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Session ordinaire de 1999-2000 - 61ème jour de séance, 142ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 7 MARS 2000

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

Sommaire

          ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE
          ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES 2

          RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 29

          FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 29

          ANNEXE ORDRE DU JOUR 30

La séance est ouverte à neuf heures.

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ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Mme Catherine Génisson, rapporteuse de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Parce que rappeler l'histoire des femmes est important pour penser l'avenir, je voudrais citer en introduction l'historienne Michelle Perrot : « Les femmes ont toujours travaillé et leur travail quotidien, silencieux, non comptabilisé a constitué un apport considérable au développement économique mais elles n'ont pas toujours exercé des professions et des métiers reconnus. Elles ont éprouvé beaucoup de difficultés à faire reconnaître leur droit au travail, affaire du chef de famille, au salaire, considéré comme un appoint dans la théorie économique comme dans les ménages, voire à la perception directe de leur gain, qu'une loi de 1907 a enfin admise pour les femmes mariées, arguant, du reste, de l'intérêt des enfants.

« Ces obstacles reposent sur une division sociale et sexuelle des rôles et des tâches qui vouait les hommes, seuls créateurs de richesses, à la production et les femmes, à la reproduction. Épouses, mères, ménagères ou maîtresses de maison : telles étaient leur fonction et leur destinée, à laquelle les préparait une éducation qui longtemps a exclu ou minoré l'instruction, générale ou professionnelle. Le savoir, la science, qu'il s'agisse des humanités -le latin, cristal de la virilité étant interdit aux filles- ou des sciences et techniques, ne sont pas l'affaire des filles et des femmes. « Le grand défaut d'une femme, disait Joseph de Maistre, c'est d'être un homme. Et c'est vouloir être un homme que de vouloir être savant ». D'où un déficit durable en matière de qualification et la persistance de filières féminines scolaires ou universitaires moins considérées.

« Toutefois, le marché du travail s'est, progressivement ou par à-coups liés aux guerres, ouvert aux femmes et la France, démographiquement déficitaire, s'est montrée plus ouverte que d'autres pays. Les femmes ont su tirer parti de cette conjoncture. Le féminisme a fait du droit au travail et du droit à l'instruction, avant même les droits politiques, ses revendications majeures, voyant dans le travail salarié le fondement de l'autonomie des femmes... Ainsi les femmes sont-elles devenues des travailleuses à part entière. Au début du siècle, le pourcentage de femmes actives, même mariées, était le plus élevé du monde occidental. La Grande Guerre l'accrut encore, installant définitivement les femmes dans l'espace de l'usine. Entre les deux guerres, les femmes restèrent sourdes aux injonctions de l'Etat nataliste. Elles abandonnèrent le travail à domicile pour entrer dans les usines et, de plus en plus, dans les bureaux. Après un temps de latence, l'emploi reprit dans les années 1965-1970 et les sociologues ont montré comment, dans les trente dernières années, les femmes sont devenues des salariées à part entière, toute l'année et toute leur vie, avec des cycles d'activité identiques à ceux des hommes ».

Michelle Perrot termine son propos en rappelant que « l'égalité professionnelle des deux sexes en France est loin d'être réalisée. Certes, des mesures législatives ne peuvent seules suffire à corriger un écart qui réside dans des systèmes de valeurs et de représentation de très longue durée. Mais elles peuvent y inciter. L'idéal de la parité ne concerne pas uniquement la politique, mais aussi les autres domaines de la vie, sociale et domestique, économique et culturelle ».

La proposition du groupe socialiste s'inscrit dans cette perspective. Elle est le fruit d'un long travail de réflexion collective avec les partenaires sociaux, auprès desquels ce texte recueille un large soutien.

Suivant un mouvement qui se manifeste dans l'ensemble de la Communauté européenne, la France s'est dotée avec la loi du 13 juillet 1983, dite « loi Roudy » d'une législation apportant les éléments indispensables à la garantie de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Posant un principe général de non-discrimination, la loi Roudy comporte des dispositions particulières en matière de salaire et d'embauche. Elle apporte des garanties aux salariés et fait obligation aux entreprises de produire un rapport annuel sur la situation comparée des femmes et des hommes. Un plan d'égalité peut être négocié dans l'entreprise et une aide financière peut être accordée par l'Etat pour les plans les plus audacieux.

Fallait-il revenir sur ce dispositif ? Il est au moins nécessaire de l'adapter. Cette proposition ne remet donc pas en question la loi Roudy, dont elle est au contraire le prolongement. Elle vise en outre à susciter une évolution semblable à celle de 1983 dans la fonction publique. Enfin, elle tend à inviter les partenaires sociaux à résorber les inégalités persistantes.

La loi Roudy, qui reste un outil pertinent, demeure d'une actualité brûlante, au point qu'on peut se demander si la réduction des inégalités persistantes entre hommes et femmes ne doit pas emprunter d'autres voies que celle de la loi. Il nous faut cependant légiférer.

Les inégalités sont de plusieurs natures. Subsiste ainsi une forte inégalité en termes de rémunération, même si elle tend à se réduire depuis le début des années 70. En effet, on enregistre un écart de 25 % parmi les salariés à temps plein et les femmes ne représentent qu'un quart des salariés les mieux payés. A l'inégalité de salaire s'ajoutent d'autres anomalies : sous-emploi, temps partiel subi, accès plus difficile à la formation professionnelle.

Pourtant, la revendication reste discrète, le mécontentement diffus, car il est difficile de repérer, sur le terrain, dans l'entreprise, des cas concrets de discrimination fondée sur le sexe.

Il importe que le Gouvernement et le Parlement mesurent les incidences de toute modification législative sur l'égalité professionnelle.

Il ne s'agit pas pour nous d'aborder un sujet à la mode, mais profitons de la dynamique créée par le débat sur la parité politique et de la relance du dialogue social pour faire progresser l'égalité professionnelle.

C'est ainsi que, depuis plus d'un an, ont été menées de multiples consultations sur l'égalité professionnelle.

La réflexion s'est enrichie avec l'apparition d'un nouvel acteur : la Délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Je tiens à remercier sa présidente, Martine Lignières-Cassou, mais aussi l'ensemble de ses membres, en particulier son rapporteur, André Vallini. Les recommandations faites par la délégation, ainsi que les nombreux amendements déposés, ont permis de faire progresser notre discussion. Je pense notamment à l'amendement d'André Vallini relatif au harcèlement moral ou psychologique, non retenu par la commission mais qui, je l'espère, pourra être de nouveau débattu ici.

Il est proposé de modifier la loi, non pour mettre fin par cette voie, de façon immédiate, à toutes les inégalités, mais pour favoriser la négociation sur l'égalité professionnelle, au plus près des réalités.

Ainsi, le rapport de situation comparée, mis en place par la loi Roudy, n'a pas produit tous les effets escomptés. Il ne constitue pas une source d'information suffisamment cohérente.

L'article premier vise donc à le recentrer sur un petit nombre de critères fixés par décret, auxquels pourront s'ajouter des critères spécifiques définis dans l'entreprise. Le rapport rendra ainsi possible une analyse dynamique de la situation entre les femmes et les hommes. Parce qu'une telle analyse ne doit pas être différemment menée dans le secteur privé et dans le secteur public, la commission propose un amendement pour étendre l'obligation de réaliser ce rapport aux trois fonctions publiques.

L'objectif central, c'est d'améliorer le dispositif de négociation. Ainsi, au niveau de la branche, l'article 6, modifié par la commission, pose une obligation de négocier sur l'égalité professionnelle tous les trois ans. Par ailleurs, la négociation s'engagera sur la base d'un rapport de situation comparée adapté à chaque secteur. Enfin, l'article 7 prévoit la prise en compte de l'objectif d'égalité professionnelle dans l'ensemble des négociations obligatoires de branche.

Au niveau de l'entreprise, l'article 3 institue une obligation spécifique de négocier annuellement sur la question. Lorsqu'un accord collectif comportant de tels objectifs est signé dans l'entreprise, la périodicité de la négociation est portée à trois ans. Le non respect de cette disposition est passible de sanctions pénales. L'article 5 dispose par ailleurs que l'ensemble des négociations obligatoires doit intégrer l'objectif d'égalité professionnelle.

Mais le texte ne porte pas uniquement sur la négociation puisque l'article 8 permet d'étendre le bénéfice du dispositif des contrats d'égalité à tout accord collectif. Cela illustre bien la démarche : la négociation doit s'emparer du thème de l'égalité professionnelle. A cette fin sont créés des rendez-vous spécifiques et obligatoires ; mais le texte invite également les négociateurs à le prendre volontairement en compte.

La négociation sur les 35 heures a montré l'intérêt d'une telle approche. Réfléchir sur l'organisation du travail, sur sa durée, sur sa forme, y compris par rapport à l'égalité professionnelle, modifie les termes du débat, la nature de la réflexion. La complémentarité de la négociation spécifique et des négociations intégrées permettra de faire de l'égalité professionnelle un thème naturel de discussion. Cette proposition en fait pour sa part un thème de nos débats, lui conférant une plus grande lisibilité politique, signe de notre volonté.

Il s'agit avant tout d'amorcer une évolution, sinon une révolution, des mentalités. De ce point de vue, on ne peut que se réjouir que la rencontre entre les partenaires sociaux du 3 février dernier ait abouti à l'inscription de l'égalité professionnelle parmi les huit thèmes majeurs de négociation des prochains mois.

Néanmoins, les premières négociations sur la réduction du temps de travail l'ont bien montré, cette évolution n'intervient que si les femmes sont associées au processus de négociation. Souvent, elles sont plus attentives à l'organisation des modes de travail, elles sont à l'origine de l'apparition de thèmes de réflexion trop rarement traités jusque là : heures des réunions, caractère choisi du temps partiel, délai de prévenance... Elles permettent un enrichissement de la négociation. J'espère donc que les femmes seront plus massivement présentes au sein des syndicats, afin qu'elles s'expriment dans les lieux de négociation, de décision.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Très bien !

Mme Catherine Génisson, rapporteuse de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales Les femmes continuent d'évoluer dans un univers professionnel construit, structuré par les hommes. La réussite éclatante de certaines ne saurait occulter le sentiment qu'ont la plupart de ne pas être reconnues à leur juste valeur, de ne pas être traitées de la même façon que les hommes, quel que soit leur niveau de qualification et leur catégorie professionnelle.

La norme est désormais que les femmes et les hommes travaillent. Notre réflexion commune devra donc traiter des sujets essentiels pour les femmes, mais aussi pour les hommes, notamment la meilleure articulation entre vie professionnelle et vie personnelle.

En ce qui concerne la formation professionnelle, je me réjouis que le projet sur la modernisation sociale que nous examinerons prochainement aborde le sujet de la validation des acquis.

Mais si l'ensemble des acteurs doivent s'approprier le thème de l'égalité professionnelle, l'Etat doit aussi contribuer à cette égalité par des actions comme la publication de statistiques « sexuées », ou l'élargissement de l'éventail des filières de formation initiale proposées aux jeunes filles. Je me félicite de la convention qui vient d'être signée entre le ministère de l'éducation nationale et le secrétariat d'Etat aux droits des femmes. L'Etat doit agir de façon plus directe, en veillant à une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes au sein des instances dans lesquelles il désigne des membres.

Enfin, ce n'est pas le moindre de ses devoirs, il doit favoriser l'égalité professionnelle en tant qu'employeur. Le détail de ces dispositions sera présenté par Mme Nicole Feidt. Il s'agit de favoriser une représentation équilibrée des deux sexes au sein des jurys et des instances paritaires constitués pour le recrutement et l'avancement des fonctionnaires. Les débats menés par la commission et par la délégation parlementaire aux droits des femmes, ont permis de proposer la suppression de dispositions trop peu contraignantes pour l'Etat et même provocatrices dans leur définition de la présence des femmes et des hommes. Je m'en réjouis et je souligne à ce propos la qualité des travaux de la commission des affaires sociales et de la commission des lois. J'en remercie leurs membres et leurs présidents, Catherine Tasca et Jean Le Garrec.

Enfin que Nicole Péry, qui défend avec une grande détermination l'égalité professionnelle comme l'un des piliers de la rénovation de notre vie publique, économique et sociale, qui n'a cessé de travailler en ce sens, soit assurée de notre chaleureux soutien et de notre détermination à défendre l'égalité.

Le chemin reste long, dans le public comme dans le privé, pour que les mentalités évoluent et que l'égalité professionnelle ne soit plus avant tout le problème des femmes, mais tout autant celui des hommes. En amont, les travaux avec les partenaires sociaux ont été constructifs, ainsi que ceux que nous avons menés en commission. Je souhaite un débat en séance publique serein, sans concession mais constructif, pour favoriser l'égalité d'accès des femmes et des hommes à tous les emplois, à tous les métiers (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis de la commission des lois - Il revient à la rapporteuse de la commission des lois de vous présenter la portée du titre II de la proposition, relatif à la fonction publique d'Etat, à la fonction publique territoriale, à la fonction publique hospitalière.

Les femmes sont majoritaires dans la fonction publique. On relève cependant une grande disparité suivant les administrations, les corps et les niveaux hiérarchiques. Ainsi les femmes représentaient, en 1998, 55,2 % des agents civils de l'Etat, et 59,6 % des effectifs totaux de la fonction publique territoriale. Notons toutefois que les informations dont nous disposons sur les effectifs de la fonction publique territoriale -1,4 million d'agents répartis entre 50 000 employeurs locaux- et leur répartition sexuée manquent de fiabilité.

Un décret du 9 février 2000 devrait permettre de disposer à l'avenir de données plus précises sur la mixité.

La féminisation est plus ou moins marquée selon les secteurs. Malgré une légère régression, les femmes restent majoritaires au sein des ministères des affaires sociales, de l'économie, des anciens combattants. Dans l'enseignement, leur part a même progressé.

A l'inverse, les hommes sont majoritaires, à plus de 70 %, à la coopération, à l'équipement, et à l'intérieur, où un gros effort est toutefois fait depuis 1980, mais où on ne trouve que 27,6 % de femmes. Si les femmes sont plus nombreuses dans les secteurs traditionnels comme l'éducation et le social, la féminisation de l'enseignement supérieur est moindre, les femmes n'y représentant, en 1998, que 45,1 % des effectifs.

Si le taux de féminisation de la fonction publique territoriale est mal connu, selon nos auditions, il semble que les femmes se concentrent dans les emplois non titulaires, en particulier dans les petites communes, et qu'elles sont affectées en majorité aux tâches d'exécution. En effet, 80,7 % des postes de la catégorie C sont occupés par des femmes. Au sein de la fonction publique d'Etat, c'est la catégorie B qui demeure la plus féminisée. Et si, globalement, la catégorie A se féminise, on ne recensait, au 1er juin 1999, que 13,1 % de femmes dans les emplois de direction et d'inspection générale.

Entre 1998 et 1999, la proportion de femmes occupant un emploi de directeur d'administration centrale a augmenté malgré la réduction des postes de direction dans les ministères. Quant aux emplois supérieurs laissés à la décision du Gouvernement, ils ne comptent en 1999, que 8,9 % de femmes.

On pourrait, à l'envi, relever les disparités de la représentation féminine dans les administrations, en fonction des postes à pourvoir. Mais, en raison de la situation statutaire des agents, et du souci de transparence du ministère de la fonction publique, les avancées dans le domaine de l'égalité professionnelle ne peuvent avoir lieu que dans un cadre très précis.

Une circulaire qui devrait être prochainement signée par le Premier ministre prévoit des plans pluriannuels d'amélioration de l'accès aux emplois et aux postes d'encadrement.

Cette approche exclut une solution radicale, comme l'instauration de quotas.

La proposition instaure une représentation des deux sexes au sein des instances compétentes pour le recrutement, l'avancement, la gestion de carrière des fonctionnaires, ainsi qu'au sein des jurys, des commissions administratives paritaires, des comités techniques paritaires.

Si l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 contient déjà l'ensemble des dispositions relatives à la non-discrimination entre les fonctionnaires en raison du sexe, l'article 13 de la proposition, reprenant les propositions du rapport de Mme Anne-Marie Colmou, vise à ce que ne soient pas mis sur le même plan, la liberté d'opinion, la liberté syndicale, les handicaps physiques, et le harcèlement sexuel. Introduites dans le statut général des fonctionnaires par la loi du 2 novembre1992, les dispositions relatives au harcèlement feront l'objet d'un article 6 ter, dans le titre premier du statut.

Ces dispositions sont identiques à celles qui figurent dans le code du travail, de telle sorte qu'il n'y ait pas de disparité entre les législations applicables à la fonction publique et au secteur privé.

Notre commission n'a pas souhaité retenir le troisième alinéa de l'article 13, qui prévoit des recrutements distincts pour les femmes et pour les hommes, lorsque l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue une condition déterminante de l'exercice des fonctions.

Pourtant, ces recrutements dérogatoires ne peuvent conduire à exclure du recrutement l'un ou l'autre sexe, mais seulement à permettre un recrutement distinct. Leur organisation n'est pas laissée à la libre appréciation de l'administration, puisque le principe même des recrutements est défini par la loi, et que leur liste est établie par décret en Conseil Etat, après consultation du conseil supérieur de la fonction publique compétent.

Le texte autorise l'administration à effectuer le distinguo entre les hommes et les femmes, lors de la désignation des membres du jurys ou de comités de sélection, ainsi que des représentants aux CTP et aux CAP.

Depuis quinze ans, les circulaires successives ont rappelé la nécessité de féminiser les jurys de concours. Les directeurs du personnel que nous avons auditionnés nous ont indiqué que les objectifs fixés par les circulaires n'avaient pas été atteints. L'ENA, pour sa part, note une progression de la place des femmes dans les jurys.

Par cette dérogation au principe de non-discrimination entre les sexes, il s'agit de concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des jurys. En sont exclus les membres des jurys élus, nommés ès qualités ou tirés au sort. Il nous faut passer par la loi car le Conseil d'Etat s'est opposé à ce que le ministère de la fonction publique procède par décret.

De même, est prévu le principe d'une représentation équilibrée au sein des commissions administratives paritaires consultées sur les décisions individuelles relatives à la carrière des fonctionnaires, et des comités techniques paritaires qui le sont sur les questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services.

Ces commissions sont composées à parité de représentants de l'administration et du personnel, représentants renouvelés tous les trois ans.

Pour garantir un équilibre, l'administration doit désigner ses représentants en respectant une proportion d'hommes et de femmes fixée par décret en Conseil d'Etat. Le risque sera toujours que les femmes occupent des postes de suppléantes. En outre cette représentation équilibrée n'implique pas la parité dans la fonction publique. Par exemple certains corps techniques du ministère de l'agriculture comptent très peu de femmes, les services déconcentrés de l'Education nationale très peu d'hommes.

Pour les CTP, également composés à parité de représentants de l'administration et de représentants du personnel désignés par les syndicats, l'administration devra prévoir un meilleur équilibre entre les sexes, sachant que dans certains secteurs le déséquilibre du recrutement posera les mêmes problèmes.

Par ailleurs, il semble difficile d'imposer une représentation équilibrée aux organisations syndicales représentatives.

L'article 17 autorise des statuts particuliers et prévoit que la mixité serait assurée par la présence d'au moins un membre de chaque sexe, ce que la commission des lois a rejeté. Il serait plus satisfaisant de nous en tenir à une représentation équilibrée des hommes et des femmes.

Au chapitre III portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, il n'est pas prévu de dispositions relatives aux CAP et aux CTP qui comptent des élus en leur sein. Ces derniers sont désignés par l'assemblée délibérante. Les représentants du personnel sont, eux, élus au scrutin de liste à deux tours, avec représentation proportionnelle, ce qui entraîne une absence de femmes, très fortement dénoncée par nos collègues de la délégation parlementaire aux droits des femmes.

Le Centre national de la fonction publique territoriale qui organise les concours et les examens professionnels de la catégorie A et B, et les centres de gestion qui organisent ceux de la catégorie C, devront assurer aussi une représentation équilibrée dans les jurys.

Cela vaut aussi pour les jurys et CAP de la fonction publique hospitalière, mais pas pour les comités techniques paritaires et les comités techniques d'établissement. En effet, ces instances comprennent des membres de droit. En outre les comités techniques ne comportent que des représentants du personnel élus par collège, conformément à l'article L. 714.17 du code de la santé publique. Enfin, les structures hospitalières sont de taille très diverses, et peuvent compter de 50 à 10 000 salariés.

Afin de traduire le principe de l'article 6 ter de la loi Roudy, il est proposé d'ajouter que le choix des représentants de l'administration respecte une proportion d'hommes et de femmes fixée par décret en Conseil d'Etat, comme pour la fonction publique d'Etat.

La commission des lois a rejeté des amendements qui tendraient à assurer une représentation plus égalitaires des femmes. C'est l'objectif à atteindre, mais tout en reconnaissant que les femmes sont peu présentes dans les représentations syndicales aux CTP et aux CAP, elle a estimé que le législateur ne saurait se substituer aux syndicats dans ce domaine.

L'absence des femmes affaiblit la fonction publique. Partageant la démarche dynamique sur la parité, et pour l'inscrire dans la réforme de l'Etat, la commission a voté cette proposition. Selon le mot de Mme Colmou, l'administration a besoin du génie féminin pour se moderniser.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles - Oui ! (Sourires)

Mme Nicole Feidt, rapporteuse pour avis - Nous apprécions les petits pas en ce sens, mais, Monsieur le ministre de la fonction publique, les femmes méritaient mieux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. André Vallini, au nom de la délégation aux droits des femmes - Un demi-siècle après le Préambule de la Constitution de 1946, plus de quinze ans après la loi Roudy, l'égalité professionnelle est loin d'être devenue réalité. Pour les salaires, la formation, le chômage, le temps partiel subi, les femmes sont en situation d'infériorité.

En outre en raison du « plafond de verre » -que les Québécois appellent « le plancher collant »- on compte seulement sept femmes PDG dans les 400 premières entreprises françaises. Un haut fonctionnaire sur huit est une femme et l'on compte seulement 5 femmes sur 109 préfets, 4 femmes sur 30 recteurs, 9 femmes sur 157 ambassadeurs, 9 femmes sur 74 inspecteurs des finances, 40 femmes sur 201 membres du Conseil d'Etat, 29 femmes sur 217 membres de la Cour des comptes, 1 femme sur 29 directeurs de centre hospitalier universitaire.

La proposition a le mérite d'aborder l'égalité professionnelle à la fois dans le secteur privé et dans la fonction publique. En ayant été rapporteur pour la délégation, je souhaite présenter les observations qu'elle a adoptées.

La délégation a souhaité tout d'abord réaffirmer la nécessité de favoriser l'égalité professionnelle dans toutes les politiques publiques ayant trait à la formation initiale, à la formation professionnelle ainsi qu'à l'emploi. Elle juge souhaitable d'exiger davantage d'informations sexuées sur la vie de l'entreprise, notamment dans le cadre du bilan social, du plan de formation ou de l'analyse des conditions de travail et des risques professionnels. De même, le rapport déposé tous les deux ans par le Gouvernement qui est seulement descriptif devrait s'accompagner, pour chaque ministère, d'objectifs chiffrés et d'une définition précise des évolutions à mettre en _uvre et à présenter chaque année aux instances paritaires.

La délégation estime aussi qu'il est nécessaire, de mieux faire connaître aux jeunes filles les métiers et les carrières, du secteur privé comme de la fonction publique, notamment par des campagnes d'information, par une formation des conseillers d'orientation, par une promotion des grandes écoles.

A ses yeux, l'administration devrait avoir une représentation équilibrée entre femmes et hommes lors de la désignation de ses représentants dans tous les organismes gérant la carrière des fonctionnaires, avec l'objectif d'atteindre la parité au plus tard en 2010. Il devrait en aller de même pour la désignation des élus locaux au sein des organismes paritaires de la fonction publique territoriale.

Enfin la délégation pense que l'Etat devrait inciter les organisations syndicales à équilibrer leur propre représentation, notamment au sein des organismes paritaires avec l'objectif, là encore, d'atteindre la parité au plus tard en 2010. Les partis politiques font des efforts, que les syndicats fassent de même.

La délégation estime également qu'il faudrait préciser la notion de « représentation équilibrée », -qui se distingue de la notion plus restrictive de « mixité »- afin de limiter la marge d'appréciation du pouvoir réglementaire dans son application.

Selon nous, la lutte contre le harcèlement sexuel, devrait faire l'objet d'une réflexion, dans les entreprises comme dans la fonction publique. Le rapport de situation comparée et les négociations qui en découlent, de même que les débats au sein des instances paritaires dans l'administration, sont des cadres propices à une meilleure prise en compte de cette question.

Quant au harcèlement moral et psychologique dans le travail, la délégation pense qu'il est urgent d'établir un cadre juridique précis afin de permettre aux organes représentatifs des personnels d'en débattre, dans le secteur privé comme dans la fonction publique.

Enfin, nous souhaitons que l'Inspection du travail dispose de moyens supplémentaires lui permettant de contrôler la mise en _uvre de l'égalité professionnelle.

Voter une loi c'est bien, et ce n'est pas toujours facile ; la faire appliquer c'est beaucoup mieux et c'est souvent bien plus difficile.

Je terminerai en citant un homme illustre qui aima passionnément les femmes. Il a dit : « L'admission des femmes à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation et permettrait de doubler les capacités intellectuelles du genre humain ». Il était comme moi de l'Isère et il s'appelait Stendhal.

Plusieurs députés socialistes - Excellente référence !

M. André Vallini, au nom de la délégation aux droits des femmes - Or, deux siècles après, son v_u n'est toujours pas réalisé, tant s'en faut, malgré des progrès indéniables. C'est pourquoi il nous faut voter cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. le Président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je suis très heureux d'intervenir comme président de la commission qui compte le plus de députées : 18 %. On est loin de la parité, mais c'est mieux que moins de 10 %... Je me flatte du rôle qu'elles y jouent, avec leur volonté et leur courage. C'est d'ailleurs une commission qui travaille essentiellement avec des ministres femmes : vous-même, Madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes, et Martine Aubry, Catherine Trautmann, Marie-George Buffet, Dominique Gillot, Michèle Demessine...

Ce qui est vrai en politique -la marche vers la parité- doit le devenir dans l'entreprise et dans les fonctions publiques. Mme Pelletier, qui a été ministre de la condition féminine, disait ce matin à la radio que selon les indications du BIT, au rythme actuel il faudrait 470 années pour parvenir à l'égalité professionnelle dans les entreprises...

Mme Génisson et Mme Feidt viennent de défendre avec talent un texte qui prolonge celui que Mme Roudy, -nous la saluons tous- avait présenté en 1983. Selon certaines il n'irait pas assez loin, ne serait pas nécessaire. Pourquoi légiférer alors que les partenaires sociaux viennent de s'emparer du sujet dans un texte qu'ils ont adopté le 3 février ? Je réponds : n'oublions jamais que l'égalité n'est pas un mouvement naturel de la société.

Mme la Rapporteuse pour avis - Très bien !

M. le Président de la commission - Il y a toujours un rapport du fort au faible, de celui qui est formé à celui qui ne l'est pas, de l'homme à la femme. Le principe d'égalité inscrit au fronton de nos bâtiments n'a avancé qu'avec des coups d'épaule -si ce n'est des coups de gueule. Dire qu'il n'est pas nécessaire de légiférer est donc absurde.

Mais bien entendu, une loi n'a de sens que si elle ne projette pas trop loin dans l'avenir : elle doit montrer le chemin qui peut raisonnablement être parcouru. C'est exactement ce que fait cette proposition de loi : on avance un peu, en renforçant l'obligation de négocier.

Cette obligation, je le rappelle, est inscrite dans la loi sur les 35 heures, et porte sur les thèmes qui nous intéressent dans le débat d'aujourd'hui : réduction du temps de travail, organisation du temps social, temps choisi, accompagnement de la formation. Ajoutons que le rapport au travail se transforme : nous sortons du « fordisme » pour aller vers autre chose, que nous avons à construire. Parlant des nouvelles techniques d'entreprise, un grand journal titrait hier : « Les cybermachos sont parmi nous » ; ce titre provocant nous rappelle qu'il ne faut pas laisser faire le mouvement naturel.

J'ajoute enfin que nous allons débattre dans la dernière quinzaine de juin d'un texte sur la modernisation sociale. Il comportera un chapitre sur la formation professionnelle et un sur la validation des acquis, l'un et l'autre importants pour ce mouvement vers l'égalité.

Je veux insister sur le problème des familles monoparentales, qui dans 90 % des cas ont à leur tête une femme. Les hommes « se sont tirés », je ne peux dire autrement, laissant la famille en plan... On rencontre beaucoup ce genre de situation dans le Nord-Pas-de-Calais. Il faudra peut-être renforcer les dispositifs qui ont été mis en place par la loi contre les exclusions.

Deuxième interrogation : pourquoi légiférer alors que les partenaires sociaux s'emparent du problème ? Rien ne serait plus erroné que d'opposer démocratie sociale et démocratie politique. La négociation doit s'appuyer sur la loi et le législateur doit prendre en compte le mouvement social : il y a un rapport dialectique entre la société et la loi. Mais le plus souvent, la loi est en avance sur le mouvement de la société. S'il ressortait de la négociation, que je salue, des éléments novateurs, il appartiendrait bien entendu au législateur de prendre des dispositions en conséquence.

Il serait temps, d'ailleurs, que le mouvement de la société s'accélère en la matière ; force est de reconnaître que la place des femmes dans le mouvement syndical et dans les divers organismes représentatifs est très faible.

Concernant le titre II, je voudrais dire ma relative déception. L'Etat patron ne donne pas suffisamment l'exemple. Pour connaître un peu vos fonctions, Monsieur le ministre, puisque j'ai eu à les assumer, j'ajoute que dans son mouvement de réforme l'Etat devrait pouvoir davantage s'appuyer sur les femmes -les hommes étant en la matière excessivement conservateurs. Je ne sais, Madame Feidt, si les femmes ont du génie, mais elles ont en tout cas le sens du mouvement !

Permettez-moi de conclure sur une note personnelle. Je suis le mari d'une femme qui a milité dans un mouvement féministe. Un de ses premiers livres s'appelait Les messagères. Pendant des années, dans les réunions de militants, on m'a demandé si j'étais le mari d'Évelyne Le Garrec : j'ai toujours trouvé cela très flatteur.

Les messagères, c'est non seulement un beau titre, mais aussi un beau message pour l'avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - Les femmes ont conquis au XXème siècle une égalité de droit qui marque un tournant historique dans leur marche vers l'égalité : égalité devant l'éducation, droit de vote, émancipation juridique vis-à-vis du père et de l'époux, maîtrise de la maternité, égalité professionnelle, aujourd'hui parité politique.

Les jeunes femmes ne connaissent pas toujours bien notre histoire commune mais elles savent que leurs mères se sont battues. Elles veulent bénéficier de tous ces droits acquis. Une enquête de la SOFRES réalisée à ma demande a confirmé ce que nos filles nous disent : elles veulent les moyens d'exercer leurs droits, une égalité dans les faits, et se retournent vers les pouvoirs publics tant les comportements tardent à évoluer.

Des mesures volontaristes ont été prises par le Gouvernement. Le partage du pouvoir dans la vie politique permettra de mettre davantage l'accent sur les autres inégalités, les inégalités professionnelles particulièrement, que l'on sait multiples -inégalités de salaires, de carrières, de statuts, de formation et qui deviendront toujours moins acceptables.

De même, l'accès plus fréquent des femmes au pouvoir les aidera à accéder aux responsabilités au sein des entreprises, ce qui est loin d'être toujours le cas aujourd'hui. Ainsi, la proportion de femmes parmi les cadres dirigeants des cinq mille premières entreprises françaises n'est que de 7 % alors que les femmes occupent 80 % des postes d'ouvriers et d'employés.

Sondages, rapports et enquêtes le montrent : les femmes souhaitent exercer une activité professionnelle, et elles ont déjà conquis leur place dans le monde du travail tout en assumant, comme par le passé, leurs obligations familiales. Elles ont, de ce fait, une vie quotidienne à facettes multiples, ce qui les empêche d'exercer des responsabilités importantes. Cette vie, que certaines qualifient non sans raison de « galère », est tout simplement insupportable pour les femmes qui élèvent seules des enfants et dont les revenus sont très faibles.

Les statistiques rappellent que les femmes sont, davantage que les hommes, frappées par le chômage, et l'on passe trop souvent sous silence le fait que ce phénomène vaut tout particulièrement pour les jeunes gens, puisque 22 % des jeunes filles sont sans emplois, pour 17 % des jeunes hommes. Quant à l'écart moyen des rémunérations, il est de 25 % entre les hommes et les femmes. Et sait-on assez qu'une femme âgée de 35 ans a deux fois moins de chance qu'un homme d'accéder à une formation professionnelle ? Enfin, les femmes sont, bien davantage que les hommes, occupées à des emplois à temps partiel -le plus souvent subi- et titulaires de contrats précaires.

Dans le même temps, l'entrée massive des femmes dans l'enseignement supérieur leur a donné la possibilité d'exercer des emplois de cadres, et elles aiment à créer leur entreprise et à prendre des risques.

Le Gouvernement, qui ne pouvait se satisfaire de tels déséquilibres, a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt des rapports qu'il avaient demandés à Mme Majnoni d'Intignano et à Mme Génisson, et dont les conclusions convergent : la réduction des inégalités structurelles passe par une approche globale, impliquant à la fois l'éducation nationale, la politique de l'emploi et de la formation, la politique familiale et les partenaires sociaux.

Je suis persuadée que tout commence par une éducation sans sexisme et c'est pourquoi une convention a été signée, le 25 février, entre cinq ministères, qui visent à élargir les choix professionnels des filles et à éviter qu'elles ne se concentrent, comme c'est le cas aujourd'hui, sur six groupes de métiers, qui ne représentent que 30 % des emplois. Plus largement encore, il importe de modifier la représentation des rôles respectifs des hommes et des femmes, et l'image des relations entre les sexes. Une politique dynamique d'orientation scolaire va donc être engagée, qui a reçu l'entier soutien de Mme Royal et de M. Allègre. Elle permettra, en partenariat avec les familles, les enseignants, les entreprises et les régions, de développer l'information sur les métiers et les filières tout au long de la scolarité.

Le Gouvernement s'attachera aussi à favoriser l'insertion professionnelle, avec un plan national d'action pour l'emploi, qui réserve aux femmes 55 % des moyens de lutte contre le chômage de longue durée et contre l'exclusion, mais aussi en privilégiant la formation tout au long de la vie.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Ce n'est pas dans la proposition !

Mme la Secrétaire d'Etat - L'élargissement prochain des possibilités de validation des acquis ouvertes en 1992 bénéficiera en premier lieu aux femmes, dont le niveau moyen de formation initiale est, aujourd'hui encore, plus faible que celui des hommes. La reconnaissance de l'expérience acquise la vie durant par un diplôme, un titre ou une certification constitue une étape importante du projet de réforme que je conduis.

J'évoquerai, prudemment, car il ne relève pas directement de la compétence de l'Etat, le renforcement de la place des femmes dans les instances du dialogue social. Leur participation aux négociations permettra de prendre en compte leurs préoccupations, en matière d'égalité professionnelle, d'organisation du temps de travail et de la garde des enfants. Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle a engagé une réflexion sur ces questions qui aboutira, d'ici la fin de l'année, à des propositions visant à accélérer la marche vers l'égalité.

Mais certains partenaires sociaux pensaient utile de renforcer l'obligation de négocier des employeurs. C'est l'objet de la proposition. En effet, la loi de 1983 est une loi excellente et très en avance sur son temps, qui a substitué un cadre juridique égalitaire à des dispositions faussement protectrices. Mais le cadre conventionnel, si déterminant pour les salariés, n'a pas évolué et la négociation sur l'égalité professionnelle est demeurée très pauvre : seuls, 34 plans d'égalité ont été signés depuis 1983. Les négociations sur la rémunération, la formation et la réduction du temps de travail ne prennent pas suffisamment en compte l'objectif d'égalité professionnelle.

Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle a étudié la proposition. L'avis favorable des syndicats était indispensable, car obliger à négocier sur l'égalité professionnelle n'a de sens que s'ils suivent. Or les syndicats ont renforcé les obligations de négocier au niveau des branches professionnelles et de communiquer les informations aux salariés, et ils ont souhaité que la loi tienne également compte de l'objectif d'égalité dans la fonction publique. Le présent texte fait droit à ces demandes.

Dans l'intervalle, les syndicats ont inscrit l'égalité professionnelle au nombre des chantiers ouverts avec les représentants des entreprises dans le cadre du projet de « Refondation sociale », ce qui permet de penser que les nouvelles obligations de négocier ne resteront pas lettre morte.

Les contrats d'égalité, élargis dans la proposition, feront l'objet, prochainement, d'un décret d'application qui permettra d'aider plus largement les accords d'entreprises les plus innovants, car l'égalité professionnelle ne se construit pas seulement dans l'entreprise.

La mise en place d'une politique familiale plus féministe sera enfin à l'ordre du jour des travaux de la prochaine Conférence de la famille, dont l'un des thèmes sera l'accueil de la petite enfance.

Cette proposition marquera donc une étape nouvelle dans la marche vers l'égalité professionnelle. Elle forme un ensemble cohérent avec les mesures qui seront annoncées demain à l'issue d'un comité interministériel présidé par le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - S'agissant de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, l'Etat employeur se sent une responsabilité particulière, qui l'oblige à donner l'exemple : n'occupe-t-il pas une position symbolique éminente et, surtout, ses agents ne sont-ils pas en nombre suffisant pour lui permettre de faire levier ? C'est en tout cas dans cet esprit que j'ai demandé à Mme Anne-Marie Colmou, maître des requêtes au Conseil d'Etat, de me remettre un rapport, ce qu'elle a fait au début de l'année dernière : j'ai ainsi pu constater que, si les femmes représentaient un peu plus de la moitié des agents de la fonction publique, elles sont beaucoup moins nombreuses dans l'encadrement, spécialement dans l'encadrement supérieur et dans certains corps techniques.

Ce rapport montre en effet que, si 57 % des agents des trois fonctions publiques sont des femmes, on en trouve 71 % aux affaires sociales, 65 % dans l'éducation nationale mais seulement 26 % à l'intérieur. Elles constituent aussi 52 % de l'effectif des cadres A de la fonction publique de l'Etat, la proportion tombe à 33 % lorsqu'on fait abstraction de l'éducation nationale et elles sont moins de 20 % à l'équipement. D'autre part, si elles forment environ le tiers des promotions sortant de l'ENA, on ne les retrouve par la suite que pour 18 % en moyenne parmi les cadres de direction, pour 11 % dans des emplois de directeurs, 18 % dans les inspections générales et 14 % dans les grands corps de l'Etat.

Le Gouvernement a donc décidé de s'attaquer aux trois principaux n_uds de difficultés repérés par Mme Colmou : le recrutement, la carrière et les modes d'organisation du travail. Nos premiers efforts ont commencé à porter des fruits, encore limités mais déjà sensibles, comme le montre le tout récent rapport de la direction générale de la fonction publique -on y constate qu'en un an seulement, entre 1998 et 1999, le pourcentage de femmes directeurs de services déconcentrés est passé de 6,3 à 7,1 % et le nombre de femmes directeurs d'administration centrale de 19 à 21 alors même que le nombre total de ces postes diminuait.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Ce n'est en rien significatif !

M. le Ministre - Ces chiffres n'ont rien de grisant, je vous l'accorde, mais nous sommes ici pour changer les choses.

Par ailleurs, une première directrice a été nommée au ministère de la défense.

Pour les jurys de concours, la progression précède l'entrée en vigueur de mesures contraignantes : ainsi au jury de l'ENA, la part des femmes est passée de 23 % à 54 % pour le concours externe et à 31 % pour le concours interne et, dans les jurys des IRA de 33 à 43 %.

Il reste à s'assurer que les efforts ne se relâcheront pas et à faire du souci d'égalité, une partie intégrante du fonctionnement des administrations. Des mesures contraignantes restent donc nécessaires et nous avons défini un programme qui n'est, bien sûr, pas tout entier repris dans le texte en débat, Monsieur Le Garrec. En effet, la contrainte ne passe pas toujours par la loi même si celle-ci est nécessaire : lorsqu'il s'agit d'engager les ministres à des actions volontaristes, c'est la circulaire du Premier ministre qui vaut obligation et s'il s'agit de préciser la composition d'organismes administratifs, il faut passer par le décret. Nous avons utilisé toutes ces voies et je vais donc m'essayer à replacer les modifications législatives qui vous sont aujourd'hui proposées dans le programme d'ensemble dont elles sont une partie.

Pour ce qui est du recrutement, le Gouvernement n'envisage pas un instant de modifier le système égalitaire du concours, qui permet de choisir des agents d'excellence « selon leur talent et leur mérite ». Toutefois, une analyse des résultats des concours de haut niveau a révélé de réelles disparités : les femmes sont moins souvent candidates et, en moyenne, plus sévèrement sélectionnées que les hommes à l'entrée à l'ENA, à Polytechnique, aux Ponts et Chaussées ou aux Mines et elles obtiennent en moyenne des places de sortie moins bonnes. Pourtant, d'autres études montrent qu'elles ont d'excellents résultats dans les filières universitaires, spécialement en droit et en économie. C'est sans doute que ces concours privilégient un type de « profil » étroit, ce qui, peut-être, pénalise les femmes, et du même coup, les services.

C'est pour examiner cette question qu'en liaison avec le ministre chargé de l'enseignement supérieur, je vais installer un comité de pilotage réunissant des fonctionnaires, des enseignants, des chercheurs et chargé comme le suggérait Anne-Marie Colmou, d'examiner les programmes des concours et la scolarité pour y déceler d'éventuels obstacles à un recrutement plus diversifié.

Dans le même esprit, il est souhaitable que la composition des jurys chargés de sélectionner les fonctionnaires se rapproche de celle de l'administration qui recrute. La proposition de Mme Génisson impose donc aux administrations de désigner davantage de femmes dans ces jurys, lorsque leur choix n'est pas contraint par un texte statutaire ou une situation particulière. A cet égard, la référence à une « représentation équilibrée » apparaît réaliste, car elle permettra de pondérer selon la composition des administrations qui doivent être représentées.

Le décret d'application précisera les proportions à atteindre. Pour le moment, le taux de 30 % est accessible dans la plupart des cas et nous avons refusé d'édicter une obligation irréalisable, qui reviendrait à empêcher la formation des jurys. N'oublions cependant pas que la situation est loin d'être statique : l'ensemble du programme en cours va faire évoluer la composition de l'encadrement supérieur et des grands corps, ce qui se reflétera dans la composition des instances concernées.

Le nombre de femmes dans la fonction publique diminue à mesure qu'on monte dans la hiérarchie, au point que certains parlent d'un « plafond de verre » qui bloquerait leur ascension. Grâce à son volontarisme, le Gouvernement a déjà obtenu des améliorations sensibles : nous allons les conforter par une série de décisions qui, prises ensemble, donneront toute leur efficacité.

Les commissions administratives paritaires -CAP-, chargées de donner leur avis sur les carrières des fonctionnaires, sont composées à parité de représentants des administrations et du personnel. En général, les administrations choisissent leurs représentants ; dans certains cas, au contraire, les dispositions statutaires les contraignent dans leur choix mais cela ne suffit pas à expliquer le déséquilibre que l'on constate dans la composition de la plupart des CAP, au détriment des femmes. Plusieurs dispositions de la proposition de loi obligent donc les administrations à désigner davantage de femmes dans les CAP, chaque fois qu'elles sont libres de leur choix, selon le même principe que pour les jurys. Les représentants du personnel désignés par les syndicats ne sont toutefois pas visés : le Gouvernement a choisi de les inciter par l'exemple et la concertation. Nous n'avons pas non plus touché à leur liberté d'association, qui est un principe de valeur constitutionnelle. D'ailleurs, il n'est pas certain qu'imposer des modes de désignation de leurs représentants aux seuls syndicats de la fonction publique soit conforme au principe d'égalité.

Ce n'est bien sûr pas parce que les CAP sont composées de façon plus équilibrée que l'encadrement dans la fonction publique va se trouver par là-même féminisé. Il reste aux ministres et aux administrations elles-mêmes à faire preuve de volontarisme. Aussi a-t-il été décidé que les ministres devront arrêter des « plans d'objectifs » par lesquels ils s'engageront à atteindre en quelques années -trois- des proportions de femmes et d'hommes correspondant mieux à celles des viviers de fonctionnaires. Cette méthode progressive a l'avantage de ne pas bloquer le fonctionnement des services et elle est en outre conforme au principe de la carrière au mérite. Une circulaire du Premier ministre précisera prochainement tous ces points. Dans chaque ministère, un haut fonctionnaire sera chargé de tenir à jour une liste sexuée des agents susceptibles de pourvoir les postes d'encadrement, comportant leur profil professionnel. Les responsables auront ainsi un réel choix.

Ces derniers font souvent état de difficultés à recruter des femmes cadres : horaires trop contraignants, charges de travail trop lourdes... De fait, la réforme des administrations ne peut aller sans une organisation du travail plus efficiente et le Gouvernement est attentif à cet aspect de la question lorsqu'il travaille à aménager ou à réduire le temps de travail.

Enfin, les ministères mènent une réflexion qui va déboucher sur une charte de la gestion des ressources humaines : il en résultera une meilleure gestion, qui favorisera tout particulièrement les agents dont la carrière risquerait sinon de stagner -et parmi eux, les femmes.

Notre programme d'action prévoit en outre de rééquilibrer les comités techniques paritaires, consultés en matière d'organisation du travail, et plusieurs articles à cet effet sont inclus dans la proposition de Mme Génisson.

D'autre part, certaines mesures d'ensemble, appliquées dans l'administration, sont d'ores et déjà favorables aux femmes : ainsi, sur environ 150 000 agents qui ont choisi le temps partiel, 145 000 sont des femmes, dont 80 000 ont choisi de travailler à 80 % pour avoir un jour libre, en général le mercredi -et, dans ce cas, l'abattement de salaire est inférieur à la réduction du temps travaillé.

Vous l'avez compris, les dispositions regroupées dans le titre II de cette proposition ne sont qu'un élément de notre politique de la fonction publique. Si l'on s'en tenait à ces articles, on pourrait avoir l'impression que nous nous bornons à des mesures techniques. J'espère vous avoir démontré le contraire et je ne doute pas que vous en serez encore plus pleinement convaincus après nos débats (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

Mme Odette Casanova - Je commencerai par une citation : « L'activité professionnelle fait désormais partie de la vie des femmes. Elle répond à leur légitime besoin d'autonomie et constitue un élément majeur de développement de notre économie. L'égalité professionnelle entre femmes et hommes doit devenir un des axes majeurs de notre politique sociale et un élément important de la compétitivité des entreprises. Une rémunération à bas prix d'une main-d'_uvre féminine insuffisamment qualifiée ou mal employée freine en effet les investissements nécessaires à la modernisation des entreprises et à l'introduction de technologies nouvelles ».

Ce texte n'est autre que l'exposé des motifs de la loi Roudy de 1983, qui n'a rien perdu de son actualité. Elle reste notre cadre de référence, puisqu'elle a posé pour principe que « nul ne peut mentionner ou faire mentionner dans une offre d'emploi le sexe ou la situation de famille » et qu'elle interdit de « refuser une formation ou une promotion à un salarié en considération de son sexe ou de sa situation familiale. »

La loi Roudy a donc été un tournant historique, et pourtant l'égalité professionnelle demeure aujourd'hui un enjeu. Comme l'a indiqué Catherine Génisson, « si le cadre juridique du code du travail est désormais égalitaire, nous devons maintenant renforcer les instruments destinés à réaliser l'égalité ».

Vingt-cinq ans après les directives européennes de 1976, aucun pays de l'Union ne peut se poser en modèle. Nous appliquons les directives quand il s'agit d'EDF, parce qu'il y a des sanctions, mais celles qui portent sur l'égalité professionnelle, purement incitatives, restent lettre morte.

Cette situation est injuste, à l'heure où 80 % des femmes âgées de 25 à 55 ans travaillent. Les hommes eux-mêmes, en majorité, s'accordent à reconnaître cette situation d'inégalité dont souffrent leurs collègues.

Dans le monde de l'entreprise, les jeunes filles sont souvent pénalisées par une mauvaise orientation ou par des discriminations. Leurs diplômes sont moins valorisés que ceux de leurs collègues masculins et l'inadéquation entre le niveau d'études des femmes et les emplois qu'on leur propose est évidente.

Les statistiques du chômage sont éloquentes et 18,6 % des chômeuses vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Cette proportion, en outre, est en augmentation.

Alors que le processus de participation des femmes à la vie active devient irréversible, leur situation de précarité tend à s'aggraver. Il nous faut inverser la tendance et cette proposition y contribuera en renforçant les dispositions de la loi Roudy. Elle tend en effet à contraindre davantage les entreprises et à les sanctionner plus sévèrement en cas de non-respect du principe de l'égalité professionnelle. Il sera en outre possible de négocier des plans d'égalité par entreprise et par branche. Enfin, des dispositions spécifiques à la fonction publique nous sont proposées, car l'Etat, Monsieur le ministre, doit donner l'exemple. A cet égard, les dispositions du titre II ne sont guère satisfaisantes.

Par ailleurs, il ne suffit pas de légiférer. Nous devons prendre des mesures garantissant l'application effective de la loi. Ainsi, au plan scolaire, il importe d'inclure dans le cursus des enseignants une formation sur l'égalité des chances entre filles et garçons. Il faut aussi se montrer très vigilant en matière d'orientation. A cet égard, je trouve très intéressantes les recommandations émises par la délégation parlementaire aux droits des femmes, qu'il s'agisse des campagnes d'information auprès des jeunes filles ou de la sensibilisation des conseillers d'orientation.

De même, le personnel des directions départementales du travail et de l'ANPE doit être mieux formé en matière d'orientation et de conseil en formation. Quant aux inspecteurs du travail, il doivent recevoir des directives.

Le rôle des syndicats, enfin, est essentiel et c'est pourquoi la proposition tend à « conforter la négociation dans les entreprises et dans les branches professionnelles ».

C'est avec les syndicats que nous réussirons à garantir l'égalité professionnelle, qu'il s'agisse d'entamer des négociations ou de renforcer la présence des femmes dans les commissions paritaires et les comités d'entreprise.

N'oublions pas que les Françaises veulent pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle, ce qui justifie d'inclure dans les négociations en cours sur la réduction du temps de travail la question de l'aménagement de la semaine de travail, voire de l'année.

Il faut aussi construire, dans les villes comme dans le monde rural, davantage de structures d'accueil pour les enfants : crèches, haltes-garderies, maternelles, mais aussi centres de vacances et de loisirs. Cela implique un engagement plus important de l'Etat et des collectivités locales dans le cadre des contrats de villes, des projets d'agglomération et des pays.

Enfin, dans les départements, les chargées de mission aux droits des femmes jouent un rôle considérable. Il faut leur donner davantage de moyens et renforcer leurs prérogatives.

Cette proposition traduit les engagements du Gouvernement et de sa majorité. Qu'il s'agisse de l'égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités, de l'égalité professionnelle ou du renforcement des droits spécifiques, tous ces chantiers sont ouverts.

La parité, qui semblait il y a peu outrancière, est acceptée par tous. S'agissant de l'égalité professionnelle, le groupe socialiste ne peut que soutenir cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Je commencerai comme M. Vallini a conclu, en citant Stendhal : « L'admission des femmes à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain ». Mme Génisson a eu raison de mettre cette phrase en exergue de son rapport.

L'égalité professionnelle est loin d'être réalisée, dans le secteur public comme dans le secteur privé, et on assiste même dans certains domaines à une régression. Le « plafond de verre » ou le « plancher collant », comme disent les Canadiens, demeure.

Quoique plus diplômées, les femmes sont plus touchées par le chômage, moins payées, et moins présentes dans l'encadrement, malgré une série impressionnante de textes contre la discrimination entre les hommes et les femmes : les conventions 100 et 111 de l'Organisation internationale du travail, la convention de l'ONU du 18 décembre 1979, l'article 119 du Traité de Rome et la directive européenne du 9 février 1976, sans compter les textes français. Je pense à cet égard à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, au préambule de la Constitution de 1946, aux lois Auroux et à la loi Roudy de 1983. Cette dernière rompant avec une vieille logique protectrice, a posé un principe de non-discrimination, d'égalité entre les hommes et les femmes.

On peut dès lors s'interroger sur la nécessité de légiférer, d'autant que la jurisprudence a encore renforcé les garanties offertes, a reconnu Mme Génisson.

Si elle n'est pas de fait, l'égalité professionnelle est pourtant de droit dans notre pays.

Tout est prévu : les contrôles, les pénalités, les encouragements... On peut lire dans le Lefebvre social que : « Les inspecteurs du travail sont compétents pour veiller à l'application des dispositions relatives à l'égalité professionnelle et à l'égalité de rémunération et pour constater les infractions à ces dispositions... Le salarié engageant une action en justice fondée sur le respect du principe d'égalité de traitement bénéficie d'une protection contre le licenciement...

« Toute infraction au principe d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ainsi que toute attitude discriminatoire liée au harcèlement sexuel constituent un délit passible d'une amende de 25 000 francs et (ou) d'un emprisonnement d'un an. »

Par ailleurs, « toute infraction au principe d'égalité de rémunération est passible de l'amende de cinquième classe prévue en première infraction et, le cas échéant, en récidive, appliquée autant de fois qu'il y a de travailleurs rémunérés dans des conditions illégales ».

A contrario des aides financières de l'Etat sont prévues pour les entreprises menant des actions en faveur des femmes : plans d'égalité professionnelle et audits en matière d'égalité professionnelle, dans les entreprises de moins de 300 salariés, actions de formation ou d'aménagement matériels facilitant l'embauche, la mutation, la promotion et le changement de qualification des femmes, dans les entreprises de plus de 600 salariés.

L'arsenal législatif et réglementaire existe donc mais, me dit-on, il n'est pas utilisé. Est-ce une raison, selon un travers bien français, pour faire une nouvelle loi, qui aura d'ailleurs guère plus de raisons d'être plus appliquée puisqu'elle n'apporte pas grand-chose de nouveau ?

En effet, elle élude le problème de la modernisation sociale et, surtout, celui de la formation professionnelle sans doute majeur en la matière. Les femmes ont souvent au départ une meilleure formation professionnelle que les hommes. Mais cette formation initiale, ce bon niveau d'études ne sont plus pris en compte dès lors que les femmes sont entrées dans l'entreprise. Par la suite, elles accèdent beaucoup moins et moins souvent aux formations internes que les hommes, c'est particulièrement vrai dans les PME et dans les très petites entreprises, où sont créés la plupart des emplois.

On me dit que ces sujets seront abordés dans des lois ultérieures, soit, mais que reste-t-il alors dans la loi que vous nous proposez ? Pas grand chose !

M. Patrick Delnatte - Très juste !

Mme Marie-Thérèse Boisseau - En ce qui concerne le secteur privé, l'élément nouveau est l'obligation spécifique de négocier sur l'égalité professionnelle dans l'entreprise tous les trois ans et de produire un rapport de situation comparée au niveau de la branche. Mais en quoi l'obligation de négocier est-elle une avancée, dans la mesure où des dispositions législatives antérieures imposent une obligation de résultat ? Pour que l'égalité professionnelle devienne effective, il aurait donc suffi de les appliquer en encourageant les entreprises à « sexuer » les informations qu'elles fournissent lors des autres négociations ; en instituant le plus souvent possible des interlocuteurs délégués à l'égalité professionnelle dans les entreprises ; en ouvrant les négociations au niveau interprofessionnel ; en regroupant dans un même chapitre les dispositions du code du travail sur l'égalité professionnelle, afin d'éviter un saupoudrage nocif que votre texte va encore accentuer. Hélas, rien de tout cela ne figure dans cette proposition. Les articles 5 et 8 qui demandent que l'on prenne en compte l'objectif d'égalité professionnelle sont parfaitement redondants avec les textes antérieurs. Quant à l'article premier, il risque d'alourdir encore les charges administratives des entreprises. N'était-ce pas le moment, plutôt, de mettre à plat les trop nombreux rapports demandés aux entreprises et d'en faire une synthèse simple et claire ?

Les propositions concernant le secteur public sont très insuffisantes, puisqu'il s'agit seulement de parvenir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les jurys de recrutement et de sélection, et dans les comités administratifs et techniques paritaires. Une fois de plus, après les 35 heures, l'Etat ne donne pas l'exemple et ne s'applique pas à lui-même ce qu'il impose au privé...

M. le Ministre - Amalgame !

Mme Marie-Jo Zimmermann - Non, réalité !

Mme Marie-Thérèse Boisseau - ...en l'occurrence l'obligation de négocier une réelle égalité professionnelle, bien loin d'être acquise dans les trois fonctions publiques. J'ai cru comprendre, dans le propos de M. Zuccarelli, que beaucoup allait se faire par décrets et circulaires. Voilà qui montre encore l'inutilité de cette proposition...

Peu convaincant sur le fond, ce texte est aussi critiquable sur la forme, à tel point que nos collègues de la commission des lois m'ont paru, la semaine dernière fort réservés.

Les dispositions modifiant la loi du 11 janvier 1984 se résument en une formule : « sont composés ou sont choisis de façon à concourir à une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes » que l'on retrouve à tous les articles, qui ne veut rien dire ou qui peut tout dire, et qui sera ainsi source de multiples contentieux. Inutile, ce petit jeu est donc aussi dangereux car il crée un climat d'insécurité juridique.

Cette loi qui ne propose pas grand chose de nouveau arrive en outre à un mauvais moment puisqu'avant même que la loi leur dise « il faut négocier » les partenaires sociaux ont dit « nous voulons négocier »... En effet, le 3 février dernier, patronat et syndicats ont exprimé leur volonté de donner toute sa place au dialogue social et ont arrêté ensemble huit thèmes parmi lesquels on trouve, en sixième position, l'égalité professionnelle. A ce stade, nous ne devons préjuger ni de la volonté d'aboutir des partenaires sociaux ni des résultats. Au contraire, nous devons même penser que le dialogue sera fécond.

Nous sommes dans une situation d'urgence mais non de crise et, pour une fois, nous pouvons opérer à froid, au cours des deux années qui restent avant la fin de la législature.

« Tout travailleur participe par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises », affirme l'alinéa 8 du préambule de la constitution de 46. Laissez respirer la société ! Laissez-la s'exprimer et faire des suggestions dont la richesse pourraient vous étonner.

Là où les lois ont échoué vous voulez ajouter une autre loi : c'est la logique de l'échec !

Abandonnant l'acharnement législatif, vous auriez pu privilégier le droit négocié dont la principale vertu, selon le rapport Robineau, « tient à sa capacité d'adaptation dans l'espace et dans le temps ». Vous n'avez pas voulu poser la question d'un code de bonne conduite entre le législateur et les partenaires sociaux. Vous nous assurez que cette proposition est l'aboutissement d'une réflexion approfondie, d'échanges nourris avec ces derniers. C'est vrai pour certains syndicats, mais pas pour le patronat. Et vous oubliez de dire que le consensus est loin d'être atteint, que si la CFDT et la CFTC adhèrent à vos propositions, les autres syndicats sont très sévères et considèrent que ce texte ne va pas assez loin.

Vous prenez donc seuls le risque d'ajouter une couche supplémentaire à un mille-feuilles déjà bien indigeste, de voter une nouvelle loi qui, comme les précédentes, restera lettre morte.

Nous ne sommes pas dupes. Nous savons que votre objectif premier est ailleurs : il s'agit d'un coup de pub politique à la veille de la journée des femmes !

Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Patrick Delnatte - Très juste !

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Vous abusez les Français, qui ne retiendront que l'emballage -l'égalité professionnelle- sans pouvoir apprécier la vacuité du contenu. J'ai bon espoir que cette loi inutile ne bloque pas les négociations des partenaires sociaux qui nous feront, peut-être même avant le vote définitif, des propositions sérieuses pour faire vraiment progresser l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, ce que nous souhaitons tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Je veux tout d'abord revenir sur la portée de l'_uvre législative qui vient d'être accomplie en matière de parité en politique. Même si le dispositif du Gouvernement n'est pas parfait, il va créer dès les prochaines municipales un rapport de force et un choc psychologique qui favoriseront des avancées dans d'autres domaines, où l'égalité entre les hommes et les femmes reste à conquérir. La classe politique si souvent vilipendée pour son conservatisme, son archaïsme, son retard sur les évolutions de la société, a pris là une longueur d'avance.

L'entrée massive des femmes sur le marché du travail, qui constitue en soi une avancée, renouvelle les termes du débat sur l'égalité professionnelle. Conciliant vie professionnelle et vie familiale, assumant très largement les tâches ménagères, l'immense majorité des femmes qui travaillent sont confrontées à des conditions de vie extrêmement dures : double journée de travail, précarité, faible rémunération, sur-représentation dans les fonctions d'exécution. Le travail n'est ainsi pas vécu par ces femmes comme une libération, comme un moyen d'accéder à l'indépendance économique et à l'autonomie. Il apparaît plutôt comme une ardente obligation pour faire bouillir la marmite, alors que le conjoint est souvent lui-même touché ou menacé par la précarité ou par le chômage. Avec 80 % des emplois à temps partiel -rarement choisi-, pour un salaire moyen de 3 650 F, qui place 10 % d'entre elles en-dessous du seuil de pauvreté, l'immense majorité des femmes actives sont dans une situation préoccupante. Et l'on a vu se développer, lorsque la courbe du chômage est montée, des campagnes demandant un retour des femmes à la maison, la précarité et la pénibilité de leur condition de vie rendant certaines sensibles à ces arguments d'un autre âge.

Les femmes disposant d'une qualification élevée sont confrontées à toutes sortes de discrimination en termes d'embauche, de salaires -25 à 30 % inférieurs à leurs collègues masculins-, de formation et de promotion. Une récente enquête du Nouvel Économiste illustre bien la mentalité des grands dirigeants d'entreprise. Interrogés sur le fait de savoir s'ils étaient prêts, à qualification égale, à nommer 30 % de femmes à des postes de pouvoirs, sans discrimination salariale et dans un délai de trois ans, 22 ont répondu non, 40 ont courageusement refusé de s'engager, et 3 seulement ont dit oui. Comment s'étonner que 7 % seulement des cadres dirigeants soient des femmes ?

Dans la fonction publique, à l'égalité en droit s'oppose une discrimination de fait. 56,9 % des fonctionnaires sont des femmes, mais un haut fonctionnaire sur 8 et 33 % des cadres de catégorie A. 15 ans après la loi Roudy, la bataille est loin d'être gagnée.

Il faut la mener d'abord sur le plan des idées, et faire reculer l'image si ancrée des rôles traditionnels dès l'école, dans les manuels scolaires, la publicité, la télévision. La surreprésentation des femmes dans l'enseignement en maternelle et en primaire ainsi que dans le secteur éducatif n'est pas un atout. Mieux vaudrait revaloriser ces fonctions aux yeux des garçons.

D'autre part, s'il n'est pas question de réglementer la vie privée, il faut faire du rééquilibrage des tâches familiales et domestiques une question publique. Il n'est pas fatal qu'on privilégie systématiquement la carrière du mari. D'ailleurs, si nous avons mis fin récemment à quelques abus concernant la prestation compensatoire, reste que dans la plupart des cas la rente est à la charge de maris dont la réussite s'est fondée sur le sacrifice de celle de leur ex-femme.

Mme la Rapporteuse - C'est exact.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Mais il faut aussi se servir de la loi, et cette proposition du groupe socialiste est la bienvenue.

D'abord, la politique consiste à adresser des messages clairs à l'opinion. Ensuite, la loi est l'instrument central à partir duquel s'organisent les relations et négociations sociales.

Promouvoir l'égalité professionnelle au sein des entreprises, en y favorisant le développement de la négociation, consolider les outils d'information des représentants des salariés et les outils d'incitation en direction des employeurs, tels sont les objectifs du volet « secteur privé » de cette proposition de loi, objectifs auxquels je souscris pleinement.

La féminisation des jurys de concours, ainsi qu'une représentation équilibrée des sexes au sein des organisations paritaires devraient faire progresser l'égalité professionnelle au sein de la fonction publique.

Cette proposition ne prétend pas résoudre tous les problèmes. Il faudra poursuivre l'_uvre législative notamment dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle et s'appuyer sur l'Union européenne. Sur proposition d'Anna Diamantopoulou, commissaire aux affaires sociales, la Commission européenne prépare actuellement un programme sur l'égalité des sexes. Chaque initiative européenne devrait être étudiée dans la perspective d'aboutir à l'égalité des sexes. Des mesures de discrimination positive pourraient figurer dans ce programme qui devrait être présenté publiquement au printemps prochain.

Au regard du chemin qui reste à parcourir, la présente proposition de loi peut sembler modeste. Elle n'en constitue pas moins un petit pas dans la bonne direction. C'est pourquoi les députés radicaux de gauche la voteront (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bernard Deflesselles - Nous avons dit oui à la parité en politique il y a deux mois. C'était une première étape. Nous avions alors souligné qu'il fallait traiter aussi de l'égalité des chances, des salaires, des situations. La proposition semble aller dans ce sens. Sur le principe, nous en sommes convaincus, il faut introduire plus d'égalité professionnelle entre hommes et femmes. Ce principe, reconnu en 1945, est loin d'être appliqué.

Mais nous nous interrogeons sur la méthode employée. En ajoutant des dispositions à celles qui ne sont pas appliquées, n'allons-nous pas voter une seconde loi Roudy pour garantir ce qui l'est déjà par la Constitution ? Est-ce la bonne solution à un vrai problème de société ? Les m_urs doivent-elles être régulées par l'Etat ? Ce n'est pas ainsi qu'on fera évoluer les mentalités et les comportements. Prévoir une représentation spécifique, c'est aller vers une communautarisation que nous refusons.

Les femmes ne peuvent-elles être considérées autrement qu'à travers des quotas ? Le danger est qu'elles s'imposent plus par la loi que par les compétences. Ce serait une régression. La discrimination positive -« l'affirmative action » des Etats-Unis- a échoué.

Le rôle des femmes dans la société doit être repensé par elles et pour elles. La gestion des temps, familial, professionnel, associatif, est le grand chantier de demain. Malheureusement, ce texte ne l'aborde pas.

Les femmes peuvent difficilement concilier le temps de travail et le temps de vie, ce qui explique qu'elles soient peu nombreuses parmi les cadres supérieurs et les hauts fonctionnaires, dont on exige une grande disponibilité. Mais ne fallait-il pas surtout s'interroger sur les raisons pour lesquelles la loi Roudy n'a pas été appliquée ? C'est le vrai débat. Certaines femmes privilégient parfois leur vie familiale. Mais à la sortie des écoles et des universités, l'égalité existe. Les mentalités évoluent. Nous sommes sur la bonne voie, même s'il est vrai que le processus sera long. Les femmes sont plus nombreuses aujourd'hui à être reconnues sur le plan professionnel -comme récemment à la tête de la COGEMA ou de Hewlett-Packard- mais elles restent très minoritaires. Pour autant, n'instituons pas des contraintes excessives. La liberté et la responsabilité de chacun doivent être préservées. Il existe déjà tout un arsenal de textes nationaux ou communautaires sur l'égalité des hommes et des femmes. Ne soumettons pas à des contraintes supplémentaires les entreprises, déjà suffisamment pénalisées par les 35 heures.

Les femmes doivent sortir du rôle social limité dans lequel elles sont enfermées. Mais c'est un enjeu de société, non un enjeu politique ou partisan. Il faut bousculer les coutumes, changer notre mentalité latine. En Finlande, on ne s'est pas étonné de l'élection d'une femme à la présidence.

Dans la fonction publique la représentation équilibrée dans les jurys et comités de sélection serait une avancée, même si elle est déjà parfaitement respectée dans l'Education nationale sur recommandation du ministre, qui n'a pas eu besoin de la loi. Dans ce secteur, faudra-t-il masculiniser les professions ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau - La situation est comparable dans la magistrature.

M. Bernard Deflesselles - Nous regrettons aussi qu'on laisse trop de champ à l'action réglementaire, sans concertation avec les partenaires sociaux. Nous aurions préféré qu'on ne s'en remette pas à des décrets élaborés dans le secret des cabinets ministériels.

N'opposez pas démocratie sociale et démocratie politique, nous a dit M. Le Garrec. Bien sûr. Mais il ne faut pas faire de la loi la référence de toute avancée de la société. La grande loi de 1971 sur la formation professionnelle a été précédée d'un accord entre partenaires sociaux à l'été 1970. Veillons à ce que le dialogue social soit à nouveau une priorité.

Enfin, avant de légiférer, a-t-on mis en cause les moyens nécessaires pour assurer l'égalité professionnelle ? Il faut lancer une réflexion approfondie sur l'aménagement des temps de vie. Elle est absente de ce texte, comme les dispositions permettant de mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale -accès à la formation, garde d'enfants, emplois de proximité. J'ai peur qu'on n'affirme une pétition de principe et qu'on ne fasse une loi Roudy bis. En 1983 la loi Roudy constituait une véritable avancée. Celle-ci ne marquera guère.

Malgré la méthode utilisée, l'objectif est louable. Nous vous accordons donc le bénéfice du doute en nous abstenant (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Patrick Malavieille - Longtemps considérées comme une main-d'_uvre d'appoint, apportant un salaire d'appoint, les femmes occupent désormais une place bien plus grande dans la société et dans le monde du travail. Les discriminations ont reculé. Il existe des dispositifs particuliers en leur faveur.

Le code du travail contient des mesures de protection, concernant notamment l'égalité salariale, le travail de nuit, la grossesse, le harcèlement sexuel. Certaines sont très anciennes, d'autres plus récentes. D'autres dispositions sont contenues dans des textes européens : l'article 119 du traité de Rome, la directive européenne du 10 janvier 1975 sur l'égalité de rémunération, l'article 2.2 du traité d'Amsterdam, tendant à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes.

Mais la réalité -inégalités salariales, précarité, temps partiel contraint, promotion bloquée- démontre les lacunes de cet arsenal juridique. Parfois, certains dispositifs sont utilisés contre d'autres ; c'est le cas pour l'interdiction du travail de nuit des femmes.

En effet, à la suite de l'action intentée contre la France par la Commission européenne, la Cour de justice des Communautés a condamné notre pays pour manquement au principe d'égalité. On ne peut que s'en étonner, au vu des méfaits du travail de nuit sur l'organisme humain et sur la vie familiale. L'autorisation du travail de nuit des femmes dans l'industrie est contraire à la nécessité de les protéger et consistera en fait à leur barrer l'accès à l'emploi.

Efficace pour autoriser le travail de nuit des femmes, la réglementation européenne est étrangement inefficace pour lutter contre les discriminations salariales... Mais dans ce domaine, un fait nouveau est apparu. Jusqu'à présent, la Cour de cassation concluait en général à une absence de discrimination, les employeurs justifiant les inégalités par le fait que le travail était différent, et la charge de la preuve incombant à l'employé, aujourd'hui, c'est à l'employeur de prouver l'absence d'une inégalité ou de la justifier. Ce changement jurisprudentiel doit être intégré dans le code du travail : c'est le sens d'un de nos amendements.

Je voudrais insister sur la protection de la maternité. La convention 103 de l'Organisation internationale du travail, complétée par la recommandation 95, fait l'objet d'un projet de modification, sur lequel le Gouvernement devrait donner son avis dans les mois qui viennent. Les femmes se mobilisent sur cette question ; leurs droits ne sauraient être réduits.

L'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes a progressé sous l'impulsion des femmes, des mouvements féministes et des syndicats. Avec le chômage et la précarisation du travail, l'évolution vers l'égalité est un enjeu primordial pour notre société ; à la veille du 8 mars, journée internationale des femmes, nous apprécions toutes les mesures qui vont dans ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme Nicole Catala - Nous savons que les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes sont encore graves et nous les tenons, nous aussi, pour inacceptables. Néanmoins, elles se sont réduites, qu'il s'agisse de la disparité des salaires, sur laquelle on constate un petit mieux, ou de l'accession à des postes de responsabilité dans les entreprises. Dans la fonction publique, en revanche, les nominations de femmes à des postes éminents sont rares... Nous souhaitons que la politique du Gouvernement s'infléchisse sur ce point.

La disparité des situations est due pour une large part à la différence des postes occupés. Dans le secteur privé comme dans le secteur public, les femmes ont moins de responsabilités et une rémunération moins élevée souvent parce qu'elles ont eu une formation moins poussée ou moins adaptée.

En outre, les femmes sont plus touchées que les hommes par le chômage.

Qui ne souscrirait à votre objectif de réduire les écarts entre les hommes et les femmes ? Ce qui nous distingue de vous, c'est la méthode.

En effet, vous nous proposez des dispositions législatives contraignantes alors que les progrès à accomplir dépendent principalement de la volonté des partenaires sociaux et du changement des mentalités. Il ne s'agit plus d'instaurer l'égalité des droits -qui existe- mais de passer à l'égalité réelle. Le seul moyen d'y parvenir est d'assurer l'égalité des chances.

A cet égard, nous continuons à faire nôtre la doctrine du précédent ministre du travail, M. Barrot, qui écrivait dans une circulaire du 30 décembre 1996 : « L'affirmation du principe de non-discrimination entre les femmes et les hommes ne suffit pas à établir une égalité de fait. Le principe d'égalité des chances suppose l'adoption de mesures concrètes et temporaires au bénéfice des femmes, adaptées à la diversité de leur situation. C'est principalement aux partenaires sociaux qu'il appartient, par la négociation collective, de s'efforcer d'analyser les efforts constatés et de prendre des mesures pour rétablir l'égalité ». Je ne vois pas pourquoi nous changerions de philosophie, au moment où les partenaires sociaux viennent d'inscrire l'égalité professionnelle parmi les objectifs prioritaires des grandes négociations qu'ils engagent. Faisons-leur confiance : attendons de voir quelles solutions ils vont proposer.

Notre préférence pour la négociation ne se limite pas au sujet de l'égalité professionnelle : elle est générale. Nous sommes à cet égard en phase avec le droit communautaire : dans le protocole social annexé au traité de Maastricht -traité ardemment défendu par le Président de la République de l'époque, François Mitterrand-, il est dit que lorsque la Commission européenne envisage une action dans le domaine de la politique sociale, elle a l'obligation de saisir au préalable les partenaires sociaux ; si ceux-ci veulent négocier, elle doit leur laisser un délai suffisant pour qu'ils puissent aboutir à un accord ; s'il y a accord, elle ne peut plus proposer de dispositions normatives sur le sujet. C'est une excellente méthode, dont nous devrions nous inspirer en droit interne, plutôt que de choisir comme avec ce texte la voie autoritaire.

Les contraintes supplémentaires qu'on nous propose d'instituer ne vont pas bouleverser la vie des entreprises. Il s'agit de modifier sur un point la teneur du rapport que le chef d'entreprise doit établir chaque année, de déplacer un article à l'intérieur du code du travail... Il n'y a rien la de révolutionnaire. Vous proposez d'ajouter un nouvel article L 132-12-1 pour obliger les signataires d'accords à « prendre en compte l'objectif d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ». La formule est si floue qu'elle en devient superfétatoire.

Mais le bât blesse véritablement lorsque vous en venez à la négociation d'entreprise. En effet, les formulations retenues sont toujours aussi floues, mais il est prévu que toute infraction aux dispositions prévues sera passible de sanctions pénales.

Je ne m'attarderai pas sur la lourdeur d'une rédaction que l'on aurait certainement pu alléger -n'est-ce pas, Monsieur le président de la commission ?- sinon pour observer que je ne suis pas la seule à tiquer : ne vous êtes-vous pas sentis tenus, pour tenter d'éclaircir la nouvelle rédaction que vous entendez donner à l'article L 132-27 du code du travail, de l'expliciter par un nouvel article L 132-27-1, sans que l'obscure clarté que vous souhaitiez faire tomber des étoiles parvienne à dissiper les brumes ? Aucune de ces dispositions ne dictera aux chefs d'entreprises ce qu'ils devront négocier exactement. Or, si le délit d'entrave est considéré comme constitué, la citation directe en correctionnelle est possible, ce contre quoi je m'insurge avec la plus grande vigueur. Toute incrimination doit être précise !

Sous la menace de sanctions pénales, vous entendez réaliser à marche forcée ce qui ne peut l'être, car les conditions ne sont pas réunies. De fait, les jeunes filles ne suivent pas, actuellement, les mêmes filières professionnelles que les jeunes garçons, et ne s'y préparent pas. D'autre part, il faudrait appréhender la vie des femmes dans tous ses aspects, et admettre qu'il serait plus facile pour elles d'exercer des responsabilités professionnelles si elles ne devaient pas mener de front plusieurs tâches. A qui fera-t-on croire que les jeunes femmes cadres n'ont plus le souci de la sortie d'école, de l'heure de fermeture de la crèche, de la maladie d'un enfant retenu à la maison et qu'il faut garder ? C'est leur vie quotidienne, et non des schémas dépassés. Or, les comités d'entreprises, qui pourraient aider les femmes à résoudre ces problèmes, s'en désintéressent.

M. le Président de la commission - Tout-à-fait d'accord !

Mme Nicole Catala - Chacun le sait, les comités d'entreprises sont majoritairement composés d'hommes. Commencez donc par leur imposer la mixité, en vous inspirant, par exemple, de la législation allemande, qui prévoit, depuis 1972, que le nombre des femmes élues dans cette instance doit être proportionnel à celui des femmes au sein de l'entreprise !

De manière plus prosaïque, pourquoi les comités d'entreprises n'utilisent-ils pas davantage les titres emploi-service, dont ils disposent depuis quelques années, pour financer des aides à domicile ? En les incitant à le faire, nous rendrions de grands services aux familles, et plus particulièrement aux femmes.

M. le Président de la commission - C'est vrai.

Mme Nicole Catala - Je ne me prononcerai pas sur la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes sur les concours de la fonction publique, qui n'appelle pas de commentaires. En revanche, les règles que vous édictez, relatives à une « représentation équilibrée entre les hommes et les femmes » au sein des jurys et des comités de sélection de la fonction publique, me heurtent profondément, car elles jettent une suspicion inadmissible sur la neutralité, l'impartialité et l'objectivité dont ont fait preuves tous les jurys qui, depuis un siècle, ont bâti une fonction publique de qualité dans notre pays. J'ai moi-même été nommée agrégée de droit par un jury exclusivement masculin et, pour avoir siégé au jury de plusieurs concours, je n'ai jamais ressenti que le sexe des candidats ait une quelconque importance.

Je considère donc que vous allez trop loin et qu'une fois encore vous ouvrez la porte à des revendications communautaristes, sinon ethniques, qui mettent en péril l'unicité de la République. Pourquoi, si l'on suit cette ligne, de jeunes beurs ou les membres de tout autre groupe socio-culturel n'exigeraient-ils pas, eux aussi, une « représentation équilibrée » au sein de ces jurys ?

Pour ces raisons, le groupe RPR ne votera pas ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Mme Danielle Bousquet - Les femmes ont toujours travaillé mais, bien plus souvent que dans le passé elles sont aujourd'hui salariées. Cette évolution marque une étape décisive de leur émancipation et de leur autonomie. Cependant, alors que les filles sont plus diplômées que les garçons, et même si le nombre de femmes cadres augmente, elles occupent l'essentiel des emplois précaires, et des emplois les moins qualifiés. Dix-sept ans après le vote de la loi Roudy, l'écart moyen des rémunérations entre les hommes et les femmes est encore de 25 % et 27 % seulement des cadres de la fonction publique sont des femmes. Dans ces conditions, qui prétendra que l'égalité professionnelle est acquise ?

L'excellent rapport de notre collègue Catherine Génisson montre la persistance d'inégalités criantes, y compris dans la fonction publique. Il faut dire que, pendant longtemps, on a considéré que toute femme travaillant prenait la place d'un homme. Très récemment, un rapport du conseil d'analyse économique a démontré la participation considérable du travail des femmes à la croissance économique.

M. le Président de la commission - Très juste.

Mme Danielle Bousquet - La proposition que nous examinons aujourd'hui traduit la volonté de renforcer la loi Roudy. Le cadre juridique fixé en 1983 demeure, mais un rôle déterminant est donné aux partenaires sociaux. Il faudra par ailleurs donner aux inspecteurs du travail des consignes claires, et prévoir qu'ils reçoivent une formation spécifique, faute de quoi le texte restera lettre morte.

Dans la fonction publique, qui devrait être exemplaire, les femmes se heurtent, comme ailleurs, au « plafond de verre » déjà décrit, et je ne citerai pas à nouveau les chiffres cruels déjà cités. Les conclusions du rapport Colmou doivent être suivies d'effet : il faut bien davantage qu'un sursaut, et l'Etat doit s'imposer les règles permettant une égalité professionnelle globale aussi bien dans la fonction publique d'Etat que dans les fonctions publiques territoriales et hospitalières.

L'objectif d'équilibre, que le rapport définit comme « représentation équilibrée entre les hommes et les femmes », doit trouver à s'appliquer dans toutes les instances appelées à se prononcer sur la gestion des carrières. Nous ne comprendrions pas que cette disposition ne figure pas dans la loi, et nous avons déposé plusieurs amendements qui visent à substituer au terme de « mixité », d'ailleurs utilisé dans ce texte dans une acception singulièrement limitative, le terme d' « égalité ». Chacun sait que les mots ne sont pas neutres, en ce domaine moins qu'ailleurs encore.

Il conviendra, encore, d'établir avec rigueur le bilan des progrès accomplis, pour déterminer si l'égalité professionnelle, finalement , se réalise.

L'égalité professionnelle est un enjeu de justice sociale. Les femmes attendent que, sur cette question, nous prenions des engagements forts : sachons ne pas les décevoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Bernard Perrut - L'amour de la démocratie est celui de l'égalité, a dit Montesquieu, et chacun de nous est justement attaché à ce principe d'égalité des droits entre hommes et femmes, inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et réaffirmé dans le préambule de la Constitution de 1946.

Ce grand principe est présent dans notre code du travail, de sorte que nous disposons là d'un arsenal normatif spécifique, couvrant aussi bien les relations salariales que l'embauche, la rémunération ou la formation. Le contentieux sur les discriminations professionnelles entre hommes et femmes a par ailleurs été l'occasion pour la chambre sociale de la Cour de cassation de s'affirmer en protectrice de la femme salariée. Enfin, le juge administratif est de plus en plus sourcilleux sur l'application de ce principe de non-discrimination dans la fonction publique. Dans ces conditions, fallait-il légiférer plutôt que d'emprunter les autres voies qui nous sont ouvertes ? Vous vous bornez à créer de nouvelles obligations, à ménager une nouvelle immixtion de l'Etat dans le dialogue social, et ce au moment même où les partenaires sociaux se montrent déterminés à négocier sur le sujet, ce qui est bien la meilleure solution pour faire progresser l'égalité dans les esprits comme dans les faits. Vous voulez vous ériger en défenseurs de femmes mais, si nous sommes d'accord pour considérer que le travail leur est essentiel aussi bien qu'aux hommes, ne peut-on penser, comme Edouard Herriot, qu'il est plus facile de proclamer l'égalité que de la réaliser ? Les grandes déclarations ne résoudront pas tout, et mieux vaudrait d'abord commencer par promouvoir une éducation fondée sur le respect mutuel entre sexes, ou par mettre un arrêt aux publicités qui transforment la femme en bien de consommation !

La place prise par la femme dans le monde du travail est, par ailleurs, de moins en moins contestée, d'autant que les intéressées réussissent généralement bien : le pourcentage des entreprises qu'elles ont créées est en forte progression et les professions féminisées sont celles qui créent le plus d'emplois. Certes, il faut encore faire évoluer les mentalités : trop de femmes ont encore le sentiment de n'être pas reconnues à leur juste valeur. Mais, plutôt que d'édicter de nouvelles contraintes ou de songer à réprimer les entreprises, ne vaudrait-il pas mieux écouter les femmes : celles qui constatent que le passage aux 35 heures laissera leur charge de travail inchangée, si ce n'est accrue par un rythme plus soutenu, celles qui craignent que la réduction du temps de travail ne s'adapte pas à leurs besoins, qui évoluent à mesure que leurs enfants grandissent ; celles qui constatent que les services de garde collective ne correspondent pas à leurs horaires et attendent qu'on repense l'aide à la petite enfance ? Quant à la formation, combien doivent y renoncer, faute de la mobilité trop souvent exigée ? La réforme de la formation professionnelle devrait être l'occasion d'une réflexion approfondie sur ce point.

Nous pourrions aussi évoquer les difficultés qu'ont les femmes à trouver un emploi après avoir élevé leurs enfants et s'être consacrées à leur noble rôle de mères de famille (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Nous pourrions dire le désarroi des femmes seules ayant des enfants à charge et qui ne trouvent pas de place sur le marché du travail, dire le harcèlement moral qui les affecte comme il affecte de plus en plus de salariés...

Dans la fonction publique, beaucoup a été fait pour réduire les inégalités -report de la limite d'âge pour les concours, développement du temps partiel...- mais je ne suis pas convaincu qu'une composition plus équilibrée des jurys, des CAP et des comités techniques paritaires soit un objectif prioritaire : qu'importe qu'il y ait des hommes ou des femmes seulement dans un jury, les meilleurs candidats réussiront toujours ! En revanche, les efforts déjà faits devraient être poursuivis.

Il convient enfin d'améliorer l'information des jeunes filles sur les carrières et les filières : il faut leur faire découvrir qu'elles ont la possibilité d'accéder à tous les métiers et, en même temps, changer les mentalités et les conception qu'ont les parents de certains emplois. L'information, l'orientation sont primordiales : lancez des campagnes, éditez des documents, sensibilisez les conseillers d'orientation, travaillez à la promotion des métiers et des grandes écoles !

Comment pourrions-nous regarder comme un grand projet un texte qui se limite à réglementer et à sanctionner, au lieu de s'attaquer aux causes de l'inégalité ou de proposer des mesures susceptibles d'améliorer réellement la vie professionnelle des femmes ? Celles-ci méritaient mieux que cela !

Mme Huguette Bello - Informel, non reconnu, domestique, le travail féminin existe depuis toujours. Evoquer l'augmentation de l'activité des femmes, c'est se référer en fait à celle du travail salarié féminin, liée notamment à la croissance de l'économie.

A la Réunion, la population féminine active a quadruplé en trente ans tandis que la population masculine active ne faisait que doubler, et elle représente aujourd'hui plus de 40 % du total. Cette évolution va cependant de pair avec le maintien des inégalités que le monde du travail sécrète. Avec des rémunérations plus faibles, des emplois à temps partiel généralement subis et une précarisation de plus en plus poussée, de nombreuses femmes voient les injustices du présent s'ajouter à celles du passé. De surcroît, malgré de meilleurs résultats scolaires, elles sont plus souvent que les hommes frappées par le chômage. Il n'est pas rare, à la Réunion, qu'une jeune femme de moins de vingt-cinq ans soit considérée comme vouée au chômage de longue durée...

Pour limiter ces difficultés d'insertion professionnelle, il convient sans doute de créer les conditions de l'égalité et, en particulier, d'orienter les filles vers des filières leur offrant de réelles perspectives professionnelles. Il faut également créer, en qualité et en nombre suffisants, les équipements qui leur permettront de concilier vie professionnelle et obligations familiales, et inciter les employeurs à prendre ces dernières en compte dans l'organisation du travail.

Pour que le principe de l'égalité professionnelle prenne corps, il faut être attentif aux conditions dans lesquelles il est mis en _uvre, de manière à conjurer deux risques. En premier lieu, le nombre d'emplois offerts aux jeunes étant, hélas !, insuffisant, il faut veiller à ce que l'accroissement du nombre d'emplois féminins ne fasse pas oublier que la priorité demeure l'accroissement global du travail des jeunes, filles et garçons. Nous ne pouvons oublier qu'à la Réunion, 58 % des moins de vingt-cinq ans sont privés d'emploi.

Le second risque est que l'égalité des salaires entre les jeunes des deux sexes ne soit réalisée par le bas, les salaires des garçons se trouvant progressivement ramenés, en raison de la crise de l'emploi, au niveau de ceux des filles. La discrimination sexuelle cesserait mais son abolition se ferait aux dépens de tous les jeunes.

Le travail des femmes pose enfin une question de fond : il ne m'apparaît pas nécessaire que leurs motivations épousent celles qu'a imposées aux hommes le système managérial des entreprises privées, désormais répandu aussi dans le secteur public.

Il n'est certainement pas dans leur intérêt de reproduire un climat guerrier, une mentalité de « tueurs ». Au contraire, un accès plus grand des femmes aux postes de responsabilité peut favoriser une réflexion critique, à laquelle gagnerait la cohésion sociale et culturelle de la collectivité nationale. Ce serait une lourde erreur que d'accepter la mondialisation de la formation de nos élites.

Mme Janine Jambu - L'examen de cette proposition de loi, venant après celui du projet relatif à la parité en politique, témoigne de l'intérêt que suscitent les questions féminines dans notre pays. De fait, les idées progressistes ont fait une avancée considérable en France parce qu'au cours des dernières décennies, les femmes ont su manifester avec force leur volonté d'en finir avec les discriminations et les inégalités dont elles restent victimes dans leur vie professionnelle, familiale ou personnelle.

Ce mouvement vers l'égalité, la liberté et la responsabilité a marqué tout le XXème siècle, grâce aux casseuses de sucre, qui revendiquèrent l'égalité des salaires dès 1892, grâce aux corsetières de Limoges, aux tisseuses de Rouen, aux sardinières de Douarnenez, aux ouvrières du textile du Nord, ou aux « dames des PTT » qui demandaient, elles aussi : « à travail égal, salaire égal... ». Ces femmes ont mené des luttes exemplaires contre le travail du dimanche, contre les licenciements ou les fermetures d'entreprises, pour la santé et les libertés, contre le travail de nuit... Sans leur détermination, nul doute que la situation dont nous nous plaignons serait encore moins satisfaisante. En prenant toute leur place dans la lutte pour transformer le monde et pour abolir l'oppression et les inégalités, les femmes contribuent à changer la réalité, y compris à leur profit.

Demain d'ailleurs, comme chaque année depuis que Clara Zetkin a appelé en 1910 à faire du 8 mars « une journée internationale des femmes pour leur libération et pour la paix », des millions de femmes vont faire du 8 mars 2000 une nouvelle étape de leurs luttes et nous pouvons nous féliciter qu'aujourd'hui nous soyons appelés à débattre d'une proposition visant à faire reconnaître leurs droits de citoyennes à part entière dans l'entreprise. En effet, si elles constituent presque la moitié du monde du travail, bien des obstacles empêchent encore la conquête d'une égalité qui soit synonyme de fin des injustices : l'écart des salaires, la ségrégation sociale, le faible intérêt accordé aux revendications spécifiques aux femmes.

Il ne suffit pas de proclamer l'égalité pour la rendre effective, quand tant de retards ont été accumulés.

La loi Roudy a suscité l'espoir, mais elle ne s'est pas traduite par une révolution dans le monde du travail. Combien d'entreprises, en effet, ont élaboré un plan d'égalité ?

La pratique patronale consistant à maintenir la main-d'_uvre féminine en bas de l'échelle aggrave les inégalités.

Le rapport de Catherine Génisson l'a établi : dans tous les domaines, il existe des discriminations, en matière d'embauche, de salaires, d'accès à la formation ou de promotion.

Les femmes sont plus touchées que les hommes par le chômage. La différence moyenne de salaire entre les deux sexes atteint 27 %, alors que le code du travail prohibe toute discrimination fondée sur le sexe.

Le travail précaire concerne une majorité de femmes et 80 % des salariés contraints au travail partiel sont des femmes.

Un tiers de celles qui effectuent moins de 32 heures par semaine souhaiteraient travailler davantage, et 4,2 % des femmes actives travaillent moins de 15 heures par semaine. Plus de 600 000 salariées à temps partiel souhaiteraient travailler à temps plein.

Un grand nombre de femmes, partagées entre le travail et le foyer, effectuent une double journée. Prenons garde, en voulant tenir compte des spécificités féminines, de ne pas maintenir certaines inégalités. La loi doit jouer un rôle pédagogique. Il ne s'agit pas de donner aux femmes le privilège exclusif d'assumer les tâches domestiques et l'éducation des enfants à côté de son activité professionnelle. Les hommes et les femmes doivent disposer de moyens rendant l'activité professionnelle compatible avec la vie familiale.

S'agissant de la garde des enfants, des efforts sont nécessaires pour développer les structures d'accueil.

Dans la fonction publique comme dans l'entreprise, les femmes n'occupent qu'un petit nombre de postes de responsabilité. Elles ne représentent que 7 % des cadres dirigeants des 5 000 premières entreprises françaises.

Les femmes et les jeunes gens enfin sont les principales victimes des atteintes à la dignité du harcèlement moral et du harcèlement sexuel.

L'égalité entre les femmes et les hommes reste donc à conquérir. On peut sans doute, en légiférant engager notre pays dans la bonne direction. Mais il faut que les dispositions contenues dans cette proposition débouche sur un changement rapide et en profondeur de la situation. C'est là un enjeu de justice sociale pour les femmes, un enjeu de démocratie pour notre société.

Le titre I, qui tend à modifier le code du travail, prévoit l'élaboration d'un bilan « sur la base d'indicateurs pertinents, reposant sur les éléments chiffrés, définis par décret et éventuellement complétés par des indicateurs qui tiennent compte de la situation de l'entreprise ».

Il est aussi proposé de rendre obligatoire l'introduction dans les négociations, à tous les niveaux, de la recherche de l'égalité professionnelle. Les partenaires sociaux seraient contraints de négocier sur ce thème et l'employeur qui se soustrairait à ces obligations serait passible de sanctions.

Il faut cependant que la périodicité des négociations rende possible une analyse dynamique de la réalité de l'entreprise. C'est pourquoi nous proposons de ramener de trois à deux ans le délai prévu. En outre, de l'avis des organisations syndicales, il est nécessaire d'avoir plus d'ambition. S'en remettre aux partenaires sociaux ne doit pas déresponsabiliser le législateur. En ce sens, nous proposons d'aller au-delà de ces obligations de moyens pour inscrire dans la loi une obligation de résultats, de sorte qu'au terme des négociations, un accord soit effectivement signé.

La loi « Roudy » n'a-t-elle pas montré ses propres limites faute de mesures contraignantes ?

Par ailleurs, il est possible d'améliorer la situation en transposant dans notre droit la directive européenne sur la charge de la preuve en matière de discrimination, selon laquelle, « si une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement ».

Cette directive de décembre 1997 précise que les Etats membres doivent prendre les mesures nécessaires en janvier 2001 au plus tard. Elle constitue un progrès pour les salariés.

Actuellement, en effet, c'est au salarié de prouver qu'il est victime d'une discrimination, ce qui est difficile.

Nous avons donc déposé un amendement tendant à mettre notre droit en conformité avec cette directive.

Il est par ailleurs nécessaire d'aborder la question du harcèlement moral au travail. Le groupe communiste est très attaché à l'amélioration des conditions de travail et, pendant plusieurs mois nous avons travaillé au sein d'un collectif multidisciplinaire animé par Georges Hage en vue d'élaborer une proposition de loi. Celle-ci a été déposée par notre groupe en décembre dernier.

L'attente des salariés, des organisations syndicales, des associations et des médecins du travail est grande. La dernière émission d'Envoyé spécial et le Nouvel Observateur ont fait état de la proposition du groupe communiste, qui comblerait un vide législatif.

Notre proposition mérite d'être examinée dans son ensemble. Mais, dès à présent, nous pouvons montrer notre détermination à légiférer contre le harcèlement moral au travail, en adoptant deux amendements qui en reprennent une partie.

Il devient urgent d'intervenir. La santé, la vie de nombreux salariés est en jeu. Dès aujourd'hui, nous pouvons prendre des mesures législatives et nous sollicitons du Gouvernement qu'il inscrive notre proposition à l'ordre du jour.

S'agissant du titre II, nous apportons notre soutien à la condamnation du harcèlement sexuel dans la fonction publique.

Les mesures proposées s'inspirent du rapport d'Anne-Marie Colmou. Si les femmes sont majoritaires dans la fonction publique, leur proportion décroît en raison inverse du niveau de responsabilité.

Mme Colmou a aussi déploré le manque de données statistiques sexuées dans la fonction publique territoriale. L'amélioration des outils statistiques est nécessaire pour définir les mesures à prendre et éliminer à terme les inégalités dans la fonction publique.

La proposition vise à renforcer la représentation des femmes dans les organismes paritaires de représentation du personnel, dans les jurys de concours et dans les commissions décidant des promotions et nominations. Ce sera sans doute utile, mais il faut aller plus loin. Nommer davantage de femmes aux postes de hauts fonctionnaires contribuerait à rééquilibrer la situation actuelle et aurait aussi une valeur d'exemple. La crédibilité des discours dépend des actes qui s'ensuivent.

Il va sans dire que le groupe communiste est favorable à cette proposition, que nous comptons rendre plus efficace par nos amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Mme Marisol Touraine - Jamais on n'a montré une telle sollicitude, un tel intérêt pour les femmes. Mais en dépit des discours de circonstance, des solidarités convenues, les bastions du conservatisme et de l'hypocrisie restent solides. Nombreux sont ceux qui, au fond, s'accommodent assez bien des injustices que rencontrent les femmes. L'égalité, toujours promise, n'est jamais acquise.

Les choses changent, pourtant, et c'est bien d'avancées concrètes que nous parlons aujourd'hui. Les femmes n'ont besoin ni de sollicitude excessive, ni d'admiration faussement apitoyée pour les efforts quotidiens qu'elles doivent déployer afin de défendre leurs droits, de revendiquer leur liberté et d'équilibrer leur temps.

Que n'avons-nous entendu, lorsqu'il s'est agi de voter la parité ? La République était en danger ! Pis encore : voter la parité, c'était faire preuve de nombrilisme et oublier les obstacles que rencontrent au quotidien des millions de femmes.

Eh bien non ! Car c'est toujours de démocratie qu'il est question. Notre démocratie ne peut se satisfaire du sort réservé aux femmes dans le monde du travail : l'égalité professionnelle, acquise en droit depuis plus de quarante ans que le « salaire féminin » a été supprimé, réaffirmée avec force par la loi Roudy, reste à conquérir.

Alors que les femmes représentent 47 % de la population active, elles sont loin d'avoir conquis l'égalité avec les hommes sur le marché du travail. Des postes moins qualifiés, des salaires plus bas, une exposition plus grande à la précarité : la réalité laisse un goût amer. La différence de salaire est évaluée à 25 %. Le taux de chômage des femmes est de quatre points supérieur à celui des hommes. Plus d'une femme sur dix occupe un emploi précaire, alors que 13 % seulement occupent un poste de responsabilité.

Dans la fonction publique, le paysage n'est guère plus réjouissant, malgré les efforts engagés depuis deux ans et qui, il faut bien le dire, ne trouvent guère aujourd'hui un aboutissement convaincant.

Cette proposition n'est pas seulement un acte symbolique ; elle donne les moyens de faire de l'égalité professionnelle la conquête sociale des années futures, car tel est bien l'enjeu. Au moment où d'aucuns contestent la loi au nom du contrat, où ils refusent au législateur ce qu'ils prétendent accepter du négociateur, nous disons que la loi seule ne garantit pas l'égalité professionnelle si les partenaires sociaux ne s'en saisissent pas. Mais que sans la loi, les syndicats ne peuvent agir dans la durée. L'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est bien un combat, une revendication sociale majeure, dans la lignée de celles qui ont marqué le siècle qui s'achève, diminution du temps de travail, interdiction du travail des enfants, congés payés.

Les partenaires sociaux, qui n'ont pas su tirer parti de la loi Roudy, disposeront de nouveaux instruments : l'obligation, désormais triennale, de négocier dans l'entreprise, l'institution d'une sanction pénale à l'encontre des entreprises qui ne mettraient pas tout en _uvre pour instaurer l'égalité professionnelle ; des critères précis pour évaluer les progrès accomplis mais aussi ceux qui restent à conquérir.

Cette proposition de loi est bien un appel à la négociation lancé à tous les partenaires sociaux, pour qu'ils fassent, dans leur action quotidienne, de l'égalité professionnelle une priorité de leurs revendications.

Cette proposition est aussi un appel à l'Etat pour qu'il assume de manière exemplaire -plus exemplaire qu'aujourd'hui- sa fonction d'employeur.

Jamais les conditions économiques, sociales, d'opinion n'ont été aussi favorables. La loi sur la parité, hier, la révision de la loi Veil demain, l'engagement pour l'égalité professionnelle aujourd'hui, sont autant de jalons pour un rééquilibrage des rapports de force au sein de la société. L'égalité des hommes et des femmes est une belle espérance. Nous ne laisserons pas le XXIème siècle se construire sans elle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Président - La commission des affaires culturelles m'a fait savoir qu'elle souhaitait se réunir immédiatement pour examiner les amendements à cette proposition de loi.

Nous allons donc interrompre nos travaux.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, après les questions au Gouvernement, à 17 heures 15.

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RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - M. le Premier ministre a informé M. le Président de l'Assemblée de sa décision de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

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FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 23 mars 2000 inclus a été fixé ce matin en Conférence des Présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte tendu de la présente séance.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures..

La séance est levée à 12 heures 20.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ANNEXE
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 23 mars 2000 inclus a été ainsi fixé ce matin en Conférence des présidents :

CET APRES-MIDI, à 15 HEURES :

      _ Questions au Gouvernement ;

à 17 heures 15 et à 21 heures :

      _ Suite de la proposition de Mme Catherine Génisson et plusieurs de ses collègues relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

MERCREDI 8 MARS, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ lecture définitive du projet relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives ;

      _ quatrième lecture du projet de loi organique relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux,

ces deux textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.

      _ projet relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

JEUDI 9 MARS, à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures :

      _ suite du projet relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

MARDI 14 MARS, à 9 heures :

      _ questions orales sans débat ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures,

MERCREDI 15 MARS, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures,

et JEUDI 16 MARS, à 9 heures, 15 heures et à 21 heures :

      _ suite du projet relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

MARDI 21 MARS, à 9 heures :

      _ Questions orales sans débat ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures,

MERCREDI 22 MARS à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures,

et JEUDI 23 MARS à 15 heures et à 21 heures :

      _ Deuxième lecture du projet modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.


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