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Session ordinaire de 1999-2000 - 68ème jour de séance, 161ème séance

1ÈRE SÉANCE DU MERCREDI 22 MARS 2000

PRÉSIDENCE de M. Laurent FABIUS

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

SORT DE MME KARTINI BIN-KARIM 2

SITUATION DES PETITS PROPRIÉTAIRES SYLVICULTEURS APRÈS LA TEMPÊTE 2

RÉFORME DE L'ÉDUCATION NATIONALE 3

RETRAITES 4

RETRAITES 6

RETRAITES 7

RETRAITES 8

TAXATION DES CARBURANTS 9

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL 10

BILAN DES COMMISSIONS D'ACCÈS À LA CITOYENNETÉ 11

THERMALISME 12

LIBERTÉ DE COMMUNICATION -deuxième lecture - (suite) 13

AVANT L'ARTICLE PREMIER AA 13

ARTICLE PREMIER AA 13

APRÈS L'ARTICLE PREMIER AA 14

ARTICLE PREMIER A 15

AVANT L'ARTICLE PREMIER 21

ARTICLE PREMIER 21

APRÈS L'ARTICLE PREMIER 23

ART. 2 24

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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SORT DE MME KARTINI BIN-KARIM

Mme Huguette Bello - Kartini Bin-Karim, une jeune indonésienne qui a, comme tant de ses compatriotes, émigré aux Emirats arabes unis pour y gagner sa vie comme femme de ménage, est aujourd'hui condamnée à mort, et doit être lapidée. Son crime ? Un adultère, et la naissance d'un enfant. Cette jeune femme qui ne parle pas l'arabe n'a bénéficié d'aucun soutien ni pendant l'enquête ni durant le procès et elle attend la mort en prison.

Après ce verdict, des organisations humanitaires et le gouvernement de son pays se sont émus de son cas. La peine est actuellement suspendue et un nouveau procès devrait avoir lieu, sans que l'on en connaisse la date, et l'inquiétude demeure sur la sentence à venir. Comment ne pas faire le parallèle avec la situation de Sarah Balabagan, elle aussi condamnée à mort, il y a cinq ans, aux Émirats arabes unis, et épargnée grâce à une intense mobilisation internationale, en France notamment ?

Nous connaissons la volonté du Premier ministre de lutter contre toutes les formes de discrimination dont les femmes sont victimes. Pouvons-nous attendre du Gouvernement qu'il lance aux autorités des Émirats un appel à la clémence afin que soit sauvée la vie de Kartini dont le nom est celui d'une aristocrate javanaise qui, en Indonésie, symbolise l'émancipation de la femme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Le Gouvernement partage l'émotion que vous ressentez après le prononcé d'une sentence d'une particulière cruauté et totalement disproportionnée. Tout comme les partenaires de l'Union, la France est prête à intervenir à Abu Dhabi si la procédure en cours y oblige. Comme vous l'avez rappelé, un appel aura lieu, la cassation est possible et l'émir lui-même peut exercer son droit de grâce. Mais dans ce cas comme dans tous ceux dont il a à connaître, le Gouvernement s'attachera à faire respecter les droits humains, avec constance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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SITUATION DES PETITS PROPRIÉTAIRES SYLVICULTEURS APRÈS LA TEMPÊTE

M. Jean Pontier - La tempête a frappé de plein fouet la sylviculture, notamment sur la plateau ardéchois, où les petits propriétaires sont en complet désarroi. Nombre d'entre eux se plaignent des lenteurs de l'administration à leur venir en aide. Très souvent, ils sont contraints de vendre leurs arbres abattus à un prix inférieur au coût du débardage, ce qui aura pour conséquence que les chablis resteront au sol. C'est un grand risque d'incendie pour l'été prochain.

Devant l'abondance de l'offre et alors que, paradoxalement, le prix des charpentes demeure égal à ce qu'il était avant la tempête, des mesures doivent être définies qui permettront de stabiliser les prix. Pour sauver la filière bois et, plus particulièrement, la petite sylviculture, le Gouvernement ne peut-il envisager de bloquer le prix du bois comme il l'a fait, en d'autres temps, pour la viande de porc ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Je sais la détresse des sylviculteurs, doublement touchés : à la fois par les blessures de la forêt et par leur impuissance face à un drame dans lequel ils ont perdu l'essentiel de leur patrimoine.

Je sais aussi que certains d'entre eux se plaignent de lenteurs. Mais, enfin, les mesures annoncées par le Premier ministre ont été mises en _uvre en deux mois -véritable prouesse administrative. Savent-ils assez qu'ils sont éligibles à toutes les aides publiques sans exception ? J'ai, de plus, donné des instructions à mes services afin qu'un travail commun se fasse visant à regrouper les offres de chablis et à favoriser, ainsi, la valorisation des bois.

Quant à bloquer le prix du bois, comme vous le suggérez, le Gouvernement ne le peut pas davantage qu'il n'a pu bloquer celui de la viande porcine. Non seulement le marché est libre, mais il est protégé par la réglementation communautaire. C'est d'ailleurs pourquoi le plan d'aides publiques à la filière bois décidé par le Gouvernement après la tempête a dû être signifié à la Commission. Vous l'aurez compris : nous n'avons, hélas, aucun moyen d'action (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

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RÉFORME DE L'ÉDUCATION NATIONALE

M. Patrick Braouezec - Depuis plusieurs semaines, les mouvements de protestations s'amplifient dans les établissements d'enseignement, et l'on devrait connaître, vendredi, un nouveau temps fort, associant enseignants et parents. Pour que la confiance soit rétablie, l'éducation nationale a besoin de nouvelles perspectives et elles doivent se dessiner dans le prochain collectif budgétaire, qui devrait être l'occasion de renforcer les moyens qui lui sont alloués et de recruter.

Certes, depuis juin 1997, le budget de l'éducation nationale a augmenté, mais il faut accroître cet effort et décider d'une programmation pluriannuelle. Pour l'heure, nos réclamations n'ayant pas été entendues lors des débats budgétaires, nous ne constatons que des réponses partielles aux besoins les plus criants, sans vision d'ensemble cohérente, et les mesures les plus raisonnables ne peuvent s'appliquer faute de recrutements. Ainsi se multiplient les emplois précaires dont pâtit la réforme, et l'on peut craindre que le baccalauréat, notamment professionnel, ne perde de sa valeur.

La mobilisation actuelle doit être comprise comme une chance pour l'école. Les attentes sont très fortes, car d'une transformation réussie dépend une dynamique sociale nouvelle. Ne doutez pas, Monsieur le ministre, de la volonté de réforme des enseignants, mais convenez qu'elle doit s'appuyer sur eux. Je l'ai dit, un effort pluriannuel d'envergure est nécessaire. L'envisagez-vous, pour recruter, pour résorber les emplois précaires et pour améliorer le contenu de la réforme attendue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Je vous remercie de votre question (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), qui me donne l'occasion de rappeler solennellement à la représentation nationale ma volonté de réformer notre système éducatif pour garantir l'égalité des chances et donc l'équité républicaine. C'est de cela qu'il s'agit et de rien d'autre. Mais réformer fait peur et il faut donc continuer d'expliquer pour convaincre, ce qui n'est pas le rôle du seul ministre, mais de tous les acteurs. Ainsi, la réforme du lycée a fait l'objet de négociations avec tous les syndicats sans exception et le calendrier des travaux montre, sans ambiguïté, un dialogue constant, qui s'est traduit par la signature d'accords.

En tous lieux a prévalu le souci de justice sociale, de modernisation et de concertation. Et comment la réforme pourrait-elle s'engager sans recours aux heures complémentaires ? Ne faut-il pas, pour recruter, organiser des concours ?

Certains me disent : « revenez sur votre réforme ». Sur quoi veulent-ils que le Gouvernement revienne ? Sur les 70 000 aides-éducateurs ? Sur le plan antiviolences ? Sur la plan pour la Seine-Saint-Denis et les DOM ? Sur le plan « nouvelle chance » ? Sur la rénovation des ZEP ? Sur le plan social étudiant ? Sur le plan Internet ? Sur l'aide individualisée ?

Vous n'êtes pas de ceux-là, Monsieur le député, et je vous en sais gré. En Seine-Saint-Denis, vous le savez mieux que quiconque, beaucoup de moyens ont été mis en _uvre, mais des problèmes demeurent, qui montrent que les moyens, seuls, ne suffisent pas et qu'il faut une volonté partagée pour réformer l'éducation nationale, dans l'intérêt de nos enfants et de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe RCV).

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RETRAITES

M. Denis Jacquat - Je pose cette question d'intérêt général au nom des trois groupes de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF ; rires sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur le Premier ministre, après plus de 1 000 jours durant lesquels vous avez commandé cinq rapports et entamé différents processus de concertation, vous accouchez d'une souris.

Que promettez-vous ? Des concertations, mais on le fait depuis près de dix ans et aucun calendrier n'est proposé pour les négociations. Vous n'annoncez ni une réforme ambitieuse, ni de vraies solutions face au défi démographique et au problème du financement des retraites.

Il est vrai qu'après l'échec de la réforme des services fiscaux que vous avez voulu imposer de manière autoritaire et sans concertation, on comprend votre prudence... Néanmoins, cette frilosité est synonyme d'immobilisme et, contrairement à ce que vous dites, vous ne garantissez en rien les retraites de demain.

Vous ne faites référence ni à 2006, début du papy boom, ni à 2040, qui verra ceux qui ont aujourd'hui vingt ans arriver à la retraite.

Il n'a jamais été question pour nous de supprimer le système actuel de retraite par répartition... (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF ; « si ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) mais de le consolider. Notre système de retraite par répartition a bien rempli sa mission et nous devons le garder. Précisément, ne rien faire serait dangereux pour la répartition.

Nous sommes pour la retraite à la carte mais contre la retraite guillotine.

En refusant, au nom d'une idéologie dépassée l'idée même de développer l'épargne-retraite en optant simplement pour un fonds de réserve, vous acceptez la baisse du pouvoir d'achat des retraités de demain, d'autant que les sommes nécessaires pour payer les futures retraites sont nettement sous-évaluées.

Pour nous, l'épargne-retraite ouverte à tous vient compléter et non pas remplacer le retraite par répartition (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Vous n'avez parlé ni du problème de l'indexation des retraites, ni du non-remboursement par l'Etat des cotisations de retraite complémentaire pour les préretraités bénéficiant du FNE, ni de la revalorisation du minimum vieillesse. Pire, vous n'avez pas dit un mot des veuves alors que le taux de réversion et le calcul du cumul entre avantage propre et réversion doit être impérativement revus.

Quant à la PSD, nous avons toujours considéré qu'il s'agissait d'une première étape (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). On s'accorde sur la nécessité de la réformer. Surtout, elle doit être égalitaire au niveau national.

Monsieur le Premier ministre, hier, vous êtes resté dans le flou, je suis persuadé que c'est parce que vous souhaitiez présenter aujourd'hui à la représentation nationale vos vraies propositions (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). C'est pourquoi je vous demande quelles sont les mesures que vous entendez prendre pour garantir concrètement à tous les Français, le maintien de leurs retraites.

Plus on attendra, plus ce sera douloureux. La France de demain sera celle des choix d'aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Je suis ravi de pouvoir faire écho à vos préoccupations. Ceux qui m'ont entendu comprendront qu'il m'était difficile d'insérer les propositions et les orientations que j'ai présentées au pays dans le cadre succinct des questions d'actualité (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF), d'autant que, s'agissant de l'avenir des retraites des Français, je pense qu'il fallait s'adresser à l'ensemble des Français à travers les médias du pays (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

En outre, quel que soit le goût que vous avez pour ma parole, je ne pense pas que vous m'auriez écouté sans broncher sur vos bancs pendant cinquante minutes (Vives protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Enfin, présenter un plan de réforme de retraite à l'Assemblée ne garantit pas absolument le succès, même quand on s'y fait applaudir...

Je suis convaincu que nous partageons les uns et les autres le même souci de garantir l'avenir des retraites des Français, mais il y a entre nous des différences profondes de méthode, de conception, d'approche ainsi que sur les outils à utiliser.

Je ne puis répondre à toutes vos questions précises dans le temps limité qui est le mien ici. Mais il en est une pour laquelle vous auriez dû vérifier vos informations : vous avez dit que je n'avais pas parlé du « non-remboursement par l'Etat des cotisations de retraite complémentaire pour les préretraités bénéficiant du FNE ». Je n'en ai pas parlé parce que qu'elle est réglée ! Apparemment, vous ne le saviez pas... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) Le Gouvernement, en particulier Mme Aubry, a mené une négociation et le problème, en suspens depuis 1984, est désormais réglé à la satisfaction des partenaires sociaux et, surtout, des intéressés, qui vont pouvoir enfin profiter de l'intégralité de leur retraite complémentaire (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

Sur un plan plus général, en ce qui concerne la méthode, vous avez préféré il y a cinq ans -et c'est une des raisons pour lesquelles les gouvernements sont ensuite restés bloqués- l'annonce unilatérale des décisions. Nous préférons l'élaboration négociée des solutions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Nous avons associé les partenaires sociaux au diagnostic et nous allons les associer à la recherche des réponses.

Différence aussi de conception, disais-je, car pour l'essentiel vous vous rattachez désormais au système de capitalisation et à la mise en _uvre des fonds de pensions (Vives protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Certains y sont intégralement favorables, les autres l'introduiraient dans des conditions telles que cela déstabiliserait le système par répartition qui assure l'égalité entre les Français (Mêmes mouvements ; vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). C'est pourquoi nous n'avons pas pris les décrets d'application de la loi Thomas qui déstabilisait le système par répartition en ponctionnant sur les cotisations (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Nous avons aussi des différences d'approche car vous avez choisi d'uniformiser les régimes alors que nous respectons leur diversité même si nous voulons l'égalité et l'équité entre eux (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Enfin, nous différons sur les outils car si nous ne sommes pas hostiles à l'idée de faire appel à l'épargne des Français, nous le faisons grâce à un fonds de réserve. Tandis que l'épargne individuelle dépend des revenus de chacun, nous voulons un effort global de solidarité de la nation mis au service de l'ensemble des retraites. Là est la différence fondamentale (Mêmes mouvements).

Au lieu d'un pilotage centralisé, autoritaire et technocratique, le conseil d'orientation des retraites permettra d'associer les partenaires sociaux à la régulation des réformes et de progrès qui devront être faits.

Une fois encore, j'ai entendu vos critiques. Mais une fois encore je n'ai pas entendu la moindre proposition (Mêmes mouvements). Certes, vous posez désormais des questions ensemble, mais vous n'êtes pas capables d'apporter des réponses ensemble aux problèmes de fond du pays. La vraie raison de votre mutisme est sans doute que vous ne pourriez assumer devant les Français le fond de vos propositions sur les retraites (Mêmes mouvements). Nous sommes prêts à avoir ce débat avec vous ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

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RETRAITES

M. Claude Gaillard - Je me disais à l'instant qu'il était dommage que nous n'écoutions pas mieux M. le Premier ministre, mais que s'il arrêtait de caricaturer nos positions (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) et s'il était moins pris en flagrant délit de mensonge (Mêmes mouvements), nous pourrions avoir un débat de meilleure qualité.

En ce qui concerne nos propositions, je rappelle que le groupe UDF a déposé il y a un an, sur l'épargne retraite, une proposition de loi que le Gouvernement a refusé de prendre en compte.

Arrêtez de dire que nous voulons la fin du système par répartition alors que nous entendons le compléter, comme l'ont fait tous les pays d'Europe. Quand vous nous caricaturez, vous caricaturez donc aussi la position de la Grande-Bretagne, de l'Italie, de l'Espagne, des Pays-Bas, de l'Allemagne et de bien d'autres... (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. le Président - Est-ce votre question ? (Protestations sur les bancs du groupe UDF)

Il y a des séances de question d'actualité et des séances de débat, posez votre question.

M. Claude Gaillard - J'y viens.

Nous constatons un accroissement des inégalités plutôt qu'un mouvement vers l'équité.

Et si l'on parle de courage, souvenons-nous qu'entre 1993 et 1995, le Premier ministre de l'époque avait pris des mesures qui ont permis de sauver le système par répartition.

C'est pourquoi, Monsieur le Premier ministre, après avoir entendu que, compte tenu de l'importance du dossier, il fallait s'adresser au pays et non pas à l'Assemblée nationale, ce qui est assez surréaliste, je vous demande si vous seriez d'accord pour qu'un débat de fond sur les retraites ait lieu au Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - C'est moi qui répondrai à vos questions, puisque le Premier ministre vient, de manière extrêmement forte et ferme (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR), d'expliquer sa philosophie et ses propositions pour garantir les retraites, c'est-à-dire le pacte de solidarité des régimes par répartition.

Vous nous accusez de caricaturer l'opposition. Mais quand vous dites que la France est le pire des pays, qui caricature qui ?

Nous sommes les meilleurs en croissance, le chômage n'a jamais autant baissé, la sécurité sociale arrive à l'équilibre et le Premier ministre a expliqué hier qu'il souhaitait régler le problème des retraites non pas dans la rue, comme vous l'avez fait, mais avec l'ensemble des partenaires sociaux.

Vous voulez un débat : mais où sont vos propositions ? (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) Le Premier ministre est-il pris en flagrant délit de mensonge quand il affirme que vous êtes favorables aux fonds de pension alors que vous avez fait voter la loi Thomas -une loi qui réserve le troisième étage des retraites aux plus riches, qui vide les caisses de la sécurité sociale de ses cotisations et qui laisse au chef d'entreprise le soin de décider de l'emploi de l'épargne salariale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Si vous avez d'autres propositions -exiger 42 ans ½ ou 45 ans de cotisations ?- eh bien osez le dire aux Français ! Mais vous n'êtes capables que de critiquer. Alors nous nous réjouissons que vous posiez des questions en commun, mais essayez aussi d'apporter des réponses en commun ! C'est ce que nous, nous avons fait (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

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RETRAITES

M. François Sauvadet - Monsieur le Premier ministre, nous regrettons que vous ayez vous-même donné à ce débat très important pour le pays un tour polémique (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Vous caricaturez nos positions pour masquer votre incapacité à innover et introduire plus de justice (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF) dans un système aujourd'hui menacé.

Cela fait deux ans et demi que vous êtes au pouvoir (« La question ! » sur les bancs du groupe socialiste). Or tout ce que vous avez proposé aux partenaires sociaux, c'est de se réunir pour réfléchir. Que de temps perdu ! Vous n'avez indiqué que des pistes et disserté au lieu de décider.

M. le Président - Posez votre question, Monsieur Sauvadet.

M. François Sauvadet - Vous avez parlé de la méthode : mais même Mme Notat en a remarqué le flou et beaucoup de Français pensent qu'elle mène à l'impasse (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL). En fait, vous êtes au bout d'un système de communication qui a pu faire illusion un certain temps, mais qui est soumis aujourd'hui à l'épreuve de vérité. Aucun grand chantier n'a vraiment avancé ni abouti, ceux que vous avez ouverts se traduisent par des tensions sociales dans tous les secteurs (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Les Français se demandent si vous n'avez pas tout simplement le regard ailleurs, vers d'autres objectifs (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

On a eu la force tranquille, on a aujourd'hui la France immobile. Ne serait-il pas temps de choisir entre vos ambitions futures et l'exercice de vos responsabilités actuelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR ; huées sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - A une question un peu moins polémique, je répondrai de manière moins polémique... (Sourires) Le Premier ministre a effectivement le regard fixé sur les problèmes des Français et en ce qui concerne les retraites, les Français avaient besoin de comprendre la situation. Aujourd'hui ils ont compris que la croissance, la baisse du chômage, peut-être l'augmentation de certaines cotisations résoudraient une partie du problème, mais non la totalité. Ils ont compris qu'il ne servait à rien de montrer du doigt certains régimes alors que c'est un pacte social qui régit les relations dans une entreprise. Ils ont compris qu'il fallait traiter de manière différente ceux qui ont des conditions de travail pénibles ou ont commencé à travailler très jeunes -c'est ce que nous avons fait dans le récent décret sur les préretraites et c'est ce que nous ferons pour le personnel soignant hospitalier- et ceux qui entrent aujourd'hui sur le marché du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Sur ce sujet il faut plus que des slogans : il faut la volonté, la cohérence des valeurs que nous défendons, une méthode qui est la concertation. C'est ce que propose aujourd'hui le Premier ministre aux Français. C'est avec leurs représentants que nous trouverons les voies pour régler le problème des retraites. Le Premier ministre a dit hier qu'il fait confiance aux partenaires sociaux. C'est pourquoi d'ailleurs le Premier ministre a pris acte de l'échec de la prestation spécifique dépendance, que vous aviez mise en place, pour traiter la question de façon beaucoup plus globale (Interruptions sur les bancs du groupe UDF). C'est peut-être parce que vous n'avez pas su résoudre les problèmes des Français que nous sommes là et vous ici ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

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RETRAITES

M. Bernard Accoyer - La gravité du problème qui nous occupe mérite que vous apportiez des réponses à un ensemble de questions, que je souhaiterais réitérer au nom des groupes de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). Monsieur le Premier ministre, certaines allégations pourraient bien être de véritables mensonges. Quand vous caricaturez notre position en prétendant que nous serions contre les régimes de répartition alors que nous réaffirmons toujours notre attachement à ce socle de la retraite, vous mentez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Quand vous vous dites attaché à l'avenir des retraites, mais dissertez pendant 50 minutes pour annoncer que vous ne ferez strictement rien, vous mentez ! (Mêmes mouvements)

Quand vous voulez faire croire aux Français que vous allez subitement trouver de l'argent grâce à une croissance sans précédent, vous mentez ! (Mêmes mouvements)

En réalité, les recettes hypothétiques du fonds de réserve sont déjà plombées par les 35 heures, l'échec social coûteux de la CMU (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), le dérapage des dépenses d'assurance maladie (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Président - Rasseyez-vous, Monsieur Emmanuelli ! Posez votre question, Monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer - Le Premier ministre est en train de semer la graine d'un conflit de générations entre des retraités dont la retraite baissera et des jeunes qui seront écrasés par les cotisations. Nous vous demandons un débat solennel sur l'avenir des retraites en France (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Quand le Premier ministre annonce que les retraites vont être garanties par la concertation et la mise en _uvre progressive de mesures, nous agissons.

Quand il dit qu'il convient de respecter la diversité des régimes, prenant en compte les événements de 1995, nous avançons.

Quand nous recherchons une plus grande solidarité entre les régimes, nous faisons progresser la solution du problème des retraites.

Quand nous mettons en place plus de souplesse pour l'âge de départ à la retraite, nous répondons aux besoins des Français.

Les propos que vous avez tenus, Monsieur Accoyer, à l'égard du Premier ministre, ne sont pas dignes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).Vous avez multiplié les erreurs. Un seul exemple : vous vous êtes gaussés du fonds de réserve quand nous l'avons créé. Nous nous étions engagés à lui affecter les excédents de la CNAV, de la CSSS, du FSV et d'autres : or ces excédents cumulés atteindront 500 milliards en 2020 (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Les prélèvements sociaux sur les revenus du capital, contre lesquels vous avez voté, apporteront 150 milliards en 2020 et avec les 330 milliards d'intérêts, nous atteindrons 1 000 milliards.

Vous vous gaussez de tout, mais vos propos sont indignes d'hommes et de femmes qui visent à régler les problèmes des Français (Interruptions et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

On ne traite pas ainsi un Premier ministre qui règle les problèmes du pays les uns après les autres (Mêmes mouvements) alors que vous n'êtes capables que de poser des questions en commun, faute d'avoir des réponses en commun (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

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TAXATION DES CARBURANTS

M. André Angot - Monsieur le ministre de l'économie et des finances, connaissez-vous le prix de l'essence et du gazole avant que l'Etat n'y ajoute les taxes ? Le litre de super et le litre de gazole, qui arrivent à la pompe au prix respectif de 1,75 F et de 1,81 F, sont vendus dans ma région le premier 7,99 F, le second 5,69 F. L'Etat empoche dans un cas 6,24 F, dans l'autre 3,88 F de taxes qui représentent donc au moins les deux tiers du prix payé par l'automobiliste.

En 1999, les taxes sur les carburants ont rapporté à l'Etat 203,3 milliards, soit plus de la moitié du produit de l'impôt sur le revenu. En 1999, tous les records ont été battus. Les prix du brut ont certes flambé mais le produit lui-même ne représente que 20 % du coût à la pompe. L'essentiel de la hausse s'explique bien par les taxes.

Encore une fois, les Français se trouvent matraqués par une fiscalité particulièrement injuste qui s'apparente à un racket touchant indifféremment les plus démunis et les plus aisés, mais pénalisant davantage les ruraux que les citadins, ceux-ci ayant à leur disposition des réseaux de transports en commun.

Ce gouvernement, tout en prétendant hypocritement défendre la justice sociale, ne fait qu'accentuer les inégalités en matraquant nos concitoyens aux revenus les plus faibles. Il crée une France à deux vitesses (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Avez-vous pensé aux salariés payés au SMIC obligés d'emprunter quotidiennement leur voiture pour aller travailler à dix ou vingt kilomètres, aux ménages modestes qui utilisent le fioul pour se chauffer, aux marins pêcheurs, aux agriculteurs et aux transporteurs routiers ?

Pourquoi ne pas utiliser la « cagnotte » pour diminuer sensiblement les taxes sur les carburants ? Les Automobile clubs ont récemment lancé un appel national pour une baisse d'un franc des taxes sur les carburants. Je doute, hélas, que cette proposition pertinente sera appliquée par un gouvernement qui érige en principe d'Etat le « toujours plus d'impôts »... (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.

Plusieurs députés RPR - UDF- DL - Sautter ! Sautter !

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Le prix de l'essence a en effet flambé, le prix du baril étant passé de 10 à 25 dollars en un an (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Depuis deux ans, ce gouvernement, contrairement à ce que vous affirmez, a limité la hausse des taxes sur les carburants. Ainsi, après vingt années de hausse ininterrompue, la fiscalité sur le super sans plomb n'a pas du tout augmenté depuis le 1er janvier 1998 et nous maintiendrons ce cap en 2000 (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). La France est d'ailleurs l'un des rares pays européens à mener une politique aussi modérée en ce domaine puisque depuis 1998, le Luxembourg a augmenté les taxes de 17 centimes par litre et le Royaume-Uni de 75 centimes.

Et, en effet, les automobilistes français n'étaient pas habitués à une telle modération (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Soixante centimes de hausse sous le gouvernement Balladur, 32 sous le gouvernement Juppé, dont 12 liés à la hausse de deux points du taux de la TVA. Les automobilistes doivent donc savoir que sur le prix de chaque litre de carburant, un franc est dû à ces deux gouvernements.

Ce gouvernement ne s'est pas contenté de prendre le contre-pied des politiques menées antérieurement en ce domaine. Il a fait des efforts particuliers en faveur des secteurs les plus touchés par la hausse des carburants, comme celui des transports. Jean-Claude Gayssot a annoncé que la TIPP sur le gazole serait prochainement restituée aux transporteurs collectifs, dispositif qui complétera celui existant pour les transporteurs routiers.

Comme vous le savez, les impôts diminueront de 80 milliards en 2000. La baisse d'un point du taux de la TVA annoncée jeudi dernier par le Premier ministre allégera le prix des carburants, comme de nombreux autres produits. Je me résume : c'est la droite qui a augmenté la fiscalité sur les carburants. C'est ce gouvernement qui l'a stabilisée et a décidé de réduire la TVA (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

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ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

M. Yves Durand - Ma question s'adresse au ministre de l'éducation nationale (De nombreux députés RPR, UDF et DL quittent l'hémicycle). Les groupes de l'opposition se désintéressent donc du sujet !

L'enseignement professionnel représente une véritable chance de réussite pour ses élèves, très souvent issus de milieux modestes. Il ne doit plus être le parent pauvre du système éducatif, mais l'un de ses pôles d'excellence. Il faut l'adapter aux exigences nouvelles de notre société, comme la charte de l'enseignement professionnel intégré en a fixé l'objectif, après des mois de concertation avec les intéressés.

L'application de la réforme, nécessaire, qui découle de cette charte a suscité des inquiétudes chez les enseignants des lycées professionnels. Dans la mesure où cette réforme est nécessaire, il faut dissiper le malaise. Vous avez, Monsieur le ministre, reçu lundi les syndicats et devez les rencontrer de nouveau cet après-midi. Pouvez-vous nous indiquer les grandes lignes de cette négociation ? Porte-t-elle sur le statut des enseignants ou sur la charte précitée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - La charte de l'enseignement professionnel intégré a fait l'objet d'une longue concertation avec des représentants des enseignants, des parents, des élèves, des employeurs, des syndicats. Elle consacre un lien contractuel entre les lycées professionnels et les entreprises pour la formation des jeunes, chaque partenaire travaillant avec l'autre dans le respect de chacun. Elle garantit par la participation des enseignants au suivi des stages une présence effective de l'éducation nationale au sein des entreprises qui accueillent des jeunes. Dans les villes moyennes, elle permet de développer des plates-formes technologiques dans l'intérêt de tous.

Un projet de décret, ayant lui aussi fait l'objet d'une large concertation et concernant le statut des enseignants, accompagne cette charte. C'est lui qui suscite aujourd'hui des blocages. Dans ce contexte, j'ai tenu à reprendre le dialogue avec les organisations syndicales dont les avis divergent. Il m'appartient de parvenir, dans l'intérêt général, à une synthèse. Au-delà des désaccords entre organisations, plus grands que je ne le pensais, j'ai noté la volonté du plus grand nombre d'aboutir, dans l'intérêt des élèves mais aussi des enseignants. En effet, ce plan comporte plusieurs milliers de créations de postes -encore faudra-t-il parvenir à les pourvoir car les recrutements sont très difficiles.

Certains souhaiteraient banaliser le lycée professionnel. J'ai, au contraire, voulu donner à cet enseignement toutes ses lettres de noblesse et consacrer son égalité avec l'enseignement général (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste). Certains souhaitent, en mettant à bas cette réforme, que les professeurs des lycées professionnels continuent d'enseigner 23 heures par semaine quand leurs collègues n'enseignent que 18 heures. J'ai voulu, quant à moi, donner à tous les mêmes conditions de travail. Il n'y a ni nobles ni roturiers dans l'enseignement. C'est ce que les parents d'élèves nous ont dit : je les ai entendus (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

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BILAN DES COMMISSIONS D'ACCÈS À LA CITOYENNETÉ

Mme Annette Peulvast-Bergeal - Une circulaire du 18 janvier 1999 a invité les préfets à créer dans chaque département des commissions d'accès à la citoyenneté associant autour du représentant de l'Etat, des élus, des représentants du monde associatif, économique et social. Ces commissions ont pour but de faire reculer les discriminations dont sont victimes certains jeunes. Ouvrant les Assises de la citoyenneté, samedi dernier, le Premier ministre, aux côtés de Mme Aubry et d'autres membres du Gouvernement, après avoir dialogué avec les jeunes, a réaffirmé les engagements qui doivent être ceux d'un Etat républicain.

Monsieur le ministre de l'intérieur, quel bilan peut-on dresser aujourd'hui des commissions d'accès à la citoyenneté ? Comment le Gouvernement entend-t-il favoriser l'accès de tous les jeunes à la citoyenneté ?

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Ce sujet important a été trop longtemps occulté. Deux millions de jeunes français, qui ont un parent ou un grand-parent d'origine étrangère, sont victimes de discriminations intolérables. C'est ainsi que leur taux de chômage est en moyenne deux à trois fois supérieur à celui des jeunes du même âge.

Devant la gravité du problème, j'ai effectivement décidé en janvier 1999 de créer des commissions d'accès à la citoyenneté. D'autres ministres, dont Mme Aubry et Mme Buffet, ont également pris des initiatives dans leur secteur. Enfin, le Premier ministre a réuni samedi dernier les Assises de la citoyenneté qui ont rencontré un grand succès, réunissant près d'un millier de jeunes d'origine étrangère, fortement désireux de devenir des citoyens à part entière -j'insiste sur le fait qu'il ne faut surtout pas assimiler leurs problèmes à ceux des primo-arrivants.

Depuis janvier 1999, 115 commissions ont été créées, dont 10 infradépartementales. 400 signalements ont été effectués dont 40 % dans le domaine de l'emploi et 20 % dans celui des loisirs. Une convention avec des propriétaires d'établissements de loisirs est en cours d'élaboration.

S'agissant de l'emploi, différentes initiatives ont été prises pour faciliter l'accès de ces jeunes aux stages professionnels, pour encourager les parrainages ou le recrutement dans le secteur public. Près du quart des 2 000 adjoints de sécurité qui ont réussi le concours de gardien de la paix, ont été recrutés dans les quartiers difficiles. Ainsi, comme l'a souhaité le Gouvernement, la police est de plus en plus à l'image de la population.

Enfin, à l'occasion des assises nationales de la citoyenneté, le Premier ministre a rendu publiques des mesures destinées à lutter contre les discriminations, telles que le renforcement des commissions d'accès à la citoyenneté. En outre, pour mettre le pied à l'étrier de ces jeunes, 10 000 bourses au mérite et 5 000 bourses de service public seront créées à la rentrée. A cela s'ajoutent des mesures destinées à faciliter la naturalisation des jeunes arrivés en France avant l'âge de six ans.

Il nous appartient de faire en sorte que ces jeunes s'épanouissent dans la société française, deviennent des citoyens comme les autres et des modèles d'identification positive.

Bref, ces assises de la citoyenneté ont été un moment de grande fierté pour tous ceux qui y ont participé (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

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THERMALISME

M. Jean-Pierre Dufau - Il y a quelques mois, Madame la ministre de l'emploi, vous avez décidé de ne pas suivre les conclusions du plan Johannet préconisant le déremboursement des cures thermales. Les faits vous ont donné raison, puisque les comptes de la sécurité sociale n'en ont pas été obérés pour autant en 1999.

D'autre part, vous deviez lancer une concertation sur l'avenir du thermalisme et désigner à cette fin une personnalité qualifiée chargée de réfléchir avec les élus et les professionnels concernés.

Il importe que le Gouvernement confirme la place du thermalisme dans notre système de santé ainsi que la suppression de l'entente préalable. La CNAM est suffisamment surchargée de travail pour ne pas lui imposer un contrôle supplémentaire inutile.

La concertation devait porter sur la sécurité sanitaire, sur la modernisation des équipements et sur l'adaptation des formations pouvant justifier un relèvement des tarifs.

Quelle politique le Gouvernement entend-il mener en faveur du thermalisme ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - En effet, les propositions de la CNAM avaient suscité de vives inquiétudes dans le monde du thermalisme. Le Gouvernement n'a nullement l'intention de remettre en cause cette composante traditionnelle de notre système de santé, dont la fonction sanitaire est reconnue et dont je mesure toute l'importance pour l'aménagement du territoire comme pour l'emploi.

Il n'est pas question non plus de remettre en cause la prise en charge des cures thermales. La suspension de l'entente préalable a été reportée d'un an en attendant qu'un bilan de cette mesure soit dressé, mais je ne souhaite pas rétablir cette formalité (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

Cela dit, il faut moderniser l'activité thermale pour la rendre plus efficace, plus sûre, plus pérenne. J'ai donc confié à M. Deloménie, inspecteur général des affaires sociales, le soin d'étudier, en concertation avec les professionnels et les élus, les conditions d'intervention et de formation des professionnels, les conditions d'autorisation et le fonctionnement des établissements, le service médical rendu pour faciliter le contrôle de la CNAM, enfin l'évolution de l'offre de soins thermaux sur le territoire.

Je suis convaincue qu'après cette mission, nous pourrons consolider l'activité thermale et ainsi mieux répondre à l'attente des patients et des professionnels du secteur. Tel est le sens de la démarche du Gouvernement et je sais que vous la soutenez (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Houillon.

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

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LIBERTÉ DE COMMUNICATION -deuxième lecture - (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement j'appelle dans le texte du Sénat les articles du projet sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.

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AVANT L'ARTICLE PREMIER AA

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 263 de M. Dominati permet au CSA d'adresser des recommandations aux fournisseurs de service de communication audiovisuelle. La publication au Journal officiel l'information du public et renforce le caractère grave de ces recommandations.

M. Didier Mathus, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Cette disposition figure déjà dans le projet et le Sénat l'a adoptée conforme. Inutile de la répéter.

M. Patrice Martin-Lalande - M. Dominati m'a autorisé à retirer son amendement s'il était satisfait. C'est le cas.

M. Dominati a également déposé un amendement 262 qui étend la possibilité pour le CSA de proposer des améliorations à l'ensemble de ses missions et non sur la seule qualité des programmes.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé. Le CSA a déjà suffisamment à faire.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Défavorable.

L'amendement 262, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ARTICLE PREMIER AA

M. le Rapporteur - L'amendement 54 supprime le conseil supérieur des technologies de l'information institué par le Sénat. Inutile de nourrir le débat sur les compétences du CSA.

Mme la Ministre - Favorable.

M. Patrice Martin-Lalande - Contre l'amendement. Le Sénat a eu raison d'introduire cet organe. Il disposerait d'un pouvoir d'avis et de recommandation au Gouvernement sur les nouvelles technologies de l'information. Le Gouvernement le consulterait sur la préparation des directives européennes, de même que le CSA.

Cet organe serait composé de parlementaires. Or le Parlement n'est pas suffisamment associé à la politique du Gouvernement et a rarement l'occasion de débattre de la société de l'information, même si un bilan est présenté chaque année. Créer un tel organe serait l'occasion de mieux le faire participer à l'élaboration de la politique dans ce domaine. Il ne s'agirait pas d'une structure de régulation mais de concertation.

M. Patrick Bloche - Il n'est pas utile de créer ce conseil supérieur avant de connaître les conclusions du rapport confié à Christian Paul. Une réflexion globale s'impose sur le régulation d'Internet et celle du marché -les errements récents du CSA le prouvent. Peut-être la création d'un organe de concertation sera-t-elle alors justifiée. Actuellement elle serait prématurée.

M. Patrice Martin-Lalande - Mme la ministre pourrait-elle m'assurer que la question serait examinée de nouveau dans le cadre de la loi sur la société de l'information ?

Mme la Ministre - Je l'ai dit au Sénat, mieux vaudrait attendre les conclusions du rapport que le Premier ministre a demandé à Christian Paul sur la co-régulation avec tous les représentants de la société de l'information avant de créer ou de modifier des instances. Le Gouvernement sera attentif à l'ensemble du dispositif propre à maîtriser l'évolution de la société de l'information.

L'amendement 54, mis aux voix, est adopté. L'article premier AA est supprimé.

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APRÈS L'ARTICLE PREMIER AA

Mme Frédérique Bredin - Le projet aura pour conséquence d'accroître considérablement les pouvoirs du CSA. L'exigence démocratique impose que la transparence de ses décisions soit, elle aussi, renforcée. C'est à quoi tend l'amendement 466, qui vise à ce que ses débats soient publics et que, lors d'une prise de décision, il entende tout tiers intéressé. L'amendement tend aussi à ce que tout vote se fasse par scrutin public, et que sa publication soit assortie de celle des auditions, des débats et des éventuelles divergences d'opinions qui s'y rapportent.

M. le Rapporteur - La commission a choisi de rétablir, à l'article 4, la disposition supprimée par le Sénat, selon laquelle les nominations par le CSA des présidents des conseils d'administration des sociétés audiovisuelles font l'objet d'une décision motivée assortie de la publication des auditions et des débats du conseil qui s'y rapportent. C'est pourquoi elle s'est prononcée contre l'amendement.

Mme la Ministre - Avis défavorable, pour les raisons exposées par M. le rapporteur.

M. Olivier de Chazeaux - Je ne comprends pas qu'un gouvernement qui se dit attaché à la transparence se prononce contre l'amendement. Le CSA va être doté d'un pouvoir de régulation et l'amendement, s'il était adopté, comme il devrait l'être, garantirait que ses décisions sont prises de manière démocratique.

Mme Frédérique Bredin - Ce qui distingue cet amendement de la formulation retenue par la commission, c'est qu'il pose le principe que tout vote se fait par scrutin public. Le bien public commande qu'il en soit ainsi.

Mme la Ministre - Je suis bien entendu convaincue que la transparence la plus grande doit prévaloir. Cependant, le CSA prend une cinquantaine de décisions par semaine et les dispositions envisagées compliqueraient singulièrement son fonctionnement. Je rappelle, par ailleurs, que des procès-verbaux des réunions sont établis, qui sont en accès libre. L'impératif de transparence est donc respecté.

Mme Frédérique Bredin - Je propose, pour répondre à l'objection de Mme la ministre, de rectifier l'amendement en supprimant la phrase : « lors d'une prise de décision le Conseil auditionne tout tiers intéressé" ».

M. le Rapporteur - Il n'en reste pas moins que l'on propose que tous les votes aient lieu par scrutin public, quelle que soit la nature de la décision. Cela peut se concevoir pour les décisions « structurantes », mais généraliser cette pratique entraverait le fonctionnement de cette autorité. Aussi me prononcerai-je contre l'amendement rectifié.

Mme la Ministre - Le CSA est une instance collégiale dont il ne convient pas de modifier la nature au détour d'un amendement. Rendre tous les scrutins publics, c'est nuire à la sérénité des délibérations et, je l'ai dit, compliquer le fonctionnement de l'instance. L'avis du Gouvernement est donc défavorable à l'amendement rectifié.

M. Olivier de Chazeaux - La frilosité du Gouvernement est stupéfiante. Vous ne pouvez vous retrancher derrière l'argument de la collégialité des décisions du CSA alors que vous lui accordez des pouvoirs accrus, qui imposent de renforcer l'exigence de transparence, élément déterminant d'une vraie liberté de communication.

M. Michel Françaix - Il est exact que l'amendement, tel qu'il est rédigé, compliquerait les travaux du CSA. Cependant, d'autres amendements visant à améliorer la transparence ont été déposés et nous ne pourrons nous satisfaire de la répétition de tels arguments. En bref, je suis disposé à voter contre cet amendement, mais il n'en ira pas de même pour ceux qui vont dans le même sens, car on ne peut accroître les pouvoirs du CSA sans exiger, dans le même temps, davantage de transparence dans la prise de décisions.

Mme la Ministre - Le CSA a un pouvoir de sanction et il semble donc difficile de lui enjoindre de porter des jugements de cette manière. Le Gouvernement a le souci de préserver la transparence, mais il ne souhaite pas fragiliser la prise de décision de l'autorité indépendante.

L'amendement 466 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ARTICLE PREMIER A

M. Patrick Bloche - Je salue le remarquable travail du rapporteur, qui a, dans cet article, clairement défini les enjeux et les responsabilités. Si, contrairement à ce que l'on entend dire, Internet n'est pas un espace de non-droit, nous nous devions cependant d'adapter notre droit à l'évolution technique. C'est pourquoi la commission a souhaité reprendre le texte adopté en première lecture en en modifiant la rédaction pour tenir compte des observations pertinentes formulées tant par les fournisseurs d'accès que par les associations qui défendent de justes causes. Et c'est ainsi qu'aux deux cas d'engagement de responsabilité des hébergeurs et des fournisseurs d'accès a été ajouté un troisième. Il s'agit à la fois d'anticiper la nécessaire transposition en droit interne d'une directive à ce sujet et de rechercher une réponse graduée. C'est pourquoi la commission a introduit la notion de « diligences appropriées », tout en rappelant que l'autorité judiciaire demeure seule juge du caractère illicite de la production ayant porté atteinte aux droits des tiers. Il n'était en effet pas question de porter atteinte à la liberté d'expression. Il eut été très dangereux de mal légiférer car cela aurait pu conduire les hébergeurs et les fournisseurs à se protéger à l'excès, exerçant ainsi une censure préalable néfaste à la liberté d'expression.

Mme Frédérique Bredin et M. Christian Paul - Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande - Par notre amendement 152, nous entendons édifier un système de responsabilité équilibré, où la responsabilité de l'éditeur de contenu est la règle, où celle du fournisseur d'accès ou d'hébergement est strictement limitée à certains cas et où celle des plaignants de mauvaise foi peut être engagée.

Cet amendement crée tout d'abord une obligation de mettre à disposition des moyens techniques nécessaires pour restreindre l'accès aux services visés. Dans un souci d'efficacité, il assortit cette obligation d'une sanction qui fait défaut à l'amendement de M. Bloche.

Il définit ensuite les différents cas où la responsabilité des fournisseurs d'accès ou des hébergeurs de sites peut être engagée, retenant le terme générique de « signaux numériques ».

Il est important de ne pas limiter les cas où la responsabilité des personnes concernées est engagée aux cas où elles sont à l'origine du contenu litigieux. En effet, une personne peut tout à fait contribuer à la création ou à la production d'un contenu litigieux, sans en être à l'origine. Il est essentiel qu'elle ne soit pas pour autant exonérée de sa responsabilité. L'amendement retient donc la notion, plus précise, de « contribution » à la création ou à la production de contenu. Il écarte par ailleurs la qualification d'activité de stockage « directe et permanente » qui semble à la fois restrictive et en contradiction avec l'instantanéité d'Internet, qui permet à tout moment à un contenu d'apparaître, de disparaître ou d'être déplacé d'un site à un autre.

Le troisième et dernier cas de responsabilité ne doit pas être restreint au cas de « mise en demeure » des personnes concernées et l'amendement l'élargit donc à toute saisine par un tiers, quelle qu'en soit la forme.

L'amendement pose le principe de l'obligation pour les fournisseurs d'accès et les hébergeurs de détenir et de conserver les données permettant l'identification des auteurs.

Nous prévoyons aussi que les mesures d'instruction nécessaires à la constitution et à la conservation de preuves pourront être mises en _uvre par le juge à la demande de tout intéressé.

Enfin, pour assurer l'équilibre des responsabilités et prévenir les recours intempestifs, l'amendement prévoit des sanctions en cas de mauvaise fois des tiers requérants.

Il me semble que l'on parviendrait ainsi, sur un sujet sur lequel nos positions convergent, à un système équilibré.

L'amendement 368 est soutenu.

M. le Rapporteur - Avec l'amendement 55, la commission a retenu la rédaction qu'a présentée M. Bloche, qui part du socle édifié en première lecture et tient compte des travaux du Sénat.

J'ajoute que les sous-amendements, en particulier ceux du Gouvernement, apporteront des précisions utiles.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est défavorable à l'amendement 152, assez proche de celui de la commission mais qui pose un certain nombre de difficultés, en particulier celle d'ouvrir la saisine de l'intermédiaire technique à toute personne, au risque de déresponsabiliser les plaignants et de rendre possible la saisine du fournisseur d'accès, ce qui est incompatible avec la directive européenne.

L'amendement 368 est davantage conforme à la directive, mais l'obligation faite aux fournisseurs de s'assurer de l'identité de leurs abonnés semble excessive, coûteuse et néfaste aux formules d'abonnement gratuit. Le Gouvernement y est donc également défavorable.

Il est, en revanche, favorable à l'amendement 55, qui marque une avancée certaine dans l'adaptation de notre droit à la société de l'information. En créant un chapitre dédié aux services en ligne, il reconnaît leur spécificité au sein du régime général de la communication audiovisuelle. Pour la première fois, l'exercice du droit de communication publique à travers un média ne sera soumis à aucune obligation d'autorisation, de visa, de déclaration, de convention, d'enregistrement auprès d'une autorité administrative. Je proposerai par la suite un système volontaire d'identification des éditeurs de contenu. L'amendement garantit un équilibre réaliste entre la liberté d'expression et la responsabilité des acteurs. L'amendement reconnaît par ailleurs que les intermédiaires techniques ne sont pas en position pour les uns de connaître, pour les autres de surveiller, a priori, les contenus qu'ils mettent à disposition.

Si les pouvoirs publics entendent limiter la responsabilité des intermédiaires techniques à quelques situations bien précises, c'est parce que l'Etat ne cherche pas à contrôler indirectement les contenus sur l'Internet en imposant une surveillance par les opérateurs techniques, dénués de toute légitimité en ce qui concerne les libertés publiques.

Un nouveau cas de responsabilité des hébergeurs est introduit. Elle pourra être engagée si, après une mise en demeure, ils n'ont pas procédé aux diligences appropriées. Cette disposition garantit une réaction de l'hébergeur, sans pour autant le transformer en censeur des contenus ou en juge de leur légalité.

Mme Christine Boutin - Sur ce sujet extrêmement important, les propositions qui nous sont faites me semblent mieux adaptées à la réalité technique qu'en première lecture.

Hostile par principe à toute censure, je me rallie, en dépit de nos différences, à la rédaction de M. Bloche, qui est de nature à mieux garantir la liberté d'expression, à laquelle je suis fondamentalement attachée, dans la mesure où elle préserve la liberté d'accès et laisse l'autorité judiciaire se prononcer in fine.

M. Patrice Martin-Lalande - Avec l'idée de « diligences appropriées », il est clair pour moi que les hébergeurs et les fournisseurs d'accès n'auront d'autres choix que de saisir le juge ou de faire part des observations du tiers au responsable du contenu afin qu'il le modifie. Il ne s'agit nullement de donner aux hébergeurs une possibilité de censure.

Par ailleurs, la mise en demeure me paraît bien plus lourde que la saisine, alors que nous voulons précisément faciliter la tâche de celui qui veut faire connaître une illégalité.

Quand nous parlons de mesures appropriées, nous pensons à la saisine du juge, en référé ou par les voies ordinaires, et à la transmission à l'auteur du contenu des plaintes reçues, afin qu'il puisse modifier ce contenu. Il ne s'agit pas de conférer à l'hébergeur un droit de censure.

Madame la ministre estime que l'amendement de la commission est plus précis. Je note toutefois qu'il ne prévoit pas de sanction. Nous proposons une amende de 500 000 F.

D'autre part, la formulation « signaux, écrits, images sons ou messages de toute nature » nous semble moins précise que notre rédaction, qui parle de « signaux numériques de toute nature ».

Par ailleurs, le texte de la commission prévoit que peut être engagée la responsabilité des personnes « à l'origine » de la création ou de la production d'un contenu. Il nous semble plus précis de parler des personnes ayant « contribué » à la création ou à la production. De même l'expression « de manière directe et permanente » est à éviter, car trop restrictive.

Ces remarques faites, nous sommes tout à fait d'accord sur le fond.

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 55 est particulièrement important car il fait entrer les services en ligne dans le champ de compétence du CSA. Malheureusement, Monsieur Bloche, vous ne faites pas jouer au CSA tout le rôle qui pourrait être le sien.

Deuxième point important, l'amendement organise le partage des responsabilités entre les utilisateurs d'Internet, notamment celles des hébergeurs à titre gratuit. Mais votre amendement ne parle pas des victimes, c'est une carence.

Finalement le texte n'a pas été sensiblement amélioré par rapport à la première lecture. Il aurait mieux valu imposer une obligation déclarative auprès du CSA pour permettre d'identifier les éditeurs hébergés à titre gratuit, qui sont à l'origine de certains préjudices ; ainsi leurs victimes pourraient les assigner en responsabilité.

M. Patrick Bloche - Je précise qu'il ne s'agit pas de faire entrer les services en ligne dans la loi de 1986, mais plutôt de ne pas les en faire sortir, malgré nos tentations en ce sens.

Seconde observation, le vrai problème, c'est l'identification des auteurs de contenu. Les hébergeurs et les fournisseurs d'accès ne sont pas anonymes. L'Assemblée et le Sénat ont d'ailleurs été unanimes à refuser, en première lecture, la déclaration préalable auprès du CSA. S'il a un rôle à jouer, ce n'est pas celui que vous voulez lui donner.

Les amendements 152 et 368, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Olivier de Chazeaux - J'ai déjà défendu le sous-amendement 331.

M. Patrice Martin-Lalande - Une obligation non assortie de sanctions risque de n'avoir guère d'effet. Notre sous-amendement 153 propose donc une contravention de 500 000 F. Je suis d'ailleurs prêt à le rectifier en écrivant « sous peine de contravention d'un montant maximum de 500 000 F », afin de laisser une certaine souplesse.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé les deux sous-amendements. Le premier relève d'une autre logique, celle d'une régulation d'Internet par le CSA. Le second est intéressant, mais la sanction paraît mal calibrée. Il faudrait réfléchir à ce sujet d'ici la troisième lecture.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est défavorable aux deux sous-amendements. Il s'est déclaré pour la suppression de l'obligation de déclaration préalable. Quant à la sanction pénale prévue, elle correspond à un délit plutôt qu'à une contravention, ce qui semble disproportionné.

Mme Christine Boutin - Je préférais la réponse du rapporteur, qui laissait la porte ouverte à une évolution. Peut-être la sanction n'est-elle pas adaptée, mais il en faut une, sinon la loi sera un coup d'épée dans l'eau.

M. Patrice Martin-Lalande - Le Gouvernement ne pourrait-il pas nous faire une proposition, plutôt que d'attendre la troisième lecture ?

Les sous-amendements 331 et 153 rectifié, successivement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Patrice Martin-Lalande - Le sous-amendement 154 propose une amélioration rédactionnelle.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas retenu. Bien que le terme « signaux de nature numérique » soit techniquement exact, elle préfère sa rédaction, plus générale et plus facile à comprendre.

Mme la Ministre - Sagesse.

M. Patrick Bloche - Il faudrait préalablement modifier les articles 1 et 2 de la loi de 1986.

Mme Christine Boutin - La proposition de M. Martin-Lalande paraît plus prudente. En parlant de « signaux numériques de toute nature », au moins prend-on toutes les garanties.

Le sous-amendement 154, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Bloche - Mon sous-amendement 488 tend à prévoir que les prestataires sont pénalement ou civilement responsables du contenu des services dans les cas prévus, et non des atteintes aux droits des tiers résultant du contenu de ces services.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné ce sous-amendement. A titre personnel, j'y suis favorable. Toute ambiguïté sera ainsi levée.

Mme la Ministre - Tout en regrettant n'avoir pas eu le temps de vérifier toutes les conséquences qu'emporte ce sous-amendement, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

Le sous-amendement 488, mis aux voix, est adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - Le sous-amendement 155 tend à prévoir que les prestataires techniques ne seront responsables que s'ils ont eux-mêmes « contribué à la création ou à la production » du contenu, et non comme le propose le texte s'ils en sont eux-mêmes « à l'origine ». Cette dernière expression est en effet floue et restrictive. Une personne peut contribuer à la production d'un contenu litigieux, sans en être à proprement parler « à l'origine ». Elle ne doit pas pour autant être exonérée de sa responsabilité.

M. le Rapporteur - A titre personnel, je juge cet amendement plutôt opportun. La commission ne m'a pas suivi.

Mme la Ministre - Sagesse. Toute opération sur le contenu doit rouvrir la responsabilité de l'hébergeur.

M. Patrick Bloche - M. Martin-Lalande a repris la formulation retenue en première lecture. Je préfère, pour ma part, l'expression « à l'origine » qui me paraît plus précise sur le plan juridique.

Le sous-amendement 155, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre - Le Gouvernement, soucieux de la liberté d'expression comme de la propriété littéraire et artistique, propose un sous-amendement 384 rectifié tendant à renforcer la protection des droits d'auteur sur la Toile.

M. Patrick Bloche - Mon sous-amendement 489 vise lui aussi à mieux protéger les détenteurs de droits. Il propose simplement une rédaction différente.

M. le Rapporteur - La commission a adopté le sous-amendement 384 rectifié, considérant que le respect de la propriété intellectuelle sur Internet, où des dérapages sont possibles, était essentiel.

Elle n'a pas examiné le sous-amendement 489. Personnellement, j'en trouve le texte complexe. Je m'en remets à la sagesse de mes collègues.

Mme la Ministre - Le Gouvernement préfère son propre amendement.

M. Patrick Bloche - J'accepte de retirer mon sous-amendement tout en persistant à penser qu'il faudra améliorer le texte entre la deuxième et la troisième lectures.

Le sous-amendement 489 est retiré.

Le sous-amendement 384 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Le sous-amendement 330 de M. Chazeaux est retiré.

M. Patrice Martin-Lalande - Notre sous-amendement 156 tend à supprimer « de manière directe et permanente » dans l'avant-dernier alinéa de l'amendement. Cette précision, qui est en contradiction avec l'instantanéité caractéristique de l'Internet, risquerait en outre d'exonérer de leur responsabilité ceux qui assureraient le stockage de manière transitoire.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé estimant qu'il est difficile d'instituer une responsabilité pour des contenus fugitifs.

Mme la Ministre - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

Mme Christine Boutin - La position du rapporteur me paraît très contestable sur le plan des principes. Si le contenu est illicite, on doit pouvoir poursuivre quelle que soit la durée, fut-elle de quelques secondes !

M. Patrice Martin-Lalande - Je ne suis pas non plus convaincu par les arguments du rapporteur. La saisine de l'autorité judiciaire implique qu'il y a eu une certaine durée de présence, laquelle est suffisante pour faire jouer la responsabilité.

M. Patrick Bloche - Le problème naît sans doute du fait que la loi ne définit pas les notions d'hébergeur et de fournisseur d'accès. Faisons donc confiance à l'autorité judiciaire. Si nous supprimons « de manière directe et permanente », je ne vois pas comment seront qualifiées les conditions de stockage qui provoquent l'engagement de responsabilité.

Le sous-amendement 156, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - La notion de stockage implique nécessairement une certaine durée.

Notre sous-amendement 157 substitue la saisine par un tiers à la mise en demeure, qui est une formalité très lourde. D'autre part, mieux vaut parler, comme nous le proposons, « du caractère illicite ou préjudiciable du contenu », car, en rendant ces conditions cumulatives, vous risquez d'exonérer de leurs responsabilités les hébergeurs de contenu illicite en l'absence de préjudice causé à un tiers.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ce sous-amendement car la mise en demeure a une valeur juridique qui est nécessaire pour engager une procédure.

J'observe en outre que M. Martin-Lalande rétablit au passage la responsabilité du fournisseur d'accès, ce qui est contraire à l'esprit du projet.

Le sous-amendement 157, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - Le sous-amendement 158 est défendu.

Le sous-amendement 158, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Rudy Salles - Le sous-amendement 477 de M. Kert tend à protéger les appellations d'origine et les indications géographiques protégées, dont la notoriété induit une valeur commerciale. En 1999, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, dans son rapport sur les conflits entre les noms de domaine Internet et le droit de marques, a posé le problème mais sans proposer de solution. Il est donc du devoir de la France, de montrer l'exemple et de protéger ses appellations d'origine.

M. le Rapporteur - Le problème soulevé est réel, mais il s'agit en fait de la réglementation du commerce électronique, qui ne relève pas de ce projet. La commission a donc repoussé ce sous-amendement.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est très attentif au respect de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique protégée. Mais cette question mérite mieux qu'un sous-amendement dont l'objet est, de surcroît, fort éloigné de celui du projet. Avis défavorable.

Le sous-amendement 477, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Ministre - Le sous-amendement 385 rectifié instaure une obligation d'identification des services en ligne effectuée directement auprès du public ou indirectement auprès de l'hébergeur pour les particuliers désireux de conserver leur anonymat.

L'hébergeur doit s'assurer que cette obligation a bien été respectée.

Il s'agit de rendre obligatoire une disposition que la plupart des prestataires techniques ont déjà imposée.

M. le Rapporteur - L'identification a priori du responsable éditorial a semblé judicieux à la commission qui a accepté ce sous-amendement.

M. Patrick Bloche - Je pensais que l'article 43-6-3 répondait déjà à ce souci justifié d'identifier les auteurs du contenu. Cela dit, il est bon de rassurer les hébergeurs et les fournisseurs d'accès sur le fait qu'on ne leur impose pas de vérifier l'identité des auteurs de contenu. Je suis cependant réservé sur certaines formules du sous-amendement. En particulier, la distinction opérée entre ce qui est professionnel et ce qui est personnel est-elle opérationnelle ? On peut en douter à voir les contentieux nés, par exemple, du fait qu'un salarié, pendant ses heures de travail, crée des pages personnelles dans lesquelles il critique son employeur. Dans ces conditions, mieux vaudrait peut-être écrire « à titre commercial » au lieu de « à titre professionnel ».

Mme Christine Boutin - Nous n'avons pas eu le temps d'examiner suffisamment ce sous-amendement très important. Personnellement, je m'abstiendrai donc.

Le sous-amendement 385 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - Le sous-amendement 159 est défendu.

Le sous-amendement 159, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - Le sous-amendement 160 prévoit que toute personne qui, de mauvaise foi, s'adresse à une personne physique ou morale assurant l'accès ou le stockage de signaux numériques de toute nature accessibles par réseau, dans le but d'en interdire l'accès, est passible des peines prévues à l'article 226-10 du code pénal.

Il faut éviter les abus.

M. le Rapporteur - La commission l'a rejeté. Il va de soi que les sanctions prévues pour dénonciation calomnieuse s'appliquent dans ce cas comme dans les autres.

Mme la Ministre - Défavorable.

Le sous-amendement 160, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 55, sous-amendé, mis aux voix, est adopté. L'article premier A est ainsi rédigé.

L'article premier B, mis aux voix, est adopté.

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AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 260 de M. Dominati -j'en avais déposé un dans le même sens- prévoit le dégroupage de la boucle locale afin de faciliter l'accès à l'Internet à haut débit. De nombreux organes compétents et le Gouvernement en sont convaincus. On sait combien la concurrence sur le portable a été bénéfique pour le développement d'une économie nouvelle. Le dégroupage aura le même effet pour le téléphone filaire. Il s'agit de permettre à la plus grande partie de la population, qui est équipée, d'accéder au numérique.

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Ministre - Défavorable. Le Gouvernement introduira cette disposition dans un autre texte.

M. Olivier de Chazeaux - Mais quand ? Nous avons déjà été échaudés plus d'une fois par ce genre de renvoi. Saisissez l'occasion de sortir de l'immobilisme.

M. Noël Mamère - Je soutiens également cet amendement, car il n'est plus possible d'accepter le monopole de France Télécom qui détient la boucle locale. L'évolution technique entraîne dans ce secteur une concurrence tout à fait saine sur l'accès à Internet. Or, dans certaines communes, le câblage à haut débit se heurte à l'opposition de France Télécom. Dans le nouveau paysage qui se dessine, ce n'est plus possible.

M. Patrick Bloche - Le dégroupage touche à des enjeux industriels majeurs et à la démocratisation de l'accès à Internet, que le Gouvernement et France Télécom ont déjà favorisée par la baisse des tarifs. Il est vrai que le dégroupage favorisera l'égalité d'accès à Internet. Mais l'ART s'occupe du dossier. On ne peut toucher ainsi au code des télécommunications dans un texte sur la liberté de communication. Cela mérite un vrai débat et j'espère que nous l'aurons le plus tôt possible.

M. Patrice Martin-Lalande - Nous venons de voter une disposition sur la responsabilité de l'hébergeur. C'est également un cavalier. Le texte sur les nouvelles régulations économiques ne comporte rien à ce sujet. Il y aura donc des amendements ? Vous nous dites qu'il faut légiférer aujourd'hui sur le numérique terrestre pour que le plus grand nombre ait accès au numérique. Le dégroupage est un moyen plus efficace et moins coûteux d'y parvenir.

M. le Rapporteur - Cavalier ou pas, il n'est pas opportun de modifier dans ce cadre le code des télécommunications. Le texte sur les nouvelles régulations économiques est en distribution. Il a été examiné pour avis aujourd'hui par la commission des lois, et il viendra en séance publique le 25 avril. C'est dans ce cadre qu'une disposition relative au dégroupage aura un sens.

L'amendement 260, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ARTICLE PREMIER

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 273 de M. Dominati est de suppression.

L'amendement 273, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 56 de la commission rétablit le texte que nous avons voté en première lecture sur les missions du service public.

M. Patrice Martin-Lalande - Les amendements 270 corrigé et 271 corrigé sont défendus.

M. le Rapporteur - La commission les a repoussés.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 56 et défavorable aux amendements 270 corrigé et 271 corrigé.

M. Rudy Salles - Le sous-amendement 195 vise à insérer, après les mots « respect des droits de la personne », les mots « et de sa dignité ».

M. le Rapporteur - Les sous-amendements présentés ont déjà fait l'objet d'une discussion lors de la première lecture, et la commission a déjà tranché, jugeant les précisions apportées superflues pour certaines, dangereuses pour d'autres, excessives le plus souvent. En conséquence, avis défavorable sur le sous-amendement.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Rudy Salles - Selon moi, ce sont plutôt les silences qui sont coupables en cette matière, car les téléspectateurs que nous sommes tous constatons tous les jours combien d'abus sont commis. Les mêmes arguments valent pour les sous-amendements 193 et 194.

Le sous-amendement 195, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les sous-amendements 193 et 194, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Noël Mamère - Il s'agit, avec le sous-amendement 208, de rétablir une formulation adoptée en première lecture et d'introduire la notion de « développement durable ».

M. le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

M. Noël Mamère - Je ne comprends pas ces prises de position. Serait-ce que parmi les responsables politiques qui emploient l'expression « développement durable », certains ne savent pas ce qu'ils disent ? Entre-temps, qui ne se rend compte que tout ce qui a trait aux relations Nord-Sud et... au développement durable n'est évoqué, à la télévision publique, qu'aux petites heures de la nuit ?

Le sous-amendement 208, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Une télévision de service public doit contribuer à stimuler la création audiovisuelle en enrichissant en permanence son catalogue d'_uvres nouvelles. Ainsi la France s'attachera-t-elle à combler son déficit d'images, face aux Etats-Unis. C'est ce à quoi tend le sous-amendement 176.

M. le Rapporteur - La commission a adopté le sous-amendement.

Mme la Ministre - Sagesse.

M. Noël Mamère - Je ne m'opposerai certes pas à ce sous-amendement, mais je constate que certains sont plus facilement adoptés que d'autres... J'appelle de plus l'attention de mes collègues du groupe communiste sur le fait que si nous avons un déficit d'images, c'est non pas vis-à-vis des Etats-Unis, mais vis-à-vis de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne et de l'Espagne. De surcroît, nos productions emblématiques -Les Misérables ou Monte-Cristo- sont des coproductions franco-allemandes !

Le sous-amendement 176, mis aux voix, est adopté.

M. Daniel Paul - Le sous-amendement 433 tend à promouvoir la création audiovisuelle et cinématographique au sein du service public de l'audiovisuel.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Avis défavorable, car ces dispositions figurent au cahier des charges.

Le sous-amendement 433, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Rudy Salles - Le sous-amendement 425 dispose que l'information diffusée doit être impartiale, pondérée, respectueuse des cultures, des croyances et de la dignité humaine.

Il n'est pas question de mettre en cause la liberté d'informer, mais l'on sait l'impact de la télévision et, notamment des informations télévisées.

M. le Rapporteur - Tout un alinéa de l'amendement 56 est relatif à l'information. La commission a donc rejeté le sous-amendement, qu'elle estimait inutile puisque la préoccupation exprimée figure dans le texte.

Mme la Ministre - Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

M. Rudy Salles - Certes, les redondances sont inutiles, mais dans certains domaines où les abus sont manifestes, des précisions s'imposent.

Le sous-amendement 425, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère - Le sous-amendement 209 va dans le sens des propositions formulées, hier, par Mme la ministre en invitant les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle à développer un pôle industriel.

M. le Rapporteur - La commission, jugeant ambiguë l'introduction de la notion de pôle industriel, a repoussé le sous-amendement, qui présente l'inconvénient supplémentaire de ne viser que les nouveaux services et donc une part infirme de l'audiovisuel public.

Mme la Ministre - Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

M. Noël Mamère - Cette discussion démontre que l'audiovisuel n'a jamais été considéré, en France, pour ce qu'il est : une industrie. Pourquoi le service public de l'audiovisuel, diffuseur, ne pourrait-il se substituer en un pôle industriel, à l'instar des chaînes privées, aujourd'hui monopolistiques et qui assèchent le marché ?

Le sous-amendement 209, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Le sous-amendement 177 vise à améliorer l'information du Parlement grâce à un rapport annuel sur l'application de cet article.

M. Noël Mamère - Le sous-amendement 210 est identique.

M. le Rapporteur - Il est déjà prévu que le président de France Télévision puisse s'exprimer tous les ans devant notre commission des affaires culturelles. Dans le souci écologique de préserver les forêts (Sourires), la commission a, en général, évité de demander des rapports supplémentaires.

Mme la Ministre - Dès lors que le Parlement veut être informé, cela me semble de droit. Si le procès-verbal ne suffit pas, nous ferons un rapport. Sagesse.

M. Noël Mamère - Si le souci écologique du rapporteur est si fort, que n'a-t-il accepté tout à l'heure ma proposition relative au développement durable !

M. Rudy Salles - Je suis assez favorable au rapport, mais ne pourrait-on aussi rendre obligatoire l'audition du président de France Télévision par notre commission ?

M. le Rapporteur et Mme la ministre - C'est déjà prévu.

Les sous-amendements 177 et 210, mis aux voix, sont adoptés.

L'amendement 56, sous-amendé, mis aux voix, est adopté et l'article premier est ainsi rédigé.

M. le Président - Les amendements 270 corrigé et 271 corrigé tombent.

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APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 272 de M. Dominati est défendu, mais comme il n'y a que lui qui puisse le défendre, je ne le défendrai pas plus... (Sourires)

M. le Rapporteur - Il s'agit tout simplement de privatiser France 2, vous comprendrez que la commission ait repoussé cet amendement.

Mme la Ministre - Défavorable.

M. Rudy Salles - Je ne suis pas favorable à l'amendement. Néanmoins, force est de constater que, dès lors qu'une chaîne publique se comporte comme ses concurrentes commerciales, la logique du service public n'est pas respectée. Si l'on veut une vraie télévision de service public, il faut supprimer la publicité, mais, dans ce cas, on ne pourrait avoir autant de chaînes.

L'amendement 272, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère - Afin de veiller à la bonne application des missions assignées au service public, l'amendement 211 autorise le CSA à saisir la justice en cas d'infraction aux missions fixées par la présente loi ou par le cahier des charges.

M. le Rapporteur - De telles dispositions sont déjà prévues aux articles 42-10 et 42-11 de la loi de 1986.

M. Noël Mamère - Dans ce cas, je retire l'amendement 211.

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ART. 2

M. Jean-Marie Le Guen - La commission a fait un travail fort utile en précisant les conditions de la création d'une filiale de la holding vouée au développement de la télévision numérique. Il me semble d'ailleurs, puisque l'on vient de parler de l'audition du président de France Télévision, qu'il serait fort bienvenu qu'il fasse devant nous le point de l'application de la convention d'objectifs, à la définition de laquelle vous aurez sans doute à c_ur d'associer le Parlement, Madame la ministre.

Trop souvent, on s'imagine que la télévision numérique se contentera de dupliquer les chaînes existantes. Or il me semble précisément que le passage au numérique doit être l'occasion, pour le service public, de créer de nouvelles chaînes, en particulier une qui serait vouée à l'information -il existe déjà des chaînes d'information privées de bonne qualité- et une autre, récréative mais surtout éducative et jouant un rôle de socialisation, en direction de la jeunesse, dont on connaît l'attrait pour la télévision. Voilà bien des tâches qui relèvent du secteur public !

M. Olivier de Chazeaux - Depuis la première lecture, la holding a perdu Arte, ce qui n'est pas rien, et a gagné une filiale consacrée à la diffusion du numérique hertzien.

Son capital sera constitué des actions de France 2, de France 3 et de La Cinquième, et fera donc partie des valeurs patrimoniales de l'Etat dont le Premier ministre a parlé hier en présentant le fonds de réserve pour les retraites. Dans ces conditions, il paraît indispensable que vous nous indiquiez, Madame la ministre, la valeur actuelle des actions des chaînes publiques.

Deuxième point, vous introduisez par voie d'amendement la possibilité pour France Télévision de créer des filiales numériques et vous allez la doter d'un milliard de francs pour réaliser ces investissements. Mais est-ce suffisant ? Dans quel délai cette dotation sera-t-elle attribuée ?

Vous évoquez, dans le même amendement, la création de filiales numériques par « d'autres personnes publiques » : de qui s'agit-il ?

Pour répondre à M. Le Guen, je trouve un peu désobligeant pour France 2 et France 3 de proposer la création d'une chaîne publique d'information, d'autant que celles-ci seront présentées sur le numérique hertzien. Quant à la jeunesse, La Cinquième lui est déjà consacrée, pourquoi vouloir des investissements supplémentaires ?

M. Michel Françaix - La Cinquième n'émet pas le soir !

Mme la Ministre - M. Le Guen a ouvert des pistes pour le développement des services numériques. Bien évidemment les décisions ne sont pas encore prises.

La question sur la valeur des actions est malicieuse. France Télévision n'est pas une société cotée ; l'Etat reste actionnaire à 100 % et le Gouvernement n'a aucune intention de privatiser une partie du groupe. La vraie valeur de la télévision publique, ce sont les images qu'elle offre.

La dotation viendra en plus des crédits prévus pour la compensation des redevances. Elle sera versée en une fois, mais peut être libérée progressivement.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 274 de M. Dominati est défendu.

L'amendement 274, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 57 vise à donner à France Télévision les moyens de développer une véritable stratégie de diffusion et de production.

Le sous-amendement 386 du Gouvernement a le même but et la commission l'a adopté.

Mme la Ministre - L'intérêt de la constitution du groupe est bien de créer une force d'action ; c'est pourquoi le sous-amendement 386 remplace le mot « coordonner » par « conduire ».

Le sous-amendement 386, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 57 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 278 est défendu.

L'amendement 278, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère - L'amendement 212 tend à faire de la holding du service public un facteur d'émulation dans le paysage audiovisuel français. Les chaînes ZDF en Allemagne et BBC en Grande-Bretagne sont des pôles d'excellence dans l'audiovisuel européen.

Si nous voulons que le service public français rejoigne ce niveau, il faudrait au moins en faire figurer l'idée dans la loi.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas adopté l'amendement. C'est l'ensemble du texte qui tend à faire de France Télévision une référence.

Mme la Ministre - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

M. Noël Mamère - Si nous avions voulu vraiment faire de l'audiovisuel public français un audiovisuel de référence, nous aurions pris toutes les dispositions pour lui en donner les moyens financiers. Comment demander à une chaîne de devenir une chaîne de référence quand elle dépend à 50 % des recettes publicitaires ?

Mme la Ministre - Mais non !

M. Rudy Salles - Si M. Mamère dépose un amendement demandant que le service public soit une référence, c'est bien qu'il n'apparaît pas dans le texte qu'il en sera ainsi. Ce n'est pas la création d'une holding qui va garantir la qualité des programmes. M. Mamère a raison de dire que quand des chaînes dépendent à 50 % de la publicité, elles ne peuvent plus assumer leur fonction de service public de la télévision.

L'amendement 212, mis aux voix, est adopté.

M. Rudy Salles - L'amendement 198 précise que parmi les missions de France 2 figure le soutien à la production télévisuelle.

M. le Rapporteur - Cet objectif est déjà assigné à l'ensemble du service public audiovisuel. La commission a repoussé l'amendement.

Mme la Ministre - Même avis.

L'amendement 198, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Cuvilliez - Le débat souligne l'importance de l'enjeu culturel de France Télévision. Le nouvel établissement ne doit pas avoir seulement une signification économique.

Notre amendement 179 tend à maintenir la double vocation, généraliste et « régionaliste », de France 3. Sa mission régionale ne doit pas se limiter à quelques décrochages, mais être confortée en lui attribuant les moyens nécessaires.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement, estimant qu'il était déjà satisfait par la rédaction actuelle de la loi, qui est même plus précise.

M. Christian Cuvilliez - Je retire l'amendement.

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 277 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Rudy Salles - Les personnels de la Cinquième sont très inquiets, craignant que la chaîne, seule à rejoindre la holding après son divorce consommé d'avec Arte, ne s'y trouve prise en étau entre France 2 et France 3.

L'amendement 277, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 58 tend à faire de la Cinquième une société nationale de programme à part entière, dont le statut sera aligné sur celui des autres sociétés composant la holding.

Mme la Ministre - Le Gouvernement approuve tout à fait cet amendement. Il a déposé un sous-amendement 497 tendant à rétablir l'alinéa introduit par le Sénat confirmant la vocation de la Cinquième à diffuser des programmes éducatifs sur l'ensemble des supports multimédia. Ce sous-amendement est préférable au 196 qui vise un objectif comparable.

Je tiens à rassurer les personnels de la Cinquième. La création d'une société nationale de programmes à part entière garantit l'indépendance de la chaîne, notamment de sa rédaction. M. Tessier et M. Clément, que j'ai réunis récemment au ministère, feront par ailleurs tout pour que la « dé-fusion » se passe au mieux. Des groupes de travail seront mis en place pour régler les problèmes en suspens. Les personnels n'ont aucune inquiétude à se faire sur leurs conditions sociales d'intégration.

M. Rudy Salles - Si notre sous-amendement 196, qui a un objet analogue au 497, est satisfait par celui-ci, nous acceptons de le retirer.

Cela étant, les assurances données ici par Mme la ministre ne nous satisfont pas. Etant donné l'histoire de ces chaînes, le poids respectif de leur audience, leur alliance risque de se faire au détriment de La Cinquième.

Une question, enfin : combien coûtera la « dé-fusion » d'Arte et La Cinquième ?

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné le sous-amendement 497. A titre personnel, j'y suis favorable. Il répond parfaitement au souhait de la commission.

Le sous-amendement 196 est retiré.

Le sous-amendement 497, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 58 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Cuvilliez - La Société française de production devrait avoir toute sa place dans la nouvelle holding, d'autant que le passage au numérique hertzien terrestre exige un effort particulier de production et de création. C'est donc ce que nous proposons par notre amendement 180.

Pourquoi les quotas de production ne seraient-ils pas portés de 15 % à 25 % ? Pourquoi la SFP ne retrouverait-elle pas les parts de marché qui lui sont aujourd'hui chichement comptées ? Elle ne doit pas être abandonnée, orpheline, mais retrouver ses marques au sein du secteur public.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas davantage suivi les arguments de M. Cuvilliez en deuxième qu'en première lecture.

Mme la Ministre - L'intégration de la SFP dans la holding serait considérée par Bruxelles comme une renationalisation. Celle-ci est impossible étant donné les aides importantes que l'Etat français a consenties à la société pour lui éviter le dépôt de bilan. Il est impossible aujourd'hui de faire machine arrière.

M. Christian Cuvilliez - J'entends bien cet argument juridique, lequel mériterait d'ailleurs d'être discuté. Quoi qu'il en soit, la SFP doit obtenir une place reconnue dans le nouveau paysage. A défaut d'être intégrée dans la holding, elle doit pouvoir passer des conventions avec France Télévision afin de développer son activité.

L'amendement 180, mis aux voix, n'est pas adopté.

La séance, suspendue à 18 heures 55, est reprise à 19 heures 10.

M. Noël Mamère - Dans un souci de cohérence, notre amendement 213 tend à intégrer RFO à la holding France Télévision. Nous en avons longuement débattu en première lecture. Les arguments invoqués par ceux qui s'opposent à cette intégration, qu'il s'agisse des représentants des DOM ou des responsables de RFO, ne sont pas convaincants. Aucune raison objective, juridique ou éditoriale ne justifie le fait de laisser RFO à l'écart de la holding. Cela en ferait une chaîne à part alors qu'elle fait partie intégrante du service public de l'audiovisuel.

Du reste, il y a quelques minutes, nous avons décidé de rattacher La Cinquième à la holding comme nous le proposons maintenant pour RFO.

Mme Huguette Bello - Notre amendement 167 tend, d'une part, à définir les nouvelles missions de RFO, d'autre part, à fixer le cadre juridique offrant le plus de garanties à cette chaîne. Dès lors que l'évolution technique la dispense d'assurer sa mission de continuité territoriale, elle pourra se consacrer davantage à la production de programmes et ses stations peuvent enfin espérer devenir de vraies stations régionales.

Le rattachement de RFO à la holding France-Télévision est la solution qui offre le plus de garanties pour l'exercice de ses missions et pour la préservation de ses moyens financiers. Rien ne s'oppose à ce que cette intégration s'accompagne de conventions définissant les missions et les moyens de RFO.

En revanche, laisser cette chaîne en dehors de la holding serait courir le risque d'une privatisation larvée.

J'ajoute que le rattachement à la holding est souhaité par une grande partie du personnel.

M. le Rapporteur - Nous en avons déjà longuement débattu en première lecture. De très nombreuses consultations ont permis de comprendre que le souci commun était de développer les missions de service public de RFO. Mais, curieusement, les arguments invoqués par les uns pour refuser le rattachement à la holding sont les mêmes que ceux qu'avancent les autres en faveur de ce rattachement, redoutant un dépérissement de RFO.

Finalement, la commission a donc préféré s'en tenir à la solution retenue en première lecture qui consiste en un système de conventionnement entre RFO et la holding. Bien entendu, ce système n'est pas totalement figé. Il est d'autant plus difficile de définir une ligne commune que l'avis des députés des DOM-TOM est différente selon leur implantation géographique.

Mme la Ministre - Le Gouvernement attache la plus grande importance à l'avenir de RFO. Entre l'intégration dans la holding et la possibilité de garder son autonomie, nous choisissons le contrat d'objectifs et de moyens qui garantit la réalisation des missions de service public de la chaîne, qui sont réaffirmées. Il n'est nullement question de privatisation ou de remise en cause de statut public de RFO, qui doit à la fois développer des services de proximité et assurer l'accès de l'ensemble des populations des DOM-TOM aux programmes de la télévision publique de métropole.

En première lecture, l'Assemblée s'était prononcée pour une coopération étroite entre RFO et le groupe France Télévision. Une partie des élus des DOM s'étaient interrogés sur le maintien de la spécificité de chacun. J'ai affirmé, au début de cette deuxième lecture, que c'est bien dans cet esprit que la coopération doit être envisagée. D'autre part, il convient de prendre en compte les besoins de financement de RFO. Ses dirigeants et ses personnels ont déjà fait un effort pour redresser la situation. Comme pour toute entreprise publique, l'évolution des moyens de RFO dans un cadre pluriannuel lui permettra d'assurer ses missions et la même qualité de service, toujours dans le respect de chaque station.

RFO doit prendre des décisions stratégiques et je comprends que la chaîne ne veut pas le faire au détriment de l'une de ses deux missions, de service local et de diffuseur de programmes nationaux. Le Gouvernement s'engage solennellement à mettre en _uvre toutes les formes de coopération souhaitables pour RFO qu'il ne considère nullement comme une entreprise secondaire, mais dont le statut se compare à celui de Radio France.

RFO est une chance pour l'audiovisuel français. Pour favoriser son développement, le Gouvernement préfère la solution de la coopération retenue par l'Assemblée en première lecture. La convention est en préparation. Elle devra être présentée avant l'application de la loi. Je m'engage à en parler avec l'ensemble des parlementaires des DOM-TOM.

M. Rudy Salles - Je comprends votre embarras. D'abord il fallait intégrer RFO, puis ce ne fut plus le cas et maintenant on passe à la convention. Personnellement, je suis hostile à une holding France Télévision. Mais si on la crée, comment tenir RFO à l'extérieur ? A-t-on peur que cela limite son développement ? L'argument vaut aussi pour les autres. Vous vous engagez solennellement, très bien. Mais c'est ici que l'on fait la loi.

M. Laurent Dominati - Ou vous considérez que la holding renforce le service public, et dans ce cas il faut y adosser RFO. Ou vous voulez laisser RFO vivre sa vie. Dans ce cas, allez au bout de la décentralisation et créez une société propre dans chaque DOM et chaque TOM comme le prévoyait la loi de 1982. C'est ce que je préconise. Sinon, je soutiens l'amendement de M. Mamère, pour conforter RFO dans la holding de service public.

Seulement, vous refusez de choisir et vous masquez votre ambiguïté en mettant en avant une convention. L'amendement est cohérent.

Mme la Ministre - La convention avec le groupe France Télévision est bien une façon d'adosser RFO à l'audiovisuel public sans la faire entrer dans le cadre de la holding. Les tensions sont déjà fortes entre les équipes locales et l'équipe nationale de RFO. Nous n'avons pas intérêt a les multiplier. RFO aura son évolution propre, en fonction des demandes particulières des populations, avec l'appui et la coopération du groupe France Télévision. Je préférerais donc que ces amendements soient retirés. Sinon j'émets un avis défavorable.

M. Noël Mamère - Au risque de vous froisser, je ne peux retirer cet amendement. Pour le bien de RFO, il est nécessaire qu'elle fasse partie de la holding France Télévision.

Les amendements 213 et 167, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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