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Session ordinaire de 1999-2000 - 70ème jour de séance, 166ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 28 MARS 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

vice-président

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

PROGRAMME DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT 2

PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES 4

PROGRAMME D'ACTION DU GOUVERNEMENT 5

AVENIR DES RETRAITES 6

REMANIEMENT DU GOUVERNEMENT 6

ÉDUCATION NATIONALE 7

CHASSE 7

PROFESSION DE GYNÉCOLOGUE 8

SOMMET DE LISBONNE 9

ÉCONOMIE SOLIDAIRE 10

CONSÉQUENCES DES INTEMPÉRIES 10

CHASSE 11

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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PROGRAMME DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT

M. Jean-Marc Ayrault - Monsieur le Premier ministre,... (« Lequel ? » sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)...vous avez annoncé hier les modifications qui sont intervenues dans la composition de votre gouvernement. Pour mener à bien la politique que vous avez engagée en 1997, et qui réussit, vous avez choisi de rassembler et d'appeler à vos côtés des hommes et des femmes...

Plusieurs députés UDF - Une femme !

M. Jean-Marc Ayrault - ...de talent, d'expérience et de conviction. C'est une équipe renouvelée, consolidée et représentative de la majorité plurielle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste), qui va mettre ses compétences au service des réformes que votre majorité soutient et que les Français attendent.

Pouvez-vous, Monsieur le Premier ministre, nous dire quel est le programme d'action de votre gouvernement pour les semaines et les mois qui viennent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; « C'est téléphoné » sur les bancs du groupe du RPR)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - J'ai annoncé hier plusieurs modifications de mon gouvernement et vous savez mieux que quiconque, Monsieur le président Ayrault, le sens et les raisons de cette décision. C'est une démarche saine en démocratie qu'alors qu'un gouvernement -et cela n'était pas arrivé depuis longtemps- s'approche de la fin de sa troisième année, un remaniement puisse intervenir, qu'un renouvellement dans l'équipe gouvernementale puisse se produire, à moins de juger qu'un gouvernement doive se perpétuer à l'identique pour l'ensemble d'une législature. Bien sûr, je me sépare avec regret de ministres et d'amis... (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) qui pendant trois années d'exercice ont assumé leurs responsabilités, mais il était de la mienne de faire un choix, le choix du renforcement de la capacité d'action du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL « Auraient-ils donc été des incapables ? ») Il ne vous a pas fallu six mois dans le dernier gouvernement pour débarquer dix ministres et essentiellement des femmes ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe RPR et du groupe DL).

Il s'agissait, dans un moment donné, en regardant la réalité sociale et politique de mon pays, de renforcer la capacité d'action du Gouvernement et la nomination d'hommes et de femmes dont les responsabilités antérieures, l'expérience politique, le talent personnel et les convictions qualifient tout particulièrement pour entrer au Gouvernement. Leur présence sera pour cette équipe un appui et une source d'énergie supplémentaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Ce choix, c'est aussi celui du rassemblement le plus large de la majorité et j'ai choisi d'inscrire plus profondément encore dans la majorité plurielle la légitimité de ce Gouvernement devant l'Assemblée nationale (Mêmes mouvements).

La majorité plurielle, qui assume la responsabilité politique de notre action depuis trois ans, qui donne sa légitimité parlementaire à ce Gouvernement, n'a pas cessé d'être rassemblée, cohérente et solidaire. Elle continuera de l'être, rassemblée dans sa diversité par des valeurs et par des convictions communes. Elle continuera à _uvre au service de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Ce choix s'inscrit dans l'approfondissement de la politique de réforme conduite par le Gouvernement depuis 1997. C'est sur cette ambition réformatrice que les Françaises et les Français nous ont fait confiance aux dernières élections législatives (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). C'est pourquoi nous poursuivrons la politique de réforme qui s'inscrit dans le contrat de confiance que nous avons noué avec les Français. Nos orientations politiques et nos priorités restent les mêmes... (Murmures sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Nous voulons une croissance généreuse et solidaire, et cela est possible grâce à la baisse du chômage. La lutte pour l'emploi reste et demeurera la première priorité de ce Gouvernement et la baisse du chômage qui intervient chaque mois redonne confiance et énergie à notre peuple (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Ce Gouvernement et cette majorité n'ont jamais séparé l'effort de modernisation et d'efficacité de l'économie de la justice sociale. Nous avons fait des réformes : la loi contre les exclusions, la couverture maladie universelle, les mesures en faveur des chômeurs endettés... Et nous continuerons, avec par exemple le renouvellement de la prestation dépendance, l'un des grands problèmes actuels... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste) ...et pour apporter nos premières solutions à la question de l'équilibre des régimes de retraites fondés sur la répartition.

Cela sera possible grâce à une baisse des impôts... (« Ah !» sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) ...qui ne résume pas la pensée de la gauche mais qui, compte tenu du taux atteint par les prélèvements obligatoires, est nécessaire. Nous l'avons annoncée ensemble dans le budget 2000, avec une baisse de 40 milliards. Nous allons le décider ensemble, avec le collectif budgétaire de printemps, grâce à une nouvelle baisse de 40 milliards et nous poursuivrons effectivement cette politique, en veillant à ce que cet effort fiscal soit équitablement réparti en des différentes catégories de la population : ceux qui ont le plus de mal à vivre, ceux dont les salaires sont les plus faibles et ceux aussi, parmi les nouvelles couches salariées, qui contribuent à la modernisation et à l'innovation, à la création, dans les PME ou dans les autres secteurs de l'économie.

Nous voulons une société réformée et modernisée et nous poursuivrons les réformes que nous avons engagées, avec le PACS (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL), avec les lois sur la parité (Mêmes mouvements) et à cet égard, Mesdames et Messieurs les Députés, je voudrais vous faire remarquer que le taux de féminisation de cette nouvelle équipe est plus élevé que celui de juin 1997, puisqu'il est passé de 29 à 33 %. Je reconnais cependant que nous avons encore des progrès à faire, et nous y veillerons ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Avec tous les ministres qui ont porté ces réformes, avec les personnalités qui ont rejoint cette équipe, nous allons amplifier le mouvement qui conduit vers une société plus sûre, avec le travail sur la police de proximité conduit par M. le ministre de l'intérieur, avec les Assises de la citoyenneté, et la lutte contre les discriminations à l'encontre des jeunes de nos quartiers, avec Jean-Pierre Chevènement, Martine Aubry, Claude Bartolone, Marie-George Buffet et les autres... (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Ce sera une politique de modernisation économique, avec la loi sur les régulations économiques ou celle sur l'épargne salariale et Laurent Fabius va y contribuer naturellement (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste).

Ce sera enfin une action pour moderniser la société, afin d'affirmer le rôle des services publics dans notre pays et, en même temps, la nécessité qu'ils se réforment, dans l'intérêt même de nos concitoyens.

Les Français nous ont donné la durée. Avec ce Gouvernement, avec cette majorité, nous entendons la faire fructifier (Les députés socialistes se lèvent et applaudissent ; applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. le Président - Veuillez, mes chers collègues, retrouver votre calme.

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PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, le vieillissement de notre population pose le problème du financement des retraites, de la place des personnes âgées dans notre société et de la prise en charge de celles qui deviennent dépendantes. Ces trois questions sont intimement liées et je voudrais insister aujourd'hui sur celle de la dépendance, qui concerne 1 300 000 personnes en perte d'autonomie, malgré l'investissement des professionnels et des familles, qui portent souvent seules ces situations douloureuses.

Les réponses qu'apporte notre société restent insatisfaisantes, qu'il s'agisse de l'effort financier consenti ou de la qualité de la prise en charge proposée. Créée par le gouvernement précédent, la prestation spécifique dépendance est un échec. Elle ne touche que 120 000 personnes et son montant est à la fois insuffisant et inégalitaire puisqu'il est fixé par les conseils généraux. Ainsi, alors que les situations sont le plus souvent comparables, les montants servis varient d'un département à l'autre. De même, les aides attribuées par les caisses de retraite sont extrêmement hétérogènes.

Les politiques de maintien à domicile méritent d'être réorganisées et soutenues. Les maisons de retraite, les centres de séjour manquent de moyens. Nous ne pouvons donc que nous réjouir des réformes annoncées par le Premier ministre. Pouvez-vous, Madame la ministre, nous préciser leurs grandes orientations et leurs délais de mise en _uvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le Premier ministre vient de rappeler le défi que constitue la prise en charge des personnes dépendantes, et les décisions qu'il a annoncées la semaine dernière ont été largement inspirées, Madame la députée, par le rapport que vous avez remis sur ce problème. Comme vous l'avez dit, la prestation spécifique dépendance est un échec. Elle touche seulement 120 000 personnes âgées, alors qu'elles sont 1,3 million a être au moins moyennement dépendantes. Les niveaux d'aides varient fortement entre les départements, et ils sont insuffisants.

Le Premier ministre a présenté les grands axes de la réforme que nous voulons conduire. C'est tout d'abord un nouveau droit reconnu aux personnes, en fonction de leur dépendance, mais aussi de leur environnement et de leur situation financière. C'est un droit égal sur tout le territoire, qui touchera beaucoup plus de gens, notamment les personnes âgées moyennement dépendantes. M. Sueur travaille actuellement à la mise en place de cette nouvelle prestation. Nous avons réuni le Comité national de gérontologie, qui a approuvé unanimement ces propositions de réforme. Nous pouvons, je le crois, mettre en place un dispositif national qui n'engendre pas de rupture d'égalité, tout en assurant proximité et qualité grâce à une mise en _uvre par les départements. Avec ces derniers comme avec les caisses, nous allons ouvrir la négociation. Je pense que ce débat est bien engagé, et nous espérons que le projet de loi sera prêt rapidement.

Mais nous devons aussi trouver les moyens de renforcer les soins apportés aux personnes âgées. Nous avons donc décidé de multiplier l'effort pour le maintien à domicile, avec 20 000 places de services de soins infirmiers, soit un doublement annuel sur cinq ans. Nous avons décidé de tripler l'effort de médicalisation des maisons de retraite, le portant à 6 milliards. Enfin nous allons mettre en place partout des comités de coordination gérontologiques.

Puisque c'est la semaine de la poésie, je rappellerai ce propos de Cicéron : le respect témoigné à la vieillesse est en proportion de la valeur morale d'une nation. Nous allons tâcher d'élever celle de notre pays ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

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PROGRAMME D'ACTION DU GOUVERNEMENT

M. Jean-Luc Warsmann - Vous avez décidé, hier, Monsieur le Premier ministre, de modifier la composition du Gouvernement, et les Français s'interrogent : pourquoi ce changement ? Entendez-vous changer de politique ? Dans l'éducation nationale, par exemple, grèves et manifestations étaient certes dirigées contre votre ministre Claude Allègre, mais surtout contre la politique décidée par votre Gouvernement dans ce domaine. Allez-vous reprendre les réformes, ou attendre que l'orage politique passe ? Car, si vous ne voulez pas changer de politique, pourquoi avoir renvoyé votre ministre ? Dans l'administration fiscale, la réforme de M. Sautter est abandonnée. Votre ministre a été critiqué ; mais c'est bien la réforme qu'il avait présentée en votre nom qui est abandonnée. Allez-vous la reprendre -et dans ce cas, pourquoi avoir renvoyé votre ministre- ou, ici encore, contentez-vous d'attendre que l'orage passe ? Enfin, dans l'affaire de la cagnotte fiscale, c'est bien votre méthode qui a choqué les Français. Qu'allez-vous faire dans ce domaine ? Avez-vous nommé un nouveau ministre de l'économie pour gérer l'immobilisme, ou pour faire des réformes ? Bref, à quoi ce changement de Gouvernement, qui donne à beaucoup de Français l'impression d'être revenus quinze ans en arrière, va-t-il servir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - La courtoisie veut qu'après avoir répondu à une question de la majorité, je réponde au moins à une question de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Je me disais à l'instant, apercevant M. le Premier ministre Raymond Barre, qu'il était le dernier à avoir dirigé un gouvernement de droite qui ait duré plus de deux ans, et que cela remonte à dix-neuf ans... Je comprends donc qu'aujourd'hui vous manquiez quelque peu de repères pour juger normal qu'un gouvernement arrivant au bout de sa troisième année, considère comme possible un remaniement. C'est simplement ce que je fais. Le gouvernement précédent n'avait pas attendu six mois pour écarter dix ministres. Aujourd'hui, après trois ans de travail, des hommes et des femmes nouveaux entrent au Gouvernement. Celui-ci y gagnera en force. Je vois bien en quoi l'arrivée à des postes importants de personnalités compétentes et affirmées vous préoccupe et vous agace : dans votre for intérieur, vous pensez que le Gouvernement sera ainsi plus fort et plus compact qu'hier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Un ancien Premier ministre, qui présidait il y a quelques jours votre assemblée ; trois anciens ministres, dont deux présidaient deux de vos commissions les plus importantes ; des personnalités de conviction : tout cela correspond à une respiration normale de la démocratie, et à un renforcement dont vous pourrez constater l'usage qui en sera fait.

Ce matin, j'écoutais à la radio le président Debré. Il me semble qu'il a émis -dans une phrase que je lui suggère de réécouter- comme un aveu sur la situation d'aujourd'hui...

M. Jean-Louis Debré - Je n'avoue jamais ! (Rires)

M. le Premier ministre - D'un point de vue freudien, vous l'avez fait. En effet, comme le journaliste vous demandait ce qu'allait faire l'opposition, vous avez répondu : nous regarderons le Gouvernement... (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Eh bien, travaillez, proposez, regardez-nous même d'un _il critique ; mais nous aimerions que vous apportiez au débat national plus que vos querelles et vos divisions (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Prenez exemple sur nous, qui savons nous rassembler tous autour de cette équipe gouvernementale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

J'ai choisi, dans un remaniement normal au bout de trois ans, des personnalités politiques ; des personnalités capables de gérer des secteurs importants, désireuses de réformer, et ayant le souci et l'expérience du dialogue. Il n'y a pas de changement de gouvernement, mais un changement dans le Gouvernement ; pas de changement de politique, mais l'approfondissement et l'affirmation de la politique approuvée en1997 par les Français, et que nous souhaitons poursuivre. Ce que signifie ce Gouvernement, c'est une volonté et une capacité de mener une politique de réforme, dans l'éducation nationale comme dans les services publics, et notamment l'administration des finances. C'est un gouvernement capable de moderniser notre pays et de préserver le sentiment de confiance que les Français ont retrouvé. Oui, ce gouvernement continuera d'agir, avec une conviction ancrée profondément dans les valeurs de la gauche, et le souci de servir l'intérêt général du pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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AVENIR DES RETRAITES

M. Renaud Muselier - Avant tout, Monsieur le Premier ministre, je vous invite à réécouter un enregistrement. M. Debré, après avoir dit qu'il comptait regarder le Gouvernement travailler, a ajouté que nous le jugerions, car nous étions inquiets de son immobilisme... Et puisque vous nous invitez à cet important débat sur les retraites, je suis sûr que vous allez répondre positivement à la question que voici. Depuis 1997, vous avez multiplié les man_uvres de diversion, avec la publication de trois rapports successifs. La semaine dernière vous vous êtes adressé aux Français, pour faire une série d'annonces, mais aussi pour caricaturer les propositions de l'opposition sur l'épargne-retraite. Aucune vraie décision n'a été prise. Vous annoncez l'abondement d'un fonds de réserve à hauteur de mille milliards, mais on ne sait ni quand ni comment. Pour justifier votre inaction, vous tentez de rassurer en pariant sur une croissance forte et d'une durée inégalée. Mais les Français savent que l'avenir des retraites n'est toujours pas assuré. Vous annoncez l'ouverture d'une nouvelle concertation. Le sujet est trop important pour que nous nous en contentions. Vous ne pouvez continuer, à l'instar du ministre des relations avec le Parlement, à maintenir la représentation nationale en dehors de ce débat. Vous êtes maître de l'ordre du jour du Parlement : je vous demande solennellement, au nom des trois groupes de l'opposition, un débat à l'Assemblée sur l'avenir des Français. Vous ne pouvez pas refuser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le Premier ministre a expliqué comment le Gouvernement souhaitait assurer les retraites des Français, en garantissant le pacte de solidarité entre les générations, c'est-à-dire le système par répartition.

Rien n'a été annoncé, avez-vous dit. Les Français ne l'ont pas entendu comme vous, puisque, selon un sondage, 75 % d'entre eux se sont déclarés rassurés et prêts à suivre la voie ouverte par le Gouvernement.

Le Premier ministre a très clairement précisé que les déficits atteints à partir de 2020 ne pourraient pas être comblés par la seule croissance, par la seule réduction du chômage et par la seule hausse des cotisations.

Il a avancé des principes de progressivité, d'équité et de souplesse dont nous allons négocier l'application dans chacun des secteurs concernés.

Je suis sûre que dans les mois qui viennent les décisions du Premier ministre prendront effet et que nous aurons apporté une solution, comme nous le faisons pour la sécurité sociale ou le chômage, à l'une des principales préoccupations des Français.

Le fonds de réserve, dites-vous, demeure extrêmement vague. Ces 1 000 milliards en 2020, nous avons indiqué comment les financer. 500 milliards venant des excédents cumulés de la CNAF, du FSV et de la CSSS, 150 milliards provenant des prélèvements sociaux sur les revenus du capital ; 330 milliards d'intérêts et de revenus financiers. Vous vous gaussiez l'an dernier de ce fonds. Il s'élèvera à 20 milliards à la fin de l'année, et il atteindra le montant annoncé par le Premier ministre. Ce fonds permettra de financer la moitié de l'effort nécessaire entre 2020 et 2040.

Nous continuerons donc selon la méthode définie par le Premier ministre, et l'avenir des retraites sera ainsi garanti (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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REMANIEMENT DU GOUVERNEMENT

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Monsieur le Premier ministre, au terme de l'inventaire, vous avez constitué une nouvelle équipe. Est-ce un attelage présidentiel, ce qui n'intéresse que la gauche, est-ce un nouveau gouvernement pour une nouvelle politique, ce qui intéresse les Français ? Dans ce cas, respecter les Français et la démocratie, c'est respecter les élus du suffrage universel et donc le Parlement.

Allez-vous, oui ou non, faire une déclaration de politique générale devant l'Assemblée et engager vote responsabilité ? Sans cela, vous vous bornez à commencer prématurément votre campagne présidentielle, en faisant perdre deux ans à la France. Faudra-t-il que les Français attendent deux ans pour connaître les propositions de l'opposition, par exemple la baisse des charges et des impôts, de vraies décisions sur les retraites, des moyens adaptés aux grandes fonctions régaliennes de l'Etat ?

Aurons-nous droit à une déclaration de politique générale et à un débat pour que les Français sachent si vous avez mis au point votre dispositif électoral ou s'il s'agit d'une vraie politique pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. le Premier ministre - Je ne comprends pas pourquoi vous êtes obsédés par des échéances que personnellement je n'aborde jamais ! (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Ma tâche est de conduire ce gouvernement. S'il s'agissait de venir ici avec un nouveau gouvernement, pour une nouvelle politique, la question d'une déclaration de politique générale se poserait. Mais, je viens de le dire, j'ai procédé non pas à un changement de gouvernement, mais à un changement dans le Gouvernement, pour poursuivre et approfondir la politique que j'ai présentée en juin 1997. C'est dans ce cadre que nous agissons, et que vous vous opposez. Pour le reste, gardez vos rêveries pour vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

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ÉDUCATION NATIONALE

M. Maurice Leroy - Nos jeunes collègues de gauche semblent impatients. Est-ce parce qu'ils ne sont pas entrés au Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

A propos d'intérêt général, Monsieur Lang, à peine nommé vous avez déclaré : « En travaillant pour l'Education, je vais travailler pour la gauche, pour Paris ». Bonjour l'intérêt général !

A Pont-Audemer, à Vendôme, à Nîmes, comme partout en France, les élèves, les parents, les enseignants, qui ne sont pas fatalement de gauche ni de Paris, voudraient savoir quand et comment vous allez travailler pour eux, et donc pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale - J'entends bien travailler, à la demande du Premier ministre, pour notre gouvernement, c'est-à-dire pour la majorité de gauche dont je fais partie, afin de contribuer à notre succès. J'entends bien aussi travailler pour la capitale Paris, et j'entends bien et surtout travailler pour la France ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

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CHASSE

M. Antoine Carré - Madame Voynet, vous parcourez depuis plusieurs semaines une sorte de chemin de croix. Après le naufrage de l' « Erika », après une visite éclair au salon de l'agriculture, c'est le tour du projet sur la chasse. Vous avez survécu au remaniement ministériel. Mais avec la discussion de ce texte cet après-midi, rien ne vous sera épargné.

En effet, depuis deux mois, votre texte s'est considérablement modifié, sous l'influence du groupe chasse présidé par Henri Sicre, du rapporteur M. Patriat, et de l'opinion exprimée par les représentants des groupes de la majorité et de l'opposition.

Ces avancées à petits pas, contre votre gré, ne permettent pas cependant d'apaiser le monde de la chasse. Il faut en effet légaliser les dates d'ouverture et de fermeture, en tenant compte des directives européennes.

Cette légalisation était l'objet d'un amendement, qui obtenait l'accord de tous les représentants des groupes. Allez-vous enfin accepter cette légalisation, avec la possibilité d'un échelonnage selon les espèces, mesure tant attendue par les chasseurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR et sur quelques bancs du groupe communiste)

M. le Président - Monsieur Carré, vous brûlez la politesse à vos collègues, puisque vous êtes inscrit dans la discussion générale du projet sur la chasse ! (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Je commencerai par vous remercier, Monsieur le député, de votre sollicitude.

En présentant au nom du Gouvernement un projet sur la chasse, je souhaite mettre un terme au contentieux qui empoisonne les relations entre mon ministère et la Commission européenne, mettre en place les conditions d'une chasse durable au profit des chasseurs (Interruptions sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR), assurer la gestion responsable des habitats et des espèces sauvages, comme l'attend une écrasante majorité de Français. La tâche n'est pas aisée. C'est pourquoi le Premier ministre a confié à François Patriat le soin de dresser un état des lieux et de formuler des propositions.

Sur cette base j'ai élaboré un projet, en concertation avec tous les intéressés.

Ce projet est celui du Gouvernement. Le Parlement l'examinera. Je le crois équilibré.

Si certains députés ont posé la question du statut de la chasse de nuit, il n'a jamais été question de légaliser les dates d'ouverture. Il s'agit d'une décision réglementaire. On ne fixe pas les dates des moissons ou des vendanges par la loi.

J'ai proposé de présenter dès le début de la discussion le projet de décret retenant les dates qui recueillent le consensus des chasseurs responsables et des protecteurs de l'environnement (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

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PROFESSION DE GYNÉCOLOGUE

Mme Muguette Jacquaint - Plusieurs fois nous vous avons interrogée sur l'avenir de la profession de gynécologue. Cette question demeure d'actualité, à en juger par le nombre de femmes qui ont manifesté tout récemment et par les 800 000 signatures de pétitions au sujet de la formation en gynécologie médicale ainsi que le libre accès à cette spécialité. Ce diplôme ayant été supprimé en 1986, les futurs départs en retraite laissent présager un manque de professionnels pour les années à venir. Les 2000 spécialistes d'aujourd'hui risquent ainsi de n'être plus que 500 d'ici 2020. Le passage par un généraliste risque de devenir la règle, surtout si celui-ci est dit « référent », car les femmes s'adresseront à lui pour bénéficier de la dispense d'avance de frais. Il y aura donc des différences selon que les patientes auront ou non les moyens d'accéder directement à un spécialiste.

La gynécologie médicale tient une place importante dans notre système de santé, qu'il s'agisse d'information, de prévention, de contraception, de dépistage des cancers féminins ou de traitements médicaux tels que celui de la ménopause.

Certes, vous recréez un diplôme de gynécologie médicale-obstétrique, mais cette fusion entre deux spécialités risque d'entraîner un déséquilibre. Pourquoi ne pas redonner cours à un diplôme qui soit seulement de gynécologie médicale ? Quelle réponse apportez-vous, Madame la secrétaire d'Etat, à toutes les femmes qui veulent conserver un accès direct à un gynécologue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur plusieurs bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - Comme vous, je suis solidaire de ces femmes qui ont manifesté samedi leur attachement à la gynécologie médicale, spécialité qu'il n'a jamais été question de supprimer. Bien au contraire, mon objectif est de restaurer, de conforter et de garantir une formation spécifique, sous la forme d'une filière optionnelle de deux ans et demi à l'intérieur du corpus de gynécologie. Cette réforme a été acceptée par l'ensemble des partenaires concernés.

Le nombre des internes formés à cette discipline augmentera progressivement, passant de 80 en 1998 à 200 en 2002.

La création d'une filière spécifique comme celle que vous réclamez induirait à coup sûr des discriminations : il y aurait d'un côté une filière noble, universitaire, celle de l'obstétrique, dans laquelle s'engageraient des hommes, de l'autre, la filière de la gynécologie médicale, réputée plus facile, dans laquelle s'engageraient plutôt les femmes, contraintes par les réalités matérielles de la vie. Où serait l'égalité des chances ? La réforme que nous proposons est la meilleure façon d'éviter une telle discrimination et de donner à la gynécologie médicale la reconnaissance qu'elle mérite dans notre paysage médical.

J'ajoute que l'accès libre et direct au gynécologue n'a jamais été mis en cause par la procédure conventionnelle du médecin référent. Le Premier ministre l'a assuré dans son discours du 8 mars, le président de la CNAM l'a confirmé très clairement le 24 mars dans un communiqué de presse disant ceci : « une femme qui a choisi un médecin référent et qui s'adresse directement à son gynécologue continue à être remboursée dans les mêmes conditions que les autres femmes ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

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SOMMET DE LISBONNE

Mme Chantal Robin-Rodrigo - A l'issue du sommet européen de Lisbonne, les chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze ont décidé de faire du plein emploi un objectif majeur de l'Union européenne. C'est au Luxembourg et sous l'impulsion du gouvernement de Lionel Jospin qu'elle avait fait de la lutte contre le chômage une de ses priorités.

Donner toutes ses chances à l'Europe en tablant sur la nouvelle économie, la recherche et l'innovation est un objectif auquel j'adhère. Mais l'Union européenne ne doit pas perdre de vue que beaucoup de ses citoyens vivent encore au-dessous du seuil de pauvreté et sont frappés par le chômage. Il faut donc moderniser mais aussi préserver nos outils de cohésion sociale. Je pense à notre protection sociale, à nos services publics mais aussi à tout ce qui concourt à l'aménagement du territoire et à l'égalité des citoyens -l'électricité, l'eau, la poste, les transports collectifs, le gaz. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre durant la présidence française pour faire prévaloir une conception de l'Europe où progrès économique et progrès social aillent de pair ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Le Conseil européen de Lisbonne a traité de divers problèmes -les Balkans, la situation en Russie, l'évolution de l'Europe de la défense, la question autrichienne- mais l'ordre du jour principal était l'emploi, la réforme économique et la cohésion sociale, dans le cadre de la société de la connaissance et de l'innovation. Ce sommet a été l'occasion de montrer le lien indissoluble entre la réforme économique et le progrès social et vous avez raison de souligner qu'il a été l'aboutissement de tout ce que nous avons entrepris depuis trois ans. A Lisbonne, nous avons évoqué la perspective de la reconquête du plein emploi en Europe ; nous avons affirmé l'objectif d'une croissance d'au moins 3 %. Et nous avons décidé de mesures concrètes comme la mise en place d'un brevet communautaire, d'un tableau de bord de l'innovation, le raccordement de toutes les écoles à l'Internet avant 2001. Nous avons pris aussi des décisions concernant l'action de la Banque européenne d'investissement en faveur du capital-risque.

Puis ce Conseil européen a passé le relais à la présidence française sur au moins deux terrains : d'abord l'Europe de la connaissance, avec la nécessité de lever les obstacles à la mobilité des enseignants, des chercheurs et des étudiants ; ensuite, la mise en place d'un agenda social européen qui dessinera des perspectives en matière de lutte contre les exclusions et les discriminations, de protection sociale et de droit du travail.

On a dit parfois que ce sommet était un sommet de libéralisme, mais ce n'est pas vrai. Sur l'insistance du Premier ministre et du Président français, les Européens ont au contraire refusé une démarche de libéralisation inadaptée pour des services aussi importants que l'énergie, les transports et la poste. Nous tenons beaucoup à marquer l'importance du service public dans ces domaines.

Bref, ce Conseil européen rejoint vos préoccupations et les nôtres. Et c'est bien le lien entre modernisation économique et progrès social qui marquera l'action du Gouvernement durant la présidence française de l'Union européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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ÉCONOMIE SOLIDAIRE

Mme Marie-Hélène Aubert - Ma question s'adresse à M. Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire, intitulé qui donne à penser que le reste de l'économie ne l'est pas. Mais nous interrogerons ultérieurement M. Fabius sur ce point.

Nous nous réjouissons de votre entrée au Gouvernement et de la création d'un nouveau secrétariat d'Etat. Depuis longtemps, l'économie solidaire est un élément essentiel des propositions économiques et sociales des Verts. C'est à la fois un concept innovant et une pratique quotidienne dans laquelle sont impliqués nombre de nos concitoyens et dont vous avez été le pionnier en tant que vice-président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais.

Mais une majorité de nos concitoyens et même de parlementaires n'ont pas une idée bien claire de ce qu'est l'économie solidaire (Sourires sur divers bancs). Pouvez-vous donc nous préciser quel champ recouvre cette expression ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire - Le Secrétariat d'Etat qui m'a été confié et qui recouvre le champ de l'économie sociale et solidaire doit reposer sur trois grands secteurs. Le premier est celui de l'ensemble de l'innovation sociale, qui est né il y a quelques années face aux difficultés socio-économiques. Il s'agira pour moi de mieux les reconnaître et de les aider à pérenniser leurs activités. Le deuxième est celui, plus traditionnel du champ de l'économie sociale : associations mutuelles, coopératives... Nous verrons comment renouveler leur apport et comment les préserver de certaines évolutions et dérégulations voulues parfois au niveau européen. Le troisième est celui des partenariats nouveaux, tant il est vrai que la mise en synergie de la volonté de citoyens, d'associations, d'entreprises, de collectivités locales permet de faire naître des activités nouvelles dans le domaine des services aux personnes, de l'environnement, de la culture ou des nouvelles technologies, par exemple. Ma tâche consistera, à l'écoute de tous ces acteurs, à chercher les chemins permettant d'accélérer leur émergence, leur pérennisation et leur installation sur l'ensemble du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

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CONSÉQUENCES DES INTEMPÉRIES

M. Jean-Claude Viollet - Le 3 février dernier, M. le Premier ministre faisait ici même un premier point sur les dispositions retenues par le Gouvernement, en complément des mesures d'urgence, pour faire face aux conséquences des intempéries qu'a connues notre pays fin 1999.

Nul ne peut contester l'effort de solidarité nationale qui a été consenti mais des difficultés demeurent en Charente, en Dordogne, comme dans beaucoup d'autres départements, nombre de situations particulières étant aujourd'hui exclues des procédures d'indemnisation.

S'agissant de la forêt, si les 12 milliards de prêts bonifiés prévus pour préfinancer la sortie, le stockage, et la valorisation des bois répondent à l'attente des communes forestières et aux gros exploitants forestiers, les petits propriétaires, eux, n'en profiteront guère, aucun n'étant en mesure de s'endetter pour un capital irréalisable.

Autre exemple : seuls les artisans et commerçants et PME ayant subi des avaries matérielles pourraient, à ce jour, prétendre aux 200 millions du fonds d'intervention et de soutien au commerce et à l'artisanat, le FISAC, ce qui exclurait une bonne partie d'entre eux de toute indemnisation.

Dernier problème : nos communes rencontrent des difficultés pour la réparation des clôtures mais aussi des monuments funéraires des cimetières. Rarement assurés par leurs propriétaires, ces derniers nécessitent parfois de lourds investissements pour leur reconstruction. Or, jamais la puissance publique n'a pris en charge des travaux sur des biens privés assurables.

D'où mes trois questions. Le Gouvernement entend-il modifier le système d'intervention sur la forêt, par exemple en instituant une subvention à l'hectare pour le débardage ? Va-t-il assouplir les critères pour l'indemnisation des commerçants, artisans et petites entreprises ? Enfin, compte-t-il aider les communes pour la reconstruction des cimetières, y compris les travaux funéraires à la charge des administrés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Le Premier ministre a rendu public le plan de sauvetage de la forêt dès le 12 janvier, c'est-à-dire moins de quinze jours après les intempéries.

Ce plan a été enrichi à trois reprises en février. Lors du conseil interministériel à l'aménagement et au développement du territoire, 4 milliards supplémentaires ont été dégagés pour financer des avenants aux contrats de plan.

J'ai moi-même participé à plusieurs réunions de travail avec les forestiers dans le Limousin. Les petits propriétaires forestiers, y compris ceux qui sont en-dessous du seuil quasiment mythique des 4 hectares, sont tous éligibles à l'ensemble des aides. Il n'y aura pas d'exceptions liées à la taille des parcelles. C'est parce qu'ils ne figuraient pas dans nos fichiers que certains propriétaires n'ont pas eu cette information.

Nous travaillons en outre à mettre en place des prêts bonifiés. Nous nous heurtons au problème de leur cautionnement, mais nous allons trouver une solution de type SOFARIS, avec l'aide des collectivités locales.

Jour après jour, nous nous efforçons de régler les problèmes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jean-Pierre Brard - Et les cimetières ?

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Cochet.

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

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          CHASSE

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la chasse.

M. le Président - Le rapport de la commission de la production porte également sur les propositions de loi de MM. Jean-Pierre Michel, Jean-Claude Lemoine, Didier Quentin, Bernard Madrelle, Charles de Courson et Jean-Michel Ferrand.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Le projet que je vous présente a été préparé par le Gouvernement au terme d'une concertation qui n'a pas cessé depuis l'été 1997, et qui a connu une forme et une intensité remarquables grâce au travail conduit par M. Patriat depuis juin 1999.

Je veux le remercier de ses efforts pour écrire son rapport dans des délais extrêmement brefs tout en conduisant une concertation dans des dizaines de départements, afin de permettre aux points de vue de s'exprimer et de se rapprocher. Je veux aussi saluer le travail réalisé par la commission de la production et adresser mes v_ux de prompt rétablissement à son président, André Lajoinie, qui se remet d'un accident.

Ce projet a été adopté en Conseil des ministres deux mois après la remise du rapport de François Patriat. Comportant vingt-trois articles, il est composé de six titres traitant respectivement de la chasse et de son organisation, des associations communales de chasse agréées, du permis de chasser, du temps de chasse, de la gestion du gibier et de dispositions administratives et pénales. Il représente un compromis, forcément plus ou moins satisfaisant pour les protagonistes, entre les chasseurs et les non-chasseurs, entre le souci de « coller » aux réalités du terrain et le respect de nos engagements internationaux, et il s'articule autour de trois grands objectifs : créer les conditions d'une coexistence pacifiée entre les chasseurs et les autres usagers des espaces naturels, en redéfinissant la place de la chasse dans la gestion des espaces et des espèces ; clarifier et moderniser le rôle des structures qui organisent le monde de la chasse ; moderniser notre droit interne pour mettre fin aux contentieux suscités par certaines pratiques de la chasse.

Tout d'abord, il faut permettre un accès partagé aux espaces naturels et ruraux entre tous les usagers. La société française, les modes de vie, les besoins de nos concitoyens ont connu des transformations importantes ; l'accroissement du temps libre, la concentration urbaine, l'augmentation de la mobilité ont très sensiblement accru et diversifié les demandes. Il ne faut pas s'en plaindre ; c'est l'occasion de brassages sociaux et culturels, de développement économique et touristique et, plus prosaïquement, de flux financiers. L'heure est à la combinaison des différentes manières d'user de l'espace ; le souci de préserver l'environnement prend progressivement sa place dans les mentalités et dans les comportements, même si le processus est trop lent à mon gré. L'afflux de bénévoles sur les côtes de l'Atlantique souillées par le fioul de l'Erika est la preuve de l'attention grandissante portée par nos concitoyens à l'environnement.

Simultanément, la société française fait l'apprentissage de la concertation. Les débats publics ouverts aux citoyens et à leurs associations se multiplient : la démocratie participative se développe et complète, sans la remettre en cause, la démocratie représentative. L'impressionnante consultation que François Patriat a conduite sur le terrain l'été dernier illustre cette évolution.

Même si je regrette la faiblesse des soutiens apportés aux disciplines touchant à l'environnement, l'avancée des connaissances scientifiques en matière d'écologie, de dynamique des populations et de fonctionnement des milieux a été sensible ces dernières dizaines d'années. Cela ne va pas, bien sûr, sans controverses et lacunes, mais il est nécessaire de tenir compte des connaissances acquises. Il est maintenant indéniable que les sociétés humaines ont une responsabilité déterminante dans la pérennité des espèces, le fonctionnement des milieux et le maintien des équilibres écologiques. La France a d'ailleurs pleinement assumé cette responsabilité en se dotant en juillet 1976 de la loi relative à la protection de la nature, dont les dispositions ont été renforcées en 1995.

La même évolution s'est produite aux niveaux européen et international, avec l'adoption, depuis la conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement de Rio de Janeiro, en 1992, d'un projet de développement durable, malheureusement encore bien peu mis en _uvre, mais auquel aucune activité humaine ne peut se soustraire.

C'est dans ce contexte qu'il faut replacer nos efforts pour redéfinir la place de la chasse dans la gestion des espaces naturels et des espèces sauvages.

L'article premier du projet indique que la gestion durable du patrimoine cynégétique et de ses habitats est d'intérêt général, qu'une gestion équilibrée des ressource cynégétiques est nécessaire et que la pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, social et économique participe à cette gestion. Il décline, pour la chasse, les dispositions plus générales qui figuraient dans les lois de 1976 et de 1995, et qui, incluses dans le code rural, font des espèces animales des éléments du patrimoine commun de la nation.

La part que prend souvent la chasse dans la gestion des espèces et des milieux est ainsi reconnue. En retour, il convient d'écarter celles des pratiques de chasse qui ne seraient pas compatibles avec la protection de la nature. Ce projet constate les évolutions positives enregistrées sur le terrain et les encourage ; plus souvent qu'on ne le dit, la cohabitation entre les chasseurs et ceux qui ne chassent pas se réalise localement d'une manière satisfaisante pour tous les usagers des espaces naturels.

Nous souhaitons tous que ces situations d'exception deviennent la règle. Il faut pour cela parvenir à un accord explicite sur le partage de l'accès aux espaces naturels, dans des conditions qui respectent les intérêts de chacun. Cet accord suppose qu'on reconnaisse la légitimité de certaines limitations à l'exercice du droit de chasse et que nous redéfinissions ensemble les fondements de ces restrictions. La liberté de chasser n'a en effet jamais été absolue depuis 1789 : la loi de 1844, reprenant celle du 30 avril 1790, précisait par exemple que nul n'a la faculté de chasser sur la propriété d'autrui sans son consentement et que nul ne peut chasser si la chasse n'est pas ouverte. La justification de ces limites est forcément d'une nature différente aujourd'hui par rapport à ce qu'elle était il y a un siècle et demi. Il nous appartient de les préciser, en distinguant celles qui tiennent à la coexistence entre les usagers de la nature et celles qui relèvent de la préservation des espèces sauvages. C'est en s'inspirant des premières que votre rapporteur a proposé d'instaurer le mercredi sans chasse, afin que ce jour-là, chacun puisse profiter de la nature en toute sérénité (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

La proposition est reprise à l'article 10 du projet qui vous est proposé. Le souci de préservation de la faune sauvage s'exprime notamment dans les articles relatifs à la transposition de la directive communautaire de 1979, mais aussi dans ceux qui précisent les objectifs des plans de chasse, en les élargissant à la gestion des interactions entre les espèces. Il vous est également proposé de créer un dispositif plus efficace de gestion des espèces. Sous la forme du prélèvement maximal autorisé.

Ce projet de loi vise ensuite à rénover l'organisation du monde de la chasse en vue de la rendre plus claire.

M. Charles de Courson - Ce ne sera pas grâce à vous !

Mme la Ministre - Pour tenir compte du développement des missions de l'Office national de la chasse, il est proposé d'inscrire dans la loi une nouvelle dénomination de cet établissement, qui deviendrait ainsi l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. L'élargissement de son champ d'intervention n'est en rien artificiel, car les écosystèmes constituent des ensembles cohérents, et les objectifs de gestion de la faune sauvage chassée ou non sont souvent indissociables. Les missions de l'Office sont donc redéfinies, en insistant sur ses rôles d'étude et d'appui technique en faveur de la chasse et de conservation de la faune sauvage et des habitats. Pour les mêmes raisons, son conseil d'administration sera élargi à des représentants des usagers et des gestionnaires des espaces naturels. Dans les articles 3 et 5, les missions des fédérations départementales de chasse sont redéfinies, comme leurs relations avec les nouvelles fédérations nationales. Il est en effet important que la vitalité du mouvement associatif que suscite la chasse soit confortée, tant pour affirmer son autonomie que pour faciliter un dialogue responsable avec les autres acteurs de la protection de la nature. Depuis quelques décennies, les fédérations de chasse mènent des actions en faveur du patrimoine national, qui se sont développées et diversifiées : elles constituent des réserves, elles s'occupent de la protection et de la préservation du gibier. Il fallait en prendre acte. Leurs responsabilités dans le domaine de la formation initiale et continue de leurs adhérents doivent être également confortées, afin qu'elles les assument au mieux.

Enfin, leur rôle de coordination des associations communales de chasse agréées doit être confirmé. La police de la chasse est confiée aux gardes de l'Office et aux fonctionnaires de l'Etat habilités à l'exercer. Ainsi, une clarification sera opérée entre les rôles respectifs de l'Office et des fédérations. Les fédérations départementales qui le souhaitent seront ainsi associées à la prévention du braconnage.

M. Charles de Courson - Je ne vois pas comment !

Mme la Ministre - Une fédération nationale regroupera les fédérations départementales de chasseurs, consolidant ainsi la représentativité et la cohésion du mouvement. Elle gérera un fonds de péréquation entre les fédérations, dont les ressources dépendent du nombre de leurs adhérents alors que leurs charges sont liées à la superficie qu'elles sont censées couvrir. Ces propositions conduiront à clarifier le fonctionnement du mouvement associatif de la chasse. D'autres, de nature réglementaire, les compléteront ultérieurement. Votre rapporteur propose par exemple de modifier le régime électoral des fédérations en instituant le principe « un homme, une voix » pour le processus électif. J'y suis favorable, mais il n'a pas semblé opportun d'intégrer à la loi des dispositions qui relèvent du règlement, voire du statut des associations. Si des moyens sont donnés aux fédérations pour renforcer leur action, cela ira de pair avec un contrôle effectif des pouvoirs publics sur leur fonctionnement et sur la façon dont elles utilisent leurs fonds. Seules les prérogatives qui leur sont reconnues justifient leur existence et il s'agit exclusivement de la gestion des espèces sauvages sur des espaces délimités. Un rapport récent de la Cour des comptes a noté qu'elles s'en écartaient parfois. Il faudra naturellement y mettre bon ordre.

M. Christian Estrosi - C'est de la provocation !

Mme la Ministre - Il fallait aussi mettre les associations communales de chasse agréées en conformité avec l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Chacun ici connaît les ACCA. Je ne reviens pas sur l'utilité du dispositif ou sur les critiques dont il a fait l'objet. Je note cependant avec satisfaction que la Cour européenne des droits de l'homme a admis que la loi Verdeille poursuivait des buts légitimes et qu'elle a été adoptée dans une perspective conforme à l'intérêt général. Il est cependant devenu nécessaire d'inscrire dans notre législation des dispositions qui permettront à ceux qui le désirent de faire valoir un droit de non chasse, dans des conditions raisonnables et simples. Tel est l'objet des articles 6 et 7 du projet. Il me semble que nous sommes parvenus à des propositions qui, en alliant simplicité et responsabilité, peuvent satisfaire les propriétaires qui par conviction personnelle refusent l'exercice de la chasse sur leurs biens, tout en garantissant la stabilité nécessaire à une bonne gestion des territoires de chasse. Les dispositions, comme du reste l'instauration d'un jour sans chasse, apaiseront sans aucun doute les relations entre chasseurs et non chasseurs.

Je serai brève sur les améliorations apportées au permis de chasser. Qu'elles soient de nature réglementaire -comme l'instauration d'une épreuve pratique-, ou législative -comme le permis accompagné évoqué dans l'article 8 du titre III-, elles renforceront la crédibilité de cet examen et elles sont essentielles pour renforcer la sécurité de l'activité de chasse, tant pour ses pratiquants que pour l'ensemble de nos concitoyens.

Ce projet vise enfin à moderniser notre législation nationale, pour mettre fin aux contentieux qui empoisonnent le climat depuis des années. Notre droit de la chasse est ancien. Il n'est donc pas étonnant qu'il se révèle inadapté aux évolutions de notre société et qu'il s'articule souvent fort mal avec le droit communautaire. La législation sur la chasse, reprise dans le titre II du code rural, est issue pour l'essentiel d'une loi de 1844 qui encadrait initialement le droit des propriétaires à s'approprier le gibier présent sur leurs terres. Elle a été complétée par la création d'institutions spécialisées, telles que les fédérations de chasseurs et le conseil supérieur de la chasse en 1941 puis par l'organisation des associations communales et intercommunales de chasse agréées à l'occasion de la loi Verdeille du 10 juillet 1964 et par l'instauration du plan de chasse en 1966. Un dispositif administratif d'indemnisation des dégâts dus au grand gibier a enfin été institué en 1969 cependant que le permis de chasse était instauré en 1975.

Plus récemment, un droit communautaire consacré à la préservation de la faune sauvage est venu contredire notre droit sur certains points. La directive communautaire 79-409 du 2 avril 1979 relative à la conservation des oiseaux sauvages a ainsi fait l'objet de plusieurs tentatives de transpositions par le Parlement, en 1994 et en 1998, sans qu'il y parvienne de façon satisfaisante, comme l'a confirmé la décision du Conseil d'Etat du 3 décembre 1999. Enfin, la Cour européenne des droits de l'homme a récemment considéré que certaines dispositions de la loi Verdeille étaient contraires aux stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, en ce qu'elles contraignent les propriétaires opposés à la chasse pour des raisons éthiques à apporter les droits de chasse attachés à leur propriété à une ACCA, et à y adhérer. Comme le préconise votre rapporteur, il faut mettre notre droit national en conformité avec le droit européen et notamment avec la directive « oiseaux », adoptée en 1979 à l'unanimité alors que le Gouvernement qui nous représentait alors à Bruxelles était issu d'une majorité bien différente de celle que nous connaissons aujourd'hui.

M. Maxime Gremetz - Mais moi, j'ai voté contre !

Mme la Ministre - Tel est l'objet de l'article 10 du titre IV de notre projet qui traite de la fixation des périodes de chasse. Il prend en compte la jurisprudence du Conseil d'Etat et respecte la distinction fréquemment rappelée entre les matières législative et réglementaire. La rédaction proposée établit donc le principe d'une fixation des périodes de chasse par l'autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Elle soumet par ailleurs la fixation des dates au principe, inscrit à l'article 7-4 de la directive, de respect des périodes de reproduction ou de dépendance ou de l'absence de chasse durant les périodes de retour de nidification. Chacun connaît déjà l'avant-projet de décret d'application que j'ai rendu public par souci de transparence. Il prévoit que la chasse aux oiseaux migrateurs sera possible entre le 1er septembre et le 31 janvier. Des dérogations seront possibles dans le sens d'une ouverture anticipée à compter du 10 août et d'une fermeture repoussée au 10 février pour les espèces non menacées, ce dernier point étant apprécié sur la base d'informations scientifiques. Les décisions intervenant en ce domaine seront prises par les préfets, après les consultations d'usage.

L'article 11, également très attendu, indique que le permis de chasser donne le droit de chasser à la passée le seul gibier d'eau, en des lieux et selon des conditions qui seront précisées en Conseil d'Etat (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). La chasse à la passée s'exerce à l'aube ou au crépuscule. La loi en précise les limites, par rapport aux heures de levée et de coucher du soleil.

L'article 12 prévoit la suspension expérimentale pour une période de cinq ans de la disposition du code rural qui interdit la chasse de nuit. Cette suspension ne sera effective que lorsqu'un décret en Conseil d'Etat en aura précisé les conditions. Elle ne concernerait que la chasse au gibier d'eau, dans les départements où cette forme de chasse est traditionnelle et authentique, identifiés en tant que tels au 1er janvier 2000. Il n'est en effet pas question de confirmer des traditions trop récentes pour ne pas être factices. Soucieux de mesurer exactement l'impact de ce type de chasse, le Gouvernement établira un rapport d'évaluation de la mise en _uvre de cette mesure. Je sais que cette manière de faire intrigue certains d'entre vous. Mais ce n'est pas par opportunisme que nous avons choisi la dépénalisation expérimentale. La chasse de nuit est au centre d'âpres controverses : il faut nous donner le temps de mesurer les effets de cette pratique. Toute autre voie serait source de contentieux, que le Gouvernement n'entend pas multiplier : ce serait contraire à notre volonté, à votre volonté d'apaiser le climat pour permettre un examen dépassionné de ces questions. Tous les juristes consultés affirment d'autre part que cette dépénalisation, expérimentale et limitée à certaines zones géographiques, est seule compatible avec nos obligations communautaires et notamment la directive de 1979.

Enfin les titres V et VI comportent des dispositions concernant des outils de gestion -comme les plans de chasse, les battues administratives, les prélèvements maximum autorisés- ainsi que des dispositions administratives et pénales d'adaptation et d'harmonisation.

J'espère vous avoir fait percevoir l'équilibre que le Gouvernement a recherché (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) entre les préoccupations des chasseurs, celles des autres usagers des espaces naturels et ruraux, et les principes consacrés par le droit international et le droit communautaire. Ce compromis est fragile, et aucun de ses éléments ne peut être remis en cause sans ébranler tout l'édifice. C'est la quatrième fois en moins de six ans que le Parlement est appelé à débattre de la chasse. Il l'a fait une première fois pour adopter la loi du 15 juillet 1994, qui prévoyait un échelonnement des dates de fermeture jusqu'au 28 février. Les contentieux qui en ont résulté, la lettre de mise en demeure adressée à la France, le 13 novembre 1997, par la Commission européenne, pour défaut de transposition de la directive, montrent que cette loi n'a pas atteint son objectif. Le Parlement a donc adopté la loi du 3 juillet 1998, qui fixait les dates d'ouverture et de fermeture par espèce et par département. Mais le Conseil d'Etat, par un arrêt du 3 décembre 1999, a indiqué que cette loi ne faisait pas obstacle à l'application du droit communautaire, et que je ne pouvais pas refuser de fixer des dates compatibles avec la directive, et donc contradictoires avec celles de cette loi. Enfin une proposition sénatoriale vous a été soumise il y a quelques semaines ; elle comportait des réponses que votre assemblée n'a pas jugé satisfaisantes. Personne ne peut faire comme si tout cela n'avait pas eu lieu. Il est de la responsabilité du Gouvernement de vous proposer un texte qui apporte des solutions réelles, et non pas des dispositions inopérantes qui ne feront qu'entretenir les conflits. C'est ce que je fais aujourd'hui. Je souhaite que les travaux du Parlement préservent cet équilibre, comme je m'attacherai à le préserver dans la mise en _uvre de cette loi. La surenchère serait mauvaise conseillère. Elle ne saurait que justifier un immobilisme dangereux pour la chasse elle-même, et la poursuite d'affrontements vains, voire dérisoires. J'espère dépasser largement les contentieux sans cesse rappelés, sur l'organisation immédiate de la chasse. Il vous faut briser le logique infernale de conflits qui ne profitent ni à la nature, ni à la chasse, ni à la société. J'ai fait ce qui relevait de moi ; sur le terrain, bien des protagonistes sont prêts à faire quelques pas les uns vers les autres, si l'équilibre minutieux que vous propose le Gouvernement est confirmé. La chasse doit trouver une nouvelle légitimité. Elle n'y parviendra durablement que par le dialogue et la réflexion collective entre les chasseurs et le reste d'une société qui a profondément changé. Il dépend de votre assemblée que les conditions de ce dialogue soient durablement établies (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production - Cette semaine, dans ma circonscription, j'ai reçu un groupe de jeunes, lycéens et étudiants. Ils m'ont dit qu'ils ne connaissaient rien à la chasse, mais qu'ils voulaient rencontrer les chasseurs, et contribuer au dialogue. Cette invitation au dialogue devrait nous conduire à cesser les invectives, et à rechercher un compromis intéressant. Il faut mettre à l'actif de ce gouvernement, réfutant le reproche d'immobilisme, ce projet de loi, sensible s'il en est, qui tente de mettre fin à des années de conflits inutiles. Pour ma part, après neuf mois de dialogue, de recherches, d'écoute et de propositions, je souhaite que nous prenions un peu de hauteur et que nous montrions un peu de courage, pour aboutir à un compromis citoyen et responsable. Certains ici, pour des raisons tactiques ou politiciennes, souhaitent que ce projet échoue. Mais la grande majorité des Français veut en finir avec ces guerres picrocholines.

En préambule, permettez-moi de citer un vrai poète, grand défenseur de la nature, Jean Giono. Il écrivait dans Un roi sans divertissement : « Il semble qu'il n'y ait pas de raison pour nous, mais il y a une raison pour lui. Et s'il y a une raison pour lui, nous devons pouvoir le comprendre. Je ne crois pas, moi, qu'un homme puisse être différent des autres hommes au point d'avoir des raisons totalement incompréhensibles ». La chasse remonte à la nuit des temps, et ne laisse personne indifférent. A l'heure où la nature est devenue un sujet politique, il faut ouvrir une réflexion plus générale sur l'évolution de ses rapports avec l'homme. A toutes les frontières qui déjà nous séparent, est-il souhaitable d'en ajouter une, et de partager les Français entre partisans et adversaires de la chasse ? A vrai dire, les grands débats qui engagent l'avenir sont sans commune mesure avec cette querelle. Certains s'appuient sur des traditions et des usages que personne ne nie. D'autres, sûrs du droit que leur ont confirmé les tribunaux, entendent réduire la chasse à la portion congrue. On sait à quel degré de passion et d'intolérance ce débat est aujourd'hui parvenu.

Oublions donc le cynisme et les arrière-pensées : tentons d'accomplir ensemble cette remise en cause que la société impose à chacun, pour ouvrir un débat porteur d'avenir. Cessons d'exacerber les passions, de flatter les démagogies, de nier l'existence des directives européennes comme celle de 1979, signée par Michel d'Ornano et Jean François-Poncet. Et donnons ici l'exemple du dialogue.

C'est l'intérêt de toute la société que de voir chacun participer à la restauration des habitats, au partage des espaces, à la survie des espèces. Ce projet, ambitieux et courageux, tente de définir un compromis entre tous les utilisateurs de la nature. Il légitime la chasse française dans sa diversité en respectant ses traditions, et lui donne une reconnaissance juridique et une organisation représentative. Il assure d'autre part à tous les non-chasseurs une faculté plus grande d'utilisation de la nature. Il insiste sur l'impératif de dialogue, de partage et de sécurité.

Les chasseurs doivent aujourd'hui passer d'une politique de préservation à une politique de gestion, une implication réelle dans la reconquête et l'entretien des territoires et le renouvellement des espèces. Personne ne croit que l'Etat puisse assurer seul la gestion des ressources naturelles. L'implication et la responsabilisation de tous les acteurs sont nécessaires. La chasse n'appartient pas à ceux qui la pratiquent, pas plus qu'elle ne se réduit à l'image caricaturale qu'en donnent ses détracteurs. Le projet vise à répondre aux attentes des uns et des autres. Il inclut des mesures de sagesse. Il dessine les contours d'une chasse citoyenne. Il s'inscrit dans une vision modernisée de l'espace rural, tenant compte de l'émergence d'un droit à la nature et à son partage, mais imposant aussi des devoirs à ceux qui le revendiquent.

Ce projet poursuit donc cinq objectifs majeurs. Tout d'abord, permettre aux générations à venir de connaître une faune sauvage, riche, variée et naturelle, et d'exercer sur cette faune une activité légitime de prédation. Ensuite, associer aux actions de sauvegarde et de gestion des habitats tous les usagers de la nature. Il entend également promouvoir un exercice de la chasse adapté à la société moderne et aux réalités écologiques : inciter à un changement de comportement du chasseur, qui permette le passage de la chasse comme cueillette à la chasse comme gestion ; enfin contribuer ainsi à restaurer l'image de la chasse dans l'opinion publique.

C'est donc un texte équilibré qui nous est soumis. Avec les amendements -tant de l'opposition que de la majorité- adoptés en commission, il assure à la chasse une vraie légitimité.

Il définit l'acte de chasse pour éviter les écueils, et les conflits portant sur cette définition même. Il consacre les missions élargies de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, en le confortant dans ses missions de police, missions régaliennes, mais aussi dans ses missions scientifiques, d'évaluation, d'appui aux fédérations, et en lui donnant toute l'autorité et les moyens scientifiques qu'il doit avoir. Il instaure un respect mutuel avec les structures cynégétiques représentatives. Beaucoup de responsables de fédérations sont présents aujourd'hui. Ils veulent une représentativité réelle, démocratique, du monde de la chasse, et que soient données aux fédérations des missions correspondant à leur savoir-faire et à leurs aspirations : la promotion des plans de gestion, la formation des chasseurs, l'appui aux ACCA... Nous devons leur donner les moyens d'exercer ces missions.

Ensuite, ce texte définit l'objection de conscience cynégétique ou droit de non-chasse. Il assure la pérennité de la chasse de nuit et de la chasse à la passée, et transcrit dans notre droit la directive européenne afin que le dialogue reprenne avec Bruxelles et que nous parvenions au même consensus que chez nos voisins.

Les 1 500 000 chasseurs ne doivent pas se sentir victimisés, les non-chasseurs se sentir agressés.

Non, la chasse n'est pas toujours idyllique, mais elle ne mérite pas non plus la caricature qu'en dressent ses détracteurs.

Nous avons amendé le texte en commission, et je suis sûr qu'un accord est possible sur les points en discussion. Nous proposons d'autoriser la chasse à la passée deux heures avant et deux heures après le lever et le coucher du soleil (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), de légaliser la chasse de nuit dans vingt départements, de responsabiliser ceux qui veulent faire valoir le droit de non-chasse, de traiter les dégâts de gibier, d'élaborer des plans de gestion.

Après des années de contentieux, il est temps d'assurer par cette loi la place et la liberté de chacun dans la ruralité, dont la chasse n'est qu'un élément constitutif.

Si nous ne sommes pas capables de trouver une solution, prenons garde à l'intolérance liée à la pratique de la chasse.

C'est dans la sérénité et dans la responsabilité que votre commission a travaillé. Nous avons retenu des amendements provenant de part et d'autre de l'Assemblée, et qui répondent pour l'essentiel aux préoccupations exprimées par les auteurs des propositions sur lesquelles j'avais aussi à rapporter.

Il vous invite, au nom de la commission, à voter largement ce texte (Applaudissements sur divers bancs).

M. René André - Ce texte amendé !

M. François Liberti - Il était grand temps que le Gouvernement dépose un projet relatif à la chasse, fondée sur l'idée d'une chasse reconnue, gestionnaire et sereine. Nous regrettons qu'il ait fallu pour cela en arriver à un tel degré d'incompréhension entre chasseurs et défenseurs de l'environnement, pourtant liés dans un même souci de protéger les espaces naturels et de gestion durable du territoire.

En France, la chasse fait intégralement partie de notre patrimoine culturel ; elle représente une pratique démocratique héritée de 1789.

Avec un million et demi de chasseurs, la chasse à la française est un droit indéniable, et concourant à préserver l'espace rural et à gérer le patrimoine naturel.

Depuis des décennies, les chasseurs ont appris à chasser selon des règles strictes, consentant des efforts considérables. Pour les espèces chassables, un équilibre a fini par être trouvé tant en ce qui concerne les prélèvements que les périodes de chasse.

Cependant, depuis l'adoption à Bruxelles de la directive du 2 avril 1979 -approuvée et signée par Jean François-Poncet, ministre du gouvernement de M. Barre sous la présidence de M. Giscard d'Estaing, et entérinée par tous les députés français du Parlement européen à l'exception des députés communistes qui ont même demandé son abrogation pure et simple, les menaces pèsent sur le droit de chasse.

En 1986, les communistes furent les seuls parlementaires à ne pas voter l'acte unique, qui indiquait que, dès 1993, le droit européen primerait sur les lois françaises.

En 1989, le seul vote à l'Assemblée contre les conventions de Bonn et de Berne, fut celui des députés communistes. Chacun connaît le rôle moteur du parti communiste dans la campagne pour le non à Maastricht.

Depuis le début de la législature, nous avons déposé plusieurs propositions tendant à légiférer sur les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs, à légaliser la chasse de nuit et à la passée dans les départements où les modes de chasse traditionnelle sont reconnus.

Dès la fin de janvier 2000, nous avons demandé dans un souci d'apaisement à M. Jospin et Mme Guigou un moratoire sur les dates de fermeture de la chasse et d'entreprendre des négociations au niveau européen pour clarifier la directive communautaire.

Il nous faut agir tous ensemble, chasseurs et non-chasseurs, pour une protection efficace des chasses populaires et traditionnelles, pour une protection de l'environnement, pour la reconnaissance du droit de non-chasse. La nature n'appartient pas plus aux uns qu'aux autres.

Le texte doit légitimer la chasse, le droit de non-chasse, moderniser les structures publiques, renforcer le cadre associatif, garantir à tous l'accès à la nature, protéger les espèces chassables, maintenir les milieux naturels en état.

L'OCDE, dans un rapport de 1997 indiquait que « la chasse, grâce à une législation plus stricte et une meilleure formation des chasseurs, non seulement ne constitue plus une menace, mais contribue positivement à la gestion de nombre d'espèces ».

Il faut en finir avec l'instrumentalisation politique des extrêmes qui font du débat sur la chasse leur fonds de commerce électoral, et qui n'ont aucun intérêt à l'adoption d'un bon texte de loi.

Les parlementaires communistes se sont attachés à construire une bonne loi, pérenne et gestionnaire, grâce à des amendements acceptés par la commission.

Je pense à la légalisation de la chasse de nuit et au gibier d'eau à la passée, deux heures avant le lever du soleil et deux heures après son coucher, à la démocratisation des élections aux fédérations départementales, à la responsabilisation des personnes qui ont fait acte de leur opposition à la chasse, à la prise en compte par la loi des départements où se pratiquent les chasses traditionnelles. De nombreuses améliorations sont encore nécessaires, faute de quoi la chasse ne sera pas pacifiée.

Le rôle de l'Office national de la chasse doit être concentré sur une mission de recherche sur la faune et la chasse. Il est temps de mettre un terme aux événements ayant conduit à détourner la structure de sa fonction initiale.

Il faut renforcer le cadre associatif. Les fédérations départementales des chasseurs constituent un outil privilégié de la gestion cynégétique, à mettre au service de l'intérêt général et du service public, avec des missions modernisées et ambitieuses.

Les chasseurs eux-mêmes sont porteurs de projets intéressants pour un meilleur équilibre agro-sylvo-cynégétique.

Au-delà de ces grandes aspirations, il nous faut répondre positivement aux attentes des chasseurs de gibiers d'eau et oiseaux migrateurs qui pratiquent une chasse traditionnelle et populaire.

C'est dans le texte de la directive européenne que se trouve l'origine du principal contentieux, à savoir l'ouverture et la fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs.

La directive définit de grands principes que nous avons repris dans nos amendements à l'article 10, elle ne fixe pas de dates de chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux migrateurs, laissant aux Etats la latitude de fixer eux-mêmes les règles sur la base de rapports scientifiques.

Depuis des années, un calendrier est établi par le Conseil national de la chasse, désormais basé sur la date moyenne d'envol et sur l'indépendance globale des oiseaux. Les principales espèces de canards chassés ont des effectifs stables, voire en hausse, sur les trente dernières années, ce qui serait plutôt à porter au crédit d'une gestion intelligente par les chasseurs.

Aussi convient-il de mettre un terme aux querelles stériles. Le législateur doit s'employer à apaiser les esprits en permettant par voie législative d'établir le calendrier national des dates d'ouverture de la chasse aux gibiers d'eau et oiseaux migrateurs, en tenant compte de la biologie de reproduction des espèces et de leur état de conservation.

Nous proposerons d'amender dans ce sens l'article 10, en rappelant que la décision du Conseil d'Etat à propos de la loi du 3 juillet 1998 ne portait pas principalement sur les dates mais sur le fait que les décrets d'application comprenant les plans de gestion n'ont jamais été publiés (Applaudissements sur de nombreux bancs).

Je rappelle du reste que, le 25 octobre 1999, le Gouvernement français avait précisé à la Cour de justice européenne qu'en l'absence de nidification dans le domaine public maritime, rien ne s'oppose à une ouverture de la chasse anticipée par rapport aux dates en vigueur dans les zones de nidification. Ce qu'exprimait alors le Gouvernement n'est pas si différent de ce que nous disons aujourd'hui, en particulier dans un de nos amendements à l'article 10.

Pour les dates de fermeture, je rappelle que la convention de Berne n'interdit pas la chasse aux oiseaux migrateurs pendant leur trajet de retour vers les lieux de nidification. Par ailleurs, les derniers travaux de l'Institut méditerranéen du patrimoine cynégétique et faunistique et du Club national des bécassiers conduisent à penser que les oiseaux migrateurs ne sont pas en période de reproduction en février, ni même en mars.

On peut donc conclure qu'une fermeture de la chasse aux gibiers d'eau et oiseaux migrateurs le dernier dimanche de février est conforme au principe de protection totale énoncé par la Cour de justice des Communautés européennes, conforme à l'article 7, alinéa 4, de la directive du 2 avril 1979, conforme également aux principes d'une utilisation raisonnée et d'une régulation équilibrée du point de vue écologique, surtout si l'on met en _uvre plus de plans de gestion reposant sur un suivi scientifique des effectifs (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

C'est pourquoi il est fort regrettable que nos amendements portant sur l'ouverture et la fermeture de la chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux migrateurs aient été rejetés par la commission. Ils sont pourtant les seuls qui permettent de sortir de cette impasse dans laquelle le débat sur la chasse est enfermé depuis des années.

Pour ce qui est du jour de non-chasse, je rappelle que, dans la pratique, il en existe déjà, et même plusieurs. S'il est institué par la loi, il faut en tout cas limiter l'interdiction à des horaires diurnes et laisser aux chasseurs la possibilité de choisir un autre jour que le mercredi (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La prise en compte des deux heures pour la chasse à la passée modifie sans doute à la baisse le nombre de départements -42- que nous avons retenu dans notre amendements se rapportant à la législation de la chasse de nuit. Mais faut-il vraiment écarter des départements où la chasse de nuit est pratiquée depuis des décennies -je pense par exemple au Finistère, à la Vendée ou aux Côtes d'Armor- sous prétexte qu'il n'y a que 30, 40 ou 50 postes fixes ? Pourquoi ne pas s'en tenir, plus simplement, à l'existant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Le prélèvement opéré par les chasseurs sur les oiseaux migrateurs et gibiers d'eau est très faible, minime même quand on le compare à des causes bien connues de destruction massive. Je pense en particulier aux développements anarchiques, qu'ils soient industriels, agricoles, économiques ou urbains. Leurs répercussions sont parfois plus profondes dans le temps et l'espace que la simple activité cynégétique. Le 22 février dernier, je prenais pour exemple la catastrophe écologique occasionnée par le naufrage de l'Erika : plus de 500 000 oiseaux mazoutés, des kilomètres de plages souillées, des conséquences incommensurables sur les fonds marins, l'activité de pêche, la conchyliculture et le secteur du tourisme

Il faut agir sur les causes fondamentales de ces désastres écologiques. Il faut réglementer, protéger, encadrer et aider ceux qui _uvrent en ce sens sur le terrain. Les chasseurs en font partie.

La principale faiblesse du texte réside dans les restrictions et dans le dessaisissement de l'élu et du législateur au profit de l'autorité administrative. Or, la chasse a besoin de solutions pérennes et satisfaisantes, dans un esprit d'indépendance, de confiance. Le temps est venu de mettre un terme aux controverses. C'est à quoi nous allons vivement nous employer. Je souhaite que notre débat ouvre des perspectives prometteuses (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur de nombreux bancs du groupe UDF et du groupe du DL).

M. Charles de Courson - Activité aussi vieille que l'humanité elle-même, la chasse fait partie de l'héritage culturel de toute société. Elle fut, dans l'exercice de son droit, une conquête de la Révolution française et reste aujourd'hui, un facteur important de cohésion sociale. Ceux qui ne connaissent pas l'ambiance des sociétés de chasse communales ne savent pas que c'est l'un des loisirs les plus populaires dans le monde rural. Sans doute, y a-t-il certains citadins, ou plus exactement certains intégristes écologiques, pour lesquels la chasse est une hérésie et une pratique d'un autre âge. Mais en face d'eux, plusieurs millions de Français défendent leur pratique et ont le sentiment qu'en s'attaquant à la chasse, c'est en fait à leur culture et à leurs valeurs que l'on s'en prend (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Il en est de la chasse comme de l'amour : pour bien en parler, il faut l'avoir connue. Il faut avoir contemplé un vol de canards au crépuscule venant se poser sur un étang dans le soleil couchant, il faut avoir entendu les légers craquements d'un chevreuil dans le bois et les battements de son c_ur à son approche...

Un député socialiste - Le c_ur du chevreuil, lui, va s'arrêter de battre !

M. Charles de Courson - ...pour comprendre l'attachement viscéral de centaines de milliers de personnes à la chasse. Dans une société devenue majoritairement urbaine, les idées fausses sur les chasseurs sont savamment entretenues par leurs détracteurs.

Il nous faut aujourd'hui enterrer ces clivages afin que la chasse s'affirme comme une activité de gestion harmonieuse de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.

Les chasseurs sont les premiers gestionnaires du gibier, des espaces naturels, des zones humides et des habitats des oiseaux d'eau. Il est en effet de leur intérêt bien compris de protéger les espèces qu'ils chassent et de veiller à l'intégrité des biotopes et à la conservation de leur environnement. Outre qu'elle obéit à des plans stricts de prélèvements, la chasse contribue à prévenir, réduire et indemniser les dommages que des grands animaux peuvent causer aux activités agricoles, à réguler des surpopulations de gibier pouvant compromettre l'équilibre d'un écosystème.

La chasse est donc un élément essentiel d'une gestion équilibrée de la faune sauvage et les chasseurs ont, tout comme les agriculteurs, un rôle environnemental et social incontestable.

Pourtant, les modalités d'exercice de la chasse font l'objet, depuis quelques années, d'un contentieux incessant. En 1999, deux décisions juridictionnelles ont eu pour conséquence l'interdiction de la chasse aux heures crépusculaires et la remise en cause du fonctionnement des associations communales de chasse agréées. La chasse de nuit aux gibiers d'eau, traditionnellement admise dans de nombreux départements, est menacée dans son existence même ; les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage ne sont toujours pas établies d'une façon incontestable ; enfin, les fédérations de chasseurs ont été victimes d'attaques globalement injustifiées.

Ce contexte impose une intervention du législateur. Une réforme d'ampleur doit selon moi s'articuler autour des objectifs suivants. En premier lieu, moderniser les structures via un recentrage de l'ONC sur des missions plus réduites et renforcer le cadre associatif, en s'appuyant sur les fédérations comme outil privilégié d'une gestion cynégétique de proximité. En second lieu, reconnaître le droit de non-chasse, c'est-à-dire le droit de propriété, par un ajustement du statut des ACCA, tout en veillant à ne pas déstabiliser le droit de chasse. Enfin, reconnaître par la loi des pratiques traditionnelles telles que la chasse crépusculaire et de nuit, et inscrire dans la loi des dates échelonnées d'ouverture et de fermeture de la chasse aux migrateurs, conformément au principe de subsidiarité énoncé par la directive de 1979 (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Force est de constater, Madame la ministre, que votre projet ne répond pas à ces attentes. Il ne satisfait d'ailleurs personne, pas plus les écologistes intégristes que les chasseurs, et je présume que bien des espoirs doivent être déçus dans les rangs de la gauche plurielle. Alors que la publication du rapport de M. François Patriat nous faisait attendre une loi ambitieuse, vous abordez les problèmes par le petit bout de la lorgnette. Aucun dessein, aucun souffle ne ressort d'un texte qui non seulement n'apporte aucune réponse satisfaisante sur plusieurs points majeurs mais qui comporte en outre des dispositions totalement inacceptables en l'état.

Le problème des date d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs n'est aucunement tranché mais renvoyé à un décret dont l'avant-projet est inacceptable : 1er septembre-fin janvier pour les dates générales et 10 août-10 février pour certaine espèces, absence d'échelonnement dans l'espace, et très faible échelonnement dans le temps, vous vous contentez de renvoyer à la réglementation communautaire, laquelle ne fixe pas de dates mais des principes. Ce faisant, vous prenez le risque de laisser pourrir une situation déjà dégradée. Votre avant-projet de décret ne respecte pas certains principes de la directive communautaire, par exemple sur les périodes de nidification ou de migration. C'est dans la loi qu'il faut mettre ces dates pour supprimer les contentieux devant la juridiction nationale. C'est à croire que les contentieux ne vous déplaisent pas... (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Vos propositions sur la chasse de nuit ne sont pas plus admissibles. D'une part, vous refusez d'inscrire dans la loi les départements où elle sera provisoirement admise. D'autre part, vous suspendez pour cinq ans l'interdiction de cette activité cynégétique mais ce n'est que pour mieux la supprimer ensuite, car vous gelez les installations à partir desquelles elle pourra être pratiquée et préparez en fait sa disparition totale. Dois-je vous rappeler premièrement qu'il s'agit d'une chasse traditionnelle, deuxièmement que le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 7 avril dernier, n'a jamais entendu la condamner mais a simplement rappelé que, compte-tenu de la hiérarchie des textes, une circulaire administrative ne peut instaurer de restrictions à l'application d'un principe défini au niveau législatif. En conséquence, il a annulé pour excès de pouvoir l'instruction de l'ONC. Enfin, aucune directive communautaire n'interdit la chasse de nuit. Vous proposez d'autoriser la chasse à la passée une heure avant le lever et une heure après le coucher du soleil. C'est insuffisant. Le rapport Patriat préconisait des périodes de deux heures : c'est aussi ce que demande le groupe UDF (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Quant à l'institution d'un jour de non chasse, j'ai peur qu'elle vous pose un problème de constitutionnalité. Ou bien cette décision obéit à un souci de sécurité publique, et dans ce cas elle ne respecte pas le principe de proportionnalité des mesures de police au but poursuivi, ou bien ce n'est pas une mesure de police et dans ce cas vous attentez au droit de propriété (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Il faudrait au moins prévoir l'indemnisation des preneurs ayant contracté des baux de chasse, comme l'exigerait le principe de la responsabilité du fait des lois. Mais disposez-vous seulement d'une ligne budgétaire au titre de cette indemnisation ?

C'est aux fédérations qu'il appartient de fixer les jours de chasse, pas à la loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Certaines, d'ailleurs, interdisent déjà de chasser deux voire trois jours par semaine. Une interprétation littérale de votre texte les empêcherait d'aller au-delà d'une journée hebdomadaire !

M. le Rapporteur - N'importe quoi.

M. Charles de Courson - Votre réforme de la loi Verdeille nous laisse perplexes. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître, conformément à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, le droit de non chasse. Vous connaissez l'attachement de mon groupe au droit de propriété et à la défense des libertés individuelles. Toutefois, nous estimons que les droits dont jouit le propriétaire sont indissociables de ses devoirs et de sa responsabilité, en particulier pour les dégâts causés par le gibier issu de son fonds. Or nous ne trouvons rien à ce propos dans votre texte. Je suis surpris, Madame la ministre, de vous découvrir une conception libérale-libertaire, pour ne pas dire ultra-libérale, du droit de propriété (Sourires). Sur un autre plan, je vous trouve plus conservatrice qu'un hobereau d'ancien régime entiché de ses privilèges quand vous proposez que l'opposition au droit de chasse du propriétaire bailleur s'impose au fermier ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) Vous déniez un droit au fermier sans même songer à l'indemniser. Il serait temps, Madame la ministre, que vous fassiez votre nuit du 4 août sur la chasse ! (Mêmes mouvements) Il serait temps, aussi, que vous cessiez d'être systématiquement en conflit avec le monde rural en général et le milieu cynégétique en particulier. Vous êtes ministre de la République et non ministre des anti-chasseurs !

A votre volonté de blocage, j'opposerai, au nom du groupe UDF, un projet cohérent pour le monde de la chasse. Il y a un mois, nous avons proposé à cette Assemblée d'adopter une proposition portant diverses mesures d'urgence sur la chasse. Il ne s'agissait pas de régler l'ensemble des problèmes en suspens, mais de remédier à la situation créée par l'arrêt du Conseil d'Etat du 7 avril 1999 et celui de la Cour européenne des droits de l'homme du 29 avril 1999. Nous vous offrions l'occasion d'atteindre trois objectifs importants pour le monde rural : mettre notre droit interne en conformité avec les exigences européennes en reconnaissant le droit de non chasse ; autoriser la chasse crépusculaire et la chasse au gibier d'eau dans un cadre juridique stable ; enfin, apaiser les tensions pour que la saison de chasse se déroule dans de bonnes conditions. Equilibrée et consensuelle, notre proposition avait reçu l'assentiment des principaux acteurs du monde cynégétique. Elle a été adoptée au Sénat à l'unanimité et il ne s'en est fallu que de cinq voix pour que notre Assemblée l'adopte à son tour. Ainsi donc, par deux fois, le groupe UDF a montré son attachement à la chasse en lui consacrant son créneau de tir parlementaire.

Nous rejouons aujourd'hui la même partie.

Nous avons déposé près de quatre-vingts amendements, cosignés d'ailleurs par nos collègues des groupes RPR et DL. On voit qu'il y a unité de vue au sein de l'opposition pour ne rien dire des nombreux parlementaires de la majorité qui nous approuvent.

Nous vous proposerons tout d'abord de démocratiser les institutions cynégétiques et de clarifier leurs modalités de fonctionnement, leurs compétences et leurs ressources. L'ONC doit rester une structure publique de gestion de la chasse au lieu de devenir un office banalisé de protection de l'environnement. Nous veillerons, à et égard, au maintien de l'équilibre dans la composition de son conseil d'administration. L'ONC ne doit recevoir que des fonds publics, les fédérations recevant quant à elles des fonds privés, c'est-à-dire les cotisations fixées par les chasseurs et versées par eux. Il nous faut par ailleurs libérer ces structures de la tutelle, héritée de Vichy, qui s'exerce sur elles. Nous devons leur donner un véritable statut associatif et une plus grande autonomie de gestion, y compris dans leur mission de police de la chasse, à l'exemple des fédérations de pêcheurs.

C'est grâce à nos collègues communistes que nous avons pu faire adopter, en commission, un amendement supprimant la nomination des présidents de fédérations par l'autorité administrative. Comment admettre que le Gouvernement, sur le fondement d'une législation héritée de Vichy, continue de nommer les présidents des fédérations de chasse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Attention, toutefois, à l'application du principe « un homme, une voix ». Comment faire voter en un même lieu, le même jour, les 60 000 adhérents de la fédération de la Gironde ? C'est Woodstock ! (Rires)

M. le Président - Nous ne sommes pas à Woodstock, précisément, et c'est pourquoi je vous demande de conclure.

M. Charles de Courson - Nous vous proposerons aussi d'équilibrer la reconnaissance du droit de non-chasse par des contreparties : l'engagement de la responsabilité du propriétaire pour les éventuels dégâts causés par le gibier et le maintien des droits du fermier. S'il est aujourd'hui nécessaire de modifier la loi Verdeille, nous devons néanmoins prendre garde à ce que la reconnaissance légitime du droit de non-chasse n'aboutisse à menacer, à terme, le droit de chasse.

Les périodes de chasse crépusculaire doivent être portées d'une à deux heures. Sans m'attarder sur la définition du crépuscule, qui fait les délices des juristes, je veux préciser que le prélèvement sera d'une trop modeste importance pour porter atteinte aux écosystèmes.

L'inscription dans la loi de la liste des départements où cette chasse est autorisée me paraît indispensable. On ne peut laisser cette pratique dans le non-droit, au moment où vous tentez de programmer sa disparition. Il faut l'autoriser par la loi dans les trente et un départements où elle est traditionnelle, en précisant que cette chasse doit être pratiquée depuis des postes fixes, déclarés en mairie et dotés d'un carnet de prélèvement. Sinon, nous aurons d'interminables contentieux.

Quant à l'épineuse question de la chasse aux oiseaux migrateurs, elle a déjà fait l'objet d'une loi votée par le Parlement. Contrairement à ce qui a été dit, nous ne voulions pas allonger la durée de cette chasse, mais seulement maintenir son calendrier traditionnel. Nous souscrivons aux objectifs de la directive de 1979, mais pas à l'interprétation restrictive qu'en a faite la Cour européenne de justice.

Le groupe UDF a donc déposé un amendement visant à obliger le Gouvernement à engager des négociations au niveau européen en vue de clarifier le contenu de cette directive. Au droit européen de fixer les principes régissant la chasse aux oiseaux migrateurs ; au droit national d'en déterminer les modalités d'application et de régir la chasse aux espèces sédentaires.

La solution ne peut consister à imposer des dates identiques sur l'ensemble du territoire européen.

Telles sont nos propositions pour amender votre texte, qui est inacceptable en l'état, malgré les quelques avancées obtenues en commission. Nous avons tous pour objectif de garantir une gestion durable de la chasse.

C'est le sort réservé à nos amendements qui déterminera notre vote (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jacques Desallangre - Enfin un projet qui répond à la montée des oppositions à la chasse populaire et à la multiplication des contentieux.

Reconnaissons au Gouvernement le mérite de vouloir régler des problèmes en suspens depuis vingt ans, aggravés d'ailleurs, depuis 1994, par l'arrêt abusif de la Cour de justice des Communautés européennes.

Il est temps de légiférer et j'espère que nos amendements, en améliorant substantiellement le texte, nous permettront de préserver la chasse en tant que pratique culturelle et avec elle notre patrimoine cynégétique.

Il y a deux ans, nous avions tenté de pacifier les relations entre chasseurs et opposants à la chasse en adoptant une loi qui, en retirant leur pouvoir d'appréciation aux préfets, devait tarir la source des contentieux. Malheureusement est intervenue entre-temps une décision du Conseil d'Etat faisant sienne l'interprétation abusive retenue par la CJCE de la directive oiseaux.

Celle-ci, dans son article 7, fait référence aux principes « d'utilisation raisonnée » et de « régulation équilibrée ». Elle fixe des objectifs de préservation auxquels nous ne pouvons que souscrire. Mais par définition, une directive « lie les Etats membres quant aux résultats à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». Or la CJCE a abusé de son pouvoir en déterminant la méthode à mettre en _uvre. De plus, dans l'état actuel des connaissances scientifiques, rien ne permettait d'affirmer que la France ne respectait pas les objectifs de la directive.

Cette jurisprudence contestable de la CJCE a mis le feu aux poudres, mais il est aujourd'hui grand temps de sortir de l'opposition stérile entre écologistes et chasseurs. Tout le monde doit participer à la gestion du bien commun ; le but du texte dont nous débattons est de respecter la tradition, les droits des chasseurs, la faune et son cadre de vie.

Les chasseurs ont apporté la preuve de leur capacité à gérer le milieu naturel ; leur collaboration avec les milieux scientifiques chargés de la surveillance de la reproduction des espèces en témoigne. Il faut y ajouter la lutte qu'ils mènent contre le braconnage.

Le projet ne parvient pas encore, hélas, à un équilibre satisfaisant. Bien sûr, il serait préférable que la directive soit renégociée, mais nous ne pouvons nous en tenir à ce souhait : ne rien faire reviendrait à abdiquer devant la Commission européenne et la CJCE.

Les députés du MDC ont donc souhaité proposer des amendements qui modifient substantiellement ce projet, dans un souci d'équilibre indispensable à l'apaisement et la pérennité de la loi.

Vous avez souhaité créer un jour sans chasse, bien que cela ne soit en rien imposé par la directive. Cette interdiction de chasser présente un risque juridique car elle empêche le propriétaire d'un terrain de jouir de son bien. Cette atteinte au droit de propriété peut paraître quelque peu disproportionnée, mais peut-être est-ce une concession nécessaire à la pacification des relations entre les chasseurs et certains non chasseurs. Cependant ce geste doit avoir une contrepartie. J'ai donc retiré l'amendement visant à supprimer l'interdiction de chasser le mercredi, mais déposé un amendement précisant que cette journée sans chasse doit s'entendre de six heures du matin à six heures du matin le lendemain, afin qu'elle ne soit pas doublement préjudiciable aux chasseurs de nuit.

Il est également grand temps de mettre fin au décalage entre le caractère coutumier de la chasse de nuit et l'interdiction de pure forme édictée par la loi de 1844.

Vous proposez, Madame la ministre, de suspendre pendant cinq ans l'application des sanctions, mais cela ne remet pas en cause l'interdiction. Un acte serait donc constitutif d'une infraction sans pouvoir être sanctionné... Ces dispositions ne s'appliqueraient qu'après publication des décrets d'application, ce qui réduirait leur portée. Au-delà des cinq ans, on ne sait pas ce qu'il adviendrait.

Cela n'est pas acceptable. Il nous faut trancher dès aujourd'hui ; il en va de même pour les dates d'ouverture. Nous devons légaliser la chasse de nuit dans les départements où elle est coutumière, c'est l'objet des amendements que j'ai déposés avec Christian Bataille et Félix Leyzour et adoptés par la commission. De même, il est nécessaire d'étendre la chasse à la passée de une heure à deux heures afin de ne pas pénaliser les départements dans lesquels la chasse crépusculaire est coutumière.

Ces amendements sont raisonnables. Nous devons avoir le courage de, peut-être, ne satisfaire pleinement personne.

Quelle que soit la qualité du texte que nous adopterons, les risques de contentieux ne disparaîtrons pas, et rien ne peut nous assurer que la CJCE et le Conseil d'Etat présenteront demain une oreille moins complaisante aux activités anti-chasse. Le Gouvernement doit donc s'engager à faire modifier la directive ou toute norme supranationale qui ne serait pas conforme à notre loi nationale.

Dans ce débat, nous devons être des femmes et des hommes de mesure, mais aussi de courage. Pour leur part, les députés du MDC prendront leurs responsabilités pour faire triompher l'intérêt général. Ils se détermineront sans être prisonniers d'aucune chapelle, sans vouloir faire de la chasse un fonds de commerce électoral ; leur vote dépendra de l'équilibre du texte final qui devra permettre que vive la chasse citoyenne dans un environnement préservé et partagé (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Antoine Carré - Le débat amputé d'il y a un mois sur la proposition de loi de notre collègue Charles de Courson aura été utile : il a permis une nette évolution, plutôt favorable au monde de la chasse, du texte qui nous est présenté. Ainsi allons-nous peut-être arriver, tout en respectant la législation européenne, à concilier les droits et les devoirs des chasseurs et des non-chasseurs.

Le droit de chasse est une conquête de la Révolution et le privilège de chasse fut parmi les tous premiers privilèges féodaux abolis par l'Assemblée nationale dans la nuit du 4 août 1789. Aujourd'hui, la chasse est une activité de loisirs, qui occupe plus de 1,5 million de personnes. Elle faisait partie dans le passé de la vie du monde rural. Maintenant que la société française est devenue majoritairement urbaine, les chasseurs sont dans l'obligation de dialoguer avec les écologistes et les autres amoureux de la nature.

La chasse remplit de nombreuses fonctions au sein du monde rural. Elle a un rôle économique non négligeable, puisqu'à 1 000 chasseurs correspondent environ 16 emplois. L'aménagement des territoires de chasse constitue une source de revenu pour les agriculteurs.

Par ailleurs, la chasse contribue par ses prélèvements à la régulation de la population animale. Les plans de chasse ont obtenu des résultats très positifs, notamment pour les grands gibiers. De plus, la chasse a des effets secondaires favorables sur les espèces, notamment par l'entretien des habitats naturels auquel contribuent les chasseurs.

La chasse respecte, aménage et entretient les territoires ; elle permet de préserver les zones humides. Les chasseurs sont acteurs d'une bonne politique de l'environnement.

La chasse est également l'expression d'une passion et d'une tradition, qui doivent être respectées comme telles. Elle est un facteur de convivialité, de brassage des milieux sociaux. Elle contribue à l'animation de nos bourgs.

Las actions menées par les fédérations départementales de chasseurs, par l'Office national de la chasse et par l'Office national des forêts concourent à valoriser la chasse tout en préservant l'espace naturel.

Mais venons-en au projet.

En commission, beaucoup des amendements de l'opposition ont été rejetés. Je le regrette et j'espère que la séance publique permettra d'arriver à un accord satisfaisant pour tous.

L'article 6 tend à régler les nombreux problèmes résultant de la loi Verdeille, qui prévoit le regroupement des terres des propriétaires de la commune, mais n'opère aucune distinction entre propriétaires chasseurs et non-chasseurs. Ce dispositif a suscité une opposition très forte des associations de protection des animaux et de la nature. Les opposants à la chasse ont été contraints d'accepter le passage des chasseurs chez eux.

L'arrêt de la Cour européenne a sonné le glas de cette loi en invoquant le non-respect du droit de propriété, l'atteinte à la liberté d'association et une discrimination entre petits et grands propriétaires.

Le projet reconnaît un droit d'opposition à la chasse, mais nous apprécions que la commission ait jugé utile d'inscrire au même article les devoirs des propriétaires exerçant leur droit de non-chasse, et notamment leur responsabilité en matière de dégâts occasionnés par le gibier provenant de leurs fonds.

En revanche, je ne suis pas d'accord pour permettre aux propriétaires d'autoriser, à titre gratuit, des prélèvements visant à prévenir ou à arrêter une prolifération du gibier. Cela peut revenir à organiser des chasses privées dont la gratuité pourrait n'être que de façade.

Le projet aborde dans son article 10 l'épineux problème de la fixation des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse. La loi de 1998 prévoyait, selon les espèces, un étalement de ces dates du 14 juillet à la fin février. Mais les dates retenues n'ont pas été considérées comme conformes à l'article 7 de la directive européenne de 1979. Les chasseurs demandent que ces dates soient fixées dans la loi, voire prolongées pour certaines espèce de gibier d'eau.

Vous proposez, Madame la ministre, que ces dates soient fixées par l'autorité administrative dans une période allant du 1er septembre au 31 janvier. Ce n'est pas acceptable.

Plusieurs problèmes subsistent, qu'il s'agisse de la chasse au pigeon ramier, à la grive ou à la bécasse, qui se pratique dans nombre de pays européens après le 10 février. Allez-vous interdire la chasse de ces espèces après cette date ?

Ce même article institue un jour de non-chasse, fixé le mercredi, dont le principe ne correspond à aucune tradition dans notre pays. Aussi nous opposons-nous, sachant qu'il est de surcroît déjà effectif dans de nombreux départements en l'absence de toute obligation légale.

L'article 11 comprend les dispositions relatives à la chasse à la passée et alors que le texte initial prévoyait une durée de chasse limitée à une heure avant le lever et une heure après le coucher du soleil, nous sommes satisfaits de voir que les arguments de l'opposition l'ont emporté lors de l'examen en commission et que celle-ci est revenue sur ces dispositions.

Un grand pas en avant a été fait avec la légalisation da la chasse de nuit. Ce mode de chasse retrouve ainsi le fondement juridique qu'il avait perdu avec l'arrêt du Conseil d'Etat du 7 avril 1999, qui a annulé pour excès de pouvoir les dispositions de l'instruction du 31 juillet 1996, relative aux dispositions applicables à la police de la chasse aux gibiers d'eau.

Un point important de désaccord demeure cependant quant à la liste des départements dans lesquels la chasse de nuit est autorisée. Les chasseurs ont en effet consenti un effort considérable en revendiquant ce droit non plus pour 42 départements -où cette chasse est traditionnelle mais seulement pour 31, conformément à la liste dressée par l'association des chasseurs de gibier d'eau, qui mérite la confiance de la représentation nationale. Dans ces conditions, pourquoi avoir limité à 20 la liste des départements concernés ? Peut-on interdire à des chasseurs de chasser la nuit, au motif qu'ils n'habitent pas le bon département ? Cette mesure n'est pas raisonnable !

J'en viens à une mesure adoptée par voie d'amendement lors de l'examen en commission : le principe « un chasseur, une voix » dans les assemblées générales des fédérations départementales des chasseurs. Ces assemblées statueraient ainsi à la majorité des voix exprimées, chaque titulaire de permis de chasse disposant d'une voix. L'opposition unie a voté contre cet amendement, à cause des problèmes matériels que rencontreront inévitablement les fédérations qui comptent beaucoup de chasseurs. Pour perfectible qu'il soit, le système actuel assure une meilleure représentativité que celui qui nous est proposé aujourd'hui.

Enfin, je souhaite insister sur la question des sanctions. En effet, un amendement présenté par plusieurs députés du groupe Démocratie Libérale vise à confisquer leurs armes ou leurs véhicules à ceux qui seront surpris en train de chasser sur des terrains non clos privés. Cet amendement a été rejeté en commission, mais j'espère que nous pourrons en débattre dans les prochaines heures.

Je mesure les efforts qui ont été faits de part et d'autre pour arriver à des compromis, mais ce texte comporte encore bien des dispositions qui ne nous satisfont pas. Le groupe Démocratie Libérale et Indépendants déterminera son vote en fonction du sort qui sera fait aux amendements de l'opposition. Pour le moment, il s'oriente plutôt vers un vote négatif (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Christian Bataille - En sept siècles, relativement peu de textes sont intervenus pour réglementer la chasse dans notre pays : une ordonnance de Charles VI en 1366, François Ier en 1515, Henri IV en 1601, Louis XIV en 1669, puis ce fut la nuit du quatre août, Cher Monsieur de Courson, et plus tard la loi de 1844. C'est dire que le rendez-vous que vous nous fixez, Madame la ministre, en ce printemps 2000 est important. Après cent cinquante ans, après la loi de 1941 et celle de 1964 dite loi Verdeille, vous nous présentez une loi de chasse adaptée à notre temps.

Dans quel contexte intervient-elle ? Assurément, d'abord, un contexte européen qui doit nous conduire à adapter le droit national au cadre communautaire. La compatibilité de notre législation n'étant pas établie, la France a fait l'objet d'un certain nombre de critiques et il est plus que temps d'y remédier.

Des préoccupations de nature éthique interviennent également avec l'émergence d'une sorte d'« objection de conscience » à la chasse. Nombre de nos concitoyens discutent le bien-fondé de cette pratique ancestrale et la France, terre de tolérance, ne peut méconnaître leur point de vue. Pour garder toute sa dimension de loisir populaire, la chasse doit être modernisée et le rôle de ceux qui la pratiquent comme de ceux qui l'animent doit être redéfini. Notre rapporteur, chasseur lui-même et homme de sagesse, a pris toute la mesure du problème et le rapport qu'il a remis au Premier ministre inspirera l'ensemble de nos débats. Je souhaite donc lui exprimer ici l'hommage du groupe socialiste.

Le premier de nos objectifs est de faire en sorte qu'il soit possible de chasser en France dans le respect du droit. Sans revenir sur les difficultés d'application du droit européen, je m'attarderai sur les propositions 52 et 53 du rapport Patriat, qui tendent respectivement à déterminer par la voie législative des dates d'ouverture et de clôture de la chasse compatibles avec la directive et à fixer par décret en Conseil d'Etat des dates butoirs pour la chasse au gibier d'eau -du 10 août au 10 février- et à régulariser la chasse de nuit dans un nombre limité de départements. L'économie de ces deux propositions est fidèlement transcrite dans l'article10 du projet auquel le groupe socialiste adhère sans réserve.

Chasser en France dans le respect des consciences constitue un défi à l'intelligence et à la réflexion dépassionnée. En avril 1999, la Cour de justice des Communautés européennes a rendu un arrêt qui a induit des modifications du droit français de la chasse, principalement pour ce qui concerne le régime des associations communales de chasse agréées, que le texte reprend et auxquelles notre groupe souscrit.

C'est ce que certains appellent le droit de non-chasse. L'idée, qui s'installe progressivement dans les esprits, est que la nature doit prendre le caractère d'un sanctuaire et que la fonction nourricière de la chasse n'a plus lieu d'être.

Nous devons aussi moderniser la chasse pour faire en sorte qu'elle reste le loisir à fort contenu symbolique qu'elle a vocation à être. Notre rapporteur a fait en ce domaine des propositions avancées dont nous entendons bien nous inspirer. Nous répondons oui à ceux qui plaident pour une chasse école du code social, de l'être ensemble et de l'approche de la nature. Assurément, si la chasse n'est plus pour l'homme une activité de subsistance, elle peut rester une école de découvertes. Elle ne doit pas tendre à susciter des affrontements mais se constituer un espace de coexistence de cultures diverses. Tel est le sens de la notion de « non-chasse » et tels sont les principes qui nous guident. Certes, il y a parfois loin des principes à la règle, mais notre discussion devra y pourvoir. Je comprends les effets de tribune recherchés ici par les orateurs de l'opposition... (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) mais ne faisons pas semblant d'ignorer que des amendements importants ont d'ores et déjà été adoptés en commission, à l'initiative de notre rapporteur et du groupe socialiste.

M. Charles de Courson - Et de l'opposition !

M. Christian Bataille - Nous reviendrons dans la discussion des articles sur un certain nombre d'ouvertures que les socialistes proposeront pour respecter le loisir populaire qu'est la chasse avec ses particularismes. Je me contente de les énumérer rapidement : légalisation de la chasse de nuit, chasse à la passée, respect du statut du fermage, usage des palombiers, limitation des introductions de prédateurs...

Madame la ministre, il y a plus de cent cinquante ans, le Garde des Sceaux du gouvernement Soult, qui siégeait à votre place, s'appelait Nicolas Martin dit Martin du Nord, ce que je ne peux noter qu'avec intérêt. Si nos prédécesseurs du XIXème siècle avaient la conviction de légiférer pour cent ans, aujourd'hui, aucun de nous ne peut avoir de telles prétentions. Pour autant, et même si la modestie droit l'emporter, j'ai la conviction que la loi Voynet, amendée par M. Patriat et par les différents groupes de notre Assemblée, traduira le respect mutuel, l'esprit de tolérance et d'équilibre auquel nous aspirons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Lemoine - Retrouver une chasse apaisée, j'emprunte cette excellente formule à notre rapporteur, est notre unique objectif. Il n'est que temps de mettre fin à la véritable guerre de religions qui oppose les écologistes politiques et les chasseurs.

L'intérêt d'une loi est de prévenir ou de régler les conflits qui peuvent exister entre une minorité de nos concitoyens et 1 500 000 personnes qui souhaitent continuer de pratiquer raisonnablement leur loisir favori. Une minorité, dis-je, car la chasse n'est pas un sujet de société conflictuel. Elle souffre peut-être de l'indifférence ou de l'ignorance de nos concitoyens, mais non de leur hostilité. Selon une étude récente de l'institut d'études sociologiques COFREMCA, la chasse est, pour l'opinion, culturellement légitime et profondément enracinée. Et les non-chasseurs pensent que son interdiction porterait atteinte à la liberté. Nous devons donc lui donner sa légitimité.

Nous aurions aimé un texte inspiré de la loi sur la pêche en eau douce. Ce projet est moins ambitieux. Largement, mais insuffisamment, amendé par la commission, il demande encore beaucoup de modifications pour atteindre notre but commun : permettre une chasse apaisée. Pour cela il faut instaurer un climat de confiance et de compréhension ; inscrire dans la loi tout ce qui peut mettre fin aux contentieux qui ont créé ce climat délétère ; mettre en place les outils nécessaires de la gestion cynégétique ; enfin supprimer les obstacles à la réconciliation. C'est d'ailleurs à peu près ce que vous avez dit, Madame la ministre. Je n'ose donc imaginer que vous allez refuser les amendements, qui sont tous raisonnables.

Pour instaurer un climat de confiance, nous devons informer objectivement le monde des écologistes politiques, pour le rassurer et restaurer l'image des chasseurs. Il faut rappeler aux opposants à la chasse ce qu'ils ignorent ou refusent de voir : que les chasseurs sont les premiers protecteurs des milieux naturels et des espèces. Ils ont mené et financé des études à ce sujet, et travaillé avec les agriculteurs pour réaliser les aménagements indispensables à la préservation de la faune. Ils ont mis en place les plans de chasse pour le grand gibier, dont on mesure aujourd'hui l'efficacité. Ils ont créé des réserves et ont sauvé nombre de zones humides. Tel est le comportement des vrais chasseurs. En défendant des amendements destinés à dissiper les contentieux existants, nous apporterons la preuve que nos propositions sont compatibles avec la préservation et le développement de toutes les espèces et permettent entre tous les amoureux de la nature une cohabitation harmonieuse -expression que je préfère à celle de « partage de l'espace ». C'est le sens de l'instauration et de la généralisation des plans de gestion, des carnets de prélèvement, de la possibilité donnée aux fédérations de chasseurs de fermer la chasse un ou plusieurs jours par semaine, voire une saison entière pour certaines espèces, en fonction des circonstances, ou encore d'arrêter des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs sur la base d'études scientifiques.

Restaurer l'image des chasseurs, c'est faire connaître au public le monde cynégétique, son organisation, les actions qu'il mène, et son poids dans l'économie. Cela requiert une organisation dotée de missions claires, encadrées par une réglementation précise et fiable. Celle-ci doit conforter le rôle des chasseurs et confirmer leur responsabilité dans l'organisation de la chasse. Bref, il faut tout simplement leur faire confiance, et les rassurer, tâche délicate après les agressions verbales qu'ils ont subies.

Pour cela, il faut que le texte que nous allons voter ne comporte aucune disposition que les chasseurs pourraient interpréter, à tort ou à raison, comme une nouvelle humiliation ou une nouvelle contrainte injustifiée.

Il faut inscrire dans la loi tout ce qui peut mettre un terme aux contentieux existants, qui concernent les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs, la chasse de nuit, la chasse à la passée et le mercredi jour de non-chasse. En ce qui concerne les dates de la chasse aux oiseaux migrateurs, nous devons revenir à la loi du 3 juillet 1998. Ce bon texte, équilibré, fondé sur des données scientifiques, n'augmente pas, comme on l'a prétendu, les périodes où l'on peut chasser, qui sont d'ailleurs plus restreintes en France que dans d'autres pays d'Europe. De plus, en prévoyant des plans de gestion pour les espèces qui ne présentent pas un état de conservation favorable, cette loi est conforme à l'esprit de la directive de 1979. On ne peut que regretter, Madame la ministre, que vous n'ayez pas pris les mesures réglementaires nécessaires à la mise en place des plans de gestion, ce qui a abouti à la situation actuelle. Le mémoire par lequel le ministre des affaires étrangères a entrepris de justifier, auprès de la Cour de justice européenne, le bien-fondé juridique et biologique de la loi de 1998, doit nous permettre de sortir de cette impasse. Si l'Assemblée adopte les amendements acceptés en commission pour légaliser la chasse de nuit et la chasse à la passée, elle permettra de pérenniser cette pratique populaire...

Enfin, la réforme de la loi Verdeille sur les ACCA doit avoir pour effet d'harmoniser la gestion de la chasse, le respect du droit de propriété et la liberté d'association. Il faudra toutefois veiller, comme l'a fait la commission, à éviter que le droit de non-chasse remette en cause le statut du fermage, qui prévoit un droit de chasse au preneur.

Quant au jour de non-chasse, il est impératif d'en laisser la responsabilité aux chasseurs. Ils ont prouvé leur aptitude à assumer cette responsabilité et percevraient comme une agression l'instauration du mercredi comme jour de non-chasse : elle signifierait que la chasse est un sport dangereux et condamnable, dont on veut priver et les enseignants et les jeunes scolarisés... (Applaudissements sur divers bancs)

Retrouver une chasse apaisée suppose enfin qu'elle soit dotée des outils et moyens indispensables à la gestion cynégétique. Ces outils existent. Ils doivent être confortés et leurs missions précisées. Il faut tout d'abord réaffirmer le rôle de l'ONC, financé par les chasseurs. L'Union nationale des fédérations de chasseurs, en regroupant les fédérations départementales, permettra de défendre les intérêts des chasseurs au niveau national. L'élaboration de la charte nationale de la chasse, véritable code de bonne conduite, contribuera à la promotion et à la défense de la chasse. Enfin, les fédérations départementales doivent voir réaffirmée leur mission de service public. Elles pourraient recevoir utilement de nouvelles tâches, avec la mise en place d'un guichet unique pour la validation du permis de chasser et l'indemnisation des dégâts causés par le gibier.

Nous devons enfin supprimer tous les obstacles à la réconciliation. Cela requiert notamment une mesure qui ne dépend pas du législateur, mais du Gouvernement. Les rapports entre les chasseurs et leur ministère de tutelle sont devenus détestables, et un dialogue serein entre eux est devenu impensable. Il est donc nécessaire de confier la gestion de la chasse au ministère de l'agriculture, comme autrefois et comme ailleurs, ou au ministère de la jeunesse et des sports. A vous, Madame, qui représentez le Gouvernement, je demande solennellement, comme l'ont fait unanimement les participants du colloque sur la chasse, d'_uvrer dans ce sens, afin de lever un obstacle à la réconciliation entre les chasseurs et leurs opposants.

Voilà l'état d'esprit raisonnable dans lequel nous abordons ce débat. L'objectif de notre rapporteur, instaurer une chasse apaisée pour longtemps, est celui du groupe RPR, qui décidera de son vote à l'issue des débats (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Maxime Gremetz - Je m'associe pleinement aux analyses de mon ami François Liberti. Le parti communiste a toujours été aux côtés des chasseurs, notamment face à cette trop fameuse directive 79/409, il y a plus de vingt ans. A l'exception des communistes, tous les députés français du Parlement européen ont alors entériné ce texte qui menace gravement l'avenir de la chasse populaire. Aujourd'hui, nous payons le prix de cette cécité collective. J'aimerais d'ailleurs que dans le présent débat nous ne commettions pas les mêmes erreurs, en nous limitant à quelques demi-mesures qui seraient perçues dans nos départements comme une véritable provocation. Nous voulons tous que la chasse retrouve sa place au c_ur de l'espace rural, loin des tribunes politiques et des prétoires. Les chasseurs sont des acteurs irremplaçables de la protection de la nature. On a tendance à oublier qu'ils n'ont pas seulement des droits, mais aussi des devoirs, qu'ils assument de façon responsable.

Sur cette loi, les députés communistes ont une position légitime et raisonnable, pour la défense de la chasse populaire.

Au-delà des problèmes de structures, nous avons demandé au Gouvernement de régler quatre points essentiels. La chasse à la passée doit être autorisée deux heures après le coucher du soleil et deux heures avant son lever. Il faut supprimer le mercredi comme jour obligatoire de non chasse. La chasse de nuit doit être légalisée dans les quarante-et-un départements concernés. Enfin, les dates d'ouverture et de fermeture doivent être inscrites dans la loi et permettre la chasse de juillet au 28 février, selon les espèces, avec des dates échelonnées. Nous avons obtenu certaines satisfactions sur la chasse à la passée et la chasse de nuit, mais il y a encore à faire. J'ai évoqué les devoirs des chasseurs. A lire le texte du Gouvernement et le rapport de la commission, on constate que les mesures de gestion imposées aux chasseurs sont très restrictives. Ainsi prévoit-on d'instaurer des carnets de prélèvement et la déclaration obligatoire, en mairie, pour les huttes. Il y a même une disposition choquante sur le gel des installations au 1er janvier 2000, qui empêche tout aménagement et sauvegarde des zones humides. De plus, les prélèvements maximum autorisés par chasseur seront généralisés. Bien évidemment, des plans de gestion vont être mis en _uvre. Si l'on y ajoute les plans de chasse, les schéma départementaux de mise en valeur cynégétique et la gestion départementale des dégâts de gibier, cela fait beaucoup !

De plus les sanctions pénales sont aggravées, avec la confiscation possible des armes et véhicules et, dans certains cas, le retrait définitif du permis de chasse. En revanche, passent à la trappe des mesures comme une définition claire du marais ou la recherche et le tir à trente mètres au-delà de la nappe d'eau, pour faciliter la vie des bécassinières. Au total, les devoirs des chasseurs sont largement supérieurs à leurs droits.

Nous ne voulons pas pratiquer la surenchère, mais rétablir l'équilibre dans un texte qui, dans son état actuel, est un véritable étouffoir pour la chasse. Ne parlons pas du transport des appelants ou de celui du gibier d'un département à l'autre, pour lequel toute souplesse est interdite. Ceux de mes collègues qui croient encore que ce texte est favorable à la chasse devraient réfléchir ! En conservant des mesures symboliques comme le jour de non chasse ou des dates uniques pour l'ouverture et la fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs, il bride encore plus la chasse populaire. Un jour de non chasse, c'est un mois de chasse perdu sur l'ensemble de la saison. Mais il y a pire : si ce jour de non chasse, comme l'a annoncé le rapporteur, s'entendait de minuit à minuit, ce seraient deux nuits de chasse perdues par semaine, soit près de deux mois sur toute la saison. Heureusement, la commission a accepté notre proposition d'en exclure la chasse de nuit.

Avec les dates uniques d'ouverture du 1er septembre au 31 janvier, on peut réduire de deux mois et demi la chasse au gibier d'eau. Pourtant, l'ANCGE a fait une proposition constructive avec une liste de trente-et-un départements, au lieu de la liste initiale de l'ONC qui en retenait quarante-deux.

Je ne voudrais pas que cette loi, annoncée comme celle de l'apaisement, se transforme en loi de la colère pour des centaines de milliers de ruraux passionnés et responsables.

Aucun des gouvernements précédents, même disposant d'une majorité écrasante, n'a eu le courage de mener à bien un toilettage des textes réglementant la chasse.

La chasse est un formidable vivier associatif, avec ses 50 000 associations locales. Nous devons faire confiance aux chasseurs, en les responsabilisant et en les respectant.

Prenons garde à ne pas détruire cette forme réussie d'autogestion, unique en Europe. Certains voudraient que seul l'Etat s'occupe de la chasse. Quelle erreur ! Je m'oppose à ce que d'autres que moi appelleraient la soviétisation de la chasse française (Exclamations et applaudissements sur les sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Il est certains points sur lesquels il est impossible de transiger : les dates échelonnées de juillet à février pour la chasse aux migrateurs (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), inscrites dans la loi, et la légalisation de la chasse de nuit dans les 31 départements, eux-mêmes énumérés dans la loi.

Je conseille enfin au Gouvernement d'envoyer dès le 4 avril à Bruxelles des négociateurs expliquer le vote de l'Assemblée et trouver un compromis acceptable (Mêmes mouvements).

M. Jacques Le Nay - Le 22 février dernier la proposition du groupe UDF portant diverses mesures relatives à la chasse a été renvoyée d'extrême justesse en commission. Ce vote très serré a exprimé la volonté des parlementaires de mettre un terme à une situation faite d'une succession de conflits et de contentieux.

La pratique de la chasse ancrée dans nos traditions depuis la Révolution, doit son existence à la conservation d'espaces cynégétiques et à la préservation de la faune sauvage. Les chasseurs ont été les plus ardents défenseurs de cet équilibre, comprenant que les prélèvements opérés ne doivent pas compromettre la survie des espèces. Ils savent que la régulation des populations de gibier doit s'effectuer dans le respect des autres activités du monde rural. L'office national de la chasse et les fédérations départementales ont assumé ce rôle de gestionnaire depuis des décennies. C'est en gardant à l'esprit ces données essentielles que nous devons légiférer, afin que la chasse tienne toute sa place dans notre société. Une adaptation des règles est assurément nécessaire. Il est indispensable que la loi définisse le rôle des structures juridiques chargées de l'organisation de la chasse, les conditions dans lesquelles la chasse doit continuer à s'exercer, enfin les dates d'ouverture et de clôture de la chasse, source permanente de querelle.

Nous avons examiné le projet. Pour être acceptable, il doit être substantiellement amélioré. Aussi avons-nous déposé de nombreux amendements, pour prendre en compte les intérêts multiples des utilisateurs de l'espace rural et ceux des chasseurs parfois caricaturés à tort.

L'évolution des structures publiques et la modernisation des institutions cynégétiques sont une nécessité sur laquelle le Gouvernement ne s'engage pas suffisamment. Nous proposons de mieux partager les missions, les compétences et les ressources respectives de l'ONC et des fédérations. Nous souhaitons que celles-ci disposent d'une plus grande autonomie, en particulier le droit de fixer les jours de non-chasse. Les fédérations jouent en effet un rôle important dans la préservation et la gestion de la faune, et représentent une force de proposition auprès du ministère de l'environnement, et aussi de celui de l'agriculture. Pourquoi ce dernier n'est-il pas impliqué dans le projet, alors que les directions départementales de l'agriculture sont les interlocutrices directes des fédérations ?

Le projet doit mettre un terme aux lourds contentieux entre les fédérations de chasseurs et les associations revendiquant l'hostilité à la pratique de la chasse. La fixation des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs est un problème complexe sur lequel le texte ne tranche aucunement. Les principes posés par la directive de 1979 doivent être appliqués, mais celle-ci ne fixant aucune date, chaque Etat membre peut définir la méthode et les dates de son choix.

Nous sommes favorables aux dispositions de la loi du 3 juillet 1998, c'est-à-dire à la fixation de dates échelonnées selon les espèces, avec des plans de gestion pour celles dont l'état de conservation n'est pas satisfaisant.

L'article 10 du projet ne permettra pas de régler les litiges relatifs à ces dates. J'espère qu'une large majorité se dégagera pour traiter la question comme il convient.

Sur les chasses crépusculaires et de nuit, les débats en commission laissent augurer des avancées possibles. Nous verrons comment se déroulera la discussion. Seule une inscription précise dans la loi permettra de faire cesser les contentieux.

De même nous pourrions trouver un accord sur le droit de non-chasse, sous réserve de clarifier les responsabilités en cas de dégâts ou d'accidents occasionnés par des animaux ayant trouvé refuge sur des terres où la chasse serait interdite. S'il est normal de reconnaître aux propriétaires un droit de non-chasse, il convient en effet d'équilibrer ce droit pour des devoirs imposés aux propriétaires lorsque des dégâts sont provoqués par du gibier provenant de son fonds. Il est surprenant que le Gouvernement n'y ait pas songé. Certains propriétaires découvriront peut-être alors la raison d'être de la chasse. Déjà les fédérations de chasseurs, les associations communales ou privées ont accompli de grands efforts pour faire comprendre l'intérêt de la chasse. Elles ont organisé des séances de formation et de découverte à l'intention des jeunes. C'est le cas en Bretagne, où un CD-ROM a été réalisé à destination des écoles.

Pour améliorer le projet, le groupe UDF a fait des propositions. Nous espérons être entendus. C'est en fonction du sort réservé à nos amendements que nous voterons le projet ou non (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Noël Mamère - Je souligne d'emblée le courage de ce Gouvernement et en particulier de la ministre de l'environnement. Pour la première fois depuis que le ministère de l'environnement existe, un projet global sur la chasse est présenté au Parlement. Pour la première fois, on ose s'attaquer à une question qui paraissait taboue.

Le projet résulte d'un travail entamé dès juin 1997. Vos prédécesseurs avaient toujours reporté à plus tard le règlement des problèmes liés à la pratique de la chasse. De petits mensonges en grandes hypocrisies, ils s'étaient toujours rangés au statut quo, laissant ainsi les problèmes en suspens. La palme du double langage revient probablement à certains de nos collègues de l'UDF qui, en juillet 1998 puis en février dernier, ont cru bon d'inscrire dans la loi des dispositions contraires au droit européen, alors même que la directive de 1979 avait été contresignée par MM. Giscard d'Estaing, Barre et François-Poncet, tous trois UDF ! (Protestations sur les bancs du groupe UDF)

Il est tout à votre honneur, Madame la ministre, d'avoir osé vous attaquer aux problèmes. Cela vous a valu d'être la cible d'attaques et d'insultes dont on ne savait plus très bien si elles étaient dues à vos convictions où à votre condition de femme (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Je voudrais maintenant prendre la défense de la chasse populaire et du chasseur de base (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) c'est-à-dire du chasseur raisonnable, soucieux des équilibres naturels.

Pour s'adonner à son loisir, il doit adhérer à une fédération départementale de chasseurs. Il n'a pas le choix, il n'y en a qu'une par département (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Pour adhérer, il doit payer une cotisation, mais sans avoir jamais son mot à dire sur le montant de celle-ci, ni sur la façon dont sera utilisé l'argent (Mêmes mouvements). Il pourra participer à l'assemblée générale annuelle, mais ne pourra prendre part à aucun vote (Mêmes mouvements) ni le moins du monde contribuer à la définition de la politique à suivre. En aucun cas, il ne peut participer à l'élection de ses représentants. Où est la démocratie dans tout cela ? (Mêmes mouvements)

Ceux qui nous parlent sans arrêt de chasse populaire disent en réalité au chasseur de base ; paye, chasse et tais-toi ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Vous pouvez vociférer tant que vous voulez, messieurs, vous ne faites que flatter ceux qui, en défendant l'ultra-chasse, enterrent la chasse populaire !

Les Verts souhaitent que les structures de la chasse se débarrassent des habits taillés par le régime de Vichy, oui de Vichy, et qu'on donne une vraie possibilité aux chasseurs du peuple -je ne parle pas des populistes, Monsieur Gremetz- de s'exprimer directement ou par des représentants élus démocratiquement. Il faut mettre fin à la dictature d'une poignée de dirigeants nantis qui abusent du pouvoir que leur donne l'argent des cotisations obligatoires (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL), lesquelles représentent, en comptant seulement la redevance cynégétique et la cotisation à la fédération départementale, plus de 1,4 milliard par an.

D'ailleurs, j'ai lu dans le dernier numéro du Chasseur français un éditorial de son rédacteur en chef soulignant qu'il y a des zones d'ombre dans les comptes de la chasse, que la Cour des comptes en a pointé quelques uns et que les chasseurs ont le droit de savoir où va vraiment leur argent.

Nous ne remettons pas en cause la fédération unique et la cotisation obligatoire, encore qu'il serait souhaitable d'y réfléchir. Mais nous tenons absolument à un fonctionnement démocratique des fédérations selon le principe « un homme, une voix » et à un contrôle financier de l'Etat sur l'utilisation des cotisations, qui constituent une forme de prélèvement obligatoire et sont donc, d'une certaine façon, des fonds publics.

Nous sommes convaincus que si la démocratie régnait, les problèmes de dates et d'heures de chasse pourraient être discutés dans un climat serein, car la grande majorité des chasseurs sont raisonnables et savent que la pérennité de leur loisir suppose celle des espèces. Mais à côté, nous avons affaire à une poignée d'irréductibles et d'irresponsables qui ont fait croire aux autres que toute la chasse était menacée.

Je voudrais aussi défendre ici les non-chasseurs, écrasante majorité qui fait peu parler d'elle.

La Cour européenne des droits de l'homme a condamné notre pays pour ne les avoir pas pris suffisamment en compte. La loi Verdeille doit être modifiée pour reconnaître le droit d'un citoyen à s'opposer à ce que l'on chasse sur sa propriété. Et attention, faire valoir ce droit de non-chasse, que je préférerais appeler doit de gîte, ne doit pas tourner au parcours du combattant. Il faudra veiller à ce que des conditions draconiennes ne le rendent pas impossible à exercer.

On dit la chasse en crise, mais quels sont les chasseurs qui ont des problèmes ? Seulement les chasseurs de migrateurs, et seulement parce qu'on envisage d'appliquer totalement une directive européenne datant de 1979 ainsi que le code rural ! Certains chasseurs se pensent en effet au-dessus des lois. Ils pratiquent la chasse de nuit alors qu'elle est interdite depuis 150 ans, ils chassent la tourterelle en mai ou le pigeon ramier en mars alors que la loi ferme toute chasse au 28 février. Certains « nemrods » considèrent donc comme crime de lèse majesté le fait que le gouvernement de Lionel Jospin ait décidé de restaurer l'état de droit ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Pour connaître les raisons de la vraie crise de la chasse, il suffit de fréquenter les assemblées des sociétés de chasse. Ce sont : l'absence de démocratie dans le fonctionnement de la chasse, l'augmentation des prélèvements obligatoires, le manque de transparence financière des fédérations départementales, l'utilisation des fonds à des fins politiques ou personnelles et, bien sûr, la raréfaction du gibier -due essentiellement à la disparition des habitats et à la pollution par les produits chimiques.

C'est cette crise-là que nous devons résoudre ensemble. Dans cette optique, je tiens à rendre hommage au travail de M. Patriat qui, après avoir rencontré tous les acteurs concernés, a su faire des propositions de compromis. C'est donc sur une base solide que s'est appuyé le Gouvernement. Le résultat est un projet équilibré qui répond de façon satisfaisante aux exigences de la législation européenne, qui dépoussière notre droit et qui prend en compte la nécessaire protection de la faune et de la flore ainsi que le développement d'un grand nombre de nouvelles activités. Malheureusement, certains amendements de la commission, démagogiques et dictés par les tenants de l'extrême-chasse, compromettent cet équilibre (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Il ne reste alors plus grand chose du rapport Patriat. En effet, on supprime le contrôle financier des fédérations de chasse. On exclut les associations de protection de la nature du conseil d'administration de l'établissement public. On transfère les fonds d'indemnisation des dégâts de gibier de l'Etat vers les fédérations de chasseurs, soit un cadeau d'environ 200 millions aux chasseurs. On supprime le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, instance de concertation entre les différents usagers du milieu naturel. On crée une série de contraintes supplémentaires pour ceux qui voudraient bénéficier du droit d'interdire la chasse sur leurs terres. On légalise la chasse de nuit. On étend les heures de chasse à la passée à deux heures après le coucher et deux heures avant le lever du soleil alors que tout un chacun peut constater qu'à ces heures-là, il fait nuit, et qu'il est donc impossible, même à un bon chasseur, de reconnaître les espèces (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Le Gouvernement nous a proposé un texte sérieux et bien construit. Nous pouvons l'améliorer mais, de grâce, ne remettons pas en cause les fragiles équilibres qu'il était arrivé à établir. Notre rôle de parlementaires est de veiller à ce que le patrimoine naturel que nous devons transmettre à nos enfants ne soit pas dilapidé. Nous sommes également responsables de l'établissement de règles qui permettent à tous nos concitoyens de cohabiter en paix. Nous devons aussi respecter la réglementation européenne, particulièrement celle qui a fait l'objet d'une adoption à l'unanimité à un moment où notre pays assurait la présidence de l'Union, et nous devons éviter d'être condamnés par la Cour de justice des Communautés européennes, particulièrement au moment où la France s'apprête à assurer la présidence de l'Union européenne.

Pour terminer, je souhaiterais parler au nom de l'immense majorité de chasseurs raisonnables (Vives exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Ils ne s'expriment pas beaucoup mais ils sont inquiets... (Mêmes mouvements) S'ils se comportaient comme vous le faites en ce moment dans l'hémicycle, je ne les qualifierais pas de raisonnables ! Ils sont inquiets, disais-je, parce qu'ils se rendent compte qu'une poignée d'irresponsables de votre espèce sont en train de les emmener dans le mur et de tuer la chasse populaire que nous voulons défendre (Mêmes mouvements et applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - Monsieur le Président, M. Mamère a mis en cause de façon inacceptable certains de ses collègues de droite.

Je suis chasseur depuis mon plus jeune âge, Monsieur Mamère, et je ne puis accepter vos propos. Je vous demande de les retirer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. le Président - Vous créez un incident de séance qui n'a pas lieu d'être, Monsieur de Courson, car personne n'a été cité.

M. Georges Colombier - Ce projet peut-il être examiné dans un climat paisible ? C'est en tout cas le souhait que je formule et je veillerai pour ma part à dépassionner le débat et à faire adopter des solutions pragmatiques.

La chasse doit intégrer les évolutions du droit liées à l'apport croissant des juges, qu'ils soient supranationaux comme ceux de la Cour européenne des droits de l'homme ou de la Cour de justice des Communautés européennes, ou nationaux comme ceux du Conseil d'Etat. C'est pourquoi la législation relative à la chasse ne peut en rester au statu quo.

La chasse doit aussi tenir compte des transformations sociales que sont l'engouement sans précédent pour les activités sportives ou les simples promenades en pleine nature, le nouveau partage du temps, les nouveaux rapports entre populations urbaine et rurale. Enfin, elle doit veiller au respect des grands équilibres écologiques -auxquels les chasseurs ne peuvent être d'ailleurs que très attachés.

Ces enjeux incontournables nous incitent aujourd'hui à chercher un consensus entre tous les acteurs concernés.

En premier lieu, le rôle des fédérations départementales de chasseurs doit être reconnu. Ainsi, leurs missions devraient être formellement décrites dans la loi. Il est regrettable que ce ne soit pas le cas.

Les fédérations n'ont pas seulement pour objet de représenter et de défendre les intérêts de la chasse et des chasseurs, elles collaborent à l'exécution d'un service public : surveillance de la chasse et lutte contre le braconnage, formation théorique et pratique des candidats à l'examen du permis de chasser, prévention et indemnisation des dégâts causés par le grand gibier, conception et mise en _uvre du schéma départemental de gestion cynégétique... Autant des missions d'intérêt général.

Par ailleurs, il me paraît difficile d'instituer, pour tout le pays, un seul et même jour de non chasse. Afin de tenir compte de la diversité des pratiques et des territoires, la détermination de ce jour, ou de ces jours, pourrait être laissée à l'initiative des fédérations (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Il faut aussi reconnaître le rôle joué par les associations communales de chasse agréées.

Permettez-moi d'insister sur l'importance des ACCA dans la gestion des territoires de chasse et la bonne conservation de la faune sauvage.

Il convient d'éviter une remise en cause généralisée du principe de l'apport de terrains contenu dans la loi Verdeille, qui aurait pour conséquence de multiplier les territoires de chasse.

Par ailleurs, les fédérations de chasseurs demandent que le propriétaire ayant fait opposition soit tenu de procéder à la signalisation de ses terrains par des pancartes, d'assurer la cynégétique des animaux nuisibles, de veiller à l'équilibre agro-sylvo-cynégétique et de pourvoir à la réparation et l'indemnisation des dégâts causés par le gibier. J'ai déposé un amendement en ce sens.

De plus, le cycle de retrait des terrains doit être harmonisé avec la durée du schéma départemental de gestion cynégétique.

Nous devons encore responsabiliser les jeunes chasseurs. Il faut à cet égard signaler l'avancée que représente le permis accompagné. Toutefois, l'interdiction du tir à balles au cours des deux années de permis provisoire ne me paraît pas justifiée.

Il s'agit d'initier à la chasse : la formation doit être, à mon sens, progressive et complète. De ce fait, l'accompagnateur doit être autorisé à choisir les munitions utilisées en fonction du type de chasse pratiqué et des capacités de la personne qu'il parraine. J'ai déposé un amendement pour supprimer l'interdiction du tir à balles.

Enfin, il nous fait parfaire la gestion du gibier. Dans le département de l'Isère, que je connais bien, force est de reconnaître que le plan de chasse a été un outil remarquable.

Autre mesure dont le bénéfice est considérable pour tous les gestionnaires, les prélèvements maximum autorisés devraient être consacrés par la loi.

A propos des fonds d'indemnisation des dégâts de gibier, les travaux étant déjà effectués en grande partie par les fédérations départementales de chasseurs, il serait préférable que l'argent ne transite plus par l'Office national de chasse : cette procédure est en effet contestée du fait de son opacité et de sa lenteur.

Afin de garantir une gestion globale des plans de chasse, il faut encore rendre obligatoire l'adhésion des grands territoires aux fédérations départementales.

Je souhaite que nous trouvions une solution équilibrée. Nos concitoyens ne comprendraient pas un échec des parlementaires, dans la mission difficile qui leur est confiée (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Augustin Bonrepaux - Nous abordons ce débat avec le souci de parvenir à un texte équilibré, dans l'esprit du rapport Patriat. Nous devons nous garder de tout excès. Certains veulent mettre en cause la pratique de la chasse, d'autres, par leurs abus, ont parfois porté préjudice à l'équilibre naturel. Nous devons quant à nous parvenir à démocratiser la chasse et à garantir une gestion plus rigoureuse du patrimoine naturel.

Depuis l'adoption de la loi Verdeille, les ACCA ont favorisé le développement de la chasse populaire. Il faut peut-être responsabiliser davantage les chasseurs. Mais n'oublions pas que les meilleurs gestionnaires de la nature sont ceux qui vivent à son contact : ces populations rurales qui l'entretiennent par leur travail quotidien. Pour elles, la chasse est le principal loisir qui meuble les journées de l'automne et de l'hiver, un loisir aujourd'hui accessible au plus grand nombre.

La reconnaissance d'un droit de non-chasse suscite légitimement leur inquiétude. Il ne faudrait pas que ce droit, qui résulte d'une objection de conscience, compromette le fonctionnement des ACCA et la chasse populaire. Evitons en particulier de reconnaître ce droit à des personnes morales, sans quoi des associations pastorales interdiront la chasse sur de vastes ensembles fonciers.

Quant à la limitation de la durée de la chasse, est-elle toujours justifiée ? Certaines espèces protégées, comme la palombe, ne sont plus menacées d'extinction et d'autres, comme le chevreuil ou le sanglier, ne cessent de proliférer.

La sécurité de nos concitoyens serait-elle compromise par la chasse ? Dans ce cas, il faudrait d'abord s'intéresser aux catégories d'armes utilisées. Nul ne niera, en effet, que le tir à balles en plaine est particulièrement dangereux.

S'il faut interdire la chasse un jour par semaine pour trouver l'équilibre que nous recherchons, alors rassurez les chasseurs en leur garantissant que cette interdiction sera la seule. Certaines situations spécifiques doivent d'ailleurs être prises en compte. Je pense en particulier à la chasse postée. Le passage des palombes ne dure que quarante-cinq jours, pendant lesquels il fait en général mauvais temps. On ne peut encore retrancher un jour par semaine à une saison de chasse aussi brève.

La protection des espèces conduit parfois à des aberrations, comme l'introduction d'espèces nouvelles qui détruisent les espèces autochtones.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Augustin Bonrepaux - Il ne suffit pas d'indemniser en cas de dégâts. Il faut mettre fin à de telles aberrations. Il n'est pas normal que les efforts des collectivités locales pour entretenir l'espace public soient ainsi anéantis et qu'il nous faille à chaque fois augmenter les redevances, au risque de mécontenter nos administrés. J'ai donc déposé un amendement visant à garantir un certain contrôle en cas d'introduction d'une espèce nouvelle.

S'il faut responsabiliser les chasseurs, l'Etat doit quant à lui donner l'exemple. Ce n'est pas ce qu'il a fait en réintroduisant l'ours dans les Pyrénées (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR).

Certes, Madame la ministre, ce n'est pas vous mais M. Barnier qui a pris cette décision, exécutée ensuite par Mme Lepage. Mais vous représentez l'Etat. Or, contrairement à ses engagements, l'Etat n'a procédé à aucune évaluation de ce qui nous a été présenté à l'origine comme une expérience. La convention de Berne, qui exige une telle évaluation, n'a donc pas été respectée. Les prescriptions des scientifiques ont été ignorées. On n'a publié aucune étude d'impact sur l'activité économique, alors qu'en matière d'urbanisme, l'absence d'étude d'impact peut motiver l'arrêt des travaux et la destruction des bâtiments construits.

Plus grave : dans mon département, l'Etat ne respecte pas son engagement de reprendre les animaux à la demande des communes. L'Ariège ne ferait-elle plus partie de la République française ? (Sourires)

C'est pour mettre fin à ces errements que j'ai déposé plusieurs amendements. Nous devons élaborer un texte équilibré, respectueux de l'environnement naturel mais aussi de ceux qui y vivent et y travaillent (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement, sur la base de l'alinéa 6 de l'article 58 ! M. Mamère m'a mis en cause personnellement.

M. Noël Mamère - Oui !

M. Maxime Gremetz - Il m'a injurié, me traitant de « populiste », c'est-à-dire quasiment de fasciste !

M. le Président - Vous ne pouvez aborder le fond. L'alinéa invoqué ne vous donne le droit d'intervenir qu'en fin de séance, pour un fait personnel. Par ailleurs, la liberté d'expression est un des fondements de la démocratie et une certaine liberté de ton est admise ici (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Maxime Gremetz - Vous ne m'empêcherez pas de parler. Vous défendez M. Mamère. Vous n'appliquez pas le Règlement !

M. le Président - Si ! Selon l'alinéa 4 de l'article 58, les faits personnels sont renvoyés en fin de séance. Vous aurez donc la parole dans un quart d'heure, Monsieur Gremetz.

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Jean-Claude Lemoine - Rappel au Règlement ! Monsieur le Président, je vous demande une suspension de séance de dix minutes pour que nous puissions nous concerter sur l'attitude que nous devons avoir devant le comportement de nos collègues.

M. le Président - Je vous accorde cinq minutes.

La séance, suspendue à 19 heures 15 est reprise à 19 heures 20.

M. Didier Quentin - La lecture des vingt-trois articles de ce projet, résultant d'approximations et d'improvisations visant à répondre aux contradictions de la gauche plurielle, écartelée entre les attentes des chasseurs et les exigences de Verts, ne nous rassure pas sur l'avenir de la chasse dans notre pays.

Plus d'un million et demi de personnes pratiquent la chasse sur le territoire national, dans le respect des équilibres écologiques, des traditions et des diversités régionales. Pour une majorité de Français, la chasse est culturellement légitime. Même les non-chasseurs pensent que son interdiction porterait atteinte à la liberté. Elle bénéficie en France de structures uniques en Europe, avec près de cinquante mille sociétés adhérentes aux fédérations de chasseurs. Celles-ci ont fait la preuve de leur bonne gestion des espèces et des habitats naturels, et les pratiques cynégétiques font partie des principaux facteurs du maintien des zones humides, si importants pour l'équilibre de nos écosystèmes.

Je peux d'ailleurs en témoigner en tant qu'élu de la Charente-Maritime : si les chasseurs n'avaient pas participé à l'entretien des marais, une partie du domaine public maritime serait complètement asphyxié. Encore récemment, après l'ouragan du 27 décembre 1999, ils ont été parmi les premiers à se porter volontaires pour la remise en état des territoires sinistrés. Les associations communales de chasse agréées de l'île d'Oléron ont organisé fin janvier une journée du déblayage des chemins forestiers. Rendez-vous a été donné à l'automne 2000 pour une opération de reboisement sur l'ensemble du département, financée en partie par un prélèvement sur chaque cotisation de chasseur.

Vous avez vous-même reconnu, Madame la ministre, en venant présenter votre projet le 7 mars dernier que les chasseurs mènent en coopération avec d'autres acteurs du monde rural des actions en faveur de notre patrimoine naturel. A cette fin, les fédérations départementales de chasseurs ont constitué des réserves et se préoccupent de la protection et de la reproduction du gibier.

De plus, les chasseurs jouent un rôle certain en matière d'aménagement du territoire. Beaucoup de nos compatriotes de tous âges ont choisi d'habiter à la campagne pour s'adonner à ce loisir naturel. Si on les agresse, il est à craindre que la désertification progresse...

Ce projet ne règle en rien les difficultés que connaît depuis de nombreuses années le monde de la chasse. Il risque d'être une nouvelle occasion perdue, après la loi du 3 juillet 1998 et la proposition de loi que votre majorité plurielle a renvoyée en commission le 22 février dernier.

En 1998, à l'initiative de l'opposition, l'Assemblée nationale avait adopté une bonne loi qui innovait par l'introduction de plans de gestion applicables à certaines espèces d'oiseaux migrateurs, tout en prévoyant des actions en faveur de la sauvegarde des biotopes.

La loi du 3 juillet 1998 était de nature à régler le contentieux juridique né d'une interprétation restrictive de la directive européenne du 2 avril 1979. Or le Gouvernement n'a pas jugé utile d'en publier les décrets d'application, encourageant ainsi une interprétation jurisprudentielle défavorable à l'activité cynégétique. Par ailleurs, s'il avait défendu plus tôt et plus énergiquement à Bruxelles les dispositions de cette loi, la France ne risquerait pas aujourd'hui d'être sanctionnée par la Cour de justice européenne.

La lancinante question de la chasse de nuit reste entière puisque la majorité plurielle s'est refusée à examiner, le 22 février dernier, la proposition de loi portant sur diverses mesures d'urgence relatives à la chasse. En reprenant une proposition adoptée à l'unanimité des groupes politiques en juin 1999 au Sénat, elle tendait à légaliser la chasse de nuit aux gibiers d'eau et reconnaissait le droit de non-chasse.

Légaliser la pratique de la chasse à la tonne et à la passée, c'est préserver la chasse la plus populaire qui soit. Mais peut-être préférez-vous une chasse réservée à un petit nombre de nantis ! On se retrouverait alors avant la nuit du 4 août...

En l'état, ce projet n'apporte pas de réponses satisfaisantes sur plusieurs points.

Un : les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse ne sont toujours pas fixées, le Gouvernement s'en remettant aux autorités administratives et se contenant de renvoyer le problème à la réglementation communautaire.

Deux : la suspension provisoire de l'interdiction de la chasse de nuit pour cinq ans risque d'être le prélude à la disparition totale de cette pratique.

Trois : il ne faudrait pas que les modifications de la loi Verdeille actuellement envisagées conduisent à un appauvrissement des ACCA, piliers de la chasse populaire.

Quatre : il n'appartient pas à la loi d'interdire la chasse le mercredi. Cette proposition est inacceptable, car elle revient à dénier le droit de propriété. De plus, coïncidant avec le jour de congé scolaire, elle introduit de manière insidieuse l'idée d'un danger de la chasse pour les enfants. Elle rend plus difficile pour ceux-ci de s'initier à ce mode découverte de la nature.

Cinq : on regrettera l'absence de dispositions sur la réintroduction de vrais gibiers sauvages, élevés dans les territoires de chasse.

Six : les dispositions relatives au bail rural prévoient un droit de chasser en faveur du preneur. Il est inopportun de remettre en cause sur ce point le statut du fermage.

Enfin, pour ce qui concerne la réorganisation de l'office de la chasse, il n'est pas convenable de reporter sur cet établissement des missions « environnementalistes » étrangères ou même hostiles à la chasse, qui seraient financées par le seul argent des chasseurs. Ceux-ci n'ont pas vocation à être des pigeons ou des vaches à lait ! D'où l'importance de réaffirmer la mission principale de l'office qui est de se consacrer aux études relatives à la chasse, à l'évaluation des populations de gibiers et à la représentation de la France dans les instances internationales.

S'il n'est pas sérieusement amendé, ce projet n'est pas de nature à apaiser les conflits ou à créer les conditions d'une chasse « durable et citoyenne », pour reprendre les qualificatifs qui vous sont chers. Loin d'être le « Grenelle de la chasse », il semble lourd de menaces et d'incertitudes. Il importe aussi qu'il n'apparaisse pas comme un mauvais coup porté à la ruralité et j'espère, Madame la ministre, que vous n'oublierez pas que vous êtes aussi le ministre de l'aménagement du territoire. Nous serons sinon de plus en plus nombreux à réclamer avec Jean-Claude Lemoine le rattachement de la chasse au ministère de l'agriculture ou à celui des sports (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Il nous appartient de ne pas décevoir les attentes de tous les amis de la faune et de la chasse, légitimement attachés à un mode de vie et à une tradition qui s'inscrivent dans notre histoire et dans notre patrimoine national (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - La parole est à M. Gremetz pour un fait personnel, en application de l'article 58, alinéa 4, du Règlement.

M. Maxime Gremetz - M. Mamère a le droit de penser ce qu'il veut et de dire de grosses âneries. Mais il n'a pas le droit d'insulter un collègue et à mes yeux, le populisme est très proche du fascisme. Vous n'avez pas le droit, Monsieur Mamère, de me traiter de fasciste. Voulez-vous que je vous traite à mon tour d'ayatollah ou de provocateur ? Cela ne grandit personne. Je vous demande donc de retirer vos propos. Vous n'êtes sans doute pas chasseur et je ne le suis pas non plus. Vous avez le droit d'adopter les pires convictions anti-chasse et de refuser une bonne loi qui tend à réconcilier les Français car elle entame votre fonds de commerce. Mais le vrai populiste et l'intégriste, c'est vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 35.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 1ère séance du mardi 28 mars.

Page 11, dans l'intervention de Mme Isaac-Sibille, lire au troisième paragraphe, après les mots « le consulat a accordé l'autorisation de sortie. », « Mais le juge a refusé l'adoption parce qu'il existe peut-être un père » et au cinquième paragraphe, « la ratification des accords de La Haye devant intervenir à une date que nous ignorions, »...


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