mesures. Est-ce le résultat de l'influence tutélaire de Bercy sur la culture, ou simplement un blocage idéologique du Gouvernement sur toute avancée fiscale ? En tout cas, encore une fois, le budget annuel d'acquisition de la Réunion des Musées nationaux plafonne à 250 millions.

Vous avez annoncé, Madame la ministre, votre souhait de réformer la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.

Nous serions heureux que vous nous précisiez vos intentions. Le groupe Démocratie libérale y sera très attentif, car il souhaite, dans le prolongement de la proposition déposée par Pierre Lequiller pour combattre le dépeçage des monuments historiques, maintenir in situ tout ensemble ou objet mobilier qui constitue le complément artistique ou historique d'un immeuble classé ou inscrit.

C'est donc une réforme ambitieuse que le groupe Démocratie libérale attend.

Il faudrait au moins que l'Assemblée adopte le texte tel qu'il a été rédigé par le Sénat. Nos défendrons même, pour enrichir les collections publiques, un amendement visant à créer un prélèvement sur les recettes de la Française des jeux, à l'imitation de ce qui se fait en Grande-Bretagne et en Italie.

Si, toutefois, la majorité se contentait d'un texte sans impact, nous serions contraints de nous abstenir. En effet, si le Gouvernement refuse de dégager des moyens, quelle valeur pourrait donc avoir son engagement politique en faveur de la protection de nos trésors nationaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Pascal Terrasse - Par cette proposition, les sénateurs ont voulu remédier aux lacunes du dispositif de protection des trésors nationaux mis en place par la loi de 1992. La protection des trésors nationaux n'est pas une préoccupation récente. Sa réglementation s'est longtemps appuyée sur la loi de 1941, adoptée dans le contexte du pillage de l'Europe par l'Allemagne nazie. Fruit d'un Etat autoritaire, elle dotait ce dernier de moyens exceptionnels, sources de distorsions sur le marché, allant jusqu'à l'interdiction, sans contrepartie, d'exporter une _uvre classée monument historique. Sa nécessaire réforme a été quelque peu précipitée, pour répondre à l'ouverture du marché unique. La loi de 1992 avait le mérite de libérer le marché de l'art en limitant les prérogatives de l'Etat. Mais elle a montré ses limites après qu'un arrêt de la Cour d'appel de Paris a contraint l'Etat à verser des indemnités de classement aussi élevées que les prix du marché international, sans que le bien rejoigne pour autant le patrimoine commun. Aujourd'hui le refus de délivrer un certificat de sortie, premier acte de protection à la disposition de l'Etat, ne garantit pas la conservation d'un bien sur le territoire : passé un délai de trois ans, l'Etat ne peut plus empêcher la fuite des biens concernés. Faute des moyens financiers qui lui permettraient de faire une offre et d'un dispositif incitant à vendre le bien concerné à l'Etat, il suffit aux propriétaires d'attendre la fin du délai. Des exemples récents, concernant des toiles de maîtres, prouvent l'inefficacité du système actuel et l'urgence de réformer le texte de 1992.

Ce dernier, en libéralisant les exportations d'_uvres d'art, a en effet créé un appel d'air qu'il n'a pas compensé. Aujourd'hui de nombreux biens d'intérêt national sont menacés de quitter, parfois en morceaux, le territoire national. La semaine dernière, Madame la ministre, j'ai évoqué devant vous la grotte Chauvet : je vivrais mal le fait de voir ses peintures rupestres quitter en morceaux le territoire national... (Sourires)

Mme la Ministre - N'ayez crainte...

M. Pascal Terrasse - Je ne souhaite pas non plus qu'on revienne à un état coercitif de la loi, mais au contraire que nos propositions contribuent à dynamiser le marché de l'art, dans le sens de la proposition sénatoriale. Comme le rappelait le sénateur Serge Lagauche, il est primordial de redonner confiance aux collectionneurs et d'alléger les contraintes qui pèsent actuellement sur le marché de l'art national, pour qu'il retrouve une dynamique d'échange digne des grandes places mondiales. Le renouvellement et l'accroissement du patrimoine national ne sont possibles qu'avec un marché dynamique. Briser la défiance des collectionneurs à l'égard de l'Etat est l'enjeu de deux mesures importantes de cette proposition : la dérégulation de l'importation ou de l'exportation de biens nationaux à titre temporaire et le rééquilibrage de la composition de la commission chargée de donner un avis au ministre pour la délivrance du certificat de sortie.

Cet assouplissement des procédures doit aussi concerner les biens non retenus au titre des trésors nationaux, qui sont la grande majorité, et les dispositions du Sénat vont dans le bon sens : je pense notamment à l'allongement à vingt ans renouvelables de la durée des certificats délivrés pour les biens âgés de moins de cent ans, ces certificats étant permanents pour les biens de plus de cent ans. Je plaide en revanche pour que l'Etat se dote de moyens efficaces de protection du patrimoine historique et culturel d'intérêt national. Il faut réaffirmer le caractère exceptionnel de ces biens, qui justifie des moyens exceptionnels de protection.

Le marché unique et la libéralisation des échanges constituent le cadre de notre action. L'Etat a aujourd'hui abandonné ses habits de Père Fouettard : c'est un Etat moderne, conscient de ses devoirs à l'égard du marché, mais aussi de l'intérêt général. La proposition du Sénat organise d'abord l'acquisition des trésors nationaux par l'Etat. Dans un second temps, à la faveur d'un amendement, la réflexion s'est portée sur l'ouverture aux personnes privées de l'acquisition de ces _uvres. Sur le premier point, le refus d'accorder le certificat de sortie oblige l'Etat, en contrepartie, à proposer rapidement des solutions alternatives aux propriétaires. L'acquisition me paraît la plus appropriée. Il ne s'agit pas de spolier les propriétaires. Je suis conscient que la procédure mise en place les prive de la pleine jouissance de leur bien. Mais il s'agit des trésors nationaux : les protagonistes sont face à une situation exceptionnelle, qui justifie des moyens exceptionnels pour l'Etat. Les propositions concernant la procédure contradictoire d'expertise apporteront d'ailleurs aux propriétaires les garanties que réclament leurs droits fondamentaux. Elles prémuniront également l'Etat contre les risques de dérive du contentieux.

La loi, qui organise l'acquisition des trésors nationaux par l'Etat doit envisager les moyens financiers correspondants. Aujourd'hui le budget annuel d'acquisition des Musées nationaux ne permettrait pas d'acheter un Cézanne ou un Degas. Nous devons réfléchir aux ressources à mobiliser pour que ce budget atteigne un niveau significatif au regard des enjeux. Nous en avons discuté en commission. Certains ont envisagé une taxation des jeux, d'autres un système de souscription défiscalisée, ou une modification de l'impôt sur les grandes fortunes. Mais ces dispositions ne résoudront pas à elles seules les questions actuelles. Elle pourraient, à plus ou moins long terme, être en butte au niveau des transactions du marché. On estime aujourd'hui à quelque 2 milliards la valeur des _uvres d'intérêt national qui quittent le territoire chaque année. Qu'en sera-t-il demain ?

C'est pourquoi je souhaite que nous envisagions l'ouverture de la procédure d'acquisition de trésors nationaux aux offres privées. C'est l'objet de deux amendements adoptés par le Sénat en première lecture. Dans sa première rédaction, le texte prévoyait déjà la recherche de partenaires privés, acheteurs ou mécènes, dans le cadre de la procédure d'acquisition de gré à gré. Ce partenariat est souhaitable, même s'il faudra veiller à ce qu'il n'occasionne pas de distorsion sur le marché.

Les sénateurs ont jugé ce texte insuffisant, et souhaité l'élargir en introduisant un dispositif spécifique d'offre d'achat des trésors nationaux par les personnes privées : c'est l'article 4 bis, introduit à l'initiative de la commission des finances. En assortissant cette offre privée de l'exonération partielle de droits de mutation, je crains que cette mesure ne puisse se retourner contre l'objectif visé. Je suis peu favorable à un dispositif qui, dans le souci de préserver le patrimoine collectif, porterait atteinte à certains principes fondamentaux de notre République : l'équité et le libre accès de tous à la culture et au savoir. Evitons de créer artificiellement une valeur refuge qui permettrait aux plus belles fortunes de l'hexagone de se dérober en toute légalité à l'impôt. L'intérêt national ne peut se confondre avec l'intérêt financier de quelques-uns. N'oublions pas que le marché de l'art est aussi un marché spéculatif, et que nous n'avons pas ici affaire à des philanthropes.

M. Henri Plagnol - Et la dation ?

M. Pascal Terrasse - J'y viendrai. Mais, si la disposition du Sénat était maintenue, je demanderais que des contreparties accompagnent les avantages consentis. Les biens acquis grâce à cette procédure devraient être rendus accessibles au public.

M. Michel Herbillon - Pourquoi pas ?

M. Pascal Terrasse - Mais je doute de l'efficacité même de ce dispositif, car réduire les droits de succession, c'est pénaliser le système de la dation, qui aujourd'hui contribue de manière significative à enrichir les collections publiques. L'incitation fiscale mise en place par le Sénat compensera-t-elle, sans effet pervers, cette altération du système de la dation ? Rien ne permet de l'affirmer.

La préservation de notre patrimoine national nous commande de définir un équilibre entre la recherche de moyens d'intervention accrus pour l'Etat et la liberté des échanges sur le marché de l'art. Cette proposition répond à l'enjeu. Je souhaite cependant que notre assemblée ne s'éloigne pas de l'esprit qui inspire ce texte, et que les dispositions que nous voterons traduisent notre volonté d'enrichir les Musées nationaux au profit de tous. On a évoqué une réforme de la loi de 1913 et j'espère, Madame la ministre, un certain nombre d'annonces qui répondront à nos préoccupations et, pour une part, à celles de nos collègues de l'opposition.

M. Henri Plagnol - Très belle conclusion !

M. Pierre Lellouche - Après l'examen il y a deux mois du projet sur la réforme des ventes publiques, nous sommes saisis d'une réforme de notre législation sur la protection de nos trésors nationaux. Malgré sa technicité, ce texte a une vraie importance politique, au sens noble du terme, puisqu'il vise à protéger notre patrimoine culturel, élément clé de notre identité nationale, à l'heure où la France subit une véritable hémorragie de son patrimoine artistique. C'est l'effet de distorsions fiscales et réglementaires bien connues : le niveau de notre fiscalité générale, à 10 points au-dessus de la moyenne de l'OCDE, la TVA à l'importation, le droit de suite, mais aussi d'une législation inadaptée en matière de ventes publiques et de protection des trésors nationaux, et de dispositions fiscales et légales insuffisantes en faveur du mécénat. La France voit ainsi son patrimoine artistique fondre au rythme de 2 milliards de francs par an, alors même que son marché de l'art, le premier du monde il y a cinquante ans, devient quasi marginal par rapport au marché américain. Au premier semestre 1999, Sotheby's exportait de France à elle seule 900 millions de francs d'objets d'art...

Une telle situation aurait mérité une grande politique française, une vision d'ensemble, une réforme de nos structures législatives et fiscales à la hauteur des défis.

Le gouvernement Jospin a choisi, comme dans d'autres domaines, de temporiser, refusant au marché de l'art les dispositifs fiscaux nécessaires. La réforme des ventes publiques, imposée par l'ouverture du marché européen, est à la fois tardive, timide, silencieuse sur les ventes électroniques et inquiétante pour l'avenir de nos maisons de ventes face à la concurrence anglo-saxonne. Le volet fiscal est inexistant, et la majorité plurielle continue, qui plus est, de brandir périodiquement la menace d'inclure les objets d'art dans l'assiette de l'ISF. Malgré différentes interventions dans vos propres rangs, dont celles de Claude Evin au Sénat, vous n'avez pas su convaincre Bercy, Madame la Ministre, d'entreprendre la nécessaire réforme fiscale, ni d'inscrire ces questions parmi les priorités de la présidence française de l'Union européenne.

La proposition qui nous est présentée ce soir, et qui fait suite, rappelons-le, aux consultations engagées par votre prédécesseur, M. Douste-Blazy, est un pas dans la bonne direction, mais elle souffre d'une faiblesse chronique : trop peu, trop tard, et pas assez d'argent. Non seulement les moyens de l'Etat demeurent très en deçà des objectifs affichés, mais encore vous vous apprêtez à faire supprimer les incitations fiscales au mécénat, introduites par le Sénat !

La loi de 1992 a eu le mérite de mettre fin au système étatiste, voire arbitraire, de la retenue en douane et de l'interdiction de sortie, instauré par Vichy en 1941. Sa philosophie, d'orientation plus libérale, établit un certain équilibre entre la protection des droits légitimes des propriétaires et la liberté du marché, d'une part, et le rôle tout aussi légitime de l'Etat dans la protection du patrimoine national, d'autre part. Elle pose le principe de la liberté d'exportation pour tous les biens dont la valeur n'excède pas un certain seuil, un certificat de sortie étant exigé au-delà. Si le bien n'est pas considéré comme trésor national, le certificat est accordé pour cinq ans ; dans le cas contraire, le bien est maintenu sur le territoire pour une période de trois ans, non renouvelable, au cours de laquelle le bien peut être soit acquis par l'Etat, soit classé.

En huit ans, cependant, ce système a montré ses limites. La crainte de se voir refuser le certificat de sortie a dissuadé les acteurs du marché de l'art d'acheter des _uvres en France et, plus encore, de les y faire entrer ou revenir, ce qui a contribué au déclin du marché français. En second lieu, la jurisprudence Walter a rendu inapplicable, de facto, la faculté de classement reconnue à l'Etat, de sorte que celui-ci n'a d'autre solution que de se porter acquéreur -mais encore faut-il qu'il en ait les moyens et que le propriétaire accepte de lui vendre son bien. Résultat : plus une _uvre est chère, moins l'Etat est en mesure de l'acheter, et moins le propriétaire est incité à la vendre. Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce que moins de 1 % des _uvres d'art ayant fait l'objet de demandes de certificat entre 1993 et 1999 soient restées en France...

La proposition de loi du Sénat, inspirée en partie du modèle britannique, introduit plusieurs innovations utiles. L'exigence du certificat est maintenue pour les objets de plus de cent ans ; sa validité est de vingt ans pour les autres ; il est attribué automatiquement à tous les biens importés en France depuis moins de cinquante ans ; la validité du refus est ramenée de 36 à 30 mois ; le prix de vente est fixé après expertise contradictoire, sur la base des prix du marché international ; enfin, en cas de refus de vente au prix ainsi fixé, l'Etat peut renouveler indéfiniment son refus de sortie. Le système est donc rendu à la fois plus simple et plus équitable. Pour autant, il comporte encore des lacunes non négligeables.

En premier lieu, les seuils fixés par le décret de 1993 n'ont pas été réévalués depuis, ce qui favorise la sortie licite de très nombreux objets. Ensuite, l'Etat demeure toujours aussi démuni : s'il n'a certes pas vocation à tout acheter, il ressort d'une étude du sénateur Yann Gaillard que le montant total de ses acquisitions depuis 1993 ne dépasse pas 157 millions, auxquels il faut ajouter les 8 millions déboursés par les collectivités locales et les 106 millions provenant des dations et du mécénat. C'est dérisoire, compte tenu des prix du marché international.

Les Britanniques, eux, recourent à deux procédés fort expédients. Ils mettent à contribution les recettes de la Loterie nationale, voie que le gouvernement français se refuse, pour des raisons inexpliquées, à explorer, et ils encouragent le mécénat, dont l'apport est évalué, dans notre pays, à 20 millions par an dans le meilleur des cas, du fait d'incitations fiscales insuffisantes -dont j'ai proposé à plusieurs reprises, mais en vain, l'extension. Le Sénat, quant à lui, propose que l'offre d'achat sur la base du prix du marché puisse être présentée, non seulement par l'Etat ou par une personne publique, mais aussi par une personne privée, comme le suggérait le rapport Aicardi dès 1995. Las ! l'idéologie l'a emporté : il n'est pas question, pour vous, de laisser l'Etat français se comporter à la britannique, c'est-à-dire comme un vulgaire intermédiaire, et mieux vaut laisser nos trésors nationaux filer à l'étranger ! L'Etat fait-il également la fine bouche, cependant, lorsqu'il accepte les dations ou les dons, y compris étrangers, aux Musées nationaux, ou lorsque, au nom de la politique industrielle, il soutient les groupes privés français ?

Autre disposition novatrice votée par le Sénat et supprimée par la commission : l'exonération partielle du droit de mutation à titre gratuit, à concurrence de la moitié de la valeur du bien, en cas de classement de celui-ci. Plutôt laisser sortir des trésors nationaux que l'on est incapable d'acheter, que d'inciter leurs propriétaires à les garder en France !

Enfin, le texte du Sénat est susceptible d'être amélioré sur plusieurs points. Le délai de délivrance du certificat devrait être ramené de quatre à deux mois, la durée de validité du refus être ramenée de 30 à 18 mois, la commission d'examen comprendre des représentants des ministères des finances et de la justice, le certificat de sortie être délivré de plein droit en cas de non-paiement du prix de vente par l'Etat.

Telles sont les observations du groupe RPR sur un texte dont il approuve le principe, mais dont il critique les insuffisances. Une grande politique de l'art reste à inventer et à faire ; il est dommage que le Gouvernement se soit arrêté au milieu du gué (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Bernard Outin - Le législateur qui, au début du XIXème siècle, avait instauré des mécanismes destinés à protéger la constitution de notre patrimoine national, est interpellé, deux siècles plus tard, par un marché devenu le maître-mot de la pensée unique.

Les _uvres d'art circulent aujourd'hui librement : voilà qui est dans l'esprit même de l'Acte unique européen. Dans la même logique, le projet de loi relatif aux enchères publiques tend, sous couvert d'exigence européenne, à libéraliser le marché en supprimant le monopole des commissaires priseurs. La France occupe une position particulièrement fragile dans ce marché puisque le solde entre ses exportations et ses importations d'objets d'art est négatif de deux milliards.

Comment donc constituer un patrimoine national dans un monde où tout est flux en raison du marché ? Comment le protéger contre les agissements de sociétés privées comme Sotheby's et Christie's qui détiennent 95 % du marché mondial ? Comment procéder quand les _uvres d'art se déplacent si facilement dans le monde au gré des disparités fiscales ?

Faut-il être pour ou contre le marché de l'art ? Faut-il l'encadrer ? Faut-il incliner au protectionnisme au nom de la défense du patrimoine ?

Jusqu'en 1992 était en vigueur un système très régalien fondé sur l'interdiction à l'exportation et la retenue en douane. La loi du 23 juin 1941, qui prévoyait l'octroi d'une autorisation pour toute exportation d'objet présentant un intérêt national historique ou artistique, permettait un contrôle systématique. L'Etat pouvait interdire la sortie d'une _uvre sans être tenu de réparer le préjudice qu'il causait au propriétaire.

La loi du 31 décembre 1992 a retiré cette faculté à l'Etat qui maintenant, pour conserver une _uvre sur le territoire national, doit y mettre le prix. La défense du patrimoine, désormais tributaire des contraintes budgétaires, s'en ressent et l'on peut en effet parler, comme notre collègue Pierre Lellouche, de « pillage » de notre patrimoine.

Nous ne sommes néanmoins pas sans armes puisque l'article 30 du traité de Rome autorise les Etats membres à limiter la libre circulation des biens culturels. Il est urgent de le faire car la loi de 1992 ne permet pas de garantir que l'Etat pourra conserver sur le territoire national les _uvres qui font partie du patrimoine national et sont considérées comme des trésors nationaux. Il ne dispose ni des outils juridiques ni des moyens financiers nécessaires aux acquisitions.

Il s'agit aujourd'hui de rechercher un équilibre entre les exigences du marché et la protection du patrimoine national, entre l'intérêt général et les intérêts particuliers. Le rapporteur l'a rappelé, et nous en sommes d'accord. Nous approuvons de même cette proposition de loi qui tente de remédier aux effets de déréglementations anarchiques. Elle permettra de mieux protéger notre patrimoine tout en clarifiant les relations entre l'Etat, les propriétaires et les acteurs du marché de l'art.

Le législateur de 1992 estimait que le classement, qui interdit l'exportation, limiterait la sortie d'_uvres de notre territoire. Or l'article 16 de la loi de 1913 dit que le classement d'un objet mobilier, effectué sans le consentement du propriétaire, peut donner lieu au paiement d'une indemnité représentative du préjudice. La situation n'était donc pas tenable.

Depuis 1992, l'ensemble des biens nationaux considérés comme trésors nationaux a représenté environ 1 435 millions. Sur ce montant, la valeur des _uvres entrées dans les collections publiques suite à un refus de certificat s'est élevée à 272 millions, soit 11 % du total.

La présente proposition de loi tend à permettre à l'Etat d'acquérir au prix du marché international les biens culturels qu'il considère comme des trésors nationaux. Le propriétaire ne pourra plus opposer un refus de vente systématique à la puissance publique, comme il le peut aujourd'hui. Le texte prévoit aussi une expertise contradictoire pour fixer le prix du marché. Si le propriétaire récuse l'offre de l'Etat au prix du marché, l'_uvre ne peut être exportée. Cela étant, une inquiétude demeure : comment l'Etat pourra-t-il enrichir ses collections d'_uvres nouvelles ? Tout dépendra de ses moyens financiers, notamment des crédits d'acquisition. S'agissant des avantages fiscaux de nature à prévenir ou à dissuader la sortie d'_uvres du territoire, un examen approfondi s'impose. Nombre de collections publiques proviennent, nous le savons, de dations. Cette procédure doit être prise en considération.

Plus largement, la question est bien celle de l'accès à la culture. Comment faire connaître au plus grand nombre ces trésors nationaux, aujourd'hui réservés à quelques-uns, qu'ils appartiennent à des collections privées ou soient enfermés dans un coffre-fort ? Comment aussi assurer une parfaite conservation des _uvres ? Autant de questions essentielles qui sous-tendent cette proposition de loi. Commencer d'y répondre, c'est commencer d'élaborer une véritable politique de défense de notre patrimoine culturel. L'Etat doit maintenant engager de nouveaux rapports avec la sphère privée de façon que prévale en matière de patrimoine national l'intérêt de tous. Mais, comme disait Rudyard Kipling, « c'est une autre histoire »... Il faudra donc une autre loi (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Henri Plagnol - Je relève une nouvelle fois le profond décalage entre le caractère presque confidentiel de l'un de nos débats et ses enjeux.

La protection des trésors nationaux, constitutifs de notre identité nationale, est l'une des missions éminentes de l'Etat. C'est d'ailleurs un sujet qui passionne l'opinion : il n'est que de voir la générosité dont font preuve nos concitoyens lorsque l'Association des amis du Louvre lance une grande souscription afin qu'un chef-d'_uvre puisse demeurer dans les collections nationales, les campagnes de presse pour accompagner ce genre d'actions ou au contraire déplorer l'exportation d'une _uvre majeure. Il s'agit aujourd'hui, comme l'a souligné notre collègue Outin, d'élaborer une politique de protection du patrimoine national sur un marché mondial de l'art où prévalent les règles du libre-échange et où les moyens actuels dont dispose l'Etat, notamment financiers, ne suffisent pas.

Tous les orateurs qui m'ont précédé l'ont excellemment dit, la législation actuelle est inapplicable et lourde d'effets pervers.

Elle est inapplicable, d'une part, car il existe aujourd'hui un marché unique européen où les biens circulent librement, même si les biens culturels relèvent d'une législation spécifique ; d'autre part, car, comme on l'a vu dans l'affaire judiciaire du Jardin à Auvers de Van Gogh, dans la mesure où l'Etat est maintenant dans l'obligation d'indemniser les propriétaires au prix estimé du marché, il n'a plus les moyens de s'opposer à la sortie des _uvres du territoire national.

La tentative législative de 1992 a échoué à cause de cette illusion bien française selon laquelle il suffirait d'inscrire un principe dans la loi pour régler tous les problèmes. Pis encore, la loi de 1992 a eu de nombreux effets pervers, affaiblissant encore le marché français de l'art, dissuadant les collectionneurs de domicilier leurs biens en France, attisant les conflits entre propriétaires et responsables de collections publiques alors qu'une relation de confiance serait indispensable.

La proposition que nous examinons comporte plusieurs dispositions pleines de sagesse comme la mise en place d'une expertise contradictoire pour fixer le prix de l'_uvre, l'allégement des obligations administratives, la suppression des certificats pour les biens importés à titre temporaire... Il est, aussi, judicieux de modifier la composition de la commission consultative et d'adapter, ce faisant, la loi à la réalité, en tenant compte de l'échec du texte de 1992.

Le groupe UDF considère cependant que ces progrès, pour nécessaires qu'ils soient, ne suffiront pas à redynamiser le marché de l'art en France. Ce disant, nous reprenons le débat déjà entamé lors de l'examen du texte abrogeant le monopole des commissaires-priseurs.

Pourquoi le Gouvernement s'obstine-t-il à refuser les offres des propriétaires privés ? Pas davantage que dans le passé, l'Etat n'a les moyens de tout faire. Il faut donc en finir avec ce qui n'est qu'affichage, et traduire par des moyens vraiment efficaces la volonté politique que l'on dit avoir. En l'espèce, n'est-il pas, de toute évidence, préférable que les propriétaires privés établis en France acquièrent des trésors nationaux, plutôt que de devoir se résoudre à ce que les chefs-d'_uvre sortent du territoire ?

La proposition faite par le Sénat d'encourager l'offre privée par une exonération partielle des droits de mutation est frappée au coin du bon sens et, loin de porter atteinte à la dation, elle la complète. Elle va d'ailleurs dans le sens souhaité par différents gouvernements précédents, y compris ceux auxquels appartenait Jack Lang. Pourquoi cet artificiel débat idéologique ?

Je peux rassurer M. Terrasse : je ne serais pas opposé à ce qu'obligation soit faite aux acquéreurs privés de trésors nationaux de les exposer au public, en certaines occasions, dans les Musées nationaux. Mais le débat manichéen dans lequel vous avez choisi de vous engager ne sera pas de nature à favoriser le marché de l'art en France.

Plus largement encore, notre désaccord porte en effet sur l'absence des mesures propres à redonner à ce marché anémié les couleurs qu'il a perdues. Il aurait donc fallu adapter le droit de suite et revoir le taux de TVA applicable aux _uvres importées. De tout cela nous avons déjà traité lors de l'examen de la loi portant abrogation du monopole des commissaires-priseurs, mais nous n'abandonnerons pas un combat que nous estimons vital : si ces aménagements n'ont pas lieu, le dispositif que vous entendez appliquer restera lettre morte.

Et puis, l'Etat doit définir ses priorités. Je me félicite que la notion de «trésor national » demeure raisonnablement restrictive. S'il en était allé autrement, comment aurions-nous pu nous opposer au départ des _uvres ? Or -et cela n'a pas été suffisamment souligné au cours de cette discussion- l'exposition de chefs-d'_uvres français dans les musées étrangers contribue fortement à la diffusion de la culture française.

M. Alfred Recours - C'est exact.

M. Henri Plagnol - Je suis donc favorable à une définition très restrictive du « trésor national », et j'observe que la conception, par trop extensive, de ce qui doit être classé en matière de patrimoine a conduit à des difficultés bien souvent insurmontables. C'est qu'à vouloir trop embrasser, on étreint de plus en plus mal.

M. Alfred Recours - C'est vrai.

M. Henri Plagnol - L'Etat doit donc se donner les moyens d'appliquer sa politique. A cet égard, comment ne pas reprendre la longue plainte des orateurs qui m'ont précédé ? Nous savons tous que, comme tous les ministres de la culture, vous êtes maltraitée par le ministère des finances. Que dire d'un budget annuel d'acquisition de 100 millions, sinon qu'il ne permet même pas d'acheter un seul « grand » tableau ? Que dire de la très importante réduction de la subvention d'investissement aux propriétaires de monuments historiques intervenue en 1999 ? Que penser d'un budget d'acquisition des Musées de France en augmentation de 7,8 millions, en trois ans, sinon que c'est beaucoup trop peu ?

Cependant, les chiffres ne sont pas tout, et votre ministère doit apprendre à résister à la tentation de créer des musées en tous genres. Sans nul doute, la politique du ministère, sur ce point, doit être revue. Il convient, dans le même esprit, de modifier la législation, pour permettre que des _uvres acquises par les collections publiques puissent être remises sur le marché s'il apparaît que leur notoriété n'est finalement pas telle qu'elles attirent les foules...

A quand aussi la grande loi sur le mécénat dont mon collègue Lellouche a justement dit que cela devrait être une des priorités du Gouvernement puisque, je le répète, l'Etat ne peut tout faire seul ? Il faut, encore, revoir la loi de 1913 sur les monuments historiques pour donner à l'Etat les moyens de s'opposer aux dépeçages auxquels il assiste impuissant.

Si, enfin, la mondialisation et l'essor des techniques de communication affaiblissent les moyens de l'Etat, ces phénomènes passionnants ne présentent pas que des inconvénients, tant s'en faut. A-t-on assez à l'esprit qu'il y a très peu de temps encore, bien peu de Français avaient le privilège de contempler les chefs-d'_uvre dont notre pays regorge ? Qui, de Jean-Baptiste Carpeaux, connaissait les peintures ? Et qui, sauf à Valenciennes, savait même qu'elles existaient ? Aujourd'hui, des catalogues immenses peuvent être consultés, et stockés sur cédéroms ou sur vidéo. Un accès sans précédent est ainsi offert aux trésors nationaux et au patrimoine mondial.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Henri Plagnol - Votre ministère doit donc investir bien davantage qu'il ne le fait dans ces nouvelles technologies, afin que tous nos enfants apprennent à connaître ces trésors.

M. Pascal Terrasse - Absolument.

M. Henri Plagnol - Ainsi devraient être complétées les dispositions que vous envisagez. Vous éviteriez de la sorte, de retomber dans les errements du passé, et vous favoriseriez, avec sagesse, le marché de l'art en France (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

La discussion générale est close.

Mme la Ministre - Je remercie les orateurs, qui ont bien voulu rappeler les objectifs du texte : permettre à l'Etat de respecter son devoir de protection du patrimoine ; favoriser la fluidité du marché de l'art dans le respect des droits de tous ; éviter que les _uvres d'art ne deviennent des valeurs-refuges ; permettre, enfin, que les _uvres acquises soient accessibles au plus grand nombre. Pourquoi, en effet, protéger les trésors nationaux si ce n'est pas pour enrichir les collections et exposer les nouvelles acquisitions ?

A ce sujet, je tiens à rappeler à M. Plagnol que la numérisation des _uvres d'art a été commencée il y a plusieurs années, et que les remarquables cédéroms du Louvre et de Versailles sont, dans leur catégorie, parmi les plus vendus au monde. La France peut s'enorgueillir, aussi, de la banque de données Gallica de la Bibliothèque nationale.

Si le Premier ministre a estimé que notre pays accusait un certain retard en matière de nouvelles technologies, je suis fière de rappeler que mon ministère s'est engagé très tôt dans la voie de la numérisation des collections qui permet d'en élargir l'audience.

Comme l'a rappelé votre rapporteur, nous avons d'ailleurs entrepris une série de réformes qui traduisent une volonté politique affirmée. Alors, je vous le demande Messieurs Lellouche, Plagnol et Herbillon, mes prédécesseurs ont-il péché par excès d'ambition ? Et est-ce cet excès d'ambition qui avait motivé la baisse de 20 % du budget de la culture en 1995-1996 ? Trop d'ambition conduit parfois à l'inaction.

M. Alfred Recours - Trop d'ambition tue l'ambition !

Mme la Ministre - Vous citez des chiffres, Monsieur Lellouche, mais soyez complet ! Le fonds du patrimoine n'est-il pas passé de 30 à 105 millions entre 1995 et cette année ?

M. Pierre Lellouche - C'est vrai.

Mme la Ministre - Et les crédits d'acquisition et de commandes publiques ne s'élèvent-ils pas à 400 millions ? En matière de fiscalité, le sénateur Dejoie s'est félicité des avancées réalisées dans le sens de l'harmonisation européenne, en particulier pour le droit de suite. A ce titre, le taux de 4,5 % s'applique désormais à la taxation forfaitaire.

Pour ce qui concerne la loi de 1913, je me suis engagée à présenter une réforme qui s'inscrira dans le plan de modernisation auquel nous nous sommes attachés, lequel comprend déjà la réforme des ventes aux enchères publiques, celle de l'archéologie préventive -attendue depuis vingt ans- et le présent texte sur les trésors nationaux.

M. Henri Plagnol - Nous prenons date !

Mme la Ministre - Vous pouvez le faire ! Alors, on peut dire que nos propositions ne sont pas assez ambitieuses. Mais nous traitons en réalité point par point toutes les questions qui concernent le marché de l'art.

Je n'ai pas bien saisi votre argumentation, Monsieur Lellouche, sur les seuils de classement. Chacun sait que, plus on relève les seuils, moins on protège. Pourquoi présenter le relèvement des seuils comme un moyen de renforcer la protection du patrimoine ?

M. Pierre Lellouche - Demandez aux conservateurs !

Mme la Ministre - J'en viens à la loi de 1992 que je considère comme une bonne loi, en ce qu'elle tendait à faire circuler les biens au sein de l'Union européenne. Nous proposons de la compléter et de l'enrichir. Il y a donc lieu de poursuivre la réflexion engagée en ce sens.

La présente loi permet de franchir une étape attendue. Je souhaite que l'esprit de ce texte soit pris en compte dans l'examen des amendements et je vous en remercie par avance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - J'appelle dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du Règlement les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Top Of Page

ARTICLE PREMIER

M. Pierre Lellouche - Certes, Madame la ministre, plusieurs textes ont été déposés devant les assemblées -dont certains d'ailleurs avec retard. Mais il n'y a pas lieu de s'en satisfaire car ils ne sont pas financés. Je partage votre point de vue, critique, sur le manque de moyens qui prévalait dans les années 1995-1996, mais je constate que les crédits restent aujourd'hui largement insuffisants et que faute d'armature financière et fiscale vos réformes n'aboutiront pas.

L'amendement 27 tend à ramener à deux mois le délai de délivrance du certificat car le délai prévu dans le décret du 29 janvier 1993 est excessif, en particulier lorsqu'il s'agit de faire participer un bien à une exposition à l'étranger. Un délai de deux mois paraît largement suffisant, s'agissant d'_uvres qui, par définition, sont extrêmement connues.

M. Michel Herbillon - Je souhaite à mon tour répondre à Mme la ministre et lui demander de ne pas caricaturer nos positions. Nous n'avons jamais déploré, Madame, votre manque d'ambition et nous regardons vers l'avenir plutôt qu'en arrière. Mais nous déplorons le manque de moyens, qui persiste.

L'amendement 36 vise, pour les raisons qu'a rappelées M. Lellouche, à ramener à trois mois le délai de délivrance du certificat.

M. le Rapporteur - Ces amendements relèvent du domaine réglementaire. La commission les a donc repoussés, d'autant que le délai de quatre mois constitue un plafond. Si les circonstances l'exigent -et notamment dans le cas qui a été cité d'une exposition internationale-, il est tout à fait possible de délivrer le certificat plus rapidement.

Mme la Ministre - Même avis que la commission.

L'amendement 27, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 36.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

Top Of Page

ART. 2

M. Pierre Lellouche - L'amendement 28 vise à associer à la commission chargée de donner un avis sur les refus de délivrance de certificat des représentants des ministères des finances et de la justice. Il est souhaitable que Bercy soit ainsi sensibilisé aux réalités du marché de l'art et à l'insuffisance des crédits dévolus à la culture !

M. Michel Herbillon - L'amendement 38 corrigé introduit une précision visant à assurer une représentation effective du ministère de la culture.

L'amendement 37 corrigé tend à garantir que seront réellement choisis des représentants du marché de l'art -marchands, experts, commissaires-priseurs, représentants des sociétés de ventes... Ainsi composée, la commission contribuera à installer un climat de confiance entre les propriétaires et l'administration comparable à celui qui prévaut, notamment en Grande-Bretagne.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable pour les trois amendements. S'agissant de l'amendement 28, qui relève d'ailleurs du domaine réglementaire, la présence de représentants de Bercy dans une commission chargée d'apprécier la valeur intrinsèque des _uvres -et non leur valeur marchande- ne semble pas opportune. Seule la présence du ministère de la culture est déterminante.

Mme la Ministre - Je remercie votre rapporteur d'avoir rappelé la responsabilité particulière du ministère de la culture au sein d'une commission chargée de donner un avis sur la valeur artistique des _uvres. Il n'y a pas lieu d'associer à ce stade de la procédure des représentants du ministère des finances.

Ne voyez pas dans ma réponse du mépris pour nos interlocuteurs de Bercy, qui s'intéressent de plus en plus au marché de l'art. Mais on ne peut réduire à une seule personne la représentation du ministère de la culture sans compromettre l'efficacité de cette commission.

Par ailleurs, sa composition paritaire garantit la présence de nombreux interlocuteurs qualifiés.

M. Pierre Lellouche - Nos amendements procèdent d'une consultation approfondie des acteurs du marché. La parité est certes une bonne idée, mais la représentation de ministères autres que le vôtre vous aiderait sans doute à trouver le financement nécessaire aux acquisitions. Si vous pensez pouvoir y parvenir sans leur aide, tant mieux : nous vous jugerons sur vos résultats.

M. Michel Herbillon - Je souhaite qu'on précise dans la loi que les « personnalités qualifiées » seront bien des représentants du marché de l'art.

M. Pascal Terrasse - Ce sera fait par voie réglementaire !

L'amendement 28, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 38 corrigé et 37 corrigé.

M. le Rapporteur - L'amendement 4 de la commission vise à préciser que seules seront motivées les décisions de refus et non les octrois de certificats. Il fixe aussi les conditions de publicité de ces décisions, publicité grâce à laquelle pourra se dégager un certaine jurisprudence.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

Top Of Page

ART. 3

M. Pierre Lellouche - La commission a tort de vouloir supprimer cet article, qui fixe le délai à l'issue duquel le certificat est réputé accordé.

C'est à l'unanimité que nous venons d'adopter l'amendement précédent.Le dispositif adopté n'a d'intérêt que si le délai en cause est bref : quatre mois, voire moins. Une fois de moins cependant, l'opposition n'a pas été entendue.

M. le Rapporteur - L'amendement 5 de la commission vise à supprimer cet article, rendu sans objet par l'adoption de l'amendement précédent.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 3 est supprimé.

Top Of Page

ART. 4

M. Pierre Lellouche - Mon amendement 29 vise à réduire la durée de validité des décisions de refus. Fixée à 36 mois dans la loi de 1992, elle est ramenée à 30 mais dans ce texte. Je propose pour ma part de la limiter à 18 mois. En effet, en cas de procédure contradictoire d'expertise, s'ajoute à cette durée une série de délais légaux dont la somme est de 13 mois, sans compter le délai de 6 mois dont dispose l'Etat pour payer si la procédure aboutit à un accord. Au total : 19 mois de délais supplémentaires ! Il serait sage de réduire à 18 mois le délai de base. Ce serait suffisant pour permettre à l'Etat d'assurer sa mission régalienne et aux parties de se mettre d'accord.

M. le Rapporteur - Dans la réalité, les délais auxquels vous faites allusion ne s'ajoutent pas, mais se chevauchent.

M. Pierre Lellouche - Parfois ! Pas toujours.

M. le Rapporteur - Par ailleurs, il s'agit d'un échange commercial privé. La durée de la transaction fait partie du négoce.

En outre, le délai est déjà ramené de 36 à 30 mois, c'est suffisant.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

L'amendement 29, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 6 rectifié de la commission vise à éviter toute confusion entre la procédure de classement et la protection des trésors nationaux : la première repose sur les lois de 1913 et de 1979, la seconde sur celles de 1941 et 1989.

L'amendement 6 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 7 de la commission vise à préciser qu'il ne peut être demandé de certificat d'exportation tant que le bien fait l'objet d'une offre d'achat de l'Etat.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 4, modifié, mis aux voix, est adopté.

Top Of Page

APRÈS L'ART. 4

M. Pierre Lellouche - Je remercie la commission des finances d'avoir laissé mon amendement 30 venir en discussion, même si je sais qu'il sera repoussé. Il vise à procurer des ressources à l'Etat pour acheter des _uvres.

En effet, malgré cette proposition, dont l'inspiration est bonne et que vous avez eu raison de reprendre, le mal demeure : l'Etat ne dispose pas des ressources suffisantes pour remplir sa mission. J'ai entendu dire qu'en 1999, il lui aurait fallu 700 millions pour acquérir l'ensemble des trésors nationaux ayant fait l'objet d'une demande de certificat de sortie.

Pour que cette loi soit efficace, il faudra donner à l'Etat des moyens supplémentaires.

Vous avez critiqué, Madame le ministre, l'insuffisance des crédits d'acquisition sous les précédents gouvernements. Mais la gauche a longtemps été au pouvoir et le budget n'était pas meilleur. Il reste aujourd'hui insuffisant.

C'est pourquoi, sur le modèle britannique, je propose que l'Etat puisse puiser 200 millions dans les 11,4 milliards de recettes de la Française des jeux.

Il faudrait par ailleurs, dans un collectif budgétaire, qu'on trouve le moyen de mettre à la disposition du ministère un fonds dont la partie non consommée pourrait être reportée d'année en année.

Le monde de l'art attend de vous un engagement précis, sans quoi cette proposition n'aura pas d'effet.

M. le Président - Il est clair que cet amendement se heurte à l'article 40.

M. Michel Herbillon - A mon tour je remercie la commission des finances d'avoir permis la discussion de mon amendement 41. Sans moyens financiers, la volonté politique, affirmée par Mme la ministre, de préserver notre patrimoine n'aurait pas de sens ; cette réforme ne serait alors qu'une réformette. Mon amendement a pour but d'ouvrir le débat sur la manière dont nous pourrions donner à l'Etat les moyens nécessaires. A l'instar d'un grand pays voisin, terre de culture, la Grande-Bretagne, qui affecte à l'achat d'_uvres d'art une partie du produit des jeux, je propose de majorer de 200 millions les prélèvements sur ce produit dans les casinos, le PMU et la Française des jeux. Je rappelle que le total des mises atteint 35 milliards par an pour le loto et les jeux de grattage, dont 21 milliards pour le seul loto. Que représentent en regard les 250 petits millions du budget d'acquisition de l'Etat ? La valeur totale des trésors nationaux acquis depuis 1993 est de 271 millions, sur lesquels les crédits d'acquisition de l'Etat représentent 150 millions. On mesure les ordres de grandeur. Madame la ministre, vous vous êtes dite prête à ouvrir ce débat sur le financement : c'est le moment, et je m'étonne que vous ne profitiez pas de cette loi pour en discuter et mettre au point des mesures de ce type. Malheureusement notre commission a dépecé le texte du Sénat en supprimant toutes ses dispositions fiscales.

M. le Rapporteur - La commission estime que ces questions sont incontournables, mais qu'il est difficile d'y apporter des réponses au détour d'une proposition de loi. L'aspect financier est important pour la protection des collections, mais il n'est pas le seul ; on ne peut le réduire à la question des recettes, et il faut l'inscrire dans un ensemble qui inclut aussi les incidences fiscales et les partenariats matériels, techniques et financiers. En outre, nous serons toujours confrontés à la limite des moyens matériels. Je ne crois pas que ce soit l'objet du présent débat.

M. Pierre Lellouche - Ce n'est jamais le lieu !

M. Michel Herbillon - Où et quand le fera-t-on ?

Mme la Ministre - Par la volonté du sénateur Lagauche, cette proposition n'a pas pour objet de traiter des questions fiscales. J'ai dit que j'avais les moyens voulus pour acquérir trente trésors nationaux sur quatre-vingts. Faut-il en acheter quatre-vingts ? On peut en discuter ; il faut aussi être sélectifs. Certes nous devrons trouver des solutions, car il est préjudiciable à la collectivité nationale que ces trésors quittent le territoire. Ces solutions devront être adaptées, et peut-être moins systématiques que celles qu'on nous propose. J'ai constaté en prenant mes fonctions qu'on avait déjà pensé à la loterie pour financer les opérations de l'an 2000, mais aucune décision n'avait été prise, et nous avons du dégager d'autres crédits... Je comprends bien que, sur tous les bancs de cette assemblée, je peux trouver un soutien, ce qui sera important quand j'irai négocier des crédits supplémentaires. Si nous trouvons des méthodes mieux adaptées que celles de ces deux amendements -auxquels je suis défavorable- pour constituer un fonds d'acquisition, je les défendrai ; et j'espère revenir devant vous avec l'accord de Bercy, et des perspectives sonnantes et trébuchantes...

M. Pierre Lellouche - Je trouve dommage que nous n'obtenions aucun engagement précis. Le prélèvement sur les jeux fonctionne très bien en Grande-Bretagne où il fournit 400 millions de francs par an. Je lis page 15 du rapport de M. Rouger que, « depuis 1992, l'ensemble des biens culturels considérés comme des trésors nationaux a représenté une valeur de 1 435,75 millions de francs. Sur ce montant, la valeur des _uvres entrées dans les collections publiques suite à un refus de certificat s'est élevé à 272 millions de francs ». Il ne s'agit pas, Madame la ministre, de tout acheter et de nationaliser le patrimoine. Nous proposons de passer de 100 à 300 millions : c'est très raisonnable, et il est dommage que le Gouvernement ne se saisisse pas de ces propositions.

M. le Président - Mme la ministre n'a pas dit qu'elle ne s'en saisissait pas. Cela lui servira de base de départ.

L'amendement 30, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 41.

Top Of Page

ART. 4 BIS

M. Michel Herbillon - Cet article, adopté à l'initiative de la commission des finances du Sénat, prévoit l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit sur les biens classés monuments historiques. L'Etat doit se donner les moyens de maintenir en France les biens qu'il ne peut pas acheter. J'entends M. le rapporteur dire que ce n'est pas le lieu ni le moment d'en débattre. Mais quand et où sera-ce ? Sans mesures de cette nature, cette loi ne sera qu'incantation. Adopter un article comme celui-ci, c'est aussi pour le Sénat et l'Assemblée une façon de vous aider, Madame la ministre, vis-à-vis de Bercy. Sans cela ce texte restera largement une coquille vide. Ce dispositif est complémentaire, non contradictoire, du système de dation. On peut tout à fait concevoir, d'autre part, de l'assortir d'une obligation de montrer les _uvres au public. Sans défiscalisation, ce texte donnera peu de moyens concrets d'avancer vers l'objectif qu'il vise.

M. Alfred Recours - A la suite de la discussion qu'a eue notre commission autour du rapport d'étape sur les musées, je souhaite m'exprimer, au nom de la commission des affaires culturelles, sur ces questions liées au financement de l'acquisition d'_uvres d'art. Je rappelle qu'il existe déjà des dispositions fiscales et qu'elles sont très productives. Je pense à tout ce qui relève des donations et des dations. Depuis 1972, trois cents offres de dation ont été acceptées par l'Etat, représentant une valeur totale libératoire d'environ 2,3 milliards. Ce chiffre aussi doit être pris en compte dans notre discussion sur les capacités de l'Etat et de la collectivité nationale à financer l'achat d'_uvres d'art.

Une autre disposition fiscale est l'exonération des _uvres d'art de l'impôt sur la fortune, qui a permis de maintenir en France un certain nombre d'_uvres. Contrairement à la dation, elle n'assure pas aujourd'hui l'accès du public à ces _uvres, mais je laisse de côté ce débat.

Avant d'aborder, au nom de la commission, l'importante autant qu'épineuse question du financement, à laquelle tous les groupes se sont montrés également sensibles, je voudrais nous mettre en garde contre une vision nationaliste, cocardière, de la protection du patrimoine national : lorsque nous allons à Bâle, à Londres, à Amsterdam, admirer des tableaux français exposés au public, le déplacement est parfois moindre que pour une ville située à l'extrémité du territoire français...

Bien que les montants envisagés par nos collègues, M. Lellouche comme M. Herbillon, n'aient rien de démesuré, nous devons veiller à ce que les ressources publiques dégagées produisent l'effet de levier le plus fort possible, et ne pas nous contenter d'accroître les dotations de l'Etat. Une première solution consisterait à instaurer un dispositif analogue à celui des Sofica. Deuxième piste possible : celle d'une souscription nationale pour l'acquisition de tel ou tel monument de l'art français, souscription qui serait assortie d'une réduction d'impôt sur le modèle des dons aux associations caritatives. Troisième et dernière suggestion : la création d'une fondation publique, alimentée par le même type de ressources qu'au Royaume-Uni ou en Italie, et qui permettrait notamment de surmonter le problème de l'annualité budgétaire. Nous en reparlerons très probablement lors de l'examen de la prochaine loi de finances -ou peut-être du futur projet sur les musées.

M. le Rapporteur - L'amendement 8 tend à supprimer l'article.

Mme la Ministre - Avis favorable.

M. Pierre Lellouche - Je remercie M. Recours de ses propos, mais regrette que l'accord général qui se manifeste dans l'hémicycle ne se traduise par aucune décision. Pourquoi renvoyer celle-ci au collectif, à la loi de finances, voire au projet sur les musées, alors que nous sommes saisis de deux propositions intéressantes du Sénat, qui jouent, qui plus est, sur l'effet de levier préconisé par M. Recours ? Le Gouvernement a-t-il seulement fait chiffrer leur coût pour les finances publiques ? J'ajoute, in fine, qu'une grave incertitude continuera de peser sur notre patrimoine national tant que la gauche n'aura pas arrêté une position claire et définitive sur l'assiette de l'ISF -et ce qu'a dit M. Recours à ce sujet ne m'a guère éclairé...

L'amendement 8, mis aux voix, est adopté, et l'article 4 bis ainsi supprimé.

Top Of Page

ART. 5

M. le Rapporteur - L'amendement 9 est de coordination avec l'amendement 23, qui sera présenté tout à l'heure.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 10 supprime la notion d'« _uvres comparables », qui ouvre un risque de contentieux inutile, chaque _uvre étant à nulle autre pareille (Sourires). La référence au prix du marché international est suffisante.

M. Pierre Lellouche - L'amendement me paraît inopportun, mais étant donné qu'il va être néanmoins adopté, j'insiste sur le fait que le prix doit être celui du marché international.

M. le Rapporteur - Cela figure en toutes lettres dans le texte.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 11 précise que chacune des parties paie son propre expert.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 12 remplace les mots « le tribunal compétent de l'ordre judiciaire » par les mots « l'autorité judiciaire », afin d'inclure le recours au juge des référés.

M. Pierre Lellouche - Mieux vaut, à cette fin, écrire « le président du tribunal de grande instance statuant en forme des référés », comme c'est d'ailleurs le cas plus loin dans le texte. Tel est l'objet de mon amendement 31.

M. Michel Herbillon - Mon amendement 39 est identique. Je crois que nous sommes tous d'accord, mais la rédaction de la commission semble moins précise.

M. le Rapporteur - Il est plus facile de désigner un expert sur une liste que de faire intervenir l'autorité judiciaire. Notre proposition tend à simplifier les procédures.

Mme la Ministre - Avis favorable à l'amendement 12, défavorable aux 31 et 39. A ce stade de la procédure où il n'existe pas de litige, le juge des référés est normalement compétent pour désigner un expert.

M. Pierre Lellouche - La procédure prévue par l'article 9-1 est déjà complexe : ne la compliquons pas davantage en entretenant le flou. Le mérite d'un texte législatif est d'être sans ambiguïté ! Quelle est cette « autorité judiciaire » dont parle l'amendement ? Comme il sera fait plus loin référence, sur proposition de la commission d'ailleurs, au président du tribunal de grande instance statuant en référé, la logique était d'harmoniser les procédures et de disposer qu'en cas de désaccord entre le propriétaire et l'Etat, ce soit le président du TGI qui tranche.

Mme la Ministre - Je propose un amendement oral qui répondrait, je le crois, aux préoccupations exprimées. Il tendrait à substituer aux mots « tribunal compétent de l'ordre judiciaire » les mots « juge des référés ».

M. Pierre Lellouche - Dans ce cas, il conviendrait de modifier dans le même sens l'alinéa suivant qui traite du cas d'un désaccord sur le prix. L'important est que ce soit la même autorité qui intervienne tout au long de la procédure.

M. le Président - Je me permets de faire observer à l'Assemblée que si une difficulté surgit au fond devant le juge des référés, celui-ci ne pourra pas désigner l'expert, qui le sera nécessairement par le juge du fond.

Je mets aux voix l'amendement oral de Mme la ministre qui portera le n° 42.

L'amendement 42, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 12, 31 et 39 tombent.

M. le Rapporteur - L'amendement 13 tend à donner compétence au président du tribunal de grande instance, tout en lui permettant de statuer en la forme des référés.

Mme la Ministre - A ce stade de la procédure, il est essentiel qu'un véritable débat judiciaire puisse intervenir sur la désignation du troisième expert dont l'avis sera déterminant en cas de désaccord entre les deux experts nommés par chacune des parties.

L'amendement 13, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 14 tend à préciser que l'expert est rémunéré à parts égales par les deux parties.

L'amendement 14, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 15 corrige une erreur dans le décompte des alinéas.

L'amendement 15, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 16 est rédactionnel.

L'amendement 16, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 17 est rédactionnel.

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 18 est de cohérence. Il semble logique que le refus de délivrance du certificat, sanction du refus du propriétaire de vendre le bien à l'Etat au prix d'expertise, soit automatique.

M. Pierre Lellouche - Certes, à la condition toutefois que l'Etat ait réuni les fonds pour acquérir réellement le bien. Cette précision serait d'ailleurs de nature à éviter des contentieux.

L'amendement 18, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 19 supprime la disposition selon laquelle aucune indemnité n'est due au propriétaire lorsque l'Etat renouvelle le refus de certificat à la suite d'un rejet d'offre d'achat au prix d'expertise.

Mme la Ministre - Je suis favorable à cet amendement qui permet de maintenir la législation de 1992. L'Etat examinera cas par cas le préjudice éventuel que peuvent causer au propriétaire d'un trésor national les restrictions apportées à la circulation de ce bien. Les juridictions tiendront bien sûr compte du fait que le renouvellement du refus du certificat trouve sa cause dans le refus même du propriétaire de vendre son bien. J'avais défendu cette position au Sénat qui ne m'avait pas suivie.

L'amendement 19, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 20 est rédactionnel.

L'amendement 20, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Lellouche - L'amendement 32 tend à équilibrer les droits respectifs des propriétaires et de l'Etat. Le texte actuel dispose que le non-paiement par l'Etat du prix de l'_uvre dans le délai imparti de six mois entraîne résolution de la vente. Le propriétaire n'a néanmoins aucune garantie que son bien sera libre à la vente. Mon amendement tend à prévoir qu'en cas de non-respect de ses obligations par l'Etat, le certificat d'exportation sera accordé de plein droit.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, souhaitant que l'on s'en tienne à la procédure prévue actuellement.

Mme la Ministre - Je comprends le souci de M. Lellouche de ne pas pénaliser les propriétaires d'_uvres d'art. Mais sa proposition qui ne concernerait d'ailleurs que les cas, rarissimes je l'espère, où l'Etat n'aurait pas réuni les fonds nécessaires à l'acquisition d'une _uvre, soulève plusieurs difficultés juridiques.

La sanction civile de résolution de la vente en cas de non-respect par l'Etat de ses obligations, ne peut avoir d'effet juridique sur le statut du trésor national, notamment sur la possibilité de l'exporter hors de l'Union européenne. En revanche, si le défaut de paiement intervient après l'expiration de la durée de validité du refus de certificat, ramenée à trente mois par ce texte, le trésor national obtiendra un certificat de circulation.

M. Pierre Lellouche - Les arguments avancés ne me convainquent en rien. L'Etat, en France, est notoirement mauvais payeur. L'hypothèse, ici, n'est pas celle d'un litige sur le prix, qui est déjà fixé, mais d'un non-paiement par l'Etat dans les délais impartis. Il y a une grande injustice à faire à nouveau lanterner le propriétaire d'une _uvre pendant trois ou quatre ans, en l'obligeant à recommencer toute la procédure, pour la seule raison que l'Etat a manqué à sa parole ! Ne pas accepter l'amendement, c'est entretenir une incertitude dommageable pour le marché de l'art en France, et ne pas autoriser le propriétaire lésé à exporter immédiatement son bien, c'est le pénaliser sans motif.

M. le Président - La rédaction de l'amendement n'est pas des plus précises. De surcroît, on sait l'inefficacité d'une prescription sans sanction.

L'amendement 32, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 21 est de coordination.

L'amendement 21, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 22 est de cohérence.

L'amendement 22, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 23 est de conséquence.

L'amendement 23, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 33 et 40 tombent.

M. le Rapporteur - L'amendement 24 reprend la rédaction initiale, plus précise, de l'article, qui fait obligation à l'acquéreur d'un trésor national d'aviser l'Etat qu'il en est devenu propriétaire.

Mme la Ministre - Avis favorable.

M. Pierre Lellouche - Les sous-amendements 34 et 35 sont de clarification.

M. le Rapporteur - La commission, qui n'a pas la même conception que M. Lellouche de la « clarification », a repoussé les sous-amendements.

Mme la Ministre - Avis défavorable au sous-amendement 34. Quant à la sanction prévue au sous-amendement 35, elle m'apparaît disproportionnée et, en tout état de cause, inutile. D'autres textes imposent l'obligation de déclaration, qui ne prévoient pas de sanctions en cas de non-respect de cette obligation. Je suis donc défavorable, aussi, à l'adoption de ce sous-amendement.

M. Pierre Lellouche - Je tentais pourtant, avec ce sous-amendement, de répondre à l'objection faite tout à l'heure par M. le Président...

Les sous-amendements 34 et 35, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 24, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'article prévoit que le propriétaire d'un bien culturel reconnu trésor national et faisant de ce fait l'objet d'un refus de certificat d'exportation, doit en informer tout acquéreur potentiel. L'amendement 25 précise que le non-respect de cette obligation est sanctionné par l'annulation de la vente.

Mme la Ministre - Avis favorable.

M. Pierre Lellouche - C'est en parfaite contradiction avec les arguments qui ont été avancés pour inviter l'Assemblée à repousser le sous-amendement 35.

L'amendement 25, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 amendé, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 6.

Top Of Page

APRÈS L'ART. 6

Mme la Ministre - Le visa d'exportation auquel doivent être soumis les films ne se justifie plus -il s'agissait, dans l'esprit du législateur de 1945, de garantir « l'image » de la France à l'étranger. La suppression de cette formalité répond d'autre part à l'objectif de simplification administrative que s'est fixé le Gouvernement. Il convient donc de supprimer la sanction pénale réprimant l'exportation d'_uvres cinématographiques dépourvues de visa. C'est à quoi tend l'amendement 1. Le marché du film français en sera assoupli d'autant.

M. le Rapporteur - La commission est favorable à cet amendement, qui traite d'_uvres cinématographiques, trésors nationaux potentiels.

M. Pierre Lellouche - Tous les Gouvernements ont le droit à l'erreur... mais tout de même ! Quels étranges cavaliers que cet amendement 1, et que l'amendement 2, que vous allez défendre, Madame la ministre, et qui traite des instances dirigeantes du Centre Pompidou !

Je n'ai rien contre les dispositions que vous nous proposez, mais où est leur place dans le texte que nous examinons ? Quitte à parler du Centre Pompidou, mieux eût valu prévoir d'augmenter son budget d'acquisition !

M. Michel Herbillon - J'ai beau éprouver un attachement particulier pour le conseil d'orientation du Centre Pompidou, où j'ai l'honneur de représenter le Parlement, je ne comprends pas pourquoi vous tenez à introduire dans un texte relatif aux trésors nationaux un amendement qui a pour objectif de modifier la structure juridique de cet établissement public. Quel est le lien avec notre débat ?

Mme la Ministre - La modification proposée vise à améliorer le fonctionnement du Centre Pompidou et, en le dotant d'un conseil d'administration -ce que souhaite vivement son Président- à assurer les conditions d'une meilleure tutelle. C'est donc une garantie supplémentaire qui est ainsi apportée à un établissement public dont le budget d'acquisition est de 28 millions, ce qui est loin d'être négligeable.

Les amendements 1 et 2, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Top Of Page

ART. 7

Mme la Ministre - L'amendement 3 est de coordination.

L'amendement 3, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 26 vise à éviter que des biens culturels faisant l'objet d'un refus de certificat se trouvent dans une situation de vide juridique jusqu'au moment où la loi sera adoptée.

L'amendement 26, accepté par le Gouvernement mis aux voix, est adopté.

L'article 7, mis aux voix, est adopté.

Top Of Page

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Michel Herbillon - Au terme de ce débat, j'éprouve, comme mon collègue Pierre Lellouche, bien des regrets. De toute évidence, nous partageons, sur tous les bancs, le même objectif et, tous, nous savons que la difficulté tient aux moyens nécessaires pour l'atteindre.

Notre frustration vient de ce que nous n'avons pu débattre de ces moyens car le débat a été faussé. Par Mme la ministre, en premier lieu, qui a évoqué ses prédécesseurs sans raison particulière, Il a été faussé, ensuite, par des considérations de nature idéologique telles que celles ayant trait à l'ISF qui n'ont pas leur place dans ce cadre. Doit-on y voir un signe de la volonté du Gouvernement de revenir sur son engagement d'exonérer les _uvres d'art de l'assiette de l'ISF ? Faussé encore lorsque l'on prétend opposer dation et exonération des droits de mutation à titre gratuit.

J'aurais souhaité que Mme la ministre indique le calendrier qu'elle entend retenir pour ce qui concerne les mesures fiscales. Je regrette aussi que la question du mécénat n'ait été qu'effleurée alors que notre pays souffre en la matière d'une insuffisance notoire.

Enfin, le débat a été pollué par des considérations inappropriées sur l'accessibilité des _uvres. Nous faisons nôtre la définition de la culture que propose Malraux : « le plus grand nombre d'_uvres accessibles au plus grand nombre d'hommes » et à aucun moment dans ce débat nous n'avons proposé de soustraire les _uvres au public !

Alors, qu'attend-on pour mettre en regard d'une volonté politique unanimement partagée les moyens dont l'Etat doit disposer pour maintenir les trésors nationaux sur le territoire ?

Je suis impatient que ce débat ait lieu. En attendant, le groupe DL s'abstiendra.

M. Alfred Recours - Cette proposition, introduite par le groupe socialiste au Sénat, tend à remédier aux carences du contrôle de l'exportation des _uvres d'art. Elle vise à la fois à introduire plus de souplesse dans les relations entre l'Etat et les propriétaires de trésors nationaux et à permettre à l'Etat de se porter acquéreur de ces trésors au terme d'une procédure contradictoire. Ce texte n'a pas vocation à traiter de l'ensemble des questions relatives au patrimoine culturel et artistique. Notre commission a d'ailleurs déjà commencé à travailler sur le projet de loi relatif aux musées qui viendra prochainement en discussion. Sans méconnaître l'ensemble des problèmes qui restent en suspens, le groupe socialiste est donc favorable à la présente proposition.

M. Pierre Lellouche - La physionomie de notre débat m'inspire un sentiment de déjà vu. Déjà vu, car je n'ai pas été surpris de voir toutes nos propositions ignorées. Cette attitude est de mise depuis le début de la législature. Déjà vu, ensuite, car nous n'avons entendu que de la déclamation, des v_ux pieux et, au final, on améliore une procédure qui était en faillite, mais sans l'appoint d'aucun moyen nouveau. Vous avez, Madame la ministre, bâti un édifice purement verbal, sur lequel le groupe RPR s'abstiendra.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre - Je souhaite indiquer à la représentation nationale que le débat sur la réforme des dispositions financières et fiscales est ouvert. Le projet de réforme de la loi de 1913 sera présenté en conseil des ministres avant la fin du premier semestre 2000 et la réforme de la loi sur les musées est d'ores et déjà inscrite à l'ordre du jour. Je salue le vote positif de cette proposition et je vois dans l'abstention des groupes de l'opposition un signe encourageant de notre volonté commune de trouver ensemble des solutions adaptées.

Top Of Page

RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il avait décidé, conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.

Prochaine séance,ce mercredi, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 40.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale