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Session ordinaire de 1999-2000 - 63ème jour de séance, 147ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 9 MARS 2000

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

Sommaire

          SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS
          (suite) 2

La séance est ouverte à neuf heures trente.

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SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

M. Pierre Cardo - Nous voici enfin appelés à examiner ce projet sur la solidarité et le renouvellement urbains. Pour un projet de cette importance, les délais impartis sont un peu courts, d'autant que ce texte est un peu fourre-tout, traitant de politique de la ville, d'urbanisme, de transports... Cela étant, on peut en dire autant sur ce qu'il ne contient pas que sur ce qu'il contient.

Certes, la critique est aisée, mais l'art est difficile, et ce texte est la reconnaissance explicite des échecs successifs de la politique de la ville de ces dernières décennies. Je n'entrerai pas dans le détail des articles ; la discussion de plus de deux mille amendements évitera toute frustration à cet égard.

Le titre I a pour objectif de renforcer la cohérence des politiques urbaines.

Pour rendre les politiques plus claires et plus démocratiques, vous renforcez le rôle de l'Etat sur les documents d'urbanisme et, par le biais des enquêtes publiques systématiques, celui des habitants. Certes, on ne peut qu'approuver la suppression ou la simplification de certaines procédures, cependant, l'appauvrissement du rôle de l'élu local contribuera-t-il vraiment à développer la démocratie locale ?

Le maire que je suis, reste perplexe ! Alors que les maires voient leur responsabilité de plus en plus affirmée par les tribunaux, alors qu'ils restent les seuls représentants de l'autorité accessibles sur le terrain et que, souvent, on attend tout d'eux, ne va-t-on pas, en faisant cela, contribuer à les décourager ?

Vous affirmez votre volonté de donner aux agglomérations les moyens de définir leur politique urbaine. Les instruments supra-commmunaux actuels seraient, d'après vous, trop centrés sur la planification spatiale. Vous transformez donc les schémas directeurs d'aménagement urbain en schémas de cohérence territoriale précisant, à partir d'un projet de développement économique et social, les grands objectifs d'aménagement et d'urbanisme.

Le raisonnement peut paraître satisfaisant, mais l'hypothèse de départ, concernant la raison des échecs passés, n'est pas bonne.

Si les SDAU ont manqué de cohérence en bien des endroits, c'est que chaque commune défendait son plan d'occupation des sols ou plus exactement ses projets spécifiques, sans rien concéder au voisin. Là où il n'y aura pas de volonté politique autour d'un projet, la cohérence n'apparaîtra pas comme par magie. L'une des faiblesses de ce texte est, comme le rapport Sueur, de vouloir trouver dans l'agglomération une réponse à l'égoïsme ou aux divergences d'intérêt des villes.

Dans ma circonscription, il existe une commune moyenne qui compte 80 % de logements sociaux, plutôt dégradés. Elle est entourée par des villes de même importance qui en ont très peu. Que croyez-vous qu'elles aient fait jusqu'à présent, sinon se regrouper entre communes n'ayant pas trop de problèmes ? Et quelle intercommunalité la ville comportant autant de logements sociaux va-t-elle pouvoir construire ? Sur quel projet cohérent sera-t-elle d'accord avec ses voisines ? Si ces communes favorisées élaborent ensemble un schéma de cohérence territoriale, sur quelle base sera jugée la commune isolée ? En supposant qu'une communauté de communes soit un jour construite entre toutes, quel sera le pouvoir d'orientation de la commune où se trouvent des logements sociaux ?

En disant cela, je ne vous reproche pas d'avoir engagé une réforme, mais j'observe qu'elle ne permettra pas de régler les problèmes d'incompatibilité d'intérêts entre les communes.

L'article 3 simplifie les procédures des POS en créant des plans locaux de l'urbanisme. Il impose que ceux-ci soient cohérents avec la politique intercommunale d'aménagement urbain, d'habitat et de déplacement. Mais, dans l'exemple précédent, si les villes sans problèmes se sont réunies pour assurer une cohérence entre elles, comment sera jugé le projet de la ville en difficulté sociale ? Vous n'avez pas prévu de garde-fou pour protéger les plus faibles.

La section 2 du projet concerne le financement de l'urbanisme.

Une partie de vos propositions, faisant participer aux frais de la collectivité ceux qui bénéficient en premier de ses investissements, me paraît réellement positive. Toutefois, lorsque vous offrez aux communes la possibilité d'augmenter la valeur locative cadastrale d'une valeur forfaitaire allant jusqu'à 5 F le mètre carré afin de leur permettre, dites-vous, de financer leurs opérations de renouvellement urbain et de réhabilitation du patrimoine ancien, je ne peux m'empêcher de sourire : dans de nombreux cas, la recette de cette taxe foncière sera faible, faute de mètres carrés. J'espère que nous ne devons pas interpréter cette largesse de l'Etat comme préparant un futur désengagement financier... Comment assurera-t-on le financement d'opérations lourdes dans les quartiers difficiles s'il n'est assis que sur cette taxe ? Il faudra que l'Etat mette la main à la poche, mais curieusement pour une loi de solidarité, cela n'apparaît pas clairement, pas plus d'ailleurs que la solidarité à l'égard des communes connaissant des déficits structurels dus à une trop forte concentration de logements sociaux dégradés.

Le titre II concerne la politique de la ville et, plus particulièrement, la solidarité entre les communes en matière d'habitat.

Vous faites un constat d'échec des politiques antérieures et vous avez raison. Cela étant, vous brandissez, comme beaucoup d'élus de droite ou de gauche, le principe de la mixité sociale comme un remède miracle. Pratique incantatoire ? Annonce déculpabilisante ? « Je ne traite pas le mal, mais je le répartis »...

Il s'agit de construire du logement social chez ceux qui en ont peu. Je ne remets pas en cause les amendes prévues pour les mauvais élèves et je trouve que la progressivité prévue permettra d'éviter nombre de désagréments.

Cela dit, je voudrais vous faire partager la petite inquiétude d'un maire de banlieue ayant observé l'évolution des quartiers difficiles depuis près de trente ans. Nous allons, donc, construire des logements sociaux dans des secteurs nouveaux, a priori dans un environnement favorable. On y installera quelques familles mal logées, mais pas trop. Il ne faudra pas effrayer les élus et habitants de ces cités tranquilles. On voudra éviter de concentrer trop de familles à problèmes. Viendront donc s'installer aussi des familles de nos cités difficiles qui, ayant réussi une ascension sociale, trouveront là le début de leur itinéraire résidentiel. Ainsi, se fera dans nos quartiers un nouvel écrémage de nos populations, après celui provoqué par le développement de l'accession à la propriété, qui risque de contribuer fortement à une accentuation de leur paupérisation.

Le titre III est consacré à la politique de déplacement au service du développement durable.

Vous ouvrez des possibilités et offrez des outils, mais je ne peux m'empêcher d'avoir un _il critique, voire méfiant, sur certaines de vos mesures.

Vous transférez aux régions l'organisation et le financement des transports collectifs d'intérêt général. Vous appelez cela régionalisation. Au vu de l'expérience d'autres transferts, cela pourrait bien être du délestage de charges... Comme la SNCF doit être heureuse de se débarrasser des lignes ferroviaires non rentables !

Le titre IV veut assurer une offre d'habitat diversifié et de qualité.

J'apprécie enfin qu'on se penche sur l'habitat insalubre et qu'on se dote des moyens de lutter contre des pratiques inacceptables.

En revanche, je suis surpris que vous envisagiez des sanctions financières pour l'attribution de logements HLM à des personnes excédant les plafonds de ressources. Faut-il éliminer toute possibilité de maintien ou d'accès de classes moyennes aux HLM ? Ne serait-il pas plus judicieux de prévoir un pourcentage maximum ? Si on souhaite la mixité sociale, pourquoi va-t-on à l'inverse ?

Je suis également surpris par la péréquation entre organismes HLM. Je suis pour une politique contractuelle, avec cahier des charges, évaluation de la gestion des impayés et de l'entretien du patrimoine. Cela maintiendrait le ministère du logement dans la réalité du quotidien ; il aurait un rôle d'arbitre à tenir -mais je ne suis pas sûr que vous en soyez preneur...

Je voudrais conclure par ce que ce projet ne contient pas.

J'aurais souhaité que ce projet insiste davantage sur la notion d'itinéraire résidentiel, notamment dans les quartiers à forte concentration de logement social, et que l'Etat donne aux communes les moyens nécessaires pour agir, car la taxe foncière n'y suffira pas.

Le plus urgent n'est pas de construire de nouveaux logements sociaux, mais de faire mieux vivre ceux qui existent, dont près de 20 % sont vacants. Cette démarche relève non de l'urbanisme, mais de l'urbanité. Autrement dit, l'Etat doit assumer ses responsabilités en matière d'éducation, de police et de justice. Le rôle de l'Etat n'est pas de contrôler les élus, sinon à dose homéopathique, mais d'assurer la réussite scolaire, la sécurité et la justice, notamment dans les quartiers difficiles. Lorsqu'un tiers des enfants de ces quartiers ne sait pas lire à onze ans, les crédits alloués au soutien scolaire ne sauraient suffire à compenser les dysfonctionnements de l'institution. Bref, consacrons moins d'argent au béton et davantage aux acteurs, moins d'énergie à légiférer et davantage à agir sur le terrain.

Pour toutes ces raisons et malgré l'intérêt de certaines dispositions, le groupe DL votera majoritairement contre ce projet.

M. Daniel Marcovitch - On a beaucoup parlé de ce projet avant même sa publication. Ce serait, selon certains, la boîte à outils des lois Chevènement et Voynet. Comme si une boîte à outils était capable de faire de la politique ! Or c'est bien de politique qu'il s'agit, au sens noble du terme -la vie de la cité, l'urbanisme- mais aussi au sens qu'on lui donne plus communément car il existe un vrai clivage entre la droite et la gauche sur ce texte.

Que dit la droite ? Comparez nos jolies petites villes pavillonnaires, qu'habitent de modestes mais honnêtes retraités, à ces cités tentaculaires où vivent des familles de couleur et d'origine bizarres, qui volent et vendent de la drogue ...

M. Germain Gengenwin - Caricature !

M. Daniel Marcovitch - ... est-ce là le modèle de société que vous voulez nous imposer ?

Mais précisément, cette situation est le fruit de la politique de ségrégation sociale qui a été menée durant les années 60. C'est grâce à elle que Paris a pu repousser à sa périphérie sa misère et ses problèmes sociaux !

Voilà pourquoi la présente loi parle de renouvellement et de solidarité. Nous ne voulons plus de cette politique qui fut celle de vos amis, Messieurs de la droite ; nous ne voulons plus de ces cités que leurs espaces fermés et leurs appartements trop petits rendent criminogènes. Nous prônons la solidarité et le partage.

Quoi qu'en disent les médias, cette loi ne se réduit pas à son article 25, qui impose 20 % de logements sociaux dans certaines grandes agglomérations. Elle comporte 86 autres articles fondamentaux -que nous améliorons encore- pour faire disparaître ces îlots insalubres où des marchands de sommeil exploitent nos concitoyens et pour garantir à ces derniers un logement décent. Il faut donner aux petits copropriétaires les moyens nécessaires pour éviter la dégradation des immeubles, les impayés et les expulsions.

Bien sur, on parle beaucoup de ces quelques centaines de logements qu'il faudra peut-être construire en vingt ans dans certaines cités. Selon certains, le retour de l'Etat nuira à cette décentralisation que nous avons voulue et que la droite a combattue. Mais la décentralisation ne signifie pas la mort de l'Etat, qui reste le garant de la solidarité nationale. Lui seul peut l'imposer. 20 % de logements locatifs sociaux, est-ce si difficile à accepter ?

Toutefois, cette loi recèle le danger d'attirer les classes moyennes dans les zones où se construiront des logements agréables. C'est, en priorité, sur les villes où la population est particulièrement dense, que l'effort doit porter.

Il s'agit, non de construire des barres d'immeubles ou des tours, mais d'imposer une volonté politique. Tous nos concitoyens ont le droit de vivre décemment.

Ainsi que je l'ai montré dans mon rapport récent sur le volet logement de la loi contre les exclusions, il reste beaucoup à faire pour que ses dispositions soient appliquées. Les plus démunis attendent toujours que nous leur venions en aide et cette loi de solidarité y contribuera dans un cadre renouvelé. Il ne s'agit pas pour les communes de favoriser l'implantation d'un hypermarché ou d'un centre commercial pour profiter d'une taxe professionnelle supplémentaire au détriment de l'activité commerciale des communes environnantes. C'est à nos concitoyens, non aux élus locaux que la solidarité doit profiter. Solidarité nationale : voilà le maître mot de cette loi. Voilà pourquoi vous devez la voter comme nous le ferons après l'avoir améliorée.

Ainsi, sans doute conviendrait-il de moduler la cotisation réclamée aux villes qui ne respectent pas leurs obligations en matière de logement social en fonction de leur potentiel fiscal.

Ne dites pas a priori que vous ne voterez pas ce texte, que nos travaux permettront encore d'améliorer. Au cours de la navette, le Sénat apportera sa pierre à l'édifice.

Cette loi redessinera le visage de la France durant les vingt années à venir. C'est une loi politique dont, je l'espère, nous parlerons avec fierté à nos enfants, dans des villes plus solidaires ou, tout simplement, plus humaines (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Serge Poignant - Ce projet nous est soumis tout juste un mois après avoir été adopté en Conseil des ministres.

Je regrette vivement cette précipitation, qui fait obstacle à un travail parlementaire correct. La commission de la production n'a procédé qu'à l'audition des ministres concernés au mois de février. Faute de temps, les conditions de travail des commissions ont été déplorables. Ce projet, qui mélange refonte de l'urbanisme, habitat et transports, n'a pas fait l'objet du débat sérieux qu'il méritait, ni de la concertation à laquelle M. Gayssot dit avoir procédé. L'Association des maires de France s'est notamment vivement étonnée de n'avoir pas été consultée préalablement sur un texte dont l'application relèvera de la responsabilité des maires et des présidents d'intercommunalités.

D'autre part, le Gouvernement a déclaré l'urgence sur ce texte comme il l'avait fait pour le projet de loi d'aménagement et de développement durable du territoire, ainsi que pour le projet relatif à la coopération intercommunale, ce qui limite encore le débat. Trois textes importants pour les collectivités locales ont ainsi été examinés sans logique ni cohérence à quelques mois d'intervalle, et sans qu'on s'interroge sur la nécessité de maintenir des populations dans toutes les communes au lieu de les concentrer dans les grandes villes.

Sur le fond, la première partie de ce projet tend à rénover le cadre juridique des politiques d'aménagement de l'espace. Le schéma de cohérence territoriale devient un élément fédérateur de tous les plans qui s'imposent aux communes.

Les plans locaux d'urbanisme, -ex-plans d'occupation des sols- ou encore les cartes communales devront être en cohérence avec les schémas de cohérence territoriale, ce qui limite la maîtrise des sols confiée à l'origine aux communes. Sous couvert de simplification, vous modifiez la moitié du code de l'urbanisme. Vous réduisez dangereusement les contraintes bénéfiques des plans d'occupation des sols tout en multipliant les interventions du préfet dans les procédures d'urbanisme et d'habitat.

En remettant en cause le transfert aux communes des compétences d'urbanisme, décidé en 1983, vous remettez en cause l'autonomie des collectivités locales : recentraliser ainsi au moment où se met en place la commission Mauroy, chargée de définir la décentralisation du XXIème siècle, est-ce bien cohérent ?

Par ailleurs, vous conférez aux cartes communales une portée juridique équivalente à celle du plan local d'urbanisme, sans le dire vraiment, et vous alourdissez en outre la procédure d'enquête publique. Ces cartes donneront certes aux maires pouvoir de délivrer les permis de construire et les autorisations de lotir, mais ils devront aussi assumer la responsabilité contentieuse à la place de l'Etat. Est-ce là aider les petites communes ?

Enfin, en matière d'urbanisme, vous supprimez les déclarations de travaux, sous prétexte de simplification. Pour ma part, j'ai défendu un amendement visant à les rétablir car cette procédure simple permettait de fixer des règles indispensables aux communes qui veulent garder une certaine homogénéité et une certaine qualité de construction.

M. Germain Gengenwin - C'est vrai !

M. Serge Poignant - Vous supprimez également la taxe compensant la non-réalisation de parkings, qui permettait pourtant aux communes d'effectuer des aménagements, notamment paysagers.

Dans le second volet de ce projet, relatif à l'habitat, vous privilégiez les constructions collectives, locatives, sociales, facteurs de densification, et modifiez par là même sensiblement la loi d'orientation pour la ville, sans qu'un bilan précis ait été dressé de son application. D'autorité, vous faites passer la « gestion économe » de l'espace avant une gestion équilibrée, la quantité avant la qualité ! Oubliez-vous le passé pour vouloir ainsi concentrer davantage encore ? Ignorez-vous que les Français aspirent au calme, à un environnement verdoyant et à la sécurité, et que les communes rurales se dépeuplent ?

L'ensemble de ce projet sert un seul objectif : construire de plus en plus de logements sociaux collectifs gérés par le mouvement HLM. Il ne reconnaît pas à l'accession sociale sa place alors qu'elle peut contribuer à la mixité sociale et qu'elle répond à l'attente des Français. Il fait par ailleurs abstraction du volet économique : emplois et commerces.

Vous faites peser une contrainte financière excessive sur les communes. Les élus locaux, qui n'ont pas été consultés, demandent que le seuil des 20 % de logements sociaux soit modulé en tenant compte du rapport entre l'offre et la demande et des caractéristiques de chaque commune mais aussi des projets intercommunaux dans lesquels elles se trouvent engagées : en quoi serait-il caricatural ou égoïste de faire état de cette position, partagée d'ailleurs par certains membres de la majorité plurielle ? Ne nous montrons-nous pas réalistes en rappelant que certaines communes, faute de terrains, ne pourront respecter cette disposition technocratique et autoritaire ?

Par ailleurs, la loi Chevènement, qui favorise une intercommunalité maximale, oblige à la réalisation de PLH communautaires alors que votre loi fixe un pourcentage pour chaque commune prise individuellement. Où est la cohérence ?

Enfin, si le dernier volet renforce le rôle des plans de déplacements urbains, il conviendrait en outre de clarifier les compétences et d'associer à l'élaboration et à l'approbation de ces documents les départements, pour ce qui est des transports scolaires et du réseau routier, de même que les régions, qui jouent un rôle essentiel dans les schémas nationaux de services collectifs de transport.

Je rappelle aussi que c'est Bernard Pons, en 1995, qui a eu le courge d'engager la régionalisation des transports de voyageurs . A cet égard, votre projet apparaît bien insuffisant pour assurer le succès de la deuxième étape.

Pour ce qui est du versement transport, qui pèse déjà lourdement sur les employeurs, un élargissement de la zone de perception serait une erreur. Il conviendrait plutôt de rechercher une autre source de financement : ne pourrait-on par exemple instituer un fonds spécifique, sur le modèle du FITTVN ?

Sommes-nous contre la mixité sociale ? Non, assurément, quoi que vous affirmiez ! Sommes-nous pour votre projet ? Non, tout aussi assurément, et les propos tenus par M. Bartolone ne peuvent que nous conforter dans cette position ! Mercredi dernier, votre seule réponse à la question d'actualité de M. Carrez a consisté, Monsieur le ministre, à prôner la multiplication des logements collectifs. De son côté, M. Besson soutient que seules doivent compter les attentes des Français. Or savez-vous que, selon un sondage récent, 85 % d'entre eux rejettent les logements locatifs et souhaitent accéder à la maison individuelle et à la propriété.

Vous éludez les problèmes des grands ensembles en ne vous attaquant pas à ce qui fait la mauvaise réputation des HLM et en négligeant la réhabilitation, en dépit de ce que viennent de dire MM. Cardo et Marcovitch. Mélangeant idéologie centralisatrice et technocratie, vous ne pouvez aboutir qu'à de fortes incohérences (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Et ne dites pas que nous caricaturons !

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - C'est pourtant le moins qu'on puisse dire !

M. Serge Poignant - Vous n'avez pas de leçons à nous donner à cet égard : n'est-ce pas vous qui, hier, avez parlé de « ghettos de résidences de standing et de logements privés », et laissé entendre que la gauche seule considérait les moins aisés, que nous délaisserions, nous ? Nos desseins, pour eux, sont aussi vertueux que les vôtres !

M. le Ministre délégué - Encore faudrait-il les loger !

M. Serge Poignant - Votre projet, dangereusement densificateur ouvre la porte à des constructions anarchiques dans la mesure où il supprime la valeur normative des POS. Vos partenaires de la majorité plurielle ont d'ailleurs dénoncé l'absurdité qu'il y a à examiner en urgence un texte qui contient le pire -ils visaient expressément les PLU- et ont parlé de mascarade idéologique, d'accentualisation du bétonnage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Vous avez dit, Monsieur le ministre, que vous abordiez la discussion dans un esprit ouvert. Nous en prenons acte mais vous comprendrez que nous ne partagions pas votre présentation presque idyllique et assurément démagogique d'un projet qui ne saurait garantir le bien-être à un maximum de nos concitoyens. Le groupe RPR votera donc contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Janine Jambu - Une forte ambition sous-tend ce projet qui touche à tous les aspects de la vie quotidienne de millions de femmes et d'hommes -de femmes et d'hommes qui, à la fois, aiment la ville et la vivent mal, qui en subissent les inégalités et les déséquilibres, qui veulent agir sur leur environnement et leur qualité de vie, maîtriser les choix d'aménagement et aspirent à des logements de qualité.

Toutes ces aspirations, tous ces besoins rendent indispensable l'adoption de mesures nouvelles, rompant avec les logiques inégalitaires, et il revenait à ce Gouvernement de gauche de les entendre. Certes, une loi n'est qu'une loi, mais tous les points d'appui qu'elle fournira sont à exploiter.

Il nous faut à cet égard nous soucier des moyens financiers : quelques articles y touchent, mais l'essentiel est renvoyé au budget, à la politique de la ville et aux mesures déjà prises. Nous serons donc attentifs à ce que contiendra le projet de loi de finances pour 2001.

D'autre part, que chacun trouve sa place dans la ville et puisse s'y épanouir dépend aussi de choix économiques et sociaux qui dépassent la visée de ce texte. Si tout est lié, tout n'est pas dans tout ! Malgré une grande technicité et une forte complexité, des lignes de force se dégagent de ce texte. On peut les résumer en deux mots : démocratie et solidarité. Ce sont des valeurs que nous cherchons à conforter pas nos amendements, travaillant à lever les ambiguïtés et à conforter toutes les avancées.

S'agissant du logement, auquel je consacrerai le reste de mon propos, je note que certaines dispositions ont suscité de vives réactions de l'opposition : celles qui touchent à la solidarité entre communes, à la pénalisation financière de celles qui ne contribuent pas à l'effort de construction de logements sociaux et à l'intervention du préfet en cas de carence. Élue des Hauts-de-Seine, je sais quels peuvent être les contrastes et les déséquilibres en ce domaine ; je connais l'intensité de la pression qui s'exerce sur les communes dotées d'un parc social important. Nous souhaitons pour notre part que la LOV, dénaturée par la droite, soit rendue plus contraignante : il ne s'agira plus de s'exonérer en payant, mais bien de remplir effectivement une obligation, selon un système programmé.

L'Etat assure sa mission de garant de la solidarité et n'intervient que si l'immobilisme des décideurs locaux est trop marqué. La contrainte est légitime pour combattre ces inégalités et permettre à chaque citoyen de choisir librement son habitat. Nous proposons de rendre le dispositif plus contraignant en abaissant à 30 000 habitants le seuil de l'agglomération, en modulant à la hausse les pénalités en fonction de la richesse des communes, en affectant le fonds régional d'aménagement urbain aux opérations de requalification et de restructuration urbaines, et en affirmant la compétence liée du préfet. Nous avons été entendus en commission avec la prise en compte du potentiel fiscal -au-delà de 5 000 francs par habitant- pour instaurer une surtaxe applicable aux communes les plus aisées.

Dans le cadre des agglomérations, nous proposons que soit fixé un seuil minimum de réalisations obligatoires par commune, afin que nul ne s'abrite derrière un regroupement d'opportunité. L'élargissement du parc privé conventionné « ANAH » des logements sociaux pris en compte dans le calcul des 20 % risque d'atténuer l'efficacité du dispositif et nous aurions préféré que la rédaction initiale soit maintenue.

Ce débat doit nous permettre de casser l'image dévalorisée du logement social. Si d'immenses efforts de requalification de certains quartiers issus de l'urbanisation des années 1960 restent nécessaires, les programmes récents de logements sociaux, souvent constitués de petites unités bien intégrées, n'ont rien à envier aux réalisations des promoteurs privés. Aussi, beaucoup de ménages issus des classes moyennes et favorisées aspirent, pour eux-mêmes ou pour leurs enfants, à pouvoir accéder à un logement de qualité à loyer raisonnable. C'est pourquoi nous demandons sans relâche le relèvement des plafonds de ressources et l'abrogation des surloyers, qui favoriseraient l'équilibre social des programmes en évitant la fuite des moins défavorisés.

M. Alain Cacheux - C'est vrai !

Mme Janine Jambu - Les mesures relatives aux copropriétés dégradées, à l'insalubrité et au péril participent de la volonté de mettre fin aux pratiques insupportables des « marchands de sommeil » et aux conditions inhumaines d'habitat auxquelles sont contraintes trop de ménages et leurs enfants.

Les protections nouvelles de l'acquéreur en copropriété et l'ouverture du FSL aux dettes de charges pour les copropriétaires occupants les plus modestes vont dans ce sens. Mais il faudra aller plus loin en matière de financement, en créant à leur intention des prêts spéciaux ou en abondant les fonds de l'ANAH, qui, devenue, AFAH, est dotée d'une compétence élargie sans moyens supplémentaires : les 2,2 milliards de l'ANAH et les 800 millions de la PAH.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement - Ils s'ajoutent !

Mme Janine Jambu - Pour lutter contre l'insalubrité et le péril, nous sommes favorables à des mesures coercitives à l'encontre des propriétaires, sous la forme d'obligation de travaux ou de relogement. Nous souhaitons que les élus -en particulier des communes de proche banlieue où le problème est particulièrement aigu- soient étroitement associés à la résorption définitive de l'habitat insalubre.

M. Alain Cacheux - Très bien !

Mme Janine Jambu - Il faudra aussi porter une grande attention aux équilibres sociaux dans le relogement des familles concernées, qui sont le plus souvent très démunies. Telle qu'elle s'est engagée, la discussion doit nous permettre, comme le souhaitent tous les groupes de la majorité, de progresser dans la définition du logement décent et des normes d'habitabilité.

En matière d'aide publique au logement, les différentes modalités -PLUS, PTZ, PALULOS, ANAH, APL- ont fait l'objet d'améliorations sensibles depuis trois ans et nous constatons avec satisfaction le rétablissement de l'aide à la pierre, même si une réforme de fond reste nécessaire pour inverser la logique introduite par la loi de 1977 qui a nourri le déséquilibre entre les aides à la pierre et à la personne.

Nous nous félicitons ensuite de l'engagement de pérennisation du patrimoine social, qui vient contrecarrer le développement des pratiques de déconventionnement et de mises sur le marché libre qui « rabougrissent » le parc social et accentuent le déficit de réponses aux besoins. A ce titre, nous souhaitons que soit affirmée la notion de « missions de service public » des organismes et que les SEM et la SCIC, filiale immobilière de la Caisse des dépôts figurent dans le dispositif de pérennisation.

S'agissant du statut des offices, OPHLM ou OPAC, nous sommes attachés au respect de la liberté de choix des outils, sans préjudice des évolutions nécessaires. Nous saluons aussi l'inscription dans la loi de garanties de carrière pour les personnels des OPAC. Pour ce qui concerne la solidarité entre organismes, nous approuvons la réforme de la CGLS, sous réserve de mesures spécifiques pour les organismes les plus sociaux. Les relations des collectivités territoriales -qui assument souvent les garanties d'emprunts- avec les SA doivent également être enrichies et les locataires doivent être associés au conseil d'administration des SEM.

S'agissant des droits des locataires, nous sommes favorables à l'amélioration des procédures de conciliation. Il faudra veiller dans ce cadre à réaffirmer dans la continuité de la loi de lutte contre les exclusions, le rôle des organisations représentatives de locataires. Pour mener à bien ces missions nouvelles, les militants associatifs du logement devront disposer de moyens et pouvoir se prévaloir d'un statut plus protecteur. Nous souhaitons que le Gouvernement s'engage dans ce sens et en débatte avec les associations concernées (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Marc-Philippe Daubresse - Ce débat aurait pu être un grand moment de la vie démocratique si le Gouvernement s'était abstenu de déclarer la procédure d'urgence et si la commission de la production n'avait pas repoussé systématiquement les amendements constructifs de l'opposition. En présentant ce texte, M. Bartolone nous a invités à relever le « pari de l'intelligence de la mixité sociale »...

M. le Ministre délégué - Chiche !

M. Marc-Philippe Daubresse - D'accord, mais nos divergences ne portent ni sur le diagnostic, ni sur les objectifs longuement déclinés : urbanisme de qualité, mixité sociale, relance d'un logement social harmonieusement intégré... Mais la méthode nous oppose. Tout en rejetant l'urbanisme des années 60, les cités champignon et les ghettos, M. Marcovitch nous propose d'importer ce modèle partout !(Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Ce que vous proposez ce n'est plus la loi « RCV » -renouvellement et solidarité urbains- mais une loi « RCD » : recentralisation, complexification, densification. Je ne sais pas à cette heure quelle sera la décision du groupe UDF. Elle sera en toute hypothèse largement subordonnée à la suite de notre discussion et au sort qui sera réservé à nos amendements.

Ne nous livrons pas ici à un débat idéologique entre droite et gauche. M. Carrez l'a rappelé : lors du débat sur l'intercommunalité, la qualité du travail en commission et de la discussion et l'ouverture d'esprit du ministre nous a permis d'aboutir à un accord. Il faut persévérer dans cette voie plutôt que de reprendre la méthode autoritaire des 35 heures, qui consiste à placer toutes les villes sous la même toise égalitaire, sans tenir compte de leur potentiel fiscal. Le groupe communiste entend défendre un amendement concernant les villes à fort potentiel fiscal. Mais qu'en sera-t-il des villes dont le potentiel fiscal est particulièrement faible ?

Nous aimerions qu'on tienne compte de ce faible potentiel fiscal et aussi de l'espace disponible sur le territoire de la commune.

Mais au lieu d'inciter à l'expérimentation et à la responsabilité, vous préférez accentuer la contrainte et la rigidité. Vous faites constamment appel à des pouvoirs extérieurs, le préfet, chargé de donner des coups de règle sur les doigts, et le juge administratif devant lequel les contentieux vont se multiplier. Je vous donne rendez-vous dans cinq ou dix ans, Monsieur le rapporteur : vous constaterez que les contentieux auront doublé ou triplé.

C'est pourquoi le groupe UDF propose une méthode réellement intelligente, qui préfère la simplification à la complexification, la responsabilité et l'initiative de terrain à la contrainte : faites confiance aux maires et aux élus des communautés d'agglomération ! J'ai d'ailleurs déposé une dizaine d'amendements pour renforcer les pouvoirs des agglomérations mais ils n'ont pas été retenus en commission.

Monsieur Marcovitch, vous avez parlé du renouvellement urbain : dans ma commune, je suis constamment confronté au problème des friches industrielles. Or aucun article de ce texte ne définit le renouvellement urbain et ne donne les moyens d'agir dans les zones dégradées.

Sans une véritable politique de mixité, on ne pourra pas sortir des problèmes que nous connaissons dans les zones les plus urbanisées.

Le développement de nos villes après la guerre s'est caractérisé par une reconstruction anarchique, où l'urgence primait sur la qualité et la cohérence des bâtiments, tant pour les logements que pour les surfaces commerciales. Et ce n'est pas le schéma d'agglomération qui évitera la fuite des petits commerces hors des centres-villes.

Ces cités champignon ont accumulé les handicaps : l'exclusion, la violence, la délinquance. Ces phénomènes, Monsieur Marcovitch, ne sont pas propres à une catégorie de population, mais à cet urbanisme des grands ensembles. Favorisons donc l'insertion dans nos villes de petits immeubles de logements sociaux. Chaque année je construis des unités de 45 logements dans les quartiers résidentiels et cela fonctionne très bien.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - C'est exactement le contenu du texte !

M. Marc-Philippe Daubresse - Pas du tout !

Nous sommes d'accord pour penser simultanément les politiques d'urbanisme, de logement et de déplacements. Sur la partie concernant les transports publics, le texte est consensuel : Bernard Pons et Anne-Marie Idrac ont lancé l'expérience de la régionalisation des transports ferroviaires et elle a abouti à des décisions fortes : il est donc opportun de généraliser le système en 2002, on aurait même pu le faire avant.

L'Association des régions de France a cependant exprimé la crainte que celles-ci ne bénéficient pas des ressources correspondantes, d'autant qu'aux transports de voyageurs devraient s'ajouter ultérieurement les transports de marchandises.

Les articles 51 à 59 correspondent à nos souhaits, mais si nous voulons vraiment passer du tout-routier au ferroviaire, il nous faut les moyens nécessaires. Nous déposerons donc des amendements prévoyant l'indexation des ressources des régions.

Les conflits entre les autorités chargées des transports et la SNCF ne sont pas uniquement financiers, ils portent aussi sur le contenu des décisions et investissements. Il faut trouver un mécanisme qui donne la priorité aux régions pour les choix à faire.

Quatre ans de pratique quotidienne de la régionalisation des transports dans toute une série de régions, en particulier dans l'Alsace dirigée par M. Zeller, ont abouti à des résultats très positifs.

M. Patrick Rimbert, rapporteur de la commission de la production - C'est vrai !

M. Marc-Philippe Daubresse - Les PDU, quant à eux, devraient prendre en compte non seulement les déplacements de personnes, mais aussi le stationnement et les véhicules de livraison de marchandises.

En ce qui concerne la réforme du code de l'urbanisme, loin de simplifier les procédures, elle va encore les compliquer.

J'avais travaillé sur ce sujet lorsque M. Bosson était ministre de l'équipement et je puis dire que ce n'est pas la suppression de 50 articles du code de l'urbanisme qui va résoudre les problèmes : ce qu'il faut, c'est éviter l'empilement des procédures et des contentieux. Ou on fait le choix de la transparence et de la démocratie lors de l'élaboration des projets et alors on évite les contentieux, ou on se donne des moyens de contrôle a posteriori. Votre texte va multiplier les recours contre les schémas et il faudra dix ans pour les mettre en _uvre, ce qui est complètement irréaliste puisque le mandat des communautés urbaines n'est que de six ans. Elles doivent pouvoir faire aboutir leurs projets dans ce délai et nous déposerons des amendements allant dans ce sens.

Remplacer les SDAU par les SCT ne résoudra rien. On enlève aux POS leur aspect normatif, qui est pourtant essentiel : j'ai déposé des amendements pour que les POS soient respectés non seulement dans les zones en voie d'urbanisation, mais aussi dans celles qui sont déjà urbanisées. Nous sommes en effet tout aussi opposés à la densification des constructions privées qu'à celle des logements HLM.

L'intégration des ZAC dans les PLU porte atteinte à un outil essentiel de l'aménagement urbain et enlève toute liberté de conception pour l'aménagement de territoires importants. En outre, elle va se traduire par des procédures beaucoup trop longues.

La suppression du versement pour dépassement du coefficient légal de densification ne fera que favoriser celle-ci.

Et pourquoi mettre en place, pour la construction de logements sociaux, un dispositif coercitif et centralisateur, qui est pure gesticulation idéologique en direction des médias ?

On oppose Neuilly et La Courneuve, alors que dans beaucoup de nos villes, où la mixité existe déjà, les populations veulent être aspirées vers le haut par l'accession à la propriété, non tirées vers le vas. Un geste significatif serait donc d'inclure l'accession à la petite propriété dans le logement social.

De même il est incohérent d'obliger des communes qui n'ont pas de réservoir foncier à exproprier ou démolir des logements existants pour construire du social. J'ai déposé un amendement qui prévoit que si une commune verse à une communauté urbaine une contribution pour le logement social, celle-ci doit être affectée en priorité à la construction sur le terrain de cette commune.

M. Pierre Cohen - Elle peut le faire directement.

M. Marc-Philippe Daubresse - Nous aurions pu être d'accord avec M. Gayssot pour relever les défis de la solidarité du développement durable, de la décentralisation, d'accord avec M. Bartolone pour faire le pari de l'intelligence si la méthode suivie était intelligente, si l'on avait évité le discours de la lutte de classe. On a évoqué Eugène Sue, Hector Malot, l'abbé Pierre. Nous ne sommes plus au XIXème siècle.

M. Pierre Cohen - Ça va faire plaisir à l'abbé Pierre. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Marc-Philippe Daubresse - Il faut construire la ville du XXIème siècle.

Le groupe UDF souhaite savoir si vous êtes prêts à faire confiance aux acteurs locaux plutôt qu'au préfet, revenant sur une décentralisation que nous avons toujours soutenue ; à laisser les communautés d'agglomération établir des programmes locaux de l'habitat ; à faire le pari de la qualité pour assurer une mixité sociale écartant le risque de densification ; prêts à reconnaître à l'article 25 la nécessité de favoriser l'accession à la petite propriété.

Bref, êtes-vous prêts à réaliser une réforme de l'urbanisme, des déplacements et du renouvellement urbains, par une méthode qui privilégie l'initiative, la responsabilité et la souplesse, plutôt que par la contrainte, l'assistanat et la coercition ?

En mettant dans ce texte un peu moins d'idéologie et un peu plus de courage politique, nous pourrions gagner ensemble le pari de l'intelligence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Jean-Michel Marchand - Ce projet s'inscrit dans le prolongement des lois sur le développement durable, l'intercommunalité, la lutte contre les exclusions. Il est à la fois structurant pour le territoire, et social. Il est ambitieux -il s'agit de refondre une grande partie du code de l'urbanisme- préconise une approche globale et veut définir les responsabilités respectives de l'Etat et des collectivités territoriales. Il n'oublie pas les citoyens, mais ne fait pas la place souhaitable aux organisations .

Vous voulez rénover les politiques urbaines en rendant cohérents les outils de l'urbanisme, et en les simplifiant sans renoncement ni facilité. Les schémas directeurs deviennent des schémas de cohérence territoriale ; de nouveaux documents d'urbanisme comprendront d'autres éléments que l'occupation des sols.

Vous confortez la politique de la ville en instituant plus de solidarité entre communes, en améliorant le régime de copropriété, en protégeant l'acquéreur.

Mais l'essentiel, c'est une volonté de promouvoir la mixité sociale avec l'objectif de parvenir à 20 % des logements sociaux dans les vingt ans. La contrainte n'est pas insurmontable, la volonté politique est nette. Pour mettre fin à l'apartheid social il faudra s'en donner les moyens. L'Etat assumera ses responsabilités par voie conventionnelle. Il faudra aussi prendre en compte les contraintes financières, et non seulement les engagements des communes mais leur potentiel fiscal. D'autre part, à Paris, Lyon et Marseille c'est au niveau des arrondissements et des secteurs qu'il faut prendre en compte la répartition des logements sociaux pour réduire vraiment les discriminations.

Ce texte fixe aussi des objectifs pour le développement des transports urbains collectifs, par la coordination des politiques de déplacements urbains et des documents d'urbanisme, le développement de la multimodalité et des transports alternatifs. Limiter la place de la voiture en ville est une excellente chose, tout comme subordonner le développement de l'habitat à une desserte par les transports en commun. Réguler les flux de marchandises par des plates-formes de chargement contribuerait à décongestionner les centres-villes. Les objectifs prennent bien en compte l'environnement et le développement durable.

En ce qui concerne l'habitat, maires et préfets pourront mieux lutter contre l'habitat insalubre ou en péril en se substituant au propriétaire défaillant ; les droits des locataires sont renforcés ainsi que les procédures de règlement amiable des conflits.

Mais il faut faire mieux et plus pour les copropriétés dégradées, en prévoyant un audit préalable au classement d'un immeuble ou groupe d'immeubles comme copropriété en difficulté, une commission de conciliation, l'instauration d'un carnet d'entretien et de relations plus claires avec le syndic.

M. Alain Cacheux - Très bien !

M. Jean-Michel Marchand - Il faut ramener dans le droit commun les résidents des foyers- logements où habitent les travailleurs migrants.

Pourtant le projet n'est pas sans imperfections, lacunes, modifications dommageables. Réécrire plus de cent articles de loi est risqué. L'urgence ne permet pas un examen sérieux. La tâche sera lourde dans l'hémicycle.

M. Francis Delattre - Très bien !

M. Jean-Michel Marchand - C'est le volet urbanisme qui pose le plus de problèmes. Les PLU seront moins contraignants que les POS. Et rien n'oblige, dans les PLU, à prendre en compte la protection de l'environnement, les caractéristiques des voies de circulation, les coefficients d'occupation des sols.

M. Robert Poujade - Eh oui...

M. Jean-Michel Marchand - Il faut maintenir les POS tels qu'ils sont afin que la jurisprudence obtenue grâce aux citoyens, aux associations et qui est un recours contre l'urbanisation désordonnée, continue à s'appliquer.

M. Robert Poujade - Très bien !

M. Jean-Michel Marchand - En outre le projet ne tient pas compte des recommandations du Conseil d'Etat dans le rapport de janvier 1992 élaboré par M. Cabetoulle. Ce rapport cite les affaires douteuses et les atteintes à l'environnement et préconise de renforcer les POS par des règles de procédure plus contraignantes, loin de diluer leur contenu. Pour supprimer les contentieux, on va prendre le risque d'une déréglementation.

La loi Besson de 1994 avait abrogé les programmes de référence inscrits dans la LOV pour protéger les tissus anciens fragiles. Les collectivités ne pouvaient y intervenir qu'après avoir fait réaliser un diagnostic urbain et social complet. Il faut réaffirmer avec force que cet objectif est toujours d'actualité.

Le programme de réforme permet de lutter contre les exclusions. Il est indispensable de le réintroduire dans le code de l'urbanisme.

Le Gouvernement affirme vouloir privilégier la concertation. Or certains acteurs sont au mieux consultés pour l'élaboration des documents d'urbanisme ; il est indispensable d'associer à celle-ci, ainsi qu'au suivi des réalisations, les citoyens et leurs associations.

Quant à la préservation de l'environnement, autre objectif officiel, ce projet ne contient aucune disposition pour lui donner priorité. Nous ne retrouvons pas dans ce texte les exigences fortes qui ont été affirmées en juin 1998 par le comité des politiques de l'environnement de la commission économique pour l'Europe, dans la convention d'Aarhus.

Ce titre du projet, qui met à mal le code de l'urbanisme, ne peut donc satisfaire les députés Verts, qui ne le voteront pas en l'état et défendront des amendements essentiels.

M. Francis Delattre - Très bien !

M. Jean-Michel Marchand - En revanche, le volet Transport améliore le dispositif actuel, en favorisant le développement des transports en commun et en incitant les collectivités à s'entendre. Nous nous réjouissons qu'on ne donne plus priorité à la voiture ; mais l'organisation des transports collectifs suppose des moyens financiers importants. Diverses pistes peuvent être explorées : outre le versement transport, qu'il faudra étendre aux petites villes, l'exonération de la taxe de consommation des produits pétroliers, l'attribution de ressources nouvelles aux syndicats mixtes de transports qui assurent le service en lieu et place des départements et régions ...

Il convient aussi de favoriser le déplacement à vélo ou en rollers, la marche à pied, d'utiliser les possibilités offertes par le réseau ferré et les voies fluviales... Il faut se demander à qui et à quoi on veut destiner les infrastructures.

Enfin, il conviendrait d'installer à la périphérie des villes des plates-formes de chargement-déchargement des marchandises, et de faire appel à des véhicules propres pour assurer le ravitaillement des centres-villes.

La maîtrise du développement urbain et péri-urbain doit aller de pair avec la création et la gestion en commun d'infrastructures de transport ; l'intercommunalité prend ici tout son sens.

M. le Président - Il faut conclure.

M. Jean-Michel Marchand - La politique des transports urbains est intimement liée à l'amélioration des conditions de vie en zone urbaine. C'est pourquoi nous proposons d'insérer dans les objectifs de la politique d'aide au logement la notion de haute qualité environnementale. Il convient d'avoir toujours à l'esprit le bien-être des gens ; l'apartheid social, la logique d'un urbanisme de promoteurs ne sont pas acceptables.

Les ambitions qui ont présidé à la rédaction de ce texte semblent s'être noyées dans la multiplicité des domaines à couvrir ; les notions de solidarité et de renouvellement urbains ne se conjuguent pas suffisamment et se juxtaposent trop souvent. Les députés Verts attendent donc beaucoup, Messieurs les ministres, des réponses que vous leur ferez.

M. Francis Delattre - Très bien !

M. le Président - Il faut que chacun respecte son temps de parole. Le débat sera long !

M. Alain Cacheux - Ce projet, dont l'ambition est de définir la ville du XXIème siècle, se fixe trois objectifs politiques ambitieux.

Le premier est d'assurer la mixité urbaine et sociale dans toutes les agglomérations françaises définies par les projets Voynet et Chevènement. C'est la mise en application d'un principe simple : les villes seront d'autant plus harmonieuses que toutes les catégories sociales pourront s'y rencontrer, échanger, dialoguer. S'agissant des populations marginalisées, l'idée est que leurs problèmes se régleront d'autant plus facilement que chaque commune prendra sa part dans leur logement. C'est tout le débat que nous aurons sur l'article 25, dont les dispositions ne font que réactualiser la loi d'orientation sur la ville de Michel Delebarre de 1991, que la droite, dès son retour au pouvoir en 1993, s'était employée à vider de son contenu. J'entends parfois dire que cette loi n'a pas été efficace pour mieux répartir les logements sociaux. En réalité, elle n'a jamais été mise en application.

M. Francis Delattre - C'est faux !

M. Alain Cacheux - Dans la métropole lilloise, à l'époque où tous les élus pensaient qu'elle serait appliquée, elle avait suscité des réactions très positives, mais les engagements alors pris par les communes ont été bien vite abandonnés. Il nous faudra, dans ce débat, faire la distinction entre les élus, moins nombreux qu'ils ne le disent, qui ne peuvent pas et ceux qui ne veulent pas.

Le deuxième objectif est de favoriser le développement cohérent des agglomérations définies par les lois Voynet et Chevènement.

J'aurais souhaité un nom plus dynamique que « schéma de cohérence territoriale », mais là n'est pas l'essentiel. En demandant que le plan local de l'habitat et le plan de déplacements urbains soient compatibles avec le schéma de cohérence territoriale, ce texte met l'accent sur la nécessité d'un développement harmonieux des agglomérations. Il est curieux de ce point de vue que le projet évoque si peu le commerce ; la commission de la production a corrigé ce regrettable oubli.

Le troisième objectif est d'améliorer la qualité de l'habitat dans le parc privé.

S'agissant des organismes HLM, au sujet desquels le projet contient des dispositions heureuses visant à améliorer leur fonctionnement et à préciser leurs responsabilités, il me paraît très important de reconnaître leur rôle déterminant dans les quartiers difficiles. S'ils assument leurs responsabilités à l'égard des plus démunis, sans faire d'ailleurs beaucoup de bruit, il ne faut pas les cantonner à cette fonction ; ce serait accélérer la constitution de ghettos. C'était la politique de M. Périssol, mais ce ne peut être celle d'un gouvernement de gauche -et ce n'est pas celle du gouvernement de Lionel Jospin.

Il faut qu'ils puissent loger des gens modestes, des ouvriers, employés ou fonctionnaires. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement avait relevé les plafonds de ressources en juillet 1998.

Les organismes d'HLM doivent donc pouvoir favoriser l'accession sociale à la propriété. Il est très important que celle-ci soit contenue dans la notion de service d'intérêt général. La Commission européenne devant cette année définir le service d'intérêt général en matière de logement social, il convient que dans cette loi nous précisions les conceptions françaises en la matière.

Enfin, la mission qu'effectuent des milliers de bénévoles pour animer les organismes d'HLM au service de nos concitoyens doit être réhabilitée. L'idée que l'opinion se fait du travail de ces organismes ne peut se résumer aux dérives, du reste isolées, de quelques organismes, qui occupent à l'excès le champ médiatique.

Ces organismes sont des opérateurs indispensables pour amorcer la restructuration des quartiers quand le secteur privé hésite encore à prendre le risque de la promotion et n'investit que lorsque la requalification a été bien amorcée.

S'agissant de l'habitat privé, le projet tend à rapprocher et à simplifier les procédures d'insalubrité et de péril. Il en résultera un gain de temps utile, bien que peut-être encore insuffisant.

Il autorise d'autre part le locataire à suspendre le paiement de son loyer lorsque le propriétaire d'un logement insalubre refuse d'effectuer les travaux. Cette disposition bienvenue risque malheureusement de rester lettre morte compte tenu du rapport de force entre le propriétaire et le locataire, lequel sera rarement en mesure d'engager des poursuites.

En outre, toutes ces mesures positives relèvent d'une logique curative à laquelle il conviendrait de substituer une logique préventive. En effet, les élus locaux sont lassés de régler les cas dramatiques de familles exploitées qui, dès le lendemain, sont remplacées par d'autres !

C'est pourquoi j'ai souhaité que soit attribuée une sorte de permis de louer qui permettrait aux élus d'exercer une véritable police municipale de l'habitat.

Bref, ce projet, qu'il nous appartient d'enrichir encore, comporte de très bonnes dispositions.

Sans doute convient-il de le corriger dans un sens plus conforme à la logique de décentralisation voulue par le Premier ministre dans le projet de loi Chevènement et qu'il entend vraisemblablement amplifier sur la base des propositions de la commission de décentralisation présidée par Pierre Mauroy.

Le présent projet pose le problème de la place de l'Etat et des collectivités locales dans les domaines de l'urbanisme, de l'habitat et de la politique de la ville. Si l'Etat a des responsabilités essentielles pour garantir la solidarité nationale et le respect de la loi, il faut aussi s'appuyer sur les élus locaux, à charge pour les électeurs de les sanctionner par leur vote s'ils ne respectent pas certaines valeurs républicaines.

En conclusion, le débat doit permettre d'enrichir sensiblement le projet afin de faire vivre la solidarité territoriale, d'assurer le développement cohérent des agglomérations et d'améliorer l'habitat, notamment privé, en luttant contre les marchands de sommeil (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Robert Poujade - L'idée forte de renouvellement urbain pourrait nous libérer d'une image souvent répulsive et réductrice de la ville. Mais je crains que le rapiéçage hasardeux du manteau d'Arlequin des règlements d'urbanisme n'y suffise pas plus que l'institution de taxes sanctionnant aveuglément le refus réel ou supposé de construire des logements sociaux.

Je veux croire que ce projet est pavé de bonnes intentions. Mais s'il était vraiment de nature à résoudre les problèmes de la société urbaine, il aurait d'emblée suscité un large consensus.

La mixité sociale, la solidarité intercommunale, le partage équilibré de l'espace urbain, de ses voies de communication : la plupart des maires en ont fait leur projet sans attendre ce texte.

Mais rien de tout cela n'est facile. On le sait quand on vient de contribuer à édifier une grande communauté de communes ou à introduire, non sans opposition, le logement social au coeur du secteur sauvegardé de sa ville.

C'est dire que les propositions destinées à rendre ce projet moins idéologique ou moins technocratique et plus proche des réalités, procèdent non de l'a priori mais de l'expérience. Dire tout haut ce que certains pensent tout bas est un des services que l'opposition peut rendre. La semaine dernière, j'ai constaté, parmi mes collègues maires de grandes villes, des convergences raisonnables.

Cette nuit, la rigueur et l'honnêteté intellectuelle de l'intervention de M. Carrez n'ont laissé aucun de nous indifférents.

M. Alain Cacheux - N'exagérons rien !

M. Robert Poujade - La définition trop restrictive qu'il donne du logement social rend ce texte fallacieux et inéquitable. Dans ma ville, il ignore -sans parler du logement social de fait- plus de 1 400 logements pourtant parfaitement conformes par leur vocation, par leur répartition et par leur affectation à des familles en difficultés, aux intentions sinon aux critères du projet. Or, la loi ne peut être fondée sur l'ignorance ou le mépris des réalités.

Soyons aussi très attentifs aux inquiétudes que ce projet suscite parmi les familles aux revenus modestes, qui redoutent la récidive ou l'aggravation d'une densification contre laquelle nous luttons depuis des années, car elle est une des sources des difficultés de certains de nos quartiers. La mixité sociale, pour être admise, exige des efforts tenaces de persuasion, de psychologie, de créativité dans l'urbanisme.

Si elle était ressentie comme une menace, comme une volonté de redonner la priorité au collectif sur l'individuel, au grand ensemble sur le pavillon, la partie serait perdue d'avance.

D'autre part, la substitution improvisée du plan local d'urbanisme -PLU- au POS préoccupe les maires et les urbanistes. La disparition des prescriptions relatives à l'affectation des sols posera des problèmes juridiques et pratiques, qui feront naître de multiples contentieux. Sur quelle base le maire pourra-t-il désormais refuser un permis de construire ? Qu'adviendra-t-il d'un POS dont le contenu aura été arrêté avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ? A cet égard, les dispositions transitoires sont insuffisantes. Mais le PLU n'aurait-il pas été inventé pour relâcher la bride à la densification ?

Enfin, nous prendrions une responsabilité très lourde si nous laissions démanteler la loi Malraux. J'ai eu la chance de travailler sur le plan de sauvegarde et de mise en valeur de la plupart des villes qu'elle concerne. Certes, on peut en rendre l'application plus rapide et en améliorer certaines dispositions, mais de manière réfléchie.

La crainte, hélas fondée, que ce projet traduise une volonté d'imposer une tutelle technico-idéologique aux collectivités locales est partagée par nombre de nos collègues et par plus d'un maire de la majorité plurielle.

Mais, paradoxalement, avec la réforme improvisée des plans de sauvegarde et de mise en valeur -PSMV- l'Etat se retirerait là où sa présence est la plus nécessaire, là où la spéculation dans des sites chargés d'histoire est la plus redoutable, là où les dispositions de sauvegarde doivent être les plus exigeantes, là où la loi Malraux a souvent permis d'éviter le pire ou même de garantir le meilleur, grâce à des dispositifs de contrôle, dont la disparition réveillerait les convoitises des spéculateurs et des vandales. Pourquoi ne pas supprimer aussi le classement des monuments ou des sites ? Voilà qui simplifierait radicalement la vie administrative !

Les secteurs sauvegardés doivent rester des lieux d'exception, non parce qu'ils sont privilégiés -on y trouve beaucoup de logements sociaux de fait- mais parce qu'ils résument parfois l'âme d'une ville. La politique de la ville doit former un tout.

Bref, ce projet devrait être entièrement reconstruit simplement pour être applicable. Ce n'est que grâce à un dialogue ouvert et loyal, comme vous semblez nous le promettre, Messieurs les ministres, qu'il trouvera une chance de vivre (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Michel Destot - Avec près de 80 % de nos concitoyens vivant en zone urbaine, les villes reflètent les inégalités de notre société. Agir pour nos villes, c'est donc lutter contre les inégalités. Ce chantier de société exige que les politiques s'inscrivent dans la durée. Et, dans un domaine où les temps de réponse sont longs, nous avons le devoir d'anticiper en arrêtant les choix qui seront profitables aux générations à venir. Aussi faut-il se féliciter de l'approche adoptée dans ce projet, approche fondée sur la solidarité : essayer de répondre à la demande sociale en échappant à l'hégémonie de l'offre est une innovation qui mérite d'être saluée, qu'il s'agisse de l'immobilier ou de l'automobile.

Vous me permettrez cependant de présenter deux observations, en tant que maire de la ville centre d'une grande agglomération. La première a trait à la mixité sociale, moyen de garantir à tous l'exercice de leurs droits fondamentaux et de réduire les ségrégations et relégations qui mettent en danger le lien social. On ne peut espérer atteindre à cette mixité et réaliser l'équilibre social dans l'habitat si l'on ne construit pas de logements sociaux là où ils manquent. Or, trop souvent, les égoïsmes locaux l'emportent sur la générosité de dispositions jamais ou mal appliquées. Je souhaite donc que le dispositif soit renforcé de sorte que chaque commune soit obligée de participer au nécessaire rééquilibrage. Le seuil de 20 % devra, bien sûr, être appliqué en tenant compte des phénomènes de rattrapage mais, de grâce, ne retombons pas dans un immobilisme coupable en l'abaissant : Messieurs les ministres, il faut tenir bon ! Agir autrement serait donner tort aux maires qui ont fait preuve de solidarité.

A ceux qui parlent là de recentralisation, je répondrai qu'il s'agit bien plutôt d'équité républicaine : la loi doit imposer le même effort à tous. En outre, Monsieur Daubresse, cette disposition fournira aux tribunaux administratifs la base législative leur permettant de statuer en fonction de l'intérêt général et de ne pas donner suite à de trop nombreux recours, dont la majorité vise d'ailleurs à empêcher la construction de logements sociaux dans des zones résidentielles.

Le reste de mon propos aura trait aux déplacements, qui ont fait l'objet d'un travail important au sein de l'Association des maires de grandes villes, spécialement au sein de la commission ad hoc, que je préside. Les villes ne peuvent plus être conçues pour la seule voiture, cela pour des raisons à la fois écologiques et sociales -nombre de familles ne peuvent disposer des deux ou trois véhicules qui permettraient à chacun de ses membres de se déplacer librement. Les enfants, les personnes âgées et les personnes à mobilité réduite sont dépendantes des politiques de transports collectifs. Une priorité nouvelle doit être donnée aux lignes de tramway, aux pistes cyclables, aux parkings-relais, au tram-train... Nombre d'agglomérations ont commencé et elles attendaient les avancées contenues dans ce projet. Celui-ci peut toutefois être enrichi, sur trois points au moins.

En premier lieu, si la création de syndicats mixtes a le mérite de favoriser une meilleure coordination entre autorités organisatrices de transports, il peut se révéler trop restrictif d'en limiter le périmètre aux aires urbaines. Laissons les acteurs locaux en décider, en fonction des réalités du terrain ! Nous avons déposé un amendement en ce sens.

Deuxièmement, pour financer les grandes infrastructures prévues dans les PDU, les enveloppes classiques -contrats de plan ou aides de l'Etat- seront insuffisantes, à moins de retarder encore ces réalisations. Vous avez certes annoncé une forte progression du budget de l'Etat, Monsieur le ministre, mais, compte tenu de l'importance des sommes nécessaires, je proposerai d'expérimenter des formes de financement mutualisé, sur une période donnée et dans des agglomérations volontaires.

Enfin, l'Association des maires des grandes villes s'est prononcée à l'unanimité pour que la question du stationnement soit traitée conformément à l'esprit de la décentralisation. Je me félicite des adjonctions proposées par le Gouvernement sur ce point, mais le changement ne sera significatif que si l'on dépénalise les amendes forfaitaires de 75 F, qui donnent actuellement lieu à des procédures trop complexes, sans lien avec les décideurs locaux. Cette dépénalisation redonnerait aux maires de plus grandes responsabilités et une plus grande latitude d'action, qu'il s'agisse de gérer l'espace public, de faire varier le niveau des amendes ou d'organiser la rotation du stationnement.

Nous pouvons en tout cas progresser. Hier, le ministre a annoncé un doublement du budget des transports en commun dès 2001 et nous, il revient de nous battre pour rattraper le retard de nos politiques de déplacement : il y va du renouvellement urbain, de la solidarité sociale, du développement économique et du développement durable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marie Morisset - Nous connaissons trop les difficultés auxquelles se heurtent les élus désireux de modifier leurs documents d'urbanisme, nous savons trop dans quels méandres sont souvent pris nos concitoyens et nous voyons trop de recours de pure forme pour ne pas être favorables à la simplification des procédures. Cependant, si le présent projet procède à quelques changements intéressants, plusieurs points y demeurent flous ou obscurs -preuve qu'il n'est jamais bon de légiférer dans l'urgence.

Comme vous, nous sommes pour nous attaquer aux problèmes des banlieues et accorder une priorité aux quartiers cumulant les handicaps. Malheureusement, les dispositifs que vous proposez sont bien complexes et techniques ! Ce texte requiert ainsi beaucoup d'efforts, ne serait-ce que pour s'assurer que les schémas de cohérence territoriale, les PLU, les PDU, les PLH et autres chartes de développement, respectent les compétences et les périmètres d'intervention de chaque instance, de l'Etat aux pays et aux communes. Par exemple, la charte de développement de la loi Voynet, qui doit permettre aux pays de contractualiser avec l'Etat et la région, dans le cadre du volet territorial du contrat de plan, s'articule-t-elle bien avec les propositions de votre volet « logement », particulièrement avec les sanctions que vous prévoyez ?

Cet empilement de dispositifs, de périmètres et d'instances appelait de notre part de nombreux amendements de clarification. Ainsi, vous indiquez que les schémas de cohérence territoriale, c'est-à-dire les schémas directeurs actuels, définiront les objectifs que devront servir les PLU, mais la plupart des schémas directeurs ne résultant que de l'assemblage des POS, il est à craindre que ces PLU produisent les schémas de cohérence territoriale. D'autre part, faute de périmètres d'application identiques entre dispositifs compatibles, on peut s'attendre à des incompréhensions entre instances et, donc, à de nouveaux délais. Un travail important reste donc à entreprendre pour la mise en place de ces instruments : les DDE auront-elles les moyens d'aider les collectivités dans cette entreprise ?

Le renouvellement urbain exige d'appréhender le bâti comme un élément d'une totalité vivante. Or le projet ne prend pas en compte la qualité du projet architectural : il laisse toute liberté au maître d'_uvre et au maître d'ouvrage. Même absence en ce qui concerne le monde rural : quelle assurance ces collectivités ont-elles d'être entendues ?

Vous souhaitez, comme nous tous, que toutes les agglomérations disposent de logements sociaux en nombre suffisant. Or, force est de constater que les objectifs que vous vous êtes fixés depuis 1997 en ce domaine n'ont pas été respectés -d'où la circulaire que vous avez adressée aux préfets le 31 janvier. Cependant, ici, votre méthode est pour le moins étrange. Vous imposez, d'en haut, une mesure arbitraire : pourquoi 20 % de logements locatifs sociaux ? Pourquoi ne pas prendre en compte la diversité des situations locales et les besoins exprimés par les ménages ? Certes, il faut rééquilibrer, mais pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de cette exigence en diminuant le nombre des logements sociaux là où ils sont trop denses ?

Il conviendrait, non de raisonner par commune, mais d'analyser la situation dans l'ensemble de l'agglomération. Votre dispositif semble d'autre part avoir été conçu pour la région parisienne, en ignorant la situation en province, au risque de générer là des vacances faute de prendre en considération un parc privé important.

L'utilisation du PLH vous aurait permis d'aboutir à de meilleures estimations et donc à un projet plus imaginatif.

Par ailleurs, pourquoi imposer une commune de 1 500 habitants dès lors qu'elle fait partie d'une unité urbaine, mais non une de 40 000 située dans le même département ? Pourquoi imposer une commune membre d'une communauté d'agglomération alors que l'établissement public auquel elle appartient compte plus de 20 % de logements sociaux ?

Nous regrettons que le projet retienne le niveau communal pour déterminer le nombre de logements sociaux manquants et la contribution financière qui en découle. Cependant, dès lors que la commune concernée appartient à une communauté, elle devra lui verser sa contribution pour permettre de réaliser les programmes manquants. Cette confusion ne sera pas facile à gérer : on sanctionne financièrement la commune alors que, dans la majorité des cas, elle ne sera en mesure ni de fixer les objectifs d'urbanisme ni de les réaliser puisque la politique du logement social est une compétence obligatoire pour les communautés urbaines et d'agglomération. C'est pourquoi l'ensemble de nos amendements sur l'article 25 tendront à faire porter la responsabilité de la politique d'urbanisme à l'EPCI, dès lors qu'une commune entre dans une communauté.

Il faut en effet s'inscrire dans la continuité de la loi Chevènement dont l'ambition était de renforcer et de simplifier la coopération intercommunale. Dans ces conditions, comment peut-on imaginer de raisonner au niveau de la seule commune alors que l'outil de planification est géré par la communauté ? Au-delà, Messieurs les ministres, ne pensez-vous pas que les pénalités financières dissuasives que vous envisagez vont inciter certaines communes à lancer dans la précipitation des programmes massifs de piètre qualité ? Un tel résultat serait en contradiction flagrante avec l'objectif affiché de la politique de la ville qui est de promouvoir les petits programmes de qualité, bien desservis et dotés de tous les services de proximité nécessaires. Quant à la mixité sociale, ce ne sont pas des quotas qui permettront d'y parvenir. En outre, les financements engloutis par cette politique de construction intensive ne seront pas sans incidences sur les engagements de l'Etat en milieu rural. Pour les petites communes, qui se voient sans cesse opposer de nouvelles contraintes, le logement social joue pleinement son rôle de logement de transition vers l'accession à la propriété. Or, même avec le PLUS, les plans de financement restent difficiles à boucler pour les opérations en milieu rural.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jean-Marie Morisset - Je ne mets pas en cause, Monsieur le ministre, vos intentions mais ce projet ne bouleverse en définitive que peu de choses. Avant de l'intituler « renouvellement urbain », vous auriez sans doute eu intérêt à imaginer un projet global, qui prenne en compte les milieux urbain et rural, un projet de vie dans lequel chacun ait sa place.

La solidarité ne se décrète pas avec des quotas. Elle ne s'impose pas sous la contrainte. Elle se vit et elle se partage dans la confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Aloyse Warhouver - Ce texte a vocation à permettre un rééquilibrage entre les villes et les campagnes, fait passer d'un rapport 80 %-20 % à un partage 70 %-30 % entre le monde urbain et le monde rural. Elu d'une région frontalière, je suis en mesure de faire des rapprochements instructifs entre les situations française et allemande, qui permettent d'éviter certaines erreurs. Depuis dix ans, l'Allemagne a ceinturé ses villes en les obligeant à des développements intramuros fondés sur la mixité, notamment entre les générations. De même, beaucoup de citadins allemands s'installent à la campagne. Je me réjouis de retrouver dans votre texte des orientations analogues. Je suis également favorable à la diversification des modes de transport et à la priorité donnée aux transports collectifs.

Quant au principe de démocratisation et de décentralisation, j'aurais souhaité que le Gouvernement reprenne le projet qui visait à créer des conseils de quartier, afin de donner aux communes des interlocuteurs représentatifs.

Le principe de solidarité me semble de rigueur, même dans les petites communes et le seuil de 50 000 habitants est à cet égard trop élevé.

J'en viens aux objectifs et ma première inquiétude concerne la définition du SCT. Les groupements de communes et d'agglomérations ayant désormais la compétence d'aménager l'espace, il faut leur faire confiance sans leur imposer des contraintes administratives supplémentaires. Dans mon département, la délivrance des autorisations de lotir a été recentralisée et deux fonctionnaires seulement y sont préposés. C'est sans doute la raison pour laquelle j'attends depuis trois ans un permis de lotir pour dix parcelles. Cet exemple vous montre que le bon échelon d'administration reste l'arrondissement : gardez-vous de recentraliser encore, Monsieur le ministre !

Pour ce qui concerne la transformation des POS en PLU, nous souhaitons que le cadre juridique soit mieux précisé, afin d'éviter que les recours contentieux se multiplient. D'autre part, je vous ai posé une question écrite pour savoir à quelle date devront être arrêtées les révisions des POS en cours.

S'agissant de la carte communale, je propose de la rendre obligatoire car le développement de nos villages se heurte aujourd'hui aux dispositions de l'article R 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article R 111-2 du code rural, qui ont instauré ce que les agriculteurs appellent la réciprocité : si une exploitation agricole relevant des établissements classés doit être distante d'au moins cent mètres des maisons à usage d'habitation, celles-ci ne peuvent s'approcher à moins de cent mètres des fermes. Or dans beaucoup de régions -et en Lorraine notamment-, les fermes se sont installées à l'extérieur des agglomérations en sorte que certaines localités sont encerclées par des établissements classés et se voient privées de toute possibilité d'extension. Et lorsqu'ils se trouvent à l'intérieur des villages, le problème est encore aggravé car l'habitat devient discontinu.

Ces difficultés doivent nous conduire à repenser la logique de l'habitat rural : les exploitants doivent pouvoir habiter au c_ur de leur ferme et les villageois doivent pouvoir construire dans des espaces disponibles sans trop de contraintes.

Je propose donc que les cartes communales deviennent obligatoires et que les conseils municipaux aient la compétence de déterminer les zones constructibles sans se déplacer au chef-lieu du département.

Je voterai ce texte, si les amendements de portée pratique que nous proposons sont pris en considération (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Jacques Filleul - Ce projet introduit d'emblée la notion décisive pour l'intérêt général du « mieux vivre en ville ». Plus sereine et mieux organisée, la ville de demain intégrera dans un souci de cohérence les zones périurbaines aujourd'hui délaissées. Répondant aux aspirations de ses habitants, ce sera aussi une ville propre, qui privilégie les modes de transports durables et non polluants. Je m'attacherai aux dispositions qui ont trait aux déplacements urbains et aux plans de mobilité. Comme l'a reconnu le conseil supérieur du service public ferroviaire dans un avis très pertinent, les principes généraux du projet répondent aux nécessités du temps en recherchant pour la première fois une cohérence entre urbanisme et déplacements, en affichant l'objectif de mise en _uvre d'une politique de déplacements au service du développement durable et de sa cohésion sociale, en clarifiant le rôle des autorités organisatrices de transports, en mettant en cohérence des politiques sectorielles, en engageant une première étape dans le sens de l'alignement de l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France sur leur organisation en province et, enfin, en rapprochant les décisions des besoins des usagers dans un souci accru de décentralisation. A travers ces différentes dispositions, le Gouvernement montre qu'il a choisi la qualité pour les acteurs de la vie urbaine et périurbaine. Or, face à une expansion urbaine mal maîtrisée et à l'augmentation de la mobilité des populations sur des espaces diversifiés, les politiques urbaines restent trop cloisonnées.

Il convient donc de se doter des instruments juridiques qui permettent de dépasser les logiques sectorielles. Les PDU ont pour vocation de définir un système global de déplacement des personnes et des marchandises, en vue de réduire le trafic automobile. Le projet permet aussi aux autorités organisatrices de transports de se regrouper au sein de syndicats mixtes. La possibilité d'ouvrir cette collaboration à la région et au département, en intégrant la communauté d'agglomération, permettra d'exercer sur une plus grande échelle la coordination de leurs réseaux de transports respectifs.

Les expérimentations engagées en 1995 ont permis à six régions un partenariat fort et créateur en matière de transports ferroviaires régionaux et les TER ont contribué largement à la relance du mode ferroviaire.

Ce projet marque une nouvelle étape de la décentralisation, d'ailleurs reconnue par l'opposition, et met le ferroviaire au c_ur de l'intermodalité. Le renouveau du ferroviaire a montré que l'ancrage local du chemin de fer était un gage essentiel pour l'avenir. L'amélioration du service à l'usager passe par une clarification des responsabilités entre le décideur et le prestataire des services.

Les succès enregistrés dans certaines régions telles que le Centre, dont je suis issu, devaient conduire à généraliser la compétence ferroviaire régionale. Certes, les régions ont déploré l'impossibilité pour la SNCF de présenter des comptes suffisamment précis pour assurer la bonne exécution des diverses conventions passées. Mais aujourd'hui, la société nationale a la volonté de répondre au rendez-vous de la fin 2000 par des comptes agréés et expertisés.

Reste à régler la question centrale du financement des transports collectifs urbains et périurbains.

Je sais, Monsieur le ministre, que vous ne prenez pas ce problème à la légère ; toutefois les blocages continuels que nous constatons quant au reversement d'une part de TIPP supprime des moyens qui pourraient accroître les initiatives sur le territoire. Pourquoi ne pas affecter le surplus de rentrées fiscales de la TIPP, qui représenterait 4 à 5 milliards de francs, aux investissements structuraux des régions ?

La tarification sociale devrait s'appliquer à tous les transports collectifs, sur la base de règles nationales. Le CSSPF a proposé d'étudier la mise en place d'un fonds régional qui, à l'exemple des fonds de solidarité logement, fournirait des aides soumises à plafond de ressources.

Pour revenir à la réforme du TER, la création de comités des lignes assurerait plus de proximité avec les utilisateurs.

L'extension de la compétence ferroviaire oblige à veiller particulièrement à la cohérence du système ferroviaire et du système tarifaire, ce qui implique de définir les services ferroviaires de voyageurs d'intérêt national pour mieux délimiter le périmètre de compétence de la région, d'inclure l'Etat dans les conventions interrégionales et d'encadrer le principe de la liberté tarifaire des régions, pour une meilleure articulation entre tarifs régionaux et tarifs nationaux.

Lorsque des services ferroviaires doivent être transférés sur la route, la SNCF devrait être chargée de la continuité des services.

S'il y a conflit entre une région et la SNCF sur l'affectation des sillons, un amendement adopté en commission confère au ministre des transports la responsabilité de trancher les litiges. Tout autre dispositif irait à l'encontre de la cohérence du réseau national.

Le CSSPF recommande également que le contenu du service public de transport régional soit défini par la région en concertation avec la SNCF. Il paraît judicieux en effet de généraliser le système de conventionnement mis en place dans les régions d'expérimentation. La loi ne devrait-elle pas aussi traiter des questions relatives à l'infrastructure ferroviaire et au rôle de RFF ?

Il faudra bien arbitrer sur la gestion des circulations ferroviaires, car il y a des choix à faire entre la circulation des voyageurs et le trafic du fret. Les choix d'investissement de RFF ont un impact important sur la qualité des services. J'insiste aussi sur une bonne évaluation des péages d'infrastructure ferroviaire afin qu'ils ne pèsent pas sur les relations contractuelles entre les régions et la SNCF.

Par un amendement, nous avons prévu que le Gouvernement puisse compléter les compensations de transfert de compétences prises en compte dans la DGD régionale par une dotation annuelle complémentaire pour la modernisation des gares relevant pour tout ou partie du service régional.

Cette partie du projet sur les déplacements est une pièce maîtresse du dispositif. Nos amendements prouvent notre volonté de participer au grand mouvement engagé par ce texte « pour mieux vivre en ville et autour de la ville », mais aussi de consolider notre législation en marquant une grande vigilance quant au projet de règlement européen dont nous souhaitons qu'il ne porte pas préjudice au service public de transport.

Pour conclure, je me réjouis, Monsieur le ministre, de l'effort supplémentaire considérable -un milliard de francs- que vous avez annoncé hier en faveur des transports collectifs. C'est de bon augure pour la réussite de cet important projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Luc Warsmann - Ce projet présente plusieurs défauts. D'une part il affaiblit le rôle des élus locaux. Dès l'article premier, il prétend renforcer le rôle du préfet et des services de l'Etat. Or ils ont déjà beaucoup de difficultés, faute d'effectifs suffisants, à instruire les demandes de permis de lotir ou de construire. On ne peut donc qu'être inquiet du renforcement de leurs compétences.

D'autant que ce sont les élus qui ont l'image la plus positive auprès de nos concitoyens et qui pourraient être porteurs d'une réforme de l'urbanisme.

Nous aurions préféré une loi basée sur la contractualisation. Au lieu de cela, vous privilégiez une logique de seuil, qui montre ses limites, voire son absurdité dans un certain nombre de cas. A quoi rime l'obligation de construire des logements sociaux dans des communes où il n'y a plus de terrains disponibles ?

Deuxième reproche, ce texte favorise la densification urbaine, alors que l'enjeu, aujourd'hui, est de sortir de l'urbanisme des années 50 et 60 et de lancer de grandes opérations de destruction-reconstruction des cités difficiles à vivre. Vous préférez imposer la construction d'un quota de logements sociaux, alors même qu'on n'a jamais construit aussi peu de logements sociaux en France et que les crédits votés à cette fin ne sont pas consommés.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - C'est justement pour cela !

M. Jean-Luc Warsmann - Plutôt que d'imposer un quota, il serait judicieux de s'interroger sur cette non-utilisation des crédits.

Les limites de ces propositions apparaissent dans mon département des Ardennes, où le chef-lieu et deux communes limitrophes seront concernés. A ces deux communes on va réclamer 71 000 et 90 000 F par an : on est loin du nécessaire rééquilibrage du monde urbain et du monde rural !

Enfin, troisième reproche, je suis frappé par la tendance au conservatisme qui se développe en matière d'urbanisme du fait de la multiplication des recours contentieux. Il est légitime, certes, de développer la concertation, mais ne soyons pas naïfs : nous savons bien que certaines associations se créent uniquement pour sauvegarder quelques intérêts particuliers et geler ou retarder certains programmes. Je crains que les outils complexes que vous mettez en place ne donnent aux procéduriers de nouveaux moyens de bloquer toute modification.

Il aurait fallu mettre en place une autre politique associant les élus locaux et développant la contractualisation (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Michel Vaxès - Ce projet, porteur d'une triple ambition -cohérence, solidarité, démocratie- revêt à nos yeux une grande importance pour réaliser cet objectif majeur qu'est la réduction des inégalités sociales et spatiales.

Depuis trop longtemps, nombre de nos concitoyens souffrent d'un apartheid spatial, qui ajoute la « mal-ville » à la « mal-vie », jusqu'à rendre ces maux insupportables.

Il était grand temps d'ouvrir le chantier du renouvellement urbain. La tâche est considérable ; vous avez eu le courage de l'affronter, nous nous en félicitons.

Pour construire la ville de demain sur les valeurs de fraternité et de partage, il n'y a pas d'autre chemin que de rendre la ville aux citoyens.

Que les citoyens construisent leur ville, leur vie dans la ville, est le plus sûr moyen de réussite. Nous souscrivons donc totalement à votre souci de privilégier le débat public sur les procédures et d'améliorer l'information des citoyens. Le rapporteur a pris en compte certaines de nos suggestions à ce sujet ; nous l'en remercions. Nous espérons faire entendre une autre suggestion : qu'un diagnostic urbain démocratiquement organisé précède l'élaboration de schémas de cohérence territoriale. Ce serait le meilleur moyen d'affirmer l'intérêt commun et d'éviter les contentieux.

Nous sommes convaincus que la cohérence et la solidarité territoriale ne se réaliseront pleinement que dans le cadre intercommunal. Pour le favoriser, il faut privilégier le dialogue et le partenariat. C'est possible sans rien sacrifier de la responsabilité de l'Etat et des devoirs de la République d'assurer la mixité et l'égalité de traitement. C'est nécessaire, car la coopération sera efficace si les communes sont étroitement associées à la définition des projets d'aménagement. La loi doit garantir l'exercice de cette concertation.

Pour construire des logements sociaux, il faut renforcer les moyens notamment par l'abondement de la DSU des villes les plus concernées. Dans celles qui comptent plus de 35 % de logements sociaux, pourquoi ne pas exonérer les organismes HLM de la taxe sur le foncier bâti, avec compensation intégrale aux communes ? Le montant économisé serait réinvesti dans le parc social.

Le groupe communiste participera pleinement au débat pour rendre plus efficace encore ce texte tout à fait positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. Léonce Deprez - Mieux aménager le territoire, assurer une mixité sociale, mettre en place une politique de déplacements urbains, sont les objectifs de ce projet, autour d'une idée force : rendre la ville plus solidaire, donc plus démocratique. Vous entendant évoquer ces idées à la radio ce matin, Monsieur le ministre, je me sentais en accord avec vous. Nous sommes certainement nombreux à les partager. La politique dans ce qu'elle a de meilleur, consiste à mettre l'intelligence au service du c_ur. Il y a de l'intelligence et du c_ur sur tous les bancs de cette assemblée.

Profitons-en pour nous entendre sur les moyens de mettre en _uvre ces objectifs.

C'est, en effet, sur les moyens proposés que nous divergeons. Dans ma commune, j'ai mis en _uvre les principes dont nous parlons pour montrer qu'une commune est une communauté humaine où l'on a envie de vivre en commun. Même dans une commune touristique comme Le Touquet, la mixité sociale est garante d'une atmosphère humaine chaleureuse. Parmi la population accueillante, il y a des travailleurs modestes. Je n'admets pas qu'on leur dise d'aller se loger dans une commune voisine.

M. le Ministre délégué - Très bien !

M. Léonce Deprez - Pour atteindre les mêmes objectifs, je proposerai d'autres moyens.

D'abord, proposons aux nouvelles générations autre chose que des quartiers uniformes de logements sociaux. Substituons la politique sociale du logement à la politique du logement social. Sur cette idée force un consensus est possible entre nous.

Une politique sociale du logement, cela consiste à encourager la construction de logements privés diversifiés au loyer modéré, s'ajoutant au parc public.

Cela veut dire une offre d'habitats différents mais de qualité dans les quartiers et cela impose aux opérateurs privés une participation active. Aujourd'hui déjà, ils vendent des logements en l'état futur d'achèvement à des organismes HLM en offrant des logements sociaux dans le cadre d'opérations financées avec un prêt pour le logement locatif social, d'un prêt à l'accession sociale, ou d'un prêt à taux zéro. L'émulation entre sociétés HLM et sociétés privées est à favoriser.

D'autre part, la rénovation urbaine nécessite un environnement juridique stable. Je m'inquiète de l'obligation de compatibilité entre tous les documents d'aménagement urbain et le schéma de cohérence territoriale. En cas de contestation, il faudra l'intervention du juge et les contentieux seront nombreux.

Enfin, pour protéger les acquéreurs, il ne faudrait pas jeter le discrédit sur les professionnels de l'immobilier.

Notre objectif commun est la cohérence territoriale. Dès lors, ne faut-il pas tenir compte des cadres d'organisation territoriale qui existent, communautés de communes et pays par exemple ? Les schémas de cohérence territoriale ne devraient-ils pas les épouser ?

Si vous tenez compte de nos observations, si vous répondez à nos propositions, sur des amendements importants, nous aurons le plaisir de voter ce texte dont nous partageons les objectifs.

M. Yves Dauge - Incontestablement, on jette un regard critique sur l'urbanisation passée. Pour autant on aurait tort de renier complètement tout ce qui a été fait. Méfions-nous d'un modèle alternatif de petits propriétaires et de petits pavillons couronnant l'espace en périphérie des villes ! Du modèle des Trentes Glorieuses désormais remis en cause, il restera beaucoup de choses. On démolira, mais il existe des beaux quartiers, et ceux qui y vivent y sont attachés. Faire table rase me semble rapide. Je rends hommage, par exemple, à ce qui a été fait dans les villes nouvelles et dans de nombreux quartiers. Je peux le dire car je connais la majorité des quartiers de nos villes.

M. Jean-Claude Mignon - Il faut y vivre !

M. Yves Dauge - N'allons pas vers un modèle pire, celui de l'égoïsme, des petites maisons sur de petites parcelles, de petites gens, de petits propriétaires.

M. Christian Estrosi - Qu'avez-vous contre les petites gens ?

M. Yves Dauge - Gardons une certaine ambition à la politique urbaine de la France.

M. Gayssot a cité des hommes comme M. Delouvrier, et c'est très bien.

Certains collègues regardent la France avec les yeux du Perreux. J'ai beaucoup d'estime pour le maire du Perreux, mais je lui dis amicalement que la France ne se regarde pas seulement avec ses yeux, mais aussi avec ceux de Mantes, de Chanteloup, de Vénissieux, de Vaulx-en-Velin...

M. Francis Delattre - Qu'y a-t-il dans le projet pour ces villes ?

M. Yves Dauge - La politique qui y est menée depuis vingt ans a produit des fruits. Elle bénéficie aujourd'hui de moyens encore jamais atteints.

Ma deuxième observation concernera le danger mortel qui menace la périphérie de nos villes, à travers l'urbanisation sauvage, l'utilisation détestable de l'espace, le manque d'équipements. Il ne s'agit pas du tout pour nous de densifier, mais de faire de vraies villes : nous voulons simplement permettre aux gens de vivre ensemble. M. Cardo a eu raison de dire qu'on souffrait surtout d'un manque d'urbanité ; la politique de la ville doit se fixer un objectif d'ordre relationnel.

Enfin, comment un homme aussi respectable que M. Poujade peut-il venir nous dire que nous remettons en cause les secteurs sauvegardés ? C'est une contrevérité ! Vous-même, Monsieur Carrez, tenez des discours dans le même sens, en contribuant à nourrir des fantasmes. La seule chose que nous disons, c'est que lorsque tout le monde est d'accord, ce n'est pas la peine d'attendre quatre ans que le Conseil d'Etat donne son approbation. Monsieur Carrez, continuez à faire preuve de professionnalisme, soyez honnête ! Il suffit de lire le projet attentivement.

Moi qui suis un décentralisateur, je suis bien content que l'Etat soit encore là. Je voudrais qu'il soit plus puissant dans bien des domaines ; en particulier, il faudrait qu'il apporte son aide pour financer les études. Les crédits de la planification sont stables depuis vingt ans : ce n'est pas normal (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Michel Bouvard - Je m'attacherai à exposer les préoccupations du groupe RPR sur deux sujets : l'attente des élus de la montagne et le volet transport, notamment la régionalisation des services voyageurs de la SNCF.

M. Besson a bien voulu recevoir une délégation de l'Association nationale des élus de la montagne que j'anime avec Jean-Louis Idiart et je l'en remercie. En effet, les dispositions de ce projet sont pour nous sujets d'interrogations.

La substitution du POS au PLU va-t-elle permettre de réduire le contentieux de l'urbanisme et apporter aux élus une meilleure sécurité juridique ?

Les modalités d'élaboration des cartes communales, opportunément requalifiées, permettront-elles aux petites communes qui voudraient s'en doter de le faire ?

Le nouvel article L. 122.2 du code de l'urbanisme ne constituera-t-il pas une entrave à l'urbanisation des communes rurales isolées ?

L'accession sociale à la propriété ou les logements de saisonniers en station seront-ils intégrés à la définition du logement à caractère social ?

Par ailleurs, nous souhaitons profiter de ce texte pour faire avancer certains dossiers.

D'abord, celui de la réhabilitation de l'immobilier de loisirs. Nous proposons de compléter les dispositions de l'article 34 de la loi de finances pour 1999 en inscrivant dans la loi la notion d'opération et de réhabilitation de l'immobilier de loisirs, de légitimer l'intervention des collectivités territoriales et de permettre une pleine association des administrateurs de biens à la constitution de villages résidentiels de tourisme. L'adoption de ces dispositions serait en cohérence avec l'engagement pris par le Premier ministre à Ax-les-Thermes il y a un an.

Ensuite, celui de la constructibilité en montagne. Il convient, dans des secteurs où se superposent trop souvent les réglementations, de laisser les communes répondre aux demandes des jeunes qui veulent rester au pays ou, tout simplement, aux besoins immobiliers des activités économiques. Nous proposons ainsi de préciser les notions de hameau et de mixité des ZAC ainsi que d'adapter la législation sur les bâtiments d'élevage ou les granges isolées, ou sur les constructions en entrée de communes.

Enfin, celui des unités touristiques nouvelles. Le vieillissement de cette procédure instituée pour s'assurer de la cohérence économique et environnementale de projets de création de stations ou de développement des domaines skiables est patent. Nous proposons des adaptations pour les programmes immobiliers et le renouvellement ou le renforcement des remontées mécaniques.

J'en viens au volet transport.

On peut saluer la recherche d'une cohérence entre urbanisme et déplacements, de même que la volonté de clarifier le rôle des autorités organisatrices de transports. Toutefois, ce texte est insuffisant, notamment en ce qui concerne le financement des transports collectifs urbains et périurbains et les réseaux de transport de province.

Certains prônent la perception d'une partie du produit de la TIPP. L'idée peut paraître séduisante, mais elle risque d'entraîner un alourdissement de la TIPP, déjà élevée pour ceux qui n'ont pas d'autres moyens de transport que leur voiture. Je crains d'ailleurs que l'on ne trouve dans une telle mesure un prétexte pour ne pas maîtriser la croissance de cette recette. Il faudra à la fois un accroissement des crédits budgétaires en faveur des transports publics et des prêts préférentiels pour les infrastructures, qui pourraient être mis en place par la Caisse des dépôts.

Autre regret : la non prise en compte des transits de marchandises, aussi bien par le rail que par la route, dans les agglomérations urbaines.

La modification apportée à l'organisation des transports parisiens, avec l'introduction de la région, ne constitue pas une véritable réforme et pose toujours le problème de la responsabilisation des décideurs.

Je voudrais enfin évoquer l'aboutissement de la réforme instituant la régionalisation des services voyageurs de la SNCF, engagée avec courage par Bernard Pons et combattue par une partie de l'opposition de l'époque.

L'expérimentation conduite par les régions pilotes a été un succès. Néanmoins des problèmes demeurent : transparence des comptes de la SNCF, couverture par l'Etat du coût constaté au moment du transfert, arbitrage dans la gestion des sillons. Nous avons proposé des amendements sur ces sujets.

Mon vote dépendra des réponses que nous aurons (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean Espilondo - La plus grande réforme politique a été une réforme de la ville. C'est Clisthène qui, au VIème siècle avant notre ère, a fondé la cité grecque sur l'équivalence entre égalité géographique et égalité politique.

La démocratie a tout à perdre à l'éclatement de la ville. Il nous faut donc impérativement réconcilier la ville et la cité, redonner à chaque citadin son statut de citoyen.

Le maître mot de l'urbanisme doit être la cohérence territoriale. L'avenir est à l'intercommunalité. A l'heure du développement solidaire, il était grand temps de dépoussiérer des procédures vieilles de trente ans. Une politique urbaine dynamique ne peut exister si elle se heurte sans cesse à des intérêts particuliers. La reconstruction de la ville ne peut être qu'entravée par la persistance de règles sectorielles dépassées.

Il fallait surtout, comme cela a été fait, doter l'agglomération du statut juridique adapté à son rôle pour assurer la cohérence territoriale. En tant qu'élu d'Anglet, qui fait partie d'une agglomération de près de 200 000 habitants, je suis particulièrement sensible à cette reconnaissance. Je réfléchis, en effet, depuis longtemps au développement du bassin de vie du Bas-Adour maritime. Les schémas de cohérence territoriale seront particulièrement utiles pour préparer l'avenir dans le domaine des transports, de l'urbanisme, du logement et de l'équipement commercial.

Je pense en particulier à la nécessité de réglementer de façon concertée l'implantation de nouvelles surfaces commerciales. La situation actuelle révèle un défaut de régulation entre surfaces marchandes existantes et création de nouvelles surfaces. Maintenir un équilibre satisfaisant en préservant les intérêts légitimes du commerce et de l'artisanat sans projet global est impossible. C'est pourquoi je me félicite que les schémas de cohérence territoriale intègrent les prescriptions du schéma de développement commercial prévu par la loi d'orientation du commerce et de l'artisanat.

Le maître mot en matière de logement doit être la justice sociale. Je ne suis du reste pas surpris d'entendre la droite reprendre les mêmes arguments contre le volontarisme politique que ceux déjà avancés contre la parité ou les 35 heures. Mais, que voulez-vous, nous sommes socialistes ! On ne se refait pas !

La justice sociale est une impérieuse nécessité. Sait-on bien que dans la ville d'Anglet, dont j'ai l'honneur d'être conseiller municipal, le taux de logements sociaux atteint péniblement 8 % sans que la municipalité s'en émeuve outre mesure ? 5 000 demandes de logements HLM sont en attente dans les Pyrénées-Atlantiques alors que l'offre ne cesse de décroître. 70 % des habitants des logements existants perçoivent des revenus mensuels inférieurs à 4 600 F. Je livre ces chiffres à la sagacité de ceux qui se satisfont du laisser-faire. Cette loi a l'immense mérite d'inscrire le droit à un logement dans les faits.

Je conclurai en faisant part de mon impatience et de ma satisfaction. Mon impatience, car je ne voudrais pas que l'application de cette loi se fasse trop longtemps attendre. Ma satisfaction parce que grâce à elle, nous disposerons, pour parler à la manière des informaticiens, pour la première fois d'un système d'exploitation cohérent et puissant de nos territoires dont les trois logiciels s'appelleront loi Voynet, loi Chevènement et loi Gayssot.

La cité idéale n'existe pas mais la ville juste et solidaire du XXIème siècle est à inventer. Le Gouvernement nous y invite, les exclusions l'exigent, nos convictions l'imposent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Etienne Pinte - Oui, j'ai toujours été favorable au développement équilibré et harmonieux du logement social. Oui, j'ai toujours voulu la mixité sociale, source d'enrichissement humain.

C'est parce que nous partageons ces convictions que mes prédécesseurs et moi-même avons pu constater avec satisfaction que notre ville, Versailles, avec plus de 20 % de logements sociaux en 1991, remplissait les conditions édictées par la loi d'orientation sur la ville.

Mais, depuis lors, la loi de 1996 et maintenant votre projet ont restreint considérablement la définition du logement social, imposant des pénalités et des contraintes qui mettent en difficulté les villes qui, hier, étaient les bonnes élèves de la classe. Pour toutes celles-là, qui ne peuvent être accusées de refuser les logements sociaux, je souhaite que le projet soit plus incitatif que coercitif et qu'il aide les communes au lieu de les punir.

En outre, je suis très surpris d'observer à quel point le présent texte méconnaît les réalités physiques, juridiques et financières, les objectifs et les missions des organismes de logements sociaux, ainsi que les aspirations de nos concitoyens.

Pourquoi ne pas tenir compte du statut juridique du foncier d'une ville ? Dès lors que celle-ci ne maîtrise pas une partie très importante de son territoire communal, il est inéquitable de l'enfermer à l'intérieur d'une place dont toutes les issues lui seraient interdites, comme l'a si bien décrit Raymond Devos dans l'une de ses histoires. La situation est encore plus absurde lorsque c'est l'Etat qui possède plus de la moitié d'un territoire communal.

D'autre part, peut-on ignorer les lois et règlements relatifs à l'urbanisme et à l'architecture qui enferment 85 villes françaises dans un véritable carcan ? Les villes dotées d'un secteur sauvegardé, de sites inscrits et de sites classés, peuvent-elles envisager la construction ou la réhabilitation de logements sociaux dans les mêmes conditions que celles qui n'ont pas les mêmes contraintes ?

Pourquoi ne pas reconnaître l'exemplarité des villes qui ont déjà consenti de très grands efforts en supprimant le plafond légal de densité, en fixant la taxe locale d'équipement au taux le plus bas, en dépassant la norme d'application du COS en faveur des logements locatifs sociaux, en réalisant plusieurs opérations programmées d'amélioration de l'habitat ? Pourquoi les traiter de la même manière que celles qui n'ont pas accompli les mêmes démarches et ne pas les faire bénéficier d'un traitement moins rigoureux ?

Pourquoi ne pas accorder à une ville qui consacre au logement social plus de 80 % du montant de sa dette garantie un moratoire, avant de lui infliger des pénalités ?

Pourquoi exclure de la définition du logement social tous les logements que les collectivités, établissements et entreprises publics ont réalisés pour loger en centre-ville leurs fonctionnaires et agents ? La mixité sociale, c'est aussi cela.

Pourquoi rejeter la notion d'accession à la propriété des logements sociaux déjà cédés par les organismes HLM ou dont ils souhaitent la réalisation ? La mixité patrimoniale, c'est aussi cela.

Pourquoi ignorer le coût du foncier et de la construction, en particulier en Ile-de-France, ainsi que les incidences financières des opérations de réhabilitation en secteur historique qui majorent les prix de 40 à 50 %.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Etienne Pinte - J'en viens à mes propositions.

Tout d'abord, il est indispensable de convenir enfin d'une définition du logement social qui ne change pas tous les cinq ans. Revenir à la définition de la loi d'orientation de 1991 serait une mesure de bon sens et d'équité, en particulier pour tous ceux qui ont consenti des efforts très importants pour l'appliquer. Les logements sociaux en accession à la propriété devraient être inclus dans cette définition.

Ensuite, les communes qui avaient au moins 20 % de logements sociaux en 1991 devraient être exonérées du prélèvement.

Il conviendrait aussi de relever les plafonds d'acquisition du foncier et de construction en faveur des organismes HLM, en particulier en Ile-de-France.

Enfin, les communes redevables du prélèvement pour insuffisance de logement social devraient être autorisées à consacrer le produit cumulé de celui-ci au financement ultérieur de la construction et de la réhabilitation des logements sociaux sur leur territoire.

C'est en fonction de vos réponses à mes questions et des propositions et amendements que vous accepterez que je déterminerai mon vote (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Gilbert Biessy - Ce projet permettra, nous en sommes convaincus, de mieux vivre en ville. Il était indispensable qu'une nouvelle loi comble les insuffisances des textes actuels, afin de ne plus subir la ville. Les nouveaux outils offerts par ce projet rendront possible une maîtrise du développement urbain.

Ainsi convient-il d'assurer une cohérence entre l'urbanisme et les déplacements. Empêcher une nouvelle urbanisation en dehors des schémas de cohérence territoriale permettra de contrôler la périurbanisation, qui a connu son apogée dans les années 70, provoquant une augmentation de la population dans les zones mal desservies par les transports en commun. Grâce à l'articulation de ces deux politiques, nous devons faciliter la communication entre lieu de travail et lieu de résidence, entre le centre et la périphérie, entre les banlieues elles-mêmes.

Le projet s'attache à rendre plus efficaces les plans de déplacements urbains et à renforcer leur rôle. Une telle démarche était urgente.

Il encourage aussi la coopération entre les autorités chargées de l'organisation des transports urbains, ainsi que la coordination de leurs réseaux de transports respectifs, en favorisant la création de syndicats mixtes de transports qui pourront être dotés d'une ressource spécifique destinée notamment à financer les missions d'intérêt commun.

L'annonce d'un milliard supplémentaire en 2001, Monsieur le ministre, nous réjouit. Toutefois, pour être efficaces, les dispositions de ce projet tendant à un développement plus harmonieux des transports en commun supposent des moyens financiers. C'est pourquoi le groupe communiste préconise la création de fonds régionaux de soutien aux transports collectifs publics, alimentés par une part du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et par le produit des amendes routières, qui échappe actuellement aux collectivités territoriales. Cette aide servirait, notamment, à développer des modes de transport collectif respectueux de l'environnement, et à équilibrer la gestion des réseaux de transport.

C'est également ce souci de ressources nouvelles qui justifie notre amendement autorisant le remboursement d'une part de cette TIPP aux entreprises de transports publics, afin de favoriser leurs efforts de développement.

En troisième lieu, le projet travaille à rendre plus cohérentes les politiques d'aménagement et de transport en Ile-de-France. Il prévoit notamment la création d'un comité des partenaires du transport public, afin de prendre en compte les aspirations de la population : nous suggérons que la compétence de ce comité soit étendue à toutes les questions intéressant les salariés et les usagers.

Enfin, le texte régionalise le transport ferroviaire, généralisant ainsi le partenariat fructueux qui a été expérimenté depuis janvier 1997 entre la SNCF et sept régions. Le bilan, de fait, était positif : offre rénovée, meilleure attention aux besoins... La décentralisation a en outre permis à la SNCF comme aux élus de devenir des forces de proposition, se renforçant l'une l'autre. Cette nouvelle étape apparaît donc pleinement justifiée. Nous tenons toutefois à réaffirmer le principe de l'unicité du système ferroviaire, garantie par l'Etat. La tarification, la qualité du service et l'information aux usagers ne peuvent être du ressort des seules régions, mais doivent relever d'une politique nationale, celle de l'entreprise publique.

Ce projet est très important et c'est dans un esprit constructif que le groupe communiste aborde la première lecture : nos amendements visent avant tout à donner sa pleine mesure à l'ambition affichée au titre III -« mettre en _uvre une politique des déplacements au service du développement durable » L'enjeu est en effet considérable pour nos villes comme pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. Christian Estrosi - En déclarant l'urgence de ce projet, on nous annonçait une grande loi et nous n'avons qu'un fourre-tout ! Ce texte, trop confus pour être honnête, dissimule en fait sous une masse de dispositions nouvelles, la volonté d'imposer un modèle d'urbanisme très marqué politiquement.

Le cheminement du Gouvernement est clair : après que Mme Voynet nous a proposé une « grande loi » d'aménagement du territoire qui vidait de sa substance le monde rural afin de concentrer les activités économiques dans les villes, voici qu'il nous soumet un texte qui tend à sur-densifier, à sur-urbaniser, comme si l'excès n'était pas déjà là !

L'entreprise de désertification est bien avérée : tous les jours, des postes d'instituteurs sont supprimés dans le monde rural ; les services publics s'amenuisent régulièrement dans nos petites communes et l'on s'apprête maintenant à fermer les trésoreries rurales. La présente loi n'arrive donc que comme la cerise sur le gâteau !

Quant à l'entreprise de densification, j'en vois la preuve dans le fait que les documents d'urbanisme donneront désormais la priorité à la construction de mètres carrés sociaux plutôt qu'à l'aménagement harmonieux de la cité. C'est aussi que la gauche plurielle est en proie à des contradictions de plus en plus criantes : d'un côté, Mme Voynet s'élève contre l'excès de pollution, contre l'élévation du taux d'ozone et contre les émissions de monoxyde d'azote ; elle réclame une vignette verte. Et, de l'autre, on nous promet plus de béton, plus de population et donc plus de pollution !(Protestations sur les bancs du groupe communiste)

Dans mon département, alors que la génération de responsables politiques à laquelle j'appartiens milite pour qu'on limite l'occupation des sols et qu'on renonce à bétonner les collines, que vous-même, Monsieur le ministre, bloquez nos projets d'A58 et de RN 202 bis, voici que vous nous promettez encore plus de difficultés pour l'avenir ! (Mêmes mouvements)

Vous parlez de mixité sociale mais, pour nous, il ne peut y avoir d'un côté les riches, de l'autre les pauvres ! Nous sommes à l'écoute de nos circonscriptions...

Mme Muguette Jacquaint - Où l'on ne veut pas voir certaines choses !

M. Christian Estrosi - Sachez donc que, dans cette circonscription, deux communes sont « tenues » depuis vingt ans par des maires communistes qui vont devoir payer la taxe -le rapport le dit en précisant le montant-, cela parce qu'ils n'ont pas fait la politique que vous vouliez. Eh bien, ils se rangent aujourd'hui derrière leur député, parce qu'ils veulent défendre leurs concitoyens ! Vous vous préparez de difficiles lendemains...

Vos choix autoritaires sont inacceptables. Ce qu'on attend dans les cités en difficulté, c'est qu'on démolisse les immeubles insalubres, qu'on humanise, qu'on aménage harmonieusement, qu'on améliore la qualité de vie de tous. Quant aux maires, ils veulent les moyens de réhabiliter les logements anciens. Leur imposer une proportion de 20 % des logements sociaux, c'est faire fi de la diversité des villes et de leur histoire, c'est oublier la dimension humaine en négligeant les diverses voies d'accès au logement.

Revenir aux années soixante en rendant aux préfets la haute main sur la politique d'urbanisme, c'est ne pas respecter les citoyens, à qui il revient de définir la ville qu'ils veulent, à travers leurs élus.

Toute la logique de votre texte aboutit à reconstruire des cités-ghettos, comme si l'urbanisme d'Etat n'avait pas démontré son incapacité à répondre aux besoins de la société. Alors qu'il faudrait laisser plus d'autonomie aux élus pour aménager, vous reprenez aux maires une partie des prérogatives que leur avaient accordées les lois de décentralisation et vous laissez en jachère l'aménagement du territoire.

Reconstruire des villes inhumaines et abandonner le monde rural est une faute lourde de conséquences. Ne nous fourvoyons pas à nouveau ! Ce texte politicien, sous couvert de bonnes intentions, sert un modèle social dont les Français ne veulent plus. Nous ne pouvons l'accepter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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