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Session ordinaire de 1999-2000 - 92ème jour de séance, 214ème séance

SÉANCE DU MERCREDI 31 MAI 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

RAPPEL À L'ORDRE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

INSÉCURITÉ DANS LES TRANSPORTS PUBLICS 2

INVESTISSEMENTS INDUSTRIELS 3

RECUL DU CHÔMAGE 4

AVENIR DES BASSINS INDUSTRIELS TRADITIONNELS 5

RETRAITES AGRICOLES 5

CANDIDATURE FRANÇAISE À L'EXPOSITION INTERNATIONALE DE 2004 6

AVENIR DES ENTREPRISES PUBLIQUES 6

PRIX DES CARBURANTS 8

PUBLICITÉ DES STATISTIQUES SUR LA DÉLINQUANCE
EN RÉGION PARISIENNE 8

ADHÉSION DE LA CHINE À L'OMC 9

GRATUITÉ DU PRÊT DANS LES BIBLIOTHÈQUES 10

PERMIS DE CONDUIRE 11

TÉLÉCOMMUNICATIONS 12

COMMISSION DE CONTRÔLE DES FONDS PUBLICS -deuxième lecture- 12

ARTICLE PREMIER 21

ART. 3 21

APRÈS L'ART. 3 21

ART. 4 22

ART. 4 TER 22

DÉSIGNATION DE CANDIDATS
À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES 22

COLLECTE DE FONDS 22

DÉCLARATION D'URGENCE 25

COLLECTE DE FONDS (suite) 25

ART. 2 33

APRÈS L'ART. 2 34

EXPLICATIONS DE VOTE 35

La séance est ouverte à quinze heures.

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RAPPEL À L'ORDRE

M. le Président - Après les propos tenus hier par M. Noël Mamère, je tiens à dire, de la façon la plus ferme, que je les considère comme inacceptables (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Ils sont contraires à toute la tradition républicaine régissant le fonctionnement de notre assemblée, selon laquelle le chef de l'Etat ne saurait dans cette enceinte, de quelque manière que ce soit, faire l'objet d'imputations à caractère personnel (Mêmes mouvements). C'est vrai aujourd'hui comme cela l'était hier. Quant aux propos tenus à l'encontre de celui de nos collègues qui a exercé la fonction qui est aujourd'hui la mienne, ils constituent une attaque personnelle inadmissible au regard de notre Règlement.

Certes, chacun doit conserver toute sa liberté de parole. Mais celle-ci ne doit pas dépasser la limite qui touche au respect des personnes et de la fonction. C'est pourquoi, comme le prévoit l'article 71 du Règlement, Monsieur Noël Mamère, je vous rappelle à l'ordre (Mêmes mouvements ; protestations sur plusieurs bancs du groupe RCV).

(M. Cochet se lève et brandit le Règlement de l'Assemblée nationale).

M. le Président - Il n'y a pas de rappels au Règlement durant la séance de questions. Vous pourrez intervenir à l'issue de celle-ci (Plusieurs députés RCV quittent l'hémicycle ; huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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INSÉCURITÉ DANS LES TRANSPORTS PUBLICS

M. Dominique Bussereau - Ma question, que je pose au nom des trois groupes de l'opposition, s'adresse au ministre de l'intérieur ou des transports. Malgré le plan lancé par M. Gayssot en décembre 1997 sur la sécurité dans les transports publics, force est de constater que l'insécurité s'y développe. L'Union des transports publics a publié hier ses statistiques, concernant avant tout les réseaux de province. Elles font certes apparaître une relative stabilisation des agressions contre les voyageurs, qui passent de 2 580 en 1998 à 2 426 en 1999. En revanche les agressions contre le personnel ont fortement augmenté : 764 ayant entraîné un arrêt de travail important en 1999, contre 718 en 1998. A quoi s'ajoute le vandalisme, dont chacun connaît le coût. Vos mesures, Messieurs les ministres, sont donc insuffisantes. En outre elles ne sont pas encore mises en _uvre. J'en donnerai deux exemples. M. Chevènement avait annoncé la création de brigades de police spécifiquement affectées aux réseaux de transports : elles sont peu nombreuses. Et M. Gayssot avait annoncé des dispositions renforçant les pouvoirs des agents des réseaux, mais le décret d'application n'est toujours pas pris.

D'où mes questions. Quelle est la position du Gouvernement face à cette banalisation de l'insécurité ? Des contrôleurs de la SNCF ont été agressés lundi à Mantes, un agent de la RATP hier à Paris... Pourquoi ne procède-t-on pas aux augmentations de moyens annoncées ? Et puisque les contrats locaux de sécurité existent, pourquoi ne pas conduire une évaluation de leurs résultats ? Sans réponse forte à ces questions, nous pourrions en venir à penser que le langage de l'Etat et des collectivités sur le nécessaire développement des transports publics se résume à des promesses qui ne débouchent jamais sur des réalités (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Vous avez raison de souligner les engagements pris par l'Etat depuis 1997, ce qui montre qu'en effet il fallait changer les choses par rapport à ce qui se passait auparavant. Qu'en est-il de ces engagements ? L'objectif de réhumanisation du réseau sera réalisé avant la fin de l'année ; 4 500 emplois sont consacrés à la sécurité, pour l'Ile-de-France, par la SNCF, la RATP et les entreprises privées. Toujours en Ile-de-France, 300 millions par an sont dégagés pour assurer la vidéosurveillance des autobus et leur équipement en cabines anti-agression. L'ensemble du parc de la RATP sera équipé d'ici la fin de l'été. La radiolocalisation des quatre mille autobus de la RATP sera en place d'ici la fin de l'année. A cela s'ajoute la décision prise par le ministre de l'intérieur d'ouvrir des postes de police dans plusieurs gares de la région parisienne. En province, mille médiateurs sociaux sont en place. Le taux de subvention de l'Etat aux matériels de sécurité est passé de 30 à 50 %, soit dix fois plus qu'en 1997.

Cependant le Gouvernement, comme vous, est conscient du problème. Nous voulons développer les transports collectifs : il faut donc en assurer le confort, la régularité et la sécurité. Avec Mme la Garde des Sceaux, nous avons obtenu la reconnaissance d'un statut pour les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP, et l'aggravation des peines pour atteinte ou outrage aux agents des entreprises de transport public. Ainsi les engagements du Gouvernement sont tenus. Les statistiques de l'UTP font apparaître, comme vous le dites, une augmentation des agressions contre les agents, mais une baisse d'environ 6 % de celles dirigées contre les voyageurs. En Ile-de-France, d'après les statistiques fournies par les entreprises, les atteintes physiques ont diminué, depuis le début de l'année, de 15 % à la RATP et de 9,4 % à la SNCF. C'est un encouragement à poursuivre partout la bataille des effectifs et des moyens pour sécuriser les transports collectifs (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

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INVESTISSEMENTS INDUSTRIELS

M. Michel Destot - Une récente enquête de l'INSEE auprès des industriels fait apparaître une forte augmentation des projets d'investissement pour 2000. Après avoir crû de 5 % en 1999, les dépenses d'équipement industriel augmenteraient de 12 % cette année, atteignant leurs plus haut niveau depuis plus de dix ans. Ceci devrait consolider une croissance qui, jusqu'à présent, reposait surtout sur la vitalité de la demande interne et externe. Cette accélération des projets d'investissements nous rassure en outre sur la capacité de nos entreprises à adapter l'outil de production. C'est donc un bon résultat, qui confirme les derniers chiffres du chômage.

La même enquête montre que cette poussée de l'investissement concerne avant tout les entreprises de plus de cinq cents salariés, et moins les PME-PMI, essentielles pourtant pour la création d'emploi. Monsieur le ministre de l'économie, comment pouvez-vous faire bénéficier davantage l'ensemble du tissu économique de la reprise de l'investissement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Une bonne nouvelle ne vient jamais seule. J'imagine que l'un de vos posera une question sur les chiffres de l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), qui sont excellents. Mais beaucoup de Français se demandent si l'amélioration de l'emploi sera durable. C'est là que votre question sur l'investissement prend tout son sens. C'est en effet la deuxième bonne nouvelle : l'investissement devrait s'accroître de 12 % cette année, soit deux fois plus que l'an dernier ; de 15 % dans la production manufacturière, et de 26 % dans l'automobile. Ce sont des chiffres sans précédent. Cela signifie que la croissance devrait être durable. Les chiffres constatés sont liés pour partie à l'exonération de la part salariale de la taxe professionnelle, et aussi -point très important pour les artisans- à la baisse de la TVA sur les travaux dans les logements. S'il faut aller plus loin, le Gouvernement reste ouvert.

Pour conclure sur l'investissement, on admettait il y a quelques années -non sans controverse d'ailleurs- le théorème qui établissait une relation entre profits, investissements et emplois. Aujourd'hui se confirme clairement un nouveau théorème : les investissements d'aujourd'hui font les innovations de demain, qui font les emplois d'après-demain. Cela ne signifie ni que tout soit résolu, ni qu'il faille relâcher l'effort, mais que nous sommes sur le bon chemin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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RECUL DU CHÔMAGE

M. Gérard Terrier - Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Pour la première fois depuis 1992, la France a moins de 10 % de demandeurs d'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). Outre sa valeur symbolique, ce chiffre permet de mesurer le chemin parcouru. Depuis 1997, le nombre des demandeurs d'emploi a diminué de 700 000, ce qui représente une baisse de 12,6 à 9,8 % du taux de chômage et plus d'un million d'emplois créés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Cette performance exceptionnelle montre l'impact majeur, au côté de la croissance, des politiques de l'emploi. Le débat se cristallise sur l'effet de la croissance. Il n'est pas contestable ; mais ce n'est pas une condition suffisante. Ainsi, en 1994, le gouvernement de M. Balladur a bénéficié d'une croissance de 2,5 %, qui n'a eu aucun effet sur l'emploi. Aujourd'hui personne ne conteste l'effet créateur d'emplois de la réduction du temps de travail : le débat ne porte que sur le volume d'emplois créés. La politique menée, qui a consisté à relancer la consommation intérieure en accroissant le pouvoir d'achat, et à rendre ainsi confiance aux Français, a joué un rôle déterminant pour rendre possibles ces bonnes nouvelles.

Nous pourrons être pleinement satisfaits quand ceux qui ne recueillent pas encore les fruits de votre politique auront retrouvé un emploi.

Madame la ministre, pouvons-nous espérer une baisse continue des chiffres du chômage dans les prochains mois ? Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour que soient pourvus les emplois qui restent vacants faute de personnes qualifiées ? Comment comptez-vous passer d'une logique d'assistance, qui se justifie en période de crise, à une logique plus conquérante ? Enfin, l'objectif du plein emploi pourra-t-il être atteint ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - La France vient de passer un cap symbolique, grâce à la gauche qui, dans les années 80, avait déjà réussi à atteindre l'objectif d'une inflation à un seul chiffre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Avec 77 000 chômeurs de moins, les résultats d'avril sont exceptionnels. Ils s'expliquent en partie par des mouvements saisonniers. Toutefois, depuis six mois, le nombre des demandeurs d'emploi diminue en moyenne de 50 000 par mois, soit une baisse quatre fois plus rapide que chez nos voisins européens (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Au total, ce sont 1 115 000 emplois sauvés et 77 000 chômeurs en moins. On nous dira que c'est l'effet de la croissance. Mais celle-ci ne tombe pas du ciel. D'ailleurs, entre 1995 et 1997, la croissance était déjà forte, mais la France en queue de peloton.

C'est parce que nous avons rétabli la confiance que les Français investissent et consomment de nouveau. Nous avons aussi relancé l'innovation et encouragé la création d'entreprise. Aujourd'hui, nos entreprises créent des emplois, conquièrent des parts de marché et font des gains de productivité.

Quand nos entreprises gagnent, c'est la France qui gagne, et je ne comprends pas ceux qui opposent la France aux entreprises.

Mais nous n'aurions pas obtenu de tels résultats en matière d'emploi sans la réduction du temps de travail, les emplois jeunes et la diminution des charges sociales.

Nous marchons tous main dans la main pour faire reculer le chômage. Je n'oublie pas, d'ailleurs, qu'il reste 2,4 millions de chômeurs dans notre pays. Il faut redoubler d'efforts pour les aider, comme le fait d'ailleurs l'ANPE. Nous devons tout particulièrement soutenir les chômeurs de longue durée, qui sont encore 1,2 million.

Depuis deux mois, le nombre des allocataires du RMI diminue également, ce qui montre la pertinence de notre action de long terme dans la lutte contre l'exclusion (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mesdames et messieurs de l'opposition, il faut être beaux joueurs ! On peut désapprouver une politique, mais pas refuser d'en reconnaître les résultats.

Les Français attendent que nous ramenions le pays au plein emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe RCV et du groupe communiste).

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AVENIR DES BASSINS INDUSTRIELS TRADITIONNELS

Mme Brigitte Douay - Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, l'évolution des chiffres du chômage nous réjouit tous, mais elle ne rend que plus insupportable la situation du bassin industriel du Cambraisis, où 253 ouvriers des Verreries de Masnières risquent de perdre leur emploi. Dès que les projets de leur entreprise ont été connus, vous avez été alerté. Martine Aubry et vous-même avez examiné ce dossier avec autant d'attention que d'humanité. Choqué par la décision d'un lointain actionnaire, le maire a entamé une grève de la faim. Les verriers souhaitent que tout soit tenté pour éviter les licenciements et assurer la pérennité de l'entreprise. Quels moyens pouvez-vous mobiliser pour que nos bassins industriels traditionnels renouent avec une logique de développement et reprennent espoir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Alors qu'un maire observe une grève de la faim, comment ne pas être ému et inquiet à propos de ce nouveau plan social ? Les représentants des salariés ont été reçus hier par mes collaborateurs.

C'est la pérennité du site que le Gouvernement veut préserver. Il n'accepterait pas un plan social qui serait la première étape d'un abandon. L'entreprise doit garantir que les Verreries de Masnières conserveront un rôle clef dans le groupe. Elle doit aussi lever toute ambiguïté au sujet des rumeurs de délocalisation de l'activité en Italie.

Nous serons vigilants sur ce dossier, Martine Aubry et moi-même, ainsi que Mme Demessine (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR), qui a très tôt appelé mon attention sur ce problème.

Le bassin du Cambraisis doit entrer dans une logique de développement. Les moyens existent, qu'il s'agisse de la prime d'aménagement du territoire ou du FEDER. Les opportunités aussi, dans l'agro-alimentaire ou dans l'automobile. Tout doit être fait pour que cette région renoue avec le développement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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RETRAITES AGRICOLES

M. Jean-Paul Mariot - Monsieur le ministre de l'agriculture, vous avez indiqué plusieurs fois que la revalorisation des retraites agricoles constituait une priorité de votre politique.

D'après mes informations, le Premier ministre aurait précisé, au cours d'une table ronde avec les organisations professionnelles agricoles, qu'il souhaitait augmenter les pensions jusqu'en 2002 (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) pour qu'elles atteignent le montant du minimum vieillesse.

Pouvez-vous indiquer à la représentation nationale les mesures prévues par le Gouvernement pour que les anciens chefs d'exploitation, les veuves d'agriculteurs et les aides familiaux puissent toucher enfin une retraite décente ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - La revalorisation des retraites agricoles constitue en effet une priorité absolue.

Elle est déjà entrée dans les faits avec l'adoption de la loi de finances pour l'année 2000. Nous allons, pendant cinq ans, apporter 1,5 milliard supplémentaire par an à chacun des trois régimes agricoles, afin que les pensions atteignent le montant du minimum vieillesse. Je vous confirme que les moyens nécessaires seront dégagés dans les lois de finances pour 2001 et 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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CANDIDATURE FRANÇAISE À L'EXPOSITION INTERNATIONALE DE 2004

Mme Muguette Jacquaint - Mon collègue Feurtet s'associe à ma question.

Monsieur le secrétaire d'Etat au commerce extérieur, la Seine-Saint-Denis entre dans la modernité. Le développement de Roissy et du Bourget, le site de Marne-la-Vallée, le Stade de France, la qualification de nos jeunes et de nos salariés constituent autant d'atouts.

Le Premier ministre a déposé la candidature de la France auprès du Bureau international des expositions pour que notre pays accueille l'exposition internationale de 2004.

Le conseil général de Seine-Saint-Denis a déposé, le 26 mai, sa candidature. Mon département dispose en effet des infrastructures suffisantes pour accueillir une telle manifestation. Des aménagements seront sans doute nécessaires, mais ils s'inscriront dans un effort de développement visant à rééquilibrer l'agglomération parisienne. En outre, cet événement profitera à la région Ile-de-France tout entière.

Une association s'est constituée pour promouvoir la candidature de la Seine-Saint-Denis.

Comment l'Etat compte-t-il coordonner la défense de la candidature française avec la demande de mon département ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur - Le Premier ministre a présenté au président du Bureau international des expositions la candidature de la France pour l'exposition internationale de 2004 et le département de la Seine-Saint-Denis a manifesté son souhait d'accueillir cette manifestation. J'insiste sur l'importance de ce projet et sur le fait que la France n'a pas accueilli d'exposition universelle ou internationale depuis 1937. C'est donc une opportunité que nous devons saisir.

Le département de la Seine-Saint-Denis dispose d'atouts considérables pour faire valoir sa candidature ; en particulier le parc de La Courneuve et les aménagements déjà envisagés dans le contrat de plan Etat-région devraient permettre de n'engager aucune dépense nouvelle. De surcroît, le thème de l'image, retenu pour cette exposition, donne à ce département un atout supplémentaire puisque l'implantation des industries audiovisuelles y est très forte.

Mais la route est encore longue jusqu'à la décision finale, qui interviendra à la fin du printemps prochain. Le Gouvernement ne doute pas de l'aboutissement de sa démarche, même si d'autres Etats peuvent encore se porter candidats. Le délai qui reste à courir sera mis à profit pour nouer des partenariats entre le département de la Seine-Saint-Denis, la région Ile-de-France et les représentants des industries audiovisuelles. Je recevrai le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis la semaine prochaine pour évoquer avec lui les modalités de la coopération entre l'Etat et la collectivité afin que la candidature de son département soit retenue (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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AVENIR DES ENTREPRISES PUBLIQUES

M. Franck Borotra - Nous prenons acte du rappel à l'ordre auquel vous avez procédé, tout à l'heure, Monsieur le Président, assumant ainsi vos responsabilités de président de notre assemblée.

Cela dit, ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie. Il y a quelques semaines, l'Assemblée a adopté, s'agissant de l'organisation de la concurrence sur le marché de l'électricité, un texte très restrictif au point que cinq clients seulement ont pu accéder à d'autres fournisseurs qu'EDF. Plus grave, cette entreprise fait l'objet d'une suspicion généralisée au niveau européen et plusieurs Etats commencent à lui opposer le principe de réciprocité.

Pour ce qui est de France Télécom, elle vient d'acheter Orange et nous nous en félicitons. Mais, en raison de sa privatisation possible, l'entreprise sera obligée de s'endetter. En outre, le Gouvernement n'a toujours pas procédé au dégroupage des boucles locales, pourtant indispensable à la transmission de l'information et au développement d'Internet.

Enfin, le conseil des ministres a récemment adopté un projet sur le blocage de l'ouverture du marché français du gaz, qui aura des conséquences très graves pour GDF, d'une part, parce qu'on lui opposera aussi la réciprocité, d'autre part, parce qu'on ne lui reconnaît pas le droit à une évolution pourtant indispensable de ses statuts.

Tout cela s'apparente quelque peu à un « ni, ni » de fâcheuse mémoire (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Vous avez, en fait, une vision idéologique des services publics et, surtout, vous ne voulez pas faire de peine au groupe le plus archaïque de la majorité plurielle ! (Protestations sur les bancs du groupe communiste)

Le moment n'est-il pas venu d'appréhender l'évolution de ces entreprises avec pragmatisme pour leur permettre de s'adapter aux conditions de la concurrence et du marché, de substituer aux actuels critères de décision, partisans et idéologiques, l'intérêt de l'entreprise et des usagers ? A retarder cette évolution des entreprises publiques, vous risquez de les obliger à se transformer dans l'urgence et sous la contrainte européenne, ce qui ne peut que leur être préjudiciable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je rends hommage à votre capacité de synthèse : parti d'une défense et illustration du secteur public, vous nous demandez pour finir d'y renoncer ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste) Finalement, je ne sais plus très bien si vous êtes pour la nationalisation intégrale ou pour la privatisation systématique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

En ce qui nous concerne, tout en étant très pragmatiques, nous avons une vision claire de cette question.

EDF est une très grande entreprise dotée d'un statut public auquel il n'est pas question de porter atteinte. En même temps, il existe des règles européennes auxquelles elle se conformera tout en s'attachant à rester performante.

Quant à GDF, il s'agit d'une très belle entreprise qui a besoin de se développer, mais je ne vois nulle contradiction entre cet objectif et les décisions qui ont été prises.

S'agissant de France Télécom, après l'opération que vous avez saluée, sa situation juridique reste inchangée et ses filiales sont toujours soumises aux mêmes règles.

Bref, notre attitude est claire : nous respectons la loi et nous avons une volonté de stratégie industrielle ; il n'y a pas de développement économique fort sans une base industrielle puissante et les entreprises tant publiques que privées y concourent de façon éminente. Il n'y a donc aucune raison de modifier cette ligne de conduite.

Cela dit, réfléchissez, car le fond de votre question mettait en cause le caractère public de certaines de ces entreprises. Or, dans la concurrence internationale, le fait que plusieurs de ces entreprises soient publiques, donc à l'abri d'une offre publique d'achat, n'est pas sans importance pour développer une stratégie industrielle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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PRIX DES CARBURANTS

M. Jean Auclair - Il y a quelques semaines, Monsieur le ministre de l'économie, vous avez annoncé une baisse du prix des carburants allant jusqu'à dire que vous alliez lâcher 200 contrôleurs dans la nature (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) pour combattre les prix trop élevés.

Pour un coup d'essai, ce ne fut pas un coup de maître car, quelques jours plus tard, les prix s'envolaient à nouveau ! Depuis longtemps, les prix sont libres dans notre pays. Alors pourquoi une telle démagogie ? Je ne sais pas si vous faites personnellement le plein de votre voiture mais, après deux années d'augmentations sans précédent, tous les records sont battus : le prix du super excède huit francs par litre, celui du gazole atteint cinq francs cinquante et celui du fioul domestique près de trois francs !

Dès que vous voyez un micro, Monsieur le ministre, vous réaffirmez votre volonté de baisser les impôts. Chiche et commencez donc pas réduire les taxes sur les carburants qui représentent 80 % de leur prix, pour le plus grand bonheur de nos entreprises et les Français qui partiront bientôt en vacances. Et de grâce, ne venez pas nous dire que c'est la faute au dollar, au baril de pétrole ou encore, comme l'a dit Mme Parly, la faute à Juppé (Mouvements divers) car, depuis deux ans que vous êtes au pouvoir, le prix des carburants a augmenté de 25 % et M. Jospin est devenu le champion du monde de la hausse des impôts ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Il y a un point sur lequel je suis tout à fait d'accord avec vous et vous en avez fait la démonstration éclatante : il faut se garder de la démagogie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Franck Borotra - Et de la langue de bois !

M. le Ministre - Quant aux propos que j'ai tenus ici-même, je me les rappelle exactement. Concernant le fonctionnement du marché et la liberté des prix qui, je vous le rappelle, a été instaurée en d'autres temps sous mon gouvernement, je n'ai évidemment jamais prétendu qu'une décision de puissance publique pouvait faire baisser les prix des carburants.

En revanche, même si, j'en conviens, cela n'a guère été efficace, j'ai souhaité, ainsi que Mme Lebranchu et M. Pierret, rencontrer les grandes sociétés pétrolières et certains indépendants, car il paraît illogique et même scandaleux que, la hausse du prix du pétrole soit répercutée sur le prix à la pompe, mais non sa baisse. C'est un abus et je leur ai dit.

A partir de là, si on refuse la démagogie, il faut réaffirmer, quitte à n'être pas compris, -mais la réalité finira par s'imposer- que la TIPP est assise non sur les prix, mais sur les quantités. Autrement dit, quand le prix hors taxe augmente de 8 % comme ce fut le cas entre janvier 1999 et janvier 2000, la hausse du prix taxes comprises n'est que de 16,5 %.

Nous avons d'ailleurs baissé la TVA et même si ce ne fut pas suffisant, compte tenu de la hausse du prix du pétrole, cette mesure a contribué à ralentir l'augmentation. Peut-être faudra-t-il aller plus loin mais certainement pas dans la direction qui avait été prise par M. Juppé lorsqu'il était Premier ministre et avec votre soutien. Je conclus enfin de vos propos que, lorsque je reconvoquerai les pétroliers, toute l'Assemblée sera derrière moi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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PUBLICITÉ DES STATISTIQUES SUR LA DÉLINQUANCE EN RÉGION PARISIENNE

M. Jean-Claude Abrioux - Monsieur le ministre de l'intérieur, M. Vaillant répondant -ou plutôt ne répondant pas- sur vos exploits diplomatiques a fait l'éloge de votre action avec la modestie qui caractérise ce gouvernement.

Mon collègue Dominique Bussereau a fort bien fait le bilan de celle-ci en matière de transports. Pour ma part, je voudrais évoquer le problème de la délinquance à Paris et en région parisienne. Il n'est pas de jour où les colonnes de la presse locale ne se fassent l'écho de la dégradation en ce domaine : guerre de gangs à Paris, voitures brûlées, maîtres-chiens sur les campus universitaires... Votre silence éloquent se traduit aussi par l'absence de diffusion par la préfecture de police des statistiques sur les crimes et délits à Paris et dans sa région. Comment expliquez-vous cette absence d'information et est-il dans vos intentions d'y porter remède ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Monsieur le député, demain, la généralisation de la police de proximité interviendra sur un tiers du territoire national qui se trouve en zone de police...

Plusieurs députés RPR - Demain ! C'est aujourd'hui qui nous intéresse !

M. le Ministre de l'intérieur - C'est cette réponse, à laquelle nous travaillons depuis deux ans, qui peut permettre de faire front face à la délinquance dont je voudrais vous rappeler qu'elle n'a pas augmenté de manière significative depuis une dizaine d'années. Il est vrai cependant qu'en région parisienne, nous avons observé en 1999 une augmentation qui contraste avec la baisse enregistrée dans tous les départements classés très sensibles. S'agissant de Paris, je puis vous dire que la dernière statistique du mois d'avril montre une tendance baissière mais je n'ai pas l'habitude d'interpréter les statistiques au mois le mois (Exclamations sur les bancs du groupe UDF). Ce qui est déterminant, ce sont les réponses que nous apportons, notamment dans le domaine des violences urbaines où je puis vous dire que sur la base des circulaires que j'ai adressées aux services de police judiciaire en 1998 et 1999, 800 interpellations ont été effectuées, avec 450 mises sous écrou, pour trafic, pratique de l'économie souterraine ou blanchiment d'argent dans les quartiers très sensibles.

En ce qui concerne la SNCF et la RATP je ne reviendrai pas sur l'excellente réponse de M. Gayssot. Je rappelle simplement que la préfecture de police a mis sur pied un service de protection et de surveillance des réseaux ferrés parisiens, que la direction centrale de la sécurité publique a créé en région parisienne une douzaine de bureaux de police et que la police de l'air et des frontières a renforcé les effectifs de la brigade des chemins de fer. Le Gouvernement est convaincu de la nécessité de prendre toutes les mesures appropriées pour juguler cette forme de délinquance très préoccupante. Dès la rentrée, nous disposerons d'effectifs renforcés pour y parvenir, notamment dans votre département (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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ADHÉSION DE LA CHINE À L'OMC

M. Jacques Rebillard - Monsieur le secrétaire d'Etat au commerce extérieur, le président Clinton vient d'entamer sa dernière tournée européenne et il ne cache pas sa volonté de relancer un nouveau cycle de négociations de l'Organisation mondiale du commerce avant la fin de son mandat. Les radicaux de gauche regrettent que plusieurs dossiers, comme celui de la banane ou de l'importation de b_uf aux hormones, n'aient toujours pas été résolus. Ils considèrent également que les propositions américaines sur les facilités fiscales des grandes sociétés sont encore insuffisantes.

S'agissant de l'adhésion de la Chine à l'OMC, un accord entre le commissaire européen Pascal Lamy et les autorités de Pékin est intervenu le 19 mai dernier. La Chambre des représentants américaine vient de se prononcer favorablement sur la normalisation des relations commerciales avec la Chine. Les radicaux de gauche, favorables à l'intégration de la Chine dans l'OMC, rappellent leur attachement à une organisation mondiale du commerce qui prenne en compte un accès égalitaire au marché, faute de quoi un nouvel impérialisme s'établirait au détriment des plus faibles.

Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale l'état d'avancement de ce dossier, dont l'issue, au-delà des états d'âme américains, sera déterminante pour la poursuite de nos échanges commerciaux dans le monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur - Vous soulignez à juste raison l'importance de l'adhésion de la Chine à l'OMC, à laquelle la France est favorable. Tout en renforçant la légitimité de l'OMC, cette adhésion étend le champ de la régulation et elle offre de nouveaux débouchés à nos produits. Elle constitue également un facteur de modernisation essentiel de la Chine et de son économie.

Dans ce contexte d'ensemble, il y a lieu de se féliciter de l'accord Union européenne-Chine, qui, après l'accord avec les Etats-Unis, est une étape décisive dans la voie de l'adhésion. Certes, nous n'avons pas obtenu tout ce que nous voulions mais l'Europe a su faire prendre en compte ses intérêts spécifiques et elle a obtenu d'importantes compensations tarifaires dans les secteurs fortement exportateurs. Ces avancées devraient nous permettre d'envisager la réduction de notre déficit commercial avec la Chine qui reste important.

Vous évoquez enfin la perspective du lancement d'un cycle de négociations avant la fin de la présidence Clinton. L'Europe y est prête et elle dispose à cet effet d'un mandat clair. Encore faudrait-il que le dialogue avec les pays en voie de développement progresse et que les contraintes de politique intérieure américaine, en période électorale, ne pèsent pas comme elles l'ont fait sur Seattle. De ce point de vue, le compte n'y est pas encore (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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GRATUITÉ DU PRÊT DANS LES BIBLIOTHÈQUES

Mme Huguette Bello - Madame la ministre de la culture, depuis plusieurs semaines, la bataille du prêt payant en bibliothèque fait à nouveau rage. Elle oppose les trois cents écrivains signataires de la pétition du syndicat de l'édition et de la société des gens de lettres, qui considèrent que les prêts de livres gratuits s'apparentent à de la contrefaçon et qui réclament le paiement d'une redevance de 5 francs par livre emprunté, à ceux qui restent résolument opposés au prêt payant.

Au c_ur de ce débat, il y a sans doute la stagnation des ventes et l'arrivée des nouvelles technologies. Mais il est illusoire de prétendre résoudre ces difficultés en instaurant un prêt payant direct ou indirect. Cette pratique s'attaquerait aux fondements du droit de tous à la culture. Le prêt payant remet en cause toute la politique de lecture publique poursuivie par l'Etat et les collectivités locales depuis vingt ans. Remettre en cause pour des intérêts corporatistes la lecture gratuite, c'est prendre le risque de détourner du livre les plus démunis et c'est faire planer sur la lecture le risque d'une sélection supplémentaire par l'argent. Comme vous vous y étiez engagée lors de votre arrivée rue de Valois, vous avez entamé, Madame la ministre, une série de consultations. Pouvez-vous livrer à la représentation nationale les grandes lignes de votre réflexion et lui préciser le sort que vous entendez réserver à la directive européenne de novembre 1992 qui permet de rendre payant le prêt dans les bibliothèques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication - Votre question fait écho à un débat très vif qui s'est levé dans le pays au moment même où je prenais mes fonctions. Pour ma part, je ne déplore d'ailleurs pas qu'un tel sujet fasse l'objet de discussions publiques (« Très bien ! » sur plusieurs bancs). Je me suis saisie du dossier immédiatement car ses enjeux sont au c_ur de préoccupations fondamentales telles que le respect du droit d'auteur -auquel nous sommes indéfectiblement attachés- et la poursuite de la politique du livre.

Ce débat rejoint aussi celui sur la propriété intellectuelle, dans le contexte en pleine mutation du développement de la société de l'information, qui angoisse tous les acteurs de la chaîne du livre et qui fait l'objet de vives discussions au niveau européen.

Personnellement, je regrette le ton quelque peu accusateur dont ont usé certains pour faire passer leur conviction. Mais j'y vois le signe d'une très réelle inquiétude plutôt que l'expression d'intérêts corporatistes.

En ce moment même, je consulte méthodiquement les élus et tous les professionnels concernés, quelle que soit leur approche du dossier. Je retire de ces entretiens l'impression d'une volonté réelle de leur part de trouver des solutions constructives, qui dépassent d'ailleurs la seule question du prêt gratuit et tendent à considérer l'ensemble des problèmes de la chaîne économique du livre. Sur le fond je tiens à dire clairement qu'il n'est pas envisageable d'adopter une formule de paiement à l'acte. L'acquis politique de vingt années de lecture publique ne doit pas être remis en cause (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Nul ne pourrait dire aujourd'hui ce que serait le nombre des lecteurs dans notre pays si une telle politique n'avait pas été menée. Naturellement, je m'attache à rechercher des solutions économiques au problème de la juste rémunération des auteurs ainsi qu'à celui, plus large, des flux impliqués dans la chaîne complexe et fragile du livre, de l'auteur au lecteur. J'entends conduire des consultations jusqu'à l'été, mettre des propositions sur la table dès la rentrée et conclure avant la fin de l'année (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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PERMIS DE CONDUIRE

M. Pierre Méhaignerie - Je souhaite attirer l'attention de M. Gayssot sur un problème de la vie quotidienne ressenti péniblement par des milliers de familles et de jeunes et par des centaines d'entreprises artisanales. Je veux parler de l'allongement incompréhensible des délais d'attente du passage du permis de conduire. Il y a des mois et des mois que nous alertons les pouvoirs publics sur ces délais. Or, rien ne change et la situation risque encore de s'aggraver avec les trente-cinq heures (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Le 8 mars dernier, M. Pierre Joxe a déclaré devant la commission d'évaluation et de contrôle de la dépense publique : « Il y a une habitude qui a été prise et qui s'aggrave, c'est celle qui consiste à gérer la fonction publique d'une façon lointaine et approximative ». Et cette appréciation s'attache plus particulièrement à la gestion du personnel.

N'est-il pas urgent de déconcentrer la responsabilité de l'organisation des épreuves au niveau des directeurs régionaux de l'équipement ? Quand comptez-vous résoudre ce problème, qui concerne des milliers de jeunes, actuellement dans l'incapacité d'occuper, faute de permis, l'emploi qu'ils ont obtenu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - J'ai reçu il y a quelques semaines les représentants des exploitants d'auto-écoles, qui m'ont fait part de leur inquiétude. On observe en effet, à l'approche de l'été, un afflux de candidats...

M. Maurice Leroy - Comme tous les ans !

M. le Ministre - S'ajoutent à cela les effets du mini-« baby boum » de 1981-1982 (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), que vous pouvez interpréter comme vous le souhaitez... (Sourires) De plus, le nombre des jeunes qui passaient leur permis à l'occasion de leur service militaire est naturellement en constante diminution. Enfin, les normes européennes nous imposent un allongement de la durée des épreuves.

Face à cette situation, nous avons créé 30 postes d'inspecteurs, dont les titulaires seront opérationnels dans les prochains jours, sitôt leur formation achevée, et entendons en créer une centaine d'autres dans les années à venir, afin de répondre à la demande.

Je conclurai en saisissant l'occasion qui m'est offerte, à la veille de l'Ascension, d'appeler les conducteurs à la prudence et de confirmer que policiers et gendarmes exerceront des contrôles jour et nuit sur les routes, et ce durant tout le week-end (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. François Loos - Les télécommunications sont un marché, et nous nous félicitons des prises de part de marché réussies par France Télécom. Mais les télécommunications sont aussi, grâce à l'Internet et à la téléphonie mobile, un moteur de la croissance. Or, on peut douter, en entendant ses précédentes réponses, que le Gouvernement ait une politique dans ce domaine. D'un côté, il présente France Télécom comme le fer de lance de notre économie ; de l'autre, il refuse le dégroupage, qui permettrait pourtant de hâter l'accès de tous à l'Internet. D'un côté, France Télécom débourse 300 milliards pour une acquisition à l'étranger ; de l'autre, les opérateurs internationaux se méfient de notre pays et réclament des règles du jeu plus claires. Ma question est simple : quelles sont les priorités du Gouvernement en matière de télécommunications ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Notre politique est claire : elle vise à faire bénéficier notre pays, tous ses habitants -riches ou démunis- et toutes ses entreprises -petites ou grandes- des derniers développements de la technologie. Nous entendons le faire au meilleur prix et dans les meilleurs délais, sans aucune discrimination sociale ni territoriale (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Christian Martin - Baratin !

M. le Secrétaire d'Etat - Nous le ferons dans le respect de toutes les règles de droit, en toute clarté et transparence, et avec détermination (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Wiltzer.

PRÉSIDENCE de M. Pierre-André WILTZER

vice-président

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COMMISSION DE CONTRÔLE DES FONDS PUBLICS -deuxième lecture-

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Le texte en discussion aujourd'hui est l'aboutissement d'une démarche constructive de M. Robert Hue, engagée à l'automne 1999 en réponse à ce qu'il est convenu d'appeler « l'affaire Michelin », et repose aussi sur d'importants travaux parlementaires, le rapport de MM. Paul et Fabre-Pujol d'une part, celui de M. Bapt d'autre part.

le Gouvernement s'est déjà prononcé en faveur de ce texte, aussi bien devant votre Assemblée, en première lecture, que devant le Sénat, parce que la proposition vise à améliorer la transparence dans l'octroi et le contrôle des aides publiques aux entreprises, et que le dispositif proposé est équilibré et mobilisateur.

L'aide publique aux entreprises participe de la politique en faveur de l'emploi conduite par le Gouvernement, dont on sait qu'elle a déjà donné d'excellents résultats. Les plus libéraux la brocardent, mais ils conviennent de leur utilité quand ils sont confrontés aux difficultés d'une entreprise de leur département !

Si l'on veut assurer l'efficacité de la dépense publique, il faut identifier et sanctionner les abus. Pour être rares, car les services gestionnaires et les corps d'inspection des ministères s'appuient sur des critères d'octroi précis, ces abus n'en sont pas moins choquants pour les entreprises concurrentes, pour les salariés concernés, pour les contribuables et pour les citoyens.

Quelles sont ces dérives ? C'est tel chef d'entreprise qui s'engage à un maintien de l'emploi qu'il sait impossible, tel autre qui contracte avec une collectivité sans pouvoir respecter ses obligations, tel autre, enfin, qui est comme « abonné » à des aides dont il pourrait se passer.

Pour identifier et faire cesser ces abus, il n'existe pas, à ce jour, d'instance nationale d'évaluation des dispositifs d'aides aux entreprises. La proposition comble donc une lacune en instituant une commission nationale et décentralisée chargée d'examiner la pertinence de dispositifs existants ou projetés et de proposer les réformes et les modifications nécessaires.

La proposition évite aussi bien la complexité que la superficialité. N'étant pas instituée pour se livrer à une investigation systématique, la commission ne fait pas peser une suspicion généralisée sur l'ensemble des aides aux entreprises. En revanche, elle est dotée de moyens d'information puissants et de relais régionaux efficaces.

Le dispositif de contrôle proposé est équilibré et confère le rôle qui doit être le leur aux différents acteurs politiques, économiques, sociaux et administratifs. La composition de la commission est en effet très large, et elle dispose de possibilités de saisine très ouvertes. Telle qu'elle est conçue, la commission comprendrait en son sein des parlementaires, son travail préparerait et compléterait les initiatives du Parlement en la matière, sans jamais se substituer à lui.

Les pouvoirs de la commission, à la fois étendus et respectueux du rôle des partenaires sociaux et des administrations gestionnaires d'aides, prévoient qu'elle disposera d'informations précises, grâce aux rapports qui lui seront transmis chaque année par les préfets de région. Ainsi pourra-t-elle se livrer à une évaluation rigoureuse et exercer si besoin est des pouvoirs de sanctions effectifs, possibilité étant donnée au gestionnaire d'aides de suspendre les aides, ou même d'en obtenir le remboursement.

Le Gouvernement réitère donc aujourd'hui son adhésion à la démarche du groupe communiste. La majorité plurielle, c'est un consensus qui se construit, autour d'initiatives concrètes comme celle-ci (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean Vila, rapporteur de la commission des finances - Déposée le 13 octobre 1999, cette proposition de Robert Hue et des membres du groupe communiste a été adoptée en première lecture par notre assemblée le 18 janvier dernier. Le 24 février, le Sénat l'a rejetée en adoptant la question préalable. Le rapporteur de sa commission des finances, M. Joseph Ostermann, a contesté l'utilité de cette proposition et jugé qu'elle illustrait une « nostalgie de l'économie administrée », en complet déphasage avec une réalité économique « caractérisée par la liberté des échanges commerciaux et des mouvements de capitaux, par la globalisation des marchés, par le développement des nouvelles technologies ». Etonnant raisonnement ! La commission nationale, dont nous proposons la création, n'a pas pour vocation de « limiter les effets néfastes de la mondialisation », mais simplement de s'interroger sur la manière dont les entreprises utilisent les aides publiques qu'elles reçoivent de l'Etat comme des collectivités locales. Pourquoi le contexte économique global interdirait-il de s'interroger sur le bon usage des deniers publics, fussent-ils octroyés à des opérateurs privés ? Le Sénat nous a habitué à une plus vive ardeur en matière de contrôle de la dépense publique. Celle-ci s'applique surtout, il est vrai, l'Etat et à ses administrations, et la curiosité de la Haute Assemblée s'émousse à l'approche des comportements des entreprises privées...

La commission des finances du Sénat suggérait aussi que cette proposition marquait un « affaiblissement des prérogatives du Parlement ». Les auteurs de la proposition reconnaissent que le contrôle de la dépense publique est l'une des prérogatives originelles des assemblées parlementaires.

Ce texte n'entend nullement les restreindre. Son article 2 prévoit la présence de parlementaires au sein de cette commission. D'autre part, l'existence de celle-ci ne prive pas les Assemblées de leur droit de procéder, sous les formes de leur choix, à leurs propres investigations. La proposition ne fait qu'apporter un outil supplémentaire pour une tâche jamais achevée. La Cour des comptes examine elle aussi l'exécution des lois de finances : considère-t-on que son existence réduit les prérogatives des assemblées parlementaires ? Non, bien sûr ! Les travaux de la commission nationale, et notamment son rapport annuel, constitueront pour le Parlement une source supplémentaire d'information de nature à renforcer son propre contrôle.

Enfin, le rapporteur du Sénat a cru devoir ironiser sur les objectifs politiques de l'adoption de la présente proposition de loi : « gage » donné au groupe communiste, elle ne serait qu'un « moyen de renforcer la cohésion de la majorité plurielle ». Sans entrer dans de telles considérations, j'observerai qu'il vaut mieux renforcer une cohésion politique grâce à des propositions concrètes, de nature à faire progresser le contrôle des fonds publics, plutôt que par l'organisation de « grands oraux » à l'utilité moins évidente pour l'intérêt général ! Je rappelle d'autre part que cette proposition trouve son origine dans les conclusions formulées, en juin 1999, par la commission d'enquête sur certaines pratiques des groupes nationaux et multinationaux industriels, de services financiers et leurs conséquences sur l'emploi et l'aménagement du territoire.

Pour ces raisons, votre commission des finances a adopté la présente proposition en n'apportant au texte adopté en première lecture que des modifications rédactionnelles ou de précision, et vous invite à la voter ainsi amendée (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Pierre Morange - L'avis du groupe RPR, négatif lors de la première lecture, le sera encore aujourd'hui, car les raisons de fond de notre hostilité n'ont pas changé. Mon collègue Alain Cousin les a exposées le 18 janvier avec force.

Bien entendu, nous avons un objectif commun : faire de l'emploi la première priorité de l'action publique. N'oublions pas en effet que notre taux de chômage reste nettement plus élevé que celui de nos principaux partenaires économiques : supérieur au taux moyen de l'Union européenne comme de la zone euro, il diminue sensiblement moins vite que chez nos partenaires. Le Gouvernement devrait donc s'interroger sur les freins à la réduction du chômage en France, au lieu de constater simplement chaque mois que la croissance française, largement soutenue par l'excellente conjoncture internationale, crée des emplois.

Sur l'objectif nous sommes donc d'accord. Mais la philosophie qui vous inspire, et qui inspire cette proposition n'est pas la nôtre. Votre vision de l'économie est si dépassée qu'elle étonne, voire amuse presque tous nos partenaires économiques, même lorsque les équipes au pouvoir appartiennent à votre famille politique. Vous n'avez pas vu venir la mondialisation, et n'en avez pas compris les exigences, en termes de compétitivité pour nos entreprises et d'insertion de leurs activités dans la concurrence internationale. Vous affirmez vouloir réguler le marché, et le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, voté de justesse il y a un mois, s'inspire en apparence de ce principe : vous ne faites en réalité que le réglementer davantage, de manière brouillonne, voire paralysante.

La présente proposition en constitue une illustration supplémentaire : réglementation, intervention, contrôle tatillon sont les clefs de voûte de votre politique économique.

A l'heure de la diffusion quasi-instantanée de la connaissance et de l'information par Internet, à l'heure de l'intensification des échanges grâce à la baisse vertigineuse des coûts de transport, à l'heure des mutations accrues dans l'organisation du travail, votre vision de l'entreprise s'enracine encore dans une conception de la lutte des classes, désuète politiquement et dangereuse économiquement. Pour le groupe communiste le dirigeant d'entreprise est d'abord un suspect. Il est suspect de pratiquer systématiquement et volontairement une politique contraire aux intérêts des salariés. Il est suspect de recourir aux licenciements comme unique moyen d'ajustement des capacités de production à la demande. Il est suspect enfin d'utiliser les aides publiques, dans le seul intérêt des marchés financiers et des actionnaires.

C'est oublier que bien peu d'entreprises sont cotées en Bourse et ont accès à ces marchés. Que de mépris pour ceux qui créent, qui innovent, qui investissent ; que de méfiance à l'égard de ceux qui sont les premiers responsables de l'amélioration actuelle de la situation de l'emploi !

Notre philosophie est bien différente. Certes, pour nous, le marché a besoin de règles pour servir les deux objectifs d'efficacité économique et de cohésion de la société. Mais nous refusons d'imposer aux entreprises des carcans qui brident l'initiative et le développement. De telles mesures se révèlent toujours contre-productives en termes d'emploi.

Aujourd'hui, vous nous proposez de créer une instance de contrôle hybride, étrange. Votre commission est antidémocratique, car elle passe outre les pouvoirs que la Constitution confère au Parlement en matière de contrôle de l'utilisation des fonds publics. A cet égard, la Mission d'évaluation et de contrôle, créée à l'initiative de M. Fabius lorsqu'il était Président de l'Assemblée nationale, pourrait très bien assumer une telle tâche. Contrairement à votre commission, sa légitimité démocratique serait incontestable.

Mais votre commission est aussi un non-sens économique : elle érige des associations de chômeurs, dont la représentativité n'est même pas garantie, en censeurs des décisions prises par les directions des entreprises françaises. Le texte va jusqu'à donner à cette commission des pouvoirs de sanction. Notre pays, qui présentait déjà bien des caractères d'exception, doit-il aller jusqu'à ce point ? C'est enfin une instance non paritaire : les organisations représentatives des employeurs y sont sous-représentées par rapport à celles des salariés et aux associations de chômeurs.

Au vu des caractéristiques de cette commission, on pourrait convenir qu'il s'agit d'une proposition de loi de circonstance : l'affaire Michelin a laissé dans la majorité des traces difficiles à effacer, d'autant qu'elle a donné lieu de la part du Premier ministre, lui-même à un véritable aveu d'impuissance. Le texte porte la marque de ces négociations internes à la majorité plurielle, où le Gouvernement doit donner des gages à chacune de ses composantes pour éviter l'implosion.

Au mieux, votre commission sera inopérante. Au pire, elle sera un frein de plus à l'initiative dans un pays qui déjà n'en manque pas ! Pour toutes ces raisons, le groupe RPR ne peut que s'opposer à l'initiative prise par le groupe communiste (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

Mme Muguette Jacquaint - La proposition de loi des députés du groupe communiste et de mon ami Robert Hue, adoptée en janvier par notre assemblée, nous revient aujourd'hui en deuxième lecture après que la majorité sénatoriale a adopté une question préalable. L'opposition n'a de cesse de fustiger l'excès de dépenses publiques, et n'a jamais de mots assez durs pour dénoncer des abus lorsqu'il s'agit de dépenses sociales, destinées notamment à lutter contre les inégalités sociales persistantes. Mais elle estime urgent de ne rien faire lorsqu'il s'agit des fonds publics accordés aux entreprises. Le dispositif aujourd'hui proposé serait imprécis, irréaliste, voire inapplicable ; il traduirait notre nostalgie d'une économie administrée d'un autre âge, et remettrait même en cause les pouvoirs de contrôle du Parlement. Le rapporteur a déjà apporté quelques réponses pertinentes à ces propos excessifs. Je souhaite simplement insister sur certaines réalités qui justifient pleinement que l'Assemblée nationale confirme son vote de janvier dernier, tout en apportant au texte quelques améliorations rédactionnelles.

L'exigence d'une transparence de l'usage des fonds publics accordés aux entreprises n'est plus à démontrer. La commission d'enquête parlementaire sur les pratiques des grands groupes et leurs conséquences sur l'emploi et l'aménagement du territoire avait montré l'opacité et le cloisonnement du système actuel et son inefficacité au regard de la création d'emplois. Elle constatait par exemple que les dix groupes industriels et financiers de notre pays qui collectaient la majorité des aides publiques avaient singulièrement réduit leurs effectifs ces dernières années et développé la précarité de l'emploi. M. Morange nous accuse d'être contre les entreprises : ne confondons pas « les entreprises » avec les seuls grands groupes ! De nombreuses PME sont exclues des dispositifs d'aide existants.

M. Maurice Ligot - Ce n'est pas vrai.

Mme Muguette Jacquaint - Mais si ! En revanche, Michelin, Alstom, Unilever annoncent des augmentations de leurs résultats nets qui se chiffrent par milliards, mais continuent à supprimer des milliers d'emplois.

Leur comportement, de plus en plus mal accepté par l'opinion publique, est emblématique. Ces grands groupes sont engagés dans une course à la rentabilité financière qui se révèle meurtrière pour l'emploi.

La droite, au Sénat, a présenté cette proposition comme un texte de circonstance, comme un alibi à l'incapacité du Gouvernement à changer les règles du jeu de la mondialisation libérale.

Nous pensons qu'il est possible d'améliorer l'utilisation de l'argent pour encourager la production de richesse réelle, renforcer la formation et rendre plus démocratique la vie dans l'entreprise.

Nul n'est aujourd'hui en mesure de décrire la réalité des flux que représentent les fonds publics alloués aux entreprises. Nous voulons contrôler leur utilisation et mesurer leur impact sur l'emploi, à l'intérieur de l'entreprise comme au niveau du bassin d'emploi.

Les sénateurs de la majorité plurielle ont souligné l'intérêt du dispositif du point de vue de l'aménagement du territoire.

L'évaluation des aides publiques est indispensable si nous voulons réorienter les dispositifs existants pour les mettre au service de la recherche, de la formation et de l'emploi.

Trop d'aides sont octroyées sans contreparties. Mon collègue Daniel Paul, dans son rapport, insistait sur la nécessité de passer d'une logique de subsides à une logique d'incitation. Il suggérait la constitution de fonds régionaux pour l'emploi, capables d'accorder des prêts bonifiés.

Il faut pénaliser la croissance financière et encourager le développement de l'économie réelle.

Les commissions régionales que nous vous proposons de créer n'ont pas vocation à se substituer aux organismes chargés du contrôle des aides publiques, mais à mettre en cohérence le travail des gestionnaires de l'aide et celui des représentants de l'Etat. Elles n'empièteront pas non plus sur les prérogatives du Parlement, d'autant que des parlementaires siégeront en leur sein. Les rapports qu'elles publieront aideront la représentation nationale à exercer sa fonction de contrôle.

L'existence de commissions régionales rendra possible un suivi de proximité.

Il faut aussi donner aux salariés le pouvoir d'alerter le gestionnaire des aides quand ils le jugent nécessaire, le service compétent restant libre de donner ou non suite à cette alerte.

Le citoyenneté doit aussi concerner l'économie. Quant à l'entreprise, elle a une responsabilité sociale en matière d'emploi, surtout si elle bénéficie de fonds publics. Il est donc nécessaire d'adopter cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Gilbert Gantier - Nous examinons en deuxième lecture la proposition de M. Robert Hue et des membres du groupe communiste adoptée ici le 18 janvier par la majorité plurielle. Je dois d'ailleurs préciser que ce texte n'a pas fait l'objet d'une véritable lecture au Sénat, qui a refusé de l'examiner (Interruptions sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). Nous le comprenons fort bien, d'ailleurs.

Ainsi, le texte issu de l'imagination de M. Hue nous revient dans sa pureté originelle (Sourires).

Nous avons le privilège, dans notre douce France, d'avoir les communistes les plus conservateurs qui soient (Interruptions sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). Partout dans le monde, les communistes ont évolué depuis la chute du mur de Berlin. Ce n'est pas le cas chez nous, et nos communistes regrettent cette économie planifiée qui apporta tant de bonheur aux populations soviétiques (Interruptions sur les bancs du groupe communiste).

M. Jean-Louis Idiart - C'est fini tout cela, Monsieur Gantier !

M. Gilbert Gantier - Votre proposition n'a donc rien d'étonnant. Les entreprises, pour vous, sont les fossoyeurs de l'emploi.

Mme Muguette Jacquaint - Je n'ai pas dit cela ! Vous mentez !

M. Gilbert Gantier - Votre proposition répond en outre à votre intention d'enfler toujours la sphère publique.

M. Hue nous propose la soviétisation des entreprises françaises... (Interruptions sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste) qu'il veut rendre responsables de l'échec des politiques sociales. On ne s'interroge même pas sur la pertinence de ces politiques fondées sur les subventions.

Cette proposition est dangereuse. J'aimerais d'ailleurs que le rapporteur général de la commission des finances vienne nous expliquer le sens de sa déclaration à propos de ce texte : « je suis hostile sur le principe mais conjoncturellement favorable à cette proposition ». Je comprends son embarras. Se déclarer favorable à ce texte, c'est admettre implicitement que les parlementaires et la commission des finances ne font pas leur travail.

Que penser de votre diagnostic ? Si les aides publiques représentent 170 milliards par an, c'est que chaque Gouvernement a voulu ajouter son avantage fiscal aux dispositifs antérieurs. On nous dit que ces aides sont détournées de leur objet.

M. Bernard Outin - Certaines.

M. Gilbert Gantier - Mais vous restez très flous sur la nature du contrôle exercé par ces commissions.

Ces aides, les entreprises les ont sollicitées. Elles les ont obtenues grâce à l'agrément de l'organisme public concerné. S'il y a un dysfonctionnement, c'est cet organe qui est fautif et son contrôle relève de la Cour des comptes.

Si vous voulez exercer un contrôle sur l'opportunité des décisions, vous substituerez une obligation de résultats à une obligation de moyens. Les communistes veulent s'immiscer dans la gestion des entreprises ! (Interruptions sur les bancs du groupe communiste)

Le remède proposé est pire que le mal. Vous instituez un tribunal d'inquisition économique ! (Mêmes mouvements)

Dans sa composition, cette commission sera un aréopage hétéroclite allant du magistrat de la Cour des comptes aux représentants des associations de chômeurs, du patronat et des syndicats. Qui pourra décemment accepter de siéger dans une telle instance ?

D'autre part, ses possibilités de saisine beaucoup trop larges perturberont les entreprises par un contrôle permanent et intempestif. L'autosaisine est dangereuse. Quant à la saisine par le comité d'entreprise, elle équivaut ni plus ni moins à créer un petit soviet dans chaque entreprise (Protestations sur les bancs du groupe communiste).

Mme Muguette Jacquaint - Il manque le couteau entre les dents !

M. Gilbert Gantier - En réalité, cette proposition de loi pleine d'arrière-pensées masque une volonté d'établir un contrôle de gestion public des entreprises privées, en prenant pour alibi la mondialisation, les grands groupes, et les multinationales, qualifiées de « chasseurs de primes », toutes destructrices d'emplois.

Ainsi, les capacités d'investigation de la commission devraient être des entreprises sans limites, portant aussi bien sur les relations mère-fille, que sur les rapports avec les sous-traitants ou avec les clients.

En fait, cette proposition réintroduit l'idée de commissaires politiques qui s'immisceront de façon quasi permanente dans la vie de l'entreprise. Il ne s'agit plus d'économie dirigée, mais d'économie super-administrée !

M. Bernard Outin - Il nous fait la totale !

M. Gilbert Gantier - Notre commission des finances a pourtant déjà renforcé ce contrôle, en créant l'an dernier la Mission d'évaluation et de contrôle, qui a étudié les aides à l'emploi.

Quant au contrôle de la Cour des comptes, il s'exerce non seulement sur les aides ou subventions de l'Etat, mais aussi sur celles des collectivités locales et de l'Union européenne.

Plus que d'un organe de contrôle redondant, inutile et dangereux, c'est d'une remise à plat complète du système de subventions publiques que nous avons besoin.

En conclusion, nous ne pouvons accepter de donner de tels pouvoirs d'investigation à une commission, dont nous désapprouvons la composition et qui pourrait être saisie par n'importe qui. Nous ne pouvons souscrire à un contrôle de gestion public des entreprises privées.

C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale ne votera pas cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Gérard Bapt - Le rapporteur a montré à quel point la position prise par le Sénat sur le sujet qui nous occupe était politique et dogmatique. Quant aux propos de M. Gantier, ils étaient empreints d'une telle enflure et d'une telle démesure qu'ils auraient pu prêter à rire s'il ne s'agissait en fait de refuser la transparence et le contrôle des aides publiques aux entreprises.

Avec cette proposition, amendée et votée en première lecture par la majorité plurielle, il s'agit non d'économie administrée, mais de transparence et de démocratie sociale.

Du reste, l'attitude du Sénat en l'occurrence contredit la démarche qu'il a entreprise par ailleurs, trois de ses rapporteurs de la commission des affaires sociales, chargés de présenter un bilan à mi-parcours de la loi de financement de la sécurité sociale, ayant élargi leurs investigations à la gestion des exonérations de cotisations sociales, estiment que l'enjeu -100 milliards- était considérable. Dès lors, n'est-il pas paradoxal de refuser, dans le même temps, le contrôle et la transparence pour les aides publiques aux entreprises, dont ces exonérations font partie !

A l'inverse, la MEC avait réclamé un meilleur contrôle de ces aides, sur la base du rapport que je lui avais présenté.

Le journal Les Echos titrait récemment : « Les aides économiques des collectivités locales marquent le pas ». Elles atteignaient cependant 13,8 milliards en 1998, ce qui n'est pas négligeable même si c'est peu de chose comparé au total de 300 milliards d'aides publiques aux entreprises recensées par la DARES.

Certes, des contrôles sont déjà exercés, en particulier le contrôle parlementaire sur les crédits d'Etat. Mais, à cet égard, les conclusions des travaux de la commission des finances, de la MEC ou de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques sont concordantes.

Tout d'abord, il est difficile d'avoir une vue d'ensemble de la dépense pour l'emploi, et plus encore des aides publiques aux entreprises où la dépense pour l'emploi représente près de 4 % du PIB. Tout ce qui peut améliorer la connaissance de l'utilisation de cette masse de crédits publics est donc bienvenu.

Ensuite, la création nette d'emplois n'est pas l'unique objectif des aides à l'emploi. En effet, même en période de dynamisme économique retrouvé, il faut s'employer à réduire la sélectivité du marché du travail au profit des moins qualifiés et des chômeurs de longue durée. La décrue du chômage n'a pas ôté leur utilité à ces dispositifs.

Enfin, il est indispensable d'évaluer les aides à l'emploi, notamment pour traquer les effets d'aubaine.

Le contrôle parlementaire sur les aides accordées par l'Etat est primordial. Le Gouvernement tient les engagements précis qu'il a pris en ce domaine, qu'il s'agisse de lutter contre l'effet d'aubaine, par souci d'économie, ou de mieux cibler les aides par souci d'efficacité.

Mais les aides de l'Etat ne sont qu'une faible part des aides publiques aux entreprises, qui se composent aussi des aides accordées par la sécurité sociale, par les collectivités locales et par l'Union européenne.

Le Parlement est désormais associé au contrôle des aides accordées par la sécurité sociale. Le fonds national de financement de la réforme des cotisations patronales comprendra un conseil de surveillance, composé de parlementaires, de représentants de l'Etat, des syndicats et des employeurs. En outre, en vertu de l'article 36 de la loi relative à la réduction du temps de travail, le Gouvernement informera, chaque année, le Parlement de l'impact sur l'emploi de la réduction du temps de travail et de l'allégement de cotisations sociales.

D'autre part, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, exerce des contrôles approfondis sur l'assiette de cotisations des entreprises, qui ont abouti l'an dernier à plus de 3 milliards de recouvrement.

S'agissant des aides des collectivités locales à l'emploi, la MEC a jugé utile de demander à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes d'en dresser une évaluation coordonnée. Or, les chambres régionales des comptes ne sont pas encore en mesure de le faire. La commission instituée par la présente proposition devrait donc nous permettre d'avoir enfin une vue d'ensemble de ces aides. S'agissant des aides européennes, il importe de pouvoir apprécier leur contribution à la réduction des disparités régionales.

Loin de porter tort à l'autonomie de décision des élus locaux, une meilleure information renforcerait leur capacité de décision.

Bref, la présente proposition rejoint tout à fait les conclusions de la MEC. Oui, il est bon qu'une instance nationale, réunissant toutes les parties prenantes, dresse un diagnostic d'ensemble, favorise une meilleure cohérence ou souligne certains errements et en fasse part régulièrement au Parlement et au Gouvernement, dans le respect des principes de la décentralisation.

En première lecture, notre assemblée avait amélioré la proposition de loi pour en faciliter l'application, car la tâche qui attend cette commission est difficile. Il lui faudra procéder à une évaluation d'ensemble, tenant compte à la fois des aspects quantitatifs, économiques et sociaux des aides sans négliger la dimension territoriale du problème.

Bref, cette commission devra faire la preuve de son efficacité au service d'une conception du progrès économique plus respectueuse des équilibres sociaux, de l'emploi et de l'aménagement du territoire.

Pour toutes ces raisons, il convient d'adopter cette proposition dans la rédaction que nous avions retenue en première lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Maurice Ligot - Après son rejet par le Sénat, la commission des finances a rétabli le texte de la proposition tel que nous l'avions adopté en première lecture, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles.

La commission qui serait ainsi créée serait chargée de contrôler la bonne utilisation des aides de l'Etat, des collectivités, et de l'Union européenne, mais aussi d'évaluer les impacts économiques et sociaux de ces aides. Elle serait composée de députés et de sénateurs, très minoritaires, de représentants de l'Etat, de représentants des syndicats de salariés, des associations de chômeurs et des organisations patronales, enfin de personnalités qualifiées.

La création de cette instance répond-elle à un besoin réel ? Certes, l'usage des fonds publics accordés aux entreprises privées -170 milliards environ-, doit faire l'objet d'un contrôle sérieux.

Mais deux problèmes se posent : la multiplication des organismes de contrôle de la dépense publique et le dessaisissement de la souveraineté nationale de son pouvoir de contrôle. La multiplication des organismes de contrôle est particulièrement malvenue alors que la Constitution assigne clairement ce rôle à la Cour des comptes pour le contrôle de l'exécution de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale et que les chambres régionales des comptes s'assurent depuis 1982 de la régularité de l'exécution des dépenses publiques des collectivités locales. Tout le monde s'accorde d'ailleurs à reconnaître la qualité des contrôles de la Cour des comptes. Il est pourtant de pratique constante que le Gouvernement n'applique qu'avec lenteur -ou pas du tout- ses recommandations. Alors, pourquoi respecterait-il davantage les recommandations d'une quelconque commission ?

C'est pourquoi je rappelle que mon collègue M. Paillé, saisi par plus de cent parlementaires, avait déposé une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête portant sur les suites données au rapport public de la Cour des comptes. Cette proposition a été rejetée par la commission des finances sur la base des conclusions d'un rapport présenté par Mme Bricq au nom de votre majorité. Ce dernier rapport établissait que la création d'une commission d'enquête était inopportune car il semblait superflu de vouloir « contrôler le contrôle ». C'est pourtant ce que propose M. Hue et le groupe communiste en créant une instance permanente extérieure au Parlement qui dessaisirait les parlementaires. Or, je rappelle qu'en vertu de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de notre Constitution, le vote et le contrôle de la dépense publique doivent être assurés par les élus de la nation, les rapporteurs spéciaux étant dotés des pouvoirs nécessaires et ce n'est pas M. le rapporteur général qui me contredira ! Supprimer ce contrôle concourt donc à affaiblir le régime parlementaire.

M. Laurent Fabius avait rappelé lors de la création de la Mission d'évaluation et de contrôle, le 3 février 1999, que « dépenser mieux suppose que les assemblées contrôlent réellement dépenses et recettes, ainsi que l'efficacité de celles-ci. Cela implique de placer désormais l'évaluation et le contrôle au c_ur de l'activité budgétaire du Parlement ». Le Parlement dispose de la légitimité pour faire respecter les articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Alors, pourquoi envisager la création d'une autre commission ? Pourquoi donner le pouvoir de contrôle à une nouvelle commission alors que la MEC a entrepris des travaux constructifs et émis des propositions, notamment sur les aides à l'emploi, qu'elle juge pour partie inefficaces. Pourquoi ces conclusions ne sont-elles pas suivies d'effets ? Et alors que les recommandations parlementaires ne sont pas entendues, pourquoi choisir de créer une nouvelle instance ? A quoi sert donc la MEC, créée il y a un an seulement ? Nous sommes loin du souhait de M. Fabius qui invitait les rapporteurs de la MEC à faire régulièrement le bilan de leur évaluation et proposait que notre assemblée soit amenée à en débattre sur la base de leur rapport. C'est ce qu'il appelait le droit de suite des rapporteurs budgétaires.

S'agissant des dépenses publiques consacrées à l'emploi, la MEC souhaitait évaluer les différents types d'aides, à l'aune des objectifs qui leur sont assignés. L'examen complet des flux financiers afférents et le rapport sur l'utilisation des crédits à la formation professionnelle ont contribué à révéler l'obscurité et la complexité de la gestion publique en ces domaines. Il en a résulté des propositions de réformes qu'il faudra bien mettre en _uvre dans un avenir proche : tel est le rôle du Gouvernement.

Les travaux de la MEC posent avec acuité le problème de la question des dépenses publiques. Le renforcement du droit de suite des rapporteurs budgétaires n'a d'intérêt que s'il est pérennisé et s'il s'accompagne d'un pouvoir de contrôle sur le suivi des conclusions et des propositions de réformes à mettre en _uvre. Cela contribuerait à rendre l'action de l'Etat plus efficace. A l'inverse, si notre assemblée votait la proposition de loi de M. Hue, la MEC en serait considérablement affaiblie et l'efficacité de l'Etat lui-même serait mise en question. En ne tenant pas compte des recommandations consensuelles de la MEC dans le projet de loi de finances pour 2000, le Gouvernement montre qu'il ne souhaite pas permettre au Parlement de jouer pleinement son rôle. Dans cette affaire, où est l'intérêt du Gouvernement ? A-t-il intérêt à l'opacité ? Ne devrait-il pas privilégier la transparence dans la gestion des finances publiques ?

Ce n'est pas en créant une structure supplémentaire, mais plutôt en systématisant les activités de contrôle et d'évaluation de la dépense publique par le Parlement lui-même, que les aides à l'emploi en particulier et les finances publiques en général seraient mieux utilisées.

Si elle était votée, la proposition de loi qui nous est soumise apparaîtrait comme une nouvelle manifestation de la « commissionnite », qui traduit une volonté tout à fait injustifiée d'administrer l'économie. La commission ainsi instituée ferait double emploi avec la Cour des comptes. L'UDF estime donc qu'il appartient au Parlement d'assurer le contrôle et l'utilisation des 170 milliards d'aides à l'emploi, ce qui n'exclut pas, s'il en est besoin, la concertation avec tous les partenaires intéressés (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL).

La discussion générale est close.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Au cours de la discussion générale, l'opposition a cédé à la tentation des grands mots et de la caricature. Elle a aussi joué, et je me tourne vers M. Gantier, à se faire peur. Je constate pour ma part que le pragmatisme est de notre côté et l'idéologie du vôtre ! Le désir secret de la droite, c'est le recul de l'Etat. Et plutôt que de contrôler un dispositif d'aides aux entreprises en vue de l'améliorer, elle préfère le supprimer. Notre position est plus ambitieuse. Elle ne cède pas au laisser-faire de l'ultralibéralisme et tend plutôt à permettre de faire. Il s'agit donc d'assurer la transparence des aides publiques aux entreprises, dans le cadre d'un dispositif équilibré, qui permette, pour reprendre les propos de Mme Jacquaint, à l'action publique de gagner en cohérence. En refusant d'adopter cette proposition, l'opposition cède à une attitude politicienne qui se situe en totale contradiction avec les objectifs qu'elle prétend poursuivre, comme l'a très justement rappelé M. Bapt.

Je regrette que le débat n'ait pu se nouer à partir d'une initiative concrète dont l'objectif essentiel est de se prévenir des comportements de chasseurs de primes que pourraient être tentés d'adopter certains chefs d'entreprise. Si le débat est manqué, la proposition de loi est réussie et je m'en félicite, au nom du Gouvernement et de la majorité plurielle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - Conformément à l'article 109 du Règlement, nous en venons à la discussion des articles de la proposition de loi dans le texte précédemment adopté par l'Assemblée nationale et qui a été rejeté par le Sénat.

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ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur - L'amendement 1 est rédactionnel.

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

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ART. 3

M. le Rapporteur - L'amendement 2 tend à rassembler dans un article additionnel toutes les dispositions relatives aux commissions régionales.

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 3 tend à distinguer les demandes d'informations complémentaires selon qu'elles sont d'ordre général ou relatives à une entreprise particulière.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 3

M. le Rapporteur - L'amendement 4 vise à rassembler les dispositions relatives aux commissions régionales dans un article spécifique.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

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ART. 4

M. le Rapporteur - Les amendements 5 et 6 sont rédactionnels.

Les amendements 5 et 6, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 4 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 bis, mis aux voix, est adopté.

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ART. 4 TER

M. le Rapporteur - L'amendement 7 est rédactionnel.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 ter ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble de la proposition de loi, mise aux voix, est adoptée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

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DÉSIGNATION DE CANDIDATS À DES ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre des demandes de remplacement des membres de l'Assemblée nationale au sein du Conseil national des transports et du Conseil supérieur de la forêt et des produits forestiers. Conformément aux précédentes décisions, le soin de présenter des candidats a été confié à la commission de la production. Les candidatures devront parvenir à la Présidence avant le mercredi 21 juin, à 18 heures.

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        COLLECTE DE FONDS

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter entretient des rapports étroits avec l'actualité. L'amélioration de la sécurité des opérations de transport de fonds a été, en effet, une revendication des salariés lors du mouvement de grève des récentes semaines. Elle est également une préoccupation du Gouvernement, et j'ai rappelé le 10 mai dernier, en réponse à une question d'un député, les actions menées pour renforcer cette sécurité, actions dont le présent projet constitue un prolongement.

Les convoyeurs de fonds exercent, chacun le reconnaît, un métier difficile et risqué. Il y a plus d'un an que le ministère de l'intérieur réfléchit aux moyens de le rendre plus sûr, car des agressions avaient endeuillé la profession, en 1998 notamment. Il a organisé l'an dernier, avec l'ensemble des parties prenantes et les autres ministères concernés, une quinzaine de tables rondes qui ont permis de mieux cerner les contraintes et les risques de la profession, et ont débouché sur des mesures réglementaires.

Le décret du 28 avril dernier relatif à la protection des transports de fonds a été suivi, dès le 4 mai, d'arrêtés précisant les normes techniques auxquelles doivent répondre les véhicules et les équipements des transports de fonds. Ces dispositions, qui se substituent à un texte vieux de vingt ans, ne pouvaient cependant suffire, dès lors qu'étaient nécessaires des mesures de nature législative. Ce sont elles qui font l'objet du texte dont vous êtes saisis aujourd'hui, et qui n'est pas pour autant un texte de circonstance, mais s'inscrit dans une démarche d'ensemble : le conseil des ministres du 17 mai, qui l'a approuvé, a également adopté un projet de loi relatif aux activités de sécurité privées et à la sécurité interne de certains services publics, qui vous sera soumis ultérieurement, et dont les dispositions relatives à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds ont été disjointes pour être votées sans tarder, le Gouvernement en déclarant l'urgence.

L'amélioration de la sécurité du transport de fonds ne se résume pas à l'adaptation des équipements dont sont dotés les convoyeurs de fonds et leurs véhicules. Il est indispensable, en effet, de renforcer la sécurité de la desserte elle-même. C'est pourquoi l'article premier permet aux maires d'autoriser les véhicules de transport de fonds à emprunter les couloirs de circulation et à occuper les emplacements réservés, répondant ainsi à une revendication légitime de la profession. L'article 2, quant à lui, oblige les établissements desservis de façon habituelle - et non occasionnelle - par les transporteurs de fonds à se doter d'aménagements spéciaux, afin de réduire la durée de la phase piétonne du transport de fonds, phase durant laquelle plus de la moitié des agressions sont commises, selon les statistiques de l'Office central pour la répression du banditisme.

S'il revient bien au législateur d'édicter une obligation qui porte une atteinte - fondée - à la liberté de l'industrie et du commerce, la mise en _uvre technique de cette obligation relève, elle, du pouvoir réglementaire. La commission des lois a émis le souhait que le décret soit pris dans les six mois suivant la promulgation de la loi. Le Gouvernement partage son souci de ne pas perdre de temps, et s'engage à mener la concertation nécessaire dans les meilleurs délais. J'approuve, par ailleurs, l'amendement de la commission prévoyant des sanctions en cas de non-respect de l'obligation de réaliser des aménagements de sécurité. Reste la question du délai donné aux entreprises pour ce faire : votre commission estime qu'il appartient au législateur lui-même de le fixer ; nous en discuterons tout à l'heure.

Je ne doute pas que nous partagions tous la volonté d'améliorer la sécurité des opérations de transport de fonds, et je forme le v_u que l'Assemblée adopte le projet de la manière la plus large (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur de la commission des lois - La sécurité du dépôt et de la collecte de fonds, qui aurait pu faire, il y a quelques jours, la « une » d'un grand quotidien national, sera demain, si nous adoptons le présent projet, le titre d'une loi de la République. Ce lien entre la récente grève des convoyeurs et notre débat d'aujourd'hui n'a rien de choquant : il est de notre devoir, au contraire, de répondre aux inquiétudes de nos concitoyens, et ne pas écouter la société conduit à l'affaiblissement de l'Etat.

Le projet va cependant bien au-delà de l'actualité immédiate. Assurer la sécurité des transports de fonds est une mission de l'Etat, et le Gouvernement n'a d'ailleurs pas attendu la grève des convoyeurs de fonds pour s'en rendre compte (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Bruno Le Roux - C'est vrai !

M. le Rapporteur - Il s'agit de préserver une activité d'intérêt général, nécessaire à l'économie de proximité comme à la vie quotidienne, à commencer par celle des Français les plus modestes et des petites et moyennes entreprises. Il s'agit aussi de protéger quelque 8 000 hommes et femmes, dont les emplois sont précaires et qui sont parfois victimes de la violence.

Comme je l'ai indiqué, l'intervention du Gouvernement n'est pas nouvelle : au printemps 1999 déjà, une large concertation a été engagée avec tous les représentants de cette profession et, le 28 avril dernier, un décret a renforcé plusieurs normes de sécurité. Des commissions départementales de la sécurité des transports de fonds présidées par le préfet et au sein desquelles siégeront des représentants de la profession, des donneurs d'ordre et des maires, ont été instituées. Je salue cette initiative car c'est à l'échelon du département que les problèmes seront le mieux identifiés et les solutions trouvées.

La grève des convoyeurs de fonds a mis en lumière le malaise de cette profession. Les revendications qui se sont exprimées à cette occasion portaient, pour partie, sur des aspects statutaires et salariaux qui relèvent de la négociation paritaire. Mais en nommant un conciliateur et en réunissant tous les protagonistes autour d'une table, le Gouvernement -et son ministre des transports en particulier- a favorisé la poursuite du dialogue social.

M. Dominique Bussereau - Il a mis le temps !

M. le Rapporteur - Nous nous réjouissons tous qu'un accord satisfaisant pour l'ensemble des parties ait finalement été signé.

La sécurité faisait également partie des revendications exprimées, et le Gouvernement ne s'est pas dérobé à son devoir. Il a pris plusieurs initiatives : l'interdiction du travail de nuit ; l'annulation des clauses qui imposaient l'enlèvement des fonds à heures fixes ; la réunion, avant la fin du mois de mai, des commissions départementales de sécurité ; le concours des forces de police et de gendarmerie pour les transports de fonds sensibles ; l'engagement de renforcer les normes de blindage en modifiant l'un des deux arrêtés du 28 avril dernier publiés au Journal officiel du 4 mai.

A cet égard, les salariés m'ont fait part de leur souhait de voir modifier d'autres dispositions de cet arrêté, et plus particulièrement que soit rendu obligatoire un dispositif de ventilation ou de climatisation dans chaque véhicule blindé. Etant donné ce que sont leurs conditions de travail, on les comprend !

J'en viens au texte du projet. Des mesures destinées à réduire la phase « piétonne » du transport des fonds devaient figurer, initialement, dans un projet portant sur l'ensemble des activités privées qui contribuent à la sécurité de notre pays. Son dépôt avait été annoncé par le Premier ministre à l'occasion du colloque de Villepinte et il a effectivement été présenté, il y a quinze jours, en Conseil des ministres.

M. Jean-Antoine Leonetti - Trois ans plus tard !

M. le Rapporteur - Le Sénat s'apprête à l'examiner, notre tour viendra à l'automne. A cette occasion, nous examinerons certaines questions qui se posent également en matière de transport de fonds, en particulier dans le domaine de la formation professionnelle.

En attendant, les mesures précitées relatives à la sécurité du convoyage de fonds sont finalement présentées dans ce projet. Leur individualisation et l'accélération de leur mise en _uvre témoignent de la volonté du Gouvernement de répondre aux inquiétudes des salariés, dans les limites de ses compétences.

Deux articles sont proposés. L'article premier a trait aux conditions de stationnement et de circulation des véhicules des entreprises de transport de fonds et autorise les maires à prendre des mesures particulières en ce qui les concerne. Il s'agit d'une faculté et non d'une obligation : il reviendra aux maires d'apprécier l'opportunité de faire usage de ce pouvoir supplémentaire de police municipale. Contrairement à ce que certains prétendent, il ne s'agit pas d'une « mesurette », mais d'une question importante, qui satisfait une demande ancienne de la profession.

L'article 2 impose à ceux qui font appel aux services de ces entreprises de procéder à certains aménagements, notamment immobiliers, définis par décret. Une obligation de résultat, plus que de moyen, sera exigée.

Sur cet article, j'ai présenté un amendement que la commission des lois a accepté. Il renforce l'intention du législateur et encadre les délais de mise en _uvre de cette disposition. Ne seront soumises aux obligations nouvelles que les personnes qui font appel à des entreprises de transport de fonds « de façon habituelle » : ne sont donc pas visés les petits commerçants. Le décret d'application devra être publié dans les six mois à venir, ce qui laisse un peu de temps pour une concertation indispensable mais qui indique aussi le souhait du législateur que les choses avancent rapidement. Les locaux devront être mis en conformité avec la nouvelle réglementation avant le 1er juillet 2002, ce qui est contraignant.

J'ai également présenté un amendement qui prévoit des sanctions rigoureuses à l'encontre de ceux qui ne respecteraient pas les obligations du décret. Le dispositif proposé, ainsi complété, sera plus efficace. Je tiens à remercier le Gouvernement de nous avoir soumis ce projet. Mais à l'avenir la sécurité du transport de fonds devra également être examinée dans un contexte européen et la France, qui s'apprête à exercer la présidence de l'Union, pourrait utilement prendre une initiative en ce sens.

Les deux mesures qui nous sont proposées s'inscrivent dans le cadre d'une politique de sécurité dont le Premier ministre, conscient que l'insécurité recoupe le champ des inégalités sociales, a fait l'une de ses priorités. Polices municipales, déontologie de la sécurité, transport de fonds et bientôt activités privées de sécurité : cet édifice législatif est cohérent.

M. Jean-Antoine Leonetti - Les paroles sont cohérentes, les actes beaucoup moins !

M. le Rapporteur - Avec l'installation progressive de la police de proximité, le Gouvernement définit une approche à la fois progressiste et déterminée des problèmes de sécurité auxquels nous sommes confrontés. Je rends hommage à votre action, Monsieur le ministre, et, sous réserve de l'amendement auquel j'ai fait référence, j'invite l'Assemblée à adopter ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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DÉCLARATION D'URGENCE

M. le Président - M. le Premier ministre m'informe que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées que nous sommes en train d'examiner (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Acte est donné de cette communication.

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      COLLECTE DE FONDS (suite)

M. Georges Sarre - C'est au nom des citoyens que je m'exprimerai...

M. Christian Estrosi et M. Jean-Antoine Leonetti - Nous aussi !

M. Georges Sarre - Oui, mais de manière sans doute très différente.

M. le Président - Il y a des citoyens d'une part, le Mouvement des citoyens d'autre part...

M. Georges Sarre - A la suite des graves problèmes auxquels étaient confrontés les convoyeurs de fonds, une vaste concertation s'est engagée en février 1999.

L'Etat a pleinement joué son rôle, et recherché des solutions satisfaisantes. C'est bien ainsi, car cela n'aurait pas été une bonne chose de laisser les partenaires sociaux régler seuls ces questions.

La sécurité figure au premier plan des préoccupations du Gouvernement. Tous peuvent y prétendre, et l'Etat doit garantir l'exercice de ce droit. De plus, le convoyage de fonds n'est pas une activité ordinaire, mais un service d'intérêt général, puisqu'il contribue à la bonne marche de l'économie nationale. Or, ceux qui exercent cette profession s'exposent à des risques certains.

Des attaques de convois, on retient plus le butin perdu ou préservé que le destin tragique des hommes auxquels il avait été confié...

Le sort des salariés de ce secteur est pourtant peu enviable : « Non à la mort pour 6 000 francs ! » s'exclamaient-ils pendant leur grève. Comment mieux résumer l'injustice qui leur est faite ? Contraints à une implacable rentabilité par la quinzaine d'entreprises, essentiellement américaines, qui les emploient, leur vie a bien peu de prix. Ne travaillent-ils pas pour des salaires proches du SMIC, sans formation suffisante, et avec des contrats précaires, tout en risquant la mort ?

Les banques ont « externalisé » nombre d'activités risquées au cours des années 1980. Et l'on sait ce qu'« externaliser » signifie : cela veut dire sous-traiter dans les pires conditions, avec le seul objectif d'une rentabilité toujours croissante. Si les employés des guichets se sont vu reconnaître un statut particulier il y a vingt ans, il n'en a pas été de même pour les convoyeurs et la situation est telle, à présent, qu'au dire de certains policiers, il est plus facile d'attaquer un fourgon blindé » qu'une agence bancaire !

Sacrifier ainsi des vies à la rentabilité, c'est nier la dignité humaine, et laisser un libéralisme archaïque dériver toujours davantage. Voilà pourquoi l'Etat devrait prendre immédiatement ses responsabilités.

M. Dominique Bussereau - Il le fait bien tard !

M. Georges Sarre - Parlez, beaux merles ! Ce projet complète le dispositif en permettant la création par les communes d'emplacements réservés, et en imposant aux donneurs d'ordre d'aménager les locaux où les convoyeurs doivent accéder.

L'Etat est le garant de l'intérêt général : on ne saurait mieux illustrer ce principe, et ce dossier devrait faire réfléchir ceux qui prônent le désengagement de la puissance publique. Ce projet traduit une vraie volonté de faire prévaloir l'intérêt général. C'est pourquoi les députés du Mouvement des citoyens et du groupe RCV le voteront (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Dominique Bussereau - Bien que M. Sarre m'ait qualifié de beau merle, j'essaierai de ne pas siffler, mais il me permettra peut-être de persifler un peu... Dans le domaine qui nous occupe, la précipitation succède à une assez longue inaction, et le Gouvernement a traité le dossier sans respect de la parole donnée et du calendrier annoncé, ce qui n'a pas été sans conséquences sur la vie des convoyeurs de fonds. Je vous avais posé une question écrite, Monsieur le ministre, le 1er novembre 1999. Vous m'avez répondu le 10 janvier : admettons, avec la tempête et les vacances de Noël, que ce délai restait dans le cadre de notre Règlement. Vous m'écriviez qu'un décret serait pris « prochainement ». Nous ne donnons pas le même sens à ce mot, puisqu'il a fallu attendre le 28 avril... Vous annonciez également que le Gouvernement allait déposer sans tarder un projet de loi sur les activités de sécurité privées. Soyons clair : l'annonce de l'urgence le montre bien, sans la grève des convoyeurs, ni ces deux articles, ni l'ensemble du projet ne nous auraient été présentés. Le Gouvernement a donc agi sans tenir compte de la gravité de la situation, bien que les syndicats aient déjà alerté sur leurs difficultés, les maires, les parlementaires, la police et la gendarmerie, ainsi que votre cabinet, Monsieur le ministre.

Ainsi est-on arrivé à ce conflit social. Il a montré -sur ce point M. Sarre a raison, bien que le libéralisme, ce grand Satan, n'en soit pas la seule cause- que les convoyeurs connaissaient des conditions de travail et des niveaux de salaires anormalement mauvais. Le conflit a donc révélé une situation sociale grave, et la nécessité d'un dialogue social. Il eût certes mieux valu que ce dialogue ait lieu en dehors d'une situation de crise, et qu'on n'ait pas besoin d'appeler à la rescousse le pompier Jean-Claude Gayssot. Il est d'ailleurs apparu à cette occasion que les entreprises de convoyage n'était pas d'une très grande rentabilité, contrairement à ce que pense M. Sarre ; ces entreprises petites et moyennes ne dégagent pas les bénéfices qui leur permettraient de mieux payer leurs salariés. On est donc devant une situation économique et sociale qui n'est pas simple, pour les entreprises comme pour les salariés.

Ce long conflit a posé des problèmes, et, comme le remarquait M. le rapporteur, il a surtout touché les plus modestes, ceux qui utilisent les espèces plutôt que le chèque ou la carte de crédit. Il a montré d'autre part que le moyen d'action dont pensaient disposer les organisations syndicales -paralyser la vie économique en raréfiant l'argent liquide- n'était pas aussi puissant qu'elles le prévoyaient. La négociation a heureusement abouti ; mais on aurait pu éviter quelques morts, ainsi que ce conflit, si les mesures aujourd'hui présentées l'avaient été plus tôt.

J'en viens aux deux articles de cette coquille vide.

L'article premier est de bon sens. Fallait-il recourir à la lourde mécanique législative ? Je n'en suis pas sûr. Moi qui suis maire, j'aurais immédiatement appliqué ces mesures si j'avais reçu à ce sujet une simple circulaire de mon sous-préfet. Quoi qu'il en soit, nous appliquerons bien sûr cet article. Il faudra veiller, localement, à ce que les aménagements prévus soient réalisés intelligemment, pour ne pas constituer pour les bandits un signal d'appel.

L'article 2 est également de bon sen, et il est normal que les donneurs d'ordres participent au service. J'ai toutefois deux inquiétudes. D'abord l'Etat devrait faire un geste sur le taux de TVA applicable à ces aménagements : dès lors que la loi oblige à les faire, il est anormal que l'Etat s'enrichisse à cette occasion. On pourrait envisager le même taux que pour les travaux chez les particuliers. D'autant qu'il s'agit de travaux à réaliser en urgence ; j'observe d'ailleurs qu'il est très difficile aujourd'hui -en raison notamment de la tempête et du manque de salariés- de trouver des entreprises de bâtiment disponibles.

En second lieu je souhaite un engagement clair sur le décret d'application. M. Dufau a évoqué le texte sur les polices municipales : or il a fallu plus d'un an pour que paraissent les derniers décrets et circulaires, et nous n'en sommes qu'au début de la discussion des conventions entre les communes et l'Etat.

Ce texte ne révolutionnera pas la vie des Français. Il apporte peut-être une amélioration par rapport à la situation actuelle, et il est demandé par les convoyeurs de fonds. J'aurais souhaité le voter. Mais la manière dont cette crise a été mal gérée, et dont elle n'a pas été prévue alors que vous aviez toutes les informations, conduira le groupe DL, comme l'ensemble de l'opposition, à s'abstenir.

M. Bruno Le Roux - Le conflit social des convoyeurs de fonds a fait éclater la nécessité d'encadrer les sociétés privées de sécurité, au moment même où le projet du Gouvernement était examiné par le Conseil d'Etat. Depuis 1979, date de la première grande grève des convoyeurs de fonds, cette profession a connu bien des morts et bien des conflits sociaux. Et même si nous apportions aujourd'hui une réponse rapide, dictée par les circonstances, ce n'en serait pas moins la première fois qu'on légifère à ce sujet. Depuis des années, vous sautiez sur vos fauteuils en disant : il faut un statut pour les polices municipales, il faut légiférer sur la sécurité privée... Mais nous avons dû tout faire en trois ans, dans un domaine où vous n'aviez rien fait (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Avec ces deux articles, Monsieur le ministre, vous devenez le seul à avoir su répondre à cette question.

Au-delà de l'urgence de répondre au besoin de sécurité exprimé par les convoyeurs, la réforme proposée s'inscrit dans une démarche globale entreprise dès le début de la législature. Cette démarche s'appuie sur une double dimension du concept de sécurité, entendu comme un devoir de l'Etat et comme un droit du citoyen. Et parce qu'il est acquis que l'Etat ne peut pas tout faire, il doit au moins organiser et contrôler la complémentarité entre le secteur public et le secteur privé de la sécurité. Il s'agit de redéfinir et de préciser les compétences et la coopération de tous les intervenants.

Beaucoup a déjà été fait. La réunion régulière du conseil de sécurité intérieure, la mise en place des contrats locaux de sécurité témoignent de la modernisation des conceptions. La définition et la généralisation prévue de la police de proximité, la législation sur les polices municipales, la création de la commission nationale de déontologie de la sécurité témoignent de la volonté de valoriser l'action des personnels de terrain. Dès 1997, le Premier ministre s'engageait à présenter au Parlement un texte relatif aux sociétés privées de sécurité, acteurs de la sécurité au sens de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité de janvier 1995. J'observe que dans les deux ans qui ont suivi cette loi, rien n'avait été fait sur aucun de ces dossiers. L'échéancier législatif fixé par le Premier ministre a été respecté. Le statut des polices municipales a été unifié. La commission nationale de déontologie de la sécurité a été créée. Le projet de loi relatif aux activités de sécurité privées est déposé sur le Bureau du Sénat et devrait venir devant notre assemblée à l'automne.

L'urgence de la situation imposait que le débat ait lieu avant la fin de la session. Il ne s'agit pas de faire intervenir l'Etat là où il n'a pas à s'immiscer, mais de tenir l'engagement pris il y a trois ans de donner aux entreprises privées de sécurité et à leurs personnels les moyens d'exercer leurs missions dans les meilleures conditions de sécurité. C'est pour nous l'occasion de commencer une réflexion globale sur le statut et les compétences de ces sociétés. Elles participent à la sécurité générale, ce qui justifie que leur activité soit précisément encadrée. Il s'agit de déterminer précisément quelles tâches ces entreprises peuvent assurer, mais aussi de professionnaliser les entreprises et leurs personnels. Il s'agit enfin d'organiser les conditions de la transparence de ce secteur. Tels sont les trois chapitres du projet adopté il y a dix jours par le conseil des ministres. Il constituera une avancée sans précédent, souhaitée par tous les partenaires concernés, en particulier les personnels.

Je ne reviens pas sur le décret du 28 avril 2000, élaboré en concertation avec les entreprises et les syndicats, qui ouvre déjà une véritable possibilité d'améliorer la sécurité dans ce domaine. Quant au présent projet, je souligne, à l'article 2, la nécessité de fixer une date butoir pour la réalisation des équipements. Et puisque vous avez déclaré l'urgence, Monsieur le ministre, il faut que le décret d'application sorte rapidement, même s'il doit être élaboré en concertation avec les sociétés -ce qui est la meilleure garantie pour ensuite pouvoir avancer vite avec elles.

Il faut aussi que les donneurs d'ordres tiennent leurs engagements.

Au total, ces dispositions sont de nature à répondre au besoin de sécurité des convoyeurs de fonds.

Nous devrions néanmoins saisir l'occasion qui nous est donnée de réfléchir à l'utilisation des nouvelles technologies dans la profession de transporteur de fonds. Il est devenu possible de faire ce métier sans porter d'armes, dans des voitures banalisées, sans que l'emploi soit menacé pour autant. En formant les convoyeurs de fonds aux nouvelles technologies, vous leur ouvririez des passerelles vers l'avenir.

Pour le reste, il n'appartient pas à l'Etat de se substituer aux professionnels de la branche.

M. Jean-Antoine Leonetti - Ce n'est pas ce que pense M. Sarre.

M. Bruno Le Roux - Tout au plus, comme il l'a montré, l'Etat peut-il jouer un rôle utile de conciliation.

Comme tous les métiers de sécurité, celui de convoyeur de fonds est un métier à risques. En 1999, treize pompiers, dix policiers, six gendarmes et deux convoyeurs de fonds sont morts en service.

Déclenché sur des revendications de sécurité, le mouvement des convoyeurs a vite révélé un malaise plus profond, ces salariés souffrant d'un manque de considération. Leurs rémunérations sont trop basses. Il s'agit pourtant d'un secteur performant, qui réalise un chiffre d'affaires annuel de 3,5 milliards et emploie 12 000 personnes.

Chacun doit prendre ses responsabilités. C'est ce que nous faisons en soutenant ce texte. Vous avez eu raison, Monsieur le ministre, de déclarer l'urgence.

Il nous restera à voir ensemble votre projet sur la sécurité privée. On n'aura jamais autant légiféré en matière de sécurité que depuis trois ans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Christian Estrosi - La sécurité est la première des libertés, celle qui conditionne toutes les autres. Le Premier ministre semblait en avoir conscience quand, en 1997, il déclara que le Gouvernement avait « la ferme intention d'assurer l'égalité de tous les citoyens devant le droit à la sécurité », ajoutant que l'insécurité constituait « un échec de l'Etat ».

Trois ans après le colloque de Villepinte, le sentiment d'insécurité n'a pas disparu. Il est même omniprésent et, comme l'a écrit M. Dufau dans son rapport, il tend à s'aggraver.

Vous avez beau vous réfugier derrière les statistiques, vous savez que de nombreuses victimes ne portent pas plainte, par crainte des représailles ou par lassitude. Il serait donc plus honnête, quand vous présentez vos chiffres, de préciser qu'ils portent sur la délinquance signalée au Parquet par la police.

Les Français se sentent menacés dans leur chair et dans leurs biens. Votre politique sécuritaire au coup par coup dissimule mal l'insuffisance de votre action.

Tantôt ce sont les sapeurs pompiers qui descendent dans la rue, las de recevoir des pierres pendant leurs interventions. Tantôt ce sont les conducteurs de bus et de métro qui manifestent contre les agressions dont ils sont victimes. Ce type d'attaque a augmenté de 12,5 % en 1999, mais vous vous contentez de gadgets pour y faire face. Votre loi sur les polices municipales n'a fait qu'ajouter, aux difficultés quotidiennes, des tracas administratifs.

Aujourd'hui, ce sont les convoyeurs de fonds qui vous signifient leur ras-le-bol. C'est donc dans l'urgence que vous nous présentez ce projet, avant de nous soumettre un autre texte sur la sécurité privée. Vos petites phrases et vos mesurettes témoignent d'une conception dépassée de la sécurité. Quand vous dites « sauvageons », nous disons « délinquance ». Vous opposez les polices municipales à la police nationale, la sécurité privée à la sécurité publique, la prévention à la répression, alors qu'il faudrait rechercher leur cohésion, leur coopération, leur complémentarité.

Le conflit des convoyeurs de fonds a mis en évidence l'incapacité du Gouvernement à assurer la sécurité. Votre méthode consiste à vous contenter d'artifices de communication plutôt que d'engager une grande réforme de la sécurité privée. Vous me répondrez sans doute que vous vous concertez avec les professionnels du convoyage depuis 1999. Un an de dialogue pour un texte de deux articles !

A défaut de résoudre les problèmes, vous en désaisissez l'Etat pour demander aux maires et aux donneurs d'ordre de trouver des solutions. Drôle de conception de la lutte contre l'insécurité !

Au gré des revendications, vous armez ou désarmez les professions. Dans la loi de 1995, il était écrit que les entreprises de convoyage concouraient à la sécurité générale. Nous attendions donc que vous organisiez leur coopération avec les forces de l'ordre. Nous attendions des mesures favorisant le développement des nouvelles technologies dans la profession. Nous attendions une approche collective, et non corporatiste, des problèmes de sécurité.

Le groupe RPR a déposé plusieurs amendements pour renforcer ce texte, qui manque d'ambition. Leur sort conditionnera notre vote (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean Vila - Lors du colloque de Villepinte, le Gouvernement s'était engagé à déposer un projet sur la sécurité privée, secteur dont toutes les composantes, qu'il s'agisse des entreprises de surveillance, de gardiennage, de transports de fonds, de protection physique des personnes ou de recherche, concourent à la sécurité générale. Ce secteur emploie 100 000 salariés, mais la réglementation de leur activité manque de globalité.

En France, entre la police nationale, la gendarmerie et les acteurs privés, ce sont près de 350 000 personnes qui garantissent, sous des formes diverses, la sécurité des personnes et des biens. La population a le droit de s'interroger sur leur efficacité.

Comme le disait mon ami Jacques Brunhes, pendant l'examen des crédits de la sécurité intérieure pour 2000, nous avons besoin d'une « réflexion solide pour définir un type de service public national de police ». Il faut que l'Etat soit en mesure d'assumer une de ses missions régaliennes, ce qui nécessite une politique de sécurité publique reposant sur un partenariat entre institutions publiques, associations et citoyens.

Je connais, Monsieur le ministre, les efforts entrepris pour doter nos villes d'une police de proximité. Permettez-moi d'espérer que le budget pour 2001 donnera à la police républicaine les moyens d'assurer ses missions.

Quant à ce projet, qui a fait l'objet d'un accord en conseil des ministres, il a été rattrapé par l'actualité.

Un conflit social a ébranlé la France entière, en montrant à l'opinion la réalité d'une profession, ses risques et ses dessous.

Une unité syndicale complète, une détermination solide, une grande dignité malgré la peine causée à toute la profession par le décès de plusieurs collègues, une opinion massivement acquise à la cause des grévistes malgré la pénurie de billets, tout concourait à ce qu'on rende justice aux convoyeurs de fonds.

Qui pouvait rester indifférent à ces reportages qui montraient ces salariés et leur quotidien : « La sécurité ? On y pense toujours, on n'en parle jamais, sinon on deviendrait fou » ; « on sort la trouille au ventre, en rasant les murs et en pensant à nos enfants » ; « on a peur pour tous ceux qui nous côtoient par hasard » ; « je n'ai pas choisi ce métier pour me faire tuer comme un lapin pour un salaire à peine supérieur au SMIC. »

Ils évoquaient aussi sans cesse les tensions avec leurs chefs, avec les clients ou à cause des règlements qui les obligent à effectuer des centaines de mètres à pied avec des millions de francs à la main dans les centres commerciaux ou lors des ramassages des recettes PMU. Tous se plaignent également des salaires et des horaires de travail à géométrie variable.

Au nom des députés communistes, je rends hommage au courage de ces hommes qui font un métier à haut risque. Il aura pourtant fallu quinze jours de grève pour que leurs patrons reconnaissent la légitimité de leurs revendications.

Tout n'est pas acquis. Mais le fait qu'on soit passé de l'offre d'une prime annuelle de 2 000 F à 1 280 F bruts mensuels montre que les entreprises concernées ne sont pas démunies, même si la Brink's et Ardial et Serse, les deux sociétés qui se partagent 80 % du marché, prétendent avoir du mal à équilibrer leurs comptes. Elles ne manquent cependant pas d'appuis. En effet, la Brink's est une filiale du groupe américain Brink's, lui-même filiale de la multinationale Pittston, forte d'un bénéfice supérieur à 88 millions de dollars.

Quant à Ardial et Serse, ce sont deux sociétés rachetées par UBS Capital, une division du groupe bancaire suisse UBS, qui a réalisé l'an dernier 6,3 milliards de francs suisses de bénéfices après impôts !

Dès lors, comment croire qu'elles ne pourraient investir dans la sécurité des salariés qui convoient leurs propres fonds ?

Nous saluons l'initiative du Gouvernement, notamment celle du ministre des transports, M. Gayssot, qui est intervenu dans ce conflit pour que les négociations aboutissent.

Des progrès importants ont été consacrés dans le protocole de fin de conflit. Même si nombre de revendications des organisations syndicales restent insatisfaites, un salarié a déclaré : « Nous venons de rattraper en dix jours vingt ans de retard social dans la profession ».

Une question restait cependant posée : qui allait payer ?

Les sociétés de transports de fonds ont toujours dit qu'elles n'acquitteraient pas seules la facture et que les donneurs d'ordre, banques et grandes surfaces, devaient contribuer à la sécurité. La table ronde réunie au ministère des transports n'a pas permis de trouver un accord sur ce point.

Mais les donneurs d'ordre, en particulier les banques, qui ont progressivement externalisé la partie très contraignante du transport des fonds à moindre coût, peuvent-elles s'exonérer de toute responsabilité ? Nous ne le pensons pas.

Les convoyeurs de fonds peuvent s'enorgueillir d'avoir fait prendre conscience à l'opinion des conséquences de la politique des banques sur le transport de fonds, qui constitue pourtant un véritable service public de sécurité.

Le présent projet prend mieux en considération la sécurité et c'est aux convoyeurs de fonds que nous le devons.

Il complète utilement le décret du 28 avril dernier, qui autorisait la présence d'une arme de 4ème catégorie dans les véhicules de transports, qui imposait le port d'un gilet pare-balles aux convoyeurs et le renforcement des blindages des camions, et qui permettait l'usage de marqueurs de billets en cas d'agression.

Le premier article du projet tend à réduire le temps durant lequel les convoyeurs sont les plus menacés en autorisant les maires à réserver, par arrêté, des emplacements sur les voies publiques pour le stationnement et la circulation.

Le second article oblige les donneurs d'ordre à aménager leurs locaux pour faciliter l'accès des véhicules.

Ces mesures garantiront mieux la sécurité de ces salariés qui, je le répète, exercent un métier à haut risque.

Sans réserve, le groupe communiste approuve ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean-Antoine Leonetti - Comment ne pas établir de relation entre ce projet, qui nous est soumis dans l'urgence, et la grève des convoyeurs de fonds ? Quoi que vous en disiez, il ne s'agit que d'un petit texte, comportant deux petites mesures qui auraient pu faire l'objet d'un décret ou d'une injonction aux maires.

Certes, un problème social se posait. Cela dit, l'intervention que nous venons d'entendre s'apparentait davantage au discours d'un syndicaliste que d'un député.

Pour en revenir aux convoyeurs de fonds, leurs salaires étaient proches du salaire minimum et la mort récente de trois d'entre eux confirmait que les risques encourus dans l'exercice de leur métier justifiait des mesures de sécurité renforcées.

Cela dit, ce projet ne répond que très partiellement aux attentes des professionnels et de nos concitoyens : bien entendu, il est utile d'autoriser les maires à prendre, pour les transports de fonds, des mesures identiques à celles prévues pour les véhicules de transport en commun et pour les taxis. Mais il est regrettable que ces dispositions aient été prises sous la contrainte d'une actualité dramatique.

Alors que ce Gouvernement affirme depuis trois ans que la sécurité est sa priorité, jamais la délinquance et l'insécurité n'ont été aussi fortes, en particulier les délits avec violence associés à un rajeunissement inquiétant de leurs auteurs. Près de 40 % des délits de voie publique seraient commis par des mineurs. « La délinquance quotidienne », selon l'expression pudique du rapporteur du budget du ministère de l'intérieur a augmenté de 22,4 % cette année.

Lionel Jospin, s'attribuant le mérite de la baisse du chômage, a déclaré à la télévision : « Si le nombre de chômeurs avait augmenté, je sais qu'on l'aurait imputé au Gouvernement ». A l'inverse, si les chiffres de la délinquance baissaient, le Gouvernement en revendiquerait le bénéfice !

Mais les chiffres sont têtus !

Pour en revenir au projet, le rapporteur a écrit : « Assurer la sécurité du convoyage de fonds fait partie des missions de l'Etat ». Est-ce à dire que cette mission doit être remplie par les policiers et par les gendarmes ?

Mais affirmer n'est pas agir. Incapable de lutter contre la délinquance, le Gouvernement nous propose ces deux petites mesures qui auraient dû s'inscrire dans le projet sur la sécurité privée que l'on nous promet depuis trois ans.

Une telle loi est devenue indispensable. En effet, l'échec de la politique gouvernementale de sécurité, la montée des incivilités et de la violence ont accru le recours aux sociétés privées de protection et de gardiennage. Il convient donc de réglementer leurs activités.

Dans le texte que nous examinons, et qui est caricatural à cet égard, le Gouvernement affirme que la protection des personnes et des biens, donc des convoyeurs de fonds, relève de sa responsabilité exclusive, mais, malgré l'échec de sa politique, refuse de déléguer ses pouvoirs ou de financer cette protection ! Il accorde aux maires le pouvoir majeur de faire rouler les véhicules blindés dans les couloirs réservés aux bus ...

Pourtant, il serait temps de donner davantage de pouvoirs aux maires en matière de sécurité. Le maire doit être un acteur et un coordinateur des moyens de sécurité dans sa ville. Il doit présider un conseil communal de la sécurité et de la prévention, associant les représentants de la police, de la justice et de l'éducation nationale, qui pourra décider des moyens à mettre en _uvre en fonction de la situation locale. Seule cette territorialisation des forces de l'ordre rendra réellement efficace une police de proximité. Mais vous ne proposez au maire que de cautionner, par les contrats locaux de sécurité, la pénurie des moyens et l'inefficacité de la politique gouvernementale.

Ainsi, ce projet, qui réglemente plus qu'il ne légifère, n'est que le révélateur de l'incapacité du Gouvernement à aborder le problème de la sécurité autrement que par des déclarations d'intention ou par des mesurettes.

La sécurité privée se développe et elle doit être réglementée. La sécurité reste une mission régalienne de l'Etat, à condition qu'il se donne les moyens de ses ambitions. Elle ne sera restaurée que si les maires obtiennent plus de pouvoirs juridiques en ce domaine.

Le groupe UDF ne s'opposera pas à ce texte qui répond, au moins partiellement, à l'attente des professionnels. Et pour répondre à M. Sarre qui a évoqué les « beaux merles », je voudrais rappeler la morale de la fable de La Fontaine sur le drame des oisillons « nous n'écoutons d'instinct que ceux qui sont des nôtres et ne croyons au mal que lorsqu'il est venu ».

La discussion générale est close.

M. le Rapporteur - Je voudrais préciser à M. Estrosi que je n'ai pas invoqué dans mon rapport le sentiment d'insécurité et que je m'en suis tenu à décrire la réalité des agressions que subissent les convoyeurs de fonds. Et je lui renvoie volontiers l'accusation d'opposer la sécurité publique et la sécurité privée car le Gouvernement s'efforce de les mettre en cohérence. Il fait aussi peu de cas des commissions départementales de sécurité dont le rôle de proximité est pourtant essentiel. Cependant, certains de ses amendements reposent sur des idées sur lesquelles nous ne sommes pas fondamentalement en désaccord et nous aurons l'occasion d'y revenir.

Je précise à M. Bussereau que ce projet tend à modifier la partie législative du code général des collectivités locales et que nous ne légiférons donc pas par coquetterie. Quant au régime de TVA applicable, il intéresse le droit communautaire et il s'agit donc d'un problème plus complexe qu'il ne semble le percevoir.

Notre objectif est de permettre aux sociétés de sécurité privées d'exercer leurs missions et d'offrir aux maires la possibilité d'être étroitement associés aux questions de sécurité, dans le cadre des contrats locaux mis en place par le Gouvernement.

Je ne puis que m'associer à l'hommage qu'a rendu M. Vila aux convoyeurs de fonds, dont chacun a pu percevoir le désarroi à l'occasion de la dernière grève.

Comme il en a l'habitude, M. Sarre a pour sa part exprimé des préoccupations citoyennes que je partage. Quant à M. Le Roux, il a rappelé que le présent projet n'était qu'un maillon d'une chaîne tendant à réformer l'ensemble du dispositif qui réglemente la sécurité et il a souligné la cohérence de l'action du Gouvernement dans ce domaine. Il a également insisté sur l'intérêt des expériences en cours qui visent à recourir de manière plus systématique aux nouvelles technologies dans l'activité de convoyage.

M. le Président - J'appelle, dans les conditions prévues à l'article 91 alinéa 9 du Règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

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ART. 2

M. Christian Estrosi - L'amendement 5 tend à prendre en compte l'utilisation depuis une dizaine d'années de nouvelles technologies dans l'activité de convoyage. Les sociétés utilisent aujourd'hui des systèmes de transports différents selon qu'elles ont ou non recours à de nouveaux moyens technologiques, ces dernier exigeant des mesures d'adaptation spécifiques. Cet amendement vise donc à permettre aux entreprises de choisir le mode de convoyage qu'elles privilégient en connaissant les normes d'aménagement auxquelles elles seront soumises et les délais de réalisation des adaptations qui s'imposent à elles.

M. le Rapporteur - M. Estrosi a présenté six amendements que la commission n'a pas eu le temps d'examiner bien qu'elle se soit réunie en début d'après-midi. Je ne pourrai donc exprimer à leur sujet qu'un avis personnel.

Je suis défavorable à l'amendement 5 car il traite de nouvelles technologies qui ne sont aujourd'hui reconnues qu'à titre expérimental. Il semble donc prématuré de retenir à leur sujet des dispositions spécifiques dans le cadre du présent projet.

J'en viens à l'amendement 8 de la commission qui précise et renforce la portée de l'article 2, qui impose aux donneurs d'ordre de réaliser un certain nombre d'aménagements pour sécuriser l'accès à leurs locaux et limiter le transport à pied des biens. Il tend à encadrer le délai de publication du décret qui définira ces aménagements en le portant à six mois et à fixer l'échéance du 1er juillet 2002 pour l'adaptation des locaux existants.

M. le Ministre - Je ne suis pas favorable à l'amendement 5 de M. Estrosi car les questions qu'il aborde relèvent du règlement et non de la loi. Il n'est d'ailleurs pas très sérieux de déposer des amendements dans un délai aussi bref.

Quant à l'amendement de la commission, j'y suis favorable sous réserve que le délai d'adaptation des locaux soit porté au 31 décembre 2002. Cette échéance me semble en effet plus raisonnable dans la mesure où plus de 23 agences sont concernées. Je propose donc à M. Dufau de corriger son amendement 8 en ce sens.

M. Christian Estrosi - Vous considérez, Monsieur le ministre, qu'il n'est pas sérieux de présenter des amendements dans l'urgence mais est-il raisonnable de présenter un tel texte en urgence, sans que les discussions préparatoires d'usage aient pu avoir lieu ?

M. le Rapporteur - Je suis personnellement favorable à la proposition de M. le ministre qui tend à fixer au 31 décembre 2002 la fin du délai de mise en conformité des locaux existants et je m'en remets sur ce point à la sagesse de notre assemblée.

M. Bruno Le Roux - Dans l'intérêt des professionnels eux-mêmes, les obligations édictées doivent être indépendantes de l'éventuelle évolution des technologies. Quant aux six mois de délai supplémentaire, le groupe socialiste y est favorable.

M. le Rapporteur - J'accepte donc de rectifier l'amendement en ce sens.

L'amendement 5, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 8 rectifié, mis aux voix, est adopté, et l'article 2 ainsi rédigé. En conséquence, l'amendement 1 tombe.

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APRÈS L'ART. 2

M. le Rapporteur - L'amendement 9 prévoit des sanctions, financières et administratives, en cas de non-respect des obligations imposées par l'article 2.

M. le Ministre - Cela me paraît tout à fait judicieux, et j'en profite pour rendre hommage au travail de la commission, auquel M. Estrosi aurait pu prendre part en lui soumettant ses amendements. Si le Gouvernement a déclaré l'urgence du projet, au demeurant composé de deux articles disjoints d'un texte prévu de longue date, c'est parce qu'il convenait d'aller vite.

L'amendement 9, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Estrosi - L'amendement 7 dispose que l'accès à la zone de livraison doit être distinct de l'entrée du public.

M. le Rapporteur - C'est une idée de bon sens, mais cela relève du décret.

M. le Ministre - En effet.

L'amendement 7, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Estrosi - L'amendement 3 interdit de faire figurer, sur les véhicules dotés de nouvelles technologies, des signes distinctifs qui permettraient de reconnaître l'activité exercée.

M. le Rapporteur - Je ne vois pas comment des véhicules banalisés pourraient porter des signes distinctifs.

M. le Ministre - On ne saurait mieux dire...

L'amendement 3, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Estrosi - L'amendement 6 astreint les convoyeurs à une formation initiale de quinze jours au moins, ainsi qu'à une formation complémentaire tous les deux ans, compte tenu de l'évolution technologique. Je comprendrais mal que ce qui vaut pour les membres des polices municipales ou les agents de sécurité ne vaille pas pour les convoyeurs de fonds.

M. Jean-Antoine Leonetti - C'est le bon sens même !

M. le Rapporteur - La formation est en effet une question essentielle, mais qu'il convient d'examiner dans le cadre du projet sur les activités de sécurité privées, car elle concerne également, entre autres, les professions que vient de citer M. Estrosi.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 6, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Estrosi - De nombreux candidats à l'embauche dans des entreprises de convoyage de fonds sont dans l'attente de l'agrément de permis de port d'arme, et peuvent donc se trouver dans une situation sociale, financière et psychologique difficile. L'amendement 4 vise donc à réduire le délai de traitement des dossiers, actuellement compris entre six et huit mois.

M. le Rapporteur - Les articles 10 et 11 du décret du 28 avril ont déjà considérablement simplifié les procédures antérieures, et la lecture de mon rapport écrit, ainsi que du projet relatif aux activités de sécurité privées, vous montrera qu'il a été tenu compte de votre préoccupation.

L'amendement 4, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Estrosi - L'amendement 2 permet aux entreprises de convoyage de requérir le concours de la force publique en cas de transports d'un montant exceptionnel. Il convient de montrer que l'Etat existe encore un peu... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur - Soyez rassuré : l'Etat existe, et le ministre a lui-même annoncé qu'il pourra être fait appel à la force publique dans le cas que vous évoquez.

M. Christian Estrosi - Les discours sont une chose, mais les actes ?

M. le Ministre - J'ai donné des instructions par écrit, de façon parfaitement claire et vérifiable. Vous trouvez tantôt que l'Etat existe trop, que ses prérogatives devraient être confiées aux maires, et tantôt qu'il n'existe pas assez. Il faudrait que l'on sache sur quel pied vous dansez !

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Christian Estrosi - Nous n'avons cessé de vous tendre des perches pour vous inciter à donner plus de substance à un texte qui n'en a aucune, mais le rapporteur et le Gouvernement ont tout fait pour que les mesurettes proposées restent des mesurettes. Le groupe RPR votera donc contre ce projet, pour permettre à nos collègues sénateurs de l'étoffer et pouvoir ainsi, peut-être, le voter en seconde lecture.

M. Bruno Le Roux - Ce projet est le premier volet d'un texte, de portée plus générale, sur la sécurité. Je déplore donc qu'il ait donné lieu à tant d'à peu près et d'amalgames de la part de représentants d'une opposition déterminée à refuser toute amélioration et uniquement occupée à rabâcher inlassablement le même discours.

M. Christian Estrosi - Non ! Notre discours évolue en même temps qu'évoluent les chiffres qui reflètent l'augmentation de l'insécurité !

M. Bruno Le Roux - Je regrette qu'une fois encore l'opposition ait cru nécessaire de déposer des amendements bâclés.

M. Jean-Antoine Leonetti - Je ne sais ce qui est le moins sérieux, de la manière dont la représentation nationale a été traitée ou de l'argumentaire choisi. Le projet qui nous a été soumis est un texte de très faible portée. Les deux mesurettes qu'il contient ont leur utilité, mais cela ne justifie pas que l'on repousse d'un revers de main les amendements de bon sens présentés par l'opposition.

M. le Rapporteur - Même quand ils sont bâclés ?

M. Jean-Antoine Leonetti - Depuis trois ans vous nous dites « nous allons faire »... et l'on ne voit rien venir ! Comment pourrions-nous ne pas éprouver quelques doutes ? Rappelez-vous les décrets relatifs à la police municipale, qui devaient être publiés en décembre. Il a fallu attendre l'été suivant, et une colère du ministre, pour qu'ils le soient ! Si les choses vont à la même vitesse, mieux vaudrait, de toute évidence, accepter les amendements de l'opposition sur la formation, le renforcement de la sécurité ou la protection des personnes ! Ces amendements de bon sens méritaient mieux que le mépris.

Soit on accepte ce texte, et on l'examine dans le détail avec le souci de l'étoffer, soit on aborde la question de la sécurité dans son ensemble. Mais l'on ne peut prétendre, comme vous le faites, que l'opposition aurait un discours contradictoire. Tout au plus constate-t-elle que votre gouvernement n'assume pas sa mission régalienne de maintien de la sécurité, mais qu'il ne la confie pas, pour autant, aux maires ou aux sociétés privées. A l'immobilisme de l'action vous conjuguez l'agitation du verbe cependant que la population est confrontée, elle à une insécurité croissante bien réelle ! C'est pourquoi le groupe UDF s'abstiendra, pour l'instant.

M. Bruno Le Roux - Opposition stérile !

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance mardi 6 juin, à 9 heures.

La séance est levée à 19 heures 20.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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