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Session ordinaire de 1999-2000 - 89ème jour de séance, 210ème séance

SÉANCE DU MERCREDI 24 MAI 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CAMPAGNE D'INFORMATION DE LA MISSION DE LUTTE CONTRE LA DROGUE ET LES TOXICOMANIES 2

BUDGET DE LA DÉFENSE NATIONALE 3

CONTAMINATION D'UNE HALTE-GARDERIE
PARISIENNE PAR LA RADIOACTIVITÉ 3

DIRECTEURS D'ÉCOLES 4

SERVICE PUBLIC POSTAL 5

RETRAIT ISRAÉLIEN DU SUD LIBAN 6

SERVICE PUBLIC POSTAL 7

SITES CONTAMINÉS À PARIS 8

TRANSFERT DE L'ÉCOLE INTERARMÉES DE SPORT 9

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 10

SITUATION AU PROCHE-ORIENT 10

PRESTATION COMPENSATOIRE EN MATIÈRE DE DIVORCE
(deuxième lecture) 11

AVANT L'ARTICLE PREMIER A 20

ARTICLE PREMIER 20

ARTICLE PREMIER QUATER 20

ART. 2 BIS 21

APRÈS L'ART. 2 BIS 22

ART. 2 TER A 22

ART. 2 TER B 23

APRÈS L'ART. 2 SEPTIES 23

ART. 2 UNDECIES 23

EXTRADITION DE SID AHMED REZALA 23

PRESTATION COMPENSATOIRE EN MATIÈRE DE DIVORCE
-deuxième lecture- (suite) 23

ART. 2 UNDECIES (suite) 23

APRÈS L'ART. 2 UNDECIES 24

ART. 4 24

ART. 5 24

PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
(CMP) 24

EXPLICATIONS DE VOTE 40

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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CAMPAGNE D'INFORMATION DE LA MISSION DE LUTTE
CONTRE LA DROGUE ET LES TOXICOMANIES

M. Pierre Morange - Monsieur le Premier ministre, le député et le médecin généraliste en exercice que je suis (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) souhaiterait que vous entendiez quelques citations...

« Rituel de plaisir, pour les uns, recherche de performances physiques ou sexuelles, cérémonie initiatique pour les autres, l'usage des produits psycho-actifs n'entraîne pas obligatoirement de troubles de la santé ou du comportement »... « Il s'agit le plus souvent d'un moment de la vie »... « Entourez-vous d'amis pour vous accompagner sans forcément consommer et vous donner des conseils sur les usages, les produits et les risques »... « Dialoguez avec des personnes de confiance ayant déjà expérimenté le produit, surtout si vous ne le connaissez pas, et prenez-le dans un contexte rassurant »... « Fractionnez les doses, espacez les prises... » D'où ces citations sont-elles extraites ? Eh bien, de la dernière campagne d'information financée par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies.

Plusieurs députés RPR, UDF, DL - Scandaleux !

M. Pierre Morange - Ce catalogue de conseils d'utilisation montre que le Gouvernement s'est résigné : il n'a plus pour objectif que de limiter les risques. Renoncement très grave, lorsqu'on sait les ravages provoqués par le fléau de la toxicomanie, devant lequel les familles ressentent leur impuissance.

Monsieur le Premier ministre, informer ne signifie pas banaliser. Le rôle de l'Etat en ce domaine n'est-il pas plutôt de prévenir et de dissuader ? Ira-t-on vers une dépénalisation de fait à défaut d'une dépénalisation de droit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - Une fois de plus, la caricature ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) La campagne d'information que vous citez a été mise au point en fonction des objectifs fixés par le Gouvernement en juin dernier dans un plan pluriannuel de lutte contre les toxicomanies et les comportements à risque.

Nous avons ici cherché à dédramatiser, et à inciter les jeunes à un comportement plus responsable. Nous n'avons pas voulu dans cette campagne rappeler les interdits qui existent par ailleurs mais au contraire, et ce quelle que soit la nature des produits, manifester à l'égard de jeunes en très grande difficulté une attitude d'accompagnement, d'écoute, de solidarité. (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Mes chers collègues, les questions sont libres, les réponses également.

Mme la Secrétaire d'Etat - La dernière campagne d'information de la MILDT a été d'ailleurs très bien reçue du corps médical et des éducateurs.

M. Pierre Lellouche - Et des parents ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Je rappellerai ici les grands axes de cette campagne : améliorer la formation des médecins avec la création d'un nouveau DES d'addictologie, renforcer les structures de lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme avec plus de 80 millions de mesures nouvelles, développer les recherches et l'expertise, en particulier sur les nouveaux produits, améliorer les connaissances sur les modes de consommation de ces produits... (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Plusieurs députés RPR, UDF, DL - Ce n'est pas la question !

Mme la Secrétaire d'Etat - Cette campagne d'information, menée auprès des professionnels et du grand public, nous permettra d'élever le niveau de connaissances de nos concitoyens sur les drogues et de renforcer notre lutte contre les toxicomanies chez les jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe communiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

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BUDGET DE LA DÉFENSE NATIONALE

M. René Galy-Dejean - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, responsable de la défense nationale, aux termes de l'article 21 de la Constitution.

Alors que le travail des Français a permis de retrouver les voies de la croissance, que les rentrées fiscales n'ont jamais été aussi bonnes et que des mises aux enchères peuvent rapporter des sommes considérables, vous ne cessez de réduire le budget de la défense nationale. Certes, il n'y a pas de risques de grève dans l'armée et les ponctions, les réductions, les annulations pratiquées dans les crédits militaires sont pour l'instant indolores.

J'ai déjà, à plusieurs reprises, alerté le Gouvernement sur le fait que nous approchions le point de rupture s'agissant de l'équipement de nos armées. Ce seuil est aujourd'hui franchi et cela aura des conséquences graves. Tout d'abord, pour la professionnalisation de nos forces car comment celles-ci, mal équipées, pourraient-elles remplir correctement leurs missions ? Ensuite pour la construction de la défense européenne car comment demander à nos partenaires de faire davantage en ce domaine alors que nous-mêmes ne cessons de réduire notre effort ? Enfin, pour la sécurité de notre pays et celle de l'Europe car le monde reste dangereux. L'un des premiers devoirs d'un gouvernement est d'assurer un bon équipement des forces armées nationales. Ma question est donc simple : allez-vous cesser de réduire l'effort de défense et augmenter les moyens financiers de nos armées, sans lesquelles elles ne pourraient remplir les missions que le pays leur a confiées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Alain Richard, ministre de la défense - Votre question vient à point nommé pour me donner l'occasion de confirmer, au nom du Gouvernement, que la loi de programmation militaire 1997-2002 est bien la charte de notre politique de défense. Vous savez mieux que quiconque, Monsieur le député, que par comparaison aux précédentes lois de programmation, le sort de celle-ci a été plutôt serein.

S'agissant de la professionnalisation, à la mi-2000, nous avons atteint entre 70 et 80 % des objectifs fixés pour 2002. Et malgré l'amélioration notable de la situation de l'emploi, les candidats sont toujours nombreux pour les recrutements.

Concernant l'Europe de la défense, un consensus se fait jour entre les Quinze sur un projet ambitieux, en parfaite cohérence avec les décisions du Conseil des ministres. La présidence française donnera l'occasion de montrer que les engagements pris seront bien tenus.

Enfin, pour ce qui est des programmes d'équipement, ils sont en cours de réalisation. Certains ont, il est vrai, pris quelques mois de retard, notamment parce que la mise au point de programmes en commun avec des partenaires fait rarement gagner du temps.

Soyez en tout cas assuré, Monsieur le député, que les futurs budgets de la défense auront toute l'ambition et la cohérence nécessaires. Rien ne justifie aujourd'hui votre alarme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Lellouche - Demandez aux miliaires !

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CONTAMINATION D'UNE HALTE-GARDERIE PARISIENNE PAR LA RADIOACTIVITÉ

Mme Martine Aurillac - Ma question ne sera pas plus caricaturale que celle de mon collègue Pierre Morange puisque si la sienne concernait la défense de notre jeunesse, la mienne concerne celle de nos enfants.

Une halte-garderie associative a dû fermer dans le VIIe arrondissement en raison de sa contamination par des radiations ionisantes, causant des difficultés à plusieurs dizaines de familles qui n'ont pas d'autres moyens de garde et que la mairie s'efforce depuis d'aider.

Le contrôle qui a conduit à cette fermeture faisait suite à un contrôle opéré en septembre 1998, lequel avait révélé des signes d'une radioactivité anormale. Il apparaît certes que même dans la salle des grands, la plus touchée, le danger serait presque nul. Il n'en reste pas moins que des milliers d'enfants ont fréquenté cet établissement de grande qualité.

Les contrôles en question sont effectués par l'OPRI, qui dépend des ministères chargés de la santé et de l'environnement. Or, celui-ci s'est déclaré « débordé ». J'espère, Madame la ministre, que vous nous apporterez aujourd'hui une réponse plus satisfaisante et pas trop caricaturale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Comment se fait-il que l'on ait attendu deux ans, de 1998 à 2000, pour faire les vérifications nécessaires alors même qu'il s'agissait de la santé de nos enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - En effet, des mesures de radioactivité ont été effectuées par l'Office de protection contre les rayonnements ionisants dans un immeuble privé de ce VIIe arrondissement de Paris que vous connaissez bien, immeuble qui abrite une halte-garderie gérée par une association.

L'OPRI est intervenu en préalable à des travaux de dépollution rendus nécessaires par l'histoire de ce site, sur lequel du radium a été manipulé au début du siècle. Un premier contrôle, effectué en septembre 1998 dans les parties communes de l'immeuble, avait fait apparaître la contamination d'une canalisation isolée dans une cave. Des assurances avaient alors été données par les propriétaires et la direction de l'établissement, faisant état d'une reconfiguration complète des locaux dans les étages supérieurs au cours des vingt dernières années. Ces travaux avaient dû être contrôlés par la DDASS de Paris puisque celle-ci avait donné son agrément pour l'ouverture de l'établissement.

Instruction avait alors été donnée aux propriétaires d'interdire l'accès à cette canalisation, ce qui a été fait, et d'engager des travaux d'assainissement. C'est à l'occasion de ceux-ci, engagés dernièrement, qu'ont été mises en évidence des zones de radioactivité anormales dans la halte-garderie. D'après les premières mesures et les calculs de l'OPRI, on estime que les enfants et le personnel ont pu recevoir en une année une dose équivalant à deux ou trois radiographies du poumon, niveau qui est généralement considéré comme n'ayant pas de conséquence sanitaire.

J'ai décidé toutefois, au vu de ces constatations et de l'émotion qu'elles ont suscitée, de fermer la halte-garderie. Un numéro vert d'information a été mis à la disposition des personnes intéressées dès le vendredi. Et comme vous le savez puisque vous étiez présente, les parents ont été reçus longuement à mon ministère mardi soir.

Un comité de pilotage animé par la DGS et par les représentants des parents veillera à la bonne mise en _uvre des actions qui s'avèrent nécessaires, notamment celles d'assainissement. L'établissement restera fermé pendant les travaux. Je compte donc sur votre coopération, Madame le maire, pour répondre aux attentes des parents concernés en ce qui concerne la garde de leurs enfants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DIRECTEURS D'ÉCOLES

M. Guy Teissier - Ma question devrait recueillir l'assentiment du plus grand nombre puisqu'elle concerne les directeurs d'écoles et qu'il y a en a sur tous ces bancs.

Les enseignants qui assument ces responsabilités sont les premiers interlocuteurs des parents d'élèves, des élus locaux et des intervenants sociaux. L'ouverture de l'école sur l'extérieur exige d'eux toujours plus de disponibilité mais leurs perspectives de carrière et leur traitement ne suivent pas en due proportion. Le ministère leur demande d'être à la fois des gestionnaires, des innovateurs en matière de pédagogie et des médiateurs sociaux. Et l'on voit les cas de mise en cause judiciaire de leur responsabilité personnelle se multiplier.

Tout cela explique que les candidats à ces postes ne soient pas très nombreux et que beaucoup de postes restent durablement vacants. Une réforme de fond s'impose donc et j'ai déposé à cet effet une proposition de loi. Votre prédécesseur, Monsieur le ministre, se disait conscient du problème mais il n'a pris en la matière aucune décision notable. Quelles sont donc vos intentions à ce sujet ? Comptez-vous déposer un projet de loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale - Nous pouvons tous vous remercier d'appeler l'attention de l'Assemblée et du Gouvernement sur les fonctions de directeur d'école, en effet très importantes. Par l'intermédiaire de leurs représentants, que j'ai reçus, je sais qu'il nous faut régler en particulier le problème de leur responsabilité et de leur protection juridique.

La question que vous posez pourrait d'ailleurs être étendue à l'ensemble des chefs d'établissements -lycées et collèges. Aussi avons-nous engagé avec les organisations qui les représentent des pourparlers en vue d'une amélioration de leur statut et de leurs conditions de travail. Je pense que dans les prochaines semaines, nous aboutirons à des propositions leur assurant plus de sécurité et une meilleure carrière.

Pour en revenir aux directeurs d'école (« Ah ! »sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) je tiens à préciser, puisque vous avez parlé de postes non pourvus, qu'il n'est pas une école en France qui n'ait un directeur à sa tête. Il n'y a en réalité que 10 % de postes de directeur non pourvus, c'est-à-dire non occupés par des titulaires.

Toute une série de mesures sont donc mises au point pour rendre ces fonctions plus attractives à la fois dans les communes rurales -par exemple, en assurant aux intéressés de bonnes conditions de logement- et dans les plus grandes communes -en systématisant les décharges d'enseignement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SERVICE PUBLIC POSTAL

M. Georges Sarre - En ce moment même, la Commission de Bruxelles étudie une nouvelle directive de libéralisation de la poste. La dernière, qui remonte à 1997, définit le service universel postal en retrait de la conception française du service public. Le nouveau projet consiste à ouvrir à la concurrence le secteur des lettres de plus de 50 grammes, le courrier international sortant, la publicité adressée, soit 27 % des activités actuellement sous monopole.

Or une étude montre que dans un marché totalement libéralisé, les usagers résidant en zone rurale auraient à payer quatre fois plus que les clients professionnels. Il s'agit donc clairement d'une nouvelle offensive contre le service public postal.

Accepter l'évolution proposée par Bruxelles, c'est accepter la dégradation des comptes de l'opérateur national et donc celle de la qualité du service ; c'est aussi attenter à l'égalité des citoyens et porter un coup fatal à la péréquation. Comment le Gouvernement compte-t-il empêcher cette dérive ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Le Gouvernement juge les propositions de la Commission de Bruxelles à l'aune de son projet politique pour une Europe des citoyens et de la cohésion sociale. Cela signifie que le Gouvernement n'acceptera pas de remise en cause du service public (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste), il proposera au contraire un renforcement du service universel par des contre-propositions précises sur les services accessibles aux populations les plus défavorisées, la densité de la présence postale sur tout le territoire, la mise en place d'un service postal européen.

Cela signifie aussi que le Gouvernement n'accepte pas la remise en cause du fait que de larges secteurs soient réservés à La Poste. En effet, le monopole qu'elle exerce sur ces secteurs lui permet d'assurer ses missions de service public au même prix sur tout le territoire.

Toute proposition de libéralisation totale serait donc inacceptable, même à lointaine échéance, comme le serait toute proposition revenant au même, par exemple par une définition du monopole tellement floue qu'elle permettrait tous les contournements.

Le combat sera difficile mais nous sommes déterminés et nous savons que nous bénéficions des soutiens de l'Assemblée, des postiers et de l'opinion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

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RETRAIT ISRAÉLIEN DU SUD LIBAN

M. Gérard Bapt - Ma question s'adresse au Premier ministre.

L'évacuation du Sud Liban par Israël est aujourd'hui une réalité : la résolution 425, vieille de vingt-deux ans, a été appliquée en 48 heures. L'application de la résolution 426, qui incombe au Conseil de sécurité, notamment au travers du mandat de la FINUL, reste d'actualité. On peut à ce propos regretter que le Conseil de sécurité ait été une fois de plus surpris par un événement attendu.

Cet événement suscitait au demeurant de graves inquiétudes, dont vous avez fait état, Monsieur le Premier ministre, et après vous les ministres des affaires étrangères et de la défense. Hier soir, le Président de la République a appelé la Syrie à la plus grande retenue.

Mais jusqu'ici, ce que l'on craignait semble avoir été évité, même si l'on peut regretter que l'armée libanaise ne soit pas encore présente dans les territoires libérés. Le problème de la pacification de la frontière israélo-libanaise reste cependant posé. Ayant appliqué la résolution 425, Israël a en effet droit à une absolue sécurité sur la frontière internationalement reconnue. Cette sécurité doit être garantie par le Conseil de sécurité de l'ONU. L'évacuation survient dans un contexte de grande incertitude sur le processus de paix, avec la crise des relations israélo-palestiniennes et le blocage des négociations israélo-syriennes. En ce qui concerne le Liban, l'application de la résolution 425 ouvre le dossier de celle de la résolution 520, qui prévoit le retour à la seule responsabilité libanaise de la paix civile. Le moment est venu du désarmement des milices et du retrait des troupes syriennes (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe du RPR et du groupe DL), de la restauration de la souveraineté libanaise et du droit du peuple libanais à décider de ses propres affaires dans le cadre démocratique de son choix. Quelle est l'appréciation du Gouvernement sur la situation ? Quel rôle jouera la France dans la période nouvelle et délicate qui s'ouvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV, du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Les événements se sont précipités depuis lundi. L'allégement du dispositif militaire israélien, entamé en prévision de son retrait définitif, a entraîné l'effondrement de l'Armée du Liban Sud. En moins de quarante-huit heures, à mesure que s'opérait le retrait israélien, le Hezbollah a pris le contrôle de presque toute l'ancienne zone de sécurité. La plupart des combattants de l'ALS se sont rendus au Hezbollah et au mouvement Amal, et les cent cinquante prisonniers de Khiam ont été libérés. Il ne semble pas y avoir eu d'exactions et les pertes humaines ont été limitées.

L'initiative appartient maintenant aux Nations unies. A New York, le Conseil de sécurité a approuvé hier le premier rapport du secrétaire général sur le rôle à venir de l'organisation. Il relève des points positifs, qui semblent traduire la volonté des parties concernées de coopérer pour mettre en _uvre les résolutions 425 et 426. Mais certains aspects doivent être clarifiés, dans la perspective de la certification du retrait israélien par le secrétaire général de l'ONU. L'envoyé spécial des Nations unies, M. Roed Larsen, est donc reparti hier soir dans la région.

Aujourd'hui toutes les options restent ouvertes. Quand le secrétaire général de l'ONU aura certifié que le retrait israélien est bien conforme aux exigences de la résolution 425, la question se posera d'un éventuel redéploiement de la FINUL, au prix d'un renforcement qui reste à définir, pour compléter son mandat qui est, je le rappelle, d'aider le gouvernement libanais à restaurer son autorité effective dans la région. Avant que notre pays s'engage dans cette voie, nous examinerons la situation sur le terrain et les garanties que les parties en présence sont prêtes à donner, notamment sur la sécurité des forces de l'ONU -comportant éventuellement des forces françaises-, ainsi que les engagements du gouvernement libanais, en particulier sur le déploiement de l'armée libanaise. Comme l'a dit ce matin M. Védrine, si la FINUL doit être redéployée, ce ne peut être à nos yeux que pour une période très courte, et à seule fin d'aider l'Etat libanais à restaurer son autorité dans la région. La France est particulièrement active. Elle ne peut que se réjouir du retrait israélien, que la communauté internationale réclamait depuis plus de vingt ans. Mais nous aurions préféré qu'il s'effectuât dans le cadre d'un accord de paix global entre la Syrie, Israël et le Liban. Une fois obtenus la certification du retrait, nous sommes prêts à prendre nos responsabilités au sein des forces des Nations unies, pour autant que l'organisation aura obtenu un engagement concret d'Israël, de la Syrie et du Liban, et des garanties de sécurité indispensables.

C'est ce message que le Président de la République, qui s'est entretenu avec les principaux responsables de la région, et le Gouvernement, en particulier le ministre des affaires étrangères, qui rencontre aujourd'hui Mme Madeleine Allbright, répétant à toutes les parties de ce conflit, que nous appelons à la plus grande mesure. Si toutes les conditions sont remplies, M. Jofi Annan sait qu'il peut compter sur la détermination de la France à s'engager pour une paix durable dans la région, sur la base d'un accord global de paix entre toutes les parties. Nous soutiendrons l'évolution du processus de paix dans toutes ses dimensions, et nous souhaitons notamment qu'il avance plus rapidement entre Israéliens et Palestiniens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste).

Plusieurs députés UDF - Et la Syrie ?

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SERVICE PUBLIC POSTAL

M. François Brottes - Je ne me contenterai pas, Monsieur le ministre de l'industrie, de vous demander qui a déclaré récemment dans la presse que la lutte pour le service universel était un combat d'arrière-garde. On le sait en effet : il s'agit de M. Bolkestein, commissaire européen en charge du secteur postal, qui n'a qu'une obsession, casser les postes nationales et démenteler le service public. Vous nous avez déjà répondu sur vos objectifs ; mais quels moyens devons-nous nous donner, sur la plupart des bancs de cette assemblée comme au Gouvernement et à la Présidence de la République, pour que les trois cent mille postiers sachent sur qui ils peuvent compter, et pour que les Français soit assurés que le facteur continuera de sonner à leur porte plusieurs fois par semaine, où qu'ils habitent sur le territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - En effet il ne s'agit pas d'un combat d'arrière-garde, mais d'un combat essentiel à notre vision de la construction européenne. Pourquoi, et pour qui ? D'abord pour les postiers, qui sont 1,7 million en Europe et 306 000 en France, et qui savent quels dégâts pour l'emploi résulterait de l'option « tout-libéral » que certains veulent faire prévaloir au sein de la Commission. Ils peuvent compter sur la fermeté du Gouvernement pour défendre le service public. Mais ce débat est aussi important pour les citoyens, car la poste est un facteur de présence quotidienne, qui permet de communiquer vite, avec sécurité, et pour le même prix sur tout le territoire. Elle assure seule la présence du service public dans certaines zones, et constitue parfois le seul contact avec le système bancaire pour les plus isolés et les plus défavorisés.

Ce qu'attendent les Français, et beaucoup d'Européens, ce n'est pas la remise en cause de la présence postale territoriale et de la tarification unique, facteur de cohésion sociale. C'est un service public de qualité, sans cesse enrichi, et à l'écoute des plus défavorisés. L'Europe doit le proposer, et la France prendra des initiatives en ce sens. Nous avons déjà le soutien de certains pays, et de dix postes européennes qui se sont regroupées pour exprimer une vision convergente avec la nôtre. Nous mobilisons nos partenaires, et de nombreux députés au Parlement européen. Notre vision sera certes difficile à faire prévaloir, mais nous le ferons avec une grande détermination, pour un service public de qualité auquel tous les habitants de l'Europe ont droit (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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SITES CONTAMINÉS À PARIS

Mme Michèle Rivasi - Madame la ministre de la santé, vous avez déjà été interrogée sur la halte-garderie du VIIe arrondissement de Paris ; mais je souhaite élargir la question au problème du droit à l'information, et au dysfonctionnement des expertises officielles. Cette halte-garderie est sur un site qu'occupait au début du siècle la Société française des applications du radium. En 1996 l'ANDRA a été informée par l'association Robin des Bois des problèmes que posait ce lieu, mais n'a rien fait avant 1998. L'OFPRI a alors procédé à des mesures dans les sous-sols, mais non là où se trouvent les enfants ; et il a fallu attendre mai 2000 pour que l'Office décide la fermeture de l'établissement. Madame la ministre, qui a donné l'autorisation d'implanter une halte-garderie dans un bâtiment qui avait abrité une usine de conditionnement du radium ? Pourquoi, alors que l'information a été donnée en 1996 aux pouvoirs publics, a-t-il fallu deux ans pour que l'OFPRI procède à une première expertise, incomplète, et deux ans de plus pour décider la fermeture ? La CRIIRAD, qui a procédé à une contre-expertise, ne comprend pas que la contamination du premier étage -où étaient les enfants- n'ait pas été décelée dès la première expertise, tant l'irradiation était manifeste. D'autre part quarante-huit sites similaires ont été identifiés en 1998 dans Paris intra-muros ; cinq présentaient des anomalies, dont la halte-garderie de la rue Chomel. Pouvez-vous nous assurer que ce bilan est fiable, et que les quatre autres sites seront traités ? Enfin comment faire pour que de telles situations ne se renouvellent pas ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - Cette halte-garderie est gérée par une association privée qui fonctionne depuis 1978, et a obtenu depuis cette époque l'agrément de la Protection maternelle et infantile et de la Ville de Paris (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Elle est contrôlée régulièrement par les services de la Ville de Paris et de la Préfecture de la Seine, à qui toute modification des conditions d'agrément est soumise. Aucune donnée historique ne permettait alors de pressentir l'existence en ce lieu d'une usine de conditionnement du radium. L'OFPRI n'a eu connaissance de ce site, comme des autres, qu'en 1998. Elle a alors prescrit une inspection. Mais l'inspection des étages consacrés aux activités sociales depuis 1938 n'a pas eu lieu, en raison du caractère privé des locaux et du refus des propriétaires. Toutefois la visite de la cave a fait apparaître la contamination d'une canalisation. La décontamination étant programmée, l'OFPRI est intervenu le 18 mai 2000 pour évaluer les quantités de matière à évacuer grâce à des mesures de radioactivité sur tout le parcours des canalisations. Dès que les résultats ont été connus, la direction de l'OFPRI a établi un protocole de contrôle systématique, qui est en cours de réalisation (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les prélèvements et analyses effectués par l'OFPRI sont communiqués au fur et à mesure à la Direction générale de la santé, assortis de recommandations.

Sur un total de 43 sites, 27 ne présentent aucune trace de radioactivité, 5, dont celui de la rue Chomel, ont été signalés et une dizaine n'ont pu être contrôlés par suite du refus des propriétaires. Nous allons engager des procédures autoritaires pour pouvoir les vérifier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

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TRANSFERT DE L'ÉCOLE INTERARMÉES DE SPORT

M. Hubert Grimault - Je voudrais d'abord exprimer mon regret que le Premier ministre ait opposé un silence appuyé à nos interrogations sur l'occupation du Liban par la Syrie (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Ma question s'adresse au ministre de la défense. L'école interarmées de sport a été créée à Fontainebleau en 1967 pour centraliser la formation des moniteurs de sport des armées, mais aussi l'entraînement des sportifs de haut niveau. Elle compte 50 ha d'équipements sportifs, deux piscines, cinq salles de sport, de multiples terrains de plein air et un centre médical de haut niveau. Les 80 millions d'investissements réalisés les dernières années permettent d'y accueillir plus de mille personnes à la fois.

Certes la réduction drastique des crédits militaires et l'arrêt de la conscription imposent des restrictions importantes. Mais le transfert onéreux à Brest, où rien n'est prévu (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), de la formation des moniteurs des armées suscite des interrogations. En outre, la rumeur court que le site de Fontainebleau serait cédé à un groupe commercial style Decathlon (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Qu'en est-il exactement ?

On s'interroge également sur le sort du camp des Loges à Saint-Germain-en-Laye : on dit qu'une cession au PSG serait à l'étude.

A l'heure où la France est candidate pour accueillir les Jeux olympiques en 2008, ne conviendrait-il pas de transférer à Fontainebleau l'INSEP et les UER-STAPS, actuellement à l'étroit dans leurs locaux ?

Fontainebleau pourrait ainsi devenir la Silicon Valley du sport en France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Mme Buffet plaidera en ce sens auprès de vous, je l'espère. Monsieur le ministre, qu'allez-vous décider ?

M. Alain Richard, ministre de la défense - Si la réorganisation du système de santé des armées et en cours, ce n'est absolument pas par manque de crédits, mais parce que ses missions ont changé. Quand la conscription était la règle, il était d'intérêt public que les jeunes conscrits déjà sportifs de haut niveau parachèvent leur entraînement à l'armée. Dans deux ans, il n'y aura plus de conscription et je pense que personne n'envisage qu'on la maintienne pour les seuls sportifs de haut niveau ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La responsabilité du service interarmées des sports va donc être désormais de maintenir l'entraînement des sportifs de haut niveau dans les 7 ou 8 disciplines militaires -au lieu de 55 disciplines actuellement- et de poursuivre la formation des moniteurs d'éducation physique des armées. Cela exige des installations beaucoup moins importantes.

Compte tenu des restructurations qui ont affecté la région de Brest, il a paru équitable -et les représentants des collectivités locales de Seine-et-Marne en conviennent- d'y localiser ce service.

Se pose alors la question de la meilleure utilisation du site de Fontainebleau. Comme il a été financé avec l'argent des contribuables, il convient d'être très vigilant à cet égard (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Nous discutons actuellement aussi bien d'une utilisation par des structures publiques que d'une utilisation privée -vous savez que le financement privé joue un grand rôle aujourd'hui dans le sport de haut niveau (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Les deux solutions sont ouvertes.

Quant au camp des Loges, je considère qu'il est de ma responsabilité de le maintenir sous contrôle public, comme les autres infrastructures militaires situées au pourtour des grandes villes, et ceci par esprit de prévoyance. Il n'est donc pas question de le céder (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mme Jacqueline Fraysse - Pour la première fois depuis 1985, le régime général de la sécurité sociale est en équilibre et un excédent est annoncé pour 2000. C'est une bonne nouvelle, compte tenu des besoins non satisfaits : revalorisation des allocations familiales, des retraites, du budget des hôpitaux, des prestations maladie, etc.

Madame la ministre, vous avez annoncé hier un meilleur remboursement des lunettes, des soins dentaires, des prothèses auditives et des thérapies coûteuses pour maladies graves, l'achat de 94 appareils IRM et des améliorations pour les retraités et les handicapés.

Nous prenons acte avec satisfaction de ces engagements. Mais ils ne pourront être financés par les seuls excédents actuels. Il faut donc poursuivre la réforme structurelle du financement de la protection sociale. Envisagez-vous de mettre à contribution les revenus des placements financiers des grandes entreprises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Comme vous, je me réjouis de l'excédent de la sécurité sociale, qui sera de 13,5 milliards en 2000 ; 8,5 milliards seront affectés au fonds de réserve des retraites et nous devons continuer à améliorer les prestations ; les mesures que j'ai annoncées hier sont déjà intégrées dans le plan pour l'an 2000.

Il faut aller plus loin. L'application du protocole signé avec les personnels hospitaliers coûtera 10,5 milliards en trois ans.

Nous devons également améliorer les retraites et le remboursement des lunettes, des prothèses auditives et des soins dentaires.

Nous le ferons avec le souci d'éviter toute dépense inutile, notamment en matière de médicaments, et je continuerai à demander une gestion rigoureuse des hôpitaux et des prescriptions.

En ce qui concerne le financement de la sécurité sociale, son assiette a été élargie par la réforme de la CSG et la contribution de 2 % : au total 25 milliards de francs ont été prélevés sur les capitaux, alors que les cotisations sur le travail ont été abaissées pour favoriser l'emploi. Les résultats sont là : 144 000 emplois ont été créés au 1er trimestre et 40 % des entreprises de plus de 10 salariés sont déjà passées aux 35 heures.

Faut-il aller plus loin ? Je propose que la préparation de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale soit l'occasion de faire un premier bilan et d'envisager éventuellement de nouvelles mesures (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SITUATION AU PROCHE-ORIENT

M. Michel Vaxès - L'évolution de la situation en Cisjordanie et à Gaza, les manifestations endeuillées par la mort de six jeunes Palestiniens, le retrait positif, mais précipité, des forces israéliennes du Sud-Liban ont accru de façon inquiétante les tensions au Proche-Orient et le processus de paix est dans l'impasse.

En février dernier, le Premier ministre rappelait à juste titre qu'il revenait aux Israéliens de faire les efforts les plus importants pour relancer ce processus.

Quelles initiatives diplomatiques avez-vous prises pour contribuer à la reprise des négociations et pour mobiliser la communauté internationale, en particulier l'Union européenne et l'ONU, afin d'_uvrer à la réalisation des conditions politiques d'un accord de paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Les tensions politiques et militaires sont en effet très fortes en ce moment dans la région. La France n'est pas directement partie au processus de paix mais elle entend bien sûr rester très présente, afin d'_uvrer à l'élaboration d'une paix globale, juste et durable. Elle cherchera à mettre à profit sa présidence de l'Union européenne pour renforcer le rôle de l'Europe dans ce processus.

Au sujet du Sud Liban, je ne puis rien ajouter à la réponse très précise du Premier ministre. Je me contenterai de souligner comme lui que les différentes autorités françaises entretiennent des contacts avec les responsables politiques de la région. Nous avons notamment reçu tout dernièrement les ministres israélien et syrien des affaires étrangères.

En Cisjordanie et à Gaza, la situation semble redevenir plus calme, après les incidents dramatiques de la semaine dernière. Nous espérons que le transfert de territoires à l'autorité palestinienne pourra bientôt reprendre. Nous espérons aussi que la suspension des pourparlers entre Israël et les Palestiniens, ou plus exactement le rappel, pour consultation, de ses négociateurs par Israël, sera provisoire.

Lundi dernier, le Conseil des affaires générales de l'Union européenne a déploré le regain de tension. Il a lancé un appel à l'autorité palestinienne et à Israël, qui doivent faire preuve de courage et d'un esprit de compromis pour parvenir à conclure leurs négociations. Le Gouvernement se reconnaît parfaitement dans cette prise de position des Quinze, à laquelle il a d'ailleurs fortement contribué. Soyez assuré qu'il ne ménagera pas ses efforts auprès de toutes les parties en faveur du processus de paix (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de Mme Catala.

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

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PRESTATION COMPENSATOIRE EN MATIÈRE DE DIVORCE
(deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - A l'heure où cette proposition de loi revient devant votre Assemblée en seconde lecture, je constate avec satisfaction que les principes dégagés par la réforme font l'unanimité entre les deux chambres ; je veux souligner la part prise par votre rapporteur, Alain Vidalies, dans cette réussite et l'en remercier. Je ne puis que me réjouir d'un tel consensus, qui montre que les questions relatives au droit de la famille peuvent transcender les clivages partisans et je suis persuadée qu'à l'issue de cette lecture, un accord en commission mixte paritaire permettra l'adoption rapide de ce texte.

La proposition de loi traduit le souci de trouver un équilibre entre les droits des débiteurs et ceux des créanciers, qui ne doivent pas, par l'effet d'une réforme trop radicale, se trouver démunis et lésés. Il ne faudrait pas que, par un mouvement de balancier brutal, une nouvelle injustice succède à celle qui existe aujourd'hui et dont témoignent de nombreux courriers dont je suis saisie, qui sont autant de reflets de situations humaines et familiales douloureuses, voire dramatiques.

Cet équilibre se traduit par quelques principes forts dont je voudrais rappeler l'économie.

En premier lieu, les rentes, qu'elles soient antérieures ou postérieures à l'entrée en vigueur de la loi, pourront désormais être révisées en cas de changement important dans la situation des parties. Le départ en retraite, le chômage du débiteur ou l'amélioration substantielle des ressources du créancier ne seront plus ignorés par le droit. Les blocages nés de l'application de la loi seront ainsi levés.

Le Sénat a introduit deux facteurs de souplesse supplémentaires. D'une part, il sera possible de suspendre temporairement le versement de la rente ; d'autre part, les versements pourront en cas de révision être modulés par périodes successives dans la limite de l'enveloppe globale initialement fixée. Votre commission des lois a repris ce mécanisme intéressant.

Deuxième principe : la prééminence donnée au versement en capital. La proposition de loi comporte sur ce point des mesures pragmatiques et précises.

Comme je m'y étais engagée devant vous lors de la première lecture, le Gouvernement a proposé au Sénat un dispositif fiscal incitatif pour le paiement en capital tout en tenant compte des modalités de versement que vous aviez adoptées. La Haute assemblée s'y est ralliée. Il existera désormais deux régimes fiscaux distincts en fonction de l'échelonnement des paiements. Lorsque ceux-ci seront effectués en moins de douze mois, le débiteur bénéficiera d'une réduction d'impôt pouvant aller jusqu'à 50 000 francs. S'ils s'étalent entre douze mois et huit ans, ils seront déduits intégralement des revenus du débiteur et en contrepartie déclarés par le créancier. Votre commission des lois approuve ce dispositif.

Troisième avancée : la limitation drastique des rentes viagères, lesquelles sont assurément la raison principale du malaise actuel. Désormais, les rentes seront exceptionnelles, subordonnées à l'impossibilité pour le créancier, en raison de sa situation personnelle, de subvenir à ses besoins. Votre commission approuve cette précision judicieuse apportée par le Sénat.

Reste un dernier point d'équilibre touchant à la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers du débiteur, question sensible.

Certains souhaitent que le versement de la prestation cesse définitivement au décès du débiteur. Nos débats ont en effet mis en lumière des situations insupportables. Mais il serait inadmissible de laisser brutalement le créancier sans ressources si la rente qu'il percevait constituait sa seule source de revenu.

Le texte que vous examinez concilie les intérêts contradictoires des deux parties. Conformément au droit commun des successions, la transmissibilité de la prestation, comme de toute dette, est maintenue.

Les héritiers du débiteur pourront toutefois en demander la révision lorsque le décès de celui-ci entraîne une modification importante des situations en présence. En outre, la pension de réversion éventuellement perçue par le créancier viendra en déduction de la rente.

Votre commission s'est interrogée sur la différence de régime entre les rentes attribuées après l'entrée en vigueur de la loi, pour lesquelles la déduction sera automatique, et celles qui lui sont antérieures. Pour ces dernières, il paraît difficile de transposer la même solution qui, par son caractère abrupt, remettrait en cause des droits acquis alors que la prestation a pu être fixée en tenant compte de la pension de réversion. C'est pourquoi j'ai déposé en première lecture un amendement, que vous avez voté, laissant au juge le soin d'apprécier, à la demande des héritiers du débiteur, l'opportunité de déduire éventuellement cette pension. Il aurait été possible, de prévoir une déduction automatique sauf au créancier à saisir le juge. Votre commission était tentée de s'orienter en ce sens, mais la mise en _uvre technique de cette solution aurait soulevé des difficultés, dans la mesure où le créancier peut ne pas savoir quels héritiers assigner. Aussi je crois plus prudent de maintenir le texte en l'état et je remercie la commission et son rapporteur de s'être ralliés à ce point de vue.

Au cours des navettes successives, le texte s'est enrichi. Les amendements techniques proposés par votre commission amélioreront encore la lisibilité du dispositif. Nous pouvons tous être satisfaits du travail accompli qui est de nature à répondre aux difficultés actuelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe UDF).

M. Alain Vidalies, rapporteur de la commission des lois - La deuxième lecture par le Sénat de cette proposition de loi apporte deux enseignements majeurs. D'une part, la Haute assemblée a accepté l'architecture du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. D'autre part, le Gouvernement a présenté devant elle un dispositif fiscal très positif qui conforte nos propositions.

Nous avions en première lecture, décidé de renforcer le principe du paiement en capital, éventuellement payable en huit ans, sans possibilité de révision du montant lui-même, seules les modalités de versement pouvant être modifiées en cas de changement notable dans la situation du débiteur. Nous avions retenu le principe que les rentes viagères ne pourraient résulter que d'une décision spécialement motivée en raison de l'âge et de l'état de santé du créancier. Le Sénat a rajouté : « ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins ». Nous approuvons cette précision.

Les prestations compensatoires sous forme de rentes viagères pourront être révisées uniquement à la baisse, supprimées ou suspendues, cette dernière précision utilement ajoutée par le Sénat, en cas de changements importants dans les ressources et les besoins des parties.

L'assouplissement des conditions de révision des rentes est le dispositif le plus attendu par les justiciables, confrontés à la rigueur de l'interprétation de la notion d' « exceptionnelle gravité » dans le droit positif et à l'impossibilité de prendre en compte l'amélioration de la situation du créancier.

Cette action sera ouverte au débiteur ou à ses héritiers tant pour les rentes futures que pour les rentes en cours. Au surplus, pour les rentes futures, au décès du débiteur, la pension de réversion sera de plein droit déduite de la rente. J'aurais souhaité que cette déduction s'applique également automatiquement aux rentes payées par les héritiers à la date de la publication de la loi.

Il aurait été préférable de permettre au créancier de saisir le juge pour demander le maintien total ou partiel du cumul. On a retenu la logique inverse, à savoir que les héritiers du débiteur pourront seulement saisir le juge pour demander la suppression de ce cumul.

Les commissions des lois des deux assemblées avaient adopté un amendement conforme à mes v_ux mais qui a été, dans les deux cas, rejeté, si bien que l'article 6, adopté dans une rédaction conforme, ne sera plus examiné.

Le débat sur la transmissibilité a suscité de nombreuses interventions, parfois virulentes, auprès des parlementaires. Le Sénat, comme l'Assemblée, a décidé de ne pas remettre en question ce principe. La prestation compensatoire a un caractère indemnitaire et ne relève pas de l'obligation alimentaire comme la pension alimentaire d'avant 1975. La loi ne peut à la fois reconnaître ce caractère indemnitaire pour exclure la révision à la hausse et considérer qu'il s'agit d'une obligation alimentaire s'éteignant avec le décès du débiteur.

Si on retenait le principe de la non transmissibilité, il faudrait revenir comme avant 1975 à une pension alimentaire certes non transmissible mais révisable, à tout moment, à la hausse ou à la baisse, du vivant du débiteur. Cette solution a suscité à l'époque les plus vives protestations de la part des débiteurs qui, à juste titre, jugeaient intolérable de pouvoir se voir réclamer une augmentation de la pension, parfois des décennies après le jugement de divorce.

A ces arguments juridiques s'ajoutent des considérations d'équité. Imaginons un homme marié pendant 25 ans, astreint à verser une prestation compensatoire, qui se remarie puis décède quelques années après. S'il disposait d'un certain patrimoine, il serait inacceptable que la première épouse se retrouve sans ressources et à la charge de la société du fait de la non transmissibilité de la prestation compensatoire.

Il n'est donc pas souhaitable de revenir sur la transmissibilité de la rente d'autant que plusieurs dispositions du texte en atténuent la rigueur. Si, au décès de l'homme que j'ai pris en exemple, la première épouse bénéficie d'une pension de réversion, celle-ci viendra automatiquement en déduction de la prestation versée par les héritiers. En pratique, cela aboutira à supprimer ou à diminuer considérablement la plupart des rentes viagères.

Par ailleurs, si au moment du décès, les héritiers se trouvent eux-mêmes dans une situation matérielle difficile, ils pourront désormais demander soit la révision des modalités de paiement du solde du capital, soit la suppression ou la révision à la baisse de la rente viagère. Si la situation du créancier s'est améliorée, ils pourront également demander la révision ou la suppression de la rente.

Certains héritiers, victimes du principe de la non-révision des rentes, sont aujourd'hui dans une situation qui a justifié l'examen de la présente proposition de loi. Je souhaite qu'ils comprennent que le principe inverse présente les mêmes défauts et pourrait aboutir à des situations tout aussi inacceptables.

Il est dangereux de vouloir répondre à des situations extrêmement diverses par des principes intangibles. Ceux qui en ont fait la douloureuse expérience depuis 1975 doivent reconnaître que cela vaut également pour les autres. Votre commission vous propose en conséquence de confirmer la rédaction précédemment retenue par les deux assemblées.

Le Gouvernement a proposé devant le Sénat un dispositif fiscal d'accompagnement que nous avions tous appelé de nos v_ux en soulignant unanimement qu'il était un préalable indispensable à cette réforme.

Nous sommes donc, Madame la ministre, tout à fait satisfaits sur ce point. Ayant été acteur de la négociation, je remercie aussi le ministère des finances qui n'a fait preuve d'aucune restriction. Ainsi, les versements échelonnés du capital, au-delà de 12 mois et jusqu'à 8 ans, seront déductibles des revenus du débiteur dans les mêmes conditions que les rentes actuelles. C'est la disposition essentielle qui assure la cohérence du nouveau régime. Le Gouvernement a accepté de renforcer cette logique en proposant pour la première fois une réduction d'impôt sur le revenu de 25 % du capital versé, dans la limite de 200 000 F, soit une réduction d'impôt maximale de 50 000 F, pour ceux qui paieront le capital en moins de 12 mois.

Les travaux de votre commission ne permettent pas d'aboutir à un vote conforme en raison de quelques amendements de précision et d'une difficulté relative au principe de non-intégration de la capitalisation de la rente dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune. Nous ne pouvons approuver cette précision apportée par le Sénat. Mais les conditions d'un accord entre les deux assemblées existe. Nous pouvons espérer, avec le concours du Gouvernement, que le calendrier que nous nous étions fixé sera respecté, à savoir que la loi sera votée avant le 1er juillet 2000.

La principale association qui militait pour la réforme de la prestation compensatoire a reconnu dans une déclaration publique les avancées importantes du texte dont je vous propose l'adoption. Il s'agit d'une réforme indispensable. Je souhaite que nos débats et nos votes en deuxième lecture marquent à nouveau notre volonté unanime d'aboutir rapidement à cette réforme tant attendue dans le respect des principes juridiques et d'équité qui s'imposent, dès lors que nous légiférons sur une question qui touche à la vie personnelle.

Une loi juste et comprise par tous, c'est l'objectif naturel du législateur. C'est en tout cas celui que je vous propose d'atteindre par nos travaux en deuxième lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

Mme Véronique Neiertz - La première lecture nous avait permis de jeter les bases d'une réforme simple et concrète de la prestation compensatoire. Guidés par le souci de ne pas faire succéder une nouvelle injustice à celle générée par le versement d'une rente viagère non révisable, en application de la loi de 1975, nous avions posé le principe du remplacement de cette rente viagère par un versement en capital.

Après cette première lecture, nous avons reçu beaucoup de courrier, essentiellement sur la transmissibilité de cette rente aux héritiers. Le rapporteur a donc bien fait d'expliquer pourquoi nous avons maintenu ce mécanisme. Nous l'avons cependant modulé par la possibilité de réviser la prestation compensatoire et par l'interdiction, à compter du 1er janvier 2001, du cumul d'une prestation compensatoire et d'une pension de réversion.

Je tiens maintenant à vous féliciter, Madame la Garde des Sceaux, d'un succès sans lequel notre réforme serait probablement restée lettre morte. Vous avez en effet obtenu du ministère des finances -il faudra nous donner la recette pour d'autres réformes (Sourires)- un mécanisme de déduction fiscale qui incitera vraiment les intéressés à verser la prestation compensatoire sous forme de capital plutôt que de rente viagère.

Nous vous l'avions demandé, vous avez comblé nos espoirs, je vous en félicite.

Nous n'aurons donc pas travaillé pour rien. Cette réforme, qui ouvre le grand chantier de la refonte du droit de la famille, aura des conséquences tout à fait concrètes aussi bien pour les situations existantes que celles qui se produiront dans l'avenir. Je me réjouis que les efforts de tous aient permis d'aboutir à ce résultat. Encore une fois, Madame la ministre, je vous remercie et j'espère que le texte fera l'objet d'un vote unanime. Je serai en tout cas particulièrement heureuse de le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Emile Blessig - Nous sommes tous d'accord pour considérer qu'il était nécessaire et urgent de réformer la prestation compensatoire, compte tenu des dérives apparues au cours de vingt ans d'application de la loi de 1975 et des situations difficiles constatées ici ou là.

Les principaux axes de la réforme que nous avons entreprise sont : le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital, la possibilité donnée au juge d'adapter à la situation les modalités de versement -qui peut être étalé sur huit ans- et de réviser la prestation compensatoire. Pour ce qui est de l'harmonisation fiscale, je vous remercie à mon tour, Madame la Garde des Sceaux, et voudrais signaler qu'une fois n'est pas coutume, c'est un amendement de l'opposition que la commission a retenu pour progresser dans le sens voulu.

A titre exceptionnel, la prestation compensatoire pourra, sur décision motivée, être maintenue sous forme de rente viagère, en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier.

Toutes ces dispositions ont suscité cependant quelques interrogations, tant chez les débiteurs que chez les créanciers. Les premiers s'inquiètent de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers -je m'associe à ce sujet à ce qui a été dit précédemment- et de la non prise en compte, en cas de révision, des sommes déjà versées. Les seconds se sentent marginalisés par les médias et peu écoutés par les parlementaires et les formations politiques.

Cela a amené le groupe UDF à proposer quelques améliorations du texte, étant entendu cependant qu'un texte à la recherche d'un juste équilibre ne peut pas satisfaire également toutes les parties.

La transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers est la conséquence du caractère indemnitaire de cette prestation. C'est ce même fondement indemnitaire qui impose une réflexion sur la détermination du préjudice déjà indemnisé au moment de la révision. Le groupe UDF défendra donc un amendement précisant que la révision doit se faire en tenant compte des sommes déjà versées.

Le souci légitime de réparer les injustices qui ont pu apparaître en 25 ans d'application de la loi de 1975 ne doit par ailleurs pas conduire à fragiliser la situation d'ex-épouses qui, après avoir consacré leur vie à leur foyer, sont privées de toute perspective de retrouver un travail. C'est pourquoi nous proposerons de subordonner toute révision du montant de la prestation et des modalités de versement à un changement à la fois notable et imprévu de la situation du débiteur. Nous entendons par là empêcher certains d'organiser leur insolvabilité.

Nous défendrons aussi un amendement tendant à ce qu'au moment de la fixation ou de la révision de la prestation compensatoire, les deux parties certifient sur l'honneur qu'elles ont bien déclaré avec exactitude leurs ressources, leurs revenus et leurs conditions de vie. Il s'agit par là d'empêcher la dissimulation de certaines ressources, bien difficile à prouver pour la partie lésée. Je remercie la commission d'avoir bien voulu faire sienne cette proposition.

Nous défendrons aussi un amendement tendant à ce que la partie demandant la révision de la prestation compensatoire ou la substitution d'un capital à une rente établisse que la situation de l'autre partie le permet sans bouleversement de ses conditions de vie.

Telles sont les améliorations que nous souhaitons apporter, étant entendu qu'il serait de toute façon illusoire de croire que ce texte va régler définitivement tous les problèmes. La réparation des injustices constitue en effet une tâche toujours à recommencer (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Alain Tourret - La loi de 1975 a été progressivement privée des bases sur lesquelles elle se fondait, par les professionnels du droit, magistrats et avocats. Par facilité, ils optaient, dans leurs décisions comme dans les conventions préparées lors des divorces par requête conjointe, pour des rentes souvent illimitées. Profondément influencés par la pratique des pensions alimentaires dues pour l'entretien des enfants, ils n'avaient pas admis le caractère indemnitaire de la prestation, qui aurait dû être fixée en capital, mais ne l'était plus que par exception.

Le présent projet entend mettre fin aux déviations de ces dernières années. La prestation compensatoire n'est pas une pension alimentaire révisable à tout moment, à la baisse comme à la hausse, comme avant 1975, et comme cela continue d'exister dans le cadre du devoir de secours que prévoit la procédure de séparation de corps et de biens. Ce n'est pas non plus une rente, révisable seulement en cas de changement exceptionnel dans la situation du débiteur. C'est désormais un système mixte : un capital d'abord, fixé par le juge, ce qui limitera évidemment son montant. On ne se demande pas en effet à quel montant en capital équivaut une pension alimentaire de 3 000 francs par mois, indexée, versée à une femme de trente-cinq ans : cela fait plus de 1,2 million... Or une condamnation à payer un capital d'un tel montant est rarissime, alors qu'une pension alimentaire de 3 000 francs est chose courante devant nos tribunaux.

Le paiement de ce capital par mensualités ne pourra, sauf exception, dépasser huit années. La révision n'appartient qu'au débiteur, qui pourra à tout moment se libérer du solde du capital. Le projet maintient la transmissibilité aux héritiers et, par exception, le principe d'une rente en raison de l'âge et de l'état de santé de l'ex-époux.

Le projet, considérablement amélioré par l'Assemblée, l'a aussi été par le Sénat, et M. le rapporteur a exposé avec talent les apports des uns et des autres, qui en font un texte véritablement novateur. Le juge devra -c'est un apport du Sénat- tenir compte de la qualification professionnelle des époux, ainsi que de l'existence de pensions de réversion qui seront déduites. Le Sénat a admis d'autre part dans certains cas la suspension du paiement de la prestation, et élargi la possibilité pour le juge d'en réviser le montant.

Grâce au Gouvernement et à Mme la Garde des Sceaux, un volet fiscal est enfin adopté, dont les modalités sont particulièrement heureuses et je m'associe, Madame la ministre, au concert de louanges qui vous est adressé. Ce nouveau texte est globalement acceptable ; s'il n'est pas adopté en l'état, il le sera certainement en CMP. Notre assemblée répondra ainsi aux commentaires de certains professeurs de droit, comme M. Bénabent, qui ont cherché -mais en vain- à rendre illisible le texte proposé. A l'évidence les articles parus ces dernières semaines dans le Dalloz et la Gazette du Palais étaient tout sauf innocents, et guère inspirés par la volonté de faire du droit... A moins qu'on refuse de prendre en compte la situation de certaines femmes créancières de la prestation. Notre rapporteur l'a dit avec force : « La loi ne peut à la fois reconnaître le caractère indemnitaire de la prestation compensatoire, exclure la révision à la hausse et considérer qu'il s'agit d'une obligation alimentaire qui s'éteindrait avec le décès du débiteur ». Cette phrase résume les trois critères de la loi, qui se répondent mutuellement sans qu'on puisse en éliminer un. Nous approuvons donc ce projet équilibré, qui devra être voté dans les meilleurs délais, tant certaines situations sont devenues inacceptables (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Estrosi - Je me félicite, au nom du groupe RPR, que cette réforme arrive enfin dans sa phase finale. Après son adoption en première lecture au Sénat, le 23 février 1998, il aura fallu patienter deux ans pour que votre gouvernement inscrive à l'ordre du jour prioritaire de notre assemblée ce texte, pourtant réclamé par des dizaines de milliers de personnes. Et c'est avec satisfaction que je constate l'apparition d'un consensus sur ce sujet, source pourtant de passions et de polémiques. Le débat parlementaire a permis d'aboutir à des dispositions qui apporteront beaucoup aux quelque quatre cent mille personnes concernées.

L'application faite par le juge de la loi de 1975 avait entraîné des conséquences sociales dramatiques pour les familles, déjà confrontées aux déchirements du divorce. Les juges n'hésitaient pas à condamner lourdement ceux qui ne pouvaient honorer leur dette, du fait d'un changement dans leur situation : période de chômage, baisse temporaire des revenus ou décès. De tels cas n'étaient certes pas les plus fréquents, mais les témoignages de ceux qui les ont vécus ont suffi à faire naître le sentiment d'une injustice. Ajoutons à cela l'évolution de la société, la recomposition de la famille, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le surendettement croissant, et l'on aboutit à des situations véritablement insupportables. D'où cette proposition de loi. Je regrette simplement que les deux années perdues aient permis l'apparition de nouvelles situations difficiles.

Bien sûr, cette loi n'entend pas tout régler, mais elle constitue une avancée considérable, dans le respect des finalités de la loi de 1975 : remédier aux inégalités économiques des époux à la suite d'un divorce, et assurer une réparation financière au conjoint le plus démuni. Nos débats ont permis, et je m'en réjouis, de rétablir un équilibre entre les droits du débiteur et ceux du créancier, lesquels furent souvent mis à mal par la jurisprudence.

Réaffirmer le principe d'un versement en capital était sans conteste un pas nécessaire. Mais l'effectivité de la réforme exigeait des mesures incitatives au versement de ce capital. C'est en effet une inégalité fiscale qui expliquait la préférence donnée à la rente : le débiteur préférait déduire une rente plutôt que se délester d'un capital non déductible. Le Sénat a donc introduit, dans le dispositif d'avantages fiscaux, le versement de ladite prestation sous forme de capital. Il faut s'en réjouir, et sans doute le versement d'un capital sera désormais préféré à la rente.

Le second point important est la possibilité de procéder à une révision de la rente viagère, lors de changements substantiels de la situation des ex-époux. Depuis plus de vingt ans, la loi de 1975 faisait l'objet de la part des juges d'une application restrictive et sévère. Nous avons tous été sensibles aux témoignages de personnes emprisonnées ou ruinées, faute de pouvoir s'acquitter de leur dette, à la suite d'une baisse de revenu, d'une période de chômage ou d'autres aléas de la vie. De telles situations, humainement intolérables, ne doivent plus se produire. Désormais, la révision du montant de la rente viagère sera rendue possible « en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties », et elle sera ouverte tant au débiteur qu'à ses héritiers. Nous passons donc d'un système rigide et injuste à un dispositif beaucoup plus souple, qui prend en compte les situations de chacun.

Si cette loi, à laquelle le groupe RPR est favorable, vient résoudre des situations humaines inacceptables, une grande liberté est cependant laissée au juge dans l'interprétation de certaines dispositions. Ainsi l'article premier pose des critères pour déterminer le montant du capital ou de la rente, sans fixer un montant, fut-il approximatif, c'est-à-dire un barème. Certains souhaiteraient la création d'une telle échelle de réparation, comme il peut en exister une pour la fixation d'un pretium doloris.

Le groupe RPR votera ce texte, qui va dans le bon sens. Je souhaite que le mécanisme de la prestation compensatoire ainsi modifié permette de résoudre les difficultés que connaissent les juges et les parties. Nous regrettons seulement, Madame la ministre, que vous vous soyez évertuée en vain à vouloir proposer une grande loi sur la famille, faisant ainsi perdre un temps précieux au législateur, mais surtout aux dizaines de milliers de familles qui attendaient la prise en compte de leurs attentes (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Bernard Outin - La présente réforme est d'autant plus nécessaire et urgente que l'application de la loi du 11 juillet 1975 a produit nombre de drames et d'injustices. Loin de moi toutefois l'idée de remettre en cause la décision du législateur de 1975. A l'époque, plus de 40 % des femmes entre 25 et 44 ans se consacraient, comme on dit, à leur vie de famille, et ne disposaient d'aucun revenu propre, faute d'activité professionnelle. Il semblait donc légitime de prévoir un dispositif permettant de maintenir une certaine égalité dans les revenus des deux ex-conjoints après leur divorce. Aujourd'hui, le contexte économique et social a changé. L'application stricte du mécanisme de 1975, avec notamment la quasi-impossibilité de réviser la prestation compensatoire versée sous forme de rente, a fait que des débirentiers, en nombre important, n'ont pu honorer leur engagement pour différentes raisons : chômage, retraite, baisse brutale de leurs revenus, et se sont trouvés confrontés à des situations inextricables, voire aberrantes.

Les députés communistes ne peuvent que se féliciter du travail sérieux des deux chambres. Les quelque 400 000 familles concernées attendent du législateur qu'il engage les réformes qui s'imposent pour tenir compte des réalités actuelles. Des avancées sérieuses permettront d'améliorer la situation des futurs divorcés. Mais nous devons _uvrer pour que le nombre des prestations compensatoires baisse, en réduisant les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes. Beaucoup de chemin reste à faire en ce domaine : on sait que les femmes sont le plus durement touchées par le chômage, le temps partiel contraint, la précarité, les bas salaires, alors que la charge de la famille monoparentale est le plus souvent assurée par la mère. On ne peut ignorer cette réalité sociale en discutant du sujet d'aujourd'hui.

La proposition de loi réaffirme le principe du versement d'un capital en accompagnant ce dispositif de mesures fiscales incitatives et elle assouplit fortement les possibilités de révision des rentes viagères. Elle rompt ainsi avec la pratique actuelle, où, dans plus de 80 % de cas, la prestation prend la forme d'une rente mensuelle fixe, faute pour le débiteur de pouvoir verser une somme importante en une seule fois. Au final il aura versé le double, le triple ou le quadruple de ce capital.

Les cas où le débiteur ne pourra verser la prestation en capital devraient devenir exceptionnels et les possibilités de révision seront plus larges. Nous souhaitons, pour notre part, aller plus loin et envisager l'extinction de la prestation en cas de remariage, de concubinage notoire ou de conclusion d'un PACS par le créancier ou la créancière. Revient-il au débiteur de subvenir aux besoins financiers du couple nouvellement formé par son ex-femme ?

Nous aurions également souhaité que soit affirmé le principe de non-transmissibilité de cette rente, sauf s'il en résultait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour les créanciers.

En ce qui concerne les dispositions transitoires, je persiste à penser que nous sommes restés au milieu du gué. Certes la révision ou la suspension des rentes viagères attribuées avant cette loi ou leur remplacement par un capital pourra être demandé, mais à quel prix ? Les tribunaux, déjà encombrés, risquent d'être assaillis de demandes de révision et ces procédures entraîneront des frais supplémentaires pour les parties concernées. Comment les débirentiers vivront-ils cette nouvelle source de conflit avec leur ex-conjoint ? Ne pourrait-on envisager de supprimer la prestation en cas de remariage, concubinage notoire ou conclusion d'un PACS ? D'autre part, contrairement à ce qui se passera pour les futures prestations compensatoires, la pension de réversion ne sera pas déduite automatiquement des rentes en cours : c'est injuste et nous souhaitons que cette disposition soit supprimée.

Enfin ne peut-on inventer un mécanisme permettant de substituer un capital à une rente en cours, en tenant compte du trop-versé du fait de l'impossibilité de révision jusqu'alors ?

Les débiteurs d'hier ne sont pas pleinement satisfaits aujourd'hui. Pourtant, c'est grâce à leur mobilisation et à leurs propositions qu'un consensus a pu être trouvé au sein de nos assemblées sur ce sujet délicat.

Je reste optimiste : nous saurons trouver d'ici la lecture définitive un dispositif équitable pour toutes les parties concernées (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Claude Goasguen - Ce débat ne suscitera pas de grandes envolées de l'opposition car nous sommes maintenant parvenus à un point d'équilibre et c'est positif.

La prestation compensatoire devait être réformée. Nous sommes tous interpellés, dans nos permanences, sur des situations dramatiques et parfois ubuesques. La presse n'est pas non plus avare d'exemples d'injustices frappantes. De grands quotidiens titraient récemment : « la fin d'une assurance-vie » « la fin d'un système expiatoire » etc.

La prestation compensatoire dans sa forme actuelle fait une quasi-unanimité contre elle. Certains parlent de véritable cauchemar pour la deuxième épouse et les enfants du premier lit, voire du deuxième, lorsqu'ils prennent conscience qu'ils devront payer pendant des années une personne qu'ils n'ont parfois jamais vue. D'autres se considèrent comme des condamnés à perpétuité.

Incontestablement le caractère intangible de la prestation compensatoire a créé des situations intolérables et un sentiment d'injustice d'autant plus fort que les temps ont changé. Des débirentiers chômeurs, retraités ou malades voient la majeure partie de leurs revenus engloutie dans le versement d'une rente à leur ex-épouse qui, pourtant, gagne sa vie ou s'est remariée.

Cette formule ne correspond plus ni à nos modes de vie actuels ni à l'évolution des mentalités car elle est contradictoire avec la recherche de l'égalité des sexes qui gouverne nos réformes. Au départ, la prestation compensatoire semblait une bonne formule. Mais le problème, c'est que la rente se substituant au capital n'est pas révisable à la baisse, même si la situation du créancier s'améliore ou si celle du débiteur se dégrade.

Aujourd'hui la constitution d'un capital important n'est plus une mission impossible grâce à l'évolution du système bancaire. Il convient donc de réaffirmer avec force le principe d'un versement de la prestation en capital, la rente devenant exceptionnelle. C'est chose faite dans ce texte et je sais gré au Gouvernement d'avoir tenu ses engagements et aligné le régime fiscal de ce capital sur celui d'une rente, en prévoyant une réduction d'impôt pour le débirentier et un étalement de l'imposition pour le créancier.

Ce texte constitue donc une avancée incontestable. Je relève cependant quelques imperfections, qui pourront être effacées au cours de ce débat car j'ai senti de la part du rapporteur et des députés de la bonne volonté à cet égard. Première imperfection, le maintien de la transmissibilité de la dette aux héritiers. Comment expliquer aux enfants du premier et surtout du second lit qu'ils doivent s'acquitter de la prestation compensatoire et cela même si le créancier s'est remarié ou vit en concubinage notoire ?

En ce qui concerne les pensions de réversion, n'est-il pas choquant de ne pas appliquer aux rentes en cours les mêmes règles qu'aux rentes à venir, même s'il est vrai que cela pose un problème juridique ?

Puisqu'il reste encore une lecture, je souhaite que des initiatives soient prises pour améliorer le texte et que le Gouvernement tienne compte des propositions des parlementaires pour essayer de gommer les injustices les plus flagrantes. Je sais que ce v_u est largement partagé dans cette assemblée. On voit bien que ce système vit ses derniers jours et que dans quelques décennies, peut-être dans quelques années, la prestation en capital sera devenue le droit commun et la rente viagère l'exception.

Parce que ce texte constitue incontestablement un progrès, le groupe Démocratie libérale, qui soutiendra quelques amendements, le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

La discussion générale est close.

Mme la Garde des Sceaux - Je me réjouis du consensus qui se manifeste en faveur de cette réforme. Il était nécessaire de modifier le régime de la prestation compensatoire institué en 1975, mais il fallait évidemment, ce faisant, veiller à ne pas créer de nouvelles injustices. Vous êtes parvenus à un équilibre, que j'approuve, étant entendu que, même si nous travaillons ardemment à l'égalité effective entre les hommes et les femmes, le fait que celle-ci ne soit pas encore atteinte rend nécessaire l'existence d'une prestation compensatoire.

Nous avons tous bon espoir que la CMP entérine l'accord auquel vous avez abouti et que cette réforme puisse être votée définitivement avant le 1er juillet. Monsieur Estrosi, si j'avais voulu attendre la réforme du droit de la famille, je n'aurais pas demandé au Gouvernement d'inscrire ce texte à l'ordre du jour... Il fallait néanmoins, bien sûr, avoir une vision d'ensemble.

Mme Neiertz, le rapporteur, ainsi que M. Blessig, ont bien voulu souligner l'importance de l'effort fiscal du Gouvernement. L'engagement personnel de ma collègue Florence Parly, dont j'avais appelé l'attention sur ce sujet, a permis d'aboutir à ce résultat et je m'en réjouis (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme la Présidente - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

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AVANT L'ARTICLE PREMIER A

M. Emile Blessig - Mon amendement 14 rectifié tend à faire obligation aux parties, lors de la discussion de la prestation compensatoire ou à l'occasion d'une procédure de révision, de fournir au juge une déclaration sur l'honneur certifiant l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoines et conditions de vie. Cela facilitera le travail du juge, accélérera les choses et responsabilisera les parties.

M. le Rapporteur - La commission a approuvé l'initiative de M. Blessig et accepté son amendement, qui a été rectifié après sa discussion ce matin.

Mme la Garde des Sceaux - Je comprends l'esprit de cet amendement, destiné à s'assurer que le contenu des pièces produites n'est pas mensonger, sous peine d'engager la responsabilité des parties. C'est là un principe général. Vaut-il mieux le préciser ? Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 14 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article premier A, mis aux voix, est adopté.

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ARTICLE PREMIER

M. Emile Blessig - La retraite devenant, du fait de l'allongement de l'espérance de vie, le premier actif des ménages, mon collègue Charles de Courson propose, par son amendement 13, d'instituer un système de versement direct d'une partie des avantages vieillesse au profit de l'ex-conjoint créancier d'une prestation compensatoire. Ce système existe dans certains pays européens.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais j'y suis défavorable à titre personnel. Il tend à généraliser la procédure de paiement direct, dont on ne fait usage que si le débiteur n'a pas rempli spontanément ses obligations. Cela ne me paraît pas souhaitable, d'autant plus qu'il faudra alors faire de même pour les pensions alimentaires.

Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable. Notre débat porte sur l'assouplissement du régime de révision de la prestation compensatoire et non sur la modification des règles du code de la sécurité sociale en matière d'assurance vieillesse.

L'amendement 13, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

L'article premier bis A, mis aux voix, est adopté.

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ARTICLE PREMIER QUATER

M. Emile Blessig - Mon amendement 15, conformément aux recommandations de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, tend à subordonner la révision des modalités de paiement à un changement non seulement « notable » mais « imprévu » de la situation du débiteur. Il s'agit d'éviter l'insolvabilité organisée, même si je ne méconnais pas la difficulté de cerner la prévisibilité.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, toute la difficulté étant en effet de distinguer ce qui était prévisible de ce qui ne l'était pas.

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement s'était interrogé sur ce critère d'imprévisibilité mais avait finalement décidé de l'abandonner car il est très difficile à manier. Avis défavorable, donc.

Mme Véronique Neiertz - Je remercie M. Blessig de l'attention qu'il porte aux v_ux de la délégation aux droits des femmes... Je comprends son souci mais l'introduction du mot « imprévu » ne me semble pas de nature à empêcher la dissimulation. Elle serait même dangereuse car elle pourrait se retourner contre les intéressés auxquels ont ferait valoir que tel changement de situation du débiteur n'avait rien d'imprévu.

L'amendement 15, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier quater, mis aux voix, est adopté.

L'article premier quinquies, mis aux voix, est adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

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ART. 2 BIS

M. François Guillaume - L'amendement 7 est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable. Cet amendement reprend le principe de non transmissibilité et nous y sommes défavorables pour l'ensemble des raisons que j'ai déjà eu l'occasion de rappeler.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. Il n'y a pas de raison de déroger au droit commun des successions dès lors que les héritiers du débiteur peuvent renoncer à la succession ou demander la révision de la prestation.

L'amendement 7, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Houillon - L'amendement 9 est défendu.

M. le Rapporteur - L'amendement prévoit d'appliquer le principe de non transmissibilité, sauf cas d'exceptionnelle gravité pour le créancier. Cette rédaction ne prend pas en considération la situation des héritiers. Nous proposons, nous, qu'il en soit tenu compte et qu'ils aient la possibilité de demander la révision de la prestation si leur situation matérielle s'est détériorée. Défavorable, donc.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis que la commission.

L'amendement 9, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 1 est rédactionnel.

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 2 est également d'ordre rédactionnel. Il permet d'envisager les situations où plusieurs pensions de réversion sont en jeu.

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - En deuxième lecture, le Sénat a précisé que le montant de la pension de réversion continue d'être déduit de la prestation compensatoire si le versement de la pension de réversion cesse, en cas de remariage ou de concubinage notoire. Compte tenu de la diversité des régimes de retraites et de pensions, il paraît préférable de ne pas énumérer de manière limitative les différentes hypothèses susceptibles d'entraîner la perte de la pension de réversion dont bénéficie le créancier. Tel est l'objet de l'amendement 3 de la commission.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 bis, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 2 BIS

M. François Guillaume - Mes amendements 5 et 6 procèdent de la même intention en ce qu'ils visent à réparer l'injustice qui frappe les ex-femmes d'agricultures, qui ont participé souvent au même titre que leur ex-conjoint à la vie de l'exploitation, mais qui ne bénéficient jamais de pensions de retraite comparables. Elles ne peuvent en effet prétendre qu'au versement d'une retraite de base, alors que leur conjoint peut percevoir une retraite proportionnelle et, s'il a cotisé en ce sens, une retraite complémentaire.

Mon amendement 5 vise à les rendre bénéficiaires d'une partie de la retraite proportionnelle que perçoit leur ex-mari et mon amendement 6 tend à leur ouvrir la possibilité de bénéficier d'une retraite complémentaire.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements qui ne s'inscrivent pas dans le champ du présent projet. Les dispositions proposées visent en effet à réformer les régimes de retraite et il ne peut être question d'en traiter dans le cadre de la révision de la prestation compensatoire en matière de divorce, qui relève d'une tout autre logique.

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement n'est pas insensible aux difficultés que peuvent rencontrer les conjoints collaborateurs dans le secteur de l'agriculture mais cette question n'a pas sa place dans ce débat. Les propositions en ce sens pourront être formulées lorsque le Gouvernement présentera au Parlement son rapport sur l'application de la loi d'orientation agricole du 12 juillet dernier.

J'invite donc M. Guillaume à retirer ses amendements.

M. François Guillaume - Je retire l'amendement 6 qui porte sur les pensions de retraite complémentaire facultative mais je ne puis que maintenir l'amendement 5. La co-exploitante divorcée doit pouvoir bénéficier d'une partie de la retraite proportionnelle versée à son ex-mari ; dans le régime actuel, elle est injustement privée du fruit de son travail. Il faut y remédier car le statut de conjoint collaborateur, s'il voit le jour, ne s'appliquera pas aux retraitées actuelles qui ne touchent qu'un revenu de misère.

L'amendement 5, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ART. 2 TER A

M. Emile Blessig - Je retire mon amendement 16.

L'amendement 16 est retiré.

M. Emile Blessig - L'amendement 17 tend notamment à donner au créancier la possibilité d'introduire une action en révision lorsque le juge a accordé une suspension de la rente viagère. Il tend également à préciser les modalités de révision ; le juge fixera en capital le montant résiduel de la prestation compensatoire en se situant à la date de la demande de révision, compte tenu des sommes déjà versées au titre de cette prestation.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement qui nuirait à la cohérence d'ensemble du texte en y introduisant la possibilité d'une action à l'initiative du créancier. Nous avons retenu le principe qu'il ne pourrait y avoir de révision qu'à la baisse, et à l'initiative du débiteur ou de ses héritiers. Cette nouvelle précision serait donc très dangereuse.

Quant à la deuxième partie de l'amendement, nous en avons déjà longuement débattu en première lecture. Si nous adoptions son texte, la rente ne serait finalement qu'un versement par anticipation du capital, ce que nous ne voulons pas.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis que le rapporteur.

M. Emile Blessig - En cas de suspension des versements, il faudra bien à un moment donné les relancer. Que se passera-t-il en cas de carence ? Mon amendement visait seulement à remédier à cette difficulté.

L'amendement 17, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2 ter A, mis aux voix, est adopté.

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ART. 2 TER B

M. Emile Blessig - Je retire mon amendement 18.

L'amendement 18 est retiré.

L'article 2 ter B, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 sexies, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 2 septies.

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APRÈS L'ART. 2 SEPTIES

M. le Rapporteur - L'amendement 22, qui n'a pas été examiné par la commission, est de coordination. Il tend à prendre en compte également le divorce pour rupture de la vie commune, que nous avions jusqu'à présent oublié.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

L'amendement 22, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 octies, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 2 nonies et 2 decies.

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ART. 2 UNDECIES

M. le Rapporteur - L'amendement 4 tend à supprimer cet article qui exclut la valeur de capitalisation des rentes viagères perçues au titre d'une prestation compensatoire du patrimoine du bénéficiaire entrant dans le champ de l'ISF.

Le Sénat vise-t-il d'ailleurs la capitalisation issue de la transformation de la rente en capital ou la valeur théorique capitalisée de la rente ? Je m'interroge étant donné la place envisagée pour cette disposition dans le code général des impôts. Elle y ferait suite à un article qui exclut la valeur de capitalisation des rentes, qu'il était indispensable de prendre à la suite de la loi Badinter de 1985 relative aux accidents de la circulation. Celle-ci fait en effet obligation au juge de fixer la valeur du capital même lorsqu'il retient le principe d'une indemnisation sous forme de rente. Mais en l'espèce, il s'agit de rentes viagères pour lesquelles il n'existe aucune valeur de capitalisation et aucun contribuable ne s'est jamais vu assujetti à l'ISF, au motif que l'ensemble du capital perçu sous forme de rente atteindrait le seuil.

Le Sénat paraît donc plutôt viser la capitalisation issue de la transformation de la rente en capital. Or, une telle disposition ouvrirait une brèche, permettant de frauder notamment en cas de divorce sur requête conjointe. Les créanciers susceptibles d'être assujettis à l'ISF auraient tout intérêt à percevoir leur prestation compensatoire sous forme de rente puis de lui substituer un capital.

Je vous invite donc à supprimer cet article tout en reconnaissant qu'en élaborant ce texte, nous ne nous étions peut-être pas assez souciés du sort des malheureux que le versement d'une rente rendrait redevable de l'ISF !

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

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EXTRADITION DE SID AHMED REZALA

Mme la Garde des Sceaux - J'ai le plaisir de vous annoncer que le Tribunal suprême du Portugal a confirmé l'extradition de Sid Ahmed Rezala (Applaudissements sur tous les bancs).

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PRESTATION COMPENSATOIRE EN MATIÈRE DE DIVORCE
-deuxième lecture- (suite)

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ART. 2 UNDECIES (suite)

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté et l'article 2 undecies est ainsi supprimé.

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APRÈS L'ART. 2 UNDECIES

M. Philippe Houillon - L'amendement 12 est défendu.

L'amendement 12, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ART. 4

M. Emile Blessig - Etant donné que nous avons adopté le principe de la déclaration sur l'honneur des patrimoines, je retire mon amendement 19.

L'amendement 19 est retiré.

L'article 4, mis aux voix, est adopté.

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ART. 5

M. Emile Blessig - Je retire mes amendements 20 et 21.

Les amendements 20 et 21 sont retirés.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - A l'unanimité.

La séance, suspendue à 18 heures 10, est reprise à 18 heures 45.

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    PRÉSOMPTION D'INNOCENCE (CMP)

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Mme Christine Lazerges, rapporteuse de la commission mixte paritaire - Oui, ce texte qui réforme des pans entiers de notre procédure pénale, est historique et oui, la navette parlementaire a prouvé son utilité en nous permettant d'aller plus loin dans nos ambitions pour les victimes et les présumés innocents.

25 mars 1999-24 mai 2000 : le délai de gestation de ce grand texte peut être qualifié de « raisonnable » -le Parlement s'est appliqué les principes qu'il prévoit pour la procédure pénale- d'autant que ce projet est soutenu par nos deux assemblées : 36 heures de débats à l'Assemblée nationale et 38 au Sénat, 264 amendements adoptés par les députés et 222 par les sénateurs, une commission mixte paritaire a abouti, au terme de 10 heures de discussions, au texte commun qui vous est aujourd'hui soumis. On mesure avec plaisir le rôle des parlementaires dans l'élaboration de la loi pénale.

Au bout du compte, ce n'est pas une révolution de notre procédure pénale que le texte opère, mais c'est une modernisation profonde, au service des libertés, de la dignité des victimes et des personnes poursuivies. Je voudrais particulièrement insister sur trois axes de la réforme.

Le premier est l'affirmation des principes directeurs de la procédure pénale.

On a pu s'interroger sur la nécessité de répéter dans la loi ce qui figure déjà dans la déclaration des droits de l'homme de 1789, ou dans la Convention européenne des droits de l'homme. Cela s'est pourtant révélé indispensable dans un souci de pédagogie, de clarté et de cohérence, puisque le code de procédure civile contient une disposition analogue. Introduire les fondements même de la procédure pénale dans le code, c'est les insérer dans la pratique même des utilisateurs du code, comme autant de rappels insistants de la raison d'être de la procédure pénale.

La CMP a donc rappelé ces principes : équité, contradiction, séparation des autorités chargées de l'action publique et de jugement, égalité, information des victimes, présomption d'innocence, droits de la défense, proportionnalité, double degré de juridiction, dignité. Ce mot de dignité pourrait d'ailleurs résumer l'ensemble du texte : dignité pour tous, à toute étape, ce qui est bien le moins dans une société démocratique moderne.

Le deuxième est précisément la protection renforcée de la dignité des personnes. Et tout d'abord, celle des victimes. Il est à l'honneur de la gauche de leur restituer une place centrale dans le procès pénal. Elles devront désormais être systématiquement informées de leurs droits ; elles bénéficieront d'une procédure simplifiée pour se constituer partie civile ; enfin le rôle des associations d'aide aux victimes est désormais mieux reconnu.

Outre celui des victimes, c'est le statut de l'ensemble des acteurs du procès pénal qui est revisité. Il importait de rappeler que si le suspect est présumé innocent, à l'instar du témoin assisté et du mis en examen, le témoin simple est purement et simplement innocent. Aussi ce dernier ne pourra-t-il jamais faire l'objet d'une garde à vue. Il est déconcertant d'avoir encore à voter en l'an 2000 une telle disposition !

Pour ce qui est du témoin assisté, la recherche d'une solution médiane entre un champ personnel suffisamment large et des droits suffisamment protecteurs a conduit à trouver un équilibre satisfaisant en reprenant largement le texte adopté par l'Assemblée en deuxième lecture. Le statut de témoin assisté, moins stigmatisant que celui de mis en examen, doit devenir le statut de droit commun. Tel est le v_u clairement exprimé tant par le ministre de la justice que par les rapporteurs des deux chambres.

J'insiste sur le fait que cette clarification par la gradation des statuts a pour fin première de renforcer la présomption d'innocence, et de repousser dans le temps la décision de mise en examen.

Le régime de la garde à vue est lui aussi profondément modifié : droit à un entretien avec un avocat dès la première heure, droit d'être informé, droit d'être retenu « dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine ». Autre innovation majeure : l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue des mineurs. Son extension aux majeurs -que j'appelle de mes v_ux- pourra être assurée au bout d'un an d'application. Je rends hommage à la ténacité de ceux qui ont plaidé ici pour cette réforme à laquelle poussaient aussi les expériences étrangères, en particulier européennes et les valeurs de responsabilité, de transparence et de dignité. Saluons donc cette réforme et encourageons-la sans arrière-pensée !

Le statut du présumé innocent a conduit l'Assemblée et le Sénat à chercher un équilibre entre le droit à l'image et le droit à l'information. L'exercice a été délicat et marqué par le souci de préserver le premier, au civil comme au pénal. Mais cela ne saurait masquer la dépénalisation des délits de presse, sauf rare et légitime exception : plus de peine de prison pour un article ! La réforme est historique même si le risque n'était que théorique.

Troisième axe du projet : le double regard sur les décisions ayant trait à la liberté des personnes.

Il s'exerce d'abord sur la décision de mise en détention provisoire. Distinct du juge d'instruction, le « juge des libertés et de la détention », puisque tel est son nom à l'issue de la CMP, peut seul ordonner le placement en détention provisoire. Ce n'est pas sa seule mission, mais c'est la plus importante.

Ce principe du double regard nous a amenés aussi à prévoir l'appel des décisions des cours d'assises. Saluons le Sénat qui, dès la première lecture, a mis notre procédure pénale en conformité avec l'exigence élémentaire de justice qui est de pouvoir faire examiner sa condamnation par une autre juridiction. L'Assemblée nationale, en seconde lecture, a affiné le dispositif, qui a été adopté à l'unanimité.

La CMP n'a fait que modifier le nombre des jurés et admettre l'appel du parquet, ce qui paraît finalement raisonnable.

M. Alain Tourret - C'est regrettable !

Mme la Rapporteuse - Troisième déclinaison du principe du double regard : la juridictionnalisation des peines.

C'est l'Assemblée nationale qu'il faut saluer pour l'introduction d'un recours possible devant une instance judiciaire contre la plupart des décisions des juges d'application des peines. Là encore, l'unanimité s'est faite. Désormais, les décisions de semi-liberté ou suspension de peines seront prises par le juge d'application des peines à l'issue d'un débat contradictoire ; motivées, elles seront susceptibles d'appel.

Le Sénat a étendu les critères d'admission à la libération conditionnelle. Le texte de la CMP reprend ce dispositif. D'administratives, les décisions des juges de l'application des peines deviennent pleinement judiciaires pour la plupart d'entre elles.

En définitive, c'est bien toute la procédure pénale -de l'interpellation au terme de l'exécution de la peine- que ce projet révise de bout en bout.

Madame la ministre, c'est à une très grande réforme que votre excellent projet a conduit. Je vous remercie profondément d'avoir donné la possibilité aux parlementaires de se livrer à un travail passionnant depuis plus d'un an sur ce texte. Ce travail a abouti jeudi dernier au texte commun que la commission mixte paritaire a adopté à l'unanimité. Qui osera dire que la réforme de la justice n'a pas fait un fantastique bond en avant avec la loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes ? A l'aube du XXIe siècle, nous pouvons être fiers de notre procédure pénale. Il ne me reste qu'à souhaiter une mise en _uvre exemplaire de ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Je suis particulièrement heureuse que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord car une loi de cette ampleur méritait une large approbation.

Lors de ma communication en Conseil des ministres le 29 octobre 1997, j'avais annoncé une réforme pour une justice au service des citoyens, une justice au service des libertés, une justice indépendante et impartiale.

Le premier volet de cette réforme, qui concerne la justice du quotidien, a déjà donné lieu à deux lois, celle du 18 octobre 1998, relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits, et celle du 23 juin 1999, renforçant l'efficacité de la procédure pénale. Ces textes et les moyens très importants que le Gouvernement a dégagés depuis 1998 ont concouru à une justice plus proche de nos concitoyens, plus accessible et plus rapide.

Cette partie de la réforme se poursuit d'ailleurs avec la réforme des tribunaux de commerce et celle du droit de la famille.

Le deuxième volet de la réforme, pour une justice au service des libertés, est celui que vous allez parachever aujourd'hui. Le troisième volet doit mener à une justice indépendante et impartiale. Il a donné lieu à une première lecture, devant les deux assemblées, du projet de loi sur l'action publique en matière pénale. Il aurait dû donner lieu à l'adoption par le Congrès du projet relatif au Conseil supérieur de la magistrature. Vous connaissez les raisons qui empêchent actuellement ces projets d'aboutir. Je suis prête à poursuivre l'adoption de ce volet de la réforme dès que sera levé le blocage actuel, qui n'est le fait ni du Gouvernement ni de la majorité.

J'en viens à ce projet. Mais tout d'abord, je souhaite rendre hommage à la qualité du travail parlementaire et plus spécialement, dans cette enceinte, au travail accompli par le président Roman, et avant lui par Mme Tasca, ainsi que par la rapporteuse du projet, Mme Lazerges, et tous les membres de la commission mixte paritaire.

Les débats dans les deux assemblées ont été riches et constructifs et menés avec le souci d'aboutir ; ils ont permis de bâtir un accord sur un grand texte, équilibré, fondateur d'un renouveau de notre procédure pénale. Un grand texte, dis-je, car l'ampleur des sujets traités aurait pu justifier quatre grandes lois : une sur l'appel des décisions des cours d'assises, une sur la réforme de la libération conditionnelle, une sur le renforcement des droits des victimes, une enfin sur le renforcement de la présomption d'innocence. Reprenons ces différents chapitres.

J'avais annoncé en Conseil des ministres, le 29 octobre 1997, mon intention de mettre un terme à l'anachronique absence d'appel contre les décisions des cours d'assises. Il fallait que les accusés qui encourent les peines les plus sévères bénéficient d'une « seconde chance », comme c'est le cas dans les autres procès, y compris pour les personnes qui comparaissent pour des faits beaucoup plus anodins, par exemple devant le tribunal de police. Des affaires récentes l'ont montré : même en invoquant la souveraineté populaire s'exprimant par la voie du jury, il peut subsister un doute après le verdict. L'impossibilité de faire appel était dès lors une anomalie.

Toutefois, comme je l'avais indiqué à votre assemblée, je ne souhaitais pas engager cette réforme sans en avoir les moyens notamment humains. C'est pourquoi je n'ai pas été favorable au dispositif proposé par mon prédécesseur, trop coûteux en emplois par rapport au nombre de procès en cour d'assises pour lesquels une seconde chance paraissait nécessaire. J'ai préféré concentrer les augmentations d'effectifs que votre assemblée a bien voulu voter depuis trois ans, sur l'amélioration de la justice au quotidien. J'ai augmenté les moyens des cours et des tribunaux pour que la justice non seulement pénale mais aussi civile, sociale et commerciale, soit rendue plus rapidement.

Dans le même temps, j'ai demandé à mes services d'étudier le système de l'appel tournant. Le Parlement a été informé de l'état du dossier par un courrier que j'ai adressé à tous les députés et sénateurs le 13 décembre 1999. J'ai consulté plus spécialement ceux des parlementaires qui s'étaient particulièrement intéressés à cette réforme : outre les présidents de la commission des lois, je pense à M. Forni, à M. Tourret, à Mme Bredin, à M. Floch, à M. Albertini, et, je crois, aussi à M. Devedjian.

Grâce à trois excellents budgets, qui ont permis de créer 422 emplois de magistrats depuis le début de cette législature, et qui laissent augurer favorablement de l'exercice 2001, la réforme de la cour d'assises est maintenant possible. Désormais, les personnes condamnées pour crime pourront faire appel devant une autre cour d'assises, selon le dispositif dit « de l'appel tournant », une cour d'assises jugeant en appel ce qu'une autre a jugé en première instance. Ce droit d'appel sera également reconnu au ministère public et à la partie civile. La CMP a décidé que le jury de la cour d'assises d'appel comprendrait douze personnes au lieu de neuf jurés en première instance, ce qui confortera la légitimité de cette cour. Je me réjouis que le Parlement avec le Gouvernement, ait enfin réussi cette réforme historique.

Une autre réforme historique est celle de la libération conditionnelle. Elle s'inscrit dans un processus plus que centenaire, puisque la première loi sur la libération conditionnelle date du 18 août 1895. L'efficacité de la libération conditionnelle est prouvée pour la réinsertion des condamnés et la prévention de la récidive, et on le comprend aisément : la mesure est individualisée, accompagnée, et le détenu n'est pas simplement libéré sans contrôle comme dans le cas d'une grâce collective. Autour de la libération conditionnelle peut se construire un projet d'exécution de peine, qui donne un sens à la sanction.

Pourtant, depuis deux décennies, le nombre des libérations conditionnelles n'a cessé de décroître. Il faut y voir un effet du caractère plus répressif de notre société, que traduit l'allongement des peines prononcées. La libération conditionnelle présuppose en outre l'obtention d'un emploi, ce qui limite le nombre des dossiers éligibles. Enfin, la procédure d'instruction des demandes, administrative, voire bureaucratique, qui ne laisse aucune place au débat contradictoire et favorise la dilution des responsabilités entre plusieurs intervenants, n'est pas propice au développement de la libération conditionnelle.

J'avais annoncé, en particulier le 8 avril 1998 lors de ma communication en conseil des ministres sur la politique pénitentiaire, ma volonté de relancer le dispositif. Mais il y avait un préalable : la réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation. Il fallait qu'un même travailleur social assure le suivi d'un condamné en prison, puis après sa libération conditionnelle. Cette réforme a été menée à bien en avril 1999, ce qui ouvrait la voie à celle de la libération conditionnelle.

Comme je l'ai annoncé le 8 juillet 1999 au Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire, j'ai demandé à une commission présidée par M. Farge, conseiller à la Cour de cassation, d'étudier les moyens de relancer la libération conditionnelle. La commission a été constituée en septembre 1999. M. Farge m'a remis son rapport le 17 février 2000. A peine un mois et demi plus tard, l'essentiel de ses propositions a pu, à ma demande ou avec mon accord, être intégré dans le projet de loi, lors des deuxièmes lectures.

Deux mesures essentielles caractérisent la « nouvelle libération conditionnelle ». D'une part, les critères d'admission ont été élargis : la mesure ne sera plus réservée aux détenteurs d'un emploi, mais sera accessible à tous ceux qui font des efforts sérieux de réinsertion et présentent un projet d'apprentissage, de formation scolaire, de soutien essentiel à la vie familiale, voire de soins. D'autre part, la décision d'accorder ou de refuser la libération conditionnelle sera toujours prononcée par une juridiction, conformément aux propositions des rapports Farge et Canivet. Elle sera prise après débat contradictoire. Le condamné pourra être assisté d'un avocat et pourra interjeter appel s'il n'obtient pas satisfaction.

Je ne reviens pas sur le détail du dispositif arrêté à l'initiative de votre rapporteuse. Il a fait l'objet du consensus le plus large au sein des deux assemblées et il est conforme non seulement aux recommandations des rapports que je viens de citer, mais aussi aux souhaits exprimés par les juges de l'application des peines et les magistrats du Parquet. Je rappelle enfin qu'en liaison avec cette réforme, vous êtes invités à voter celle des mesures conduisant à la sortie durable de prison d'un condamné : semi-liberté, placement à l'extérieur, suspensions et fractionnement de pleine, placement sous surveillance électronique. Cet ensemble cohérent permettra une meilleure individualisation des peines et une meilleure prévention de la récidive.

J'en viens au renforcement des droits des victimes. Après la loi du 17 avril 1998 relative aux infractions sexuelles et à la protection des mineurs, ce texte est le second de cette législature qui traite des droits des victimes, mais cette fois-ci de toutes. Elles seront mieux accueillies, mieux écoutées, mieux protégées et mieux indemnisées. Pour l'essentiel, les mesures que j'ai proposées, enrichies par les deux assemblées, ont fait l'objet d'un large consensus, et ont été votées conformes sans venir alourdir l'ordre du jour de la commission mixte paritaire. C'est le cas des dispositions qui, aux différents stades de la procédure, obligent les autorités policières ou judiciaires à informer les victimes de leurs droits. C'est le cas des dispositions qui consacrent le rôle des associations d'aide aux victimes, facilitent les constitutions de partie civile à l'audience, ou élargissent les possibilités d'indemnisation des victimes. C'est aussi le cas de celles qui protègent la dignité de la victime d'un crime ou d'un délit et permettent de sanctionner, à sa demande, la reproduction de certaines images que ne justifie nullement la liberté de l'information. Il en va de même enfin des dispositions qui permettent à certaines associations de victimes de se constituer partie civile en cas d'infractions portant atteinte aux personnes qu'elles défendent.

Les droits des victimes sont également renforcés par des dispositions qui ne leur sont pas spécifiques, mais générales : le droit de mieux intervenir dans l'information ou dans le procès, de mieux bénéficier du principe contradictoire, de participer au contrôle de la durée des informations sont autant de progrès accomplis pour les victimes. Considérons donc maintenant ces améliorations apportées à la procédure pénale.

Vous allez décider d'une évolution sans précédent de notre droit. Tout en maintenant les principes directeurs qui fondent notre procédure, nous créons un nouvel équilibre, non pas pour plus d'accusatoire ou d'inquisitoire -ces deux systèmes dont chacun a ses mérites et ses inconvénients- mais pour plus de contradictoire. Les responsabilités des différents acteurs judiciaires, magistrats chargés de l'instruction ou du jugement, du siège ou du parquet, seront mieux définies et mieux réparties, pour une justice plus impartiale, plus efficace et plus respectueuse des droits de la défense.

Les dispositions concernant le déroulement de l'instruction préparatoire sont profondément modifiées. C'est tout d'abord la refonte complète du statut du témoin assisté, accessible à toute personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants. On peut en attendre une diminution du nombre des mises en examen, mesures stigmatisantes qui pourront être réservées aux personnes contre lesquelles sont réunis des indices graves et concordants.

La mise en examen elle-même est mieux précisée ; les conditions de fond et de forme de son prononcé sont renforcées. Elle interviendra après et non avant l'audition par le juge, de sorte que la personne puisse présenter en temps utile les arguments permettant éventuellement au magistrat de reconsidérer sa position.

Les droits de la défense des personnes mises en examen sont par ailleurs élargis, quant aux demandes d'actes, au choix de leur avocat. Ces droits sont étendus à toutes les parties au procès : ainsi les parties civiles pourront demander des actes, des confrontations, des expertises, perquisitions ou transports sur les lieux. Elles pourront, comme la personne mise en examen, demander que leur conseil assiste à ces actes, et interroger directement les témoins à l'audience.

Enfin un calendrier de procédure est institué. A l'expiration d'un délai d'un an pour les délits et de dix-huit mois pour les crimes, les personnes mises en examen, les témoins assistés et les parties civiles disposeront du même droit de demander des comptes sur la durée de l'information. Ainsi, la chambre d'accusation devenue chambre de l'instruction, pourra faire mieux respecter le principe du délai raisonnable.

Vous connaissez les importantes modifications apportées au régime de la garde à vue. Tout d'abord, les personnes gardées à vue -qui ne seront plus de simples témoins- pourront compter dès le début sur la présence d'un avocat, sauf infraction de criminalité organisée. Cette disposition aligne enfin notre pays sur la plupart des législations étrangères.

D'autre part, les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue feront l'objet d'un enregistrement audiovisuel. C'est une garantie nouvelle dont l'initiative revient à votre assemblée. Le texte adopté par la commission a le mérite de préciser le statut des enregistrements effectués, réservant leur utilisation à la phase préparatoire du procès. Un rapport devra être réalisé un an après l'entrée en vigueur de cette disposition pour faire le point sur cette innovation et envisager son extension aux majeurs. Je me réjouis que la CMP soit arrivée sur ce point à un compromis car les positions de départ étaient très éloignées.

Les dispositions relatives à la détention provisoire constituent un autre point fort de la loi.

La France, hélas, se distingue en Europe par le nombre et la durée des détentions provisoires. Aucune des réformes réalisées n'a donné les résultats escomptés. Les nouvelles dispositions marquent une rupture à deux égards. D'une part, les décisions en matière de détention sont confiées à un magistrat expérimenté, distinct du juge d'instruction : c'est la garantie du double regard, ce magistrat ne pouvant être soupçonné de prendre ses décisions en fonction d'une stricte logique d'enquête. D'autre part, les seuils minimums de placement en détention sont relevés, et la durée de la détention provisoire est limitée, même en matière criminelle.

La CMP a décidé que ce magistrat serait dénommé « juge des libertés et de la détention ». Je ne vois pas d'inconvénients à cette appellation. En cas de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, le préjudice subi du fait de la détention fera l'objet d'une indemnisation intégrale. Les décisions rendues dans ce domaine seront motivées, et susceptibles de recours.

Enfin l'image d'une personne menottée ne pourra être diffusée sans son consentement.

Après le succès de la CMP, nous pouvons dresser un bilan très positif de nos travaux : effectués de façon constructive, tant à l'Assemblée qu'au Sénat, ils ont permis d'enrichir ce texte ambitieux. Je vous en remercie. Ce texte constituera une étape capitale dans l'histoire de notre procédure pénale et permettra à notre pays de témoigner qu'il demeure la patrie des droits de l'homme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Lazerges remplace Mme Catala au fauteuil de la présidence.

PRÉSIDENCE de Mme Christine LAZERGES

vice-présidente

M. Philippe Houillon - Ultime oral donc, comme le disait aujourd'hui un quotidien, pour ce texte sur la présomption d'innocence qui, deux ans après sa présentation en Conseil des ministres, semble sur la voie d'un vote définitif ce soir. Ce long cheminement est assez normal pour un texte de cette nature, qui dépasse les clivages politiques et contient d'ailleurs nombre des dispositions proposées par le rapport Truche de juillet 1997. Il faut souligner la volonté constructive qui a présidé aux travaux de la CMP et qui s'était déjà manifestée en seconde lecture, où votre majorité avait adopté nombre d'amendements inspirés de propositions faites par l'opposition en première lecture.

A bien y regarder d'ailleurs, les principales innovations sont dues à des initiatives de l'opposition -je pense à « l'appel » des arrêts de cours d'assises et aux critères de la libération conditionnelle. Il faut s'en féliciter.

En revanche, je ne partage pas l'opinion, maintes fois martelée, qu'il s'agirait d'un grand texte historique. Il demeure touffu et disparate, parfois insuffisant. Le feuilleton de l'enregistrement des interrogatoires est révélateur des blocages qui subsistent et aussi de certaines difficultés pratiques. On a du mal à trouver l'équilibre entre le droit des justiciables et les nécessités de l'enquête et sur ce point le texte est encore en retrait par rapport au droit européen qui, pourtant, devrait s'appliquer. La CMP a opté pour une position médiane. Cela dit, je ne suis pas sûr de l'application effective de cette mesure qui, d'ailleurs, n'interviendra qu'un an après l'entrée en vigueur de la loi et pour les seuls mineurs -on voit bien qu'on essaie de retarder la mise en place.

Autre lacune, le fait que le juge de la détention soit saisi par le juge d'instruction me paraît contraire aux principes européens : on sait bien qu'il hésitera à désavouer son collègue, surtout dans les petites juridictions.

On ne peut qu'être d'accord avec la limitation des délais de procédure -reste à savoir si les moyens nécessaires seront mis en _uvre. Sur les 212 nouveaux postes de magistrats inscrits au dernier budget de la justice, 100 doivent être affectés aux tribunaux de commerce et une partie du reste à ces juges de la détention -nous verrons si cela suffira.

Nous ne pensons donc pas qu'il s'agisse d'un grand texte historique, même si nous voulons lui donner sa chance. Nous sommes passés à côté de la grande réforme dont la procédure pénale a besoin et qui consisterait notamment à écarter le juge d'instruction de la détention et du contrôle judiciaire. Pour ces raisons, le groupe DL s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. André Gerin - Au pays des droits de l'homme, tout homme est présumé innocent jusqu'à ce que la justice l'ait reconnu coupable. Il est vrai que ce principe a trop souvent été bafoué.

Trouver un équilibre entre les droits de l'individu et les droits de la société pose une difficulté réelle.

Vous vous y êtes attaquée, Madame la ministre, et nous saluons votre détermination à transformer en profondeur la procédure pénale.

L'excellent travail de réflexion entrepris tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale a permis d'aller au-delà du projet initial. C'est donc un élément essentiel de la réforme de la justice, qu'il nous faudra bien mener à terme, notamment en ce qui concerne le Conseil supérieur de la magistrature.

L'aboutissement de la CMP traduit une volonté commune de franchir une nouvelle étape. Il faudra que les moyens financiers suivent. Nous savons les efforts que vous avez entrepris en ce domaine, Madame la Garde des Sceaux, mais il reste beaucoup de chemin à parcourir !

Parmi les modifications qui n'appellent aucune réserve de notre part, je citerai la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue, proposition défendue par le groupe communiste depuis de longues années, l'élargissement du statut de témoin assisté, l'encadrement plus strict de la mise en examen et des délais de procédure, le relèvement des seuils de détention provisoire, le double degré de juridiction en matière criminelle, le renforcement des droits des victimes, la réforme de la libération conditionnelle et le droit reconnu aux parlementaires de visiter les lieux de détention.

Sur la liberté de la presse, la sagesse l'a emporté. En 1999, on avait pu craindre des restrictions dangereuses. Il ne fallait pas toucher à l'article 9-1 du code civil.

Je me permettrai cependant quelques remarques sur les lacunes qui subsistent.

Pour assurer plus de transparence à la garde à vue, nous aurions souhaité que son déroulement puisse être contrôlé, pour les majeurs comme pour les mineurs. L'enregistrement des interrogatoires semble la solution la plus aboutie car elle constitue une garantie à la fois pour les gardés à vue et pour les enquêteurs. Tout le monde s'y retrouverait, aussi bien les personnes placées en garde à vue que les fonctionnaires de police, souvent accusés d'abuser de leur pouvoir. On aurait même pu instituer le principe d'un enregistrement vidéo ; nous nous félicitons que cela ait été décidé pour les mineurs, en attendant une généralisation.

La dissociation de la fonction d'instruction et de la fonction d'incarcération est un progrès. Elle devrait entraîner une diminution du nombre de placements en détention provisoire, tant il est paradoxal de demander à un même juge de présumer l'innocence d'une personne et de réunir les preuves de sa culpabilité. Toutefois, même si les deux magistrats devront être favorables à la mise en détention, l'un comme l'autre statuera en juge unique ; or rien ne vaut la garantie offerte par la collégialité.

S'agissant des mineurs, pour lesquels la justice a une finalité éducative, une telle spécialisation des magistrats ne me paraît pas requise.

Un moyen de ne pas placer les prévenus en détention provisoire serait le bracelet électronique. Nous y sommes opposés, considérant que la surveillance électronique peut conduire à une criminalisation de la misère et que le bracelet, comme la prison, porte atteinte au principe de la présomption d'innocence.

J'aurais souhaité qu'une réelle réflexion sur les peines de substitution et la prévention soit engagée. Pourquoi ne pas supprimer toute incarcération pour les mineurs, sauf affaire criminelle, en imaginant des parcours de rééducation et de réinsertion ?

Pour conclure, je rappellerai ce que je disais en première lecture, il y a un an : « il faut se défaire d'un penchant humain qui fait que chacun tient la présomption d'innocence pour son droit et la présomption de culpabilité pour le droit des autres ». Ce texte va dans le sens d'un renforcement des libertés individuelles, c'est pourquoi les députés communistes le voteront (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Houillon remplace Mme Lazerges au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

M. Emile Blessig - Pierre Albertini, qui a suivi pour le groupe UDF toute la discussion de ce texte, ne pouvant être là à cette heure tardive de l'après-midi, m'a demandé d'intervenir à sa place.

Entre le projet initial que, Madame la ministre, vous aviez déposé sur le bureau de notre Assemblée en 1998, après le lancement par le Président de la République du grand chantier de la réforme de la justice, et le texte qui nous est soumis ce soir, les différences sont sensibles. On ne saurait regretter le temps qui a été ainsi consacré, au cours des lectures successives, à modifier et compléter le dispositif proposé par la Chancellerie.

Nous nous réjouissons que la CMP soit parvenue à un accord, même si nous regrettons qu'on n'aille pas plus loin dans le rééquilibrage de notre procédure pénale. La méthode des petits pas l'a emporté, et c'est dommage.

Nous devons au Sénat la consécration de l'« appel tournant » du verdict des cours d'assises, qui met fin au dogme de l'infaillibilité du jury et permettra un deuxième jugement. Ce système est plus conforme aux principes de la Convention européenne des droits de l'homme. Nous devons aussi au Sénat un travail pertinent sur les décisions de libération conditionnelle, dont une judiciarisation était souhaitée de longue date.

A l'obstination de quelques députés, dont Alain Tourret a été le chef de file résolu, nous devons la limitation de la détention provisoire. La publication de la loi devrait d'ailleurs bénéficier immédiatement à un grand nombre de personnes détenues.

Enfin l'élargissement de la notion de témoin assisté que, Madame la Garde des Sceaux, vous aviez proposé, devrait retarder et rendre moins systématique la mise en examen qui, hélas, est souvent ressentie comme une présomption de culpabilité.

Néanmoins cette réforme reste en-deça de ce que nous espérions en matière de garantie des droits de la personne. Ainsi, on crée un système hybride en instituant un « juge des libertés et de la détention provisoire », distinct du juge d'instruction : espérons qu'on ne retiendra, à l'usage, que la première partie de l'expression !

L'encadrement des délais d'instruction obéit à un souhait louable, mais compte tenu de l'encombrement des cabinets des juges, et faute de moyens nouveaux, il risque d'ajouter encore à la complexité du système.

En matière de garde à vue, le texte adopté par la CMP est en retrait sur celui qu'avait voté l'Assemblée nationale. La présence, même muette, de l'avocat pendant l'interrogatoire était la meilleure des garanties. Nous avions proposé une solution de repli, l'enregistrement sonore des interrogatoires, déjà accepté pour les mineurs et pratiqué par plusieurs pays européens. Malgré le ralliement à cette idée simple et peu coûteuse -quoi qu'en dise le ministre de l'intérieur- de la majorité des députés, une prudence excessive l'a malheureusement emporté en CMP.

Il faudra aller plus résolument vers une harmonisation des procédures pénales européennes. Prenant acte du compromis élaboré en CMP, le groupe UDF s'abstiendra sur ce texte et continuera d'apporter sa contribution à la réflexion commune.

Mme Frédérique Bredin - Le Premier ministre s'était engagé à réformer la justice pour la rendre plus proche des citoyens et plus respectueuse des libertés. Ce texte sur la présomption d'innocence répond à ce souhait : c'est un grand texte de libertés publiques, le Parlement pourra être fier du rôle qu'il a joué dans son élaboration. Ce fut un travail très long, très riche, qui a donné lieu à des échanges extrêmement approfondis entre le Gouvernement, les députés et les sénateurs. Tous ensemble, nous avons fait progresser le texte initial sur des points fondamentaux.

C'est un grand texte de libertés publiques parce qu'il traite à la fois du droit des victimes et du respect de la présomption d'innocence ; hormis le cas du texte relatif aux atteintes sexuelles sur mineurs, c'est une nouveauté dans notre droit pénal.

Des mesures très concrètes sont prévues pour les victimes, et l'Assemblée nationale a cherché à les renforcer. Je pense notamment à l'information des parties civiles sur l'état d'avancement de l'instruction et à l'information des victimes sur leurs droits. Je regrette que l'information des victimes sur les classements sans suites ait été finalement renvoyée à un autre texte ; j'espère que nous adopterons cette disposition rapidement.

En matière de respect de la présomption d'innocence, il s'agit pour la France de se mettre en conformité avec les grands principes de la déclaration des droits de l'homme, car il y a un divorce préoccupant entre les discours et les actes.

M. Patrick Devedjian - Eh oui !

Mme Frédérique Bredin - 400 000 gardes à vue par an, c'est considérable. Est-ce nécessaire ? 40 % des détenus sont en détention provisoire.

Tous ceux qui participent aux travaux de la commission d'enquête sur les prisons mesurent l'enjeu du problème. Les conditions d'enfermement qui ont cours dans notre pays sont parfois indignes d'une société évoluée et nous attendons avec impatience les propositions d'amélioration que formuleront nos collègues et que rapportera M. Jacques Floch.

Notre pays doit aussi se mettre en conformité avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme puisque la France est condamnée de manière répétée pour le non respect de ses stipulations.

S'agissant de la réforme de la garde à vue, le projet du Gouvernement prévoyait la présence d'un avocat dès la première heure, ce qui aurait constitué une avancée considérable. Notre assemblée a préféré qu'il ne soit appelé qu'au-delà de la vingtième heure. Elle a cependant exclu la garde à vue pour les témoins et l'a réservée aux suspects. Elle a insisté sur le nécessaire respect des droits élémentaires des personnes gardées à vue et notamment leur droit à se reposer et à se restaurer et elle a proposé l'enregistrement des gardes à vue. La CMP a choisi de recourir à un enregistrement vidéo pour les seuls mineurs. Il s'agit là d'une avancée, même si je considère qu'elle n'est pas suffisante. Certains regretteront que la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue ait été écartée. Peut-être ont-ils raison et sans doute l'obtiendront-ils un jour. Certains, et j'en fais partie, regrettent aussi qu'il n'ait pas été décidé d'enregistrer toutes les gardes à vue. Un tel système, neutre et objectif, eût été protecteur non seulement pour les personnes gardées à vue mais aussi pour les policiers, parfois soupçonnés à tort de mauvais traitements. Mal accueillie à l'origine, cette mesure a finalement été plébiscitée par les policiers britanniques qui l'estiment désormais indispensable. Ce serait un progrès considérable que d'étendre l'enregistrement à toutes les catégories de suspects. Nous en avons d'ailleurs pris l'engagement en CMP puisqu'à l'issue d'un bilan de la première année d'expérimentation, la mesure devra être étendue à l'ensemble des gardes à vue. Cette évolution va intervenir sous l'_il vigilant des avocats et nous attendons, Madame la Garde des Sceaux, une application exemplaire de la loi. Cela signifie que la formation des policiers à ces nouvelles pratiques doit commencer tout de suite et que l'équipement de l'ensemble des locaux de garde à vue ne doit pas être différé, afin que tout soit prêt au moment de l'application de la loi, dans un an.

Pour ce qui concerne la détention provisoire, le projet du Gouvernement comportait une avancée importante avec la création du juge de la détention ; il prévoyait aussi l'indemnisation facultative des personnes gardées à vue lorsqu'elles bénéficient au final d'un non-lieu. Notre assemblée est allée au-delà en proposant l'indemnisation systématique de tous ceux dont la détention provisoire s'achève sur un non-lieu, une relaxe ou un acquittement. Le seul fait d'avoir été placé en détention provisoire est ainsi considéré comme un préjudice. Notre assemblée a aussi proposé, à l'initiative de M. Floch, de retenir un numerus clausus pour la détention provisoire. Au cours de nos visites en prison, nous avons pu constater la surpopulation des maisons d'arrêt, parfois occupées à 180 % de leur capacité d'accueil ! Il semble naturel de prévoir que les personnes placées en détention provisoire aient droit -si elles le souhaitent- à une cellule individuelle. Ainsi, dans un délai de trois ans, tous ceux qui le souhaitent pourront y prétendre.

Autre proposition importante du Parlement, limiter autant que possible la détention provisoire en instaurant des seuils de peine et des durées maximales de placement. L'extension du bracelet électronique pour la détention préventive procède de la même intention. Il constituera un outil extrêmement utile pour désengorger les prisons.

J'en viens à la réforme de l'instruction. Le projet gouvernemental prévoyait d'élargir la notion de témoin assisté et d'instaurer le débat contradictoire avant la mise en examen. Le Parlement a encore élargi les droits du témoin assisté et il a proposé d'encadrer davantage les délais d'instruction.

En favorisant les procédures de comparution immédiate, notre Assemblée concourt à raccourcir les délais de jugement et les initiatives de notre rapporteur en la matière doivent être saluées.

S'agissant enfin de la réforme des assises, la possibilité de faire appel des décisions d'assises était espérée depuis des années tant il semblait injuste de permettre l'appel des petites condamnations et de ne pas le prévoir pour les lourdes peines. Après tant de tentatives avortées et de belles déclarations non suivies d'effets, nous y sommes enfin parvenus. Les députés l'ont réclamé. Les sénateurs l'ont proposé et nous allons, je l'espère, le voter à l'unanimité. Cette superbe initiative parlementaire justifie à elle seule notre travail et notre engagement.

Cette réforme des assises nous donnera le sentiment précieux d'avoir _uvré pour la justice de notre pays, telle que nous aimerions toujours qu'elle soit, c'est-à-dire efficace et humaine à la fois (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Devedjian - Comme il y a loin de la coupe aux lèvres ! Quel écart il y a entre les discours et le texte ! Madame Lazerges, je vous ai entendue parler d'un texte historique, d'une modernisation profonde, d'un fantastique bond en avant... Vous avez su, Madame le Garde des Sceaux, rester plus modeste mais vous décrivez malgré tout une réforme historique, un bilan positif, une étape capitale ! Mme Bredin y voit pour sa part un grand texte pour les libertés publiques... Mais l'autosatisfaction sentencieuse peine à dissimuler la pauvreté de la réforme et je voudrais m'attacher à quelques-unes de ses dispositions pour exprimer nos frustrations et nos regrets.

Notre regret d'abord du refus caractérisé de la présence permanente de l'avocat lors de la garde à vue. On ne pourra parler de réforme historique que lorsque l'on y parviendra et je ne doute pas qu'on y parvienne un jour. En attendant, nous n'avons qu'une fausse réforme et un compromis boiteux. Alors qu'il était simplement question de permettre à l'avocat d'assister aux interrogatoires, vous avez adopté la procédure de l'enregistrement pour tenter de justifier son absence. Mais ce n'est qu'un procédé de substitution, d'autant que l'enregistrement est curieusement réservé aux mineurs. S'il constitue un progrès en offrant de nouvelles garanties, pourquoi ne pas en étendre le bénéfice à tout le monde ?

Frustration totale et désaccord profond, ensuite, avec votre discours suffisant sur le juge de la détention. Cette institution ne répond en rien à l'exigence posée dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui veut que l'enquêteur soit séparé du juge. Une aberration vous a ainsi conduits à décider que le juge de la détention serait saisi par le juge d'instruction. Le procédé est choquant : d'abord parce que déférer, c'est la vocation du Parquet. Voilà que vous faites du juge d'instruction un parquetier en lui confiant le soin de déférer ! Que reprochait-on naguère au juge d'instruction ? C'était de pouvoir dire : « parlez ou je vous mets en prison ». Dorénavant, il pourra dire : « parlez et je vous laisse en liberté, car si vous ne parlez pas, je peux vous déférer au juge de la détention ». Voilà votre grande réforme ! On a changé le sens de la pression mais la pression reste toujours la même !

Quant à l'appel des décisions d'assises, je préfère le dispositif retenu par la CMP. Votre proposition de sept jurés aurait constitué une véritable régression : elle aurait totalement bouleversé l'équilibre entre jurés et magistrats professionnels, donnant à ces derniers un poids qu'ils n'avaient jamais eu jusqu'à présent. La CMP, dans sa grande sagesse, a prévu que neuf jurés et douze magistrats siégeraient pour examiner les appels de décisions de cours d'assises, et il faut s'en féliciter.

S'agissant du statut de témoin assisté, dont vous souhaitez qu'il devienne le statut général, vous cédez à la même autosatisfaction qu'en 1992 lors des débats sur ce qui allait devenir la loi du 4 janvier 1993 relative à la mise en examen. Déjà, il devait s'agir d'une « réforme historique » et déjà, nous vous avions objecté que vous vous contentiez de changer le vocabulaire. Nous sommes certains qu'il sera aussi dévastateur demain d'être entendu comme témoin assisté qu'il l'est aujourd'hui d'être mis en examen et qu'il l'était hier d'être inculpé. En effet, l'opprobre ne naît pas des mots mais de la procédure et, elle, vous ne la modifiez pas.

Concernant l'encadrement de la mise en détention, j'y suis favorable dans le principe. Mais inutile d'espérer atteindre l'objectif visé sans raccourcissement des délais de la justice, lequel sera impossible sans réforme de la carte judiciaire. Or, en dépit des promesses et des discours d'autosatisfaction, cette réforme, à laquelle est subordonnée toute réforme de la procédure pénale, n'est toujours pas intervenue.

Un mot de la libération conditionnelle : c'est une excellente initiative, mais elle vient du Sénat.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - Qu'est-ce que cela peut faire si elle est bonne ?

M. Patrick Devedjian - J'en viens aux infractions en matière de presse. Vous vous êtes félicitée, Madame Lazerges, que l'on ait supprimé toutes les dispositions relatives à la mise en détention en ce type d'affaires. C'est pourtant un désaveu pour vous ! J'ai encore en mains l'amendement par lequel vous proposiez que la récidive de toutes les infractions en ce domaine soit systématiquement punie de la prison. Vous ne l'avez finalement retiré que devant le tollé qu'il a provoqué en CMP. Votre autocélébration aujourd'hui me fait donc penser à Tartuffe !

Au total, la montagne aura accouché d'une souris, mais d'une charmante petite souris blanche qu'il faut plutôt protéger. En effet, ce texte recèle de ci, de là, presque par hasard, des avancées sensibles. Ainsi j'apprécie tout à fait les progrès apportés à la procédure à l'audience. C'est même sans doute le seul point que l'histoire retiendra de ce texte.

Si vous aviez été plus modestes et aviez reconnu que, face aux conservatismes mais surtout devant la perspective des échéances électorales, vous n'aviez pas le courage d'entreprendre toutes les réformes nécessaires et préfériez attendre pour mettre notre pays simplement à parité européenne, nous aurions pu voter ce texte qui comporte quelques progrès. Mais nous ne pouvons pas cautionner l'autosatisfaction ampoulée dont vous faites preuve à l'envi. Pour ces raisons, nous nous abstiendrons avec l'ensemble de l'opposition.

Mme Frédérique Bredin - L'argument est fort !

M. André Gerin - Vous n'avez pas changé depuis 1993 !

M. Patrick Devedjian - C'est ce qui vous dérange.

M. Alain Tourret - Quoi qu'en dise l'orateur précédent, ce texte est un beau texte. Je ne vois que deux bémols à cette belle symphonie.

Tout d'abord, l'absence de l'avocat lors de la garde à vue. Nous n'avons pas été assez audacieux sur ce point, alors même que cette réforme aurait été acceptée par tous. Les avocats étaient prêts à l'accepter et la présence d'un homme sera toujours préférable à n'importe quelle technique. Enfin, les procédures devant le juge d'instruction et devant l'officier de police judiciaire auraient pu être mises à égalité. Ma proposition a été rejetée par six voix contre quatre en CMP alors qu'un sénateur s'étant absenté, je n'ai pas pu voter. Voilà comment une grande réforme n'aura pas lieu !

La possibilité de faire appel des décisions des cours d'assises est assurément une réforme historique, Frédérique Bredin a eu raison de le dire. Mais, à mon sens, l'appel du parquet ne pouvait qu'être incident. Avec un appel principal, le risque est que les peines ne soient systématiquement alourdies en appel puisque les cours d'appel comprendront plus de jurés, d'une manière générale plus répressifs que les magistrats professionnels. La « deuxième chance » n'aurait dû être ouverte qu'aux condamnés avec possibilité d'appel incident du parquet. Il en a été décidé autrement sur les conseils de l'un des nôtres qui occupa une fonction éminente dans cette assemblée, et je le regrette profondément.

Cela étant, je tiens à dire mon immense satisfaction devant la qualité du travail accompli. Tout d'abord, en matière de détention provisoire. Je rappelle seulement à cet égard que M. Devedjian avait combattu avec férocité une proposition de loi des radicaux de gauche sur le sujet. Que ne m'aviez-vous dit, alors que j'étais rapporteur de ce texte, me traitant de « laxiste impénitent », m'accusant de porter atteinte aux fondements mêmes de notre République par un trop grand nombre de libérations. Mais, Monsieur Devedjian, vous avez changé car vous avez par la suite repris toutes mes propositions concernant les seuils.

L'élévation de ces seuils permettra d'éviter la mise en détention provisoire pour des délits mineurs. Pour la première fois, on a distingué entre atteintes aux biens et atteintes aux personnes et reconnu, ce qui est de bon sens, que les secondes sont plus graves que les premières. Dès juin, 5 000 prévenus pourront être libérés du fait des nouveaux seuils.

Je me félicite également que des dates butoirs aient été retenues : nous le proposions déjà dans notre texte.

La situation des pères et des mères de famille sera aussi mieux prise en compte, tant pour le placement en détention provisoire que pour la condamnation. Cette proposition a d'ailleurs été adoptée à l'unanimité. J'avais, pour ma part, suggéré qu'il soit obligatoire d'en tenir compte. Mais à la suite d'une observation du Sénat, il ne s'agit plus que d'une faculté. Toujours est-il qu'il ne sera plus possible de placer en détention provisoire un parent d'un enfant de moins de dix ans sans avoir préalablement recueilli l'avis d'une commission ad hoc. C'est un progrès considérable. De même, le juge d'application des peines verra ses droits élargis dans l'appréciation de la situation des détenus concernés lorsqu'il ne leur reste plus que quatre ans de prison à faire. Ce progrès-là s'inspire d'ailleurs de la loi italienne.

Autre progrès : les mesures envisagées en matière d'indemnisation. Toutes les personnes ayant été placées en détention provisoire et bénéficiant ultérieurement d'une relaxe, d'un acquittement ou d'un non-lieu seront indemnisées. Alors que 1 700 à 2 000 personnes sont concernées chaque année, seule 45 indemnisations ont lieu aujourd'hui !

Je me félicite que vous m'ayez suivi s'agissant des frais de justice. Pour la première fois, toute personne relaxée, acquittée ou bénéficiant d'un non-lieu pourra être remboursée des frais irrépétibles. C'est un immense progrès quand on sait que les tribunaux prononcent 3 à 4 relaxes pour 50 affaires et que les sommes engagées par les justiciables sont parfois considérables.

Après cette belle loi, il nous faudra, Madame la Garde des Sceaux, réfléchir à une dépénalisation, sujet dont je vous ai déjà beaucoup entretenu car il n'est pas normal que l'on ne connaisse même plus le nombre d'infractions tant elles sont nombreuses : 10 000 ou 15 000, on ne sait pas. Certaines reposent d'ailleurs sur des textes tombés en désuétude. D'autres ne sont pas en harmonie avec ce qui se pratique dans l'Union européenne. Il faudrait en tout état de cause reconcentrer ces 10 000 ou 15 000 infractions en un nombre plus réduit de 300 ou 400. D'autant qu'il existe des textes spéciaux extrêmement restrictifs sur la base desquels les procureurs peuvent engager n'importe quelles poursuites. Comment dégager dans ces conditions des directives générales de procédure, Madame la Garde des Sceaux  

Je voudrais en conclusion rendre hommage à tous ceux qui ont _uvré à cette réforme et qui ont pour cela donné le meilleur d'eux-mêmes. Ce soir, je suis fier d'être député (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Jacques Floch - M. Devedjian nous a fait tout à l'heure une belle crise de jalousie (Sourires). Aussi pourquoi est-ce toujours la gauche qui procède à de grandes réformes du droit pénal ? « Pourquoi pas nous ? », ai-je cru l'entendre demander du haut de cette tribune. Mais, Monsieur Devedjian, vous avez eu cette possibilité entre 1993 et 1997 et vous n'en avez pas profité. Au contraire, vous avez même refusé tous les amendements que présentait alors la gauche et que l'on retrouve en partie dans le texte d'aujourd'hui. Texte sur lequel vous allez vous abstenir, ce qui de la part d'un éminent représentant de l'opposition vaut presque approbation. Beau joueur comme vous êtes, dites-nous donc un grand merci...

M. Patrick Devedjian - Vous le dites pour moi !

M. Jacques Floch - Si on lui donne les moyens humains et matériels d'être bien appliquée, la loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes entrera dans l'histoire judiciaire comme l'ont fait les grandes réformes de la fin du XIXe siècle. Je pense à la loi sur le sursis, défendue par Bérenger et adoptée le 26 mars 1891 ; à la loi sur la présence de l'avocat dans le cabinet du juge d'instruction, défendue par Constans et adoptée le 12 novembre 1897 ; mais aussi aux lois sur la réhabilitation et sur la révision de procès pour faits nouveaux découverts après jugement, même si une telle révision reste difficile comme en témoigne le cas Seznec.

Pour autant, ces grandes lois ne doivent pas faire oublier les législations scélérates de la IIIRépublique qui avaient pour but de contrecarrer la montée du syndicalisme et des forces socialistes, assimilées par certains magistrats aux violences de l'anarchie. Ce qui avait autorisé Jean Jaurès à écrire le 6 juin 1895 dans la Dépêche de Toulouse « « Ah ! Quelle prostituée que la justice ! » Le grand Jaurès avait tort : ce n'était pas la justice en tant que corps de l'Etat qui était responsable, mais le législateur de l'époque.

Un siècle plus tard, le législateur doit toujours répondre du fonctionnement de la justice et de son esprit républicain. A cet égard, nous n'avons pas encore notre compte parce que, depuis des années, nous avons été incapables de réformer en profondeur cette grande institution, de faire front à tous les corporatismes et conservatismes, de résister aux pressions médiatiques mais aussi d'assumer complètement l'indépendance du juge en lui proposant une prise de responsabilités que son rôle rend indispensable.

Doit-il y avoir débat entre l'institution judiciaire et le pouvoir politique ? Le débat est faussé s'il se déroule entre deux mondes qui ont défini par avance leurs rôles. Le débat sur la justice doit être un grand débat public, associant l'ensemble des citoyens.

Demander aux juges comment ils conçoivent leur rôle est nécessaire mais définir ce rôle n'appartient pas à eux seuls. Demander aux juges de définir les procédures, les mécanismes du fonctionnement de la justice ne peut être fait qu'à titre consultatif car cette définition vous revient, Madame la Garde des Sceaux, au titre de l'exécutif, ainsi qu'à nous en tant que législateurs.

C'est pour cela que tous les citoyens de ce pays doivent regarder de très près les propositions qui sont faites. Les uns et les autres doivent en avoir assez d'entendre dire qu'il faut une justice plus proche des citoyens : eh bien, ouvrons largement les cours et tribunaux, multiplions les maisons de justice et du droit ! Nous entendons aussi dire qu'il nous faut une justice impartiale et respectueuse du principe de l'égalité des citoyens devant la loi : entendre cela dans le pays des droits de l'homme et du citoyen en dit long sur les dérives de la justice.

Ces remarques sont simplement destinées à vous assurer, Madame la Garde des Sceaux, que cette assemblée est prête à marcher à vos côtés pour mener les réformes nécessaires. Celle d'aujourd'hui vous permettra d'avoir votre place dans l'histoire de la justice républicaine. Certes, on aurait voulu aller plus loin. Mais les progrès sont incontestables. Aussi est-il particulièrement inadmissible de lire dans un document cosigné par l'association des magistrats instructeurs, heureusement peu représentative, et par un syndicat minoritaire de policiers que nous, législateurs, allons faire une loi pour favoriser la délinquance ! Peut-on demander à ces pseudo-responsables d'apprendre à lire et à comprendre ce qu'ils lisent ?

Le groupe socialiste, et en particulier ceux de ses membres qui travaillent à la commission des lois, n'ont pas ménagé leurs efforts, mais le souci d'aboutir à un bon résultat en commission mixte paritaire a obligé plusieurs d'entre eux, dont je suis, à atténuer fortement leurs ambitions. Ils sauront être exigeants sur la manière dont sera appliquée la loi. Puisque j'ai l'honneur d'être rapporteur pour avis du budget de l'institution judiciaire, je regarderai de très près -avec M. Devedjian, lui-même rapporteur de la commission des finances- les moyens que proposera le Gouvernement pour que cette loi entre dans les faits. Car les réformes que vous nous avez soumises depuis trois ans commencent, Madame la Garde des Sceaux, à peser sérieusement en termes budgétaires : d'ici à 2004 ou 2005, il faudra doter votre ministère de 4 à 5 milliards supplémentaires. En septembre prochain, nous en reparlerons. Et vous pouvez compter sur notre soutien dans vos démarches auprès du ministre des finances.

Notre rapporteuse a souvent, au cours de nos débats, fait des comparaisons entre le droit français et celui des autres pays membres de l'Union européenne. Nous avons donc pu noter les différences, voire les grands écarts, qui font que la construction européenne en matière de justice est loin d'être acquise. Au moment où la France s'apprête à prendre la présidence de l'Union européenne, il m'apparaît donc indispensable que vous preniez des initiatives qui conduiront demain à un droit européen en matière pénale et civile. Nous sommes prêts à vous apporter notre concours pour ce faire. D'ores et déjà, il nous faut envisager dans le cadre de Schengen d'améliorer notre capacité à instruire de façon plus globale tout ce qui concerne les trafics d'enfants, de femmes, d'hommes, les drogues, l'argent d'origine douteuse, le terrorisme. Il y a urgence.

Madame la Garde des Sceaux, vous pouvez être fière d'avoir proposé cette grande réforme. Malgré les critiques que nous avons pu parfois formuler mais qu'ont atténuées votre compréhension de nos soucis, nous pouvons aujourd'hui nous déclarer satisfaits. Il nous reste à continuer dans cette voie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - Je n'avais pas prévu d'intervenir mais je le fais en m'adressant à l'opposition. Je sais bien que parfois la politique s'éloigne du rationnel, mais j'ai beaucoup de mal à comprendre qu'après avoir contribué à l'élaboration de ce texte et participé, au terme de navettes fructueuses, à une CMP qui s'est conclue il y a cinq jours par un vote unanime, vous puissiez aujourd'hui prendre la responsabilité de revenir sur votre adhésion à ce texte historique et de vous abstenir. Je l'avoue, je ne comprends pas. Certains, notamment sur vos bancs, jugeaient ce projet timide. L'Assemblée et le Sénat, à travers les navettes, ont bâti, je le crois sincèrement, une grande réforme pénale, qui devrait rester dans l'histoire, ne serait-ce que pour l'appel des décisions des cours d'assises. Le travail conjoint des deux assemblées a pu être conduit dans les meilleures conditions, grâce à la collaboration constructive du Gouvernement. Et après tous ces échanges, toute cette élaboration, où furent prises en compte les propositions des uns et des autres, souvent au-delà de nos clivages traditionnels, vous dites aujourd'hui : cette réforme est frustrante, faites-là sans nous ! C'est incompréhensible.

Puisque vous en décidez ainsi, vous en porterez la responsabilité. Mais vous manquez l'occasion de signer des avancées considérables pour la procédure pénale, et je veux vous y rendre attentifs. Ainsi la protection des droits des victimes figure désormais en tête de l'article préliminaire du code de procédure pénale, avant même les droits des personnes poursuivies : vous n'allez pas voter cette disposition. L'information des victimes, longtemps négligée par la police et la justice, devient obligatoire à tous les stades de la procédure : vous n'allez pas voter cette disposition. Le code de procédure pénale consacre désormais le rôle des associations d'aide aux victimes : vous n'allez pas voter cette disposition. La publication de photographies portant atteinte à la dignité de la victime d'un crime ou d'un délit sera sanctionnée pénalement : vous n'allez pas voter cette disposition.

M. Patrick Devedjian - Celle-ci, nous pourrions même voter contre.

M. le Président de la commission des lois - La présomption d'innocence est renforcée, avec la présence de l'avocat que vous réclamiez : vous n'allez pas voter. Les critères de la mise en examen sont durcis...

M. Patrick Devedjian - Non, ils sont ouverts.

M. le Président de la commission des lois - ...de nouveaux seuils sont fixés pour le placement en détention provisoire, le système du bracelet électronique est étendu aux personnes susceptibles d'être placées en détention provisoire : vous n'allez pas voter ces dispositions. Sans oublier la réforme principale de ce texte, l'appel des décisions des cours d'assises, qui met fin à deux siècles d'interdiction de toute contestation sur le fond d'un jugement criminel : cette mesure non plus, vous ne la voterez pas, après l'avoir pourtant réclamée pendant des années.

Nous, nous voterons ce texte historique avec une grande fierté. Vous ne votez pas le texte ce soir, quelques jours après l'avoir voté en CMP : comprenne qui pourra ! Pour notre part, nous avons le sentiment de servir une grande ambition (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Je vois que M. Devedjian souhaite répondre, et je le comprends, car l'intervention du président Roman, venant à ce stade du débat, est de nature à le relancer. Il me faut toutefois clore la discussion générale. J'indique à M. Devedjian qu'il disposera d'une possibilité de réponse dans le cadre des explications de vote.

La discussion générale est close.

M. le Président - Conformément à l'article 113, alinéa 3 du Règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 1, à l'article 21 nonies B, précise par coordination avec l'article 380-13, que la cour d'assises d'appel est désignée par la chambre criminelle de la cour de cassation, et non par le seul président de cette chambre.

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 2, en supprimant le II de l'article 31 octies, tend à assurer la coordination entre ce dernier et l'article 32 G.

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 3 introduit dans la nouvelle rédaction de l'article 32 G l'indication que les efforts du condamné en vue d'indemniser ses victimes seront pris en compte pour l'octroi de la libération conditionnelle.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 7, à l'article 39, est de coordination avec le report au 1er janvier 2001 de la création du juge des libertés et de la détention.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 4 est de même type : il assure la coordination avec le report des dispositions relatives à la libération conditionnelle.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - Toujours à l'article 39, nous avions omis de préciser que les affaires renvoyées devant une cour d'assises après cassation et audiencées après le 1er janvier 2001 seront jugées par une cour d'assises composée de neuf jurés et statuant en premier ressort. L'amendement 5 y remédie.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteuse - Au même article, l'amendement 6 précise, par coordination, que le président du TGI exerce jusqu'au 1er janvier 2001 les compétences qui seront ensuite confiées au juge des libertés et de la détention.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Patrick Devedjian - Je m'exprimerai pour l'ensemble de l'opposition et je dirai tout d'abord au président Roman qu'il doit accepter qu'en démocratie il existe une opposition, car elle est utile à la majorité elle-même. Ne vous plaignez donc pas que nous assumions notre rôle. Par ailleurs, nous ne faisons pas la politique du pire. Je l'ai dit, le texte contient quelques bonnes choses : nous ne nous y opposerons pas. Notre abstention, après notre rôle positif en CMP, aura permis à un compromis insuffisant, frustrant, mais qui apporte du moins quelques progrès, d'être adopté : nous ne faisons pas d'opposition systématique. Mais vous voulez nous faire prendre pour une statue de marbre ce qui n'est qu'un modèle en plâtre ! Il est charmant, décoratif, surtout vu de loin ; mais nous ne souscrivons pas à votre permanente autosatisfaction. Vous ne cessez de vous rouler dans les plis de l'Histoire : nous ne vous suivrons pas sur ce terrain. Vous auriez pu adopter un style plus modeste, pour ce qui n'est qu'un petit progrès. Mais vouloir nous faire prendre les vessies pour des lanternes et nous demander de couronner nous-mêmes de lauriers votre statue de plâtre, en faisant semblant de croire qu'elle est en marbre de Carrare, c'est trop !

Mme Frédérique Bredin - Ce n'est pas le rôle de l'opposition qu'a remis en cause le président de la commission, mais plutôt la pauvreté de son argumentation, qui peut affliger, et ce qu'a de surprenant son changement d'attitude depuis la CMP. Evoquer une affaire de style, orgueilleux ou modeste, est un peu pauvre au regard de l'importance du texte. Tenons-nous en au mot de M. Floch : il doit s'agir d'un malaise ou d'une crise de jalousie.

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire et modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance demain, jeudi 25 mai, à 15 heures.

La séance est levée à 20 heures 45.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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