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Session ordinaire de 1999-2000 - 90ème jour de séance, 211ème séance

SÉANCE DU JEUDI 25 MAI 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

PARITÉ -Loi organique- (nouvelle lecture) 2

ARTICLE PREMIER 6

ART. 2 7

ART. 3 7

EXPLICATION DE VOTE 7

ÉLECTION DES SÉNATEURS
(nouvelle lecture) 7

ARTICLE PREMIER A 14

ARTICLE PREMIER 14

ART. 3 14

ART. 7 15

ART. 14 15

ART. 15 BIS 15

ART. 16 15

ART. 18 15

COMMISSION NATIONALE DE DÉONTOLOGIE DE LA SÉCURITÉ
(troisième lecture) 15

RÉUNION D'UNE CMP 19

La séance est ouverte à quinze heures.

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    PARITÉ -Loi organique- (nouvelle lecture)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées territoriales d'outre-mer, le Gouvernement demande à l'Assemblée de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture de ce texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée de la Polynésie française et de l'Assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Ce projet de loi organique vise à appliquer à certaines collectivités d'outre-mer les dispositions relatives à la plus grande partie du territoire de la République que vous avez adoptées le 27 avril dans une loi ordinaire.

Le principe constitutionnel d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions électives doit, en effet, s'appliquer pleinement dans les collectivités d'outre-mer.

Si cette application relève de la loi ordinaire pour les départements d'outre-mer, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, ainsi que pour les conseils municipaux en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, une loi organique est, en revanche, rendue nécessaire par l'article 74 de la Constitution pour les assemblées territoriales des territoires d'outre-mer, et par l'article 77 pour les assemblées de province et le congrès de Nouvelle-Calédonie.

Le projet de loi organique que le Gouvernement vous a présenté en même temps que le projet de loi ordinaire visait donc à inscrire le principe de la composition paritaire des listes de candidats aux élections à l'assemblée de Polynésie française, à l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna ainsi qu'aux assemblées de province et au congrès de Nouvelle-Calédonie, dans les trois textes qui régissent ces élections.

Contrairement au projet de loi ordinaire, ce projet de loi organique n'a pas fait l'objet d'une déclaration d'urgence. Deux lectures ont donc été nécessaires, dans chacune des assemblées, avant que la commission mixte paritaire puisse se réunir. Comme il était prévisible, et comme pour la loi ordinaire, celle-ci a échoué. Après la nouvelle lecture à laquelle vous procédez aujourd'hui, le Sénat sera saisi une dernière fois avant que votre Assemblée ne statue définitivement.

La loi organique n'est pas, dans le cas qui nous occupe, la norme supérieure à la loi ordinaire. Elle applique simplement à des territoires spécifiques les règles définies pour la plus grande partie du territoire de la République par la loi ordinaire. Il n'y a donc pas d'inconvénients majeurs à l'arythmie des procédures d'autant que ces dispositions spécifiques aux assemblées d'outre-mer seront adoptées définitivement dans les semaines qui viennent et qu'elles seront donc applicables, elles aussi, lors des prochaines élections.

Sur le fond, il s'agit donc d'appliquer à ces assemblées d'outre-mer les règles que vous avez adoptées le 3 mai dernier. Mais le texte qui vous est soumis aujourd'hui, et qui résulte de votre précédente délibération, s'écarte de la démarche suivie par votre assemblée lors de la discussion de la loi ordinaire, et qui visait à garantir l'application la plus large et la plus efficace possible du principe de parité. En effet, à l'initiative de M. Emile Vernaudon, député de la Polynésie française, contre l'avis de votre commission des lois mais avec le soutien des députés de l'opposition, un traitement différencié a été adopté pour l'élection de l'Assemblée de Polynésie française : les listes de candidats ont été exonérées de l'obligation d'une alternance stricte d'hommes et de femmes. C'est la liste dans son ensemble qui devra être paritaire, sans plus de précision.

Les assemblées concernées, consultées sur le projet initial, n'avaient pourtant émis aucune objection à l'extension du mécanisme de droit commun, si bien que le Gouvernement n'avait pas retenu de dispositions particulières pour ces collectivités. Il avait en revanche prévu un régime transitoire pour Mayotte, afin de tenir compte, dans un souci de réalisme, du caractère marginal de la représentation des femmes parmi les élus mahorais. Ce régime transitoire avait été rejeté en première lecture par votre assemblée, à la suite de l'adoption d'un amendement déposé par M. Jean-Baptiste, député de Mayotte.

M. Vernaudon a justifié son amendement en indiquant que l'Assemblée de Polynésie ne s'était prononcée que sur le projet de loi initial, qui ne prévoyait pas de mécanisme imposant une stricte alternance entre candidats et candidates au sein des listes, et que ce dispositif introduit en première lecture par l'Assemblée apportait « un changement radical » par rapport au texte sur lequel l'Assemblée de Polynésie française s'était prononcée.

L'article ainsi modifié a été adopté dans les mêmes termes par le Sénat. Il ne peut donc plus être modifié aujourd'hui. Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut que prendre acte, avec regret, qu'un régime différent est instauré entre des collectivités dans lesquelles l'accès des femmes aux mandats électoraux ne se fait pas dans des conditions sensiblement différentes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bernard Roman, président et rapporteur de la commission des lois - Le 3 mai, l'Assemblée a adopté le projet de loi simple sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Sans préjuger de la décision du Conseil constitutionnel, saisi par soixante sénateurs, les formations politiques devront, aux termes de ce projet, présenter des listes paritaires alternées pour les élections au scrutin proportionnel et des listes paritaires dans leur ensemble et au sein de groupes de six pour les scrutins de liste à deux tours.

Pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, le vote d'un projet de loi organique est respectivement requis par les articles 74 et 77 de la Constitution. Le projet de loi organique soumis à l'Assemblée en nouvelle lecture répond à cet impératif. Il comporte quatre articles dont deux n'ont pas été adoptés en termes identiques par les deux assemblées. L'urgence n'a pas été déclarée par le Gouvernement, contrairement à ce qui a été fait pour le projet de loi simple. C'est pourquoi on constate un décalage chronologique dans la procédure d'adoption de ces deux textes, pourtant intimement liés.

L'article premier, voté dans les mêmes termes par les deux assemblées, fixe les conditions d'application de la règle paritaire en Polynésie française. A la suite de l'Assemblée qui a voté, contre toute attente, un amendement présenté par M. Emile Vernaudon, député du territoire, le Sénat a adopté une disposition qui impose une composition paritaire, mais non alternée, des listes pour les élections à l'assemblée territoriale de la Polynésie française.

J'aurai l'occasion de revenir sur cette question lors de la discussion de l'article premier.

L'article 2 porte sur les élections à l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna, l'article3 sur l'élection des membres des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, l'article 4, enfin, fixe les conditions d'entrée en vigueur de ces dispositions.

La commission mixte paritaire, réunie le 9 mai, a constaté des divergences inconciliables entre les deux assemblées et n'a pu aboutir à l'adoption d'un texte commun.

Le Sénat a voulu s'en tenir au projet de loi initial. L'Assemblée a préféré aller plus loin et permettre à cette réforme d'avoir un impact réel sur le fonctionnement de notre vie publique. Dans cette optique, le principe de stricte alternance des candidatures féminines et masculines pour les scrutins proportionnels à un tour revêt une importance particulière : il est le gage de la mise en _uvre efficace du principe paritaire. Adopté pour la France métropolitaine, il doit l'être également pour l'outre-mer. Cette conception volontariste, qui a été celle de l'Assemblée nationale en première et deuxième lectures, doit être préservée en nouvelle lecture.

En conséquence, la commission des lois vous demande d'adopter le projet de loi organique, modifié par les amendements qu'elle vous proposera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Muguette Jacquaint - Il était peu probable qu'un accord intervienne en commission mixte paritaire sur le projet de loi organique tendant à faire appliquer aux assemblées de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna les dispositions relatives à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux qui seront en vigueur, dès 2001, sur la plus grande partie du territoire.

Pourtant les statistiques montrent que l'exclusion des femmes de la représentation politique est aussi accablante dans les TOM qu'en métropole. Qui pourrait s'opposer à la volonté du Gouvernement et aux aspirations des femmes de voir appliquer pleinement le principe de la parité sur l'ensemble du territoire ? N'est-il pas légitime que les femmes de France métropolitaine ou d'outre-mer puissent s'engager en politique avec les mêmes chances que les hommes ?

Durant les 50 ans pendant lesquelles elles ont été tenues à l'écart du droit de vote, les femmes n'ont-elles pas, toutes, ressenti l'injustice d'être ainsi privées, du fait des hommes, d'un droit essentiel, qui donnait à n'importe quel homme une supériorité sur n'importe quelle femme ?

Stendhal disait que « l'admission des femmes à la vie politique serait la marque la plus sûre de la civilisation ». Si, d'aventure, nous restions figés sur les propositions de la droite sénatoriale, nous serions en effet fondés à nous interroger sur notre degré de civilisation ! Pouvons-nous refuser aux femmes d'outre-mer les droits acquis par la lutte de toutes les femmes ? Rien ne peut justifier la non-participation des femmes à la vie de la collectivité, qu'elles viennent de Seine-Saint-Denis, de Paris, des Bouches-du-Rhône, de Moselle, du Nord, de Bretagne, de Wallis-et-Futuna, de la Polynésie française ou de la Nouvelle-Calédonie.

La loi doit être la même pour tous, quand bien même elle doit tenir compte de cas particuliers.

C'est précisément la règle qu'a suivie le Gouvernement pour la collectivité territoriale de Mayotte. Les arguments invoqués pour refuser ces mesures tendant à l'égalité traduisent la volonté de retarder la suppression d'une injustice, même si la droite sénatoriale prétend vouloir protéger les « particularismes locaux ».

Si la tradition pouvait l'emporter sur le principe de droit qu'il s'agit de faire prévaloir, il ne fallait pas réviser la Constitution comme nous l'avons fait, d'un commun accord, à Versailles, en juin 1999 : la tradition française concernant la représentation des femmes en politique aurait dû, alors, nous inciter à maintenir le statu quo ! En refusant, aujourd'hui, d'adopter les dispositions de la loi organique après s'être opposée aux progrès importants contenus dans le projet de loi ordinaire, la droite ne fait que confirmer sa volonté de n'accorder un égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs qu'à petites doses. C'est contraire à la démocratie, qui suppose l'égalité de tous sur l'ensemble du territoire. Les beaux discours ne suffisent pas : il est urgent de légiférer, de manière volontariste et contraignante. Les femmes joueront un rôle décisif dans la dynamique de rénovation de la politique, elles qui ont toujours été tenues à l'écart.

S'inscrivant sans réserves dans ce mouvement de l'histoire, les députés communistes voteront ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Robert Pandraud - La messe est dite. Le groupe RPR votera ce texte et j'ai été stupéfait d'entendre notre honorable collègue de Seine-Saint-Denis résumer le débat à une opposition droite gauche. Dans ce cas, le Gouvernement et M. Chevènement en particulier sont de droite, eux qui avaient prévu un dispositif dérogatoire pour Mayotte. De droite aussi, l'idée d'un régime particulier pour la Polynésie française, alors que Wallis-et-Futuna sera soumis au droit commun.

Quoi qu'il en soit, l'opposition votera ce texte, en espérant que, dans les territoires concernés, personne ne sera amené à reprendre à son compte les qualificatifs employés par Mme Cacheux à propos de certaines procédures de désignation.

Mme Nicole Bricq - Une troisième lecture permet généralement, dans la sérénité, de lever les malentendus.

Mais ce texte a connu une curieuse évolution. En première lecture, l'opposition a défendu ses amendements de manière sereine. En deuxième lecture, elle a eu un coup de chaud lorsque le rapporteur a défendu le principe de la stricte alternance. Le débat est devenu très vif et la lecture du Journal officiel peut faire frémir tout républicain -et toute républicaine.

Quand nous avons examiné le projet de révision constitutionnelle et le projet de loi ordinaire, l'opposition, à quelques exceptions près, n'a pas critiqué au fond la réforme. Elle aurait pu le faire de manière légitime, comme l'a fait par voie de presse Elisabeth Badinter, défendant une conception tout à fait respectable du principe républicain de l'universalité. Notre Assemblée lui a opposé cet autre principe républicain qu'est l'égalité. Nous aurions pu aussi invoquer la liberté.

En deuxième lecture, l'opposition s'est réclamée de manière caricaturale du principe d'universalité, au nom des particularismes locaux... C'était nier la place des femmes dans la vie politique d'outre-mer. Mme Bello, d'ailleurs, pour s'opposer au régime d'exception transitoire imaginé pour Mayotte, a rappelé la lutte menée par les Mahoraises en vue de doter leur territoire d'un véritable statut.

Nous avons même eu la surprise d'entendre M. de Villiers -il était présent ce jour-là, ce qui est rare- accuser notre rapporteur de colonialisme ! Dans cette logique, il faudrait aussi accepter l'excision des petites filles sur le territoire français et en Afrique !

M. le Rapporteur - Très bien !

Mme Nicole Bricq - Monsieur le ministre, vous n'étiez pas emballé par la stricte alternance, mais en bon républicain, vous n'avez jamais songé que ce problème se posait dans des termes différents pour l'outre-mer.

Il est souhaitable que toutes celles et tous ceux qui sont attachés à la République en partagent les valeurs, où qu'ils vivent. Nous voterons donc ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Emile Blessig - Une loi ordinaire sur la parité a été adoptée définitivement par un vote quasi unanime de l'Assemblée nationale, quoique bien plus contraignante que le projet initial. Nous avons aussi examiné un projet de loi d'orientation sur l'outre-mer, qui manque d'ambition et dissimule mal les objectifs politiciens du Gouvernement.

L'application de la parité dans les collectivités d'outre-mer relève de la loi ordinaire pour les DOM, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, ainsi que pour les conseils municipaux de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. En revanche, l'adoption d'une loi organique est nécessaire pour les assemblées territoriales des TOM ainsi que pour les assemblées de province et le congrès de la Nouvelle-Calédonie, en vertu des articles 74 et 77 de la Constitution.

C'est ce projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui, l'intransigeance de la majorité ayant rendu inévitable l'échec de la CMP. Toutefois, seuls demeurent en discussion deux articles relatifs à Wallis-et-Futuna et à la Nouvelle-Calédonie. Le Sénat, en effet, a adopté conforme l'article relatif à la Polynésie française. Rappelons que, le 30 mars dernier, en deuxième lecture, l'Assemblée nationale avait voté, avec l'appui de l'ensemble des représentants de l'opposition, un amendement de M. Vernaudon supprimant l'obligation d'alternance des candidatures masculines et féminines pour la Polynésie française. C'est une chance pour les Polynésiens, chance dont ne bénéficieront malheureusement pas leurs concitoyens de Wallis-et-Futuna et de Nouvelle-Calédonie. La majorité continue, en effet, de défendre le principe de la stricte alternance pour ces territoires. Il lui sera cependant difficile d'expliquer pourquoi les régimes applicables outre-mer seront différents, alors qu'elle prétend, au nom de l'unité de la République, que les collectivités d'outre-mer ne doivent pas faire l'objet d'un traitement particulier. Nous partageons ce sentiment. Ce n'est pas l'extension de la parité à l'outre-mer qui est contestable, mais le manque de souplesse et d'intelligence des modalités retenues par le Gouvernement et sa majorité. Nous aurions préféré que la parité soit appliquée sur l'ensemble du territoire français avec souplesse et intelligence.

Le groupe UDF votera ce projet, mais avec les mêmes réserves qu'au sujet de la loi ordinaire. Mme Boisseau, au nom du groupe UDF, vous avait fait part de nos inquiétudes.

Une loi intelligente est d'abord une loi réaliste et applicable. La parité avec une marge de plus ou moins 10 % aurait permis d'éviter bien des effets pervers, comme la multiplication des candidatures dissidentes, les arrangements préélectoraux douteux ou l'élimination brutale d'élus qui n'ont pourtant pas démérité.

La place faite aujourd'hui aux femmes dans la vie politique française est indigne. La parité est donc nécessaire, non comme une fin en soi, mais comme un instrument au service de l'égalité. Ce qu'il faut souhaiter, au sujet de cette législation, c'est qu'elle devienne dans un proche avenir sans objet.

Enfin, la parité politique ne doit pas nous faire oublier les enjeux de l'égalité professionnelle et familiale entre les hommes et les femmes, sinon tout reste à faire.

La discussion générale est close.

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ARTICLE PREMIER

M. Jean-Pierre Michel - Je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur le statut des femmes dans certains territoires français : à Mayotte, elles sont totalement soumises à l'autorité maritale. Il faut envisager une réforme du droit civil, car la parité n'a pas de sens si les femmes ne disposent pas d'un statut économique égal à celui des hommes. Or ce n'est pas le cas sur une partie du territoire français.

M. le Ministre - Votre observation concerne le droit civil ; je ne manquerai donc pas d'en faire part à Mme la Garde des Sceaux. Mais je reconnais qu'elle est frappée au coin du bon sens.

M. le Rapporteur - Je m'associe pleinement aux propos de M. Michel. D'ailleurs l'Assemblée a délibérément choisi de ne pas accepter le statut provisoire proposé pour Mayotte. Le République doit donner à chacune et à chacun mêmes droits, mêmes devoirs et même dignité partout sur son territoire. Parallèlement à la démarche politique, le secrétariat d'Etat à l'outre-mer a commencé à prendre diverses mesures relatives à Mayotte, en liaison avec Mme la Garde des Sceaux.

Nous resterons vigilants.

J'en viens à l'amendement 3. Contre toute attente l'Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture un amendement de M. Emile Vernaudon supprimant pour les élections à l'assemblée territoriale de Polynésie française l'obligation de l'alternance sur les listes paritaires.

Le Sénat a adopté cet article conforme alors que, pour Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie, cette obligation d'alternance va demeurer.

La Polynésie française connaîtrait ainsi une situation dérogatoire au droit commun, en métropole et outre-mer sans qu'aucune raison objective ne le justifie.

Une telle situation ne risquerait-elle pas de susciter les critiques du Conseil constitutionnel ? Le doute est permis a reconnu le président de la commission des lois du Sénat, Jacques Larché, lors de la réunion de la CMP.

C'est pourquoi je vous propose, en application de l'article 108, cinquième alinéa, du Règlement de revenir par l'amendement 3 sur cet article premier, voté dans les mêmes termes par les deux assemblées, pour assurer une coordination entre les dispositions applicables en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie.

Je précise que l'amendement porte sur l'article 6-2 et non l'article 6-1.

M. le Ministre - Sagesse.

L'amendement 3 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article premier ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 2

M. le Rapporteur - L'amendement 1 rétablit le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture sur Wallis-et-Futuna.

M. le Ministre - Sagesse.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 3

M. le Rapporteur - L'amendement 2 rétablit le dispositif adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture pour la Nouvelle-Calédonie.

M. le Ministre - Sagesse.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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EXPLICATION DE VOTE

M. Robert Pandraud - Explication de vote. J'avais annoncé que je voterais pour ce texte au nom du groupe RPR. M. le ministre avait bien indiqué que l'on ne pouvait revenir sur l'article premier voté conforme. Voilà qu'au dernier moment, le rapporteur fait modifier le texte. Il n'y a plus de repères ! Dans ces conditions, je m'abstiendrai.

M. le Président - Pourquoi briser une belle harmonie entre gens de bonne compagnie par une belle après-midi ?

L'ensemble du projet de loi organique, mis aux voix, est adopté.

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ÉLECTION DES SÉNATEURS (nouvelle lecture)

M. le Président - M. le Premier ministre m'informe que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte qu'elle a adopté le 4 avril 2000.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Il importe que cette réforme, engagée en juin 1999, aboutisse rapidement. Il est souhaitable, en effet, que les règles du jeu soient fixées suffisamment à l'avance. Or, les prochaines élections sénatoriales auront lieu en septembre 2001.

Aucun accord n'a pu être trouvé avec le Sénat lors de la commission mixte paritaire. Je le regrette.

L'objectif est en effet d'améliorer la représentativité de la seconde chambre en rendant son mode d'élection plus juste et plus conforme au principe de l'égalité du suffrage ; et loin de remettre en cause le bicamérisme, il s'agit de le conforter.

Bien modeste, cette réforme ne concerne aucunement les pouvoirs du Sénat, ni la durée du mandat des sénateurs, ni même le mécanisme, fort complexe, du suffrage indirect assorti d'une représentation des Français à l'étranger dont les modalités devront, elles aussi, être démocratisées. C'est ainsi que les conseillers municipaux ou leurs délégués continueront à constituer la quasi-totalité des grands électeurs des sénateurs et que le département demeurera la circonscription exclusive, alors que d'autres solutions sont envisageables au nom même du principe constitutionnel selon lequel le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ».

La spécificité, à laquelle le Sénat est légitimement très attaché, n'est nullement remise en cause. Le système proposé continuera à favoriser, conformément au souhait du Sénat, la représentation des petites communes.

Il consiste à fixer à trois sénateurs par département, au lieu de cinq le seuil à partir duquel s'applique le scrutin proportionnel, et à substituer à un système de calcul de l'effectif des délégués municipaux complexe un dispositif clair et équitable : un délégué pour 500 habitants ou fraction de ce nombre selon le texte du Gouvernement, pour 300 habitants selon les dispositions que vous avez adoptées lors des précédentes lectures et que votre commission vous propose de reprendre aujourd'hui.

Il n'y a pas là de grands bouleversements !

Plusieurs d'entre vous ont d'ailleurs regretté la portée limitée de ce texte. Mais toute réforme plus ambitieuse aurait nécessité le vote d'une loi constitutionnelle ou, à tout le moins, d'une loi organique « relative au Sénat » au sens de l'article 46 de la Constitution, sur laquelle le Sénat n'aurait pas manqué d'exercer son veto, comme il s'est opposé, il y a quelques semaines, à un projet de loi organique qui se bornait à créer 18 sièges de sénateurs supplémentaires afin de tirer les conséquences du dernier recensement.

Toute réforme du Sénat autre que celles pouvant être réalisées par la loi ordinaire est donc, aujourd'hui, vouée à l'échec.

Le Sénat est pourtant une institution fondamentale de notre démocratie, et une assemblée nécessaire à l'équilibre de nos institutions. J'ai pu mesurer la contribution qu'il apporte souvent à l'_uvre législative.

Je n'en regrette donc que davantage qu'il ne s'inscrive pas de lui-même avec plus de détermination dans le mouvement de modernisation de notre vie politique, qui ne peut laisser aucune de nos institutions à l'écart.

S'agissant de ce projet, je me félicite d'abord que votre commission des lois ait accepté de revenir sur l'extension aux élections sénatoriales du dispositif de droit commun relatif au financement et au plafonnement des dépenses électorales. Elle suscitait de nombreuses objections alors que les dépenses induites par ce scrutin sont limitées.

Je remercie le rapporteur et la commission de proposer une mesure de moralisation que je ne peux qu'approuver.

Il n'en va pas de même en ce qui concerne l'octroi d'une priorité aux conseillers municipaux pour être délégués sénatoriaux.

Le projet initial était silencieux sur ce point : cette priorité existe déjà en pratique alors qu'aucune règle ne l'impose.

En créant une telle obligation on rend le mode de scrutin plus complexe alors que nous voulions le simplifier.

Cela serait particulièrement vrai dans les communes de 8 700 habitants ou moins dont le nombre de délégués est inférieur ou égal à l'effectif du conseil municipal et où certains conseillers ne peuvent être membres du collège électoral, parce que ressortissants de l'Union européenne ou déjà membres de droit de ce collège au titre d'un autre mandat. L'Assemblée avait prévu dans ce cas un mécanisme d'élection. La commission propose d'y renoncer. C'est pertinent au plan juridique, mais en pratique des sièges de délégués risquent de rester vacants.

D'autre part, dans les communes comptant 2 500 à 8 700 habitants, la combinaison de la représentation proportionnelle et de l'obligation de désigner les délégués au sein du conseil municipal aboutirait, dans certains cas, à ce qu'une liste ait plus de sièges de délégués que de conseillers municipaux susceptibles de les pourvoir. Là encore, des sièges resteraient vacants.

J'insiste pour que votre assemblée n'édicte pas une règle source de réelles difficultés juridiques et politiques afin de résoudre un problème qui, dans la pratique, ne se pose pas.

Enfin, je veux souligner à nouveau les problèmes que poserait la désignation d'un nombre excessif de délégués des conseils municipaux. Vous proposez qu'il y en ait un pour 300 habitants, alors que le Gouvernement tient pour un pour 500 habitants. Dans ce dernier cas, le nombre, à l'échelle nationale, s'établissait à 137 365 délégués, soit légèrement moins que les 139 029 délégués actuels. En revanche, si l'on vous suivait, l'effectif atteindrait 213 694, soit une augmentation de 54 % -et sans doute davantage encore dans les départements du Nord. Je n'insisterai pas sur les difficultés politiques qui en résulteraient, s'agissant d'organiser les votes... ou les traditionnels banquets républicains (Sourires), mais je veux en revanche souligner celle de trouver des candidats en nombre suffisant. Je vous invite donc, sur cette question qui n'est pas de principe, à trouver une position plus réaliste.

Je remercie la commission et le rapporteur d'avoir bien voulu tenir compte de ces observations pour ce qui est de Paris. Ce sont 7 077 délégués qu'il aurait fallu élire là où l'on avait fixé les tranches à 300 habitants. S'arrêter à 1 630, soit dix fois l'effectif du Conseil de Paris, semble plus raisonnable. Cependant, le problème reste entier pour les autres départements ; or, que les tranches soient de 500, 400 ou 300 habitants, le choix n'aura aucune conséquence politique et j'insiste donc pour que le vôtre soit raisonnable -400 habitants par exemple.

Je tenais à appeler votre attention sur ce point avant la discussion des articles car, en vertu de l'article 45 de la Constitution, lorsqu'elle est appelée à statuer définitivement, l'Assemblée ne peut reprendre, à défaut du texte de la CMP que « le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat" ». Or c'est ce « dernier texte » que vous allez adopter aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Marc Dolez, rapporteur de la commission des lois - Je serai bref car les données du problème sont maintenant connues de tous. La CMP réunie le 17 mai n'a pu aboutir, les deux assemblées maintenant des positions inconciliables sur les deux points essentiels de ce projet, la composition du collège électoral -en particulier le nombre de grands électeurs que les conseils municipaux doivent désigner- et le mode de scrutin à utiliser pour l'élection des sénateurs.

Monsieur le ministre, vos observations ne m'ont pas étonné -vous les aviez déjà soumises lors des précédentes lectures-, et je dois dire qu'elles n'ont pas emporté la conviction de la commission. Celle-ci propose donc à l'Assemblée de confirmer pour l'essentiel les votes qu'elle a émis en deuxième lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Emile Blessig - Ce texte est un texte modeste, avez-vous dit, Monsieur le ministre. De fait, nos précédents débats se sont réduits à la présentation de chiffres et de statistiques, de sorte que ce projet organise une évolution purement quantitative, et de détail, du Sénat. Or, dans une France qui ne cesse de se transformer, on ne peut se borner à tenir compte des évolutions démographiques : il faut aussi tenir compte des mutations institutionnelles et territoriales, surtout s'agissant du Sénat.

Face à un projet dont l'apparente logique mathématique ne parvient pas à masquer l'inspiration partisane, le groupe UDF défend les propositions d'ouverture avancées par la majorité sénatoriale : il s'agit pour nous d'éviter à la fois l'écueil de l'esprit de revanche et celui de calculs simplistes et trompeurs.

Sous couvert d'améliorer le fonctionnement des institutions, le Gouvernement n'a pas échappé à la tentation de modifier les règles du jeu électoral pour imposer ce qu'il ne parvient pas à obtenir par les urnes. Car, en définitive, la seule anomalie au Sénat, n'est-elle pas pour vous qu'on y compte si peu de sénateurs socialistes ?

Ce faisant, vous avez escamoté le débat sur la représentation de territoires de plus en plus diversifiés et vous n'avez pas davantage abordé la question de la mission du Sénat comme représentant des collectivités territoriales, alors même que la construction européenne donne de plus en plus d'importance à l'expression des identités locales.

L'esprit de revanche l'emportant donc sur l'esprit de réforme, le groupe UDF votera contre ce projet.

M. Jean-Pierre Michel - Depuis le référendum malheureux organisé par le Général de Gaulle, plus personne ne souhaite remettre en cause le bicamérisme. Nous sommes à peu près tous convaincus que le Sénat a sa place dans nos institutions -et c'est le cas en particulier des membres de la commission des lois, qui ont pu apprécier l'apport et le rôle modérateur de la seconde chambre.

Cependant, là où le bât blesse, c'est que le Sénat ne remplit pas son rôle. Sa composition, son mode d'élection en font en effet la proie du corporatisme, du conservatisme. Il résiste à toute modernisation de la vie publique, à tout progrès social. En faire une assemblée qui représente les collectivités plus que les citoyens et qui contribue de façon constructive au travail législatif serait donc faire _uvre utile.

Or, de ce point de vue, le présent projet est décevant. Nous avons raté le coche, à cause du conservatisme du Sénat et de son opposition à la loi organique, mais aussi en raison, il faut bien le dire, de la pusillanimité du Gouvernement, incapable de trancher entre des ambitions contraires.

Il conviendra d'aller plus loin sur plusieurs points. D'abord, pour ce qui est du nombre des sénateurs. Pourquoi a-t-on abandonné la loi organique ? Pourquoi ne pas en avoir appelé « plus haut » ? Il faut absolument tenir compte du recensement, accroître un peu l'effectif de la Haute Assemblée, tout en réduisant le nombre de sénateurs de Paris et de certains départements dépeuplés qui continuent d'élire des représentants conservateurs...

Pourquoi aussi avoir conservé un double mode de scrutin ? Je suis persuadé que ce dispositif encourt un reproche d'inconstitutionnalité. Lorsqu'il constate une rupture d'égalité entre les citoyens, le Conseil constitutionnel ne l'admet que si elle est justifiée par des éléments spécifiques. Or, en l'occurrence, rien ne justifie par exemple que les électeurs de la Haute-Saône et ceux du Doubs, pour ne citer que des départements que je connais bien, ne désignent pas leurs sénateurs de la même manière. Je suggère donc au Premier ministre et, éventuellement au Président de l'Assemblée, en vertu de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de déférer ce texte au Conseil constitutionnel. Je pense que celui-ci jugera que ce double mode de scrutin n'est pas conforme à la Constitution. Et, quoi qu'il en soit, je suis curieux de voir quels arguments il pourrait trouver pour le justifier, si des considérations d'opportunité devaient jouer...

Il est enfin un sujet que nous n'avons pas évoqué mais sur lequel il faudra bien revenir lorsqu'il s'agira de raccourcir la durée du mandat présidentiel : c'est celui de la durée du mandat des sénateurs.

Lorsque le Président de la République sera élu pour cinq ans, comme on le propose -sans d'ailleurs s'interroger sur les effets que ce changement aura sur l'équilibre de nos institutions-, le mandat de neuf ans des sénateurs n'apparaîtra-t-il pas comme une survivance inacceptable, d'autant que leur élection se fait au suffrage indirect et de façon inégalitaire ?

Se posera alors la question annexe du renouvellement partiel ou total. La première formule est sans doute plus conforme à la contribution que le Sénat fournit à notre vie publique, mais je suis persuadé qu'on peut trouver un moyen terme acceptable.

Appartenant à la majorité plurielle, je voterai bien entendu ce texte de « modernisation » de notre vie publique, mais je le ferai sans enthousiasme car j'ai le sentiment que nous sommes restés au bord du gué : non seulement nous n'avons pas franchi le Rubicon, mais nous n'avons même pas traversé la Savoureuse ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Gilbert Gantier - En deuxième lecture comme en CMP, l'Assemblée a campé sur ses positions, refusant d'admettre le rôle spécifique du Sénat ou, plutôt, faisant mine de l'ignorer pour mieux justifier une analyse partisane. Son but inavoué est ainsi de jeter l'opprobre sur la Haute Assemblée afin de légitimer une manipulation grâce à laquelle la gauche pourrait entrevoir la possibilité de prendre le contrôle de l'autre chambre.

Ce projet est loin d'être anodin car il touche à l'organisation de nos pouvoirs publics, telle que l'a définie l'histoire. La tradition bicamérale est en France plus ancienne que l'institution sénatoriale elle-même puisque c'est la Constitution de l'An III qui a introduit pour la première fois une deuxième assemblée -le Conseil des Anciens- dans notre Parlement. Mais c'est la loi constitutionnelle du 24 février 1875, créant le Sénat, qui a jeté les fondements d'un bicamérisme spécifiquement français. Le Sénat est depuis si bien enraciné dans nos institutions que les deux seuls référendums négatifs de notre histoire constitutionnelle -celui du 5 mai 1946 et celui du 27 avril 1969- avaient pour caractéristique commune de porter atteinte à cette deuxième assemblée, en l'ignorant dans le premier cas, en le transformant profondément dans le second.

La place particulière du Sénat dans nos institutions implique qu'il bénéficie d'un régime électoral spécifique.

Or, votre projet tend à rapprocher le modes d'élection des sénateurs de celui des députés en déterminant le nombre de délégués sur une base démographique.

Ce rapprochement ne se justifierait que si les deux assemblées avaient les mêmes missions. Or ce n'est pas le cas. La France connaît un bicaméralisme inégalitaire. Le Gouvernement n'est pas responsable devant le Sénat et c'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot.

M. Jean-Pierre Michel - Heureusement !

M. Gilbert Gantier - L'Assemblée nationale fournit au Gouvernement la majorité dont il doit disposer pour mettre en _uvre son programme législatif. Elle doit donc représenter l'opinion, ce qui explique que son élection se fasse sur une base essentiellement démographique.

En revanche, il est attendu du Sénat qu'il ait un rôle pondérateur et qu'il apporte un éclairage différent, non qu'il traduise les variations de l'opinion.

Son rôle est également de représenter les collectivités territoriales, selon l'article 24 de la Constitution. Le principe d'égalité de suffrage implique que les collectivités territoriales, quelle que soit leur taille, pèsent le même poids. Or, fonder l'élection des sénateurs sur un critère démographique entraînerait inéluctablement un affaiblissement du poids des petites communes.

Le mode d'élection des sénateurs a pour but de traduire dans les faits l'égalité en droit des collectivités territoriales. Il est donc nécessaire que le collège électoral sénatorial ait pour base l'effectif des conseils municipaux, et non pas la population.

Le deuxième objectif du projet de loi est d'étendre le champ de la représentation proportionnelle. La conséquence directe en serait que la composition du Sénat deviendrait une composition partisane.

M. Jean-Pierre Michel - Comme si ce n'était pas déjà le cas !

M. Gilbert Gantier - Le caractère politique prévaudra sur la représentation des collectivités territoriales. C'est une grave remise en cause de la spécificité du Sénat.

Il est de mode de minimiser le rôle du Sénat et de le présenter comme une instance d'un autre âge. Or, son rôle de représentation des collectivités territoriales est d'autant plus primordial qu'il s'inscrit dans le contexte d'un Etat jacobin qui ne parvient pas à se défaire de sa tradition centralisatrice. L'enlisement actuel de la décentralisation, voire la recentralisation, font du Sénat l'un des rares organes en mesure de permettre aux collectivités, si petites soient-elles, de se faire entendre. Cette réforme est le meilleur moyen de porter un coup fatal à la politique d'aménagement du territoire.

On ne peut pas ne pas s'interroger sur les motivations profondes de cette réforme. Curieusement, elle a été proposée au moment où le Gouvernement s'attendait à subir un camouflet sur la réforme constitutionnelle du CSM. Le Sénat serait-il puni pour avoir menacé de s'opposer à la réforme ou ce texte devait-il constituer un élément de marchandage en vue de la réforme de la justice ?

Ce qui est sûr, c'est qu'il est plus inspiré par le désir de tenter de renverser la majorité de droite au Sénat que par celui de renforcer sa représentativité.

Le groupe Démocratie Libérale ne votera en aucun cas ce texte.

M. Patrice Carvalho - La droite campe sur ses positions d'immobilisme et de conservatisme -ce que nous venons d'entendre en est l'illustration.

M. Jean-Pierre Michel - Tout à fait !

M. Patrice Carvalho - Ce projet permettrait de faire bénéficier le Sénat d'un petit souffle de démocratisation auquel nos concitoyens sont favorables.

Chacun s'accorde en effet à reconnaître que la composition de la Chambre haute constitue une anomalie dans le paysage français. Depuis 1981, les forces de gauche ont remporté un certain nombre d'élections, qu'elles soient municipales, départementales, régionales, nationales ou européennes. Seule une institution reste immuable le Sénat, où la sur-représentation de la France rurale assure à la droite une domination sans partage, rendant l'alternance impossible.

Le calcul politicien est le seul qui permette de comprendre l'opposition de la droite au rééquilibrage proposé même si elle consent, timidement, à un élargissement de la proportionnelle. Le compte n'y est pas.

C'est une conception de la démocratie que nous n'acceptons pas : l'exercice de la souveraineté populaire ne peut souffrir aucune entrave.

Je ne rappellerai pas les pistes de réflexion que nous avons proposées concernant notamment la durée du mandat sénatorial, l'âge d'éligibilité des sénateurs et plus globalement le partage des rôles entre les institutions. La réforme éventuelle du mandat présidentiel nous donnera l'occasion d'y revenir.

Le groupe communiste votera les propositions de la commission des lois, qui s'inscrivent dans la démarche du Gouvernement tendant à rendre le Sénat plus conforme à la réalité de notre pays.

M. Robert Pandraud - Le groupe RPR votera, comme lors des précédentes lectures, contre ce texte.

Chaque majorité refait la même erreur : croire qu'en modifiant la loi électorale, elle va gagner des sièges. Mon expérience m'a montré que toutes les réformes électorales se soldaient par un échec des majorités qui les avaient promulguées. En 1985 vous avez rétabli la représentation proportionnelle : nous avons gagné les élections de 1986. Nous avons rétabli le scrutin d'arrondissement... et nous avons perdu les élections de 1988.

Cette réforme ne vous servira donc à rien, d'autant qu'elle est incomplète. Elle n'aura pas de conséquences catastrophiques, mais fera perdre leur siège à des sénateurs de telle ou telle sensibilité selon leur situation géographique. On comprend que les sénateurs soient assez réticents...

La question qui m'inquiète est : est-ce bien constitutionnel ? Lorsque la représentation proportionnelle avait été introduite dans le mode d'élection du Sénat, le Gouvernement de l'époque avait déployé de grands efforts pour dissuader tel ou tel groupe d'intenter un recours devant le Conseil constitutionnel : le suffrage, direct ou indirect, doit être égal.

La commission dite Vedel installée par le gouvernement Rocard, dont j'ai fait partie, avait envisagé un système un peu analogue pour l'élection de l'Assemblée nationale : représentation proportionnelle dans les départements les plus peuplés, scrutin majoritaire dans les autres : mais les constitutionnalistes nous ont mis en garde : un tel système ne tiendrait pas devant le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Pierre Michel - Très bien !

M. Robert Pandraud - Dernière remarque, mais qui s'adresse plutôt à M. Gantier : si l'on veut que le Sénat représente les collectivités locales -pourquoi pas ?- il n'y a pas besoin d'élection : les présidents des conseils régionaux et départementaux et les représentants des maires dans chaque département pourraient y siéger de droit, ce serait plus simple et plus logique.

Si l'on voulait, en sens inverse, que le Sénat permette de représenter toutes les sensibilités politiques, il faudrait l'élire à la représentation proportionnelle intégrale, mais ne lui laisser que des attributions strictement consultatives, sans possibilité de bloquer les lois organiques ou les réformes constitutionnelles.

Ce texte n'est donc qu'une petite réforme, avec des arrière-pensées politiques évidentes, mais vouées à l'échec : ce n'est pas avec cette loi que vous aurez une alternance au Sénat, ni que nos m_urs politiques seront bouleversées.

Vous nous faites perdre notre temps et nous voterons contre ce projet.

M. Bruno Le Roux - Même si le temps passe vite cet après-midi, il n'aura pas été perdu ! En effet ce projet de loi participe de la modernisation de la vie politique engagée depuis le début de la législature, avec la limitation du cumul des mandats, la parité et très bientôt, nous l'espérons, le quinquennat.

Il ne s'agit nullement de remettre en cause le bicamérisme, mais au contraire de rendre un fier service au Sénat en lui donnant une plus grande légitimité. La représentativité de ses membres est en effet insuffisante, du fait d'un mode de scrutin inadapté. Le Sénat doit jouer pleinement le rôle de représentation des collectivités territoriales que la Constitution lui assigne.

En outre, une meilleure représentativité l'aidera à trouver sa place, celle d'une deuxième chambre qui réfléchit aux textes de loi, et ne se contente pas de s'opposer lorsque c'est la gauche qui est au pouvoir et d'être un béni-oui-oui lorsque c'est la droite.

Enfin, cette réforme permettra, couplée avec la parité, de féminiser le Sénat.

La discussion de ce projet au Sénat et la CMP ont montré, une fois de plus, le conservatisme et l'immobilisme de nos collègues sénateurs. Ils se sont opposés à nous tout d'abord sur la composition du collège électoral des sénateurs. Celui-ci doit mieux correspondre à la France réelle et donc mieux représenter les villes ; c'est pourquoi nous souhaitons que chaque commune, quelle que soit sa taille, élise un délégué pour 300 habitants. En second lieu, les deux assemblées n'ont pu tomber d'accord sur le mode de scrutin ; nous souhaitons que la représentation proportionnelle s'applique à partir de trois sénateurs.

Pour notre part, donc, Monsieur le ministre, nous vous accompagnons sur la voie de la réforme. Nous voulons que le Sénat bouge ; peut-être acquerra-t-il ainsi plus de poids aux yeux de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant, dans le texte adopté par l'Assemblée en deuxième lecture, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

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ARTICLE PREMIER A

M. le Rapporteur - A l'initiative de notre collègue Dosière, l'Assemblée nationale avait introduit pour les élections sénatoriales un plafonnement des dépenses électorales. Force est de constater que ni le Sénat ni le Gouvernement ne souhaitent nous suivre sur ce sujet ; je ne peux, avec la commission, que le regretter.

La contrepartie indispensable du plafonnement est le remboursement d'une partie des dépenses électorales ; en vertu de l'article 40 de la Constitution, nous ne pouvons pas en prendre l'initiative. Or le Gouvernement s'y refuse. Par ailleurs, il faudrait prévoir un mécanisme de sanction allant jusqu'à l'inéligibilité, ce qui nécessiterait une loi organique, et donc l'accord du Sénat.

Dans ces conditions, afin de ne pas instituer un mécanisme qui resterait incomplet et inefficace, la commission vous propose un dispositif moins ambitieux mais néanmoins utile : l'amendement 1 tend à interdire aux personnes morales de financer les candidats aux élections sénatoriales, étant précisé que cette disposition ne vise pas les partis politiques.

M. le Ministre - Avis favorable, pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté et l'article premier A est ainsi rédigé.

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ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur - La commission, vous en conviendrez, Monsieur le ministre, est ouverte à certains de vos arguments : pour tenir compte de ce que vous aviez indiqué lors des précédentes lectures, son amendement 2 tend à limiter le nombre de délégués à Paris, qui est le seul département à élire ses délégués sénatoriaux dans une circonscription unique.

Nous proposons que le Conseil de Paris élise un nombre de délégués égal à dix fois son effectif, soit, pour 163 conseillers de Paris, 1 630 délégués ; en appliquant la règle d'un délégué pour 300 habitants, on arriverait à 7 000 délégués, ce qui paraît excessif. Ce changement ne modifie pas le rapport de forces entre les formations politiques.

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 3 tend à supprimer la disposition que nous avons retenue en première et en deuxième lecture, concernant le remplacement, au sein du collège électoral sénatorial, des conseillers municipaux ressortissants d'un pays de l'Union européenne. En effet, en vertu de l'article 88-3 de la Constitution, elle est de nature organique.

M. le Ministre - J'ai déjà dit les difficultés d'application auxquelles ce dispositif risquait de donner lieu. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

L'article premier modifié est adopté, de même que les articles premier bis A, premier bis B et 2.

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ART. 3

M. le Rapporteur - L'amendement 4 rectifie une erreur matérielle.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 3 ainsi modifié est adopté, de même que les articles 4 bis, 5 et 6.

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ART. 7

M. le Président - Cet article a été adopté par les deux assemblées dans un texte identique, mais la commission a déposé un amendement pour coordination.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 7 ainsi modifié est adopté.

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ART. 14

M. le Rapporteur - L'amendement 6 et les suivants sont de coordination avec l'ordonnance du 19 avril 2000 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable outre-mer.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 14 ainsi modifié est adopté, de même que l'article 15.

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ART. 15 BIS

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, est adopté et l'article 15 bis est ainsi rédigé.

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ART. 16

L'amendement 8, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 9 est défendu.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Les amendements 10 et 11, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.

L'article 16, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 18

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 18 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

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COMMISSION NATIONALE DE DÉONTOLOGIE DE LA SÉCURITÉ (troisième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en troisième lecture, du projet de loi portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité.

M. le Président - Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

M. Bruno Le Roux, rapporteur de la commission des lois - De longs mois avaient séparé l'adoption de ce projet en première lecture par l'Assemblée nationale de son inscription à l'ordre du jour du Sénat. La phase de deuxième lecture a été beaucoup plus rapide, et cette troisième lecture pourrait être celle de l'adoption définitive.

Dès la première lecture, nous avions sensiblement enrichi le texte proposé. Une fois n'est pas coutume, le Sénat, à l'initiative du rapporteur, M. de Richemont, avait accepté l'économie générale du texte, en apportant quelques modifications qui nous sont apparues comme des améliorations.

Désirant un travail constructif, j'avais souhaité rencontrer mon homologue du Sénat au sujet des dispositions restant en discussion. Je constate avec satisfaction que le Sénat, en deuxième lecture, a validé les positions que nous avions retenues lors de ces échanges.

Ce travail en commun indique que la création de la commission était attendue et que le choix fait par le Gouvernement d'installer une autorité indépendante est reconnue comme favorisant l'intérêt général. Tout en respectant un des engagements pris par le Premier ministre en juin 1997, le Gouvernement satisfait le besoin ressenti par les citoyens de renforcer les liens de confiance entre la population et la police de proximité, chargée de veiller à sa sécurité. Qu'aucun amendement n'ait été déposé en commission montre qu'un accord général a été trouvé.

M. le Président de la commission - Ce sont des choses qui arrivent !

M. le Rapporteur - Ainsi, à l'article 5, un compromis a été trouvé entre la protection du secret et l'accroissement des prérogatives de la commission. De même, à l'article 6, le Sénat a accepté la possibilité, pour la nouvelle instance, d'exercer son pouvoir de vérification dans tous les lieux où elle jugera utile de se rendre. Il a, par ailleurs, rétabli l'obligation d'adresser un préavis en cas de visite sur place, tout en prévoyant qu'à titre exceptionnel la commission peut s'affranchir de cette formalité.

De ce fait, la rédaction de l'article 8 a été revue par souci de coordination.

La politique ainsi mise en _uvre renforce à la fois les droits du citoyen et les devoirs de l'Etat. Une fois ce texte voté, et davantage encore dans quelques mois, après que le Parlement aura examiné le projet relatif aux sociétés de gardiennage et de sécurité, un puzzle aura été assemblé, ce que chacun souhaitait. La police de proximité aura été installée, le statut des polices municipales aura été réglé et la création de la nouvelle autorité indépendante témoignera d'un contrat de confiance entre les citoyens et ceux qui veillent à leur sécurité.

Avant la fin de la législature, nous avons donc dessiné une politique d'ensemble cohérente, et je suis heureux d'avoir pu mener ce travail à son terme avec mon collègue du Sénat, sans avoir à vous soumettre d'amendements au texte adopté par la Haute Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Robert Pandraud - Cette journée aura donc été, pour moi, celle de l'opposition frontale puisque, à l'instar de mon groupe, je voterai contre ce projet. Vous le savez, je suis résolument opposé à toutes ces autorités indépendantes qui n'ont d'indépendance que celle qu'elles se donnent, et opposé, aussi, à toutes ces commissions prétendument compétentes qui rassemblent en fait incompétents et démagogues.

L'Etat dispose de moyens de contrôle suffisants pour que nous nous dispensions de telles créations, qui n'inspirent que la méfiance et dont l'esprit est aux antipodes du droit français. D'évidence, le droit anglo-saxon déteint sur nos institutions.

S'il s'était agi d'accroître les pouvoirs de contrôle de l'Etat sur les sociétés de sécurité privées, j'aurais -ô combien- appuyé le texte. Mais que l'on ne compte pas sur moi pour donner des pouvoirs supplémentaires à quelques conseillers d'Etat ou de la Cour des comptes qui s'ennuient et dont les corps d'origine se lamentent de l'insuffisance de leurs effectifs ! Laissez les fonctionnaires de votre ministère faire leur travail de contrôle ! De même que je préférais une Banque de France dépendante du Gouvernement, de même je préfère l'action du ministère de l'intérieur à celle des comités Théodule.

M. Christophe Caresche - Je me félicite qu'un compromis ait été trouvé avec le Sénat. Il est satisfaisant que les deux assemblées sachent, ensemble, faire progresser certaines idées. Exception faite de la position de principe exposée par M. Pandraud, les discussions, très constructives, contrastent singulièrement avec l'utilisation démagogique qui est faite, ici même, devant les caméras de la télévision, des problèmes de sécurité.

Le Gouvernement et la majorité se sont attelés à ce travail de grande envergure. Avec ce texte, une nouvelle pierre de l'édifice est posée, et une autre le sera après l'adoption, ultérieurement, du projet relatif aux sociétés de sécurité privées. Un ensemble cohérent est ainsi défini, et les premiers résultats de cette politique commencent à être perceptibles. C'est pourquoi le groupe socialiste soutient ce texte (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilbert Gantier - Je ne sais si le hasard fait bien les choses, mais il y a quelque chose de savoureux à examiner en troisième lecture un texte créant une commission de déontologie de la sécurité, alors que l'attention est focalisée sur ces professions.

Malheureusement, je ne suis pas convaincu que les solutions choisies soient les bonnes.

Je suis persuadé, au contraire, que les différents projets que vous avez récemment présentés en Conseil des ministres, feront de l'ombre à ce texte ou, pire, souligneront ses insuffisances. Soit, en effet, ils feront doublon avec le texte que nous examinons aujourd'hui, soit ils prouveront qu'en le votant, nous avons mis la charrue avant les b_ufs.

Quoi qu'il en soit, ce texte est en décalage complet avec les problèmes des professions visées, que l'actualité nous rappelle tous les jours.

Je ne reviendrai pas sur le détail des dispositions envisagées puisque, semble-t-il, elles font l'unanimité. Rien d'étonnant à cela : le texte est creux ! Il ne pouvait d'ailleurs en être autrement compte tenu de la diversité des professions concernées.

Par ailleurs, vous entendez créer une « commission de déontologie », alors que les règles de déontologie dont elle est supposée contrôler le respect, n'existent pas ou, du moins, pas encore.

De surcroît, cette autorité administrative indépendante -et vous savez ce que je pense de la multiplication, commode, de ces démembrements de l'État-, cette commission donc, n'aura qu'une autorité morale. Ce sera donc, à nouveau, l'un de ces organismes dont on ne sait finalement à quoi ils servent, sinon à formuler de vagues recommandations et à établir un rapport d'activité que, bien entendu, personne ne lira jamais.

Point n'est donc besoin de réfléchir longuement pour se rendre compte que cette commission n'aura que peu d'impact, et que si les effets positifs que l'on est en droit d'attendre d'elle seront limités, ses effets pervers sont inconnus.

Croyez-vous vraiment que c'est en jetant la suspicion sur les professions concernées que l'on résoudra les problèmes auxquels elles sont confrontées ? Elles attendant de nous, au contraire, davantage de reconnaissance, et la prise en considération de leurs difficultés.

Pour ces raisons, vous l'aurez compris, le groupe Démocratie libérale ne votera pas ce texte.

M. Patrice Carvalho - L'adoption du projet portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité ne surprendra personne, puisqu'il traduit la volonté de renforcer les liens entre nos concitoyens et tous ceux qui exercent une activité de sécurité.

Nous nous félicitons de la création de cette instance indépendante chargée de contrôler le respect des règles déontologiques par les services chargés de la sécurité et nous lui souhaitons plus longue vie qu'aux instances qui l'ont précédée. Elle constitue en effet un progrès indéniable en matière de libertés.

Si la commission ne peut, à elle seule, relever les défis de l'insécurité, de la violence, de l'incivilité -sujets qui devraient faire l'objet d'un plus vaste débat- son rôle ne peut être sous-estimé. Elle pourra de fait inciter citoyens, élus, personnels, enseignants à travailler ensemble à la recomposition du tissu social, et à la re-création des liens civils et civiques. Ce projet s'inscrit dans la perspective ouverte par le colloque de Villepinte de 1997 qui visait à restaurer les valeurs de la République et de la laïcité.

Penser la sécurité sous l'angle de la proximité implique nécessairement une relation de confiance entre le citoyen et ceux qui assurent sa sécurité dans le respect des règles déontologiques. C'est dire le bien-fondé de la nouvelle autorité.

Quand bien même subsisteraient quelques interrogations, notamment sur l'obligation de préavis avant une vérification sur place, les députés communistes se réjouissent qu'un accord se dessine et ils voteront ce texte.

M. Emile Blessig - La sécurité constitue le premier droit des citoyens et le premier devoir de l'Etat. Ce droit doit s'exercer et ce devoir s'accomplir dans la transparence et le respect de la déontologie.

Certes, le développement des autorités administratives indépendantes, dont le caractère administratif est plus accusé que l'autorité, ne peut que susciter des réserves, car l'Etat s'en trouve démembré et leur efficacité reste douteuse. Néanmoins, la création d'une autorité chargée de garantir le respect de la déontologie par les acteurs de la sûreté semble recueillir une large adhésion. En témoignent les créations successives d'un « Conseil supérieur de l'activité de la police nationale » en 1993, puis d'un « Haut conseil de la déontologie de la police nationale ». Mais le remplacement du premier par le second montre bien les difficultés auxquelles se heurte cette ambition. En particulier, il reste problématique de définir la règle déontologique par rapport au manquement disciplinaire ou à l'infraction pénale.

Quoi qu'il en soit, l'énumération de grands principes déontologiques et la multiplication d'instances de contrôle aux pouvoirs limités ne constituent pas des réponses à la hauteur des enjeux.

Mieux vaudrait donner aux services publics de sécurité les moyens d'exercer leurs missions dans des conditions satisfaisantes. Ces caillassages de sapeurs-pompiers dans certains quartiers montrent que ce n'est pas le cas.

Vous risquez, par la création de cette commission, de faire apparaître les agents du service public comme des boucs émissaires, comme les responsables des dysfonctionnements de notre politique de sécurité.

Au cours de la navette, le texte a été amélioré. Il faut se réjouir de l'intégration de l'administration pénitentiaire dans le champ de compétence de cette commission.

Par ailleurs, vous avez acceptez deux modifications importantes apportées par le Sénat. D'une part, la définition des secrets opposables recouvre le secret médical et le secret professionnel de l'avocat ; d'autre part, la vérification sur place pourra se faire dans les lieux publics et les locaux professionnels, avec un préavis, sauf exception.

Malgré ces améliorations, le groupe UDF ne votera pas ce texte, qui demeure trop imprécis pour régler les problèmes de concurrence entre la commission, l'autorité judiciaire et le pouvoir hiérarchique.

La discussion générale est close.

M. le Ministre - La création de cette commission a été approuvée en deuxième lecture par le Sénat au début du mois d'avril. Modifié par les sénateurs, ce texte permettra de resserrer encore les liens de confiance qui unissent nos concitoyens aux acteurs de la sécurité : j'y attache une grande importance.

Il ne vous échappe pas que le champ de compétence de cette commission s'étendra au-delà du mien, d'autant que l'Assemblée a ajouté les agents de l'administration pénitentiaire à la liste des professionnels concernés.

J'ai été étonné d'entendre certains orateurs évoquer les problèmes des convoyeurs de fonds : non qu'ils ne se posent pas, mais c'est dans un autre cadre que nous devrons les résoudre. Dès le 31 mai, je vous présenterai un projet de loi tendant à réduire la phase piétonnière des transferts de fonds. Par ailleurs, un décret publié le 30 avril fixe déjà de nouvelles règles, qu'il s'agisse du port du gilet pare-balles, des blindages ou de l'armement. Il ne faut pas mélanger les sujets.

Ce texte est équilibré. Les modifications apportées sont surtout relatives à la procédure. La commission disposera de pouvoirs importants, Monsieur Blessig, mais son intervention ne compromettra jamais le fonctionnement de la justice ni celui des instances disciplinaires. Cette autorité administrative indépendante aura une légitimité incontestable.

Rien ne fait plus obstacle à l'adoption de ce texte, qui doit entrer en vigueur rapidement.

Je veux enfin rendre hommage à la grande qualité du travail parlementaire.

M. le Rapporteur - Je ne veux pas laisser penser que nous voudrions désigner comme boucs émissaires ceux qui exercent ces durs métiers de la sécurité. Depuis le début, nous nous sommes attachés à réunir régulièrement les représentants de tous les syndicats concernés. Non seulement ils acceptent, mais en vérité ils demandent la création de cette commission nationale, attendue par tous ceux qui jouent un rôle en matière de sécurité.

L'ensemble du projet, mis aux voix, est adopté.

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RÉUNION D'UNE CMP

M. le Président - J'ai reçu du Premier ministre une lettre m'informant qu'il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposée un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce.

Prochaine séance, le mardi 30 mai à 9 heures.

La séance est levée à 16 heures 55.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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