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Session ordinaire de 1999-2000 - 74ème jour de séance, 175ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 5 AVRIL 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

PROCÈS DE TREIZE JUIFS EN IRAN 2

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE 2

PRÉRETRAITES 3

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL 4

INDUSTRIE TEXTILE 4

RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN 5

ATTEINTES À LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE 6

CONSÉQUENCES DE LA TEMPÊTE
POUR LA FILIÈRE BOIS 7

DÉLINQUANCE DES MINEURS 7

CESSION DE L'ENTREPRISE COOPER 8

QUALIFICATION PROFESSIONNELLE DANS
L'ARTISANAT DU BÂTIMENT 9

POLICE NATIONALE 10

RÉFORME DES LYCÉES 10

SORT DE L'OPPOSANT GUINÉEN ALPHA CONDÉ 11

DÉMISSION ET REMPLACEMENT
D'UN SECRÉTAIRE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE 12

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE 12

PROTOCOLE DE KYOTO 12

ACCORDS ET CONVENTIONS 24

La séance est ouverte à quinze heures.

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SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire conduite par Mme Isabel Allende, présidente du groupe d'amitié Chili-France de la Chambre des députés du Chili (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement).

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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PROCÈS DE TREIZE JUIFS EN IRAN

M. Claude Goasguen - Monsieur le ministre des affaires étrangères, dans quelques jours, un tribunal spécial va se réunir à Téhéran pour juger treize personnes de confession israélite. Ce tribunal les qualifie de « juifs », et uniquement de « juifs ». Les droits de la défense ne sont pas garantis par la procédure et il n'y aura aucune présence étrangère.

Le 28 octobre 1999, M. Khatami, alors en période électorale, avait anesthésié les démocraties occidentales en promettant que des observateurs étrangers pourraient assister à ce procès et que les droits de la défense seraient respectés. Aujourd'hui, il ne tient pas ses engagements et nous allons assister à une mascarade de procès.

Personne n'a pu obtenir de visa. La France peut-elle accepter une telle situation ? Pouvez-vous nous donner des informations ? Si ces rumeurs funestes se confirment, quelle sera l'attitude de la France ? Peut-on envisager de coopérer avec un pays qui fait preuve d'un tel cynisme et d'une telle désinvolture quant aux droits de l'Homme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF, du groupe du RPR et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Cette affaire est extrêmement préoccupante et nous la suivons avec une grande attention depuis plusieurs mois. Chaque fois que nous sommes en contact avec les autorités iraniennes, nous leur disons qu'elle est décisive à nos yeux, comme à ceux de nos partenaires occidentaux, pour juger si leur pays est capable d'évoluer.

Une lutte de tous les instants oppose les tenants de la ligne dure de la révolution islamique à ceux qui tentent de changer la situation. C'est comme cela qu'il faut interpréter les dernières élections. Cette lutte se retrouve dans tous les domaines, qu'il s'agisse des affaires étrangères, de la justice ou de la police. Elle est à son paroxysme en matière de justice.

Il faut que vous ayez connaissance de ces informations, même si notre détermination reste entière. Nous agissons avec l'Italie, l'Allemagne et les autres pays qui développent leurs relations avec le gouvernement de M. Khatami. Les Etats-Unis, en particulier, commencent à changer de position à l'égard de l'Iran, puisqu'ils envisagent de lever ponctuellement l'embargo qui frappe ce pays.

A ce stade, je ne veux pas baisser les bras. Je ne peux considérer que les pressions exercées resteront sans résultat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

M. Jean Proriol - Madame la ministre de la solidarité, nous étions tous d'accord pour aider les plus démunis. Nous l'étions moins sur les modalités d'application de la couverture maladie universelle.

Depuis le début de l'année, les faits donnent raison à l'opposition. La caisse nationale d'assurance maladie, enregistrant les personnes transférées de l'aide médicale départementale à la CMU, plafonne à 3,2 millions de bénéficiaires, au lieu des 6 millions annoncés. En outre, tous ceux qui bénéficiaient de l'aide médicale ne peuvent accéder à la CMU, puisque vous avez fixé un seuil guillotine de 3 500 francs. Or les personnes rejetées ne pourront souscrire une assurance complémentaire, dont le coût est prohibitif. Nous assistons donc à un recul social.

La Mutualité française elle-même dénonce la complexité du système, ses ratages et les inégalités qu'il crée entre les départements.

Notre collègue Odette Grzegrzulka, chargée de suivre ce dossier, a regretté l'absence d'un véritable partenariat entre les caisses d'assurance maladie et les caisses complémentaires.

Vous ne pouvez plus attendre. Que comptez-vous faire pour éviter de laisser un grand nombre de nos concitoyens sur le bord de la route ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Quelques chiffres. Il y avait 2,7 millions de bénéficiaires de l'aide médicale. La CMU en a 3,7 millions. Est-ce vraiment un échec ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Je partage l'analyse de Mme Grzegrzulka. Les relations entre la CNAM et les organismes complémentaires ne sont pas totalement assises, malgré la signature d'une convention. Seulement 20 % des bénéficiaires ont choisi une caisse complémentaire, mais les autres pourront encore se tourner vers ces organismes avant la fin de la période de mise en place.

Par ailleurs, les mutuelles et les sociétés d'assurance s'efforcent de plus en plus d'informer les personnes concernées.

C'était avant l'institution de la CMU que le système était inégalitaire, puisque le seuil de ressources différait selon les départements. Quant aux personnes qui se trouvent un peu au-dessus de ce seuil, elles pourront bénéficier des caisses d'action sociale, qui disposent encore d'un milliard, et des aides des collectivités locales.

L'accueil des titulaires de la carte de CMU posant des difficultés dans la dentisterie, je compte rencontrer les représentants de ces professions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

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PRÉRETRAITES

M. Jean-Claude Boulard - Madame la ministre de la solidarité, depuis 1996, les points des personnes en préretraite étaient retenus mais pas rémunérés par l'AGIRC et l'ARRCO. Vous venez de signer un accord avec ces organismes. Quel en est le contenu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - L'Etat n'avait pas respecté l'engagement pris avec l'AGIRC et l'ARRCO, ce qui portait préjudice à 130 000 personnes, dont 50 000 en situation de préretraite.

Six gouvernements successifs ont échoué à résoudre ce problème. Dès mon arrivée, j'ai pris contact avec l'AGIRC et l'ARRCO. Une mission a été confiée à un conseiller maître à la Cour des comptes pour évaluer la dette réelle de l'Etat. L'accord signé le 23 mars clôt définitivement ce dossier. Dès l'année 2000, l'Etat consacrera 650 millions à la rémunération des points gelés depuis 1996.

Cette question préoccupait 130 000 retraités et préretraités : leurs droits sont maintenant reconnus. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

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ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

Mme Catherine Picard - Monsieur le ministre délégué à l'enseignement professionnel, un projet de décret vient de susciter un grand mouvement de protestation pour les enseignants des établissements professionnels. Ils demandent que soit engagée une véritable réflexion sur le contenu des programmes, les filières, les passerelles vers l'entreprise, ainsi que l'examen des statuts précaires.

Ces questions appellent une réponse rapide. Quelles propositions envisagez-vous de faire pour que la reprise des négociations débouche sur une solution acceptée par le plus grand nombre et permette à l'enseignement professionnel d'exercer sa mission de service public ?

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel - En effet, un mouvement d'une importance remarquée a mobilisé les enseignants, les parents et parfois les élèves des lycées professionnels (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Il a été écouté et entendu. Je souhaite qu'au prochain comité technique paritaire nous puissions constater, sans barguigner (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR), qu'après la rude empoignade le chemin d'une ambition collective partagée a été retrouvé.

Déjà, le Premier ministre, par la création d'un département ministériel nouveau (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) a marqué l'importance qu'il accorde à la filière des métiers. Ensuite, un nouveau statut des professeurs alignera à 18 heures le temps de service demandé à l'ensemble des enseignants -la plus grande organisation syndicale du secteur a salué dans cette décision « le plus important progrès social en 20 ans ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Deuxième progrès social, le suivi des jeunes en entreprise est aujourd'hui intégré au temps de travail (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). Mesdames et messieurs de l'opposition, nous avons là la même différence d'appréciation que pour la loi sur les 35 heures et la définition du temps de travail effectif et je note que vous considérez toujours le travail obligé comme du bénévolat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Progrès social, mais aussi pédagogique : c'est l'institution du projet pluridisciplinaire, version moderne du « chef d'_uvre » du compagnonnage. (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Ces progrès sont accomplis sans qu'il soit besoin de recourir à l'annualisation, ni à la flexibilité, ni à la pondération. (Mêmes mouvements)

Madame la députée, je vais ouvrir les chantiers que vous suggérez et d'autres : la définition du projet pédagogique à contenu professionnel, la définition de la période en entreprise, la lutte contre les discriminations raciales et sexistes -le Gouvernement proposera d'aligner les conditions d'accès à l'entreprise sur celles de l'embauche, pour que plus jamais un jeune Tarek soit traité autrement qu'un jeune François, une jeune Koumba autrement qu'une jeune Marie. Autres chantiers, la précarité, la formation technique continue... (Mêmes mouvements)

Puisque c'est ma première intervention, je la dédie aux enseignants et aux élèves, par reconnaissance et affection (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - Mes chers collègues, ne soyez pas si impatients : c'était la première intervention de M. Mélenchon. Je suis sûr qu'il sera plus bref à l'avenir !

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INDUSTRIE TEXTILE

M. Jean-Claude Daniel - Certains bassins d'emplois cumulent les difficultés économiques et sociales : la Haute-Marne et le haut bassin de la Marne doivent affronter à nouveau des licenciements, alors que la métallurgie cherche un second souffle. Dans le textile, des annonces catastrophiques ont été faites aujourd'hui : 450 emplois féminins sont menacés par la fermeture totale ou partielle de plusieurs unités de production, notamment à Saint-Dizier et à Chaumont.

Pouvez-vous nous faire le point de la situation réelle de la filière textile à l'échelle du pays ? Qu'en est-il des incidences malheureuses du plan Borotra ? L'allégement de la taxe professionnelle suffira-t-il à maintenir l'emploi ? Entendez-vous prendre des initiatives contre les délocalisations et fusions qui s'opposent à la volonté de régulation nationale et internationale ? Quel message d'espoir pouvez-vous donne à la Haute-Marne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Dès 1996 la Commission européenne avait indiqué au gouvernement de l'époque que des mesures spécifiques au secteur du textile étaient contraires aux règles européennes.

A notre arrivée au Gouvernement en juin 1997, nous avons multiplié les négociations et engagé un recours devant la Cour européenne de justice pour maintenir ces mesures. Mais la Cour de justice ne nous a pas suivis et il a fallu se résoudre au remboursement des aides reçues, après en avoir négocié les modalités pour préserver au maximum la vie de nos entreprises : exonération totale pour les entreprises de moins de 50 salariés, franchise de 656 000 F pour toutes, étalement du remboursement d'avril 2000 à avril 2003, taux d'intérêts modérés. Ces règles s'appliquent également en Belgique. Sur 5 500 entreprises bénéficiaires des aides, moins de 600 devront les rembourser partiellement.

Nous voulons assurer la pérennité de l'emploi dans ce secteur qui en a perdu beaucoup et la baisse des charges sociales liée à la réduction du temps de travail -21 000 F pour un salaire annuel au niveau du SMIC- y contribuera, ainsi que la réduction de la taxe professionnelle.

Enfin, nous voulons accélérer la modernisation du secteur, en encourageant l'investissement, la formation et l'innovation. Toutes ces mesures s'appliqueront dans votre région et je suis prêt à vous rencontrer pour étudier comment cette politique volontaire peut être mise en _uvre dans les entreprises que vous avez évoquées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN

M. Roger Meï - Monsieur le Premier ministre, c'est avec émotion et amertume que je m'adresse à vous. Émotion parce que je ne peux oublier ce moment fort qu'a été, le 29 mai 1998, la reconnaissance unanime par les députés du génocide arménien -je ne puis oublier les larmes et la Marseillaise de nos compatriotes d'origine arménienne dans les tribunes. Amertume parce que cette proposition de loi n'a toujours pas été mise à l'ordre du jour du Sénat, du fait du refus de la majorité de droite (Protestations sur les bancs du groupe du RPR), conformément aux directives de l'Elysée.

Monsieur le Premier ministre, vous aviez déclaré que le vote unanime de l'Assemblée nationale n'était pas un acte d'accusation, mais un acte de paix.

Je rappelle que la Turquie occupe une grande partie de Chypre, qu'elle mène une véritable guerre contre le peuple kurde et que les droits de l'homme y sont bafoués. La France ne doit pas cautionner le chantage odieux qui met en balance contrats commerciaux et souffrances des peuples. Au même titre que le peuple allemand a reconnu le génocide juif, le peuple turc a intérêt à reconnaître le génocide perpétré par le gouvernement de l'époque (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Le 24 avril, les arméniens du monde entier commémoreront la mémoire des 1 500 000 morts du génocide.

La Constitution autorise le Gouvernement à proposer le projet de loi au Sénat (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR). Comptez-vous le faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et divers bancs).

M. Pierre Lellouche - Monsieur Védrine, répétez ce que vous avez dit au Sénat !

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - L'Assemblée nationale a effectivement adopté le 28 mai 1998 une proposition de loi comportant un article unique ainsi rédigé : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 ». Le Gouvernement en a pris acte. Il a fait connaître sa position sur ce texte au moment du vote. Elle a été encore rappelée par Pierre Moscovici devant le Sénat le 21 mars dernier.

Le Gouvernement comprend les motivations des députés qui sont à l'origine de ce texte. Il a lui-même rendu hommage avec force et émotion aux victimes des événements tragiques de 1915...

M. Pierre Lellouche - Pas des événements, un génocide !

M. le Ministre - ...qu'un grand nombre d'historiens qualifient en effet de génocide (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL et du groupe communiste).

A quelques semaines de l'anniversaire de ce drame, je veux redire à nos compatriotes descendants de ceux qui subirent ces massacres la profonde sympathie du Gouvernement (« Hypocrite ! » sur les bancs du groupe communiste). L'Assemblée s'est elle-même prononcée en mai 1998 dans le cadre de l'ordre du jour complémentaire ; le Sénat, pour sa part, n'a pas entendu donner suite à cette proposition de loi que votre Assemblée avait adoptée.

M. Pierre Lellouche - Un peu de courage !

M. le Ministre - Par ailleurs, il n'a pas retenu l'initiative issue de ses membres poursuivant un objectif analogue. Le Gouvernement a pris acte de ces décisions (Murmures sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe communiste). Je veux saisir cette occasion pour souligner, et en premier lieu à l'attention de nos compatriotes d'origine arménienne, que l'action de la France dans cette région, victime de tant de tragédies, vise à contribuer à y éradiquer les sources de conflits, à lui permettre de retrouver la paix... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL et du groupe communiste), à l'aider à surmonter, sans les oublier, les drames du passé. La France n'a pas d'autre objectif que la paix pour tous les peuples de cette région (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste ; vives exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

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ATTEINTES À LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE

M. Michel Hunault - Ma question s'adresse à Mme le Garde des Sceaux, ministre de la justice. Toute personne attachée au respect des libertés individuelles et à la présomption d'innocence n'a pu que s'émouvoir que le réquisitoire définitif du procureur de la République de Paris dans l'affaire Dumas soit publié par la presse. Vous aviez alors ordonné une enquête. Le procureur de la République a reconnu qu'il était à l'origine de cette divulgation puis qu'il a écrit au Procureur général qu'« il était en tout état de cause hors de question de ne pas faire connaître à la presse le sens de ses réquisitions dans un dossier aussi attendu » (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Quelles mesures allez vous prendre contre ce procureur pour violation du secret de l'instruction ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et sur de nombreux bancs).

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) - Ce gouvernement, vous le savez, joue franc (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) : Mme la Garde des Sceaux est actuellement au Sénat. Vous posez une question précise directement liée à son ministère. Elle vous répondra personnellement car je ne juge pas opportun de le faire à sa place sur un dossier aussi délicat et dont je ne suis pas en charge. Les téléspectateurs préfèrent, j'en suis sûr, cette façon de faire (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

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CONSÉQUENCES DE LA TEMPÊTE POUR LA FILIÈRE BOIS

M. Bruno Bourg-Broc - Cette absence de réponse à M. Hunault est inadmissible. Le Premier ministre n'a-t-il pas la faculté de répondre sur tous les sujets qui intéressent l'action du Gouvernement ? Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les tempêtes du lendemain de Noël ont fait des dégâts importants dans notre pays et ont engendré des dépenses astronomiques pour les collectivités locales, pour les entreprises et pour les particuliers.

Personne ne connaît encore le montant exact des dégâts. Les compagnies d'assurance verseront environ 30 milliards aux particuliers et aux entreprises, mais il y a aussi les biens non assurables et notamment ceux de la filière bois qui ont été gravement touchés. Le Gouvernement a affecté 5 milliards aux deux catastrophes de décembre -tempête et marée noire. Mais les travaux, quel que soit le taux de TVA qui leur est appliqué, vont engendrer des recettes nouvelles substantielles pour l'Etat, pour un montant d'au moins 2 milliards. A l'heure où vous affirmez que vous voulez baisser les impôts, ne pensez-vous pas, Monsieur le ministre, qu'il faudrait affecter ces 2 milliards à ceux qui ont le plus souffert de ces tempêtes et particulièrement à la filière bois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Le Gouvernement n'a pas attendu de calculer le montant de ces recettes supplémentaires éventuelles pour consentir un effort très significatif en faveur des victimes de la tempête. Dès les premiers jours de janvier, 1,3 milliard a été débloqué en faveur de la caisse centrale de réassurance (« Ce n'est pas la question ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Dès le 12 janvier, ce sont 4 milliards de mesures budgétaires, ainsi qu'une enveloppe de 12 milliards de prêts bonifiés, qui ont été débloqués en faveur de la forêt. Le 3 février, devant votre Assemblée, le Premier ministre a annoncé des mesures complémentaires à hauteur de plus de 5 milliards. Enfin, au CIAT de Nantes, 4 milliards d'avenants aux contrats de plan ont été annoncés ainsi qu'1 milliard de mesures complémentaires, soit au total 12 milliards sur les trois années à venir. Le Gouvernement n'a donc pas attendu d'avoir la certitude que ces événements engendreraient des recettes supplémentaires pour s'engager aussi sur un principe simple : le budget de l'année 2000 ne sera pas amputé, mais des crédits complémentaires seront ouverts dès ce printemps dans le cadre du collectif, à hauteur d'environ 5 milliards (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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DÉLINQUANCE DES MINEURS

M. Henry Chabert - Nous avons été extraordinairement surpris de cette grande première qui consiste, de la part du Gouvernement, à ne pas répondre à la question d'un député (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous ne manquez pas une occasion de céder à l'autosatisfaction en parlant de stabilisation ou de légère baisse de la délinquance des mineurs. Malheureusement, les faits sont bien différents du tableau idyllique que vous dressez dans ce domaine. Nos concitoyens subissent en effet en permanence des agressions qui leur rendent la vie impossible. Beaucoup d'ailleurs perdent confiance puisqu'une agression sur cinq seulement fait l'objet d'un dépôt de plainte. Plus grave encore, le comportement de certains mineurs récidivistes apparaît comme de plus en plus violent et imprévisible. Le terrible meurtre d'un jeune coiffeur de Nanterre la semaine dernière vient de le démontrer de manière dramatique. Et les chiffres sont là pour attester qu'il s'agit d'une tendance très marquée. Ainsi, le nombre de jeunes mis en cause pour coups et blessures volontaires a augmenté de plus de 20 % en 1998 et, si les cas de meurtres restent heureusement très rares, les vols avec violence et les agressions ont progressé de plus de 50 % la même année.

Quelles mesures nouvelles -et concrètes- comptez-vous prendre pour lutter contre la violence croissante des mineurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Monsieur le député, permettez-moi tout d'abord de vous faire remarquer que la question adressée à ma collègue ministre de la justice, retenue au Sénat, concernait un problème de discipline à l'égard de magistrats et relève donc de la compétence exclusive du Conseil supérieur de la magistrature (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Quant à la délinquance des mineurs, elle a explosé depuis 1993 de 10 % chaque année et c'est seulement en 1999 que nous avons observé une très légère régression...

M. Jean-Michel Ferrand - Vous êtes le seul à la croire !

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - ...comme l'indiquent les statistiques officielles auxquelles je vous renvoie. Ce doublement de la délinquance des mineurs a été stoppé, même s'il reste un problème particulièrement préoccupent puisqu'elle représente un cinquième du total des délits et des crimes. Vous avez évoqué l'affaire qui s'est produite ce dimanche à Nanterre. Les mineurs de 16 et 18 ans soupçonnés du crime ont été mis sous les verrous.

S'agissant des mineurs de moins de 16 ans, le conseil de sécurité intérieure qui s'est tenu le 27 janvier 1999 a pris des mesures très énergiques en prévoyant la création de 100 centres d'éducation renforcée et de 50 centres de placement immédiat. Il y a d'ailleurs un rapport direct entre les mesures qui ont été prises par le Gouvernement et la stabilisation -moins 0,83 %- enregistrée en 1999 (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

De 1993 à 1997, c'est vous qui étiez au Gouvernement et chaque année, la progression de la délinquance des mineurs était supérieure à 10 %. Je vous prie par conséquent de traiter ces questions avec un minimum de sérieux. Il n'est pas convenable de dire que le nombre de délits et de crimes est cinq fois supérieur au nombre de plaintes déposées : cela résulte d'une approche insensée (Mêmes mouvements).

J'ai moi-même posé le problème du manque d'éducation d'un certain nombre de jeunes que j'ai qualifiés de « sauvageons ». Il s'agit d'abord d'un problème d'éducation et la répression n'intervient que si cela est nécessaire. A cet égard, le Gouvernement a pris des mesures adaptées, sans perdre de vue que ces jeunes doivent être un jour réinsérés (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

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CESSION DE L'ENTREPRISE COOPER

M. Pierre Carassus - Monsieur le secrétaire d'Etat a l'industrie, votre politique pour l'emploi est confrontée aux stratégies libérales sauvages de groupes multinationaux qui vident nos entreprises de leur substance industrielle. L'exemple du groupe pharmaceutique « La COOPER », implanté à Melun est édifiant : en 1994, cette entreprise familiale prospère est achetée par Rhône-Poulenc, l'action passe de 280 francs à 2 500 francs et c'est là que commencent les malheurs du personnel. La presse locale évoque une mise à mort programmée, l'abandon de programmes de production florissants et dénonce une volonté évidente de liquider l'emploi, pour ne conserver que le réseau commercial. De 1 730 salariés, on est ainsi passé à moins de 800. On s'attend maintenant à des centaines de licenciements supplémentaires pour favoriser la vente de cette entreprise à des acquéreurs dont on tait le nom aux salariés. Une agglomération de 100 000 habitants va s'en trouver sinistrée.

L'économie ne peut être à ce point à la remorque de la finance et de la spéculation. L'Etat ne peut ainsi laisser assassiner l'emploi sans réagir. Quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour mettre un terme à ces licenciements abusifs ? Ne faut-il pas obliger Rhône-Poulenc, groupe en excellente santé financière, à assumer ses responsabilités en matière d'emploi et à renoncer à cette liquidation industrielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Je partage votre avis : il nous faut maîtriser les conséquences des stratégies des groupes multinationaux.

En 1994, Rhône-Poulenc -devenu depuis Aventis- a racheté la COOPER pour pouvoir accéder au marché des officines sans l'entremise des grossistes-répartiteurs de l'industrie pharmaceutique. Le groupe Aventis, qui a décidé de recentrer son activité sur la production de médicaments, considère aujourd'hui qu'il ne correspond plus à sa stratégie de conserver la COOPER en son sein et a exprimé le souhait de la céder.

Je souhaite que le groupe recherche un repreneur avec le plus grand soin. Je souhaite d'autre part, c'est même une exigence fondamentale, que les salariés de la COOPER soient informés et consultés sur cette reprise, et ce dans la plus grande transparence. Le rachat, aujourd'hui négocié sur des bases financières, doit l'être sur des bases strictement industrielles avec le double souci de préserver le maximum d'emplois industriels, et même si possible de les développer, et de sauvegarder les conditions de travail des salariés.

Dans le cas de la COOPER pour toutes les autres restructurations en cours en son sein, le groupe Aventis doit informer préalablement les instances représentatives du personnel, comme l'exige la loi, dialoguer avec les salariés et tout faire pour préserver l'emploi : le Gouvernement ne cédera pas sur ces exigences fondamentales (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Nous sommes prêts à discuter avec vous, Monsieur le député, afin que le maximum d'emplois puisse être maintenus dans votre région (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

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QUALIFICATION PROFESSIONNELLE DANS L'ARTISANAT DU BÂTIMENT

M. Yves Cochet - La loi du 5 juillet 1996, complétée par un décret d'avril 1998, précise la liste des professions pour l'exercice desquelles une qualification professionnelle est exigée. Toute personne souhaitant par exemple exercer une activité dans le secteur du bâtiment doit être titulaire d'un CAP ou d'un diplôme de niveau supérieur, à moins qu'elle ne puisse justifier d'une activité professionnelle de trois ans dans ce domaine. Mais une circulaire de juin 1999 indique que les chambres de métiers ne sont pas habilitées à vérifier la qualification professionnelle des personnes s'inscrivant au répertoire des métiers. N'est-elle pas contradictoire avec la loi de 1996 qui visait, d'une part, à protéger les consommateurs, d'autre part à lutter contre la mortalité excessive des entreprises artisanales du bâtiment ?

Après les récentes tempêtes, les demandes d'inscription au répertoire des métiers ont fleuri. Or, les métiers de maçon, de couvreur ou de peintre en bâtiment ne sont pas protégés. Quiconque peut s'inscrire à ce titre. Que comptez-vous faire pour mieux garantir les consommateurs ? Ne faudrait-il pas habiliter les chambres des métiers à vérifier la qualification professionnelle des artisans du bâtiment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Je vous prie d'excuser Mme Lebranchu, retenue à Bruxelles.

La loi du 5 juillet 1996 exige une qualification professionnelle pour l'exercice de certains métiers, dont la liste a été précisée par un décret. Cette exigence, qui limite une liberté garantie par la Constitution, s'applique directement aux seuls métiers prévus. Elle ne concerne pas seulement l'artisanat puisqu'elle vaut quelle que soit la structure juridique de l'entreprise, mais il est vrai que, compte tenu des activités retenues, l'artisanat est concerné au premier chef.

Comme vous l'avez dit, les chambres de métiers ne sont pas habilitées à contrôler les diplômes au moment de l'inscription au répertoire des métiers. La circulaire de juin 1999 que vous avez citée a confirmé ce principe, rappelant que les chambres de métiers ont d'abord un rôle d'information et de prévention auprès des candidats. Elles doivent notamment les informer des sanctions éventuelles en cas de non-respect des conditions requises.

Pour ce qui est du contrôle de la qualification, il relève exclusivement des officiers de police judiciaire et des agents de la DGCCRF. Le Gouvernement souhaite que ces dispositions soient respectées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

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POLICE NATIONALE

M. Marc-Philippe Daubresse - Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez indiqué hier à l'un de nos collègues que « la police de proximité est la réponse principale donnée à l'insécurité au quotidien grâce à une nouvelle doctrine d'emploi de la police nationale ». Nous sommes restés sur notre faim.

Devant l'échec des décisions prises à l'issue du colloque de Villepinte et la recrudescence des actes de délinquance commis par des mineurs, le groupe UDF vous a interpellé à plusieurs reprises pour parvenir à une « tolérance zéro à la française », ce qui suppose une réforme en profondeur de notre police et de notre justice. Il se réjouit donc que vous preniez aujourd'hui des mesures tendant à la décentralisation et à l'expérimentation. Mais la décentralisation suppose la déconcentration des moyens. Alors que les 26 000 policiers qui partent aujourd'hui en retraite sont remplacés par 14 000 adjoints de sécurité non formés et livrés à eux-mêmes, quelle est donc cette « nouvelle doctrine d'emploi de la police » ? Seuls 1 % des effectifs de votre ministère vont être redéployés.

Divers rapports ont montré combien il était urgent de réformer la police nationale, avec elle et non contre elle, de façon qu'elle soit plus présente sur le terrain et qu'elle dispose réellement des moyens de réprimer la délinquance des mineurs. Votre collègue Claude Allègre restera, à tort ou à raison, comme le ministre de la déconcentration ratée de l'Education nationale. Qu'allez-vous faire concrètement pour ne pas être le ministre de la décentralisation ratée de la police nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Aucune réforme n'a été préparée avec plus de méthode que celle de la police de proximité depuis que le colloque de Villepinte en a fixé la priorité. 67 expérimentations ont été engagées en province et une à Paris qui, toutes, ont fait l'objet, à ma demande, d'une évaluation en temps réel par l'Inspection générale de la police nationale. Après que le bilan en a été présenté aux Assises nationales le 30 mars dernier, nous envisageons aujourd'hui leur généralisation en trois phases.

Si nous avons une très bonne police criminelle et une très bonne police de l'ordre public, les réponses apportées jusqu'ici à l'insécurité au quotidien ne sont pas satisfaisantes. Il nous faut une très bonne police de proximité, présente dans les quartiers où des équipes polyvalentes doivent pouvoir à la fois prévenir et réprimer, en partenariat avec d'autres acteurs dans le cadre des contrats locaux de sécurité.

Pour motiver l'ensemble des policiers, des moyens sont nécessaires. Et à cet égard, les chiffres que vous citez ne sont pas exacts. Si 1 200 policiers, soit 1 % des effectifs, sont en effet redéployés chaque année, le Premier ministre m'a accordé l'an passé 1 664 surnombres et cette année 1 000, de façon qu'avec les 6 161 élèves gardiens de la paix qui sortiront bientôt des écoles, nous puissions opérer la remise à niveau qui s'impose dans certains commissariats après des départs massifs à la retraite. D'autres mesures, en cours d'arbitrage, seront proposées. Des mesures de fidélisation à l'intention des compagnies républicaines de sécurité et des escadrons mobiles de la gendarmerie ont été prises.

La priorité n'est plus donnée à une police d'ordre mais bien à une police de proximité capable de répondre à la détresse des habitants de certains quartiers qui ne doivent plus se sentir abandonnés par rapport à ceux des « beaux quartiers ». Le droit à la sécurité doit être assuré pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

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RÉFORME DES LYCÉES

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, la semaine dernière, le groupe UDF vous a interrogé sur vos projets. La légèreté de réponse, dénoncée par tous les médias, nous a profondément déçus. Vous nous avez parlé hier de la réforme de l'enseignement professionnel. Mais le dossier-phare de votre prédécesseur était la réforme des lycées qui devait se poursuivre en première à la rentrée 2000.

Vous sentez-vous lié par cette réforme ? Allez-vous la poursuivre dans le même état d'esprit ? Enseignants, élèves et parents d'élèves ont besoin de le savoir de toute urgence. Il serait invraisemblable qu'à la veille des vacances de Pâques, les jeunes doivent choisir leur filière pour l'année prochaine sans savoir ce qu'il en sera du baccalauréat dans les années à venir.

Monsieur le ministre, pouvez-vous apporter une réponse claire, précise, loin de toute langue de bois ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. le Président - La parole est au ministre de l'éducation nationale, pour une réponse dont la brièveté ne saurait lui être reprochée...

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale - La légèreté, Madame, serait, aujourd'hui, de vous répondre de la manière dont vous l'exigez. La mission qui m'a été confiée par le Premier ministre...

M. Jean-Antoine Leonetti - Est de ne rien faire.

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale - ...Non ! Figurez-vous que je ne prendrai pas modèle sur M. Bayrou qui pendant quatre ans a conduit une politique d'immobilisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Le ministre de l'éducation nationale doit être à la fois homme de dialogue et homme d'action. Je consacrerai les prochains jours à rencontrer les uns et les autres, et je prendrai alors des décisions sur lesquelles l'Assemblée sera évidemment informée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

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SORT DE L'OPPOSANT GUINÉEN ALPHA CONDÉ

M. Serge Blisko - A Conakry, Alpha Condé, député et dirigeant du Rassemblement du peuple de Guinée est détenu depuis le 16 décembre 1998. Il a été arrêté deux jours après l'élection présidentielle dont il était l'un des principaux candidats. Depuis, seuls ses médecins et ses avocats lui rendent visite -son état de santé est mauvais- et il n'a eu aucun contact direct avec sa famille. Ces derniers mois la mobilisation s'est faite pour obtenir sa libération. Les autorités françaises ont à plusieurs reprises saisi le chef de l'Etat guinéen Lansana Conté pour aboutir à un règlement équitable. Il avait annoncé au Président Chirac que le procès aurait lieu le 7 septembre dernier. Il n'a pu se tenir, le dossier étant vide. On avance aujourd'hui la date du 12 avril pour le procès d'Alpha Condé devant la Cour de sûreté de l'Etat. Mais des témoins ont été arrêtés en octobre, et des chefs d'accusation extrêmement graves ont été rajoutés. On peut craindre un montage judiciaire qui viserait à écarter Alpha Condé de la scène politique.

Quelle est la position du Gouvernement sur cette affaire ? Aura-t-elle des répercussions sur les relations entre la France et la Guinée ?

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - De nombreux parlementaires partagent votre préoccupation, comme de nombreux responsables africains dont Alpha Condé est bien connu puisqu'il fut le secrétaire général de la fédération des étudiants d'Afrique noire en France.

Le procureur général de la République de Guinée a annoncé qu'un procès s'ouvrirait le 12 avril avec quatre chefs d'accusation : atteinte à la sûreté de l'Etat, violence à l'égard d'un agent de la force publique, transfert illégal de devises et violation des décisions des autorités administratives. Il est vrai que les conditions dans lesquelles le député Alpha Condé fut arrêté au sud-est de la Guinée, loin de sa circonscription, près de la frontière du Mali, au surlendemain de l'élection présidentielle, ne sont pas entièrement élucidés. Ces chefs d'accusation surprennent ses amis et les informations qui nous arrivent sur la conduite de l'instruction renforcent notre préoccupation.

Depuis de longs mois, la France a fait part de ses inquiétudes. Lors de son voyage en juillet, le Président de la République avait rappelé que la France est attachée au respect des droits de l'homme et des procédures judiciaires ; notre ambassadeur a fait de même à plusieurs reprises et à l'occasion d'un voyage en novembre, je m'en suis entretenu avec le Président Lansana Conté qui avait alors dit que le procès serait public et équitable. Il s'agit de nous en assurer. Notre ambassadeur et nos services sont en alerte. L'Assemblée des parlementaires francophones a chargé M. Wiltzer et Penne d'aller sur place pour nous tenir informés du déroulement du procès. La France est extrêmement attentive aux conditions dans lesquelles il sera conduit. C'est après que, s'il le fallait nous en tirerions des conséquences pour notre coopération avec la Guinée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 5 est reprise à 16 heures 25, sous la présidence de Mme Lazerges.

PRÉSIDENCE de Mme Christine LAZERGES

vice-présidente

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DÉMISSION ET REMPLACEMENT D'UN SECRÉTAIRE
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Mme la Présidente - J'informe l'Assemblée qu'il y a lieu de procéder à la nomination d'un secrétaire de l'Assemblée nationale, en remplacement de M. Bernard Charles, démissionnaire.

Cette nomination aura lieu, conformément à l'article 10 du Règlement, au début de la première séance du jeudi 6 avril 2000.

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MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

Mme la Présidente - Par lettre de ce jour, le ministre chargé des relations avec le Parlement a informé le Président de l'Assemblée nationale que la discussion du projet de loi organisant la consultation de la population de Mayotte et de la proposition de loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, inscrits à l'ordre du jour de demain, n'interviendrait qu'à partir de la séance de l'après-midi.

L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

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      PROTOCOLE DE KYOTO

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation du protocole de Kyoto à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Mois après mois, l'alerte lancée par la communauté scientifique mondiale et par les écologistes sur le risque d'un changement climatique se confirme. La température du globe a sans doute augmenté de plus de 0,6 degré au cours du XXème siècle. Les précipitations s'accroissent, la superficie et l'épaisseur des glaces des pôles diminuent, les glaciers alpins et continentaux régressent.

Selon les scientifiques, cette évolution provoquera une augmentation de la fréquence et de l'intensité des aléas climatiques. S'il n'est pas possible d'attribuer avec certitude la double tempête qui a frappé la France en décembre dernier au changement de climat, celle-ci montre la vulnérabilité de notre pays à des évolutions climatiques extrêmes. Autant que d'un réchauffement global de quelques degrés, nous devons nous préoccuper des conséquences que l'effet de serre pourrait avoir sur le bouleversement des climats. En vertu du principe de précaution, nous devons agir pour en réduire le risque et pour en anticiper les conséquences.

Consciente de ces enjeux, la France a joué un rôle de premier plan dans la négociation internationale sur les climats depuis la conférence de La Haye qu'elle a co-organisée en 1989. La convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques a été négociée sous l'égide d'un Français, Jean Ripert. J'ai, pour ma part, fait de la lutte contre l'effet de serre une des priorités de mon action. Je suis fière d'avoir présidé la délégation française à Kyoto, en décembre 1997, lors de la conférence qui a permis d'aboutir à un accord sur un protocole complétant la convention cadre et fixant, pour la première fois, des objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés. C'est donc avec plaisir que j'ai accepté de remplacer Hubert Védrine, empêché aujourd'hui, pour vous soumettre le présent projet de loi.

L'adoption de ce protocole, malgré les réticences de certains de nos partenaires de l'OCDE, qui ne souhaitaient pas s'engager sur des réductions réelles de leurs émissions, a été rendue possible par la solidarité des pays de l'Union européenne pendant plus de deux ans de négociations. Ils ont, en effet, choisi de souscrire un engagement commun de réduction de leurs émissions de 8 % entre 1990 et 2010. Ils se sont répartis les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre en juin 1998. Le respect de cet engagement commun exigera, outre des mesures nationales de réduction des émissions, une harmonisation communautaire des actions engagées.

L'objectif global de réduction des émissions des pays industrialisés de 5,2 % entre 1990 et 2010 peut paraître modeste, mais tenir les engagements que les pays industrialisés ont pris à Kyoto en décembre 1997 constitue la première étape d'un effort qui devra se poursuivre tout au long du XXIème siècle. Les pays développés doivent en effet s'orienter vers la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre et cesser d'offrir aux pays du Sud un modèle de développement reposant sur une consommation d'énergie toujours plus importante.

Au niveau national, le protocole de Kyoto nous a fixé comme objectif de ramener nos émissions de gaz à effet de serre à leur niveau de 1990 en 2010. Sans efforts de réduction, nos émissions, qui s'élevaient à 144 millions de tonnes d'équivalent carbone en 1990 et qui ont été stables entre 1990 et 2000, s'accroîtraient de 31 millions de tonnes entre 2000 et 2010. L'effort que nous aurons à accomplir est donc loin d'être négligeable, puisqu'il nous faudra réduire nos émissions de près de 20 %.

Avant de vous soumettre l'approbation du protocole de Kyoto, j'ai souhaité qu'un nouveau programme national de lutte contre le changement climatique soit décidé par le Gouvernement. Il importait en effet d'engager dès maintenant les efforts qui nous permettront d'atteindre notre objectif. Les mesures contenues dans le programme national adopté en janvier dernier ont donc pour objet de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 31 millions de tonnes d'équivalent carbone par an à l'horizon 2010.

Prise individuellement, chacune de ces mesures, qu'elle soit réglementaire, fiscale, incitative ou d'information, peut paraître de faible portée ; elles constituent pourtant un ensemble cohérent devant nous permettre d'atteindre l'objectif de Kyoto.

Ce plan comprend des mesures immédiatement applicables et un programme de travail pour le Gouvernement. J'attacherai une importance particulière à la mise en _uvre effective des mesures prévues.

Sur plusieurs sujets, le Gouvernement a décidé d'anticiper les décisions communautaires. Ainsi, il souhaite étendre le dispositif de la taxe générale sur les activités polluantes aux consommations intermédiaires d'énergie des entreprises dès l'année prochaine, sans attendre l'aboutissement des négociations communautaires.

La France présidera le Conseil de l'Union européenne à partir de juillet. La lutte contre l'effet de serre sera une des grandes priorités de cette présidence. Nous devrons nous donner les moyens, au niveau communautaire, d'atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre que le protocole de Kyoto fixe à 8 % entre 1990 et 2010.

J'ai écrit en février à la commissaire en charge de l'environnement pour lui demander d'élaborer une véritable stratégie communautaire, qui puisse être soumise rapidement au Conseil. Je souhaite saisir l'opportunité de la présidence française pour avancer.

De manière plus générale, il me semble indispensable que les pays industrialisés prennent rapidement des mesures pour respecter leurs engagements. J'évoquerai ce sujet lors de la réunion du G8 de l'environnement, qui aura lieu ce week-end au Japon. La semaine prochaine, je présiderai avec mon collègue danois un atelier international sur les politiques de lutte contre l'effet de serre. Nos opinions publiques attendent des actes dans la lutte contre l'effet de serre. Or la lenteur des négociations internationales et les délais que certains pays semblent vouloir prendre pour ratifier le protocole laissent craindre que le souffle de Kyoto retombe.

C'est ce qui se passera si chaque pays s'accoutume à l'idée qu'il ne respectera pas la totalité de ses engagements et compte sur les difficultés rencontrées par les autres pays pour justifier ses propres manquements. A terme, les effets d'une telle attitude seraient dramatiques : perte de confiance des opinions publiques, affaiblissement de la crédibilité des organisations internationales...

C'est pourquoi il faut que notre pays donne l'exemple. Tel est l'enjeu du projet qui vous est soumis.

Avec le soutien de votre Assemblée, la France pourra aborder la conférence de La Haye en ayant pris les dispositions nécessaires pour ratifier le protocole de Kyoto. Cette conférence, qui aura lieu en novembre 2000, sous la présidence française de l'Union européenne, sera une étape décisive pour rendre le protocole de Kyoto pleinement applicable. Mon objectif est que ses résultats permettent à un nombre suffisant de pays de ratifier le protocole pour le faire entrer en vigueur avant 2002, c'est-à-dire avant le dixième anniversaire de la Conférence de Rio.

A La Haye, j'insisterai sur la nécessité de mettre en place un dispositif crédible de respect des obligations. Il faut en effet pouvoir vérifier le caractère effectif et durable des réductions d'émissions, et instituer un système complet d'incitations et de sanctions qui assurera le respect des engagements de Kyoto. L'enjeu n'est pas mince, car il s'agit de créer dans le cadre du système des Nations unies, des institutions qui ne reposent pas sur le seul bon vouloir des Etats.

Il faudra aussi faire en sorte que les objectifs de réduction des émissions soient atteints par des mesures mises en _uvre sur le territoire de chaque pays partie au protocole. C'est notre ambition au niveau national, puisque notre programme doit nous permettre de respecter nos engagements sans recourir à l'achat de droits d'émissions auprès d'autres parties. Cela suppose que les mécanismes de flexibilité prévus au protocole de Kyoto soient strictement encadrés et régulés. S'ils ne l'étaient pas, ces mécanismes pourraient avoir les pires conséquences, en offrant des échappatoires aux pays peu soucieux d'engager les efforts nécessaires.

Enfin, je parlerai en faveur d'une véritable politique de coopération avec les pays en développement. L'histoire des politiques de coopération nous a appris que des investissements ponctuels ne suffisent pas à entraîner le décollage de ces pays. Nous devons renforcer les transferts de technologie, afin de leur permettre d'engager des politiques de maîtrise de l'énergie.

Telles sont les réflexions que m'inspire le protocole de Kyoto, dont il vous est demandé d'autoriser l'approbation, conformément à l'article 53 de la Constitution (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteuse de la commission des affaires étrangères - Je regrette que l'assistance ne soit pas plus nombreuse, ce mercredi, qu'au cours des débats de ces derniers jours, qui ont défrayé la chronique sans avoir autant d'importance.

L'action de Mme la ministre s'est révélée payante, puisque la France a pris position de manière très avancée sur la question du réchauffement climatique.

Tempêtes et accidents climatiques se succèdent ; on les qualifie d'exceptionnels alors qu'ils tendent à devenir habituels. Les dégâts causés montrent qu'il convient d'agir au plus vite.

L'effet de serre est à l'origine un phénomène naturel : sans lui, la température moyenne à la surface de la Terre serait de - 18°, au lieu de 15° actuellement. Il est provoqué par la vapeur d'eau, le dioxyde de carbone, le protoxyde d'azote et les chlorofluorocarbones. Mais l'effet de serre est accentué par les activités humaines, même s'il est difficile de déterminer dans quelle proportion. Nous devons donc tout faire pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

On connaît en effet les conséquences dramatiques du réchauffement climatique : hausse du niveau des océans, fragilisation des écosystèmes, développement des maladies infectieuses, plus grande amplitude des cycles hydrologiques...

Les statistiques faisant apparaître un lien entre les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique, le principe de précaution doit s'appliquer.

Signé en 1997, le protocole de Kyoto représente un progrès, puisqu'il nous a fait passer des déclarations d'intention à des objectifs chiffrés, ce qui témoigne d'une réelle volonté d'agir, même si, fixé à 5,2 % entre 2008 et 2012, l'objectif de réduction demeure peu ambitieux. Selon certains experts, il faudrait réduire de 50 % les émissions de gaz à effet de serre.

Il est bon, par ailleurs, qu'aient été fixés des objectifs par pays : 7 % de réduction pour les Etats-Unis, 8 % pour l'Union européenne. Cela rendra le protocole plus contraignant.

Son champ d'application est très large, puisque 159 pays étaient présents à la conférence et que le protocole a eu 84 signatures : parmi eux, la Chine -mais pas l'Inde.

Tous les gaz à effet de serre sont visés par ce protocole, qui trouve cependant ses limites dans ses mécanismes de flexibilité, dont les modalités d'application sont très discutables. Il s'agit des fameux permis de polluer, qui présentent au moins des avantages théoriques : un contrôle plus aisé des efforts et la mise en évidence des coûts réels de la dépollution. Mais il est difficile d'évaluer les quotas disponibles dans un contexte fluctuant. La consommation d'énergie variant avec la croissance, certains pays n'ont un taux d'émission réduit qu'en raison de leur situation de crise économique et rien ne permet d'affirmer qu'ils ne deviendront pas d'importants émetteurs pour l'avenir. Par ailleurs, certains pays ne sont tenus de respecter aucun engagement.

Ces mécanismes de flexibilité devraient être subsidiaires, mais leur usage reste à préciser : ce sera un des enjeux de la conférence de La Haye. Sur ce point, la Commission européenne est fluctuante. Dans un « livre vert », elle défend le recours aux mécanismes de flexibilité, alors qu'elle fait une liste de mesures à prendre au niveau domestique dans une communication de moindre importance.

Je me réjouis donc de la détermination de Mme la ministre.

Le protocole n'a pas défini la place des pays du Sud dans la lutte contre le réchauffement. Il ne prend pas en compte toutes les sources démission de gaz à effet de serre, en particulier le transport aérien, qui échappe à toute régulation. Enfin les procédures d'entrée en vigueur sont très longues.

La ratification du traité de Kyoto est un progrès, mais ce n'est qu'une étape. La France doit montrer l'exemple et c'est donc une bonne chose qu'elle soit le premier pays industrialisé à le ratifier, cela confortera notre position pour la conférence de La Haye. Cela dit, ses obligations sont modestes -une simple stabilisation des émissions. L'essentiel de son effort devra porter sur la promotion des énergies renouvelables et sur les transports. Nous devrons mettre en _uvre rapidement le plan national de lutte contre le réchauffement climatique, poursuivre une politique beaucoup plus volontariste en matière de transports et de maîtrise de l'énergie. Il reste beaucoup à faire dans ce domaine, même si l'ADEME a reçu quelques moyens supplémentaires. Il y a également un effort considérable de sensibilisation des élus et de l'opinion à faire sur ces questions si nous voulons progresser.

Le Parlement devrait être associé davantage à ces enjeux. Nos procédures font que c'est la commission des Affaires étrangères qui traite de ces questions, mais elles intéressent également d'autres commissions, qui devraient donner leur avis. Nous souhaiterions également être associés en amont aux négociations de La Haye : il faudra que cette conférence encadre strictement les mécanismes de flexibilité et mettre en place des contrôles et des sanctions efficaces, comme c'est le cas à l'intérieur de l'Union européenne. Dans l'immédiat, je vous invite à approuver ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Brana - Dès juillet, la France assurera pour un semestre la présidence de l'Union européenne. Dans ce cadre, se tiendra en novembre à La Haye, la 6è conférence des parties à la convention sur les changements climatiques. Ce sommet, sorte de bras de fer entre l'Europe et les Etats-Unis, fixera les conditions d'application du Protocole de Kyoto. Notre pays doit attacher une importance particulière à la réussite de cette conférence aux enjeux si décisifs pour lutter contre les émissions de gaz à effets de serre.

La France accueillera en septembre une conférence préparatoire à ce rendez-vous. Elle doit y faire valoir sa détermination, renforcée par le programme national d'action contre les risques climatiques présenté par Lionel Jospin en janvier dernier.

Aujourd'hui, nous devons faire en sorte d'être le premier pays de l'Union européenne à ratifier le protocole de Kyoto.

Si, d'année en année, la science lève les doutes sur les effets nuisibles des activités humaines, il faut rappeler que depuis longtemps déjà la France agit contre ces risques. En réaction au choc pétrolier de 1973, la politique d'économies d'énergie a eu pour origine la crainte des restrictions d'approvisionnement. Puis est intervenue la lutte contre les pollutions, et enfin celle contre le réchauffement de la planète, et donc l'effet de serre.

Dès 1989, dans un rapport de mission sur la maîtrise de l'énergie que m'avait confié Michel Rocard, je préconisais un recours accru à des énergies alternatives ou renouvelables, y compris dans les pays du Sud.

La situation n'a pas beaucoup changé : nous constatons des gaspillages énergétiques et des pollutions atmosphériques. La calorie qui ne pollue pas est celle que l'on n'utilise pas... C'est pourquoi j'approuve notre plan visant à réduire les déplacements automobiles en facilitant les transports en commun.

En France, en effet, les transports cumulent la plus forte croissance et l'émission maximale de gaz à effet de serre : ils contribuaient aux émissions de gaz carbonique à raison de 38 % en 1990, de 47 % en 1997 et leur part dépassera les 50 % en 2010.

Il faut donc agir pour un nouvel équilibre entre la route et le rail, pour le ferroutage, le transport fluvial et le cabotage maritime, pour la maîtrise du transport aérien.

Le protocole de Kyoto ne prend pas suffisamment en compte ce dernier type de transport qui se développe rapidement. Selon l'Union européenne, le trafic voyageurs augmente de 9 % par an. La Commission peine à définir une action intégrée dans ce secteur. Elle se heurte à la difficulté de concevoir des mesures efficaces s'appliquant notamment aux aéroports et aux compagnies aériennes -redevances environnementales, taxation du kérosène... Une simple amélioration de la gestion du trafic aérien réduirait la consommation de carburant de 6 à 12 % en vingt ans. Malheureusement, l'Union européenne tergiverse et s'intéresse à la négociation des droits d'émission de gaz.

Ce regrettable marché des permis d'émission est le fruit du compromis entre les Etats-Unis et l'Europe pour parvenir à ce protocole. Mais la France devra veiller à ce qu'il soit strictement encadré, en usant de ses prérogatives à la présidence de l'Union. Il faut que nous renforcions à la fois les mesures incitatives de surveillance et coercitives pour éviter toute dérive. Bien entendu, cette démarche n'a de chance d'aboutir que par la discussion avec nos partenaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Martine Aurillac - Le protocole à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a été adopté à Kyoto en décembre 1997 et signé par la France le 29 avril 1998.

La convention-cadre et le protocole additionnel visent à lutter contre l'augmentation de l'effet de serre dont les conséquences peuvent être désastreuses sur les équilibres écologiques.

La question est complexe puisque les actions à engager touchent tous les secteurs de l'économie et induisent des divergences d'intérêt entre les pays. Aussi la négociation a-t-elle été longue et difficile.

Mais revenons un instant en arrière.

La convention de Rio sur les changements climatiques, adoptée en 1992 à New York est entrée en application en 1994. Elle a été signée par 178 Etats, plus l'Union européenne. Son objectif principal est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre à un niveau empêchant toute perturbation dangereuse du système climatique. Il s'agit d'une simple convention-cadre, dont les modalités doivent être précisées par voie d'amendement ou de protocole.

La conférence de Kyoto a abouti à l'adoption d'un protocole, le 10 décembre 1997, qui prévoit de commencer à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le taux de réduction par rapport au niveau de 1990 a été fixé à 5,2 % par les principaux pays industrialisés et à 8 % pour chacun des pays de l'Union européenne. L'Europe a également contribué à rapprocher les positions antagonistes des Etats-Unis et des pays en voie de développement.

L'accord de Kyoto porte sur les six principaux gaz à effet de serre, à l'exception de ceux rejetés par les avions et les navires.

La conférence de Buenos-Aires de novembre 1998 a permis d'établir un programme de travail pour préciser les dispositions générales prévues dans le protocole de Kyoto, notamment le dispositif de sanctions à mettre en place.

Des décisions concrètes devraient être prises lors de la nouvelle conférence des parties qui doit se tenir à La Haye à la fin de cette année.

La France est l'un des pays industrialisés où l'émission de gaz à effet de serre est la moins forte -1,7 tonne de carbone par an et par habitant en 1995. Cette situation résulte de la politique d'économies d'énergie menée depuis le premier choc pétrolier et aussi de la part importante de l'énergie nucléaire. Notre pays a par ailleurs adopté un programme national de prévention du changement de climat, qui a été renforcé par la loi sur l'air votée dès 1996 sous le gouvernement Juppé.

Lors de la réunion du G8 à Cologne, en juin dernier, les changements climatiques ont été présentés comme une menace extrêmement grave et plusieurs orientations ont été réaffirmées : encadrement des mécanismes élaborés à Kyoto par un système de contrôle, nécessité de mesures pour réduire les émissions par une utilisation rationnelle et efficace de l'énergie, élaboration de mesures nationales pour prévenir les changements climatiques, appel à une participation accrue des pays en développement à l'effort de réduction des émissions.

La négociation de Kyoto a montré que l'un des points de divergence entre les Etats-Unis et l'Union européenne tenait aux moyens utilisables pour atteindre les objectifs chiffrés. Alors que les Européens souhaitaient mettre l'accent sur la nécessité des mesures internes prises par chaque acteur pour ses émissions, les Américains étaient favorables au commerce des droits à polluer.

La France, volontariste dans ce domaine, doit montrer l'exemple et notre Assemblée a, à cet égard, un devoir de vigilance. Bien que plusieurs questions restent en suspens, la ratification du protocole de Kyoto constitue une étape importante dans la lutte contre l'effet de serre et le Président de la République y a manifesté son attachement en de nombreuses occasions. Enfin, la conférence de La Haye de novembre 2000 se déroulera pendant la présidence française de l'Union européenne et traitera d'enjeux décisifs pour l'application réelle des engagements du protocole de Kyoto.

Le groupe RPR est bien entendu tout à fait favorable à sa ratification (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL).

M. Pierre Goldberg - Intégré à la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, le protocole de Kyoto s'inscrit aussi dans le cadre de la Conférence de Rio de 1992, qui appelait à la responsabilité internationale pour sauvegarder la planète, menacée par la rupture des grands équilibres naturels. La volonté d'agir en la matière se justifie par l'existence d'un lien présumé entre l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre et le phénomène de réchauffement climatique. En cent ans la température à la surface du globe s'est accrue d'un degré, soit plus qu'au cours des dix mille dernières années. Dans le même temps, les émissions de carbone, pour les besoins de l'industrialisation, ont été la principale source de réchauffement.

Les risques liés au réchauffement climatique sont considérables. Ainsi, l'amplitude et la fréquence des orages, des inondations, des crues et des tempêtes, pourraient augmenter, et les accidents météorologiques se multiplier.

En France, le recours à l'énergie nucléaire a permis à la production d'électricité d'émettre peu de gaz à effet de serre et notre politique en matière d'économie d'énergie doit être également poursuivie, au même titre que notre réflexion sur les avantages du transport rail-route pour l'environnement.

De même, le réchauffement climatique ne doit plus être ignoré dans la définition des politiques sectorielles. Ainsi, qu'il s'agisse de santé publique, d'agriculture ou de protection de la nature, les décisions prises aujourd'hui doivent anticiper les bouleversements annoncés pour demain.

C'est dans ce cadre que s'inscrit le protocole de Kyoto qui intervient conformément au principe de précaution, et qui est considéré généralement comme un succès, parce qu'il fixe des objectifs chiffrés et parce qu'il individualise les engagements de réduction d'émissions de gaz.

Toutefois, l'analyse de ses modalités d'application dévoile le véritable prix de ces avancées. Ainsi, les Etats-Unis ont réussi à faire accepter l'inacceptable : l'institution d'un marché de droits d'émissions, qui consacre l'existence d'un « droit de polluer » qui ne peut être considérée comme un moyen de contribuer à la protection de l'environnement.

A l'inverse du nécessaire partage des coûts de recherche-développement et de la diffusion des innovations, ce principe de permis négociable va induire des phénomènes de privatisation des connaissances.

La logique sur laquelle repose la mise en place de ce système est d'autant plus inique que l'allocation des droits d'émissions attribués à chaque pays ne résulte pas d'une décision objective mais d'un rapport de force. Ainsi les quotas des pays d'Europe de l'Est sont surévalués, ce qui fait craindre la mise sur le marché de leur part « d'air chaud ».

De la même façon, la surévaluation des quotas des pays en voie de développement risque de les pousser à vendre leur « excédent » aux pays industrialisés, ces derniers pouvant ainsi émettre de plus en plus de gaz à effet de serre au bénéfice de leur propre croissance économique. Loin d'être surréaliste, ce scénario annonce la formation d'un cercle vicieux. Ne correspond-il pas au final à une forme de néocolonialisme à l'encontre des pays les moins avancés ?

Le fait que de tels enjeux se traduisent par l'institution de droits à polluer -qui peuvent eux mêmes faire l'objet de spéculations-, relève d'un cynisme auquel nous ne pouvons souscrire.

En théorie, la mise en _uvre de cette forme de mécanisme de flexibilité ne pouvait être que subsidiaire à la pratique de politiques nationales. Or il semble que l'Union européenne veut aujourd'hui les reprendre à son compte. Dès lors, comment s'étonner que les organisations non gouvernementales s'opposent vigoureusement à ce dispositif, qui exonère lâchement les pays contribuant le plus à l'effet de serre ?

De ce fait, le protocole de Kyoto apparaît aujourd'hui comme le résultat d'une logique de domination. Ainsi, les pays industrialisés n'ont pas hésité à imposer aux pays en voie de développement une interdiction de polluer de principe.

Au titre de notre responsabilité à l'égard des générations futures, et au nom de l'éthique la plus élémentaire, le groupe communiste ne votera pas le protocole de Kyoto (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Claude Gaillard - Je pensais ouvrir mon propos en évoquant le consensus qui ne manquerait pas de se dégager sur la ratification de ce protocole mais l'orateur précédent me contraint à une autre accroche. Je dois vous dire, Madame la rapporteuse, que j'ai apprécié le ton et les qualités pédagogiques de votre rapport, qui donne des exemples très parlants et qui nous invite, par sa rigueur scientifique, à ne pas faire de prévisions trop ambitieuses. Cela étant, le principe de précaution doit naturellement conduire notre action et l'on peut penser qu'il existe un lien entre l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement de la Terre. Tous secteurs confondus, tout doit être mis en _uvre pour économiser l'énergie, car, comme l'a dit un orateur précédent, la calorie qui n'est pas utilisée est celle qui pollue le moins. En matière de transports, qui sont une source de pollution importante, les recherches doivent être poursuivies et il convient de continuer à privilégier les transports en commun.

La France est plutôt bonne élève en matière de lutte contre les pollutions et l'Europe dans son ensemble aussi. Le groupe UDF préfère à cet égard la contrainte aux mécanismes de flexibilité. Parce qu'elle a la chance d'être une zone de haute technologie, l'Europe doit montrer l'exemple et s'efforcer de renforcer sa crédibilité par rapport aux pays en voie de développement. Il me paraît également logique que l'on puisse accepter de manière subsidiaire le mécanisme de flexibilité, pour que le plus tôt possible, dans l'ensemble des pays du monde, tout soit mis en _uvre pour polluer le moins possible. Nous devons à cet égard accompagner les pays de l'Est et du Sud, ce qui ne nous exempte en rien de nos propres efforts pour progresser, qui coûteront nécessairement plus cher car nous partons de plus haut. Nous devons également poursuivre notre réflexion sur les incitations fiscales qui sont parfois envisagées, afin qu'elles ne portent pas atteinte à la compétitivité de nos entreprises.

Si notre pays, grâce à son parc nucléaire de centrales électriques, subit une moindre pollution par les gaz à effet de serre, il ne doit pas se dispenser de poursuivre les recherches sur les autres types de pollution.

Madame la ministre de l'environnement, comme il n'a pas de divergences avec vous sur ce dossier -les projets de loi se suivent mais ne se ressemblent pas ! (Sourires)-, le groupe UDF votera la ratification du protocole de Kyoto, tout en vous demandant de continuer à faire pression auprès de tous les pays développés pour qu'ils réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre, ce que tous ne font pas aujourd'hui.

Mme Nicole Ameline - Très bien !

M. Yves Cochet - Avant d'en venir à la ratification du protocole de Kyoto, je souhaite évoquer l'évolution passée de la consommation d'énergie en France et son avenir souhaitable.

Alors que le PIB de notre pays a augmenté de 60 % en 25 ans, la consommation totale d'énergie n'a augmenté dans le même temps que de 10 %. C'est la preuve que croissance économique et consommation d'énergie ne sont plus liées, c'est-à-dire que les économies d'énergie sont compatibles avec l'activité économique. Mieux encore, en évitant les gaspillages et en incitant à un usage intelligent de l'énergie, ces politiques énergétiques sont plus favorables que tout autre pour notre société. Tout service, toute production, toute satisfaction d'un besoin social requérant de l'énergie s'obtiennent par la combinaison de trois éléments : une technique, un produit énergétique et un mode d'usage.

Les anciens schémas d'infrastructures ont été remplacés par les schémas de services collectifs par votre loi sur l'aménagement et le développement durable du territoire, Madame la ministre. Il faudrait de même dans le domaine énergétique partir des besoins terminaux : nous n'avons pas besoin d'abord d'énergie, mais de chauffage, de lumière, de mobilité...

Le secteur des transports est responsable de 45 % des émissions de CO2, dont 80 % sont imputables au transport routier. De 1975 à 1995, la consommation d'énergie, donc les émissions de gaz à effet de serre, a crû de 71 % pour les transports individuels et de 81 % pour le transport routier de marchandises. C'est donc en ce domaine que la France et l'Union européenne doivent porter leur effort. Je vous remercie par avance, Madame la ministre, de transmettre ce message ferme à votre collègue M. Gayssot. Riverain abasourdi de l'aéroport de Roissy...

Mme Nicole Bricq - Je le suis également !

M. Yves Cochet - ...je ne puis que regretter qu'entre 1975 et 1995, la consommation d'énergie du transport aérien ait augmenté de 152 %. Bref, sur les routes comme au ciel, il est grand temps de réduire les émissions de gaz à effet de serre et les nuisances sonores.

On nous dit que la France émet moins de ces gaz grâce à son parc électro-nucléaire mais les transports étant le secteur qui contribue le plus à cette pollution, il faut agir spécifiquement contre le fléau des moteurs thermiques au sol et dans les airs.

Comme vous souhaitez réduire de 31 millions de tonnes d'équivalent carbone par an nos émissions de gaz à effet de serre, je me propose de vous remettre, afin de vous aider, un ouvrage issu des travaux de ma formation politique ainsi que le groupe de travail S3 du Commissariat au plan, et qui comporte 22 mesures pour réduire ce type de pollution dans les transports.

J'en viens au protocole de Kyoto. Je partage les trois priorités que vous vous proposez de défendre à La Haye. La deuxième appelle cependant quelques éclaircissements. Que voulez-vous dire exactement quand vous dites que les objectifs de réduction des émissions seront « principalement » atteints par des mesures appliquées sur le territoire de chaque Etat partie au protocole ? Le Gouvernement français s'engage-t-il à ne pas recourir d'ici à 2010 aux permis négociables de pollution ?

L'ouverture d'un tel marché créerait une brèche dans laquelle s'engouffreraient gouvernements et entreprises pour éviter d'avoir à faire des efforts nationaux. Il est certain aussi que ce marché serait ensuite étendu aux pays du Sud, ce qui serait inacceptable sur le plan écologique et sur le plan moral (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.) Ma crainte se fonde sur une récente communication et un livre vert, fort mal nommé, de la Commission européenne, d'inspiration très libérale quant à l'ouverture de ce marché.

Dernière interrogation : l'article 12 du protocole de Kyoto parle de « développement propre ». S'agit-il seulement d'un développement économe en CO2, auquel cas les lobbies nucléaires des pays du Nord qui vendraient des réacteurs aux pays du Sud contribueraient à un développement « propre » ? Il serait de surcroît insensé que les pays du Nord en tirent en contrepartie bénéfice en augmentant leurs droits à polluer !

Les Verts autoriseront bien sûr la ratification du protocole de Kyoto pour lequel vous vous êtes vaillamment battue, Madame la ministre. Ils attendent néanmoins des réponses claires à leurs interrogations inquiètes.

Mme la Rapporteuse - Très bien !

Mme Nicole Ameline - Chacun a désormais pris conscience que le réchauffement du climat de la planète peut conduire à des catastrophes écologiques. A Rio puis à Kyoto, a donc été réaffirmé l'absolue nécessité de contenir les émissions de gaz à effet de serre.

Le compte à rebours a commencé. Les grandes nations industrielles ont dix ans pour changer leur mode de vie afin de maîtriser leur consommations d'énergie et de réduire ces émissions nocives.

Peu importe les incertitudes scientifiques, l'engagement a été pris à Kyoto de réduire les émissions de 5,2 %, entre 2008 et 2012, par rapport à 1990. Modeste en apparence, cet objectif est fort ambitieux.

Si aucune mesure n'est prise, la demande mondiale d'énergie entraînera, à l'horizon 2020, une croissance de 70 % des émissions de dioxyde de carbone, principal gaz à effet de serre. Pour les Etats-Unis, qui rejettent à eux seuls un quart des gaz à effet de serre de la planète, l'objectif de réduction de 7 %, qu'ils ont accepté à Kyoto, équivaut, compte tenu des prévisions de croissance économique et démographique, à un effort de réduction de près de 30 %.

La France, grâce à son parc nucléaire, peut se targuer d'être l'un des très bons élèves de la classe parmi les Etats membres de l'OCDE pour les émissions par tête d'habitant.

M. Yves Cochet - Non !

Mme Nicole Ameline - Mais elle va devoir mettre en place des politiques vigoureuses de protection de l'environnement. Ses rejets de dioxyde de carbone risquent en effet de progresser de 25 % en 2012 du fait de la seule augmentation des trafics routiers et aériens.

Les engagements pris à Kyoto ne pourront être respectés sans une mobilisation générale des gouvernements, des industries, des chercheurs et de l'ensemble des acteurs économiques. La course de fond qui s'engage risque bien d'être à deux vitesses.

Avec d'un côté, la « machine onusienne » qui réunit chaque année les quelque 160 Etats signataires de la convention cadre sur les changements climatiques et s'emploie à leur faire rédiger un protocole d'accord, article par article, virgule par virgule, dans l'espoir d'établir des règles du jeu internationales efficaces et équitables.

Et de l'autre côté, la sphère économico-industrielle qui n'a pas encore mesuré tous les enjeux, mais commence à miser sur des technologies « propres », à spéculer en bourse sur l'avenir du futur marché du carbone, et à étudier comment l'argument environnemental peut devenir une arme commerciale.

Dans ce contexte, le protocole de Kyoto est une étape majeure dans le processus diplomatique lancé en 1992 à Rio, avec la signature de la convention-cadre qui visait à stabiliser les émissions de gaz à effet de serre. A Kyoto, les pays de l'OCDE, les pays d'Europe de l'Est, la Russie et l'Ukraine sont allés plus loin en s'engageant à limiter globalement de 5 % en 2012 leurs rejets par rapport au niveau de 1990.

Ces pays, dits « de l'annexe I », peuvent respecter leurs engagements en utilisant, à côté des « politiques et mesures » nationales, des « mécanismes de flexibilité ». Il y a d'abord l'échange des permis d'émission de gaz à effet de serre. Il existe également le mécanisme de « l'application conjointe » ; un Etat finance chez un autre la modernisation d'une usine qui émettra, de ce fait, moins de gaz à effet de serre. Il reçoit en retour les « crédits d'émission » correspondant à une réduction. Enfin, le « mécanisme de développement propre » est, l'échange d'une aide technique contre un crédit d'émission. Mais aucun de ces trois mécanismes ne paraît réellement opérationnel.

L'Union européenne est parvenue à inscrire dans le protocole que le recours aux mécanismes de flexibilité ne constitue qu'un « complément » des politiques et mesures nationales, pour éviter qu'ils deviennent des échappatoires pour les pays ne souhaitant consentir aucun effort national.

Depuis 1997, la négociation se polarise entre les Européens qui veulent privilégier les politiques nationales et les Américains qui veulent faire la part belle aux mécanisme de marché.

Cette dernière solution présente un risque : les Etats pourraient s'exonérer de tout effort sur leur territoire. Nous en sommes tous d'accord, il faut agir au niveau national pour modifier les comportements individuels et les modes de production, sans mettre en cause la compétitivité.

L'Union européenne a demandé un engagement précis et substantiel de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, ainsi que la mise en _uvre coordonnée de politiques et mesures précises. Il faut soutenir cette volonté exemplaire.

L'enjeu de la prochaine conférence sur le climat à La Haye en novembre 2000, sera de définir des règles qui ménagent les positions européenne et américaine et des règles de relations entre pays industrialisés et pays en développement. La principale difficulté peut venir de la mise sur le marché des droits d'émission importants dont disposent la Russie et l'Ukraine, qui ferait s'effondrer les prix.

Qu'arrivera-t-il en 2012, date à laquelle les Etats devront être en conformité avec leurs engagements ? Les expériences montrent que les participants au marché ont besoin d'un délai plus long, garantissant des règles stables, pour changer leurs comportements. Pour le marché du dioxyde de souffre, il faudrait par exemple, une échéance de 30 ans. La date butoir de 2012 est trop proche. Pour que les Etats puissent prendre des engagements à long terme, l'échéance doit être portée au minimum à 2020.

Le protocole de Kyoto représente donc un progrès, mais les mécanismes qu'il prévoit ont des limites trop prévisibles, pour ne pas en tenir compte dès à présent. Néanmoins, conscient que ce texte représente un pas nécessaire pour un environnement plus propre, le groupe Démocratie libérale et indépendants le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Nicole Bricq - De la conférence de La Haye à ce protocole en passant par la conférence de Rio, nous essayons de mettre en _uvre les bases d'un développement durable et les outils nécessaires à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce protocole a le mérite de faire travailler ensemble des pays dont les intérêts sont parfois contradictoires, pour parvenir à un compromis dynamique. Dans ce processus, l'UE a montré sa cohérence face aux autres pays de l'OCDE et aux Etats-Unis.

Pour parvenir à un développement durable il faut effacer le clivage entre les Européens tenants d'une réduction par la fiscalité et la réglementation, et les Etats-Unis qui souhaitent la mise en place de droits à polluer.

Pour ma part, j'insiste sur la complémentarité des moyens.

La fiscalité d'abord. De la loi de finances pour 1999 -qu'on a appelé « An I » de la fiscalité écologique- au récent plan gouvernemental visant à lutter contre l'effet de serre, le Gouvernement et le Parlement ont montré leur attachement à cette voie.

On débat depuis quelque temps du prix des carburants et de leur taxation. Fiscalité injuste et aveugle, dit-on, qui pénalise les revenus modestes. Pour ma part, je pense que la redistribution sociale ne passe pas par la baisse de la fiscalité des produits polluants mais par une baisse des impôts directs, le réajustement des allocations sociales et le rééquilibrage des revenus du travail par rapport aux revenus du capital.

Notre fiscalité sur les carburants doit avoir comme objectif la baisse des gaz à effet de serre pour mener une politique juste et efficace, encore faut-il connaître les mécanismes de répercussion liés au prix des matières premières, notre rapporteur général y travaille.

Un autre aspect important de cette politique est la mise en place de l'écotaxe.

M. Yves Cochet - La pollutaxe...

Mme Nicole Bricq - C'est un aspect essentiel de notre action. En France la consommation d'énergie des ménages est relativement taxée ; celle des entreprises l'est moins qu'ailleurs. L'écotaxe internalisera les coûts liés à l'environnement et ouvrira la possibilité d'un double dividende en baissant les charges sur le travail.

MM. Yves Cochet et Jean-Pierre Baeumler - Très bien !

Mme Nicole Bricq - Depuis un an le Gouvernement a engagé la concertation avec les industriels pour ne pas les handicaper dans la compétition internationale. Notre dispositif pourra servir de repère à l'ensemble de l'Union économique et sera un argument pour l'harmonisation fiscale.

L'autre politique est celle des permis négociables. Elle peut compléter la première et le Premier ministre a inclus ce dispositif dans son plan de lutte.

On y voit souvent un droit à polluer pour les riches. Cette vision est plus morale que politique. Personne n'est choqué par l'échange de produits polluants, qui sont la source des gaz à effet de serre. Pourquoi serait-il choquant que des échanges commerciaux participent aussi à la réduction des émissions polluantes ?

L'achat de droits à polluer est de toute façon un progrès par rapport à la situation actuelle, où l'on peut polluer gratuitement. Les entreprises, supportant ces coûts, chercheront les procédés de fabrication les moins polluants.

Pour autant, les Etats doivent encadrer ces échanges de permis de polluer.

Selon des études économiques sérieuses, un système communautaire d'échanges de droits d'émission de CO2 entre les fournisseurs d'énergie et les industries consommatrices permettrait à l'Union européenne d'économiser 2 milliards d'euro par an, soit un cinquième des coûts.

M. Yves Cochet - Je ne suis pas convaincu.

Mme Nicole Bricq - Nous ne devons pas avoir une vision doctrinaire sur les moyens de lutter contre les gaz à effet de serre. Comme l'indiquent les articles 5, 6 et 7 du protocole, recourir aux permis de polluer ne dédouane pas les pays utilisateurs de consentir les efforts nécessaires pour réduire leurs émissions polluantes. Ces deux politiques sont complémentaires.

D'où l'importance de ce texte : c'est maintenant qu'il faut mettre en place les politiques de demain pour atteindre les objectifs d'après-demain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre - Je souhaite apporter quelques précisions pour rassurer ceux qui doutent encore. Comme l'ont dit Mme Aubert et M. Gaillard, nous n'avons pas de certitudes sur l'évolution du climat, mais suffisamment de présomptions pour mettre en _uvre le principe de précaution afin de nous éviter des décisions plus difficiles demain.

Les enjeux sont à la fois d'assurer le respect de nos engagements au niveau européen et le succès de la prochaine conférence de La Haye, et de préparer l'après 2012. Il faudra prévoir les moyens de faire participer les pays en développement à ces mécanismes. Certains sont déjà de gros émetteurs de gaz à effet de serre.

Quels sont les moyens dont nous disposons ?

Premièrement, des politiques et des mesures domestiques dont le protocole précise qu'ils constituent l'outil essentiel auquel doivent recourir les pays de l'annexe I, seuls concernés à ce stade.

Deuxièmement, des mécanismes que j'ai soigneusement évité de qualifier de flexibles car ils ne sont précisément admissibles qu'à condition d'être bien encadrés pour éviter des échappatoires ou des effets pervers. L'article 17 précise bien -et la formule est encore plus claire en anglais- que tout échange vient en complément de mesures nationales ; les pays ne sont censés recourir à ces mécanismes que lorsque des mesures domestiques coordonnées au plan international ont été prises. Si le mécanisme de développement propre s'adresse bien aux pays en voie de développement et non pas à ceux qui ont pris des engagements quantifiés de réduction de leurs émissions, le mécanisme de mise en _uvre conjointe s'adresse aux seuls pays de l'annexe I du protocole.

Troisièmement, l'échange de droits d'émission que certains ont qualifié de marché des droits à polluer. Les conditions sont loin d'être réunies pour créer éventuellement un tel marché. Je ne souhaite pas placer la France dans la situation que M. Goldberg a décrite. Nous n'avons jamais considéré ce système d'échange comme un moyen d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. En outre, la création d'un tel marché supposerait de très longs débats préalables, notamment relatifs à l'allocation initiale des droits. Nous n'envisageons pas une seconde de recourir à ce mécanisme en l'absence d'un système très sérieux d'observance du protocole, assorti de contrôles et de sanctions.

Cela dit, j'ai apprécié le plaidoyer des uns et des autres en faveur d'une politique nationale ambitieuse de maîtrise de l'énergie. M. Brana a rappelé le plan de 1973-1974, cette époque où l'on chassait... le Gaspi (Sourires). En décidant de consacrer des sommes conséquentes à la politique nationale de maîtrise de l'énergie -500 millions affectés chaque année à l'ADEME à cette fin- nous nous sommes donné les moyens de renouer avec cette tradition française.

Certains orateurs, dont M. Cochet, ont évoqué la place du nucléaire dans cette stratégie. Les progrès technologiques nous offrent des alternatives pour échapper au choix cornélien entre la lignite de RDA et le tout nucléaire. Je pense notamment à la cogénération au gaz ou aux piles à combustibles, qui pourraient être utilisées dans les transports à échéance d'une décennie environ.

S'agissant précisément des transports, je vous remercie d'avoir salué les efforts qui ont été accomplis pour développer les transports collectifs, en particulier dans les contrats de plan. En ce domaine, les obstacles auxquels nous nous heurtons ne sont pas seulement écologiques, mais aussi sociaux -je pense, par exemple, s'agissant du transport ferroviaire de marchandises, à la difficulté d'harmoniser le temps de travail des chauffeurs routiers au niveau communautaire -ou fiscaux- c'est tout le problème de la fiscalité applicable aux carburants. En ce qui concerne plus précisément le kérosène, l'institution d'une taxe communautaire peut parfaitement être envisagée et je plaiderai en ce sens à Bruxelles.

J'indique avec quelque malice à M. Goldberg que la position des ONG n'est pas tout à fait celle qu'on croit. Hier, Greenpeace s'est félicitée dans un communiqué que la France ait entrepris rapidement des démarches pour ratifier le protocole, tout en évoquant une zone d'ombre : la tentation de recourir au nucléaire dans le cadre du mécanisme de développement propre. J'espère que nous pourrons très vite rassurer les ONG sur ce point.

Enfin, Madame Aubert, sur le plan parlementaire, je me suis exprimée devant la commission de la production à l'invitation de M. Lajoinie et j'ai fait de même au Sénat. J'ai associé les parlementaires français aux négociations internationales officielles, où leur présence me fut très utile, de même que les ONG et les parlementaires anglo-saxons ont été présents et ont influé sur ces négociations. La présence des parlementaires est importante pour faire valoir la position responsable de l'Union européenne, comme j'entend le faire à la conférence de La Haye à la fin de l'année (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

Mme la Présidente - J'appelle maintenant, dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9, du Règlement, l'article unique du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

L'article unique du projet, mis aux voix, est adopté.

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      ACCORDS ET CONVENTIONS

L'ordre du jour appelle le vote, selon la procédure d'examen simplifiée, de huit projets de loi adoptés par le Sénat et autorisant l'approbation de conventions et accords internationaux.

Mme la Présidente - Conformément à l'article 107 du Règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique de chaque projet.

Sont successivement mis aux voix et adoptés :

_ l'article unique du projet autorisant l'approbation de la convention sur l'environnement ;

_ l'article unique du projet autorisant l'approbation de l'accord France-Mexique sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ;

_ l'article unique du projet autorisant l'approbation de l'accord France-Slovénie sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements ;

_ l'article unique du projet autorisant l'approbation de la convention France-Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions ;

_ l'article unique du projet autorisant l'approbation de l'accord France-Kazakhstan sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements ;

_ l'article unique du projet autorisant l'approbation de la convention internationale contre la prise d'otages ;

_ l'article unique du projet autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

_ l'article unique du projet autorisant la ratificatation de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 17 heures 55.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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