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Session ordinaire de 1999-2000 - 88ème jour de séance, 208ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 23 MAI 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 2

PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES 3

NOUVELLES TECHNOLOGIES
DANS L'ADMINISTRATION 4

DÉMOLITION DE GRANDS ENSEMBLES
ET POLITIQUE DE LA VILLE 4

COHÉSION GOUVERNEMENTALE 5

DÉCLARATIONS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR 6

COMMANDES D'AIRBUS A3XX 6

DÉCLARATIONS DE M. CHEVÈNEMENT SUR L'ALLEMAGNE 7

SOLIDARITÉ GOUVERNEMENTALE 8

AÉROPORTS DE PARIS 9

EMPLOI PRÉCAIRE 10

DANGERS DU TÉLÉPHONE MOBILE 10

INSPECTION DU TRAVAIL 11

GENS DU VOYAGE (nouvelle lecture) 12

AVANT L'ARTICLE PREMIER 23

ARTICLE PREMIER 24

ARTICLE PREMIER BIS 28

ART. 2 28

ART. 3 28

ART. 4 29

ART. 5 29

ART. 7 30

ART. 8 30

ART. 9 31

EXPLICATIONS DE VOTE 32

DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE 33

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

M. Alfred Recours - Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - Je ne vois pas ce qui, dès le tout début de ce propos, peut justifier la réaction de M. Degauchy...

M. Alfred Recours - Depuis quinze ans, année après année, dans cet hémicycle comme dans le pays, nous avons l'habitude d'évoquer le déficit, le « trou » de la sécurité sociale.

Or nous venons d'avoir connaissance des comptes sociaux pour 1999 : ils apparaissent pour la première fois en équilibre, voire en léger excédent. Ce résultat n'est certes pas le fruit du hasard : après plus de 265 milliards de déficit cumulé entre 1993 et 1997, l'action engagée a permis de réduire progressivement ce déficit. On prévoit 13,5 milliards d'excédent pour 2000. La question est aujourd'hui de savoir qu'en faire. Différentes propositions ont été faites, tendant à pérenniser nos systèmes de protection sociale et notamment de retraite. D'un autre côté certains soins sont peu ou mal remboursés, comme la lunetterie, la dentisterie ou les prothèses auditives.

Mes questions seront donc simples. Finis les déficits, bonjour les excédents. Pourquoi ? Pour quoi faire ? Et comment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Depuis quinze ans, en effet, quand on parle de la sécurité sociale, les Français pensaient d'abord à son « trou ». Depuis 1999, nous l'avons su hier, la sécurité sociale n'a plus de trou : elle est en équilibre, et nous prévoyons un excédent de 13,5 milliards pour 2000, dont 8,5 milliards seront affectés au fonds de réserve des retraites. Ces résultats ne tombent pas du ciel. Nous avons trouvé un déficit de 54 milliards. Il a fallu s'attaquer à l'ensemble des causes. Les dépenses de ville tout d'abord, et nous avons dû discuter âprement avec les radiologues, les cardiologues, les laboratoires biologiques. Nous avons mis en place une politique hospitalière qui réduit les coûts et les inégalités tout en répondant mieux aux besoins. Nous avons engagé une vraie politique du médicament, qui se fonde sur ses effets de santé et qui développe les génériques. Les résultats sont là. La croissance et le recul du chômage expliquent pour une part la réduction du déficit. Mais, à croissance égale, sans les réformes que nous avons menées, et si les dépenses maladie avaient continué à croître comme entre 1993 et 1997, nous n'aurions pas aujourd'hui un milliard d'excédent mais trente milliards de déficit ! Il fallait donc faire ces réformes, pour mieux répondre aux attentes des Français.

J'en viens à l'utilisation des excédents. Les besoins sont nombreux. A mes yeux la priorité est de mieux rembourser là où nous le faisons mal : lunettes, soins dentaires, prothèses auditives. Nous le ferons, et rapidement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste). Deuxième objectif : être capables-tout en restant vigilants, car nous consommons encore trop de médicaments, et parfois à un prix trop élevé- de suivre l'évolution thérapeutique. Ainsi nous financerons cette année 94 IRM de plus en France, où il y en a à ce jour 182, soit 50 % de plus en un an ; c'est un élément de prévention de maladies parfois graves. Nous voulons aussi pouvoir payer à leur juste prix des thérapies coûteuses pour des maladies graves, comme les trithérapies. D'autre part les retraités demandent une part plus grande des fruits de la croissance : ils ont raison et nous devons y réfléchir, tout en mettant de l'argent sur le fonds de réserve. Enfin nous continuerons, avec Mme Royal, de mener une politique familiale ambitieuse, et d'aider les personnes handicapées.

Une sécurité sociale avec des excédents, c'est pour les Français l'assurance que nous n'irons pas vers la sécurité sociale privée, porteuse d'inégalité, et que chaque jour nous prendrons mieux en compte leurs besoins (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste).

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PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, et concerne les personnes âgées en perte d'autonomie. Aujourd'hui 1,3 million de personnes sont lourdement dépendantes ; or 120 000 seulement bénéficient de la PSD, cependant que les aides des caisses de retraite sont insuffisantes et très inégales. L'accompagnement est porté pour l'essentiel par les familles : 80 % des personnes âgées dépendantes sont prises en charge par leur famille, et 50 % par leur famille seule. Ce ne sont donc pas seulement les personnes âgées qui souhaitent une réforme, mais une partie importante de la population : avec les familles, les professionnels des maisons de retraite, des longs séjours et des services d'aide à domicile.

Le 22 mars, le Premier ministre affirmait sa volonté de créer un vrai droit pour les personnes âgées en perte d'autonomie. M. Sueur vous a remis la semaine dernière, Madame la ministre, un rapport qui comporte des propositions de grande qualité. Il suggère qu'une prestation nouvelle soit mise en _uvre dans les mêmes conditions sur tout le territoire ; cette aide personnalisée à l'autonomie pourrait se substituer à la PSD et aux prestations des caisses de retraite. Ce serait un progrès. Pouvez-vous nous informer sur ce que vous comptez reprendre de ces propositions, et sur les délais envisagés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. le Président - Madame la ministre, pour une réponse rapide.

M. Christian Jacob - Vous avez raison, Monsieur le Président !

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous êtes parfois mauvais joueurs, Messieurs de l'opposition, et vous avez du mal à accepter certaines bonnes nouvelles... (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Vous avez raison de dire, Madame, que ce problème ne touche pas seulement les personnes âgées, mais toutes les familles. Il faut que chaque personne âgée puisse choisir son mode de vie, à domicile ou en établissement, en fonction de ses souhaits, de sa dépendance physique et psychique, et de sa situation financière. La PSD est un échec, parce que 120 000 personnes seulement en bénéficient, parce que les aides sont insuffisantes, et parce qu'elles ne sont pas égales sur tout le territoire. Nous allons donc mettre en place, à la suite du rapport de M. Sueur, une prestation qui sera la même partout, et qui touchera un bien plus grand nombre de personnes âgées, avec un montant revalorisé. Elle sera mise en place avec les financements de l'Etat, des caisses de retraites et des conseils généraux ; ces derniers, riches de leur expérience des réseaux de proximité, continueront d'assurer la mise en _uvre.

Mais en outre, reprenant les idées de notre propre rapport, nous accompagnerons cette mesure par des politiques de formation des personnels concernés par la dépendance ; par la médicalisation des maisons de retraite, pour 6 milliards sur trois ans ; par le développement des services infirmiers à domicile, pour 1,5 milliard sur trois ans ; et par la coordination de tous les services autour de la personne âgée et de sa famille. Voilà les enjeux majeurs pour les mois qui viennent : rendre aux personnes âgées leur place dans la société, et aider les plus dépendantes à retrouver un maximum d'autonomie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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NOUVELLES TECHNOLOGIES DANS L'ADMINISTRATION

M. Patrick Bloche - L'administration, Monsieur le ministre de la fonction publique, utilise de plus en plus les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Elle recourt à Internet pour ses échanges avec les citoyens et les entreprises ; elle met en place des outils de travail interne, courrier électronique ou Intranet. La modernisation de l'administration est de plus en plus tributaire de choix informatiques. Or, le virus « I love you » l'a montré, les outils informatiques posent des problèmes nouveaux de sécurisation. Ils impliquent d'autre part des investissements coûteux en matériels et en logiciels et le choix de telle ou telle solution technique peut avoir une influence sur le coût pour l'usager. Le groupe socialiste a d'ailleurs déposé une proposition de loi, dont le premier signataire est M. Le Déaut, tendant à faire que les services de l'Etat et des collectivités territoriales recourent à des standards ouverts et utilisent des logiciels dont les codes sources leur soient accessibles. Dans le cadre de la réforme de l'Etat, il faut une réflexion globale sur les critères de choix en matière informatique, pour éviter que l'administration électronique soit une administration fragile. Comment le Gouvernement compte-t-il mener cette réflexion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe RCV)

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat - Les technologies de l'information sont un formidable outil de modernisation des administrations, facilitant pour l'usager les démarches et l'accès à l'information. En 1998, le Premier ministre a lancé le programme d'action pour l'entrée de la France dans la société de l'information, qui concerne l'économie et les entreprises, les citoyens, mais aussi les administrations. Il convient de veiller à ce que le recours à ces technologies fasse reculer les exclusions au lieu d'en créer de nouvelles, soit en raison de leur coût, soit en raison des difficultés inhérentes à leur utilisation. Les logiciels utilisés doivent par conséquent être aussi simples et aussi peu onéreux que possible et nous devrons nous mettre à l'abri de toutes considérations d'ordre commercial qui pourraient limiter la diffusion de ces techniques et du savoir. C'est pourquoi le Premier ministre va, dans les jours à venir, charger un parlementaire -un député- d'une mission auprès de moi, de sorte que, d'ici à quelques mois, nous disposions de propositions concrètes sur le sujet. Cette grande révolution pourra alors se faire au service des usagers et de la modernisation de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DÉMOLITION DE GRANDS ENSEMBLES ET POLITIQUE DE LA VILLE

M. Gérard Lindeperg - Monsieur le ministre délégué à la ville, vous serez présent samedi prochain à Saint-Etienne (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), ainsi que de très nombreux journalistes, pour assister à la destruction du plus grand immeuble jamais démoli en Europe : il s'agit en effet d'une barre de 250 logements, longue de 275 mètres et qui a accueilli jusqu'à 2 000 personnes. La taille en est si démesurée que les Stéphanois l'ont baptisée « la Muraille de Chine » dès sa construction, en 1962. Dans quatre jours, en quinze secondes, elle sera réduite à un amas de 80 000 tonnes de gravats !

Si j'ai tenu à insister sur cet événement, somme toute local, c'est que l'affaire illustre aussi la plupart des difficultés de nos grandes villes. Symbole du confort moderne et du progrès lors de son édification, cet immeuble est devenu celui du mal-vivre et de l'échec de la politique urbaine (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Ces opérations de démolition, pour nécessaires qu'elles soient, ne font cependant pas une politique : il faut aussi reconstruire et reconstituer un tissu urbain, social et économique, afin de rendre l'espérance aux habitants.

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - La question !

M. Gérard Lindeperg - Pouvez-vous préciser dans quelle politique s'inscrivent ces destructions et nous dire quelles mesures le Gouvernement propose aux élus et aux offices d'HLM pour répondre aux attentes de la population de ces quartiers en crise ? (Mêmes mouvements)

M. le Président - Je vous serais reconnaissant de conclure en moins de temps qu'il n'en faudra pour détruire cette barre de 270 mètres !(Sourires)

M. Gérard Lindeperg - Après avoir vu tant de leurs espoirs déçus, ces habitants attendent en effet les signes concrets d'une politique plus forte et plus pertinente et d'une ambition plus généreuse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Je serai en effet aux côtés des élus et des habitants de Saint-Etienne samedi, afin de bien marquer cette nouvelle étape de la politique de la ville. En effet, si nous n'y prenons garde, avec la reprise de la croissance, le sentiment de vivre dans des ghettos pourrait croître dans nombre de nos quartiers. Ces constructions furent nécessaires dans les années 1960 mais ceux qui retrouvent du travail espèrent à quitter rapidement ces quartiers dégradés et ils laissent alors la place à des hommes et des femmes en plus grande difficulté sociale, ce qui aggrave encore la situation. C'est pourquoi le Gouvernement soutient 50 grands projets de ville et 30 opérations de renouvellement urbain, afin que les villes du XXIe siècle soient celles de l'égalité des chances.

Ce travail ne peut porter sur le seul bâti : il faut aussi intervenir dans les secteurs social, culturel, sportif, sanitaire et dans celui de l'emploi, afin d'améliorer la vie quotidienne des habitants. C'est dans cet esprit que MM. Gayssot et Besson et moi-même avons défendu le projet de loi sur la mixité sociale et urbaine et que Mme Aubry, M. Chevènement et moi-même venons de créer le numéro 114 permettant à ceux qui en seraient victimes de dénoncer les actes de ségrégation raciale. Les villes de l'avenir ne seront en effet solidaires que si l'on traite tous les problèmes qui se posent à elles aujourd'hui. C'est à ce prix que les hommes et les femmes qui les habitent pourront prétendre à l'égalité des chances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

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COHÉSION GOUVERNEMENTALE

M. Yves Deniaud - J'aurais adressé ma question au Premier ministre s'il n'était pas en Espagne. Comme la précédente, elle a trait à une forme de destruction : la destruction de la cohésion gouvernementale ! (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

A la fin de la semaine dernière, Mme Voynet a dénoncé l'absence de cohésion au sein du Gouvernement et estimé que le Premier ministre naviguait à vue. Elle a aussi prodigué quelques amabilités à ses collègues de l'agriculture et de l'équipement et, surtout, déclaré que le Gouvernement en revenait, pour la méthode, à la tradition mitterrandienne des grands copinages et des petits arrangements (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Voix sur les bancs du groupe socialiste - Tiberi ! Chiraquie !

M. Yves Deniaud - De telles déclarations, si elles ne chagrinent guère l'opposition, peuvent en revanche inquiéter les Français. Nous souhaiterions donc des explications sur la manière dont le Gouvernement entend y faire face (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF) Je vous sais gré de vous soucier ainsi de l'avenir de la majorité plurielle mais vous avez trop d'imagination ! Vous tirez des conclusions hâtives de bribes de phrases extraites de leur contexte et dont la plupart se rapportaient à des éléments précis évoqués par des militants, au cours d'un débat démocratique où je tentais de faire valoir à la fois les grandeurs et les servitudes, ainsi que les difficultés, de l'exercice d'un mandat ministériel au sein d'un gouvernement pluriel (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Rassurez-vous, ce Gouvernement maintient ses priorités -emploi, lutte contre les exclusions, recherche d'un développement durable- mais le dialogue reste de règle en son sein. S'il arrive que les ministres s'expriment de façon plurielle, ils demeurent unis au service de la justice sociale et de la qualité de la vie et ils tirent tous dans le même sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

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DÉCLARATIONS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

M. Pierre Lellouche - Le Premier ministre et le ministre de l'intérieur étant à l'étranger, j'adresserai mes questions à M. le ministre des relations avec le Parlement. Après les déclarations fracassantes du Premier ministre à Bir Zeit, un ministre important du Gouvernement vient de commettre un dérapage lourd de sens, s'agissant de la politique européenne de la France. L'Allemagne ne serait pas encore guérie du déraillement qu'a été le nazisme dans son histoire, a assuré M. Chevènement dimanche, ajoutant plus tard, le même jour, que ce pays continuerait de rêver du Saint Empire romain germanique, faute de pouvoir s'affranchir du concept de Volk.

Ce qui est grave, ce n'est pas que M. Chevènement n'ait rien compris à l'histoire contemporaine de l'Allemagne (Exclamations sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste) : c'est que ses propos aient été tenus à cinq semaines du début de la présidence française et pendant le sommet franco-allemand de Rambouillet.

Après avoir, sous François Mitterrand, « raté » la réunification de l'Allemagne (Mêmes mouvements), voici que la gauche se partage entre trois politiques allemandes : celle du ministre de l'intérieur, celle du ministre des affaires étrangères et celle de certains porte-parole des Verts. Quarante-huit heures après ces déclarations, le silence du Gouvernement a quelque chose de consternant. Le Premier ministre reprend-il ou non à son compte ces propos ? L'Allemagne est-elle ou non guérie du nazisme ? A-t-elle ou non renoncé à reconstituer l'Empire romain germanique ? Si oui, que faisons-nous avec elle à construire l'Europe ?

Quant au ministre de l'intérieur, j'aimerais savoir quand il compte expliquer une autre de ses déclarations célèbres : « Un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement - Le Premier ministre et le ministre de l'intérieur participent en effet au sommet franco-espagnol de Santander : d'où leur absence.

Le ministre de l'intérieur est revenu lundi matin sur ses déclarations de la veille : il l'a jugé nécessaire car il estimait que sa pensée avait été trop contractée et ses propos déformés (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il a donc réaffirmé son attachement à l'amitié franco-allemande, dans l'intérêt de la construction européenne.

Quant au débat sur l'avenir à long terme de cette construction et sur les institutions de l'Union, il est parfaitement justifié mais rassurez-vous : le Gouvernement fera tout pour que la prochaine conférence intergouvernementale soit couronnée de succès dès lors qu'il y aura consensus sur ce projet ambitieux. J'observe d'ailleurs que les dirigeants allemands partagent l'analyse du Gouvernement français sur le caractère très constructif du sommet qui s'est tenu à Rambouillet la semaine dernière et que les propos du ministre de l'intérieur semblent provoquer plus de réactions de ce côté du Rhin que de l'autre : je veux y voir la preuve que la relation franco-allemande est solide.

Par ailleurs, Monsieur Lellouche, l'essentiel est que le ministre de l'intérieur fasse bien son travail (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) au service de la sécurité des Français et vous n'avez guère de leçons, avec M. Debré à nous donner sur ce point ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

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COMMANDES D'AIRBUS A3XX

M. Jacques Godfrain - Le report du lancement de l'A3XX oblige tous ceux qui s'intéressent au transport aérien à s'interroger sur les pressions qu'exerce Boeing sur les acheteurs potentiels ou déclarés et sur le fait qu'à ce jour les compagnies européennes ne se sont pas beaucoup manifestées, contrairement aux compagnies asiatiques.

Monsieur le ministre des transports, vous êtes déjà intervenu auprès d'Air France pour qu'elle utilise la technologie européenne. Allez-vous donner une chance supplémentaire à l'Airbus A3XX en agissant pour que la compagnie nationale soutienne son prochain lancement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement - Le Gouvernement se félicite des excellents résultats commerciaux d'Airbus : 1999 a été sa meilleure année...

M. Thierry Mariani - Ce n'est pas la question !

M. le Président - Monsieur Mariani, n'obligez pas le ministre à vous faire une réponse contractée (Rires et applaudissements sur bancs du groupe du RPR et du groupe UDF), laissez-le prendre le temps de vous répondre largement !

M. le Ministre - En ce qui concerne l'A3XX, Airbus a déjà reçu des commandes des compagnies Emirates Airlines et Singapore Airlines (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) et des engagements de quatre clients qui ont demandé la confidentialité ; deux autres engagements sont en voie de finalisation.

Air France a, dès le début, participé activement au groupe de travail mis en place par Airbus sur la définition de cet avion. Elle a bien évidemment connaissance du calendrier de lancement de l'A3XX et fera connaître sa décision dans les toutes prochaines semaines (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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DÉCLARATIONS DE M. CHEVÈNEMENT SUR L'ALLEMAGNE

M. François Léotard - La semaine dernière, j'ai posé, au nom de l'UDF, une question sur les réactions du gouvernement français à la proposition de M. Fischer, devenu depuis, du fait de l'approbation du Chancelier, celle du gouvernement allemand. Sur ce projet, nos amis allemands attendaient du gouvernement français un jugement explicite positif ou négatif, mais conforme à la qualité de nos relations.

Par la voix d'un de ses ministres les plus importants, nous avons reçu du gouvernement français une réponse qui sonne comme une insulte à l'Allemagne démocratique d'aujourd'hui. Dire que le nazisme n'était au fond qu'un « déraillement » dans l'histoire allemande, c'est ajouter une blessure de plus à celles des victimes du nazisme, au premier rang desquelles les résistants allemands. Il ne suffit pas de dire que ces propos étaient une maladresse. Il y a dans l'histoire des nations des maladresses -appelées aujourd'hui des « contractions »- qui sont des fautes contre les peuples.

Le Président de la République a eu, lui, des mots courageux sur la responsabilité de la France dans la tragédie qui a accompagné l'occupation et la collaboration.

Il n'est pas admissible que la construction européenne soit assimilée par un ministre français à une résurgence du nazisme (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL). Je pose la question de la cohérence et de la crédibilité de l'engagement européen du Gouvernement. Oui ou non, le Gouvernement approuve-t-il les propos du ministre de l'intérieur ? Si la réponse est oui, la présidence française de l'Union européenne sera lourdement handicapée dans l'esprit des opinions publiques. Si la réponse est non, il serait convenable que M. Chevènement mette un terme de lui-même à ses fonctions et sinon, il appartiendrait au Premier ministre de s'adresser au peuple allemand dans des termes qui auraient la clarté de l'excuse et la sincérité de l'amitié (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Sur les déclarations du ministre de l'intérieur, M. le ministre des relations avec le Parlement vient de faire la mise au point qui s'imposait (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mais je voudrais vous répondre sur le fond, c'est-à-dire sur la question de la France par rapport à l'Allemagne et à la construction européenne.

Nous avons célébré il y a quelques jours le cinquantenaire de la déclaration de M. Robert Schuman, qui a marqué le début de la construction européenne et de l'aventure commune de l'Allemagne et de la France. Et s'il est un point sur lequel, au cours des décennies, tous les présidents de la République, tous les premiers ministres, tous les chanceliers d'Allemagne ont été d'accord, c'est sur l'importance de la construction européenne et sur le fait qu'elle repose avant tout sur l'amitié entre l'Allemagne et la France.

Ce Gouvernement est un gouvernement européen (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). M. Fischer a développé des propositions qui méritent d'être lues. On peut être d'accord ou non avec elles, mais personne ne peut mettre en cause leur élévation de pensée et le fait que M. Fischer pose les questions qui se posent à nous tous pour les années à venir (« Ce n'est pas la question ! » sur les bancs du groupe du RPR).

M. Fischer a pris soin de distinguer la tâche immédiate qu'était la réussite de la CIG, les perspectives d'avenir et les options à moyen terme.

Pour le gouvernement français, cette approche européenne fondée sur l'amitié entre les deux pays restera déterminante (« Et pour M. Chevènement ? » sur les bancs du groupe du RPR).

Et comme le disait Goethe, la négation, c'est le néant. Il ne faut pas renverser, il faut bâtir (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). L'objectif de ce Gouvernement, c'est de bâtir, et en particulier de bâtir sur l'amitié entre l'Allemagne et la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

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SOLIDARITÉ GOUVERNEMENTALE

M. Alain Ferry - Madame la ministre de l'environnement, faute de réponse satisfaisante à la question de mon collègue RPR, je reviendrai sur vos déclarations de dimanche dernier devant vos militants. « Trois ans après l'arrivée de ce Gouvernement, avez-vous dit, nous sommes loin... d'une stratégie collective et les choix principaux se font dans des réunions de ministres où les socialistes sont très majoritaires et les mardi matin, lors des petits déjeuners avec les éléphants du PS » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous avez ajouté que les choses se passaient mal avec vos collègues des transports et de l'agriculture (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Vous êtes visiblement désabusée quant à l'intérêt de votre participation à ce Gouvernement.

Ma question est double : pouvez-vous nous confirmer ces propos ? Puisque vous condamnez la méthode Jospin, comptez-vous en tirer les conséquences qui s'imposent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Je vous laisse, Monsieur le député, l'exégèse des rumeurs, des ragots et des bons mots. Quand j'aurai un commentaire à faire sur le travail de ce Gouvernement, je le ferai de façon publique devant mes partenaires de la majorité plurielle (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

La participation des Verts au Gouvernement se fonde sur la volonté de mettre en _uvre le projet commun défendu pendant la campagne électorale de 1997. La solidarité gouvernementale s'évalue dans la capacité de chacun de ses membres à assumer les décisions qu'impose l'état de la France, pas dans le déni de l'identité de ses membres (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF), pas dans le gommage des engagements militants de chacun, pas dans le muselage de la parole des ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

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AÉROPORTS DE PARIS

M. Francis Delattre - Le 12 mai dernier, M. le ministre des transports a déclaré que le trafic maximal acceptable pour l'aéroport de Roissy était de 55 millions de passagers par an, limite qui serait atteinte d'ici douze ou quinze ans. La création d'un troisième aéroport en région parisienne semble indispensable, disait-il, en ajoutant péremptoirement : il faut prendre une décision dans l'année qui vient car il faut dix ans pour construire un aéroport international.

Nous ne pouvons que souscrire à cette analyse mais le président d'ADP vient de nous indiquer qu'il fallait parler non pas de 55 millions, mais de 63 millions ; on est en train de construire une quatrième piste à Roissy et deux ou trois ans après son achèvement, l'aéroport sera saturé. Si aucune décision n'est prise, nous aurons bientôt un aéroport monstrueux comme il en existe trois aux Etats-Unis, de 100 millions de passagers par an, ce qui est inacceptable pour les riverains.

Il faut un peu de courage politique pour arbitrer entre M. Gayssot, qui gère raisonnablement ce dossier, et Mme la ministre de l'environnement et les Verts, qui ont pris position contre le troisième aéroport.

Quand le Gouvernement va-t-il prendre cette décision ? « Gouverner, c'est choisir », disait Mendès-France !

Par ailleurs, Roissy est pratiquement le seul aéroport international à accepter les vols de nuit, qui représentent 6 % de son chiffre d'affaires. Un collectif santé dénonce régulièrement leurs méfaits pour les riverains. Ne serait-il pas urgent d'instituer un couvre-feu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL)

M. le Président - La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Exclamations sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF). Mes chers collègues, vous ne pouvez pas à la fois mettre en cause un ministre et vous plaindre quand il intervient !

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Monsieur le député, je vous remercie chaleureusement de me donner l'occasion de montrer que, contrairement à certaines rumeurs, le ministre des transports et moi-même travaillons dans un excellent climat sur des dossiers pourtant difficiles (Mêmes mouvements).

Le transport aérien s'est démocratisé et connaît une croissance importante. En septembre 1997, le Gouvernement a assorti la décision de construire deux nouvelles pistes à Roissy-Charles-de-Gaulle d'engagements sans précédent sur la maîtrise du développement de la plate-forme et sur le contrôle et la limitation des nuisances sonores. Le dispositif envisagé a été soumis à mon initiative au conseil national du bruit, dont l'avis a conduit à le renforcer sur certains points. La limite de capacité de la plate-forme a ainsi été fixée à 55 millions de passagers par an, et rien ne vous autorise à remettre en cause cet engagement. Quant au volume du bruit, de jour comme de nuit, il ne devrait pas augmenter avec la mise en service des deux nouvelles pistes.

Une charte de l'environnement a été signée avec les représentants du transport aérien pour maîtriser les nuisances ; un bilan de son application sera réalisé avant l'été. Par ailleurs, la loi du 12 juillet 1999 a créé une autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, qui est maintenant opérationnelle. Cette autorité indépendante, qui peut être saisie par les élus comme par les riverains, peut émettre des recommandations et prendre des sanctions contre les compagnies.

L'augmentation du trafic, tant de voyageurs que de fret, qui s'accompagne, vous avez raison de le souligner, d'une accentuation des nuisances, impose une réflexion. La solution d'un troisième aéroport est actuellement analysée dans le cadre de l'élaboration des schémas de services collectifs prévus par la LOADT ; les décisions seront prises avec l'éclairage de trois études commandées par Jean-Claude Gayssot, portant sur les potentialités des aéroports régionaux, sur le développement de l'intermodalité TGV-avion et sur la stratégie des compagnies aériennes sur le continent européen.

Tel est l'état du dossier. Il convient donc de se garder de toute démagogie et de toute déclaration apocalyptique. Les riverains doivent être assurés que nous respecterons les engagements pris il y a dix-huit mois (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

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EMPLOI PRÉCAIRE

M. Maxime Gremetz - Valéo, Dunlop, Good Year, Procter et Gamble, Magneti Marelli, Whirlpool... Nombreux sont les grands groupes, à la situation financière florissante, où l'on emploie des jeunes sur des postes permanents avec des contrats d'une semaine -quelquefois pendant un an, deux ans, six ans sur le même poste. Par ailleurs, tandis que les CDD ont tendance à régresser, l'intérim explose. On annonce dans le secteur marchand plus de 2 millions de contrats atypiques. Dans le secteur public, on compte des centaines de milliers de vacataires, de CES, de CEC, d'emplois non statutaires.

Il est grand temps de lutter contre cette précarité, comme le Gouvernement s'y est engagé. Nous ferons des propositions dans le cadre du projet de loi sur la modernisation sociale.

Il serait juste que les intérimaires et les salariés en CDD sur des postes fixes depuis plus d'un an soient embauchés définitivement. En cas d'embauche en CDI, les salariés en CDD et intérimaires doivent être prioritaires.

Par ailleurs, il serait bon d'inscrire dans la loi la jurisprudence du 1er mars 2000, aux termes de laquelle le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'avant et après, l'employeur a recouru de façon systématique à des travailleurs intérimaires pour un nombre d'heures correspondant à l'emploi de plusieurs salariés. Enfin, il est important d'instaurer, comme le Gouvernement s'y est engagé, une taxation forte et progressive pour dissuader les employeurs de recourir abusivement au travail temporaire.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, où en êtes-vous de vos réflexions sur ce problème ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Si les contrats temporaires ont un sens pour remplir des missions de courte durée, en revanche il n'est pas acceptable que les entreprises les utilisent sur des emplois permanents. De même, s'il paraissait normal que certains chefs d'entreprise y recourent au moment du redémarrage de la croissance, maintenant que celle-ci est installée ces contrats doivent se transformer en CDI.

On constate des progrès, puisqu'on dénombre dans les offres d'emploi 25 % de CDI de plus qu'au premier trimestre 1999. Néanmoins, il y a encore beaucoup d'abus. J'espère comme vous que la loi de modernisation sociale, qui permettra de mieux contrôler le recours au travail précaire et renforcera les droits des travailleurs précaires, nous fera aller de l'avant. Nous examinerons vos propositions. Je souhaite aussi que les négociations qui doivent avoir lieu demain à l'UNEDIC débouchent sur une amélioration de l'indemnisation de ces salariés.

S'agissant de la fonction publique, la résorption de l'emploi précaire a été l'un de mes objectifs depuis trois ans. 1 600 salariés précaires du ministère ont été titularisés, les 600 derniers le seront d'ici à la fin de l'année prochaine (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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DANGERS DU TÉLÉPHONE MOBILE

M. Jean Pontier - L'usage du téléphone mobile qui, en zone de montagne, suppose l'existence d'un grand nombre de relais, peut présenter des dangers sur le plan neurologique.

L'installation d'émetteurs à proximité des lieux d'habitation ne fait pas encore l'objet dans notre pays de demande préalable, alors qu'en Angleterre, en Australie et dans certains Etats d'Amérique, une distance de sécurité de 300 à 500 mètres est imposée entre l'émetteur et toute habitation. En Belgique, des juridictions civiles ont contraint des opérateurs à démonter un émetteur pour le réinstaller ailleurs.

Que compte faire le Gouvernement pour protéger les habitants d'ondes vraisemblablement nocives, dans les zones rurales comme dans nos grandes villes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe socialiste)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - Le Gouvernement va définir les valeurs limites d'exposition aux rayonnements des antennes relais en se fondant sur les recommandations internationales.

Les études qui ont été menées ne révèlent aucun effet sanitaire avéré, mais on ne peut affirmer l'inexistence d'un risque à long terme ; les recherches doivent donc être poursuivies. La France participe à l'étude épidémiologique engagée dans treize pays par l'OMS et le centre international de recherche contre le cancer. L'an dernier, le Gouvernement a lancé un programme français de recherche sur les conséquences de l'utilisation des téléphones portables ; j'ai moi-même demandé à un groupe d'experts d'évaluer les risques éventuels.

Pour l'instant, la France retient comme base de sa réglementation la recommandation européenne publiée le 12 juillet dernier. Nous avons demandé au centre scientifique des techniques du bâtiment de traduire les valeurs limites qui y figurent en prescriptions techniques ; ce travail sera achevé le mois prochain et le Gouvernement lui donnera les suites réglementaires appropriées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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INSPECTION DU TRAVAIL

M. Yves Cochet - Avec l'ensemble des parlementaires de la majorité plurielle, les Verts sont favorables à la réduction du temps de travail, comme moyen privilégié de réduire le chômage et comme projet d'une société plus solidaire.

Encore faudrait-il que l'inspection du travail ait le moyen de vérifier l'application concrète de la loi relative aux 35 heures. Les inspecteurs et les contrôleurs estiment avec raison n'être pas assez nombreux.

Vous avez annoncé aujourd'hui un projet de réforme du statut de l'inspection du travail : les directeurs départementaux du travail accéderaient à un statut d'emploi qui aurait certes l'avantage d'accroître leur rémunération, mais qui dissoudrait un peu l'indépendance fonctionnelle de l'inspection du travail.

Les directeurs départementaux quitteraient les garanties générales du statut de la fonction publique pour se rapprocher d'un statut comparable à celui des préfets, nommés à la discrétion du Gouvernement.

Ce serait remettre en cause certaines conventions de l'OIT. De plus, la totalité des syndicats de votre ministère est opposée à cette réforme.

Comment comptez-vous garantir l'indépendance fonctionnelle de l'inspection du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Voilà vingt-cinq ans que je suis dans ce ministère...

M. Eric Doligé - Cela fait bien longtemps !

Mme la Ministre - Oui, et cela donne des résultats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La convention 81 du BIT, je la connais bien et je l'ai toujours défendue.

Depuis mon arrivée, 620 emplois ont été créés dans la partie travail de mon ministère, dont 45 d'inspecteurs du travail, et 230 de contrôleurs du travail. Cela ne s'était jamais produit.

Nous allons définir de nouvelles règles statutaires pour le corps de l'inspection du travail. Le premier objectif est de doter les inspecteurs d'un statut correspondant aux responsabilités qu'ils exercent. Ces inspecteurs accomplissent en effet une tâche difficile qui demande beaucoup de qualités. Depuis mon arrivée, les contrôles ont augmenté de 20 %, les procès-verbaux de 55 %, soit 30 000 l'an dernier, les arrêts de chantier de 40 %.

Voilà comment l'inspection du travail fonctionne de manière indépendante.

Nous allons instituer le statut d'emploi des directeurs départementaux du travail. Ceux-ci pourront désormais, comme dans tous les ministères, aller dans l'administration centrale, puis revenir dans les services déconcentrés. Il en va déjà ainsi pour les directeurs régionaux du travail. Certaines organisations syndicales s'y étaient opposées, mais le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 9 octobre 1996, a considéré que ce statut d'emploi n'enfreignait d'aucune manière la convention de l'OIT.

J'ai tenu à ce que tout se passe dans la transparence. Les CAP, où sont représentés les syndicats, seront consultées, les directeurs seront nommés pour cinq ans, les nominations seront arrêtées en comité des directeurs. A la demande des organisations syndicales, j'ai créé un comité d'experts qui serait saisi si un jour l'indépendance des nominations était contestée.

Nous sommes allés bien au-delà, je pense, de ce que vous espériez vous-même (Sourires sur les bancs du groupe RCV) pour garantir le respect de cette convention de l'OIT, que je défends depuis vingt-cinq ans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 25, sous la présidence de M. Cochet.

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

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    GENS DU VOYAGE (nouvelle lecture)

M. le Président - La commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, le Gouvernement demande à l'Assemblée de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement - Après deux lectures par les deux assemblées et la réunion d'une commission mixte paritaire qui n'a pu aboutir, les enjeux de ce texte et les positions des différents acteurs du travail parlementaire sont désormais bien connus. Au sein des deux assemblées, les débats ont été riches, parfois vifs, et les nombreux amendements déposés ont permis au Gouvernement de préciser sa position, voire de l'infléchir lorsque les améliorations du texte qui lui étaient proposées l'ont convaincu.

Malgré son échec, les débats de la commission mixte paritaire ont démontré que le constat qui a conduit le Gouvernement à proposer un nouveau texte législatif était largement partagé. Dix ans après la promulgation de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990, la question de l'accueil des gens du voyage itinérants est source de vives tensions. L'objectif d'une cohabitation harmonieuse des différentes catégories de la population n'est pas atteint.

La logique générale de l'article 28 n'est cependant pas contestable : il faut répondre aux besoins en développant les aires d'accueil, tout en donnant des moyens juridiques renforcés aux communes qui ont réalisé des aires pour qu'elles puissent lutter efficacement contre les stationnements illicites. Cette logique générale est d'ailleurs fondée sur une double idée : le mode de vie itinérant doit pouvoir s'exercer, car il s'agit d'un droit essentiel lié à un choix de vie -il n'est donc pas question d'envisager une sédentarisation forcée des gens du voyage-...

M. Patrice Martin-Lalande - Nous sommes tous d'accord sur ce point.

M. le Secrétaire d'Etat - ...mais ce mode de vie doit s'exercer en respectant certaines règles car à tout droit correspondent des devoirs.

En revanche, si ce bilan insatisfaisant ne tient pas à la logique générale de l'article 28, il tient à sa mise en _uvre trop limitée et inégale. Des aires d'accueil ont été aménagées, et des schémas départementaux ont été adoptés. Mais en nombre insuffisant : il faut multiplier le nombre de places par six pour arriver aux trente mille places nécessaires, pour répondre aux besoins.

Si les trois quarts des communes de plus cinq mille habitants n'ont pas aménagé d'aires, cela tient à plusieurs causes. Tout d'abord le financement de l'Etat était insuffisant pour l'investissement et inexistant pour la gestion. Ensuite, l'analyse préalable et partagée des besoins et la concertation de tous les acteurs n'ont pas toujours été bien menées. D'autre part les communes qui ont fait une aire rencontrent des difficultés pour lutter contre les stationnements illicites. Enfin et surtout, la loi de 1990 ne prévoyait aucun délai pour sa mise en _uvre, et ses obligations n'étaient assorties d'aucune sanction. Ne pas respecter la loi restait sans conséquences pratiques, si ce n'est une éventuelle montée des difficultés liées aux stationnements illicites.

L'absence d'application de la loi par les trois quarts des communes concernées a conduit paradoxalement certaines communes, qui, elles, s'étaient dotées d'une aire, à connaître des difficultés accrues, parce que des gens du voyage en trop grand nombre y venaient stationner. Ceci est inadmissible : non seulement les communes qui ne respectent pas la loi se sont défaussées sur celles qui la respectent, mais elles ont contribué à faire percevoir l'accueil des gens du voyage comme un question insoluble !

Le projet permet de prévenir la répétition de ces difficultés. Il affirme la nécessité d'une élaboration concertée de réponses aux besoins, dans un cadre départemental. Il prévoit un soutien aux solutions intercommunales, même s'il est important pour le Gouvernement de créer une obligation spécifique pour les communes de plus de 5 000 habitants : c'est la garantie que des réponses seront apportées, si une solution intercommunale n'est pas trouvée. Le projet double d'autre part l'aide de l'Etat à l'investissement, qui passe de 35 % à 70 %, et crée une aide à la gestion. Ceci représente un effort financier très significatif de l'Etat. Enfin, lorsqu'une commune a fait une aire, le projet renforce ses moyens juridiques pour faire face aux stationnements illicites, tout en respectant les libertés.

En deuxième lecture, toutefois, le Sénat n'a pas repris des dispositions que le Gouvernement tient pour essentielles, car elles visent à faire face aux faiblesses les plus graves du dispositif de 1990. L'action de toutes les parties concernées doit se dérouler dans des délais précis et communs à tous, tant pour l'adoption de schémas départementaux -dix-huit- que pour l'aménagement des aires -deux ans après l'adoption du schéma.

La réflexion partagée, la négociation sont préférables à toute méthode autoritaire. Mais -ce point décisif a été au c_ur des discussions de la CMP- si au terme des délais le schéma n'a pas été adopté, ou si une commune n'a pas aménagé l'aire prévue au schéma, le préfet doit pouvoir adopter seul le schéma ou obliger la commune à remplir ses obligations en se substituant à elle. Mon souhait est que cela n'arrive jamais ; mais l'Etat, garant du respect de la loi, doit pouvoir intervenir le cas échéant.

Sur un autre point, moins central mais important, le Sénat n'a pas repris une mesure que votre Assemblée avait votée avec l'accord du Gouvernement. Il accepte certes qu'une bonification de DGF soit prévue pour toute commune ayant fait une aire, mais refuse que cette bonification soit accrue pour les communes qui connaissent des difficultés sociales et financières marquées. Cette solution me semble pourtant équitable.

Sur ces trois points, je compte sur vos débats pour aboutir à des solutions efficaces, permettant de faire face si certains acteurs montraient de la mauvaise volonté. Je ne doute pas de la volonté de l'Assemblée de suivre le Gouvernement dans cette voie. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons créer rapidement un réseau d'aires correspondant aux besoins et répondre ainsi aux difficultés que nous connaissons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Raymonde Le Texier, rapporteuse de la commission des lois - La commission mixte paritaire, réunie au Sénat le 9 mai, n'a pu élaborer un texte commun. Nous abordions pourtant cette discussion avec la volonté d'aboutir, convaincus de l'impérieuse nécessité de répondre à la demande pressante des élus locaux comme des gens du voyage. Malheureusement, faute d'une réelle volonté du Sénat, nous n'avons pu parvenir au consensus souhaité. Aussi l'Assemblée est-elle saisie en nouvelle lecture du texte adopté par le Sénat le 23 mars dernier.

La majorité sénatoriale a dit souscrire à l'objectif du projet de loi : sortir rapidement de la pénurie actuelle d'aires d'accueil. Mais elle a refusé de doter le préfet d'un pouvoir de substitution pour l'approbation du schéma départemental, comme pour la réalisation des aires d'accueil par les communes figurant dans ce schéma. Le rapporteur du Sénat a jugé préférable de s'en tenir à une logique contractuelle entre l'Etat et les collectivités locales et à l'incitation, sans prévoir de moyens de contrainte envers celles qui refuseraient d'appliquer la loi. Cette position de principe est défendue au nom d'une certaine conception de la décentralisation, dont la seconde chambre s'est faite le dépositaire. Mais elle méconnaît la lettre et l'esprit de l'article 72 de notre Constitution. Aux termes de ce dernier, en effet, la libre administration des collectivités locales s'effectue « dans les conditions prévues par la loi », et le représentant de l'Etat « a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Ces exigences, maintes fois rappelées par le Conseil constitutionnel, sont au c_ur du dispositif proposé pour garantir l'égale application de la loi sur l'ensemble du territoire national, laquelle fait aujourd'hui cruellement défaut.

La position de la majorité sénatoriale est en outre paradoxale. Elle admet en effet que, grâce aux avancées qu'apporte le projet, notamment en matière d'aide à l'investissement et au fonctionnement des aires d'accueil ainsi qu'en matière d'expulsion, la grande majorité des communes concernées devrait l'appliquer volontairement. Le rapporteur du Sénat estime que le texte est assez incitatif pour que les communes réalisent de leur propre chef les aires souhaitées : mais alors il n'y a pas lieu de redouter le pouvoir de substitution du préfet ! Il serait pourtant préjudiciable de le supprimer, car nous nous priverions des moyens de surmonter d'éventuels blocages locaux, toujours possibles dans un domaine sensible. Doter le préfet d'une telle prérogative est d'autant plus nécessaire qu'aujourd'hui les maires qui ont appliqué la loi en vigueur sont ceux qui souffrent le plus de la surpopulation des aires, du fait du refus des autres communes de réaliser les équipements nécessaires. Afin que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets, l'Etat doit disposer des moyens juridiques de jouer son rôle de garant.

L'échec de la CMP sur ce sujet n'a pas permis d'aborder les autres points de divergence entre les deux assemblées. Ils concernent essentiellement l'institution d'un schéma national, le financement des aires d'accueil par l'Etat, et les procédures d'expulsion applicables en cas de stationnement irrégulier dans les communes ayant satisfait aux dispositions du schéma départemental.

En proposant d'instituer un schéma national d'accueil des gens du voyage pour les grands rassemblements, le Sénat se montre soucieux de voir la responsabilité de l'Etat clairement affirmée en ce domaine. Mais ce souci n'est pas antinomique d'une logique décentralisée, et il apparaît plus simple de faire du schéma départemental le texte de référence pour l'accueil des gens du voyage, qu'il s'agisse des aires permanentes ou des terrains affectés aux rassemblements traditionnels temporaires. Le dispositif par lequel le Sénat entend assurer la coordination entre le schéma national et les schémas départementaux est par ailleurs fort complexe. Il implique en effet une transcription des dispositions du schéma national dans les directives territoriales d'aménagement, qui sont des décrets en Conseil d'Etat pris pour une portion donnée du territoire, tandis que le schéma national serait élaboré après consultation du conseil national de l'aménagement et du développement du territoire. On mesure la lourdeur d'un tel dispositif.

S'agissant du financement, le Sénat a porté à quatre habitants par place de caravane la p

opulation prise en compte pour l'attribution de la DGF aux communes. Cette disposition, faute d'un abondement supplémentaire de la DGF, modifierait ses modalités de répartition dans des proportions dommageables, sans tenir compte des différences de richesse entre les communes concernées.

Enfin, en matière d'expulsion, le Sénat n'a pas suivi l'Assemblée dans sa volonté d'unifier la compétence contentieuse au profit du juge civil. Sans rétablir ses dispositions précédentes, qui prévoyaient des procédures d'expulsion administratives, le Sénat a estimé que l'actuelle répartition des compétences entre les ordres de juridiction ne posait pas de difficulté, dans la mesure où la compétence du juge administratif en matière d'occupation illicite du domaine public est communément admise. Cet argument méconnaît la complexité de la jurisprudence concernant la définition du domaine public, définition qui conditionne la compétence du juge. En outre, le Sénat donne compétence au juge administratif pour statuer sur l'expulsion de gens du voyage occupant le domaine public dans son ensemble. Il revient ainsi à la répartition des compétences prévue par l'article L. 116-1 du code de la voirie routière comme par la jurisprudence du tribunal des conflits, qui a récemment confirmé la compétence du juge judiciaire pour tous les litiges relatifs à l'occupation illicite du domaine routier et de ses dépendances. La position du Sénat qui maintient donc le statu quo en cette matière conduirait à répartir le contentieux de l'expulsion des gens du voyage entre trois juges différents, selon que l'on se trouve sur le domaine public routier, sur le domaine public non routier ou sur un terrain n'appartenant à aucune de ces deux catégories.

En raison de ces divergences, et parce que la majorité sénatoriale a refusé de donner au représentant de l'Etat la faculté de faire respecter les délais d'approbation des schémas départementaux comme les délais de réalisation des aires, je vous propose de revenir pour l'essentiel aux dispositions adoptées par l'Assemblée. Ce projet répond de façon pragmatique et efficace aux attentes des différents acteurs concernés ; il réalise un équilibre satisfaisant entre droits et devoirs de chacun et ses maîtres-mots sont concertation, partenariat et incitation. Enfin, il oblige l'Etat à prendre largement sa part de la charge. Pour toutes ces raisons, on peut raisonnablement penser qu'alors qu'un quart seulement d'entre elles se sont dotées aujourd'hui d'une aire d'accueil, la plupart des 1 800 communes de plus de 5 000 habitants le feront demain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrice Martin-Lalande - Tel qu'il nous revient en troisième lecture, ce projet prend incontestablement en compte nombre de préoccupations exprimées ici comme au Sénat. Cependant, s'agissant des dispositions qui restent en discussion et dont beaucoup sont importantes, nous ne saurions nous satisfaire de ce qu'on nous propose.

En effet, dans son état actuel, ce texte traduit d'abord une certaine défiance à l'égard des élus, des maires notamment. C'est ainsi que vous confiez la coordination de l'élaboration des schémas départementaux au préfet de région, chargé de « réunir » une commission dont la loi ne définit pas les pouvoirs. Le Sénat et nombre d'entre nous auraient préféré que la coordination fût confiée à cette commission et, dans le même esprit de partenariat et de concertation, la Haute assemblée avait prévu des commissions, soit régionales, soit interdépartementales, leurs propositions étant soumises pour avis aux commissions consultatives. La formule, plus souple, réservait la possibilité d'un dialogue...

Cette méfiance à l'égard des élus se lit encore dans l'article 2-I. Alors que le Sénat donnait aux communes la possibilité de demander une prolongation de deux ans du délai, après avis de la commission consultative, vous préférez réserver l'initiative au représentant de l'Etat et refusez toute consultation d'une commission pourtant dite consultative ! Or il s'agit de cas où des communes rencontrent des difficultés graves pour appliquer le schéma.

D'autre part, vous accordez au préfet le pouvoir de se substituer au président du conseil général pour approuver seul le schéma départemental, dès 18 mois après le vote de la présente loi. Choquant, ce pouvoir de substitution risque d'entraîner aussi une démobilisation des présidents de conseils généraux. Et quelles chances laissera-t-il à la concertation locale pour peu que les textes d'application soient publiés plusieurs mois, voire un an, après l'adoption de la loi ?

Il est également regrettable que vous mainteniez votre refus d'une enquête publique préalable à l'implantation d'une aire -alors que la loi en exige une pour les campings ou pour les installations sportives !- comme votre refus d'une consultation de l'ensemble des communes du département -après tout, toutes ne sont-elles pas concernées puisqu'elles ne pourront demander une expulsion en cas d'occupation illégale que s'il existe une aire d'accueil ?

En deuxième lieu, ce projet sera inefficace car il ne fournit pas aux maires les moyens dont ils ont besoin. Vous ne prévoyez pas le financement des réparations qui seront nécessaires pour faire face aux dégradations. Or il s'agit souvent de dépenses lourdes : Selles-sur-Cher, commune de 4 800 habitants, a par exemple dû y consacrer 85 000 F depuis le début de l'année !

En outre, l'aide à l'investissement initial sera plafonnée sans tenir compte de la valeur vénale du terrain et, pour le calcul de la dotation, la population ne sera majorée que d'un habitant par place de caravane, ce qui est ignorer la réalité démographique et sous-évaluer les charges que les communes auront à supporter pour faire face à leurs obligations sociales, sanitaires et scolaires.

Mais le plus grave, c'est que les maires et la population continueront de souffrir du déséquilibre actuel, s'agissant de la procédure d'expulsion en cas d'occupation illégale. Les délais, la procédure, la difficulté d'obtenir l'application des décisions judiciaires font que la situation est plus favorable à ceux qui ne respectent pas la loi qu'aux communes.

Ce projet sera également inefficace parce qu'il se limite au problème du stationnement, alors même qu'il y a deux ans, Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous aviez demandé de patienter parce que vous vouliez avoir le temps de présenter un texte traitant de l'ensemble des questions liées à l'accueil des gens du voyage. Vous n'organisez qu'un contrôle bien insuffisant des arrivées en provenance des pays de l'Est, comme l'a déjà souligné M. Pandraud ; l'inégalité devant le fisc et devant la législation sur les activités économiques, continuera par ailleurs à alimenter la méfiance. Enfin, l'absence de mesures en faveur de l'organisation et de la responsabilisation des gens du voyage interdira de remédier à la disparition des « patriarches » et rendra bien difficile la négociation avec ces groupes.

Comme en deuxième lecture, et malgré des avancées, le groupe RPR constate le refus quasi systématique de nos amendements et l'absence de solutions réalistes et novatrices aux problèmes sociaux, économiques et humains qui se posent aux gens du voyage. Il ne pourra donc voter ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Daniel Vachez - En dépit de l'absence d'accord avec le Sénat, nos débats nous auront au moins permis à tous de constater que la situation n'est plus tenable et qu'il faut donc des mesures courageuses, adaptées, efficaces et respectueuses des droits et devoirs de chacun. Lors des deux premières lectures, n'avons-nous pas tous exprimé notre inquiétude devant la multiplication des conflits entre sédentaires et itinérants et devant des incompréhensions lourdes de menaces pour la paix de nos communes ? On regrettera d'autant plus que certains aient profité de ces tensions pour tenir un discours démagogique et simpliste, reprenant à leur compte des préjugés primaires et flirtant même, à certains moments, avec des idées bien éloignées de nos principes républicains.

Pour leur part, les députés socialistes ont toujours eu le souci de se tenir également éloignés de deux attitudes apparemment opposées mais qui mènent toutes deux à l'inefficacité : l'angélisme, qui tend à nier les difficultés, et la diabolisation qui, sous prétexte de dénoncer ces difficultés, ne fait que les aggraver.

Comme celle de tout groupe social, la réalité des itinérants est diverse et contrastée. Les caravanes des gens du voyage ne sont pas toutes tractées par de superbes Mercédès et beaucoup de ces personnes vivent dans des conditions difficiles, comme en témoigne une espérance de vie inférieure en moyenne de près de vingt ans à celle des sédentaires.

Il y a, aussi, parmi les voyageurs comme dans tout groupe social, un certain nombre de gens qui, délibérément, enfreignent les lois et privilégient une logique d'affrontement. Pour ceux-là bien sûr, nous ne devons avoir aucune complaisance, mais une majorité n'aspire qu'à trouver sa place au sein de la communauté nationale. Notre rôle d'élu est de la conforter, ce qui d'ailleurs ne nous donnera que plus de poids et de légitimité pour sanctionner ceux qui refusent les lois de la République.

En revanche, qui ne voit que le non-respect du droit par de trop nombreuses collectivités locales, fournit une bien utile justification à ces derniers et à ceux qui voudraient pouvoir jouir d'une liberté sans limites ? Car c'est bien de l'exercice d'une liberté qu'il s'agit ici : la liberté de circuler, et donc de stationner, qui est constitutionnellement garantie, mais qui doit s'exercer dans le cadre fixé par la loi.

Notre démarche est donc pragmatique, dictée par le souci de trouver des solutions concrètes au problème du stationnement des gens du voyage.

Il ne s'agit pas d'accorder quelque droit exorbitant à une catégorie de la population française mais d'organiser la liberté de circulation dont jouit chaque citoyen français.

Or, cette liberté de circuler et de stationner dans de bonnes conditions n'est pas aujourd'hui assurée, en raison, principalement, de la pénurie en places de stationnement. Celle-ci est due, nous le savons, au fait que la charge financière de l'aménagement et de l'entretien d'une aire d'accueil était jusqu'à présent beaucoup trop lourde pour les communes, qui, en outre, ne bénéficiaient pas des garanties suffisantes pour voir respectés leurs arrêtés d'interdiction de stationner en dehors des aires aménagées.

En ce qui concerne le financement, un effort très conséquent a été décidé par l'Etat, de sorte que les sommes restant à la charge d'une commune devraient être très modérées. Elles ne pourront plus justifier une éventuelle inertie des communes.

S'agissant du respect des arrêtés d'interdiction de stationner, je me réjouis qu'une vision réaliste et respectueuse des principes de notre droit ait finalement prévalu et que l'idée démagogique d'une expulsion sans jugement, contraire à nos principes constitutionnels, ait disparu de nos débats. Le Sénat n'a, pour l'essentiel, pas modifié l'article 9, bien qu'il soit revenu sur l'unification du contentieux voulue par notre Assemblée par souci de simplification.

Le Sénat a donc reconnu que nous sommes allés aussi loin qu'il est juridiquement possible pour accélérer les procédures.

Les amendements de la rapporteuse conforteront encore ce dispositif. Les modifications à l'article 9, concernant les terrains privés affectés à une activité économique, répondent à un besoin évident. On assiste, en effet, à une recrudescence des stationnements illicites sur les zones industrielles, ce qui peut, à terme, hypothéquer le développement économique de tout un secteur géographique -je pense notamment à la grande banlieue parisienne. Pour faire face à ce problème réel, nous ouvrons la faculté aux propriétaires de ces terrains, chefs d'entreprise ou agriculteurs, de saisir par la voie du référé heure à heure le juge du tribunal de grande instance en cas de stationnement illicite. Toutefois, pour respecter l'esprit du projet, nous avons souhaité lier cette faculté au respect par la commune de ses obligations.

Au final, les maires disposeront d'un arsenal juridique efficace pour lutter contre les stationnements illicites.

Reste à appliquer promptement les décisions de justice, m'objectera-t-on. Soyons clairs : si aujourd'hui des préfets hésitent à recourir aux forces de l'ordre pour appliquer un jugement d'expulsion, c'est parce que, du fait d'une pénurie chronique en places de stationnement, l'expulsion ne règle rien et ne fait que déplacer le problème de quelques kilomètres. Quand un nombre de places suffisant aura été aménagé, la question se posera dans des termes radicalement différents.

Construire un maximum d'aires en un minimum de temps nécessite que la loi fixe un délai de publication des schémas et de réalisation des aires et que le préfet puisse se substituer aux collectivités territoriales qui ne se conformeraient pas à leurs obligations.

C'est sur ce pouvoir de substitution du préfet que s'est focalisé le désaccord politique entre la majorité et l'opposition.

Certains y voient une atteinte insupportable à la décentralisation et au principe de libre administration des collectivités territoriales. Mais de très nombreux textes prévoient déjà un tel pouvoir de substitution des préfets, notamment pour la mise en _uvre de l'obligation scolaire ou les mesures à prendre lorsque des immeubles menacent ruine.

Certains parlementaires nous demandent de faire confiance aux communes. Mais voulons-nous prendre le risque de nous retrouver dans dix ans avec une loi largement inappliquée et des difficultés encore plus grandes ?

Du reste, si comme le disent les sénateurs, les maires sont tous prêts à assumer leurs responsabilités avec l'appui financier de l'Etat, ils n'ont rien à craindre de cette disposition qui ne constituera qu'une arme ultime. Nous pouvons d'ailleurs faire confiance aux préfets qui apprécieront, s'il y a lieu, d'engager une telle procédure.

En définitive, je ne comprends guère l'attitude du Sénat qui, en s'opposant à ces dispositions, a fait échouer la CMP. A moins qu'elle ne cache un refus de participer à l'effort national que requiert l'accueil des gens du voyage et à en rejeter la responsabilité sur les autres. Une telle attitude ne ferait que détériorer la situation et ce serait un bien mauvais calcul. J'ai la conviction qu'une majorité d'élus locaux en ont aujourd'hui conscience. Dans mon département, un nombre croissant de maires de communes concernées par le stationnement anarchique des gens du voyage ont commencé à réfléchir à l'aménagement commun d'aires d'accueil car il est devenu pour eux et pour leurs habitants nécessaire et urgent de trouver des solutions concrètes au problème.

Ce projet de loi va les y aider, tout en leur permettant de mieux lutter contre les stationnements illicites.

C'est pourquoi les députés socialistes soutiendront les amendements de la rapporteuse visant, pour l'essentiel, à revenir au texte adopté par notre Assemblée en seconde lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Bur - L'accueil des populations du voyage constitue une réelle difficulté qui méritait l'intervention du législateur. En effet, si depuis 1990 des progrès ont pu être réalisés, ils sont très insuffisants face à une pression migratoire plus importante, à l'augmentation des stationnements illégaux et à l'exaspération croissante des habitants des communes concernées. Cette exaspération est renforcée par l'incapacité des maires à faire respecter la loi, la justice les ayant, jusque là, peu aidés dans leur tâche.

Nous vous savons donc gré d'avoir engagé ce débat, même si, aujourd'hui, l'issue ne nous satisfait pas.

Nous aurions pu aller plus loin si le Gouvernement avait écouté davantage l'opposition et évité des mesures suspicieuses qui risquent de dissuader les maires de faire preuve de bonne volonté, d'autant que de légitimes interrogations demeurent sur les coûts de fonctionnement. Nous aurions pu aussi parvenir à un équilibre plus juste entre les droits et devoirs de chacun.

Nous le regrettons d'autant plus que nous partageons votre diagnostic et sommes convaincus de l'urgence de créer de nouvelles places de stationnement pour calmer les tensions.

L'élaboration de schémas départementaux est un atout pour organiser le débat entre les collectivités concernées et apporter la cohérence indispensable -mais pourquoi limiter les obligations aux seules communes de plus de 5 000 habitants ?

En mobilisant des moyens financiers importants pour aider les communes concernées, vous tirez les leçons de l'échec de la loi de 1990 et vous mettez en place un dispositif de solidarité qui incitera certains conseils municipaux à réaliser des aires d'accueil, même si les modalités d'attribution de l'aide au fonctionnement nous paraissent discutables.

Malheureusement la contrainte financière et la tutelle préfectorale l'emportent sur les incitations positives. Je n'arrive pas à imaginer comment pourrait se concrétiser le pouvoir de substitution reconnu au préfet, face à l'opposition des habitants d'une commune. Une telle intervention ne fera qu'accroître l'incompréhension des citoyens à l'égard de l'administration et renforcer le sentiment d'impuissance des élus.

Si les nouveaux concours financiers de l'Etat constituent un atout, c'est surtout de la capacité de l'Etat à faire respecter la loi que dépendra la réussite de cette ambition d'accueil et d'apaisement que nous partageons.

A notre avis ce texte ne donne pas aux autorités publiques les moyens de faire respecter les aires de stationnement. La contrainte nous paraît peser plus lourdement sur les communes que sur les usagers.

Vous nous dites que l'introduction du recours au référé heure par heure permettra aux maires de faire respecter la loi et l'ordre public. Pour avoir déjà mis en _uvre à plusieurs reprises cette procédure du référé heure par heure, je ne suis pas sûr de son efficacité réelle, d'autant que le texte de la loi ouvre la porte à des interprétations qui permettront au juge de ne rien décider. Nous espérons que des instructions très claires seront adressées par le Garde des Sceaux aux magistrats afin que la justice ne soit pas un frein à l'action des maires.

Ce risque est d'autant plus grand durant la période entre l'adoption de cette loi et la réalisation des aires d'accueil. Si les décisions de justice désavouent le maire en cas de stationnement illégal, il est fort à craindre que la dynamique attendue ne s'inscrive pas dans la réalité : il aurait fallu garantir le respect de l'autorité municipale. Nous regrettons que nos propositions et celles du Sénat n'aient pas trouvé grâce à vos yeux.

Enfin, même si l'accueil des gens du voyage constitue une priorité, il faudra bien aborder d'autres questions les concernant, comme la scolarisation des enfants, l'exigence d'insertion liée à la perception du RMI, les difficultés résultant de la sédentarisation de certaines familles, sans oublier la nécessité d'y voir plus clair dans la constitution des revenus.

Si notre société doit faire preuve de tolérance, elle doit aussi exiger le respect de la loi. Faute d'un équilibre pour tous entre droits et devoirs, les gens du voyage continueront d'être les premières victimes du débat passionné que suscite leur accueil (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Patrick Braouezec - Comme en deuxième lecture, le texte qui nous revient du Sénat est profondément modifié : la majorité sénatoriale s'est écarté de l'intitulé même du projet, relatif à l'accueil des gens du voyage, pour le transformer en simple outil visant à faciliter leur expulsion de commune en commune. Il nous faut donc adopter les amendements de la commission afin de rétablir un dispositif cohérent et volontariste respectueux de la dignité des personnes.

Dans le texte sénatorial, les priorités sont inversées : la réalisation des aires devient accessoire, tandis que les pouvoirs des maires sont renforcés, le seul problème visé étant le stationnement illégal. Cette vision injuste ne fait que conforter les mentalités rétrogrades et les tensions.

Les deux assemblées s'accordent pourtant sur l'inefficacité de la loi de 1990 : seulement un tiers des départements ont un schéma approuvé et un quart des 1 800 communes de plus de 5 000 habitants se sont dotées d'une aire d'accueil ; au total, il n'existe que 5 000 places de caravane correspondant aux normes, alors qu'il en faudrait 30 000 ! Les dispositions retenues par la majorité sénatoriale, qui ne donnent pas à l'Etat la possibilité de se substituer aux communes, n'ont aucune chance d'être mieux appliquées.

La position du Sénat est paradoxale : d'un côté, le dispositif financier est jugé suffisamment incitatif, de l'autre on refuse que le préfet se substitue aux communes défaillantes. Le discours sénatorial sur la responsabilisation des communes est démenti par deux modifications : la suppression du seuil de 5 000 habitants, qui entraîne le risque de voir les communes les plus importantes se défausser de leurs obligations sur les plus petites ; la prise en charge systématique par l'Etat des dommages causés aux aires d'accueil, qui pourrait avoir un effet pervers sur la surveillance de celles-ci par les élus locaux. Le Sénat semble présumer que beaucoup de communes continueront à refuser de réaliser des aires d'accueil : c'est donc lui, et non l'Assemblée nationale qui ne fait pas confiance aux élus locaux.

Dans le projet initial, la substitution du préfet n'est pas destinée à devenir la règle. Il s'agit seulement d'un moyen de garantir l'égalité des communes, en cessant de pénaliser celles qui assument leur part de responsabilité. L'exemple de la Seine-Saint-Denis est révélateur : la discussion du schéma départemental et sa réalisation se heurtent, comme dans beaucoup de départements, à la crainte des communes pionnières de faire les frais de l'immobilisme de leurs voisines. Cette difficulté concerne les communes de tous bords, ce qui aurait dû conduire à un accord unanime au sein de nos assemblées.

Nous approuvons donc la volonté de la commission de revenir pour l'essentiel au texte que nous avions adopté en février. L'Etat est parfaitement dans son rôle en faisant prévaloir l'intérêt général et en assurant le respect des lois ; il ne s'agit nullement de déresponsabiliser les communes, mais de leur permettre d'exercer leurs responsabilités dans des conditions équitables.

La réalisation rapide d'un nombre d'aires d'accueil suffisant facilitera le dialogue et la contractualisation sur les autres questions, notamment scolaires et sociales. Notre objectif à long terme est en effet, tout en respectant le mode de vie et les traditions des gens du voyage, de permettre aux enfants de choisir librement de les perpétuer ou non.

Au préalable, et c'est tout l'intérêt du texte, il s'agit de créer les conditions d'un équilibre satisfaisant entre l'aspiration légitime des gens du voyage à stationner dans des conditions décentes et le souci tout aussi légitime des élus locaux d'éviter les installations sauvages. Les députés communistes soutiendront donc ce projet dans ses orientations initiales (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Michel Meylan - La question du stationnement des gens du voyage est récurrente. A l'approche des migrations estivales, elle devient particulièrement délicate. Je ne peux m'empêcher de penser à mes collègues de Haute-Savoie, confrontés régulièrement à une situation de non-droit. Je pense aux agriculteurs de ma commune, aux propriétaires fonciers, aux commerçants dont des biens ont été saccagés ces dernières semaines. Le législateur doit avoir pour objectif de mettre un terme à ce type de situations et aux contentieux qu'elles suscitent.

Un dispositif dans lequel l'Etat se dispenserait de l'adhésion des collectivités locales aurait peu de chances de résoudre les difficultés. Au contraire, il risquerait d'exacerber les tensions. Or force est de constater que ce projet, tel que la commission nous propose de l'adopter, va dans ce sens.

Comme vous le disiez devant nos collègues du Sénat, Monsieur le ministre, c'est l'exercice de droits fondamentaux qui est en cause. Mais si les droits des gens du voyage étaient pris en compte dans le texte du Gouvernement, en revanche ceux des élus locaux et des populations qu'ils représentent étaient réduits à la portion congrue.

La position que défend le groupe Démocratie libérale est simple : il faut définir clairement les droits et les devoirs respectifs des collectivités locales et des gens du voyage, mais aussi de l'Etat. Cette définition doit se faire dans la concertation.

En effet, il n'est pas admissible que le représentant de l'Etat puisse approuver seul le schéma départemental et se substituer aux communes pour la réalisation des aires d'accueil. Il n'est pas admissible non plus que l'Etat demande aux collectivités locales de prendre leurs responsabilités et s'exonère des siennes en réfutant l'opportunité d'un schéma national pour les grands rassemblements traditionnels. Le principe de subsidiarité doit également s'appliquer entre l'Etat et les collectivités locales.

Parce que la démocratie n'est pas un régime où certains ont des droits et d'autres des devoirs, parce que la concertation vaut mieux que la contrainte, les élus locaux rempliront leur devoir dès lors qu'ils sauront pouvoir compter sur l'Etat pour ce qui relève de lui.

Il importerait aussi de clarifier certaines notions, comme l'a fait le Sénat pour les « résidences mobiles » et d'organiser le recensement des populations composant la communauté des gens du voyage.

Renforcer la transparence financière serait également opportun.

Nous allons lancer des programmes d'investissement dont nous devrons informer nos administrés. Or, nombre de nos concitoyens s'interrogent sur les revenus des gens du voyage dont les véhicules sont souvent de grosses berlines françaises et surtout étrangères.

La direction générale des impôts, au nom du principe de non-discrimination, n'effectue pas de contrôle particulier sur les revenus des gens du voyage. Reste une contradiction entre le train de vie affiché par certains et les revenus dont ils semblent disposer. Ainsi, dans son édition du 15 mai, le Dauphiné Libéré montrait la photographie du campement de nomades d'Annecy-le-Vieux avec en premier plan un cabriolet Mercédès à l'immatriculation récente. Ce type de véhicule vaut en moyenne 650 000 F. A 100 F le rempaillage de chaises, il faut rempailler 6 500 chaises pour le payer, soit le contenu de 14 semi-remorques, à raison de 8 chaises par mètre cube, sans compter les autres frais et charges. Il y a matière à se poser des questions !

Même si l'attelage des gens du voyage est leur seul bien, son prix est plus important que le patrimoine de nombre de nos concitoyens.

Comment justifier auprès de nos administrés que les contribuables doivent assumer le coût des aires de stationnement ?

Je souhaiterais donc que l'Etat applique le principe de justice fiscale à l'ensemble des résidents sur le territoire national.

Ce n'est pas en créant un déséquilibre entre les droits et les devoirs des différentes parties prenantes du dossier que nous apaiserons les tensions.

L'Etat ne peut pas s'exonérer de sa responsabilité et en même temps s'octroyer le pouvoir de mettre en _uvre des mesures coercitives envers les collectivités locales.

Aussi le groupe DL, tout en étant conscient de la nécessité de réaliser des aires d'accueil, votera contre le projet tel qu'il est présenté (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Françoise Imbert - Assurer, dans les meilleures conditions, l'accueil des gens du voyage est à la fois une obligation légale et une nécessité sociale et humaine.

La liberté de circuler, inscrite dans la déclaration des droits de l'homme, ne peut pas exister sans la possibilité de s'arrêter dans des endroits adaptés. Les gens du voyage sont des citoyens qui ont le droit d'être accueillis dans des conditions adaptées à leurs besoins et le devoir d'occuper et de respecter les lieux aménagés pour leur mode de vie. C'est pourquoi je souscris à la volonté de notre assemblée et du Gouvernement d'assurer la cohésion du corps social.

Ce projet est attendu par de nombreux élus.

Dans ma circonscription, en Haute-Garonne, les maires souhaitent une loi qui respecte l'équilibre entre les droits et les devoirs des collectivités locales, responsables de l'accueil des gens du voyage, de ces derniers qui ont la liberté de circuler mais doivent respecter les règles collectives, enfin de l'Etat qui exerce la solidarité nationale et doit être garant de cet équilibre.

Dans notre pays, la présence des gens du voyage est très ancienne. Reste que cette question suscite, au niveau local, de plus en plus de conflits. L'application de la nouvelle loi devrait régler le problème du nombre de places d'accueil, actuellement très insuffisant.

Les maires soulignent deux problèmes : celui des grands rassemblements, qui se sont multipliés et qui aboutissent parfois à des dégradations du domaine public. L'article premier spécifie bien le rôle des schémas départementaux qui détermineront les emplacements affectés à ce type de rassemblement et les obligations de chacun.

Le second problème, et le plus sensible, est celui du stationnement irrégulier. Outre la multiplication du nombre d'emplacements, l'action en justice que les maires pourront engager est désormais simplifiée, et donc rendue plus efficace.

En Haute-Garonne, depuis 16 ans déjà, le syndicat intercommunal pour l'étude et l'accueil des nomades de l'agglomération toulousaine aide à l'accueil des gens du voyage. Il souhaite maintenant des ajustements et des dispositions complémentaires que la loi va certainement leur apporter, et ce souci est partagé par des associations travaillant pour l'intégration des gens du voyage.

Nous devons donc voter cette loi, qu'il faudra appliquer rapidement.

Elle pose les bases du respect de la libre circulation des gens du voyage, tout en leur offrant d'accéder à des structures aménagées, s'ils décident de s'établir plus durablement. Elle les intègre ainsi dans la vie de la collectivité.

Parce qu'il touche à la question essentielle du vivre ensemble, ce projet contribue à construire une société où les êtres sont destinés à coexister, dans le respect de la différence des cultures et des choix de vie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Blazy - La CMP aurait dû réussir, en raison de l'esprit d'ouverture de notre rapporteur.

La majorité sénatoriale a refusé que le préfet dispose d'un pouvoir de substitution pour approuver le schéma départemental et réaliser les aires d'accueil, empêchant ainsi sciemment que la loi puisse être appliquée réellement. Cette position de principe, défendue au nom d'une certaine conception de la décentralisation, méconnaît la Constitution, qui garantit l'égale application de la loi sur l'ensemble du territoire national. Le Sénat s'inscrit ainsi dans la logique qui a conduit à ce que les dispositions de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990 ne puissent pas s'appliquer de façon satisfaisante.

Il s'ensuit que des communes qui ont voulu et pu mettre en _uvre ces dispositions sont aussi celles dont les problèmes sont les plus aigus en raison d'une présence continue et désordonnée des gens du voyage en nombre excessif. Ces communes ne peuvent pas légitimer aux yeux d'une population souvent exaspérée par l'apparente immunité dont jouissent les gens du voyage la construction d'une aire qui signifie un surcroît de difficultés.

Cette situation est particulièrement insupportable dans la région parisienne. Je la vis au quotidien en tant que maire d'une commune de la grande couronne. Mes concitoyens et nombre d'entreprises ont à subir des intrusions de gens du voyage.

Aussi devons-nous réussir la réforme que nous allons voter. Telle n'est pas, semble-t-il, la volonté de certains parlementaires de l'opposition, qui tentent d'accentuer les peurs de la population et l'égoïsme des élus locaux, comme on l'a vu aussi pour le logement social.

Le pouvoir de substitution conféré au préfet est d'autant plus nécessaire que ce sont les communes ayant le mieux appliqué la loi en vigueur qui souffrent le plus du refus des autres d'y satisfaire. Contrainte et incitation doivent aller de pair.

De plus, le manque d'esprit d'ouverture de la majorité sénatoriale a interdit d'examiner les trois points qui auraient pu réaliser le consensus : la création d'un schéma national, le financement des aires d'accueil par l'Etat, les procédures d'expulsion en cas de stationnement irrégulier dans les communes ayant satisfait aux obligations du schéma départemental.

Il est regrettable que le Sénat, en matière d'expulsion, n'ait pas suivi l'Assemblée dans l'unification de la compétence contentieuse au profit du juge civil, pourtant une avancée majeure du texte.

C'est pourquoi j'approuve pleinement la position défendue par Mme Le Texier et M. Vachez, dont le travail excellent permettra de pacifier le processus d'intégration des gens du voyage dans la communauté des citoyens.

Je me félicite de l'amendement de la commission ouvrant la possibilité d'un référé d'heure à heure aux propriétaires de terrains privés affectés à un usage professionnel, et des assurances données par le secrétaire d'Etat sur la façon dont l'Etat pourra contribuer à la réparation des dommages causés aux aires d'accueil.

Ce projet était attendu. La volonté d'équilibre manifestée par le Gouvernement et par l'Assemblée entre droits et devoirs est essentielle à sa réussite.

Ce texte constituera une avancée décisive à condition que tous les acteurs concernés soient rapidement mobilisés, que des moyens significatifs soient mis en _uvre et que les décrets d'application soient publiés au plus vite (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Jacques Filleul - Cette loi ne prétend pas régler l'ensemble des difficultés liées à l'insertion des gens du voyage dans notre société. Elle doit permettre avant tout de régler les problèmes relatifs au stationnement des caravanes et renforcer les prérogatives des maires.

Alors qu'un espoir émerge du débat parlementaire, je suis étonné de voir que nos collègues de la majorité sénatoriale s'emploient à dénaturer ce texte et à le priver de tout ce qui le rendait opérationnel. Cette attitude peu cohérente a semé le doute dans l'esprit d'élus favorablement impressionnés par le texte adopté par notre Assemblée le 24 février dernier. Il nous faut retrouver l'esprit qui nous avait conduits à apporter des réponses nettes aux préoccupations des élus mais aussi de nombre de nos concitoyens, souvent heurtés par le comportement incivique de certains représentants des gens du voyage. Ce texte est de nature à satisfaire les aspirations des populations sédentaires. Il doit permettre de réguler les flux de caravanes en les répartissant sur des terrains adaptés. Il a ainsi vocation à mettre fin aux occupations illégales du domaine public ou de terrains privés. Si ce texte n'aboutissait pas, les tensions en seraient exacerbées. A l'inverse, s'il devient loi de la République, il nous faudra accompagner l'élaboration des schémas départementaux afin qu'ils soient traduits sans délai dans la réalité. A défaut, beaucoup d'espoirs seraient déçus et les tensions pourraient s'amplifier au point que les préfets ne pourraient plus jouer leur rôle. Je considère en effet que la substitution est la pierre angulaire de ce texte et qu'il est décisif d'instituer les pouvoirs d'expulsion du maire dès la construction de l'aire d'habitat sur le territoire de la commune.

L'appui des services de police pour obtenir le départ des caravanes en situation de stationnement illicite est également déterminant car quelles que soient les qualités de notre projet, il faut avoir à l'esprit que beaucoup de représentants influents du milieu des gens du voyage ne se privent pas de le critiquer ou d'afficher le mépris qu'il leur inspire. Pas plus tard que le week-end dernier, le maire de la petite commune de Larçay, près de Tours, a vu sa commune dévastée par le départ de plus de cent cinquante caravanes et s'est vu opposer par les gens du voyage un refus ferme de toute installation dans quelque terrain approprié que ce soit.

M. Yves Bur - Eh oui ! C'est cela la réalité !

M. Jean-Jacques Filleul - Monsieur le ministre, je souhaite que de l'acceptation de la différence entre sédentaires et itinérants, dont est porteur ce projet de loi, vienne l'acceptation de vivre ensemble dans le respect mutuel ; à défaut, ce problème de société deviendrait vite explosif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle les articles du projet de loi dans les conditions prévues par notre Règlement.

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AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Yves Bur - L'amendement 42 vise à bien identifier les populations concernées par le projet pour que les dispositions proposées leur soient exclusivement réservées.

Mme la Rapporteuse - Défavorable. Il est contraire au principe d'égalité de donner des définitions des gens du voyage de caractère ethnique ou fondées sur la détention d'un titre de circulation. Du reste, il me semble peu vraisemblable que les touristes encombrent les aires d'accueil spécifiques !

M. le Secrétaire d'Etat - Même position car la définition proposée est trop restrictive. Mieux vaut s'en tenir à une appellation générique plutôt que de proposer une énumération limitative qui ne sera jamais exhaustive.

L'amendement 42, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Bur - L'amendement 43 tend à inscrire dans le texte l'obligation de respect de la loi qui s'impose aux gens du voyage car le principe de la libre circulation doit avoir pour contrepartie le strict respect des conditions d'accueil offertes par les communes.

Nous visons à un meilleur équilibre entre droits et devoirs afin que ne se développe pas dans l'opinion l'idée que l'on fait un meilleur sort aux gens du voyage qu'aux autres catégories de la population en mettant en avant les difficultés de ceux-ci. Il ne faut pas tout excuser et l'équilibre entre droits et obligations doit toujours être recherché. Je ne suis pas sûr que le présent projet parvienne à l'atteindre.

Mme la Rapporteuse - Cet amendement n'a pas été examiné en commission mais il me semble satisfait par le texte du projet qui tend à concilier la liberté de circulation et les règles de stationnement.

M. le Secrétaire d'Etat - Le point soulevé sera examiné à la faveur de la discussion de l'article 9. Je propose aux auteurs de l'amendement de le retirer car leur préoccupation est satisfaite par le texte de l'article 9.

M. Yves Bur - Il est maintenu.

L'amendement 43, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ARTICLE PREMIER

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 39 vise à réintroduire dans le texte de la loi la définition de la résidence mobile, telle qu'elle a été proposée par le Gouvernement. Il s'agit de préciser dès le départ les dispositions particulières qui s'appliquent aux gens du voyage du fait du mode de vie qu'ils ont choisi.

Mme la Rapporteuse - Cet amendement et l'amendement 1 de la commission ont le même objet : tous deux tendent en effet à donner une définition de la résidence mobile. Celui de M. Martin-Lalande reprend la définition retenue par le Sénat ; le nôtre vise à revenir au texte adopté par notre Assemblée en laissant de côté les précisions voulues par nos collègues du Sénat. La commission juge préférable de laisser au pouvoir réglementaire le soin de définir cette notion en sachant que la loi distingue déjà les résidences mobiles qui constituent l'habitat traditionnel des gens du voyage de celles qui sont affectées à des activités de loisir, au sens de l'article 91 de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains ; la confusion entre ces deux catégories de résidences mobiles n'étant plus possible, l'amendement 39 devient sans objet.

M. le Secrétaire d'Etat - Le même raisonnement conduit le Gouvernement à soutenir l'amendement 1 de la commission et à repousser l'amendement 39.

L'amendement 39, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 2 de la commission tend à supprimer le I bis, c'est-à-dire le schéma national d'accueil pour les grands rassemblements, que souhaite créer le Sénat. Il nous semble préférable d'avoir un seul document de référence, au niveau départemental, sans quoi l'articulation entre les différents documents risquerait d'être complexe. Cette question des grands rassemblements est évoquée clairement au troisième alinéa du II de l'article premier.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable, ce qui ne signifie aucun désengagement de l'Etat : plus le rassemblement est important, plus le préfet agit au nom de l'Etat et il continuera de le faire.

M. Patrice Martin-Lalande - Je regrette la suppression du schéma national. Les grands rassemblements n'ont pas seulement un point d'arrivée : ils ont des étapes intermédiaires qui sont déjà autant de rassemblements, sans doute pas immenses, mais susceptibles d'excéder les capacités d'accueil des terrains prévus pour les jours normaux. Faute d'une coordination nationale de ces étapes, on risque de ne pas prendre en compte la réalité de ces migrations. Au demeurant, le schéma national ne serait pas nécessairement très lourd à réaliser.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 3 de la commission rétablit le texte de l'Assemblée, en disposant que le schéma départemental doit statuer pour les communes de plus de 5 000 habitants ; faute de quoi le risque existe que les communes les plus importantes se défaussent sur les plus petites. En second lieu l'amendement prend en compte le v_u du Sénat de voir recenser les autorisations d'occupation de terrains familiaux. Mais nous situons ce recensement dans une annexe au schéma : ainsi, si le recensement n'est pas fait ou s'il est incomplet, les dispositions relatives à la réalisation des aires d'accueil ne peuvent pas pour autant être remises en cause ou retardées. Enfin l'amendement introduit dans la même annexe le recensement des obligations d'hébergement incombant aux employeurs de gens du voyage dans le cadre d'emplois saisonniers ; c'est la reprise de l'article 9 bis adopté par l'Assemblée à l'initiative de M. Gilbert Mitterrand.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable, sous réserve du sous-amendement du Gouvernement qu'on verra dans un instant.

M. Christian Martin - Le sous-amendement 45 tend à mentionner, après les communes, les groupements de communes, par cohérence avec l'article ultérieur qui mentionne les établissements publics de coopération intercommunale.

Mme la Rapporteuse - La commission ne l'a pas examiné. A titre personnel, je n'y suis pas favorable, car tous les groupements de communes n'ont pas compétence pour l'accueil des gens du voyage. En mentionnant les communes, nous englobons tout le reste. Et quand les communes font partie d'un EPCI qui a cette compétence, il est naturellement concerné. Le sous-amendement n'apporte donc rien.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est conscient qu'il existe des zones géographiques où aucune commune n'atteint le seuil de 5 000 habitants, ce qui n'empêche pas le passage de gens du voyage et le besoin d'aires de stationnement. C'est pourquoi, tout au long des précédentes lectures, il a bien précisé que, s'il y a obligation pour les communes de plus de 5 000 habitants, il ne s'ensuit pas que les autres soient dispensées : il appartient au schéma départemental de bien évaluer les besoins. Là où il n'existe pas de groupement intercommunal ayant cette compétence, ce sera affaire de négociation. Si l'Assemblée souhaite l'inscrire dans le texte, elle le peut ; encore faudrait-il préciser que, quand la compétence n'est pas là, il faut qu'il y ait négociation.

Le sous-amendement 45, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - Par le sous-amendement 30, nous proposons de préciser que le schéma départemental détermine les emplacements « communaux et appartenant au domaine privé de l'Etat » qui peuvent être occupés temporairement à l'occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels. Une partie des terrains requis par les très grands rassemblements peut en effet être trouvée dans le patrimoine de l'Etat ; je pense par exemple à des sites militaires désaffectés. Nous souhaitons rendre clair que l'accueil de ces rassemblements peut se faire non seulement sur des terrains communaux, mais sur le patrimoine de l'Etat.

Mme la Rapporteuse - Avis défavorable. Je comprends le souci de M. Martin-Lalande, mais dès lors je ne comprends plus sa rédaction, car elle est plus restrictive que le texte du projet. Selon celui-ci, il appartient au schéma départemental de rechercher les terrains qui conviennent le mieux aux grands rassemblements ; or ces terrains peuvent se situer sur le domaine public de l'Etat, et non pas seulement sur son domaine privé. Le sous-amendement aurait donc un effet restrictif, contraire à l'intention de ses auteurs.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Il convient de penser en outre aux cas où furent utilisés des terrains appartenant à des associations, ou loués par des agriculteurs de manière traditionnelle. Au nom de quoi interdirions-nous ces pratiques ? Or c'est à quoi conduirait le sous-amendement.

M. Patrice Martin-Lalande - Puisque M. le ministre confirme que l'Etat apportera sa contribution à l'accueil des grands rassemblements, je retire le sous-amendement 30.

M. le Secrétaire d'Etat - J'appelle l'attention sur la dernière phrase de l'amendement 3, selon laquelle l'annexe au schéma départemental recense « les terrains devant être mis à la disposition des gens du voyage par leurs employeurs, notamment dans le cadre d'emplois saisonniers ». Le problème est qu'il n'existe pas, dans le code du travail, d'obligation de mise à disposition de terrains pour les saisonniers. Les termes « devant être » n'ont donc pas de fondement.

C'est pourquoi le Gouvernement propose, par le sous-amendement 41, d'écrire simplement que l'annexe « peut également recenser les terrains mis à disposition », etc.

Mme la Rapporteuse - La commission ne l'a pas examiné. Mon avis personnel s'écarte de celui de M. le ministre. Il nous dit qu'il n'y a pas, pour les employeurs de travailleurs saisonniers, d'obligation de les loger. Mais c'est bien pourquoi nous avons réfléchi à cet aspect du problème. Lors des vendanges, par exemple, ce sont les villes limitrophes des zones viticoles qui subissent l'installation de nombreuses caravanes. Il importe donc de donner suite aux demandes de nos collègues parlementaires confrontés à ce problème dans leur région. La rédaction du Gouvernement affaiblirait la portée de la disposition que nous avons adoptée en première lecture.

M. le Secrétaire d'Etat - Comprenons-nous bien. La rédaction de M. Gilbert Mitterrand et de ses collègues créait l'obligation pour l'employeur de mettre des terrains à disposition des travailleurs saisonniers. Or la rédaction de la commission supprime cette obligation, mais son dernier alinéa est écrit comme si elle existait néanmoins. Si vous supprimez l'obligation, il faut supprimer les mots « devant être » ; ou bien il faut rétablir l'obligation et reprendre alors le texte de M. Mitterrand.

Mme la Rapporteuse - Pour nous ce sont les mots « devant être » qui constituent l'obligation.

Le sous-amendement 41, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Martin - Par l'amendement 46, nous proposons de préciser que le schéma départemental est approuvé après information du conseil général sur ses conséquences financières.

Mme la Rapporteuse - La commission n'a pas examiné l'amendement mais j'y suis personnellement défavorable : le président du conseil général sera associé à l'élaboration du schéma et même à sa signature et il est évident qu'il informera son assemblée. Le préciser dans la loi paraît donc inutile.

M. le Secrétaire d'Etat - Ne faisons pas peser de suspicion sur le président du conseil général, co-élaborateur du schéma départemental !

M. Christian Martin - Nous n'y songeons pas, dans le Maine-et-Loire en tout cas !

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement, quant à lui, lui fait confiance pour en parler à son assemblée.

L'amendement 46, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 4 rétablit le pouvoir de substitution, donné au préfet dans les cas où le président du conseil général refuserait d'approuver le schéma départemental dans les dix-huit mois suivant la publication de la loi.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 5 reprend notre texte, s'agissant de la composition de la commission consultative.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

M. Patrice Martin-Lalande - Nos sous-amendements 55 à 59, ainsi d'ailleurs que le 47 de M. Martin, identique au 56, visent à compléter la composition de la commission consultative en y faisant figurer tous ceux qui sont susceptibles de financer les aires d'accueil : les départements, les régions, les caisses d'allocations familiales ainsi que les groupements de communes et les services de l'Etat, qui sont mis à contribution pour la scolarisation et pour l'accès aux soins, notamment. Il serait paradoxal que ceux qui paient ne puissent être associés à la réflexion sur le schéma départemental !

S'agissant du département, nous pensons que la présence du président du conseil général, coprésident de la commission consultative, ne saurait suffire : il faut une représentation plus large de cette assemblée, compte tenu de sa contribution financière.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné ces sous-amendements mais elle a, dans un esprit pragmatique, introduit dans ce paragraphe IV un « notamment »...

M. Patrice Martin-Lalande - ...qui n'a aucune valeur juridique !

Mme la Rapporteuse - ...qui autorise à associer aux travaux de cette commission tous ceux qui méritent de l'être, à un titre ou à un autre. En revanche, allonger la liste des représentants précisément désignés serait s'exposer à créer une super commission dont on sait bien, par expérience, qu'elle fonctionnera mal.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement a approuvé ce « notamment » qui permettra d'adapter la composition de la commission aux réalités locales. Pour ce qui est du département, il est de tradition qu'en de telles occurrences, le président du conseil général, comme le préfet d'ailleurs, puisse se faire assister de collaborateurs de son choix. L'instruction rappellera cette coutume et les auteurs des amendements auront ainsi satisfaction sur ce point.

M. Patrice Martin-Lalande - N'ayons pas de fausse peur : personne ne veut supprimer le « notamment ». Nous ne proposons que d'ajouter ensuite les représentants des collectivités ou organismes appelés à contribuer.

Les sous-amendements 47 et 56, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que les sous-amendements 55 et 57 à 59.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - Par l'amendement 6, nous proposons de reprendre le texte de l'Assemblée prévoyant une coordination régionale sur l'ensemble du territoire. Initialement, cette coordination devait être limitée à l'Ile-de-France mais les observations de nombre de collègues nous ont convaincus de l'étendre.

Je précise que rien n'interdira aux départements limitrophes appartenant à des régions différentes de se concentrer si besoin est. Les articles L 5411-1 et L 5411-2 du code général des collectivités territoriales, qui traitent des ententes, conventions et conférences interdépartementales, l'autorisent d'ailleurs déjà.

M. le Secrétaire d'Etat - Sagesse favorable ! (Sourires)

M. Yves Bur - Tout à l'heure, M. le secrétaire d'Etat insistait pour qu'on reste dans le cadre départemental. Vous admettez maintenant une concertation régionale ou interdépartementale. Encore un effort, et vous accepterez le schéma national, ce qui garantira une réelle cohérence !

M. Patrice Martin-Lalande - Oui, voyez large !

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

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ARTICLE PREMIER BIS

Mme la Rapporteuse - L'amendement 7 vise à supprimer une disposition introduite par le Sénat, cela en cohérence avec notre décision de supprimer le schéma national.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté et l'article premier bis est ainsi supprimé.

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ART. 2

Mme la Rapporteuse - L'amendement 8 reprend notre texte, s'agissant de définir les obligations des communes figurant dans le schéma départemental.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

M. Patrice Martin-Lalande - Mon sous-amendement 35 vise à rendre la rédaction plus claire. Il doit être évident que le délai de deux ans s'appliquera aux trois formes selon lesquelles le schéma sera mis en _uvre.

Mme la Rapporteuse - Le sous-amendement ne change rien au fond et le verbe « faire » n'est guère précis, du point de vue juridique. Cela étant, on peut adopter cette rédaction...

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

Le sous-amendement 35, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité !

L'amendement 8 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 9 tend à supprimer le I bis, c'est-à-dire la procédure proposée par le Sénat en vue d'obtenir un allongement des délais de réalisation. Le préfet dispose en effet d'un pourvoi d'appréciation de sorte que la substitution ne sera pas automatique. Si une commune ou un EPCI ne sont pas en mesure de respecter les délais, nous pourrons lui faire confiance pour les inviter à « poursuivre leurs efforts » (Sourires) et la disposition introduite par la Haute assemblée n'est donc pas utile.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable à l'amendement : l'efficacité passe par un resserrement des délais.

L'amendement 9, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 3

Mme la Rapporteuse - L'amendement 10 tend à rétablir le pouvoir de substitution du préfet.

M. le Secrétaire d'Etat - Sa discussion me fournit l'occasion de répondre aux observations faites au cours de la discussion générale. Le Gouvernement est favorable au droit de substitution puisqu'il l'avait prévu dans son texte initial.

Nous devons tirer les leçons de l'insuffisante application de l'article 28 de la loi de 1990. Si nous adoptions un texte similaire, avec pour seule différence les moyens financiers mis à disposition par l'Etat, nous risquerions d'aboutir au même résultat.

D'autre part, il y a là une question de fond. Aucun législateur conséquent ne souhaite élaborer une loi qui puisse être utilisée « à la carte ». La République doit être partout chez elle et donc même dans un domaine délicat comme celui-ci, il faut certaines garanties.

Un certain nombre de maires appliquent déjà cette conception républicaine de la décentralisation et ils doivent avoir l'assurance qu'ils ne seront pas confrontés à des difficultés accrues du fait que d'autres s'affranchiraient de l'application de la loi.

La possibilité d'une substitution du préfet aux maires défaillants doit donc être prévue, même si elle ne doit servir qu'en ultime recours et peut-être jamais !

M. Patrice Martin-Lalande - J'ai déjà exprimé mes réticences à l'égard de ce pouvoir de substitution. Mais je reconnais qu'il a aussi certains aspects positifs. Notre sous-amendement 60 vise à rendre obligatoire la consultation préalable de la commission départementale.

Mme la Rapporteuse - Le sous-amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'y suis défavorable car le pouvoir de substitution ne s'exercera que dans le cas où, précisément, le schéma élaboré avec la commission consultative ne sera pas appliqué. Une consultation supplémentaire risque de seulement ralentir la procédure.

M. le Secrétaire d'Etat - Si l'introduction de cette consultation permettait au Parlement d'accepter unanimement le principe de substitution, le Gouvernement y serait favorable.

Dans la mesure où le schéma a été élaboré avec l'aide de la commission départementale, je ne vois pas cette commission s'opposer à la substitution.

Le sous-amendement 60, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 10, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 11 est de coordination.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 3, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 4

Mme la Rapporteuse - L'amendement 12 supprime le dispositif introduit par le Sénat prévoyant le remboursement systématique par l'Etat des frais de réparation en cas de dommages occasionnés aux aires d'accueil.

En effet, nous ne voulons pas d'un mécanisme qui encourage le laisser-aller, voire la mauvaise gestion des aires d'accueil.

Ceci dit, le problème soulevé par le Sénat est réel. J'aimerais que le ministre nous confirme les engagements qu'il a pris à ce sujet devant le Sénat.

M. le Secrétaire d'Etat - Ce projet induit, pour la construction des aires d'accueil, un financement d'Etat de 1,75 milliard et pour leur entretien une aide de 10 000 F par place et par an, ce qui représentera, quand les 30 000 places nécessaires seront construites, un total de 300 millions de francs par an. Cet effort sans précédent n'a de sens que si tous les acteurs sont responsabilisés. Dans bien des cas, la gestion des aires sera assurée, non par les services communaux, mais par des associations. Nous souhaitons pouvoir, par la voie réglementaire, faire la distinction entre les dommages résultant d'un défaut d'entretien ou de surveillance de ceux dus à des actes de vandalisme, qui seront, eux, réparés avec l'aide de l'Etat.

L'amendement 12, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 5

Mme la Rapporteuse - L'amendement 13 rétablit le terme de « droit d'usage » au lieu de « redevance ».

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

L'amendement 13, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 7

Mme la Rapporteuse - L'amendement 14 concerne la prise en compte de la population du voyage dans le calcul de la DGF.

C'est un retour au texte voté par l'Assemblée.

M. le Secrétaire d'Etat - Le texte adopté en première lecture représentait le point d'accord entre les ministères concernés. Avis favorable à l'amendement.

M. Patrice Martin-Lalande - Le sous-amendement 62 tend à majorer la population prise en compte en retenant quatre habitants par place de caravane au lieu d'un seul. Ce chiffre correspond beaucoup mieux à la réalité démographique et aussi à la réalité des charges pesant sur la commune, qui ne se limitent pas à l'organisation du stationnement, mais comprennent aussi la scolarisation des enfants, l'accès aux soins, l'aide sociale etc....

Mme la Rapporteuse - La commission n'a pas examiné ce sous-amendement. A titre personnel, j'y suis défavorable car des communes seraient pénalisées par cette nouvelle répartition de la DGF.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable. Certes on peut trouver des arguments en faveur d'un effort supplémentaire ; néanmoins j'appelle votre attention sur le fait que les gens du voyage présents le jour du recensement général de population sont comptés tout au long de la période intercensitaire, et que ce projet tend à prendre en compte les populations de passage. S'ajoute à cela l'aide au fonctionnement des aires.

M. Daniel Vachez - Les charges nouvelles incombant à une commune qui construit un nouveau quartier ne sont prises en compte qu'à l'occasion du recensement qui suit ; de même, les communes concernées auront la possibilité, lors d'un prochain recensement, de décompter la totalité des gens du voyage présents sur le territoire. Autrement dit, la disposition proposée vient en plus de ce décompte habituel des populations, et je remercie le Gouvernement de l'effort qu'il accepte de faire ; la DSU étant à périmètre constant, il ne paraît pas souhaitable d'aller au-delà.

Le sous-amendement 62, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 61, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 14, mis aux voix, est adopté et l'article 7 est ainsi rédigé.

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ART. 8

M. Yves Bur - Avec notre amendement 48, nous proposons que les communes prévoient l'emplacement de l'aire de stationnement dans leurs plans d'occupation. C'est déjà ce qui se fait dans certains départements, dont le mien.

Mme la Rapporteuse - La commission n'a pas examiné cet amendement mais nous avions déjà repoussé cette idée lors des précédentes lectures, afin de ne pas alourdir les procédures.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement s'interroge. Si je comprends bien l'amendement, serait entaché d'irrégularité le POS d'une commune qui n'y aurait pas inscrit l'emplacement d'une aire d'accueil figurant dans le schéma départemental. Cela ne me heurte pas.

Mme la Rapporteuse - Je maintiens un avis défavorable. La révision du POS est une procédure lourde...

L'amendement 48 , mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 15 tend à rétablir une disposition supprimée par le Sénat, précisant que les autorisations d'aménagement de terrains familiaux peuvent être délivrées pour des terrains bâtis ou non bâtis.

L'amendement 15, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 9

M. le Secrétaire d'Etat - L'Assemblée ne sera pas étonnée que le Gouvernement maintienne son appréciation quant à la compétence des juridictions. C'est ce qui motive son amendement 40, qui vise par ailleurs à supprimer la codification dans le code général des collectivités territoriales, ainsi qu'à compléter le dispositif pour les cas de stationnement illicite sur un terrain privé affecté à une activité à caractère économique. Sur ce dernier point, les préoccupations de la commission et du Gouvernement se rejoignent.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 16 2e correction de la commission tend à unifier le contentieux en matière d'expulsion des gens du voyage, au profit du tribunal de grande instance. L'Assemblée avait exprimé un vote unanime sur ce point lors des deux précédentes lectures. Pour tenir compte des objections formulées par le Sénat, l'amendement simplifie les conditions requises pour prendre un arrêté réglementant le stationnement et pour enclencher les procédures d'expulsion. Enfin, nous nous retrouvons avec le Gouvernement sur le recours au référé d'heure en heure pour les propriétaires de terrains privés affectés à un usage professionnel.

M. Jean-Pierre Blazy - Excellente disposition !

Mme la Rapporteuse - La commission n'a pas examiné l'amendement 40. A titre personnel, j'y suis défavorable car il maintient la compétence du juge administratif, y compris sur le domaine public routier, ce qui revient à opérer un transfert au détriment du juge judiciaire dans un domaine touchant aux libertés individuelles.

M. le Secrétaire d'Etat - J'ai expliqué pourquoi le Gouvernement préfère son amendement 40 à l'amendement 16.

L'amendement 40, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Plusieurs sous-amendements ont été déposés sur l'amendement 16.

M. Christian Martin - Notre sous-amendement 52 tend à insérer après les mots « En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, y compris sur le domaine public, » les mots « ou quand il y a violation du droit privé ».

Mme la Rapporteuse - La commission ne l'a pas examiné. A titre personnel, j'y suis défavorable. Le maire est fondé à intervenir sur les terrains privés en cas de trouble à l'ordre public ; dans les autres cas, c'est au propriétaire de saisir le juge.

M. le Secrétaire d'Etat - Cette disposition est de portée trop générale. Avis défavorable.

Le sous-amendement 52, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Bur - Le juge peut prescrire aux occupants en situation illicite de rejoindre une aire aménagée sur le territoire de la commune. Mais si cette dernière est totalement occupée, le juge risque de se prononcer pour une mesure d'attente. Aussi proposons-nous, par le sous-amendement 53, que le juge dispose d'une faculté de décision plus large.

Mme la Rapporteuse - La commission n'a pas examiné le sous-amendement, auquel je suis plutôt hostile. Obliger des gens du voyage en stationnement illicite à rejoindre une aire située à l'autre bout du département n'est ni réaliste ni conforme à la liberté d'aller et venir.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. La décision du juge, qui ne valait que pour le terrain concerné, vaut maintenant pour l'ensemble du territoire communal. L'avancée est de taille et il est impossible d'aller au-delà.

Le sous-amendement 53, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Bur - Le sous-amendement 54 est défendu.

Mme la Rapporteuse - La commission ne l'a pas examiné. J'y suis opposée, car la procédure d'heure à heure est déjà très coercitive. Laissons les juridictions s'organiser.

M. Patrice Martin-Lalande - Le sous-amendement 63 est identique au précédent. Lorsque nous avons présenté cette même disposition, le Gouvernement s'est engagé à prendre des directives de politique pénale pour que la réponse du juge soit donnée dans les délais les plus courts possibles. Persiste-t-il dans son intention ? Si les délais sont trop longs, la décision risque d'arriver après le départ du véhicule. Il s'ensuivra une impunité de fait qui incitera à ne pas respecter la loi.

M. le Secrétaire d'Etat - Je confirme que le référé d'heure à heure est la procédure la plus rapide dont nous disposions, puisque la décision est rendue dans la journée. Il n'y a pas de raison de penser qu'il pourrait en aller autrement à l'avenir. En outre, la Garde des Sceaux m'a assuré que la Chancellerie prendra des dispositions pour sensibiliser les juridictions à la nécessaire application des mesures adoptées par le Parlement.

Les sous-amendements 54 et 63 sont retirés.

M. Patrice Martin-Lalande - La disposition que nous proposons par le sous-amendement 64 a déjà été repoussée en première lecture.

Pourtant, immobiliser le véhicule tracteur d'une résidence mobile en stationnement irrégulier serait une mesure efficace. Les populations sont surprises de voir circuler librement ce genre de véhicule. L'immobiliser empêcherait les auteurs de l'infraction d'organiser leur impunité.

Mme la Rapporteuse - La commission n'a pas examiné le sous-amendement. Je suis pour ma part opposée à la double peine.

M. le Secrétaire d'Etat - Immobiliser le tracteur d'une résidence mobile dont on souhaite qu'elle s'en aille ne paraît guère cohérent. Avis défavorable.

Le sous-amendement 64, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 16 2ème correction, mis aux voix, est adopté et l'article 9 est ainsi rédigé.

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Patrice Martin-Lalande - La plupart de nos amendements ont été rejetés. Les dispositions adoptées par le Sénat ont subi le même sort. Même si ce texte apporte des avancées, il était possible d'aller plus loin sur certains points. Le Gouvernement s'était engagé à présenter un projet d'ensemble sur l'insertion des gens du voyage. Or nous n'avons traité que de la question du stationnement, et en partie seulement. C'est insuffisant, et le groupe RPR ne votera pas le projet.

M. Daniel Vachez - Au-delà des clivages politiques, et tout en constatant que nous avons eu un débat constructif, je suis sûr que la raison et l'équilibre l'emporteront si nous remplissons dès les prochaines années les objectifs fixés par la loi.

Les gens du voyage y gagneront en dignité et bénéficieront de meilleures conditions de vie ; les populations sédentaires, débarrassées des nuisances provoquées par les stationnements irréguliers, y gagneront aussi et porteront peut-être un regard plus apaisé sur les gens du voyage ; quant aux élus, ils y gagneront en crédibilité, puisqu'ils seront parvenus à améliorer la vie collective au sein de la cité. Au total, les fondements de la République s'en trouveront consolidés.

C'est pourquoi le groupe socialiste votera à nouveau ce texte réaliste, efficace et équilibré (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Bur - Notre débat a été utile. Si des progrès ont été réalisés par rapport à la loi de 1990 pour assurer aux communes la capacité de réaliser des aires de stationnement dans un indispensable effort de solidarité, je regrette que vous n'ayez pas poussé la logique de la confiance jusqu'au bout, et que vous continuiez à recourir à la coercition.

C'est de la capacité de l'Etat à affirmer l'autorité publique que dépend la réussite de la loi que vous allez voter : s'il n'y parvient pas, nous allons au-devant de nouvelles déconvenues. Il importe donc que les directives qu'adresseront les pouvoirs publics aux élus soient claires et aisément applicables.

Je regrette enfin que le travail parlementaire n'ait pas été plus constructif et que la majorité, arc-boutée sur l'équilibre qu'elle prétend avoir réalisé, soit restée sourde à nos propositions et n'ait pas fait preuve de plus de tolérance à notre égard.

L'ensemble de ces raisons nous conduiront à ne pas voter ce projet de loi.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

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DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le Président - M. le Président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une demande de remplacement d'un membre de l'Assemblée nationale au sein du comité consultatif pour la gestion du fonds national pour le développement des adductions d'eau.

Conformément aux précédentes décisions, le soin de présenter un candidat a été confié à la commission des finances.

La candidature devra être remise à la Présidence avant le mercredi 14 juin, à 18 heures.

Prochaine séance à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 15.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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