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Session ordinaire de 1999-2000 - 88ème jour de séance, 209ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 23 MAI 2000

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

Sommaire

ENCHÈRES PUBLIQUES (CMP) 2

ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE
(deuxième lecture) 10

ARTICLE PREMIER 21

ARTICLE PREMIER BIS 22

ARTICLE PREMIER TER A 22

ARTICLE PREMIER TER B 22

ARTICLE PREMIER TER 22

ARTICLE PREMIER QUATER 23

ART. 2 23

APRÈS L'ART. 2 25

ART. 4 26

ART. 4 BIS 30

ART. 5 30

APRÈS L'ART. 5 30

ART. 6 30

EXPLICATIONS DE VOTE 31

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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      ENCHÈRES PUBLIQUES (CMP)

M. le Président - M. le Premier ministre soumet à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire.

Mme Nicole Feidt, rapporteuse de la CMP - A l'issue de la seconde lecture de l'Assemblée, quatorze articles de ce texte restaient en discussion entre les deux chambres. Un accord semblait envisageable sur certains d'entre eux, plus difficile sur d'autres, notamment sur la question de l'indemnisation des commissaires-priseurs.

La CMP est parvenue à un accord. On ne peut que s'en féliciter, car cela permettra de mener à bien une réforme très attendue des professionnels.

MM. Lellouche et Martin y ont beaucoup contribué.

Sur la question de l'indemnisation, le principe adopté par l'Assemblée n'a pas été remis en cause. L'article 35 pose en effet clairement que l'indemnisation se fonde sur le « préjudice subi par les commissaires-priseurs du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de présentation ».

Il y a bien rupture de l'égalité devant les charges publiques et non expropriation.

Conformément au choix de l'Assemblée, l'article 37 prévoit une indemnité correspondant à 50 % de la valeur de l'office liée aux activités de ventes volontaires. Pour suivre le Sénat, la CMP a retenu comme période de référence de calcul de la valeur de l'office les cinq derniers exercices connus, au lieu de remonter à l'exercice 1992. Cette indemnité de 50 % peut être augmentée ou diminuée de 20 % au plus par la commission nationale d'indemnisation, au lieu des 15 % précédemment prévus.

L'article 2 bis, relatif aux ventes réalisées par voie électronique est proche du texte adopté par l'Assemblée en seconde lecture. Les ventes véritablement réalisées aux enchères publiques sont soumises à la loi, même si elles sont réalisées par voie électronique. Les simples opérations de courtage aux enchères n'y sont pas soumises, sauf si elles portent sur des biens culturels. La CMP a bien précisé l'ensemble des caractéristiques d'une vente aux enchères publiques : agir comme mandataire du propriétaire, en proposant un bien pour l'adjuger au mieux-disant des enchérisseurs.

Elle est également parvenue à un accord sur l'ensemble des autres dispositions qui restaient en discussion.

Elle s'est ainsi prononcée en faveur de la composition du conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques choisie par l'Assemblée, soit six personnes qualifiées et cinq représentants des professionnels, dont un expert. Les professionnels ne sont donc pas majoritaires. Le conseil élira un président en son sein, un magistrat désigné faisant office de commissaire du Gouvernement.

Les onze membres de conseil sont nommés par le Garde des Sceaux, y compris les représentants des professionnels. L'article 29 précise la qualité des experts et le nombre des spécialités.

La CMP s'est accordée sur la nécessité de recourir à un établissement de crédit ou un organisme d'assurance pour que la société de ventes puisse consentir des prix garantis. En revanche, ce recours ne serait plus exigé pour les avances prévues à l'article 12.

Pour que la réforme entre rapidement en application, la CMP nous demande d'adopter son texte (Applaudissements sur de nombreux bancs).

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication - La CMP est parvenue le 17 mai à un accord sur l'ensemble des dispositions restant en discussion.

Mme la Garde des Sceaux, qui regrette de ne pas pouvoir être parmi vous en raison d'engagements prévus de longue date, m'a demandé de vous présenter ce texte comme je l'avais déjà fait quelques jours après ma nomination.

Je remercie les deux assemblées pour leur unanimité qui permet de procéder à une modernisation des ventes aux enchères publiques devenue indispensable et souhaitée par tous les partenaires.

La France était poursuivie depuis 1995 pour non-compatibilité de notre législation avec les articles 49 et suivants du traité instituant la Communauté européenne. Le nouveau texte sera conforme aux règles communautaires, tout en garantissant aux commissaires-priseurs français les moyens juridiques et économiques de s'adapter à un marché ouvert à la concurrence.

Je souligne également, en ma qualité de ministre de la culture, que cette réforme leur offre les moyens de redynamiser le marché de l'art et d'assurer à la place de Paris un nouvel essor.

14 articles restaient en discussion. Le texte de la CMP offre des solutions très satisfaisantes.

S'agissant de la délicate question de la réglementation des ventes aux enchères sur Internet, le texte est équilibré. Il préserve le patrimoine national et protège vendeurs et acquéreurs d'_uvres d'art, sans soumettre l'ensemble des transactions électroniques à la future loi. Elles demeurent soumises au droit commun des contrats. Seules les transactions qui satisfont aux critères de la vente aux enchères traditionnelles, avec mandat donné par le vendeur d'un bien à un professionnel, sont soumises à la loi, non celles qui n'empruntent la technique des enchères que pour la fixation du prix. Mais la loi concerne l'ensemble des ventes portant sur des biens culturels.

Votre commission des lois avait très justement proposé de qualifier d'opérations de courtage les transactions exclues du secteur sécurisé, créé par la future législation. La CMP a retenu cette proposition qui me paraît de nature à préserver les différents intérêts et droits en présence.

Autre point de divergence entre les deux assemblées : les garanties offertes par les sociétés de ventes volontaires à leurs mandants. Le texte de la CMP a le mérite de préserver les mécanismes du prix garanti et de l'avance sur le prix d'adjudication consentie au vendeur par la société de ventes volontaires. Sur ce point, elle écarte toutefois l'intervention obligatoire d'une entreprise d'assurance en cas d'absence d'adjudication ou de vente à un prix inférieur au montant de l'avance. Il appartiendra donc aux sociétés de ventes d'apprécier les capacités financières de leurs mandants et de leur consentir ou non une avance sur le prix d'adjudication.

L'option retenue à l'article 18 préserve la nature du conseil des ventes, qui ne peut être qu'une autorité de régulation du marché et non une instance représentative des professionnels, à qui est toutefois assurée en son sein une large représentation.

La dernière série de divergences portait sur l'indemnisation des commissaires-priseurs et, plus particulièrement, sur la définition de son fondement et sur le montant de l'indemnité. Le Gouvernement, après avoir sollicité les avis d'éminents juristes, a conclu que le droit de présentation des commissaires-priseurs n'était pas constitutif d'un droit de propriété, mais qu'il subissait effectivement une perte de valeur du fait de la réforme législative. L'indemnisation des commissaires-priseurs trouve donc son fondement dans la rupture de l'égalité devant les charges publiques, en raison de la suppression partielle d'un monopole d'activité et de l'ouverture du marché à une certaine concurrence, contraintes imposées par le droit communautaire. Je ne puis que me féliciter de la solution retenue sur ce point par la CMP.

Sur la période de référence de l'activité des offices retenue pour déterminer leur valeur, le texte reprend la proposition du Sénat qui avait souhaité voir réduite cette période à cinq ans. Cette période de référence plus courte est de nature à mieux refléter la valeur de l'office.

Enfin, la commission paritaire a suivi votre assemblée pour considérer que le préjudice subi par les professionnels correspondait à 50 % de la valeur de l'office pour les activités de ventes volontaires, alors que le Sénat avait proposé d'offrir aux commissaires-priseurs une option entre deux régimes d'indemnisation. Toutefois, le texte de la CMP permet à la future commission d'indemnisation de moduler le montant de l'indemnité de plus ou moins 20 %, au lieu des 15 % initialement prévus, ce qui facilitera la prise en compte de situations individuelles spécifiques. Enfin, le Gouvernement s'est engagé à préciser, par circulaire, que l'indemnité versée sera soumise au régime fiscal des plus-values professionnelles.

Il est temps pour la France de disposer d'une réglementation modernisée des ventes volontaires aux enchères publiques, conforme au droit communautaire et, surtout, adaptée aux évolutions du marché, tout en garantissant la qualité et la sécurité des services offerts par nos professionnels. Ce nouveau dispositif juridique accompagnera le développement de notre marché dans sa dimension nationale et internationale. Dans ce but, le Gouvernement prendra au plus vite les décrets d'application pour permettre au conseil des ventes d'engager son travail d'agrément des sociétés de ventes.

Je remercie vivement votre commission des lois, son président M. Bernard Roman et votre rapporteuse Mme Feidt, qui ont travaillé avec persévérance et efficacité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

Mme Nicole Ameline - Ce débat n'aura pas réglé tous les problèmes, ni apaisé les inquiétudes légitimes de la profession, victime d'une accélération de l'histoire, mais aussi d'une insuffisante capacité d'anticipation des évolutions européennes. En reprenant beaucoup des arguments avancés par les opérateurs, ce n'est pas eux seulement que nous soutenons, mais bien le marché de l'art français, sa place en Europe et dans le monde.

Fin d'une exception française, la suppression du monopole des ventes aux enchères est une réforme attendue. Elle est certes tardive, et menée sous la contrainte communautaire, ce qui prive notre réflexion d'une approche plus large sur les adaptations qu'exige la concurrence. Là est le débat : on ne peut ouvrir la profession à la mondialisation sans donner aux opérateurs les moyens d'être compétitifs. Or notre marché est aujourd'hui affaibli. Paris, capitale de l'art dans les années cinquante, est passée loin derrière les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, qui en représentent respectivement 50 et 30 %. Les causes en sont multiples, liées au dynamisme des Etats-Unis et de certains pays tiers, mais aussi aux changements de comportement, et à un contexte réglementaire et fiscal alourdi. Depuis trente ans les échanges d'_uvres de haute qualité ne se font plus au sein de marchés nationaux fermés sur eux-mêmes et juxtaposés, mais intéressent de plus en plus des acheteurs et vendeurs internationaux très mobiles, qui cherchent les lieux de transaction les moins pénalisants. La localisation des ventes sur une place donnée ne dépend pas mécaniquement des droits et taxes existants, mais l'effet psychologique de tels contextes est discernable. Et quel que soit le succès de la place de Londres, on constate un déclin de l'ensemble du marché européen ; la croissance en volume des ventes d'_uvres d'art dans l'Union européenne est nettement plus faible qu'aux Etats-Unis. Nous perdons des parts de marché.

Les effets de la TVA sur ce marché sont décelables, en particulier la TVA à l'importation, tout comme le droit de suite, dont le sort est aujourd'hui en discussion à Bruxelles. Il faut que la France pèse pour que les décisions communautaires qui seront prises sur ce point ne créent pas durablement d'entraves nouvelles. Le droit de suite, inventé en France, est intégré dans notre culture et notre droit, et il serait inutile d'en remettre en cause le principe. Bien plus, il a inspiré d'autres législations, et certains rêvent de le voir s'exporter outre-Atlantique. Je ne crois guère à cette universalisation. L'harmonisation européenne ne devra donc pas créer de pénalités nouvelles, et il faudra des taux dégressifs et faibles.

Le problème vient de cette accumulation de facteurs négatifs, qu'aggravent en France le poids des prélèvements et les distorsions de concurrence. Ces questions sont indissociables de l'avancée juridique que constitue ce texte. On ne saurait redynamiser le marché de l'art en France et lui rendre sa place prépondérante sans s'attaquer au contexte fiscal, réglementaire et social qui en paralyse l'exercice. En France une vente publique peut supporter cinq prélèvements : la TVA sur les ventes, la taxe sur les plus-values, le droit de reproduction, la TVA à l'importation et le droit de suite. Or les trois derniers sont des facteurs réels de distorsion de concurrence et de délocalisation. Voulons-nous donner réellement à notre marché de l'art ses chances de réussir en Europe et dans le monde ?

Ce texte apporte quelques éléments, et nous le voterons. Même s'il n'y a pas eu accord sur le fondement juridique de l'indemnisation, l'essentiel est que celle-ci soit rapidement mise en _uvre. Je déplore toutefois que les critères retenus soient pénalisants pour les opérateurs les plus jeunes, souvent les plus endettés. Nous approuvons également la redéfinition de la notion de vente aux enchères et la distinction, quant aux ventes effectuées sur Internet, entre mandataire et opération de courtage.

Je souhaite que nous puissions réfléchir très vite sur les mécanismes d'encouragement à l'acquisition d'_uvres d'art. Le système fiscal est à revoir pour une plus grande ouverture, afin de créer chez nos concitoyens le désir d'acquérir des _uvres et la possibilité de le faire.

Madame la ministre, faites confiance aux professionnels : ils sauront montrer leurs capacités. Il faut aller plus loin dans l'adaptation du marché de l'art au contexte international. Les enjeux en sont culturels et artistiques, mais aussi économiques, quand on connaît le nombre des entreprises rattachées à ce secteur, et politiques : si nous voulons affirmer une exception française, mais dans le meilleur sens du terme, il faut donner à nos opérateurs de meilleures chances de retrouver la place qu'occupait Paris dans les années cinquante (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean Vila - La CMP ayant abouti, nous allons adopter définitivement ce projet qui tend notamment à réformer la profession de commissaire-priseur. Cependant, en mettant notre législation en conformité avec la réglementation européenne, comme nous l'a demandé Bruxelles et sous le regard attentif des grandes maisons anglo-saxonnes de vente aux enchères, c'est au profit de sociétés à caractère commercial que nous allons supprimer le monopole de ces officiers publics et, sans remettre en cause la pureté de nos intentions, Madame la ministre, ni votre volonté de rendre à la France la place qui était la sienne sur le marché de l'art il y a une cinquantaine d'années, les députés communistes ont donc tenu à vous exprimer par deux fois les craintes que leur inspirait ce dispositif.

Comme nombre de mes collègues, j'ai rencontré les professionnels concernés au premier chef par ce texte. Il m'est apparu que, s'ils donnaient leur accord au principe de cette réforme, ils s'inquiétaient aussi de ses conséquences, en particulier pour ce qui est de leur indemnisation. En dépit de leur savoir-faire, le risque est grand, également, qu'ils ne puissent faire face aux géants des ventes aux enchères publiques, forts de leur technique commerciale et de leur surface financière.

La CMP est parvenue à un accord sur l'ensemble du projet, mais les avancées ainsi enregistrées seront-elles telles que le passage du monopole à une libéralisation quasi-totale se fasse dans l'intérêt des consommateurs, des commissaires-priseurs et de la place de Paris ? Je ne doute pas que l'ambition du Gouvernement soit de rendre à nos opérateurs la place qui leur revient sur un marché devenu international mais je souhaite que le dispositif retenu permette de concilier compétitivité et respect d'exigences déontologiques strictes, tout en offrant des garanties aux consommateurs.

C'est à quoi semble tendre le texte adopté par la commission mixte et le groupe communiste le votera donc, en espérant que l'application de cette loi ne les décevra pas et qu'elle contribuera au contraire à moderniser un marché français qui, s'il occupe encore le troisième rang mondial, ne représente que 7 % du marché international (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Christian Martin - L'accord intervenu en CMP le 17 mai et auquel vous n'êtes pas étrangère, Madame le rapporteur, devrait donner un coup d'accélérateur à la libéralisation des enchères : il n'était que temps, sept années s'étant écoulées depuis que, le 22 janvier 1992, Sotheby's avait sollicité du Garde des Sceaux l'autorisation d'organiser en France des ventes publiques, sur le fondement de l'article 59 du traité de Rome -sept années pendant lesquelles les professionnels n'ont pu se préparer comme il convenait à l'ouverture du marché. C'est d'ailleurs cette urgence qui a motivé notre position et notre souci de rechercher un consensus, en dépit des dispositions que nous continuons de regretter. Cependant, nous reconnaissons que la navette a permis des améliorations, sensibles s'agissant des ventes par Internet, ou plus timides, s'agissant de l'indemnisation des commissaires-priseurs en particulier.

Les _uvres d'art représentent 80 % des biens vendus aux enchères publiques à Paris, 60 % en province, et c'est incontestablement dans ce secteur, devenu très concurrentiel, que l'inadaptation de notre réglementation a eu les conséquences les plus préjudiciables. Premier au monde dans les années 1950, notre marché est désormais loin derrière ses deux principaux concurrents. Leur statut d'officier public a privé les commissaires-priseurs des capitaux nécessaires à une activité internationale et la stricte réglementation des ventes publiques ne leur a pas permis de lutter à armes égales avec les grandes maisons anglo-saxonnes. De ce point de vue, le monopole a été pour eux un handicap plus qu'une protection. La réforme de leur statut, indispensable pour mettre notre législation en conformité avec le traité de Rome, répond donc aussi à une exigence économique.

Toutefois, il restera à mettre fin aux distorsions de concurrence qui résultent de l'empilement des cinq taxes que sont susceptibles de supporter les ventes en France. Le projet ne règle en rien ce problème, à l'origine d'une fuite des _uvres vers l'étranger. Pourtant, sauvegarde de notre patrimoine et dynamisme de notre marché de l'art sont étroitement liés.

Les biens vendus aux enchères publiques peuvent être de nature très variée, cependant que la profession de commissaire-priseur est marquée par une faible concentration et par un important clivage entre Paris et la province. Au sein des neuf compagnies régionales et des 328 offices qui rassemblent aujourd'hui 456 commissaires-priseurs, la Compagnie de Paris occupe évidemment une place particulière en raison de l'importance de son activité. Il n'en demeure pas moins que la croissance a été plus dynamique en province que dans la capitale. En dix ans, la Compagnie de Paris a perdu plus de 6 % de parts de marché et la croissance de son chiffre d'affaires est inférieure de moitié à celle de la compagnie de la région Lyon-Sud-Est et, plus nettement encore, à celui de la compagnie Anjou-Bretagne, qui dépasse 12,5 % par an.

Cette meilleure résistance de la province à la crise s'explique par des différences entre les deux marchés, mais aussi par l'effort de modernisation consenti par les commissaires-priseurs provinciaux. La profession, surtout, assure un maillage serré du territoire, qu'il convient de ne pas remettre en cause.

Il importe de prendre en compte le bouleversement induit par les ventes sur Internet. La mondialisation, jusqu'ici limitée aux pièces « haut de gamme » s'étend à la quasi-totalité des biens culturels. Face aux réseaux de drainage qui s'esquissent, aux risques de distorsions de concurrence et à l'insécurité juridique, il importait d'étendre le nouveau régime juridique à ces ventes. Se prépare en effet une nouvelle « ruée vers l'or », dont les professionnels français peuvent espérer profiter pour reconquérir la place de premier plan qui était autrefois la leur... à condition que la loi leur en donne les moyens. Mais il convenait aussi d'éviter un développement anarchique qui laisserait les consommateurs sans aucune protection et confronterait les futures sociétés de ventes à une concurrence inéquitable.

Sur ce point, le Gouvernement s'est finalement rangé aux arguments de nombreux parlementaires, sénateurs et députés. On peut néanmoins regretter la contradiction entre la nécessité, affirmée, de protéger le consommateur et d'imposer des règles de concurrence loyale et l'autorégulation à laquelle est laissé le courtage portant sur des biens autres que les biens culturels. Le risque est grand d'ouvrir une brèche au profit des activités non réglementées.

C'est sans doute sur le fondement et les modalités d'indemnisation des commissaires-priseurs que nos regrets sont les plus forts. La CMP a rétabli le texte initial, qui prévoit une indemnisation à raison du préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de présentation. Celui-ci ne serait pas, dans cette perspective, un droit de propriété, dans la mesure où le commissaire-priseur n'en a pas la libre disposition, sa cession et son aliénation étant subordonnées à l'agrément du Garde des Sceaux. Dès lors, le fondement juridique de l'indemnisation se trouverait dans l'atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques, qui découle de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme.

Pourtant, on pouvait à notre sens défendre le principe d'une indemnisation sur le fondement de l'expropriation, conformément aux principes constitutionnels résultant de l'article 17 de la même déclaration. Ce raisonnement pourrait s'appuyer sur la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a toujours reconnu la valeur patrimoniale du droit de présentation. Toutefois, nous n'avons pas souhaité faire de cette question un point de blocage, dans la mesure où des avancées ont pu être obtenues sur les modalités de cette indemnisation. C'est ainsi que la période de référence a été fixée par la CMP aux cinq derniers exercices dont les résultats seront connus à la date de la promulgation de la loi, comme le proposait le Sénat. Ce dispositif permet de prendre en compte la période la plus récente, comme il est habituel en matière industrielle et commerciale.

La CMP a d'autre part arrêté le préjudice subi du fait de la dépréciation du droit de présentation à 50 % de la valeur de l'office, calculée conformément à l'article 36. Elle a toutefois offert à la commission d'indemnisation la possibilité de moduler ce montant de plus ou moins 20 %, en fonction de la situation particulière de l'office et de son titulaire, ce qui permettra de prendre un peu mieux en compte la diversité des situations.

Par ailleurs, on peut regretter la discrimination au détriment de la province qui résulte des coefficients retenus pour le calcul de l'indemnisation.

L'urgence d'une réforme nous a conduits à rechercher un accord en dépit de ces regrets.

Nous attendons donc du Gouvernement qu'il prenne le plus rapidement possible les décrets d'application, après concertation avec l'ensemble des commissaires et de leurs salariés. Il en va du respect du travail parlementaire comme de l'avenir d'une profession qui participe au rayonnement culturel de la France et assure une mission essentielle de service public et de maillage du territoire.

C'est par conséquent avec l'espoir d'une réelle dynamisation du marché de l'art et de l'ensemble de la profession que le groupe UDF votera ce texte.

M. Alain Tourret - Nous ne pouvons que nous réjouir que la CMP ait abouti à un accord et je m'associe aux félicitations adressées à Mme la rapporteuse.

Cet accord est somme toute satisfaisant, même si la loi ne comporte pas d'aspect fiscal ; celui-ci devra bien être traité un jour dans le cadre d'une harmonisation européenne.

Nous avons tous regretté l'évolution du marché de l'art dans notre pays. Jadis plaque tournante des ventes de plus belles _uvres réunies par des collectionneurs épris du beau, Paris a progressivement décliné au profit de New York et de Londres. Le plus désolant n'est pas la baisse des ventes, mais le fait que les objets français vendus dans les salles de ventes étrangères ne reviennent que très rarement en France. En 1999 Sotheby's a fait sortir pour plus d'un milliard de francs d'objets d'art de notre territoire et les chiffres de Christie's sont comparables. C'est donc d'une véritable razzia d'objets d'art que nous sommes victimes et c'est bien l'élément le plus grave de la situation.

Cette loi était donc indispensable. L'organisation rationnelle du marché de l'art était devenue impossible du fait du carcan du statut des commissaires-priseurs, et cela en dépit de leurs qualités professionnelles. Les ventes aux enchères publiques seront désormais réalisées par des sociétés à forme commerciale, mais à objet civil, qui pourront appliquer les pratiques courantes à l'étranger : garantie de prix, avance de prix d'adjudication...

Ce texte est cohérent. Mais il vous appartiendra, Madame la ministre, de suivre attentivement les discussions en cours sur les directives européennes concernant notamment le droit de suite...

M. Pierre Lellouche - C'est déjà concédé, mon pauvre !

M. Alain Tourret - J'espère que non ! Il faudra également revoir la question de la TVA à l'importation : cette imposition, qui ne rapporte que 40 millions à l'Etat, a des effets ravageurs sur le marché de l'art français. La suppression de cette taxe s'impose, mais cela implique la renégociation de la 7e directive européenne.

Nous voterons cette loi, qui prévoit par ailleurs une juste indemnisation des commissaires-priseurs. C'est un premier pas vers la reconquête par Paris de la place de capitale de l'art et de la culture. Nous nous en réjouissons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Pierre Lellouche - La réforme des enchères publiques va enfin aboutir ce soir, avec plus de cinq ans de retard. C'est en effet sous l'impulsion de l'ancienne majorité que le Garde des Sceaux de l'époque, Jacques Toubon, avait préparé un projet de loi pour adapter notre marché de l'art au marché mondial, où la France ne joue plus qu'un rôle marginal -7 % des ventes- devenant surtout un lieu d'approvisionnement pour les marchands étrangers.

Mettre fin à l'hémorragie du patrimoine national -au moins 2 milliards de francs par an- en modernisant notre marché et sa fiscalité, telle aurait dû être la grande ambition du Gouvernement. Hélas, ce texte n'a plus qu'un lointain rapport avec l'objectif initial. Des dispositions aussi néfastes que la TVA à l'importation et le droit de suite demeurent et viennent même d'être confortées par le gouvernement Jospin à Bruxelles, ce qui accélérera la délocalisation de notre marché de l'art vers New York ou Londres, qui vient de bénéficier d'une période dérogatoire de quinze ans !

Aucune des incitations à la création artistique que j'avais proposées -défiscalisation des achats d'objets d'art par les particuliers ou les entreprises, réduction de la TVA sur les métiers d'art- n'a été retenue.

Si ce texte marque certains progrès, notamment grâce aux apports de l'opposition, concernant les ventes sur Internet par exemple, il est bien en-deçà de la modernisation souhaitée sur de nombreux points.

Le problème crucial de l'indemnisation des commissaires-priseurs a été au centre de la discussion en CMP. Elle doit servir à assurer la pérennité des future maisons de vente française face à la concurrence internationale. S'inspirant du texte de 1995, le projet met fin au monopole des commissaires-priseurs en contrepartie d'une indemnisation. J'ai déjà dit combien me paraissait contestable la base juridique invoquée par le Gouvernement pour le calcul de cette indemnisation. Il s'agit bien d'une spoliation par la disparition du droit de présentation et non d'une simple dépréciation de la valeur de ce droit de présentation. Fixer arbitrairement l'indemnité à 50 % de la valeur des offices n'a aucune base légale et s'explique simplement par le fait que le gouvernement Jospin a divisé par quatre l'enveloppe budgétaire prévue par son prédécesseur : elle est passée de 2,3 milliards de francs à 450 millions de francs, alors que le chiffre d'affaires des offices est de 8 milliards de francs ! A titre de comparaison, M. François Pinault a dû, pour acheter Christie's, qui a un chiffre d'affaires de 11 milliards de francs, débourser 8 milliards de francs !

En CMP, la majorité a bien voulu concéder une « soupape supplémentaire » de 5 %.

Pour ma part, j'ai voté ce compromis, bien que je le trouve juridiquement non valide au regard du droit constitutionnel et de la jurisprudence européenne, parce que notre pays a absolument besoin d'une loi pour combler le vide juridique actuel, qui permet aux grandes entreprises anglo-saxonnes de s'approvisionner en France pour vendre à l'étranger -la France perd ainsi sur tous les tableaux !

La formule d'indemnisation est particulièrement injuste pour les 37 jeunes commissaires-priseurs qui se sont installés depuis cinq ans -l'orateur du groupe socialiste lui-même avait, en première lecture, appelé l'attention sur leur cas.

Je regrette que le Gouvernement ait autant attendu pour libéraliser le marché de l'art et qu'il n'ait pas consenti l'effort financier nécessaire pour mener à bien cette réforme. Une indemnisation plus juste aurait permis aux futures maisons de vente françaises de mieux supporter la concurrence internationale : selon les prévisions, la moitié de la profession est menacée. A Paris notamment, ce sont plus de 50 offices sur 110 qui devront fermer, dont, excusez du peu, l'Hôtel Drouot, lieu unique au monde, qui reçoit 6 000 visiteurs par jour et diffuse 3 millions de catalogues !

L'intérêt général commande que ce texte, aussi imparfait soit-il, soit adopté pour combler un vide juridique : on ne peut attendre davantage. Mais je souhaite, Madame la ministre, que dans son application vous fassiez en sorte que l'indemnisation soit équitable et, surtout, assure la pérennité des maisons de vente françaises (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jérôme Lambert - Il me revient de conclure ce débat, sur un sujet qui, je l'avoue bien volontiers, m'était relativement étranger quelques mois avant que ce texte vienne en discussion devant notre Assemblée. Je ne regrette aucunement le travail que j'ai accompli, tant la matière est riche et d'un grand intérêt pour notre pays. Mes collègues parlementaires, les ministres et leurs cabinets, les acteurs du marché de l'art ont nourri ma réflexion ; j'espère qu'ils auront tous supporté sans trop de peine mes prises de position.

Il me semble que nous avons trouvé les dispositions les plus adéquates pour répondre à l'attente du marché comme à celle des professionnels de grande qualité dont nous avons la chance de bénéficier. Je me félicite des avancées que nous avons pu obtenir et de l'accord intervenu en CMP. Le consensus qui s'est dégagé repose, n'en doutons pas, sur la volonté partagée sur tous ces bancs, d'éviter la récupération idéologique et de répondre aux vrais problèmes.

La prise en considération du développement inéluctable de la vente électronique est l'un des acquis du débat parlementaire : le Gouvernement nous a entendus, montrant ainsi sa capacité à tenir compte des innovations de notre société.

Demain, les nouveaux opérateurs pourront développer le marché de l'art dans notre pays. Je suis certain de la volonté et de la capacité des commissaires-priseurs à relever le défi ; les nouveaux critères d'indemnisation permettront une plus grande souplesse.

Il reste maintenant au Gouvernement à mettre en place les structures prévues par ce texte. Le conseil des ventes s'attellera à un formidable travail ; la commission d'indemnisation devra veiller à appliquer la loi avec justice.

Au-delà de l'examen de ce texte, notre assemblée devra continuer à s'intéresser de très près au marché de l'art. Sur le plan économique, notre pays doit y gagner ; sur le plan culturel, nous devons chercher à reconquérir notre place dans le patrimoine mondial car nous ne pouvons admettre une quelconque domination.

Madame la ministre, je vous remercie de la qualité de votre écoute, aussi bien en tant que présidente de la commission des lois qu'en tant que ministre de la culture et de la communication. Madame la rapporteuse, je vous remercie aussi de nous avoir écoutés, tout en défendant vos convictions. Nous avons accompli tous ensemble un travail qui est réussi puisqu'il nous rassemble. Puissions-nous continuer à défendre ainsi les intérêts de notre pays et de sa culture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Président - Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la CMP, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 22 heures 10, est reprise à 22 heures 15.

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ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'archéologie préventive.

M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle - Depuis fin février, le Parlement a entamé l'examen du projet de loi sur l'archéologie préventive, adopté lors du conseil des ministres du 5 mai 1999. L'examen de ce texte par la représentation nationale constitue l'heureuse conclusion d'un dossier ouvert il y a plus de vingt ans. L'intervention de cette loi donnera enfin un cadre juridique adapté à la pratique de l'archéologie préventive. Elle contribuera à modifier en profondeur l'organisation et les modes de fonctionnement de cette discipline scientifique, dont le développement spectaculaire repose pour l'essentiel sur le dynamisme des agents du ministère de la culture ainsi que sur le soutien que lui ont apporté les archéologues de toutes origines, attachés à la préservation des archives du sol. Je crois utile de revenir sur les circonstances qui ont conduit le Gouvernement à proposer ce projet de loi.

A partir des années 1960, le développement des équipements publics et la mise en place de politiques d'urbanisme, notamment dans les centres-villes, ont provoqué de graves destructions du patrimoine archéologique. De trop rares opérations de sauvetage ont été pratiquées par un petit nombre d'agents du ministère, avec l'aide de bénévoles mais l'action est restée insuffisante au regard de l'ampleur des bouleversements. Aussi, en 1974, la création par l'Etat de l'AFAN a-t-elle permis de répondre aux demandes des crédits de sauvetage. Dans le même temps, l'Etat s'est progressivement doté d'instruments réglementaires permettant de prendre en compte le risque archéologique dans les opérations d'aménagement. Le dispositif juridique est toutefois apparu comme relativement inefficace, notamment parce qu'il ne comportait aucune disposition de nature à légitimer les modes d'intervention de l'Etat. C'est dans ce contexte que les services archéologiques du ministère ont pris l'initiative de mettre en place une politique contractuelle avec les divers responsables de l'aménagement du sol. Ce système de conventions avec les aménageurs s'est depuis généralisé : ceux-ci apportent l'essentiel des financements nécessaires à la réalisation de la fouille. De leur côté, l'Etat et son opérateur -l'AFAN- s'engagent à ce que les opérations archéologiques soient effectuées dans des délais compatibles avec la réalisation des projets de l'aménageur et, sauf découverte exceptionnelle, à ce que ces interventions permettent de lever l'hypothèque archéologique.

Ce dispositif a permis à l'archéologie préventive de se développer de manière significative. La croissance de l'activité de l'AFAN en témoigne. Cependant, le système butait toujours sur l'inadaptation de la loi du 27 septembre 1941, utilisée comme fondement juridique de l'intervention de l'Etat, sur la question du financement et sur celle de la légitimité de l'AFAN en tant qu'opérateur public disposant de fait du quasi monopole de l'intervention. Ces questions ont donné lieu à de nombreuses études et propositions depuis 1990 mais la volonté politique d'aboutir faisait sans doute défaut : la discipline est ainsi entrée dans la crise que l'on sait.

Le nombre d'interventions émanant de la représentation nationale témoigne d'ailleurs de la préoccupation de beaucoup d'entre vous. Saisie de ce dossier en 1997, Catherine Trautmann s'est employée à le résoudre. En concertation avec le ministère de la recherche, le ministère de la culture a ainsi élaboré le présent projet, qui a été soumis à votre examen en première lecture les 22 et 23 février 2000.

Le projet qui vous est soumis en deuxième lecture diffère très sensiblement de celui que vous aviez adopté. Le Sénat en a modifié très sensiblement l'économie mais je me réjouis cependant que plusieurs points importants ne semblent plus poser problème. Ainsi, une large unanimité s'est dégagée sur la nécessité et même l'urgence qu'il y avait à légiférer, afin de donner à l'archéologie préventive un véritable statut juridique. De même, plus personne ne conteste que l'archéologie préventive constitue une activité de service public à caractère scientifique ou que l'Etat dispose du pouvoir de désignation du responsable d'opérations, de prescription, de contrôle et d'évaluation. Plus personne ne conteste que la compétence de l'Etat s'étend à la confection et à la mise à jour de la carte archéologique nationale, les informations qu'elle contient ayant vocation à être portées à la connaissance des tiers intéressés ou que l'établissement public à caractère scientifique se substitue à l'AFAN pour réaliser les opérations de fouille et exploiter leurs résultats. Plus personne ne conteste que le financement de cet établissement public doit être assuré par voie de redevances présentant le caractère d'impositions de toutes natures, calculées selon des modalités qui permettent d'assurer une juste participation des aménageurs soumis à une opération d'archéologie préventive ou que des dispositifs d'exonération ou de plafonnement de redevances doivent éviter la remise en cause des politiques gouvernementales du logement. Personne ne conteste que les contestations relatives à la détermination de la redevance doivent pouvoir être arbitrées par une commission réunissant des personnalités représentatives des intérêts en présence ou que les collectivités territoriales dotées de services archéologiques soient associées par principe aux opérations menées sur leur territoire. Personne ne conteste que les archéologues du CNRS, des universités, des collectivités locales, des associations et autres structures qualifiées sont parties prenantes des opérations d'archéologie préventive et de l'ensemble des activités scientifiques de l'établissement public.

Sur un sujet aussi sensible, félicitons-nous de cette convergence de vues et abordons la discussion dans cet esprit. Cet accord n'était sans doute pas imaginable il y a quelques mois encore et, bien entendu, ce consensus trouve encore des limites. Il bute sur un des éléments essentiels du dispositif proposé par le Gouvernement que vous aviez adopté lors de votre vote du 23 février dernier : le Sénat a en effet apporté une modification au statut de l'établissement. Qualifié d'administratif, doté de droits exclusifs dans la version issue des délibérations de votre assemblée, l'établissement public chargé de réaliser les opérations préventives a reçu du Sénat le caractère industriel et commercial qui ouvre la discipline à la concurrence. Le Gouvernement a marqué son désaccord total avec le point de vue de la Haute Assemblée.

Le Gouvernement avait donné son accord à la plupart des amendements proposés par votre rapporteur au nom de votre commission, dès lors, la position du Gouvernement ne peut être que très réservée sur les modifications apportées par le Sénat. Il a donc été très attentif au travail mené ces derniers jours par votre commission des affaires culturelles visant à redonner à ce projet de loi sa cohérence initiale, sans manquer d'en enrichir le contenu.

Sans attendre la discussion article par article, je souhaite commenter les amendements votés par le Sénat qui portent sur l'ouverture à la concurrence commerciale. Sur ce point essentiel pour le Gouvernement, les choses sont particulièrement nettes. Analysant le fonctionnement de l'AFAN, le conseil de la concurrence, consulté par le Gouvernement, avait conclu qu'au regard du droit de la concurrence national et européen, les opérations archéologiques de terrain constituent une activité économique soumise aux règles du droit de la concurrence. Mais les études visant à mesurer les conséquences juridiques et pratiques d'une telle approche ont conduit à écarter cette option. Un système basé sur la mise en concurrence économique s'avérerait d'une lourdeur incompatible avec les impératifs de réponse rapide au risque archéologique inhérent à la discipline. Eu égard de surcroît aux objectifs poursuivis, qu'il s'agisse de la sauvegarde du patrimoine ou du développement de la recherche, il est apparu dangereux de donner la priorité aux considérations économiques sur l'objectif scientifique. Enfin, l'opération de terrain n'est pas dissociable de la recherche dont elle est partie intégrante.

Ecartant ce risque de dérive, le projet de loi opte pour la création d'un établissement public national de recherche, seul habilité à exécuter une opération d'archéologie préventive. Cela n'exclut en rien la possibilité d'associer à son action tous les acteurs de l'archéologie.

Seul l'établissement public a cependant l'obligation et les moyens de garantir les interventions archéologiques nécessaires en tout temps, en tout lieu et sur des champs couvrant la totalité des périodes chronologiques dans des conditions identiques sur l'ensemble du territoire et compatibles avec les contraintes propres aux aménageurs, notamment en matière de délais.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est fermement opposé au dispositif adopté par le Sénat qui, au demeurant, ne lui paraît pas répondre aux préoccupations des acteurs de l'archéologie préventive, qu'il s'agisse des archéologues ou des aménageurs.

S'inscrivant dans une démarche dynamique, le Gouvernement souhaite l'amélioration de tous les projets de loi qui viennent en discussion. Dans son article premier bis adopté par votre assemblée, le projet dispose qu'« il appartient à l'Etat de veiller à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social ». Je ne doute pas que le travail accompli par votre assemblée permettra d'y parvenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Je vous remercie, Monsieur le ministre, pour les échanges nourris et confiants que nous avons eus avec vous pour préparer cette deuxième lecture comme ce fut le cas auparavant avec Mme Trautmann.

L'archéologie, qui a trait à notre patrimoine, fait partie de la sphère publique et c'est aussi le cas de l'archéologie préventive. Celle-ci est une activité intellectuelle et scientifique. Mais elle n'a pas d'organisation juridique. Il faut lui en donner une.

Sur quels principes la fonder ? Je l'ai dit en première lecture, sur la prévisibilité et la transparence.

D'abord le risque archéologique est prévisible grâce à la carte nationale. Celle-ci doit être largement accessible.

Prévisible également, le coût de l'archéologie préventive le sera grâce à la redevance. La mutualisation, à défaut d'être totalement juste, est une solution simple.

Enfin les délais doivent être prévisibles et nous devons y travailler en seconde lecture car beaucoup d'agents économiques les jugent insupportables.

Le désir de transparence conduit à préciser les responsabilités de chacun. L'Etat a un pouvoir de police, aura un pouvoir de prescription et désignera la personne qui conduira les fouilles.

Celles-ci seront exécutées par un établissement public doté de droits exclusifs, ce qui garantit qu'en tout temps, en tout lieu, les fouilles seront diligentées dans les délais appropriés pour un coût déterminé à l'avance. L'établissement public administratif a donc une lourde responsabilité. Mais on sait qu'en ce domaine le marché ne peut répondre aux exigences intellectuelles et économiques d'un chantier de fouilles.

La transparence, c'est aussi un droit de recours pré-contentieux.

Cette nouvelle organisation respecte les autres intervenants. Les collectivités territoriales qui ont un service archéologique pourront être associées aux travaux ; les associations, même si elles se consacrent plutôt à l'archéologie programmée, pourront aussi intervenir. La communauté scientifique est bien sûr un acteur essentiel, et nous proposerons que la nomination du responsable de fouilles soit plus souple.

Le Sénat a été d'accord pour créer un établissement public, mais un établissement public industriel et communal, dépourvu de droits exclusifs. Le marché remplira donc sa fonction. Selon qu'on sera richement ou pauvrement doté en capacité de fouilles, on subira plus ou moins lourdement la contrainte archéologique. En fait, en proposant une participation de plein droit aux fouilles pour les collectivités dotées des services d'archéologie, le Sénat confère à celles-ci des droits exclusifs. Mais je l'ai dit, le marché n'existe pas. Mieux vaut donc créer un établissement public administratif.

Le Sénat a reconnu les services archéologiques des collectivités territoriales. Il faut effectivement le faire, mais en tenant compte de leurs différences.

Il faut de même reconnaître la place de la communauté scientifique en indiquant dans la loi l'existence d'instances de consultation, sans les spécifier.

Il faut aussi porter plus d'attention aux délais -sans les rendre impératifs comme le propose le Sénat car dans ce cas, s'ils ne sont pas observés, des destructions sont possibles. Il faut cependant mieux encadrer la notion de délais appropriés.

A partir du travail du Sénat nous pouvons aussi traiter du mobilier archéologique. A ce propos, dans l'attente d'un projet gouvernemental, la commission a repris l'amendement de M. Pascal Terrasse. L'épisode de la grotte Chauvet nous incite à légiférer pour éviter les imbroglios.

J'ai également demandé au Gouvernement de réajuster la redevance pour alléger le coût du diagnostic. Nous attendons ses propositions.

Cette loi donne à l'archéologie préventive une base légale. A sa dimension scientifique, elle ajoute une dimension citoyenne et renforce la médiation culturelle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. François Goulard - Voilà l'archéologie préventive citoyenne !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles - Eh bien, c'est une avancée.

M. Serge Blisko - Le Sénat a fortement modifié ce texte. Je rappelle combien il était attendu. L'archéologie préventive est en effet régie par une loi inadaptée du 27 septembre 1941, où l'on retrouve l'empreinte idéologique de Vichy : méfiance envers toute forme moderne d'urbanisme, attachement aux racines rurales, interventionnisme sans concession ni souplesse.

M. François Goulard - Cette loi était quand même plus libérale que la vôtre.

M. Serge Blisko - Suite aux grands chantiers des années 1960, aux interventions dans le sous-sol des centres-villes, à certains scandales également, l'Etat créa en 1973 l'AFAN. La France rattrapait ainsi une partie de son retard. Mais l'association, malgré son travail de qualité, souffrait d'un statut inadapté et d'un financement insuffisant et inégalitaire.

C'est pourquoi le Gouvernement a présenté ce projet. Il réaffirme la responsabilité de l'Etat dans la protection archéologique, et crée un établissement public administratif dont le « monopole » qui a fait trembler la majorité sénatoriale, n'en est pas vraiment un. En effet, cet établissement associe à son action tous ceux qui apportent leur concours à l'archéologie préventive. Les apaisements donnés à ce sujet doivent rassurer les universitaires, les chercheurs du CNRS, les archéologues des collectivités territoriales et les associations d'archéologues bénévoles.

La question du financement de cet établissement est traitée principalement à l'article 4. Sur ce point le Gouvernement a progressé depuis la première lecture, et nous avons vu en commission qu'il souhaite introduire des dispositions claires, précises et moins contraignantes pour un certain nombre d'aménageurs. Sont ainsi prévus deux types de redevances : l'une sur les opérations de sondage et de diagnostic, l'autre sur les opérations de fouilles elles-mêmes. S'y ajoutent des subventions de l'Etat et des collectivités publiques. Toutes ces dispositions devraient assurer à l'établissement public les moyens de sa mission.

Le Sénat a apporté au texte de très larges modifications. Sur deux points au moins il faut revenir au texte de l'Assemblée. Tout d'abord, à l'article 2, il a fait passer l'établissement du statut d'établissement public administratif à celui d'établissement public industriel et commercial. Cette approche de l'archéologie n'est pas la nôtre. Le patrimoine culturel national n'est pas un objet de commerce, pour des raisons tant philosophiques qu'économiques. L'archéologie préventive n'est pas dans le marché, mais à côté. Si d'ailleurs il y avait là de l'argent à gagner, cela se saurait ! Le statut d'EPIC est donc inadapté.

Le Sénat a d'autre part introduit un article premier bis sur les délais d'exécution des fouilles. Nous connaissons les difficultés que peut rencontrer une collectivité locale ou un aménageur, quand ils doivent retarder leurs travaux durant des mois, voire des années. On connaît par exemple les difficultés auxquelles se heurtent les travaux d'aménagement place de la Sorbonne. Mais on ne saurait suivre le Sénat en fixant un délai aussi contraignant, qui pourrait conduire à interrompre des recherches. Nous avons donc préféré la voie de la contractualisation et de la convention. Les délais seront d'ailleurs réduits par les nouvelles dispositions budgétaires, qui permettront un accomplissement plus rapide et plus efficace des travaux. La proposition du Sénat traduit une divergence d'analyse et de priorités avec nous. Pour nous les fouilles doivent être menées à leur terme, même si nous ne méconnaissons pas la nécessité de les conduire à un rythme normal pour ne pas trop retarder les opérations d'aménagement.

Conformément à sa tradition peu progressiste, la majorité sénatoriale semble vouloir faire de l'archéologie et du patrimoine culturel un objet mercantile, et soumettre les fouilles à des exigences de nature à dégrader la qualité des travaux. Nous voulons au contraire donner tous moyens aux archéologues de mener à bien leurs travaux, tout en préservant les intérêts des aménageurs publics et privés.

C'est dans cet esprit que nous abordons cette nouvelle discussion. Nous devons revoir la question de la redevance diagnostic. Sur ce point, l'amendement du Gouvernement présenté tout à l'heure en commission a tenu compte des observations de certaines professions notamment les exploitants de carrières, qui exploitent des surfaces étendues et sont peu créatrices de plus-value. Le Gouvernement a donc prévu de ramener la redevance diagnostic à 2,60 F à moins de 2 F, ce qui devrait rassurer ces exploitants. Nous devrons aussi traiter le problème de la propriété des découvertes. J'ai appris que deux jeunes chômeurs du Mans, en promenant leur chien, ont découvert 152 pièces gallo-romaines : après trois ans, 76 pièces sont allées à la collectivité, et 76 aux découvreurs, ce qui représente environ 800 000 F : le partage a bien fonctionné, et nul n'a été lésé. Des amendements ont été déposés à ce sujet. Mais il nous faut également traiter de la propriété immobilière. Des amendements du Gouvernement permettront d'éviter les contentieux et de valoriser les sites. Nous attendons enfin de ce débat différents réajustements qui devraient aboutir à un texte équilibré.

L'archéologie préventive a un rôle essentiel à jouer. Ce projet clarifiera une situation qui en avait besoin. Le groupe socialiste l'approuve donc tel que le Gouvernement et le rapporteur nous l'ont présenté, dans une version fort différente de celle du Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bruno Bourg-Broc - En première lecture, le groupe RPR avait dénoncé l'économie générale du texte et son manque de cohérence. Deux options s'offrent en effet. Soit nous voulons que l'archéologie préventive relève du seul Etat : il est alors cohérent d'imaginer un établissement public monopolistique, mais alors il faut un financement sur le budget de l'Etat. Soit nous voulons que les aménageurs financent les fouilles ; il faut alors que l'archéologie préventive ne relève pas du monopole et que d'autres acteurs puissent intervenir, notamment les universités et les collectivités locales. Chacune de ces deux conceptions est défendable. Mais en première lecture vous les avez mélangées. Vous voulez le service public, mais vous ne voulez pas que l'impôt supporte la dépense. Vous refusez la concurrence, y compris au sein du service public, mais vous voulez que les opérateurs paient une redevance à un établissement public monopolistique.

Le choix du Sénat est plus clair : il propose un établissement public industriel et commercial, sans droit exclusif, et un financement par les opérateurs. Ce choix a l'avantage de la souplesse, de la simplicité, de la cohérence, et aussi de la modernité, car il est tout de même très archaïque de créer en l'an 2000 un monopole d'Etat. Nous sommes tous soucieux de défendre le service public et le patrimoine culturel. Mais faut-il refuser le concours des collectivités locales, du CNRS, des universités, des chercheurs, des archéologues ? Qu'en matière d'archéologie préventive il ne soit pas judicieux de mettre en concurrence l'établissement public et les entreprises du BTP, nous en sommes tous convaincus ; mais il serait possible et souhaitable d'organiser la concurrence entre cet établissement et d'autres acteurs du service public. C'est d'autant plus vrai que dans le système actuel l'AFAN n'est pas seule et le monopole n'existe pas. Revenir au texte de l'Assemblée, ce que propose à peu de chose près la commission, n'est sûrement pas rendre service à l'archéologie préventive. Le monopole engendrera une machine administrative lente et dispendieuse. Le montant des redevances confirme cette tendance à alourdir les coûts supportés par les aménageurs. J'ai donc déposé des amendements tendant à les rapprocher des montants actuels et prévoyant un plafonnement pour les fouilles de structures archéologiques non stratifiées.

Votre projet, Monsieur le ministre, est attendu depuis de longues années. S'il faut mettre au crédit du Gouvernement d'avoir tenté de remédier à une situation que chacun déplorait, on aboutit à un texte qui ne satisfera pas grand monde. Peu de concertation, des modalités de financement laborieusement négociées, une « cohérence » d'ensemble surprenante : pour toutes ces raisons le groupe RPR ne peut voter ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. André Aschieri - L'archéologie est une discipline en crise, parce que son activité a été transformée de l'intérieur, sous l'effet de l'aménagement du territoire, par la croissance de l'archéologie préventive. Depuis 1975, une vingtaine de rapports sur l'archéologie ont été demandés par les gouvernements. Aucun, jusqu'à ce projet, n'a permis d'initier une réforme comme celle qui nous est proposée. Le développement de la précarisation de l'emploi scientifique, la jurisprudence souvent favorable aux grands aménageurs, nous imposent aujourd'hui de la voter.

Je souligne toutefois deux points qui me paraissent essentiels. En première lecture, j'ai insisté sur le caractère évolutif de l'archéologie, qui ne peut plus être pensée seulement sous l'angle du patrimoine et des beaux arts. Une évolution de fond, précisément provoquée par ces grands travaux d'aménagement dont la loi tente de réguler les effets, a conduit l'archéologie préventive à s'ouvrir à de nouvelles formes d'archéologie nettement moins liées à l'objet, mais beaucoup plus dynamiques dans l'espace. Aujourd'hui, à côté de recherches qui provoquent rarement la découverte de beaux objets, la majorité des fouilles porte sur des structures d'apparence modeste mais d'une importance scientifique majeure. Ces forêts de trous de poteaux, de fossés agraires, de paléo-chenaux, ces habitats de bois et de terre, ces forêts noires dans le sol des villes, tous ces vestiges qui n'ont aucune valeur marchande ou touristique nous informent sur la dynamique de l'occupation du sol, sur le rapport des sociétés avec leur milieu, sur l'histoire des relations entre l'homme et son environnement, négligée dans notre urbanisme moderne.

Il faut dire aux payeurs à quoi servent les fouilles. Cela va dans le sens de l'aménagement durable. Les professionnels de l'archéologie des paysages, dans un esprit d'anticipation, dépassent une vision trop académique de l'archéologie. Ils veulent savoir ce qu'ils peuvent attendre de disciplines nouvelles comme la morphologie dynamique des paysages et la géo-archéologie.

Monsieur le ministre, c'est l'archéologie de demain qu'il faut inventer. Oublions que l'archéologie dépend, selon un schéma d'organisation hérité du XIXe siècle, de la seule direction de l'architecture et du patrimoine. A mes yeux -et c'est un peu la vision des Verts- cette discipline pourrait dépendre aussi, en co-tutelle, de la direction de la nature et des paysages du ministère de l'environnement et de l'aménagement du territoire (Sourires sur les bancs du groupe DL). Il y aurait là une rencontre fructueuse pour l'avenir de notre patrimoine culturel.

Car ce lien entre l'environnement et l'archéologie me paraît de plus en plus fondé. C'est lui qu'on a oublié dans un projet par trop axé sur le dédommagement et sur les procédures. L'archéologie doit devenir un outil moderne d'aménagement du territoire. Nous ne pouvons plus continuer à penser le progrès comme un enchaînement de causes et d'effets tout en laissant à l'abandon des pans entiers de paysages.

La géo-diversité du passé doit nous servir de base de réflexion. On sait étudier la « durabilité » de constructions paysagères, on connaît la dynamique sur le long terme : utilisons ce savoir pour dégager les lignes de force d'un aménagement respectueux de la géo-diversité !

Nous ne ferons progresser le droit de l'archéologie qu'en le faisant bénéficier de principes issus du droit de l'environnement : principes de précaution, de prévention, de compensation des dégâts, et inspirons-nous du principe pollueur-payeur pour instaurer le principe aménageur-payeur. Cela suppose un changement de culture, une vision moderne du droit bien éloignée de celle de 1941 à laquelle ce texte ne devrait d'ailleurs plus faire référence afin que le Conseil d'Etat soit invité à constituer une nouvelle jurisprudence.

L'archéologie préventive, vous l'avez inscrit dans la loi, est une activité scientifique. Il faut dès lors donner aux archéologues les moyens de leurs ambitions : cette discipline exige des expertises sur son histoire, sur la dynamique des rapports entre l'homme et l'espace, sur la meilleure façon de tirer parti de ce dernier. Sans cela, votre projet se bornerait à réguler la destruction par la loi. La société a besoin de son histoire, elle demande qu'on respecte la mémoire du sol, elle exige un espace qui ne soit plus seulement l'espace géométrique, immatériel, des aménageurs.

Pour terminer, je plaiderai trois causes : d'abord celle d'une mutualisation des coûts. En effet, lorsqu'un site particulièrement riche est découvert dans des petites communes, comment couvrir le coût des fouilles si le projet de développement n'ouvre pas droit à exonérations ?

En second lieu, nous souhaitons que soient encouragées les associations qui, avec une conscience quasi professionnelle, réalisent des inventaires de sites. Leurs recherches entretiennent la mémoire collective et permettent d'éviter des travaux dans des zones riches d'histoire.

Enfin, s'agissant des personnels, le texte apparaît insuffisant en l'état. C'est grâce aux hommes et aux femmes de votre administration que vous pourrez donner corps au changement de culture que nous demandons.

Les Verts proposent donc de modifier la perspective : il faut réformer l'archéologie, non pour l'adapter à la logique actuelle de l'aménagement du territoire, mais pour en faire un instrument au service du développement durable des territoires. C'est pourquoi, dans l'attente d'une réforme plus ample, ils voteront avec enthousiasme ce projet.

M. François Goulard - Notre archéologie, cela a été rappelé, est régie par des textes anciens : principalement par la loi de 1941 dont l'auteur eut un parcours politique pour le moins contestable mais fut aussi un grand connaisseur de la Rome antique et l'auteur de La vie quotidienne à Rome à l'apogée de l'Empire. Et, en définitive, ce texte n'était peut-être pas si inadapté qu'on le dit : c'est surtout la façon dont votre administration a géré les choses qui fut irrégulière ! Votre ministère a en effet été fréquemment critiqué, notamment par la Cour des comptes, et l'association dont il est ici question n'a guère été épargnée par ces reproches, à juste titre si l'on songe aux conditions de sa création et à son mode de fonctionnement.

A la suite d'un rapport que votre sens de l'humour vous a conduit à confier à MM. Pêcheur et Demoul, vous essayez d'habiller cette association en établissement public administratif. La formule est surannée et, de plus, vous l'avez reconnu vous-même, contraire au droit de la concurrence et au droit européen. Le conseil de la concurrence a d'ailleurs jugé anormal de confier le monopole de ces prestations à un établissement public. De surcroît, tout monopole est un frein à l'imagination. Certains, dans la majorité, ont embouché les trompettes de la protection de la culture contre la mondialisation galopante. Mais il s'agit ici de tout autre chose : de prestations relativement modestes qui intéressent peu le capital et de la nécessaire concurrence à assurer entre les services existants, les services des collectivités locales, les services universitaires et aussi quelques rares entreprises privées (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il serait aberrant d'écarter ces dernières. Il semble que l'établissement public pourra déléguer ou sous-traiter mais il le fera selon son bon vouloir, ce qui est anormal également.

On a invoqué l'alibi de la science mais, Monsieur le secrétaire d'Etat, l'Etat n'a pas le monopole de la vérité scientifique ou, si on le lui reconnaît, on sait à quels excès cela conduit ! En réalité, vous avez choisi une solution de commodité, afin d'assurer la survie d'une association dont vous ne savez trop que faire ! Le travers est fréquent dans votre administration qui tend par trop à opposer une culture officielle, financée, à une culture non officielle, non financée.

S'agissant du dispositif financier, vous avez corrigé en première lecture un projet par trop mal conçu.

M. le Rapporteur - C'est nous qui l'avons fait !

M. François Goulard - Accorder un pouvoir fiscal à un établissement public était de fait anticonstitutionnel. Vous avez rectifié cela et institué une redevance. Il est bon que les aménageurs soient aussi les financeurs, mais il conviendrait d'éviter des excès qui pénalisent l'activité de construction. D'autre part, vous donnerez à l'établissement public le pouvoir de déterminer en partie la redevance : étant juge et partie, il sera enclin à surestimer les coûts des fouilles et des sondages.

Pour cette raison et toutes celles que j'ai indiquées auparavant, nous ne pourrons voter ce texte, qui aurait eu sa justification il y a trente ou quarante ans mais qui, aujourd'hui, apparaît profondément suranné (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean Vila - Promouvoir l'archéologie préventive, en lui donnant un fondement légal et en la définissant comme une mission de service public, telle est notre volonté au travers de ce projet d'autant plus attendu que la loi de 1941 n'était plus adaptée aux réalités d'aujourd'hui et que des velléités se faisaient jour de soumettre certaines activités de ce secteur aux lois du marché.

Par sa contribution à l'élaboration et à la compréhension de notre histoire, mais aussi à l'aménagement de notre territoire, l'archéologie est ce fil conducteur qui relie le présent au passé, nourrissant l'identité nationale.

Avec le développement des années 1970 et l'apparition de l'aménagement du territoire, l'archéologie préventive a pris un nouvel essor. Il s'agit maintenant de la considérer définitivement comme une discipline scientifique, ce qui n'a rien que de normal puisqu'elle fournit aujourd'hui 90 % des données archéologiques. Mais le Sénat a choisi une autre démarche, en résumant ce secteur à sa dimension économique et en refusant le monopole accordé à l'établissement public.

Or il ne s'agit nullement d'un monopole mais d'un carrefour, d'un lieu de concertation et de négociations où partenaires publics et privés devront expertiser les projets d'aménagement pour concilier l'intérêt général et l'intérêt particulier, avec les nécessités de la protection du patrimoine.

L'établissement public, ce sont aussi des personnels qui souhaitent voir préserver leur statut. C'est pourquoi nous réitérons notre proposition d'inscrire dans la loi que ce statut, notamment celui des agents non titulaires de l'Etat, relèvera d'un décret particulier. Agir autrement mettrait le ministère en position délicate puisqu'alors s'appliquerait l'avis du Conseil d'Etat en date du 30 janvier 1997, aux termes duquel seuls les organes compétents de l'établissement peuvent définir le régime de ces personnels.

L'Etat doit garantir la pérennité du statut des personnels et l'égalité de traitement des futurs agents de l'établissement avec les autres agents non titulaires de l'Etat. Monsieur le ministre, quelle est votre proposition à ce sujet ?

La prise en considération de critères économiques n'implique pas qu'il faille automatiquement assimiler les fouilles, comme l'a fait le conseil de la concurrence, à une activité économique. Il s'agit d'évaluer le plus correctement possible les notions de coûts et de délais. Or la méthode du Sénat ne va pas dans le bon sens : il propose que les opérations de diagnostic ne puissent durer plus d'un mois et celles des fouilles six mois. Cette réduction drastique mettrait un frein aux investigations archéologiques et diminuerait leur qualité. Plus grave encore, le Sénat précise que si les délais ne sont pas respectés, les travaux peuvent être engagés : il introduit ainsi le droit de détruire.

Nos amendements tendent à réinsérer dans le texte les missions de service public inhérentes à l'archéologie préventive et à préciser que la carte archéologique ne doit pas devenir un document opposable aux tiers.

Mais les conditions dans lesquelles l'Etat pourra s'acquitter de ses obligations dépendent des crédits budgétaires qui seront alloués à l'archéologie et du renforcement des services impliqués.

Le Sénat propose également que le représentant de l'Etat en région désigne le responsable des opérations archéologiques. Cela portera atteinte à l'objectif recherché, qui est de doter notre pays d'un instrument public d'investigation archéologique.

La désignation au niveau national de l'opérateur nous paraît être une garantie de sauvegarde des intérêts de l'archéologie préventive et de notre patrimoine.

L'idée maîtresse du projet est la conciliation des exigences de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique.

Fixer les délais des fouilles par une convention avec l'aménageur, comme le propose notre rapporteur, nous paraît un mécanisme plus souple et moins arbitraire que ce que propose le Sénat.

Plus nous évoluerons dans le cadre d'une responsabilité collective, plus l'archéologie sera préventive, plus les coûts pour les aménageurs seront réduits. L'EPA aura la charge de représenter l'intérêt général et dès lors on ne peut lui contester une position de monopole.

Comme en première lecture, nous proposons un système de financement qui favorise le diagnostic et une redevance fouille dissuasive.

Nous avons noté, Monsieur le ministre, que vous proposez de diminuer le coût de la redevance diagnostic pour celui qui projette des travaux. En revanche il nous semble intéressant de relever cette redevance dans les zones à fort potentiel archéologique, notamment dans les centres-villes anciens, où les projets immobiliers dégagent des plus-values importantes.

Le plafonnement de la redevance nous semble dangereux car il n'incitera pas les promoteurs à proposer des solutions techniques pour éviter de détruire les niveaux archéologiques. En outre, le mode de calcul retenu pour ce plafond favorise les constructions ayant peu d'étages et les lotissements à faible densité de construction, donc des projets résidentiels destinés à des catégories à fort pouvoir d'achat. Monsieur le ministre, quelle est votre proposition pour éviter ces effets pervers et aboutir à une aide générale au logement ?

Quant à la redevance « fouilles », son calcul ne doit pas porter atteinte à la qualité des fouilles ni à la capacité d'intervention de l'établissement public.

Les nouvelles propositions du Gouvernement et les amendements présentés au cours des lectures successives tendent à donner des moyens d'intervention à un service public de l'archéologie préventive.

En conséquence, le groupe communiste votera ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Kert - En première lecture, j'avais souligné la forte demande du milieu de la recherche archéologique concernant la modernisation de notre législation et la réorganisation de l'archéologie dite « préventive ».

L'absence de concertation dans la préparation du projet et la création d'un véritable monopole d'Etat au bénéfice de l'EPA avaient soulevé l'opposition du groupe UDF.

Le Sénat a su, lui, entamer ce travail de concertation et éviter de focaliser le débat sur les seuls problèmes de l'AFAN et la création de l'EPA.

D'autres préoccupations ont ainsi été prises en considération et je regrette que notre commission ait cru bon de revenir de façon quasi systématique au texte voté par notre Assemblée nationale en première lecture.

L'introduction par le Sénat d'une pluralité d'acteurs dans le secteur de l'archéologie préventive répondait à l'une de nos principales critiques. L'archéologie préventive ne doit pas tomber dans un carcan légal ni dans le jacobinisme. Nous avons donc à nouveau déposé un sous-amendement à l'article 2 dans le but de faire participer les collectivités locales aux opérations archéologiques, au lieu de les placer en situation de dépendance par rapport à l'établissement public. Je rejoins par là le souci exprimé par le rapporteur d'aller vers une archéologie « citoyenne ».

Je suis très attaché à « une archéologie de proximité » car l'on ne peut tourner résolument le dos à toute idée décentralisatrice, au détriment de plusieurs centaines d'archéologues, salariés de l'université, du CNRS, de grands établissements ou de collectivités territoriales, qui se sont impliqués depuis toujours dans des opérations d'archéologie préventive et ont ainsi acquis une connaissance historique du terrain.

Je sais que la proposition du Sénat de créer un EPIC ne sera pas retenue. Pourtant le choix d'un établissement public à caractère administratif ne nous paraît guère adapté.

Une meilleure maîtrise du risque archéologique passe par des mécanismes de publicité élargis. Le Sénat a donc prévu la possibilité de communiquer les données de la carte archéologique nationale, créée à l'initiative de notre rapporteur, à toute personne qui en fait la demande. J'avais, en première lecture, déposé un amendement ayant le même objet et je regrette que l'on revienne sur cette disposition. En revanche, je reconnais que ce véritable « zonage » archéologique permettra de réduire l'imprévisibilité actuelle de l'archéologie préventive.

Quant aux délais des travaux de fouilles, les garanties introduites par le Sénat donnaient satisfaction aux aménageurs. Si le dispositif était peut-être mal adapté à la diversité des situations, je ne suis pas certain que le choix fait par notre commission de fixer ces délais de façon contractuelle, cas par cas, donne à ces aménageurs les garanties auxquelles ils peuvent prétendre. Que se passera-t-il en l'absence de convention entre l'EPA et l'aménageur ou si les délais contractuels ne sont pas respectés ?

Enfin, je souhaite appeler à nouveau l'attention sur le rôle des conservateurs du patrimoine. Le texte ne dit rien sur leur pouvoir de saisine.

En ce qui concerne le financement de l'archéologie préventive, vous nous avez, Monsieur le ministre, présenté plusieurs modifications des mécanismes prévus à l'article 4. En première lecture, Mme Trautmann avait déjà, en séance, proposé un dispositif différent de celui du projet initial.

Ce que je souhaite, c'est que ces modifications n'augmentent pas exagérément les contributions des aménageurs car c'est l'acquéreur final qui paiera ce supplément : en l'état actuel du projet, il atteindrait 300 à 450 F par m2, ce qui est beaucoup. En tout état de cause, les règles de plafonnement des redevances doivent être inscrites dans la loi.

Vous l'avez compris, le groupe UDF votera, comme en première lecture, contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jacques Pélissard - Un point nous rassemble : nous considérons tous que le cadre législatif de l'archéologie préventive est obsolète.

Il nous faut réformer, mais on ne saurait parler de réforme lorsqu'on ne fait que confirmer, voire aggraver, une situation d'impasse. Cependant je reconnais avec plaisir que le texte a été bien amélioré depuis la mouture indigeste qui avait été approuvée en conseil des ministres le 5 mai 1999... Des progrès ont été accomplis au sujet de la place des archéologues municipaux, mais ils restent insuffisants. Les coûts supportés par les aménageurs seront calculés de façon plus simple, mais ils demeurent lourds. La recherche, la restauration de l'immobilier et surtout la diffusion ne sont pas suffisamment prises en compte. Enfin, la mutualisation du risque archéologique et le financement de la mise en valeur des richesses archéologiques sont absents de ce projet.

Le plus gênant est l'instauration d'un monopole inadapté en droit commun et en fait.

En droit : on remplace une association qui prétendait à un monopole de fait par un établissement public administratif, bénéficiant d'un monopole de droit. On prend ainsi le contre-pied de l'avis du 18 mai 1998 du conseil de la concurrence, qui avait établi une distinction entre ce qui relève des prérogatives de puissance publique, pour la protection du patrimoine, et l'exécution matérielle des fouilles. Les articles 86 et 90 du traité de Rome vont dans le même sens ; d'ailleurs, l'activité d'opérateur de fouilles ne donne lieu à aucun monopole dans les autres pays européens.

En fait : ce monopole ne répond pas aux nécessités de l'archéologie préventive. En effet, en période d'intense activité économique, l'établissement devra faire face à une forte demande des aménageurs. Or la nature des ressources de l'établissement entraînera des décalages de trésorerie qui rendront délicats les ajustements d'effectifs et pourront se traduire par des délais supplémentaires. Ne travaillant plus sur devis, mais sur recettes fiscales, l'établissement public fera apparaître dans son bilan d'opérations un solde positif ou négatif ; comment ne serait-il pas tenté d'adapter sa stratégie d'intervention à ses comptes ? La variable d'ajustement sera l'appel aux sous-traitants, qui seront ainsi dans une situation de dépendance totale.

L'établissement public aura non seulement le monopole des fouilles, mais celui des sondages, qui conditionnent le calcul de la redevance. Enfin, il sera le percepteur des redevances qu'il aura lui-même fixées : c'est un cas de figure nouveau en droit français.

Ce monopole va se traduire par une centralisation de l'archéologie préventive. Il va marginaliser les acteurs essentiels que sont les universitaires, les entreprises et les chercheurs du CNRS.

Pourtant, il aurait été possible de confier à l'Etat le rôle de prescrire, agréer et contrôler, de reconnaître les acteurs dans leur pluralisme et d'organiser une « solidarité archéologique » en mettant à contribution les 53 millions de mètres carrés construits chaque année. Il est dommage pour l'archéologie que ce ne soit pas la voie choisie (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La discussion générale est close.

M. le Secrétaire d'Etat - Je voudrais tout d'abord féliciter M. le rapporteur pour le travail sérieux accompli par la commission, et remercier les orateurs qui s'apprêtent à voter ce texte.

M. Blisko a parfaitement expliqué la démarche du Gouvernement et les améliorations auxquelles le débat au sein des commissions de l'Assemblée et du Sénat a permis d'aboutir.

Monsieur Aschieri, je suis très sensible aux aspects environnementaux. Notre projet est présenté avec le ministère de la recherche, qui partagera la tutelle de l'établissement public avec le ministère de la culture et de la communication. Le dispositif présenté prévoit l'association de l'ensemble des acteurs de l'archéologie, qui pourra ainsi contribuer largement à la connaissance du territoire et de l'environnement.

Monsieur Vila, je suis très sensible à la qualité de votre analyse technique. Beaucoup de vos questions trouveront une réponse dans la discussion des amendements, notamment en ce qui concerne la désignation des responsables d'opération. En revanche, vos propositions concernant les modalités de la redevance feraient perdre de sa cohérence au dispositif.

J'en viens aux orateurs de l'opposition.

Monsieur Bourg-Broc, la création d'un établissement public administratif traduit la volonté du Gouvernement d'affirmer le caractère de service public de l'archéologie préventive. Elle bloque toute velléité de faire de celle-ci une activité comme une autre ; c'est le sens du monopole d'intervention.

Monsieur Goulard, puisque vous nous dites que ce texte aurait pu être élaboré il y a plusieurs dizaines d'années, pourquoi vos amis ne nous ont-ils rien proposé lorsqu'ils étaient au Gouvernement ? C'est bien ce Gouvernement qui a décidé de rendre plus rigoureuse la procédure de l'archéologie préventive.

Monsieur Kert, j'ai constaté un grand écart entre vos remarques préliminaires et vos conclusions. Le débat parlementaire a permis d'enrichir le texte ; celui-ci prévoit en particulier, comme vous le souhaitez, une étroite association des archéologues, des collectivités, des universités et des associations. La carte archéologique est un document scientifique que nous pouvons avoir l'ambition de traduire progressivement en termes de droit des sols. Le calcul de la redevance a été affiné ; plus de 2 000 opérations ont été testées.

Monsieur Pélissard, j'insiste sur notre souci d'efficacité et de transparence. Les aménageurs ne s'y sont pas trompés : leurs réactions ont été très positives. Je vous fais observer que c'est l'Etat qui prescrit, et non l'établissement.

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.

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ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur - L'amendement 9 vise à supprimer deux alinéas sans rapport avec l'objet du projet de loi.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. François Goulard - L'amendement 31 tend à garantir l'application des règles de concurrence et de transparence posées par le code des marchés publics au secteur de l'archéologie préventive.

M. le Rapporteur - Cet amendement ne témoigne pas chez vous d'une grande cohérence. Soit vous êtes favorable à la mise en concurrence et il faut alors qu'elle s'applique à l'ensemble des opérations d'archéologie préventive, y compris celles que conduisent des collectivités locales, soit vous admettez qu'une part du territoire national puisse être couverte par une forme de monopole. En toute hypothèse, nous n'avons pas de leçon à recevoir de vous en matière de transparence et nous considérons que la mise en concurrence ne peut avoir que des effets négatifs. Défavorable, donc.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable car le choix du Gouvernement est de créer un établissement public administratif disposant de droits exclusifs. L'option qui consiste à ouvrir la discipline aux règles de la concurrence n'a pas été retenue.

L'amendement 31, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 10 rectifié tend à revenir au texte adopté par notre Assemblée en première lecture en apportant quelques modifications d'ordre rédactionnel.

L'amendement 10 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ARTICLE PREMIER BIS

M. le Rapporteur - L'amendement 11 vise à revenir au texte adopté en première lecture par notre Assemblée. Il introduit en outre un alinéa pour prendre en compte une préoccupation du Sénat, qui a souhaité mentionner dans la loi le rôle des organismes consultatifs.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article premier bis est ainsi rédigé.

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ARTICLE PREMIER TER A

M. le Rapporteur - L'amendement 12 tend à supprimer cet article : si la loi doit mentionner l'existence des organes consultatifs, il n'y a pas lieu de procéder à leur énumération.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable.

L'amendement 12, mis aux voix, est adopté et l'article premier ter A est ainsi supprimé.

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ARTICLE PREMIER TER B

M. le Rapporteur - L'amendement 13 relève du même argumentaire que le précédent.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article premier ter B est ainsi supprimé.

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ARTICLE PREMIER TER

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 36 est de précision.

L'amendement 36, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 14 tend à supprimer le deuxième alinéa de l'article : il est superflu de préciser que les décisions de l'Etat s'appuieront sur la carte archéologique nationale. Une telle mention serait ambiguë car elle n'est pas opposable aux tiers.

L'amendement 14, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 15 rectifié vise à revenir au texte adopté en première lecture par notre Assemblée et à préciser que des extraits de la carte archéologique peuvent être communiqués à des tiers par les autorités qui délivrent les autorisations de travaux. Il tend à assurer la communication la plus large possible des données de la carte afin de favoriser la prévision.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement en l'état, car la communication des données ne peut être envisagée sous cette forme.

Son sous-amendement 65 vise donc à ajouter que « sous réserve des exigences liées à la protection du patrimoine archéologique, des extraits peuvent être communiqués par l'Etat, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à toute personne qui en fait la demande ».

Le Gouvernement comprend certes les motivations qui conduisent la commission à prévoir la communication d'extraits de la carte archéologique nationale à des tiers. Mais tout en partageant l'objectif de transparence, il appelle l'attention de votre Assemblée sur les difficultés qui risquent d'en découler.

En premier lieu se pose le problème de la responsabilité de celui qui délivrera les extraits. Que se passera-t-il si le document communiqué n'a pas été actualisé. Je rappelle que la mise à jour de la carte archéologique est une tâche très contraignante de tous les jours.

En deuxième lieu, le passage par « les autorités compétentes », mentionné par l'amendement, risque de générer des délais supplémentaires pour la communication de ces extraits.

Enfin la carte archéologique est un document qui nécessite un éclairage ou un commentaire faisant appel à la compétence des services en charge de son élaboration.

Pour ces motifs le Gouvernement préfère que ces extraits soient délivrés exclusivement par l'Etat.

M. le Rapporteur - Ce sous-amendement pose problème en ce qu'il conditionne la communication des données au respect des exigences liées à la protection du patrimoine archéologique. Cela signifie que certaines personnes pourraient se voir refuser l'accès à ces données, au motif par exemple qu'elles seraient présumées être des chasseurs de trésors. Mais qui peut se targuer de reconnaître à coup sûr un chasseur de trésor ? Tout en partageant l'idée selon laquelle la carte archéologique ne peut être considérée comme opposable aux tiers, la commission ne peut qu'exprimer ses plus vives inquiétudes sur un sous-amendement qui tend à restreindre l'accès du public à des informations dont l'intérêt général commande qu'elles restent largement communicables.

M. le Secrétaire d'Etat - Nous n'introduisons aucune opacité, aucune suspicion. Cette rédaction ne vise pas les personnes mais les objets.

M. Serge Blisko - Malgré la bonne volonté de M. le ministre, ce sous-amendement est restrictif. Nous préférons l'amendement qui permet de prendre connaissance de la carte dans des conditions à déterminer.

Le sous-amendement 65, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 15 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Kert - L'amendement 32 est défendu.

L'amendement 32, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier ter, modifié, mis aux voix, est adopté.

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ARTICLE PREMIER QUATER

M. le Rapporteur - L'amendement 16 est de suppression : les services archéologiques sont clairement associés à l'établissement public.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable. L'association des services archéologiques des collectivités territoriales affirmée à l'article 2 suffit à consacrer l'importance de leur rôle, qui ne fait aucun doute pour le Gouvernement.

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté et l'article premier quater est supprimé.

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ART. 2

M. Christian Kert - L'amendement 33 est défendu.

L'amendement 33, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 17 rétablit le texte de première lecture. Que l'établissement public soit doté de droits exclusifs ne l'empêche pas d'associer à son action les services archéologiques des collectivités territoriales et les associations d'archéologues bénévoles.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable. Percevant une redevance fiscale, ne maîtrisant pas leur volume d'activité, tenu de faire les travaux de fouille, cet organisme ne saurait être assimilé à une entreprise privée. C'est un établissement public, il est indispensable de lui octroyer des droits exclusifs.

M. Christian Kert - Mon sous-amendement 43 rend l'archéologie préventive « citoyenne ». Il permet aux services des collectivités territoriales d'intervenir dans un cadre intercommunal et implique mieux les associations de bénévoles.

M. le Rapporteur - Défavorable. Il n'y a pas à associer les collectivités territoriales, elles le sont déjà de façon impérative. Quant à la participation des bénévoles, après les explications du Gouvernement en première lecture vous aviez retiré votre amendement à ce sujet. Faites de même cette fois.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable. Ce n'est pas un sous-amendement citoyen, mais redondant. L'article 2 offre des garanties suffisantes et un dispositif souple. Inutile de créer des obligations aux services archéologiques locaux, en les obligeant à intervenir automatiquement. Quant aux bénévoles, la possibilité offerte par le projet de faire appel au tissu associatif suffit.

M. Jacques Pélissard - Parler d'association est trop vague. Le sous-amendement donne un contenu à cette notion.

Le sous-amendement 43, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 17, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 18 supprime l'alinéa relatif à la propriété du mobilier archéologique, dont il sera question dans un autre article.

L'amendement 18, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 19 est de précision, l'amendement 20 rédactionnel.

Les amendements 19 et 20, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 21 rétablit le texte voté par l'Assemblée en première lecture. Je n'ai pas d'objection au sous-amendement 38 qui donne des précisions sur le statut du personnel de l'établissement public, mais je suis opposé au sous-amendement 52 qui va trop loin.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable à l'amendement 21. Le sous-amendement 38 du Gouvernement le complète par les mots : « régis par un décret en Conseil d'Etat pris en application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984. »

Toutefois je le retire au profit du sous-amendement 52 de M. Vila.

M. Jean Vila - En effet notre sous-amendement 52 ne mentionne pas « un décret », comme celui du Gouvernement, mais « le décret » : nous souhaitons préciser clairement que c'est bien le décret 86-83 du 17 janvier 1986 qui s'applique au personnel de l'établissement. Pour les dispositions qu'il ne prévoit pas, il faudra prendre un décret particulier. A défaut de ces deux précisions, le statut du personnel serait arrêté par le conseil d'administration de l'établissement. Notre sous-amendement garantira donc les statuts des personnels, et l'égalité de traitement de ces agents avec les autres agents non titulaires de l'Etat.

M. le Rapporteur - Le rapporteur ne sera pas plus royaliste... que la République, et se rangera à l'avis du Gouvernement.

Le sous-amendement 38 est retiré.

Le sous-amendement 52, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 21, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 2, modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 2

Mme Odette Grzegrzulka - Je me réjouis de ce projet de loi, qui constitue une avancée, apporte un soulagement, et va rendre l'archéologie plus harmonieuse et plus rigoureuse. Et je me félicite que, tenant compte du débat au Sénat, notre rapporteur ait déposé l'amendement qu'on va voir sur les délais de diagnostic et sur les délais des opérations de fouilles. Car nous vivons tous, dans nos circonscriptions, des difficultés entre les archéologues et les aménageurs que nous sommes, en raison d'une incompréhension sur la durée des fouilles. Cette situation est si grave qu'il était grand temps de favoriser un apaisement par la voie de la convention. Pour dire un mot d'une région qui m'est chère, la Picardie, de modestes oppida gallo-romains freinent considérablement le développement économique de nos villes sinistrées, où des élus courageux essaient d'implanter des zones économiques. Il est difficile de comprendre que ces fouilles retardent d'un ou deux ans les opérations. Il est plus dur encore de voir les archéologues régionaux exprimer dans la presse le plus grand mépris pour les élus, parce que ceux-ci tiennent les engagements pris devant leurs électeurs en favorisant l'implantation d'entreprises. Le texte nous donne enfin le moyen de concilier le développement économique avec la recherche des vestiges du passé et leur valorisation. Il était indispensable qu'une convention fixe les règles, et les sanctions, en cas de dépassement des engagements pris par les archéologues. Je me félicite donc que le rapporteur ait été à l'écoute d'une partie de ce qui a été demandé au Sénat et de la totalité de ce qui a été demandé en commission.

M. le Secrétaire d'Etat - Je vous remercie de cette intervention, et je suis d'accord avec votre argumentation. C'est en considérant les difficultés que vous évoquez que le Gouvernement a proposé le présent texte. Je suis conscient d'autre part que l'incertitude juridique qui a régné jusqu'à présent ne favorise pas un climat serein entre les archéologues et les élus territoriaux. Je suis sûr que cette loi contribuera à l'apaisement des relations que vous avez décrites.

M. le Rapporteur - Je serai bref sur l'amendement 22 rectifié : des délais, oui. Des délais impératifs comme le propose le Sénat, non. Des délais responsabilisants, oui.

M. Serge Blisko - Des délais raisonnables.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable. Le Sénat a souligné à juste titre l'importance pour les aménageurs de la question des délais. Mais la réponse qu'il apporte n'est pas satisfaisante : elle consiste à inscrire dans la loi un délai moyen qui, dans les faits, ne pourra pas être respecté dans tous les cas. La proposition de votre rapporteur, souple et pragmatique, correspond à la pratique actuelle de l'AFAN, qui satisfait les aménageurs comme les archéologues.

L'amendement 22 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 23, qui concerne le mobilier archéologique, rappelle la règle de partage posée par la loi de 1941. J'approuve le sous-amendement 42 du Gouvernement, qui a pour but de donner aux services de l'Etat le temps -qui ne saurait excéder cinq ans- d'examiner ce mobilier.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable à l'amendement.

Le sous-amendement 42, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 23, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

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ART. 4

M. André Vauchez - En première lecture, à la demande de la commission, le Gouvernement avait fait un effort pour clarifier le financement des opérations de sondage et le coût pour les aménageurs des opérations de fouilles. Sa proposition tendait à une approche mutualisatrice du risque archéologique. Aujourd'hui, un amendement du Gouvernement va permettre de rendre ces diagnostics plus supportables pour les aménageurs. Il poursuit à la fois un objectif d'économie, par une réduction de la redevance sur les opérations de diagnostic, un objectif de transparence accrue sur le coût des fouilles -en tenant compte du volume de terre archéologiquement stérile, et en différenciant les prix entre ville et campagne- et un objectif d'équité, en excluant du plafonnement les constructions de parkings et de garage à but lucratif.

Une question toutefois n'est pas traitée : le coût de la remise en état des terrains et les surcoûts qu'impose, pour la réalisation des fondations des édifices, la déstructuration du sol et du sous-sol. J'aimerais connaître la réflexion du Gouvernement sur ce problème. Reste que globalement ce projet constitue un réel progrès.

M. Léonce Deprez - L'amendement 34 de suppression est défendu.

L'amendement 34, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 57 rétablit le texte de l'Assemblée. D'autre part le Gouvernement reprend, par son sous-amendement 58, notre souhait d'appliquer à tous les types d'affouillement la déclaration administrative préalable, élargissant ainsi le champ de la redevance.

M. le Secrétaire d'Etat - Votre rapporteur avait en effet souhaité cette disposition, et la commission des affaires culturelles l'avait suivi, mais la commission des finances l'avait refusée au titre de l'article 40. Le Gouvernement reprend donc cette disposition à son compte, car elle est nécessaire.

Le sous-amendement 58, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 57, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 30 est rédactionnel. Il est préférable de regrouper dans un paragraphe distinct les dispositions relatives aux exonérations, rédactions et remboursements de redevance.

L'amendement 30, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 47 tombe.

M. Jean Vila - Notre amendement 53 vise à assujettir à la redevance sur la base d'une déclaration, ce qui permettrait d'engager des actions dès le stade du projet, voire de l'avant-projet. L'aménageur pourrait ainsi disposer très tôt des informations relatives aux contraintes archéologiques éventuelles, et donc évaluer plus rapidement ses coûts. Enfin, le dispositif inciterait à l'adoption de comportements plus responsables à l'égard de notre patrimoine.

M. le Rapporteur - Il est bon en effet que les choses soient faites le plus en amont possible, mais le paragraphe I inclut déjà les précisions que vous souhaitez.

L'amendement 53 est retiré.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 1 vise à clarifier la nature des opérations mentionnées dans le deuxième alinéa du II en se rangeant à la terminologie employée par les chercheurs. Je propose donc de supprimer les mots « de sondages et ».

L'amendement 1, accepté par la commission et mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 45 tombe.

M. Jean Vila - L'amendement 54 est défendu.

M. le Secrétaire d'Etat - Je voudrais expliciter la démarche qui a conduit le Gouvernement à déposer les quelques amendements qui vont suivre.

Comme je l'ai dit, l'ensemble du dispositif de redevance a été revu. Le système proposé aujourd'hui apparaît globalement équilibré, à enveloppe constante -720 millions par an-, seule la répartition changeant afin de se rapprocher de la réalité des coûts constatés. C'est ainsi que la redevance pour diagnostic diminuera dans des proportions importantes, le coût au mètre carré passant de 2,58 F à environ 2 F -ce qui, dans le texte, se traduit par la substitution de la fraction T/320 à la fraction T/240. Cette formule apparaît équitable et répond par ailleurs aux critiques des aménageurs _uvrant en dehors des zones urbaines.

En deuxième lieu, les redevances correspondant aux fouilles stratifiées et aux fouilles non stratifiées ont été en revanche relevées, pour prendre en compte le décapage des terres archéologiquement stériles. Cette modification permettra de réduire de la redevance le coût de l'enlèvement dès lors que celui-ci sera effectué par l'aménageur lui-même sous le contrôle de l'Etat. Cette prise en compte est évaluée au coût réel moyen soit, en vertu de la formule H'/7 T, environ 85 F le mètre cube, en zone urbaine et pour des fouilles stratifiées, et, selon la formule H'/30 T, environ 20 F le mètre cube, en zone rurale et pour des fouilles non stratifiées -H' correspondant à la hauteur moyenne des terres stériles.

La formule des fouilles non stratifiées a été précisée et unifiée quelle que soit la structure, simple ou complexe ; cependant que le coefficient était fixé uniformément à 1/450e alors que la version du Sénat prévoyait deux formules : 1/2000 et 1/200.

Les définitions des structures complexes et simples ont été revues par nos scientifiques à partir de l'échantillonnage étudié.

Enfin, une dérogation au principe de plafonnement de la redevance a été instituée pour les constructions à usage de logements. Les constructeurs dépassant les normes prévues en matière de places de stationnement seront assujettis à la totalité de la redevance à raison de ces dépassements.

La complexité de la situation incitait, non à se complaire à des formules complexes, mais à affiner nos propositions : c'est à quoi se sont employés mes services depuis la première lecture.

L'amendement 2 est celui qui tend à substituer la formule T/320 à la formule T/240.

M. Jean Vila - Je retire l'amendement 54, ainsi que le 48.

Les amendements 54 et 48 sont retirés.

M. le Rapporteur - Le mode de calcul proposé par le Gouvernement dans ce paragraphe II est plus simple qu'il ne paraît et la tâche accomplie par nos services justifie qu'on leur rende hommage. Cela vaut approbation de l'ensemble de ces amendements.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Kert - L'amendement 35 est défendu.

M. Jacques Pélissard - L'amendement 59, identique, tend à appliquer la formule T/500 aux opérateurs portant sur une surface de plus de 10 000 mètres carrés, cela afin de réduire les coûts pour les aménageurs intervenant dans des carrières, par exemple.

Les amendements 35 et 59, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Je rappelle que l'amendement 48 a été retiré et que le 45 est tombé par suite de l'adoption du 1.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 3 est de cohérence avec le 1.

L'amendement 3, accepté par la commission et mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - J'ai déjà présenté les amendements 4 et 5.

Les amendements 4 et 5, acceptés par la commission et successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean Vila - Notre amendement 49 est satisfait par l'amendement 6 du Gouvernement.

L'amendement 49 est retiré.

M. le Secrétaire d'Etat - Les amendements 6 et 7 sont défendus.

L'amendement 6, accepté par la commission et mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 7.

M. Bruno Bourg-Broc - Le principe de mon amendement 44 est simple : il s'agit d'éviter que les entreprises de carrières et de matériaux de construction ne soient surtaxées. Je suggère donc que, pour les opérations de fouilles, la redevance soit plafonnée à 260 000 F l'hectare, ce qui représente tout de même 10 % du chiffre d'affaires !

M. Jacques Pélissard - L'explication vaut aussi pour l'amendement 60.

M. le Rapporteur - Etant favorables à l'architecture proposée par le Gouvernement, nous ne pouvons que nous opposer à ces amendements.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est en effet une question de cohérence. Le Gouvernement a proposé un système équilibré et l'on ne peut modifier une seule formule sans remettre en cause l'ensemble du dispositif, ainsi que son rendement. En outre, ce plafonnement ôterait à la redevance de son caractère dissuasif.

L'amendement 44, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 60.

M. Jean Vila - Notre amendement 50 tend à supprimer le septième alinéa du II. Cette disposition, insérée en première lecture, revient en effet à plafonner la redevance à 206 F le mètre carré de SHON. La formule T/3 étant multipliée par la surface hors-_uvre nette totale, c'est-à-dire par la surface au sol et les surfaces cumulées de planchers, les constructions de peu d'étage, généralement résidentielles, se trouveront favorisées. Le plafond de la redevance sera ainsi vite atteint et les intéressés paieront moins.

D'autre part, si le « coût archéologique » dépasse le plafond, le promoteur ne sera pas incité à rechercher des solutions techniques permettant la conservation des vestiges.

Si ce plafonnement vise à aider le logement, ne serait-il pas judicieux de réfléchir à une aide à tous les logements, qui pourrait prendre la forme d'un dégrèvement de redevance ?

Le Gouvernement propose certes un amendement pour éviter que les aménageurs ne construisent plus de parkings qu'il ne leur est permis, mais nous souhaitons néanmoins que les conséquences du plafonnement ainsi que celles de notre proposition soient mieux évaluées et, en attendant, nous demandons la suppression de ce type de plafonnement.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné en commission. Je suggère qu'on se range à l'avis du Gouvernement.

M. le Secrétaire d'Etat - Je regrette, Monsieur le député, mais mon avis est défavorable. Le Gouvernement développe une politique volontariste en faveur du logement. Une redevance trop lourde remettrait en cause certains projets immobiliers dans des secteurs à fortes contraintes.

Le Gouvernement est toutefois sensible à vos arguments et pour éviter les effets pervers du plafonnement propose un amendement 8 concernant les parkings.

M. Serge Blisko - M. Vila a exposé un problème réel. Le plafonnement pourrait conduire à détruire plus de matériel archéologique qu'on ne le souhaiterait. Cela dit, je me range à l'avis du Gouvernement.

L'amendement 50, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Vila - Nous pensons que le plafonnement de la redevance risque de favoriser les constructions avec peu d'étages et les projets de type résidentiel. Nous préférons une mesure de dégrèvement général en faveur des logements. C'est l'objet de notre amendement 51.

M. Léonce Deprez - Le plafonnement de la redevance est calculé par référence au mètre carré de SHON. Or les acquéreurs de logements neufs n'achètent pas des mètres carrés de SHON, mais de surface habitable. L'incidence réelle de la redevance sera de 3 à 400 F par mètre carré habitable et provoquera donc une hausse de 4 % du prix des logements en province. Mon amendement 46 corrigé abaisse le plafonnement pour réduire le surcoût à 190 F par mètre carré.

M. Jacques Pélissard - Mêmes explications pour mon amendement 61.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. Comme il faut maintenir une certaine logique dans la définition de l'assiette de la redevance, nous nous rangerons à l'avis du Gouvernement.

M. le Secrétaire d'Etat - Nous souhaitons, pour des raisons de cohérence, maintenir le plafonnement à son niveau initial. Avis défavorable aux trois amendements.

L'amendement 51, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements identiques 46 corrigé et 61, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 8 résulte d'un travail mené avec le ministre du logement. Il vise à n'appliquer le plafonnement de la redevance qu'aux seuls affouillements rendus impératifs par l'application des normes d'urbanisme. Lorsque les constructeurs dépassent ces normes dans un but de rentabilisation commerciale, par exemple en construisant des parkings en surnombre, ils devront acquitter la redevance pour ces parties.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Jean Vila - Cet amendement prend en compte la construction de parkings, mais n'élimine pas les autres effets pervers du plafonnement. Je m'abstiendrai.

L'amendement 8, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 25 rectifié de la commission rassemble sous un même titre toutes les dispositions relatives aux exonérations et réductions de redevance.

Le dernier alinéa, relatif aux remboursements de redevance, reprend une disposition votée par le Sénat, à une précision près.

En ce qui concerne les sous-amendements 64 et 63, l'Assemblée avait rejeté des amendements identiques en première lecture. En revanche, nous sommes favorables au sous-amendement 39 du Gouvernement.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 25 rectifié. Notre sous-amendement 39 est une disposition de cohérence avec ce que nous avons dit précédemment.

M. Jacques Pélissard - Le sous-amendement 64 tend à exonérer de la redevance les travaux dans les zones classées en objectif 2 des fonds structurels européens et dans les zones de revitalisation rurale. Il s'agit de favoriser la construction de logements dans les zones défavorisées. C'est la même démarche que celle suivie par le Gouvernement pour le logement locatif social.

On ne peut pas dire que cet amendement compromettrait l'équilibre financier du texte dans la mesure où, dans les deux cas on ne connaît pas à l'avance le nombre de logements concernés.

M. Serge Blisko - Nos collègues de l'opposition ayant insisté sur le rôle que doivent conserver les collectivités locales, je souligne que l'amendement 25 rectifié précise bien que les travaux d'archéologie exécutés par une collectivité territoriale dotée d'un service archéologique agréé sont exonérés de la redevance. C'est donc une incitation à créer de tels services.

M. Jacques Pélissard - Mais cette exonération est décidée unilatéralement par le président de l'EPA. Mon sous-amendement 63 tend à supprimer cette dernière disposition pour encourager le conventionnement prévu par l'article 2.

M. le Rapporteur - Qui peut prendre la décision d'exonération sinon le président de l'EPA ?

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable aux deux sous-amendements. En bonne logique, le Gouvernement souhaite que les exonérations ne se multiplient pas à l'infini. Il veut ne leur conférer un caractère automatique que lorsque les travaux sont exécutés par une collectivité territoriale dotée d'un service archéologique.

Le sous-amendement 64, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement 63.

Le sous-amendement 39, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 25 rectifié, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 4 BIS

M. le Rapporteur - L'amendement 26 tend à revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, s'agissant de la composition de la commission.

L'amendement 26, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 bis ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 5

M. le Rapporteur - L'amendement 27 tend, sur cet article de coordination, à revenir au texte que nous avions adopté en première lecture.

L'amendement 27, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 5

M. le Secrétaire d'Etat - En corollaire de la disposition adoptée à l'article 2 pour le mobilier issu des fouilles archéologiques préventives, l'amendement 40 tend à donner à l'Etat, pour les fouilles qu'il conduit dans le cadre du titre II, la capacité de détenir les mobiliers issus de ces fouilles, aux fins d'étude scientifique, pendant un délai maximal de cinq ans. Pour le surplus, le régime de partage et le droit de revendication de l'Etat sur ce mobilier est maintenu.

L'amendement 40, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Vila - Je retire les amendements 55 et 56.

M. le Rapporteur - L'amendement 28, qui concerne les découvertes archéologiques immobilières reprend celui que Pascal Terrasse avait déposé en première lecture et retiré après les explications de Mme Trautmann. Nous souhaitons en effet éviter le renouvellement d'un imbroglio comme celui de la grotte Chauvet. Je le retire au profit de celui du Gouvernement.

M. le Secrétaire d'Etat - Les vérifications opérées en liaison avec le ministère de la justice depuis la première lecture ont fait apparaître les difficultés d'ordre constitutionnel et d'ordre pratique soulevées par l'amendement de M. Terrasse. L'amendement 41 du Gouvernement écarte la présomption de l'article 552 du code civil, selon laquelle la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ; il se fonde sur le caractère d'intérêt général qui s'attache à la protection du patrimoine archéologique -dont la charge incombe à l'Etat, selon la convention européenne que nous avons ratifiée.

Bien entendu, l'Etat versera au propriétaire du fonds où est situé le vestige une indemnité. L'exception à l'article 552 s'appliquera que la découverte ait été faite fortuitement ou à la suite de recherches. Conformément au v_u de M. Terrasse, en cas de découverte fortuite et d'exploitation du vestige, l'inventeur aura droit à une participation, sous forme d'une indemnité forfaitaire ou d'un intéressement au résultat de l'exploitation.

M. Jacques Pélissard - Nous convenons tous qu'il faut régler ce problème, mais qu'entend-on par « vestiges archéologiques immobiliers » justifiant ce régime dérogatoire ? Par ailleurs, cet amendement introduit une sorte d'expropriation, sans respect de la procédure.

L'amendement 41, mis aux voix, est adopté.

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ART. 6

M. le Rapporteur - L'amendement 29 tend à supprimer cet article car il est excessif de contraindre le Gouvernement à présenter un rapport annuel.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement avait accepté cette proposition faite par le Sénat, mais il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 29, mis aux voix, est adopté, et l'article 6 est ainsi supprimé.

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Christian Kert - Le débat n'a pas corrigé notre première impression et le groupe UDF reste résolument hostile à ce texte. Ignorant toutes les avancées proposées par le Sénat, le rapporteur nous a demandé sans relâche de revenir au texte adopté en première lecture et aucun amendement émanant des groupes DL, RPR ou UDF n'a été accepté. Le groupe UDF votera donc contre ce texte.

M. Jacques Pélissard - Plutôt que de résoudre les problèmes, ce texte les complique et le seul outil qu'il propose est d'instaurer un monopole archaïque ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Le groupe RPR ne votera pas ce texte.

M. Serge Blisko - Même si elle a refusé de s'inscrire dans la logique du Sénat qui tendait à dénaturer le texte, la majorité s'est montrée ouverte sur plusieurs points, qu'il s'agisse du rôle dévolu aux collectivités locales, de la question des délais -qui ont été aménagés pour répondre aux angoisses des maires et des aménageurs- ou de la redevance. Des avancées significatives ont ainsi été réalisées et le texte permet de renforcer la protection du patrimoine sans négliger la réalité économique. Le groupe socialiste votera ce texte avec détermination.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance ce mercredi 24 mai à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure 20.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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