Session ordinaire de 1999-2000 - 101ème jour de séance, 234ème séance
1ère SÉANCE DU JEUDI 22 JUIN 2000
PRÉSIDENCE de Mme Christine LAZERGES
vice-présidente
Sommaire
DROIT PÉNAL DES ASSOCIATIONS 2
AVANT L'ARTICLE PREMIER 20
ARTICLE PREMIER 20
APRÈS L'ARTICLE PREMIER 21
ART. 2 21
APRÈS L'ART. 2 22
AVANT L'ART. 3 22
APRÈS L'ART. 3 22
TITRE 27
La séance est ouverte à neuf heures.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements constituant, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne.
Mme la Présidente - Le rapport de la commission des lois porte également sur les propositions de loi de Mme Catherine Picard, de M. Eric Doligé, de M. Jean Tiberi, de M. Jean-Pierre Brard et de M. Pierre Albertini.
Mme Catherine Picard, rapporteuse de la commission des lois - C'est un brûlant sujet que celui dont nous débattons ce matin. La gravité des agissements à caractère sectaire n'est plus à démontrer, et les pouvoirs publics doivent permettre à la société et aux individus de se défendre contre ce péril. Aussi, je salue les efforts réalisés par tous ceux qui se sont mobilisés depuis plusieurs années : le Gouvernement, les associations d'aide aux victimes, les magistrats, la mission interministérielle de lutte contre les sectes et les députés, tous groupes confondus, qui ont contribué à la réalisation des travaux.
La proposition du sénateur About a constitué une contribution importante à ce débat, et le vote unanime des sénateurs en faveur de ce texte témoigne, tout comme le choix fait par le groupe socialiste de consacrer à ce sujet une niche parlementaire, la volonté d'agir du Parlement. Les propositions de MM. Brard, Tiberi, Doligé et Albertini ont été autant d'apports constructifs à la réflexion.
On constate la similitude des objectifs poursuivis : rendre possible la dissolution des organismes lorsqu'ils ont fait l'objet de plusieurs condamnations judiciaires ; réprimer les activités attentatoires à l'intégrité et à la sécurité des personnes, et les escroqueries.
La commission a cependant tenu à compléter ce dispositif en s'inspirant des propositions précitées, de manière à renforcer la responsabilité des personnes morales, rendre plus difficile la reconstitution des organismes dissous par la justice, poser des règles plus strictes pour régir l'installation et la publicité de ces organismes, définir, enfin, un délit de manipulation mentale.
La proposition vise donc à réprimer des agissements qui portent atteinte aux libertés publiques et à la sécurité des personnes, et aucunement à remettre en cause la liberté d'association ou à entraver l'activité des associations cultuelles, lorsque celle-ci s'exerce dans le respect du droit et du principe républicain de la laïcité. J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une législation d'exception : en proposant ce texte, le Parlement entend renforcer la législation de droit commun.
Les objectifs poursuivis sont donc les mêmes, mais sur les moyens juridiques à mettre en _uvre pour les atteindre, les avis diffèrent. Ainsi, s'agissant de la dissolution des organismes dangereux, le sénateur About privilégie la dissolution administrative, qui relève de la compétence du seul Président de la République, alors que le groupe socialiste se prononce en faveur de la dissolution judiciaire.
Dissoudre une organisation est un acte grave dans une démocratie qui a consacré la liberté d'association. La dissolution ne doit donc intervenir que lorsqu'elle est absolument nécessaire à la sauvegarde de l'ordre public. Mais, si les libertés sont menacées, la faculté de dissolution doit être utilisée avec impartialité et à bon escient.
L'extension du champ de la loi de 1936 relative à la dissolution des ligues factieuses conduisit à concentrer le pouvoir de dissolution entre les mains du Président de la République, alors que le contexte politique actuel n'a rien de commun avec la situation qui prévalait au moment où cette loi d'exception a été adoptée. Et, sur le plan constitutionnel, l'exigence de protection des libertés publiques ne fait pas non plus de ce texte l'outil le mieux adapté à la poursuite de l'objectif recherché.
C'est pourquoi le groupe socialiste estime plus opportun d'opter pour la dissolution judiciaire, d'autant que les tribunaux peuvent déjà dissoudre une association si son objet et son fonctionnement sont incompatibles avec les dispositions de la loi de 1901. A-t-on jamais constaté l'utilisation abusive de cette faculté ? A l'évidence, non. En revanche, certains organismes ne se privent pas de cacher leurs activités illicites derrière le paravent associatif. Aussi l'ambition de cette proposition de loi est-elle de fournir aux magistrats des moyens supplémentaires de protéger les victimes d'organismes dangereux.
Il reviendra aux procureurs de la République d'apprécier l'opportunité de requérir la dissolution à titre de peine principale ou complémentaire pour sanctionner des infractions graves d'une personne morale. Les magistrats pourront prendre des mesures d'urgence pour interdire temporairement la poursuite d'activités susceptibles de porter atteinte à l'ordre public. Les élus, notamment les maires, ont également un rôle important à jouer. Cette proposition de loi renforcera leur pouvoir en ce domaine puisqu'ils pourront dorénavant refuser l'installation sur le territoire de leur commune d'organismes ayant fait l'objet de plusieurs condamnations, faculté dont ils ne disposent pas aujourd'hui. Ce pouvoir, qui s'exercera dans le strict respect du droit, n'ouvre en rien la voie à l'arbitraire, tout refus devant être motivé de façon objective.
La création d'un délit de manipulation mentale permettra de mieux protéger les personnes les plus vulnérables. Il vise les actes accomplis dans l'intention de créer une emprise psychologique sur une personne pour l'inciter soit à renoncer à l'exercice de ses libertés, soit à céder tout ou partie de son patrimoine à une personne morale ou à un particulier. Bien souvent, les personnes concernées ne peuvent plus subvenir à leurs besoins propres, ni à ceux de leur famille.
Un tel dispositif porte-t-il atteinte à la liberté de conscience ? Non, car jamais une association respectueuse des principes de la démocratie et des droits des personnes n'a obligé ses membres à renoncer à l'exercice de leurs libertés, à se mettre en situation d'indigence, à ne plus subvenir aux besoins de leur famille, à mettre en péril la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de leurs enfants mineurs.
Les associations exerçant leur activité dans le cadre de la loi de 1901 non plus que les partis politiques défendant leurs convictions dans le respect des principes démocratiques ni les organisations professionnelles défendant légitimement des intérêts catégoriels ne sont visés. La loi permettra en revanche d'éviter que le paravent associatif ou spirituel ne soit abusivement utilisé par des organisations cherchant à abuser de la crédulité de certains.
La réflexion devra se poursuivre sur la question des entorses au droit du travail et au droit fiscal.
En mettant en place un dispositif efficace de lutte contre les organismes dangereux, dont ceux à caractère sectaire, nous souhaitons renforcer la sécurité des personnes, préserver leur liberté et leur intégrité, conformément d'ailleurs au souhait de l'opinion. Pour toutes ces raisons, la commission des lois vous recommande d'adopter le dispositif issu de la synthèse des propositions de loi et des amendements qui ont été soumis à son examen (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Qu'est-ce qu'une secte ? Chacun a son idée et pourtant aucune définition n'existe. Nous avons tous en mémoire les suicides collectifs du Guyana, des membres de l'organisation du Temple solaire en Suisse, au Québec et en France, les tragiques événements de Waco en 1993 et plus récemment, la mort de plusieurs centaines de membres, dont de très nombreux enfants, de la secte du rétablissement des dix commandements de Dieu en Ouganda. Le débat est ancien tant sur la nécessité de lutter contre les phénomènes sectaires dangereux que sur l'opportunité, pour mieux les réprimer, de les définir. Si des questions se posent sur ce dernier point, en revanche la volonté déterminée d'agir contre les groupements criminels qui assoient leur domination sur des personnes dont la vulnérabilité, parfois passagère, fait des proies faciles, n'a jamais fait défaut. Cette détermination n'a jamais fait perdre de vue l'absolue nécessité de respecter la liberté de conscience et la liberté d'expression. Ce double objectif se retrouve encore dans le texte qui nous est présenté aujourd'hui.
Le Parlement a joué un rôle fondamental dans la prise de conscience de l'ampleur de cette délinquance particulière que constitue le phénomène sectaire. Le rapport de MM. Brard, Guyard et Gest, après celui de M. Vivien en 1983, a de nouveau sensibilisé nos concitoyens aux risques que de tels mouvements représentaient pour l'intégrité physique et patrimoniale d'individus fragiles.
La proposition de loi du sénateur About tendant à renforcer le dispositif pénal contre les groupements sectaires ainsi que les amendements proposés par Mme Picard et par le Gouvernement attestent de la ferme volonté des parlementaires et du Gouvernement de poursuivre résolument la lutte contre les crimes et les délits commis par des groupements et leurs dirigeants. La convergence des démarches, renforcée par l'unanimité de votre commission, marque la détermination des pouvoirs publics. Elle est aussi un gage de réussite.
Les initiatives législatives dont nous discutons aujourd'hui renforceront utilement le dispositif actuel. En effet, très tôt, le Gouvernement a pris des mesures destinées à lutter efficacement contre la menace sectaire.
Cette lutte relève d'une politique interministérielle.
Dès le 7 octobre 1998, le Gouvernement a créé une mission interministérielle de lutte contre les sectes, présidée par M. Alain Vivien, et qui regroupe tous les représentants des départements ministériels concernés. Celle-ci diffuse des informations sur les mouvements sectaires et favorise une action coordonnée des associations. Son premier rapport annuel a confirmé l'ampleur du phénomène sectaire et rappelé la nécessité, non seulement de le prévenir mais aussi d'adapter l'arsenal législatif.
Chaque ministère concerné a pris des mesures spécifiques dans son domaine. Ainsi, le ministère de l'intérieur, par deux circulaires, adressées aux préfets en novembre 1997 et en décembre 1999 a sensibilisé les préfectures, aux actes répréhensibles de certaines associations. Des « cellules de vigilance » réunissant tous les services de l'Etat concernés ont été mises en place.
Une formation comprenant un module consacré aux activités illégales des sectes a été organisée à l'intention des fonctionnaires de police. Le ministère de la défense a fait de même pour la gendarmerie.
Le ministère de la jeunesse et des sports, a, quant à lui, dès octobre 1996, mis en place un réseau de « correspondants sectes » dans les directions régionales, initiative confirmée par une circulaire d'avril 1999.
Au ministère de l'emploi et de la solidarité, un chargé de mission suit depuis de nombreuses années le dossier. Ce ministère a engagé des actions visant à la protection de l'enfance. Il a par ailleurs institué une prise en charge psychothérapeutique des personnes sortant d'une secte.
Enfin, le ministère de l'éducation nationale a soutenu la proposition de loi du sénateur About tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire, votée à l'unanimité par les deux assemblées, le 11 décembre 1998. Des contrôles ont commencé dès la rentrée de septembre 1999. Des établissements ont été conduits à modifier leurs pratiques, certains ont même été fermés.
Le ministère de la justice s'est lui aussi résolument engagé dans la lutte contre le phénomène sectaire. Le rapport de votre commission l'a souligné et j'en remercie la rapporteuse, Catherine Picard.
L'analyse des 280 plaintes enregistrées concernant des faits criminels et délictueux commis dans le cadre d'une activité sectaire fait apparaître que 40 % des faits sont des atteintes à l'intégrité physique des personnes. Parmi ces atteintes, 32 % concernent des mineurs, 25 % sont des violences, 18 % des agressions sexuelles. Les infractions économiques et financières -escroqueries, abus de confiance, abus de faiblesse, extorsions de fonds-, sont également nombreuses.
Compte tenu de l'ampleur du phénomène et des formes prises par cette délinquance, j'ai souhaité donner une nouvelle impulsion à l'action de la justice en ce domaine. J'ai donc adressé aux parquets généraux une circulaire le 1er décembre 1998 afin de sensibiliser les magistrats aux dérives sectaires et les inciter à travailler en coordination avec tous les acteurs concernés afin de faciliter les signalements, de lancer des enquêtes et d'exercer des poursuites. Une mission de lutte contre les sectes a été créée au sein de la direction des affaires criminelles et des grâces et des correspondants « sectes » ont été désignés dans chaque parquet général, qui veillent à la coordination régionale de l'action de la justice et de celle des services de l'Etat. Ces correspondants échangent avec les associations des informations sur les organisations sectaires signalées. Ils sont régulièrement réunis à la Chancellerie pour rendre compte des actions engagées dans les cours d'appel et pour échanger leurs expériences. Une première réunion a eu lieu en septembre 1999, la seconde se tiendra à la Chancellerie le 29 juin prochain.
En outre, j'ai demandé que l'on forme mieux les magistrats et les personnels de justice en ce domaine. Trois sessions de formation ont ainsi été organisées par l'Ecole nationale de la magistrature en mars 1998, janvier 1999 et janvier 2000. De même, à la demande des partenaires administratifs et privés, la Chancellerie intervient dans le cadre de séminaires de formation sur les sectes.
Enfin, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse assure un suivi des dossiers concernant les mineurs vivant dans les sectes.
J'ai donc entrepris une politique d'envergure pour lutter contre les agissements pernicieux des mouvements sectaires. Au 31 mars 2000, 280 procédures pénales ont été ainsi enregistrées. 48 affaires ont fait l'objet de décisions de condamnation et 119 sont en cours. La justice s'est donc attaquée au phénomène sectaire, désormais identifié et stigmatisé comme tel.
Pour autant, une amélioration de notre dispositif juridique s'impose afin de remédier à certaines difficultés, qui tiennent au caractère clandestin des mouvements sectaires, à la difficulté de détection, à la rareté de plaintes et à la complexité de la procédure.
C'est pourquoi je me réjouis que ce débat apporte des réponses concrètes à des problèmes douloureusement vécus par de nombreuses familles.
Cette proposition de loi, ainsi que les nombreuses autres déposées par des députés sur le sujet vient opportunément compléter notre droit afin d'améliorer l'action des pouvoirs publics.
Le texte de M. About est le premier à proposer de nouvelles réponses juridiques. Ces solutions, même si elles doivent être améliorées, répondent, dans les grandes lignes, aux problèmes posés par le phénomène sectaire.
Le texte adopté par le Sénat comporte notamment des dispositions sur la dissolution des sectes et sur la responsabilité pénale des personnes morales.
Votre rapporteuse, Mme Picard, présidente du groupe de travail de l'Assemblée nationale sur les sectes, qui avait elle-même déposé une proposition de loi sur ce sujet, a fort opportunément proposé à votre commission de modifier ou de compléter par de nombreux amendements le texte de M. About.
Certains de ces amendements portent sur des points non traités par la proposition de loi adoptée par le Sénat mais qui avaient également fait l'objet de propositions de loi émanant de l'ensemble des groupes, ce qui montre le caractère consensuel d'une telle démarche. Il s'agit des propositions de loi déposées respectivement par M. Brard et les membres du groupe communiste, par M. Doligé et par M. Tiberi.
Ces points sont la limitation de l'installation et de la publicité des groupements sectaires et la création d'un délit de manipulation mentale.
Sur les quatre questions juridiques soulevées par cette proposition de loi, trois me paraissent consensuelles et susceptibles d'aboutir : il s'agit de la dissolution des mouvements sectaires, de la responsabilité pénale des personnes morales et de la limitation de l'installation et de la publicité des groupements sectaires. La quatrième, la création d'un délit de manipulation mentale, soulève des problèmes plus délicats. Je souligne la cohérence juridique du travail effectué par Mme Picard et votre commission des lois, dont les amendements aboutissent à un texte homogène et efficace.
La dissolution des mouvements sectaires par les tribunaux civils est évidemment une question essentielle. Comment définir les groupements sectaires dont la dissolution paraît nécessaire ? Quelle procédure de dissolution adopter ?
Le texte de M. About proposait de permettre la dissolution des groupements qui auraient été à plusieurs reprises condamnés en tant que personne morale, ou dont les dirigeants de droit ou de fait auraient été condamnés à plusieurs reprises à titre personnel pour certaines infractions limitativement énumérées, dès lors que ces groupements constituaient un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine.
Votre commission, reprenant la proposition de loi de Mme Picard, améliore ces critères sur trois points. La liste des infractions pénales visées est étendue : atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, mise en danger de la personne, atteintes aux libertés de la personne, à la dignité de la personne, à la personnalité, mise en péril des mineurs, infractions de publicité mensongère, de fraudes ou de falsifications prévues par le code de la consommation.
Les condamnations prononcées contre les personnes morales ou les personnes physiques peuvent indifféremment être prises en compte. Il suffit ainsi d'une condamnation contre une personne morale et d'une autre contre l'un de ses dirigeants pour que la dissolution soit possible.
La définition de la nature sectaire du groupe est précisée par référence aux dispositions de l'article 2-17 du code de procédure pénale relatif aux associations anti-sectes, adopté par la loi du 15 juin dernier renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes. Sont ainsi visées les personnes morales qui poursuivent des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités.
En ce qui concerne la procédure de dissolution des sectes, le Sénat avait proposé la dissolution administrative sur la base de la loi du 10 janvier 1936 sur les milices privées. Le Gouvernement n'est pas favorable à une telle procédure, qui ne lui paraît pas adaptée. Il préfère la procédure spécifique de dissolution judiciaire par le tribunal de grande instance proposée par votre commission, parce qu'elle lui paraît à la fois plus efficace et plus respectueuse des droits de la défense en raison de son caractère contradictoire, même s'il s'agira d'une procédure d'urgence.
En outre, il convient de faciliter le prononcé de la peine de dissolution par les juridictions répressives, notamment en cas de récidive : j'ai déposé deux amendements en ce sens.
Pour assurer l'effectivité des dissolution prononcées, l'article 3 du texte de M. About aggrave les peines encourues en cas de reconstitution d'une association dissoute sur le fondement de la loi de 1901.
Mais il convient également, comme le propose votre rapporteur, de prévoir des sanctions pénales en cas de reconstitution d'une secte dissoute dans le cadre d'une procédure pénale.
En ce qui concerne la responsabilité pénale des personnes morales, la proposition de loi de M. About prévoyait de l'étendre aux délits d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie. Cette extension est tout à fait justifiée.
Le Gouvernement ne peut qu'être favorable aux amendements de votre commission qui étendent cette responsabilité à de nombreuses infractions du code pénal, comme les atteintes volontaires à la vie ou les agressions sexuelles. J'ai moi-même déposé trois amendements étendant la responsabilité des personnes morales aux délits de publicités mensongères et de fraudes, aux délits de menaces et aux délits d'atteinte au respect dû aux morts. Je suis par ailleurs favorable à l'amendement de M. Brard qui aggrave les peines encourues pour les délits d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie.
Pour limiter l'installation et la publicité des groupements sectaires, votre commission propose deux dispositions. L'une donne au maire la possibilité d'interdire à des groupements sectaires l'installation à moins de cent mètres de certains lieux sensibles, comme les écoles, l'autre interdit la publicité de ces groupements dans les messages destinés à la jeunesse. Ces dispositions, qui se retrouvent dans certaines des autres propositions, me paraissent bienvenues.
J'en arrive à la plus difficile question du délit de manipulation mentale qu'on peut envisager de créer.
Les deux commissions d'enquête parlementaires de 1995 et 1999 avaient posé cette question. L'une avait opté pour le statu quo, la seconde avait souhaité qu'une concertation s'engage sur l'opportunité de créer un tel délit.
Ce nouveau délit me paraît utile pour mieux permettre aux victimes d'être entendues en justice en favorisant la réalisation des enquêtes et des mesures d'instruction.
Cependant, je m'interroge sur la conformité de ce nouveau délit à la Convention européenne des droits de l'homme et sur l'étendue du champ d'application de ce texte. En effet, il ne faudrait pas qu'il porte atteinte à des libertés fondamentales telles que la liberté d'association ou la liberté de conscience.
C'est pourquoi je pense qu'une réflexion complémentaire serait utile au cours de la navette, réflexion à laquelle pourraient participer plusieurs associations et organes, comme la Ligue des droits de l'homme et la Commission nationale consultative des droits de l'homme, ceci afin de mieux mesurer la portée de ce texte et peut-être d'en améliorer la rédaction.
Je suis également favorable aux amendements de votre commission qui réécrivent, par coordination, l'article 2-17 du code de procédure pénale, sur lequel le Gouvernement a également déposé un amendement.
Ainsi complété par les amendements de votre commission, de M. Brard et du Gouvernement, ce texte me paraît constituer une avancée significative de notre droit, permettant à un Etat démocratique de se doter, dans des conditions respectueuses des droits de l'homme, d'un dispositif législatif nécessaire pour lutter contre des groupements qui portent précisément atteinte à ces valeurs essentielles.
Je vous demande donc de l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).
M. Philippe Vuilque - Profitant d'une société qui s'interroge sur son avenir, les sectes prolifèrent, sous des masques variés -religion, santé, développement du potentiel personnel...- et en se servant de techniques dévoyées de psychothérapie qui leur permette d'embrigader leurs adeptes. Voltaire disait déjà que « toute secte est le ralliement du doute et de l'erreur » ; je rajouterai « et de la peur ». Aujourd'hui, comme le soulignait très justement Jean-Pierre Brard, rapporteur de la dernière commission d'enquête parlementaire, le phénomène sectaire a gagné en mercantilisme ce qu'il a perdu en spiritualité. Les mouvements sectaires, dans leur immense majorité, sont des entreprises d'escroquerie, des « pompes à fric » qui utilisent la détresse humaine pour s'enrichir.
Pour lutter contre ce phénomène, il faut d'abord rappeler un certain nombre de principes.
Le principe de liberté, encadré par la loi : « La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».
La liberté de croyance, affirmée dans la Déclaration des droits de l'homme, dans la loi de séparation des églises et de l'Etat de 1905 et dans la Constitution de 1958. On peut croire aux soucoupes volantes ou faire partie des adorateurs de l'oignon, dès lors qu'on respecte la loi.
La liberté d'association, reconnue par la loi du 1er juillet 1901.
Le problème est que, comme le soulignait le rapport parlementaire sur les sectes et l'argent, les sectes sont passées maîtres dans l'art d'utiliser à leur profit ces principes et les cadres juridiques instaurés pour les défendre.
Les sectes continuent à se développer dans tous les pays du monde, notamment en Asie et aux Etats-Unis, où il suffit de se proclamer « religieux » pour échapper à tout contrôle. Pour lutter contre ces groupes de plus en plus organisés, militarisés et totalitaires, il faut pouvoir s'appuyer sur un arsenal juridique suffisant, sans tomber dans une législation d'exception. Les progrès accomplis ces dernières années doivent beaucoup aux trois rapports parlementaires et à l'action d'associations comme l'UNADFI, du Centre de documentation contre les manipulations mentales et de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes présidée par Alain Vivien.
Des drames comme celui du Temple solaire ont fait prendre conscience à l'opinion publique de la dangerosité et de l'ampleur du phénomène. Un récent sondage CSA-La Vie est révélateur : 86 % des Français seraient favorables à l'interdiction de certaines sectes comme la scientologie ; 73 % estiment que les sectes sont une menace pour la démocratie, 66 % qu'elles le sont pour leur entourage et 64 % qu'elles le sont pour eux-mêmes.
Il nous faudra profiter de la présidence française de l'Union européenne pour faire avancer la coordination de la lutte contre ces organismes sectaires. Au niveau de notre pays, cette proposition de loi a pour but de muscler notre législation ; les attaques qu'elle suscite de la part des organisations sectaires et de leurs amis, sous couvert de défense des droits de l'homme, montrent que nous avons touché juste !
M. Jean-Pierre Brard - Très bien !
M. Philippe Vuilque - C'est une proposition de synthèse de propositions déposées par divers parlementaires, notamment Nicolas About, Eric Doligé, Jean-Pierre Brard et Pierre Albertini, qui expriment une préoccupation identique.
Le renforcement du volet répressif se traduit d'abord par l'instauration d'une procédure de dissolution civile, relevant du tribunal de grande instance, à la demande du ministère public agissant d'office ou à la requête de tout intéressé. Il se traduit ensuite par le renforcement de la responsabilité pénale des personnes morales, qui est étendue à des infractions comme l'entrave aux mesures d'assistance ou la provocation au suicide.
La limitation de l'installation des groupes sectaires est également prévue. Il s'agit de permettre aux maires de prendre les mesures nécessaires ; ce dispositif aura besoin d'être précisé. La limitation de la publicité des groupes sectaires est également évoquée.
Enfin, l'une des dispositions les plus importantes de cette proposition de loi est l'instauration d'un délit de manipulation mentale. Déjà préconisée par la commission d'enquête sur les sectes et l'argent présidée par Jacques Guyard, la création de cette nouvelle infraction facilitera la défense des victimes. Actuellement en effet, la législation est trop restrictive : par exemple, le délit d'abus de faiblesse ne s'applique qu'aux personnes objectivement vulnérables à l'origine et ne sanctionne que des préjudices matériels ou patrimoniaux.
Le large accord que devrait recueillir ce texte montrera aux sectes notre détermination à intensifier la lutte tout en veillant à n'apporter aucune restriction aux libertés de culte et d'association. La réflexion devra se poursuivre, comme l'a indiqué la rapporteuse, sur les moyens de faire respecter les condamnations pour violation du code du travail et du code de la sécurité sociale ainsi qu'en matière de fraude fiscale. De même, il faudra réfléchir à la meilleure façon de prendre en compte les structures juridiques complexes mises en place par les sectes, qui trop souvent font échec aux mesures répressives.
Il reste qu'en votant cette proposition, nous allons faire un pas important pour notre pays, mais aussi pour les pays étrangers qui sont particulièrement attentifs à ce qui se passe en France dans ce domaine. La lutte que nous menons est un combat pour l'homme, un combat pour la liberté, un combat pour la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).
M. Dominique Bussereau - Vaste programme que la lutte contre les sectes, qui a donné lieu ici à de nombreux rapports, à juste titre alarmistes. Le sentiment qu'il est difficile de mener une action efficace se double de celui qu'aucun secteur, aucune institution, aucune famille n'est à l'abri.
Notre collègue Nicolas About a déposé une proposition de loi, adoptée par le Sénat le 16 décembre dernier, qui tend à renforcer le dispositif pénal. Elle vise trois objectifs : permettre la dissolution de groupes condamnés à plusieurs reprises pour des atteintes à l'intégrité de la personne, pratiques illégales de la médecine, fraude fiscale, etc. ; empêcher le maintien ou la reconstitution des sectes constituées en association ; permettre aux associations de défense de la famille et de l'individu de se porter partie civile. Le président de la commission des lois a apporté sa contribution en suggérant d'étendre la responsabilité pénale des personnes morales aux cas d'exercice illégal de la médecine et de mise en péril des mineurs. Enfin, en substituant à la procédure administrative de dissolution une procédure judiciaire, l'Assemblée concourra sans doute à doter notre pays d'un arsenal juridique unique au monde. Je note d'ailleurs que, pour la première fois dans un texte de loi, cette proposition emploie expressément le terme « sectaire », tant il est vrai qu'il était temps d'appeler un chat un chat.
Cette proposition intervient du reste à un moment où la montée du phénomène sectaire est mieux prise en compte : le 31 juillet dernier, on recensait quelque 250 procédures pénales en cours. J'y vois la preuve de la volonté d'en finir avec cette menace, mais aussi l'indice que notre code pénal ne nous laisse pas si démunis qu'on le dit parfois. Il permet ainsi de réprimer l'escroquerie et la mise en péril de mineurs, cependant que son article 313-4 punit l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse d'un mineur ou d'une personne vulnérable.
Les difficultés viennent donc d'ailleurs. Dans son rapport de 1997, l'Observatoire interministériel notait que le consentement des victimes empêchait souvent de prouver l'existence d'atteintes à la personne, et relevait la fréquence avec laquelle les plaignants se désistaient. D'où la nécessité d'innover, d'où cette proposition.
Par ailleurs, nous sommes dans l'incapacité d'identifier convenablement les mouvements sectaires. A priori, la création du délit de manipulation mentale devrait nous permettre de mieux « cibler » les interventions de la justice. Cependant, dans notre enthousiasme, n'oublions pas deux principes essentiels : la liberté de conscience et la liberté d'association. La neutralité de l'Etat à l'égard des croyances religieuses, affirmée dans la déclaration des droits de l'homme et à l'article 1er de la Constitution, et qui explique l'absence de toute définition juridique de la religion, doit impérativement être préservée. L'instauration du délit de manipulation mentale vise à contourner l'obstacle ainsi créé mais il n'en subsiste pas moins un risque pour les libertés, comme l'ont relevé Mme la Garde des Sceaux, à l'instant, et la Ligue des droits de l'homme, lorsqu'elle a mis en garde contre le danger de tomber dans une législation d'exception. Et en effet, à partir de quels critères va-t-on décréter un groupe suspect ? Sur quelles informations s'appuiera-t-on ? Tout est susceptible, a priori, d'être qualifié de manipulation mentale : la croyance religieuse, le fait pour un enfant d'obéir à ses parents ou, pour un militant, de suivre les directives de son chef de parti pourraient en être des indices ! Il nous faut donc une définition claire, ce à quoi il n'est pas facile de parvenir. Par ailleurs, n'est-il pas paradoxal de considérer que des gens peuvent être manipulés avec leur consentement ? Où s'arrête et où commence la liberté individuelle ? Enfin, nous allons nous heurter à la très forte diversité des sectes, qui nous conduit à rechercher une définition très large, donc risquant de conduire à une interprétation peu rigoureuse.
Cela étant, le groupe Démocratie libérale soutiendra bien évidemment la proposition, en souhaitant qu'elle soit adoptée à l'unanimité par notre assemblée. Il se doit toutefois, comme l'a fait Mme la Garde des Sceaux, d'appeler à la plus extrême vigilance : pour défendre la liberté, ne devenons pas liberticides ! Dans un combat juste, la prudence et l'intelligence n'en restent pas moins de mise !
M. Jacques Myard et M. Eric Doligé - Très bien ! Mais nous applaudirons aussi l'orateur suivant, par anticipation !
M. Jean-Pierre Brard - Vous avez raison, car il n'est pas si fréquent que nous soyons tous d'accord ! Il est vrai qu'il s'agit de protéger les libertés individuelles et collectives... Voici la troisième fois que nous légiférons sur ce sujet. La première, en décembre 1998, c'était pour conforter l'obligation d'instruction ; puis, révisant le code pénal, nous avons reconnu aux associations le droit de se porter partie civile. Les hommes et femmes politiques savent donc écouter l'opinion et prendre en compte ses inquiétudes.
Le fait que nous prenions position clairement est aussi une façon de soutenir la lutte courageuse menée par les associations, chaque jour confrontées à la détresse et aux souffrances d'anciens adeptes, cassés psychologiquement, physiquement diminués et, parfois, ruinés.
Avec cette proposition de loi, nous allons enfin donner de nouvelles armes aux magistrats. A propos de l'important travail parlementaire que nous avons fourni, on parle ici ou là -et notamment dans les pays anglo-saxons, d'improvisation brouillonne et liberticide. Mais avons-nous des leçons à recevoir de gens qui, comme ce candidat à la présidence des Etats-Unis, se dit convaincu qu'il n'y aurait eu aucune erreur judiciaire sur les 134 condamnations à mort prononcées dans son Etat ? Sans doute est-il extralucide... Il reste qu'une nouvelle Internationale des sectes s'exprime à pleines pages dans le Herald Tribune pour essayer de faire croire que nous nous livrerions à une attaque contre la liberté religieuse.
Or cette proposition a été longuement mûrie : elle est le fruit des rapports qui se sont succédé entre janvier 1996 et juin 1999, du travail de l'Observatoire interministériel des sectes, de la mission interministérielle de lutte contre les sectes et du groupe d'études de l'Assemblée, ainsi que de celui qu'a réalisé le Sénat avant de voter à l'unanimité le texte aujourd'hui soumis à notre réflexion. Je n'aurai garde d'oublier le premier rapport, soumis voici déjà vingt ans, par M. Vivien. Ces propositions émanent en outre de tous les groupes, soucieux de répondre à l'inquiétude d'une opinion indignée par les atteintes à la liberté individuelle et à l'intégrité des personnes commises par les sectes. La volonté de protéger nos concitoyens contre les manipulations mentales est celle de toute l'Assemblée !
Les moyens de cette protection nous sont aussi demandés par les élus locaux. Nous avons tous eu à connaître le désarroi d'un maire qui voit surgir un jour dans sa commune une organisation à caractère sectaire, abondamment pourvue et habilement conseillée. Les habitants lui demandent bien sûr d'agir pour protéger la collectivité, mais il ne dispose pas des moyens juridiques de le faire. Le législateur a le devoir d'y remédier, dans le respect des principes républicains et conformément aux règles d'un Etat de droit.
Les organisations à caractère sectaire se dissimulent généralement sous un habillage religieux, derrière les références à au moins l'une des grandes religions traditionnelles. La puissance publique n'a évidemment pas à intervenir sur les contenus des croyances professées par telle ou telle association, ni même sur leur activité « culturelle », dès lors qu'il n'y a pas trouble à l'ordre public ni menace contre les libertés individuelles. Notre propos n'est certainement pas d'entrer dans un débat théologique et notre loi de 1905 est fort bien faite, qui pose que la République ne reconnaît aucun culte mais garantit à chacun la liberté de pratiquer le sien -il y aurait d'ailleurs beaucoup à faire encore pour l'appliquer afin de faire bénéficier l'islam français de ce principe ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)
Aujourd'hui, grâce à une meilleure formation et à une vigilance accrue de la police, de la gendarmerie et de la magistrature, les poursuites sont plus nombreuses et les condamnations plus fréquentes. S'appuyant cyniquement sur l'impunité de fait dont elles bénéficiaient naguère, les sectes se prétendent victimes d'une vague d'intolérance et de persécutions. Comme le soulignait tout à l'heure M. Vuilque, c'est tout à notre honneur que d'être attaqués par ces organisations criminelles, car, ainsi que le disait August Bebel, « lorsque l'adversaire me félicite, je me demande quelle bêtise j'ai faite »...
M. Jacques Myard - Excellente dialectique ! (Rires)
M. Jean-Pierre Brard - Cette réaction n'est d'ailleurs pas propre aux sectes : sitôt qu'une catégorie de délinquants, auparavant épargnée, se retrouve subitement sur le banc des accusés, elle met en cause l'impartialité de la justice et des juges, ainsi que nous l'avons constaté, ces dernières années, pour la grande délinquance financière, qui n'est d'ailleurs pas sans connexions avec la délinquance sectaire...
Lorsque des condamnations définitives frappent à plusieurs reprises une organisation à caractère sectaire, ses dirigeants, ses filiales ou ses clones, les pouvoirs publics ont le devoir d'agir, et l'opinion ne comprendrait pas qu'ils ne le fassent pas. C'est donc bien la question de la dissolution qui nous est posée. A la dissolution administrative par décret, envisagée par la proposition de loi du sénateur About, il nous est proposé de substituer la voie judiciaire, qui présente de meilleures garanties quant au respect des droits de la défense et du principe du contradictoire. Je crois que c'est justifié, car c'est en recourant à des procédures strictement conformes aux principes de l'Etat de droit et n'offrant aucune prise au reproche d'arbitraire, que nous combattrons le plus efficacement ces structures dangereuses.
S'agissant des infractions retenues, j'avais suggéré, dans ma proposition de loi, que soient prises en considération celles commises par les mêmes auteurs dans d'autres pays de l'Union européenne. Il semble toutefois qu'une telle mesure pose des problèmes juridiques complexes. Le texte qui nous est soumis innove heureusement en instituant le délit de manipulation mentale, et en étendant la responsabilité pénale des personnes morales à l'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie ; ce sont deux terrains sur lesquels les agissements des sectes sont particulièrement redoutables. Pour autant, il ne s'agit nullement de mettre hors la loi les médecines dites « non conventionnelles », dès lors qu'elles sont pratiquées dans le respect de la réglementation et de la déontologie professionnelle.
D'autres dispositions bienvenues limitent la publicité et l'installation des organisations sectaires à proximité des établissements scolaires ou hospitaliers.
La panoplie de mesures qui nous est proposée renforce notablement la protection des habitants de notre pays. Les députés communistes et apparentés les approuvent et se réjouissent de constater qu'elles sont soutenues par l'ensemble de la représentation nationale et par le Gouvernement (Applaudissements sur tous les bancs).
M. Eric Doligé - Le phénomène sectaire est, avec la drogue, l'un des grands défis que les générations futures auront à relever, et celles qui aiment à être qualifiées de nouvelles religions suscitent, à la veille de la refonte de la loi de 1901, quelques interrogations sur les conditions d'exercice de la loi d'association, étant donné leur propension à défendre leur propre liberté plutôt que celle de leurs adeptes.
Depuis le rapport Vivien de 1983, notre assemblée a décidé à deux reprises, et à l'unanimité, de constituer une commission d'enquête, afin d'apprécier l'évolution du phénomène et d'étudier les mesures propres à le combattre. Le rapport de 1995 a eu, du fait de l'affaire de l'Ordre du Temple solaire, un grand retentissement dans l'opinion, montrant que l'information constitue la meilleure des préventions. Quant au rapport de 1999, il met l'accent sur les activités financières des sectes, partant de la constatation que leur nocivité s'accroît avec leur puissance économique.
Les commissaires enquêteurs se sont refusés, jusqu'à présent, à proposer une législation spécifique aux sectes, l'arsenal juridique existant leur paraissant suffire. C'était compter sans la capacité des sectes à contourner les lois par des montages juridiques élaborés, et le constat que nous ne luttions pas à armes égales a conduit nombre d'entre nous à déposer des propositions de loi -onze depuis le début de la législature Je regrette au passage que les contributions de chacun n'aient pas été mieux intégrées, et souhaite que ce type de comportement soit proscrit à l'avenir, car nos travaux, sur un tel sujet, seront d'autant plus crédibles qu'ils ignoreront les clivages politiques.
La dissolution des associations à caractère sectaire, permise par les articles 3 et 7 de la loi de 1901 et par l'article 131-39 du code pénal, est rarement mise en _uvre, car les outils juridiques existants permettent difficilement de qualifier pénalement les agissements de leurs dirigeants, et la justice est plus démunie encore lorsqu'il s'agit de mettre un terme à l'action d'une personne morale dont les responsables ont été condamnés définitivement. Deux possibilités s'offrent au législateur : la dissolution administrative par l'autorité politique, option retenue par le Sénat à l'initiative de M. About, qui propose de compléter à cet effet la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées ; la dissolution judiciaire après plusieurs condamnations du groupement ou de ses responsables, solution que j'avais moi-même retenue et que notre commission des lois a adoptée selon des modalités différentes. L'une et l'autre procédure a ses avantages et ses inconvénients ; le système idéal serait une combinaison des deux.
M. Jacques Myard - Très bien !
M. Eric Doligé - Imaginons, par exemple, le cas d'une secte s'apprêtant à organiser un suicide collectif : seule la dissolution administrative répond à cette situation d'urgence, mais encore faudrait-il supprimer la condition relative aux condamnations préalables. On me dira que le Conseil constitutionnel ne laisserait pas passer une telle disposition ; c'est se placer dans l'hypothèse où il serait saisi... Au demeurant, il n'a rien trouvé à redire, en 1986, à la modification apportée à la loi de 1936.
Cette voie a le mérite, qui n'est pas mince, de mettre le politique face à ses responsabilités. Cessons, dès qu'un problème sérieux surgit, de nous en décharger sur la justice !
M. Jacques Myard - Très bien !
M. Eric Doligé - En revanche, lorsqu'il n'y a pas urgence, la voie judiciaire est à l'évidence la seule légitime et protectrice des libertés publiques. Il faut parfois dix ans, cela dit, pour que deux condamnations pénales définitives soient prononcées, et c'est pourquoi j'ai proposé, avec plusieurs de mes collègues de l'opposition, que le juge pénal puisse prononcer, à titre de peine complémentaire, la dissolution des personnes morales condamnées définitivement. La commission a préféré la dissolution par le juge civil, garant des libertés. Soit. J'insiste cependant auprès de Mme la Garde des Sceaux pour qu'elle demande aux parquets de veiller à ce que les sectes dissoutes ne se reconstituent pas.
Une autre question difficile se pose : celle de la définition du délit de manipulation mentale. La commission d'enquête de 1995 avait écarté l'idée de créer un tel délit, mais celle de 1999 en souhaitait, à mots couverts, l'introduction dans le code pénal, et la MILS l'appelle clairement de ses v_ux. Je suis de ceux qui ont, les premiers, déposé une proposition en ce sens, et je sais la difficulté d'une telle définition. Mais il est essentiel que le Parlement en trace au mieux les contours car, en l'absence d'incrimination spécifique, la justice ne peut fonder son action que sur des infractions connexes. Le texte retenu par la commission, même s'il est perfectible, constitue donc, en la matière, un progrès essentiel, et les navettes permettront d'approfondir la réflexion.
C'est une bonne chose aussi que de reprendre la proposition de notre collègue Tiberi visant à instaurer un périmètre de protection autour de certains établissements, pour restreindre le prosélytisme des sectes. Encore faudra-t-il que ces dispositions soient appliquées. Mais quel maire ne s'est trouvé dans l'impossibilité d'empêcher l'affichage publicitaire des messageries « roses » à proximité des établissements scolaires ?
Enfin, certains juristes semblent préoccupés par la rédaction du texte, qui définit une même notion dans trois articles différents. N'aurait-il pas été préférable de procéder par renvois, selon l'usage ?
Je profite de votre présence, Madame la Garde des Sceaux, pour vous poser certaines questions qui me tiennent à c_ur même si certaines réponses, je le sais, ne dépendent pas de vous.
En premier lieu, j'aimerais avoir des précisions sur l'état d'avancement de l'enquête relative à la disparition de dossiers d'instruction concernant une plainte contre l'église de scientologie, et savoir quelles dispositions vous avez prises pour qu'un incident similaire ne se reproduise plus.
D'autre part, chaque circonscription judiciaire et chaque département doivent installer des comités de surveillance des sectes, placés l'un sous l'autorité du procureur, l'autre sous l'autorité du préfet. Les procureurs doivent désigner un « correspondant sectes », chargé de coordonner l'action du Parquet au niveau régional, en concertation avec tous les services déconcentrés de l'Etat et avec les conseils généraux. Bien que la circulaire définissant ce dispositif date de 1998, ce comité de coordination ne s'est réuni qu'une seule fois dans mon département, le Loiret, et c'était à l'occasion de sa constitution. Selon les informations dont je dispose, la moitié seulement des départements ont installé une cellule de vigilance sous l'autorité des préfets. Qu'en est-il des comités de coordination placés sous l'autorité des procureurs ? Ne serait-il pas préférable de ne maintenir qu'une seule structure ouverte à tous les intéressés et chargée, aussi, d'agir en cas de tentative de reconstitution d'un organisme sectaire dissous ?
Les élus sont, très souvent, sollicités d'intervenir par des parents en détresse, dont les enfants sont sous l'emprise d'une secte. Mais comment les aider efficacement ? De toute évidence, les moyens de la MILS doivent être renforcés sans plus attendre, et une structure décentralisée doit être installée, soit sous l'autorité des préfets soit, si l'Etat ne souhaite pas procéder de la sorte, sous l'égide des conseils généraux, dans le cadre de l'action sociale menée en faveur des plus vulnérables, qui sont aussi, pour les mouvements sectaires, les proies les plus faciles. La préférence du président du conseil général du Loiret irait sans doute à cette seconde solution, car il ne faut pas en demander trop aux préfets.
Ainsi, le ministre de l'intérieur n'a pas choisi la bonne solution en laissant aux seuls préfets le soin d'attribuer aux mouvements qui le demandent le statut d'association cultuelle. Il est vivement souhaitable que cette reconnaissance dépende du ministre ; comment, en effet, un préfet peut-il avoir la connaissance globale des activités d'un organisme hors du département où la demande est déposée ? L'appel à la souplesse du ministre de l'intérieur ne laisse pas de surprendre quand on sait que l'église de scientologie ou les Témoins de Jéhovah tentent d'obtenir de la justice administrative ce que leur refusent les ministères de l'intérieur et de l'économie... Une boîte de Pandore a été ouverte, qu'il convient de refermer au plus vite, Madame la Garde des Sceaux, sinon notre travail aura été vain.
A notre rapporteuse, qui est aussi présidente du groupe d'étude sur les sectes, je suggère la création d'une structure permanente de veille législative, dotée de moyens propres.
M. Serge Blisko - Très bien !
M. Eric Doligé - J'ai déposé un amendement en ce sens.
Je ne saurais conclure sans aborder la dimension internationale du problème qui nous préoccupe tant. On sait l'étendue des ramifications de ces multinationales que sont les sectes. D'évidence, notre action ne peut se concevoir sans coordination. La présidence française de l'Union saura s'attacher à promouvoir la lutte conjointe contre les sectes. Il vous faudra veiller, Madame la Garde des Sceaux, à ce que la rédaction de la charte des droits fondamentaux ne puisse ouvrir involontairement de nouveaux espaces au mouvement sectaire. Toute formulation ambiguë, qui permettrait des interprétations habiles, doit donc être proscrite. Cela concerne tout particulièrement les articles qui touchent à la liberté de pensée et d'expression, au droit à l'éducation et au droit au respect de l'intégrité des personnes. Il serait bon, aussi, de proposer la création de l'équivalent d'une MILS européenne, chargée de coordonner la lutte contre les sectes. L'enjeu est d'importance, car les grandes sectes établissent leurs sièges dans ceux des Etats de l'Union qui leur sont les plus bienveillants, ou dont la législation en la matière est désuète.
Le Parlement s'honore de légiférer dans ce domaine, et je me félicite du climat consensuel qui y règne. Le groupe RPR soutiendra globalement le texte (Applaudissements sur tous les bancs).
Mme Martine David - Le silence et l'inaction coupables qui ont prévalu pendant des décennies doivent aujourd'hui être compensés par une attitude offensive à l'égard des sectes. Je me félicite donc que, contrairement aux dirigeants politiques des trente dernières années, qui n'ont pas su voir la montée du phénomène sectaire dans notre pays et qui n'en ont pas appréhendé les conséquences, les gouvernements de M. Juppé et de M. Jospin aient pris conscience de la réalité de la menace, et qu'ils aient engagé une vraie mobilisation, fondée sur la prévention, la formation et la répression. Gouvernement et Parlement auront accompli en quatre ans un effort considérable. Je m'en réjouis, et je félicite chaleureusement tous ceux -ministres, élus, associations, personnalités qualifiées- qui ont imaginé et mis en _uvre ces dispositifs. Mais la mobilisation ne doit pas se relâcher, et il nous faut continuer à combattre des mouvements qui constituent un réel danger pour notre société. Il nous faut, en particulier, progresser de manière beaucoup plus audacieuse dans deux domaines au moins, le premier étant celui de l'information dirigée vers le grand public, car ce qui a été fait jusqu'à présent n'est pas à la hauteur des risques. Nos concitoyens ressentent confusément qu'il y a danger, mais ils ne disposent pas des renseignements élémentaires et n'ont donc pas les réflexes de vigilance indispensables. Certes, une campagne de sensibilisation de ce type est très délicate à organiser, mais plusieurs dizaines de milliers d'enfants, d'adolescents et d'adultes sont tombés dans le piège et d'autres peuvent, à leur tour, être victimes. Aussi, la complexité de la tâche ne doit pas masquer son absolue nécessité. Tout comme les pouvoirs publics ont considéré qu'il y avait obligation de concevoir des campagnes d'information nationale, jugées parfois dérangeantes, voire choquantes, en matière de lutte contre le sida ou l'insécurité routière, il faut alerter l'opinion sur les risques que certaines sectes font courir à l'individu.
Nous soutiendrons ainsi le travail remarquable, mais trop longtemps méconnu et solitaire des associations et nous donnerons à chaque citoyen les moyens de préserver sa liberté.
Autre axe essentiel : la coopération internationale. En effet, comme l'avait noté la commission d'enquête dès 1996, les mouvements sectaires les plus dangereux sont ceux qui disposent d'une organisation et de moyens financiers considérables sur le plan international. Cette exigence de coopération est d'autant plus nécessaire que certaines nations, dont les Etats-Unis, ont une position très contestable sur le phénomène sectaire.
La France, qui a très nettement amélioré sa connaissance du problème, est bien placée non pour donner des leçons, mais pour poursuivre efficacement la coordination entamée en ce domaine avec les pays qui ont eux aussi progressé, comme l'Allemagne, la Belgique ou la Grèce, nouer des contacts et échanger des informations avec les trop nombreux pays européens qui n'ont pas ou trop peu pris conscience des abus et des dérives sectaires, comme l'Espagne, l'Italie, la Suède, le Luxembourg, la Suisse, le Royaume-Uni. Ce serait aussi l'occasion de dialoguer avec les pays de l'Est de l'Europe dont les sociétés, longtemps privées d'accès à l'information libre et souvent sous l'influence de communautés religieuses, sont très vulnérables.
La difficulté même de la tâche doit nous motiver. Prenons exemple sur les associations qui se sont regroupées en Europe au sein de la FECRIS pour mieux travailler ensemble. Utilisons les institutions européennes comme leviers : le Parlement, la Commission et le Conseil de l'Europe qui, en 1999, a publié un rapport incitant notamment à créer un observatoire européen sur les sectes. Assurons-nous que dans le cadre de l'espace judiciaire européen en construction, la lutte contre les mouvements sectaires prend toute sa place.
C'est ainsi seulement que les dispositions législatives que nous adoptons aujourd'hui seront vraiment efficaces et exemplaires. La confusion et l'ambiguïté, terreau des sectes, pourrait ainsi reculer. Enfin, nous pourrons dialoguer à égalité avec les Etats-Unis en refusant que cette nation s'érige en maître à penser de la planète en matière de sectes.
La tâche est immense et nos responsabilités considérables. Je ne doute pas que le travail qui nous réunit aujourd'hui permettra de nouvelles avancées contre l'obscurantisme (Applaudissements sur tous les bancs).
Mme la Garde des Sceaux - Avant de devoir vous quitter pour participer à une réunion ministérielle et de laisser la place à Daniel Vaillant, que je remercie d'avoir accepté de suivre de débat jusqu'à la fin, je souhaite répondre à M. Doligé au sujet de la disparition des dossiers de l'Eglise de scientologie au palais de justice de Paris.
La mesure la plus urgente était d'empêcher que de tels faits puissent se reproduire. C'est chose faite puisque désormais les dossiers seront reproduits, de façon qu'une copie soit toujours disponible, et les procédures plus rigoureuses lors du transfert physique des dossiers.
J'ai ensuite diligenté une enquête auprès de l'inspection générale des affaires judiciaires. D'après ses conclusions, l'hypothèse la plus probable est que ces dossiers ont disparu de façon frauduleuse. J'ai donc dénoncé les faits au parquet de Paris qui a ouvert une enquête. Je prendrai très rapidement les décisions qui s'imposent concernant d'éventuelles mesures disciplinaires.
Enfin, il fallait veiller à ce que la disparition des dossiers ne porte pas préjudice aux victimes. Sur ce point, je vous rappelle que la Cour d'appel a validé l'intégralité de la procédure en dépit de la disparition d'éléments du dossier et que le juge d'instruction a été prié de poursuivre l'instruction (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
M. Rudy Salles - Permettez-moi d'abord de me féliciter de l'attitude du Parlement, de l'Assemblée nationale en particulier, au sujet des sectes. Dès 1995, celle-ci s'est saisie du problème et a créé une commission d'enquête dont le rapport a dressé un état des lieux et formulé des propositions pour lutter plus efficacement contre ce fléau. Ironie du sort, la conclusion de ces travaux a coïncidé avec la tragédie de l'Ordre du Temple solaire dans le Vercors. Après ce drame, il était encore plus évident que les pouvoirs publics devaient agir énergiquement.
Trois ans plus tard, l'Assemblée a créé une nouvelle commission d'enquête sur l'argent des sectes, enquête délicate, pourtant indispensable pour comprendre le fonctionnement des sectes et tarir leurs sources de financement.
La création d'un groupe parlementaire d'étude sur les sectes, au cours de cette législature comme dans la précédente, est également à l'honneur de l'Assemblée nationale.
A l'honneur du Sénat, le vote de la proposition de loi de M. About permettant de dissoudre des sectes déjà condamnées pour des crimes ou des délits graves.
A l'honneur du Parlement tout entier d'avoir écarté la politique politicienne sur ce sujet difficile et voté à l'unanimité des textes améliorant l'arsenal juridique anti-secte.
A l'honneur du Parlement, enfin, d'avoir toujours été en pointe dans le combat, d'avoir aiguillonné les pouvoirs publics afin que les décisions prises ne restent pas lettre morte et ne s'enlisent pas dans les marais de l'administration. Même si l'on ne va pas encore assez vite et assez loin, notre présence ici aujourd'hui est la preuve que notre combat n'est pas vain.
Depuis 1995, la question se pose : faut-il élaborer une loi anti-sectes et d'abord, est-ce possible ? J'avoue qu'il aurait été plus facile pour nous de répondre oui. Mais la difficulté tient au fait qu'il est quasiment impossible de définir juridiquement une secte. Aucune organisation sectaire ne se reconnaît pour une secte : toutes revendiquent le statut d'association loi de 1901, de société commerciale ou de religion.
Fallait-il donc modifier la loi de 1901 et sur quels critères ? En général, rien dans les statuts des sectes-associations n'est contraire aux bonnes m_urs ou à l'ordre public. Et, dans un pays où les textes fondamentaux garantissent la liberté de conscience et de croyance, il était difficile, voire impossible -et c'est en fait une bonne chose- de s'engager dans cette voie. Toute initiative en ce sens se heurterait tout d'abord à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'hommes et du citoyen qui dispose que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public », puis à l'article 11 qui énonce que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ». L'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 s'opposerait aussi à une législation anti-secte puisqu'il est y dit que la France « assure l'égalité devant la loi des citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion » et qu'elle « respecte toutes les croyances ». Enfin, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit la « liberté de pensée, de conscience et de réflexion », dans les limites imposées par la loi et les nécessités de la sécurité publique, de la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publique, ou de la protection des droits et libertés d'autrui. Enfin, la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des églises et de l'Etat précise que « la République assure la liberté de conscience » et qu'elle « garantit le libre exercice des cultes ». La neutralité de l'Etat en matière de religion explique qu'aucune définition juridique des religions n'existe en droit français.
Dès lors que faire pour lutter plus efficacement contre les sectes ?
Si les textes que je viens de citer reconnaissent la liberté de conscience, de croyance et de culte, d'éventuelles déviances peuvent parfaitement tomber sous le coup de la loi. S'il est impossible de définir juridiquement une secte, il est possible en revanche d'identifier un groupement sectaire par ses comportements. La commission d'enquête de 1995 a retenu dix critères : la déstabilisation mentale ; le caractère exorbitant des exigences financières ; la rupture induite avec l'environnement d'origine ; les atteintes à l'intégrité physique ; l'embrigadement des enfants ; un discours plus ou moins antisocial ; les troubles à l'ordre public ; l'importance des démêlés judiciaires ; un éventuel détournement des circuits économiques ; des tentatives d'infiltration des pouvoirs publics.
La plupart de ces critères recouvrent en fait des violations manifestes de dispositions législatives et réglementaires. Il n'était donc pas besoin de légiférer à nouveau, mais de faire en sorte que la loi soit mieux appliquée.
Si elle ne l'était pas, était-ce par manque de volonté politique ou par complaisance à l'égard des mouvements sectaires ? Je ne le crois pas. En tout cas, ce n'est pas ce qui est apparu aux commissaires enquêteurs de 1995. En revanche, ils se sont aperçus que les services chargés de lutter contre les sectes les connaissaient assez mal par manque de formation et d'informations. Ainsi en était-il des magistrats, les sectes ne figurant pas au programme de l'Ecole nationale de la magistrature. Il en allait de même pour la police, la gendarmerie et les travailleurs sociaux qui ne recevaient aucune formation sur le sujet.
Depuis lors, la situation a évolué même si beaucoup reste à faire. En 1996, le Garde des Sceaux a adressé une circulaire aux procureurs de la République les appelant à la vigilance et leur demandant de s'auto-saisir de façon plus systématique sur le sujet.
Par ailleurs, la loi sur la présomption d'innocence a intégré l'une de nos propositions qui consistait à permettre aux associations de lutte contre les sectes de se porter partie civile en lieu et place des victimes. Cependant ce dispositif ne donne pas totalement satisfaction, j'y reviendrai.
D'autres avancées ont eu lieu ces dernières années comme l'amélioration de la coordination entre les services de l'Etat au niveau des parquets et des parquets généraux, ou le renforcement du contrôle de l'obligation scolaire.
Ces avancées n'ont pas suffi. Nos concitoyens s'interrogent sur le fait que nombre de sectes condamnées par la justice continuent d'exister, de faire du prosélytisme sur la voie publique, d'asservir nombre d'individus sans être inquiétées. C'est pour répondre à cette préoccupation que le sénateur UDF Nicolas About a déposé une proposition de loi tendant à autoriser la dissolution d'une secte si le groupement ou ses dirigeants ont été condamnés au moins deux fois. C'est là un instrument radical permettant de mettre fin aux activités d'un groupe dangereux. Imaginons son effet s'il avait pu être utilisé avant le massacre de l'Ordre du Temple solaire dans le Vercors, en 1995.
La commission des lois a souhaité que la dissolution soit prononcée par voie judiciaire, et non par voie administrative. Cette modification présente de meilleures garanties en terme de respect des droits de la défense et de débat contradictoire. Encore faut-il que les dossiers ne disparaissent pas dans les palais de justice, comme au tribunal correctionnel de Marseille ou à la cour d'appel de Paris...
La commission a également souhaité renforcer la responsabilité pénale des personnes morales notamment dans le cadre de l'exercice illégal de la médecine. Nous devons néanmoins être attentifs aux risques d'amalgames : les usagers et professionnels des médecines complémentaires ne doivent pas être assimilés à des groupements sectaires.
La limitation par les maires de l'installation ou de la publicité des groupements sectaires dans un périmètre déterminé autour de certains établissements, notamment scolaires ou hospitaliers, répond au souci de préserver les mineurs et les personnes fragiles. Mais, outre qu'il convient de ne pas prévoir un périmètre trop réduit, on peut se demander s'il ne vaudrait pas mieux viser les activités des groupements sectaires plutôt que leur installation. Je regrette, par ailleurs que le dispositif prévu ne permette pas aux maires de refuser un permis de construire.
Innovation importante : le délit de manipulation mentale. Le fait d'exercer des pressions graves et réitérées ou d'utiliser des techniques propres à altérer le jugement d'une personne afin de la conduire, contre son gré ou non, à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable, constituera un délit.
Enfin, la loi sur la présomption d'innocence votée le 30 mai dernier reconnaît aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans ayant pour objet de défendre les droits individuels et collectifs la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile. Néanmoins ce texte ne satisfait pas les associations concernées, qui ne se voient reconnaître que la faculté de joindre leur action à celle du ministère public ou de la partie lésée, et non de mettre en mouvement l'action publique.
C'est, me semble-t-il, une revendication tout à fait légitime.
M. Jean-Pierre Brard - Très juste !
M. Rudy Salles - En effet, pourquoi le nombre d'affaires portées devant la justice est-il si faible ? Parce que les victimes, anciens adeptes qui s'en sont sortis, sont trop affaiblies psychologiquement ou souhaitent tourner la page. C'est, dans les deux cas, un cadeau fait aux sectes. A moins que, mais ça n'est pas systématique, le parquet s'autosaisisse...
Il faut donc que les associations précitées puissent enclencher des procédures pénales à l'encontre de sectes ayant nui aux intérêts d'autrui. La Chancellerie craint une inflation de plaintes. Ces inquiétudes ne me paraissent pas fondées. Et l'essentiel est de donner les moyens aux justiciables de faire condamner des comportements manifestement coupables.
Enfin, même si nous pensons qu'aucune action ne permettra, à elle seule, de régler un problème aussi grave, du moins a-t-on le sentiment d'avancer. Il ne peut malheureusement pas y avoir de grand soir des sectes...
M. Jean-Pierre Brard - Il vaudrait mieux que ce soit un petit matin !
M. Rudy Salles - Le phénomène sectaire est mouvant, protéiforme, mais aussi international et trouve des appuis importants à l'extérieur de nos frontières. Nous devons donc orienter nos efforts dans deux directions.
D'une part, il est patent que les services de l'Etat ont du mal à suivre sérieusement l'évolution des sectes sur le terrain. C'est pourquoi je propose, depuis 1995, qu'un Monsieur Secte soit nommé dans chacun des départements auprès des préfets, de façon à être l'interface entre les différents services et faire remonter à Paris des éléments fiables.
D'autre part, il convient de porter le problème sectaire à l'ordre du jour des négociations internationales. La France ou l'Allemagne par exemple luttent contre les sectes, d'autres pays, y compris en Europe, ont une attitude complaisante à leur égard.
C'est donc sur ces regrets, mais aussi avec la satisfaction de voir la France avancer dans la lutte contre les sectes, au-delà des clivages politiques, que je vais conclure. Les dispositions proposées viennent renforcer une proposition de loi d'un sénateur UDF. Je me félicite de l'esprit qui guide nos travaux. Le groupe UDF votera pour ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur divers bancs).
M. Jacques Guyard - Notre débat suscite un intérêt international assez marqué. La presse, aux Etats-Unis et dans certains pays européens, s'intéresse beaucoup à ce qui se fait en France pour lutter contre les dérives sectaires. Une campagne est lancée, en particulier à l'initiative de grands mouvements se prétendant nouvelles religions aux Etats-Unis, contre les politiques française et allemande. Nous devons y être attentifs et affirmer que notre action, loin d'être liberticide, consiste au contraire en une défense des libertés et des droits de l'homme. Si nous avons pu faire la synthèse, dans ce débat, de propositions de loi émanant de l'ensemble des groupes du Parlement, c'est bien parce qu'il s'agit du substrat même de la République qui est la défense de la personne.
La vie dans un mouvement sectaire est la négation même de la liberté individuelle. Les règles imposées par le gourou, par le groupe dirigeant, sont supérieures à toutes les lois de la société et ne sont pas susceptibles d'appel. Toute discussion y est impossible et le risque pour la santé, la vie familiale et les ressources financières, les déviations du travail et les déviations sexuelles, voire les atteintes à la vie, sont possibles parce que les règles sociales sont refusées au profit des règles du groupe. Nous avons donc des précautions à prendre face à la campagne internationale des sectes les plus puissantes, mais nous devons aussi être d'une fermeté extrême.
Le problème principal est que les victimes sont consentantes, que les moyens de ces mouvements sont puissants, que le masque de la religion est toujours efficace. Le Parlement a joué en ce domaine un rôle éclaireur important. Nous avons progressé depuis les commissions d'enquête. En 1995, nous étions encore très prudents en matière d'innovation juridique car nous n'avions pas les matériaux nécessaires. Sur les 50 affaires recensées en dix ans, 90 % avaient fait l'objet d'un classement sans suite ou d'un non-lieu. C'est dire le désarroi des administrations.
Aujourd'hui plus de cent procédures sont engagées, une cinquantaine de condamnations ont été prononcées, nous avons donc un substrat juridique qui permet d'aller plus loin.
C'est pourquoi nous avons préparé l'an dernier la loi sur l'obligation scolaire, révélant au passage que plus de 4 000 enfants étaient dans des écoles privées hors contrat que personne ne contrôlait. Aujourd'hui nous pouvons envisager la dissolution des associations les plus coupables et l'inscription du délit de manipulation mentale parce que nous avons les bases nécessaires : ceci est le résultat d'un travail d'information des cadres de l'Etat et de l'opinion publique.
Le délit de manipulation mentale est un affinement très important. Il existait déjà pour les enfants, mais le phénomène concerne malheureusement aussi les adultes. Il est maintenant bien connu et c'est pourquoi le moment est venu de voter ce texte, dont je me félicite qu'il soit la synthèse de propositions émanant de l'ensemble des groupes et de nos collègues sénateurs. Ainsi trouve sa conclusion un travail mené depuis cinq ans par le Parlement et les administrations, depuis bien plus longtemps par les deux associations qui combattent le phénomène sectaire et le meilleur hommage que nous puissions rendre à ces associations et aux victimes, c'est d'adopter ce texte (Applaudissements sur tous les bancs).
M. Serge Blisko - Nous sommes en train de passer à une nouvelle étape de la lutte contre le phénomène sectaire. Son organisation fin 1995, à la suite du rapport de la première commission d'enquête, a permis de ralentir le développement de certains mouvements ; il faut néanmoins constater l'influence croissante de certaines mouvances.
Si dans les années 1960, les victimes étaient essentiellement des adolescents et de jeunes adultes, le recrutement s'opère aujourd'hui dans toutes les classes d'âge. Bien sûr, les plus démunis sont les premiers exposés ; les chômeurs, les immigrés et la population carcérale sont des proies idéales.
En outre, les sectes ont investi des secteurs particulièrement sensibles. L'éducation, à travers le recrutement d'enseignants, la commercialisation des méthodes éducatives et la prise de contrôle d'établissements : d'après le rapport de nos collègues, quelque 50 000 enfants subiraient des influences sectaires. La santé : l'Ordre national des médecins estime à 3 000 le nombre de praticiens qui auraient des relations avec des mouvements sectaires. La formation professionnelle : jouant de la faible réglementation de ce secteur, les sectes touchent par ce biais un public jusqu'alors ignoré et infiltrent le milieu des affaires.
« La fonction du souverain est contenue dans la fin pour laquelle on lui a confié le pouvoir souverain, et qui est le soin et la sûreté du peuple », écrivait Thomas Hobbes en 1651 dans Le Léviathan. Cette phrase peut être appliquée au phénomène sectaire : on entre dans une secte parce qu'elle prétend assurer la sécurité, on échange contre celle-ci son libre arbitre. On est bien loin d'Antigone bravant la loi de la cité : les victimes des sectes se mettent en marge des lois nationales parce qu'elles ne suivent que les règles édictées par des gourous pour constituer un Etat dans l'Etat. Tel est bien en effet ce qui caractérise une secte et la différencie d'un mouvement religieux : le non-respect des lois de l'Etat, au nom de lois prétendues supérieures.
M. Jacques Guyard - Très bien.
M. Serge Blisko - Toute la difficulté est de s'opposer démocratiquement à ceux qui ignorent les règles démocratiques et républicaines. Néanmoins je me félicite que nous parvenions à travers cette proposition de loi essentielle et consensuelle à nous doter d'outils susceptibles non pas d'éradiquer -ne rêvons pas- mais d'endiguer le phénomène sectaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe UDF).
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement - La discussion des articles me permettra de préciser la position du Gouvernement sur tel ou tel point. Je me contenterai donc pour l'instant de remercier l'ensemble des orateurs. Sur tous les bancs, ils ont montré leur détermination à lutter contre les agissements des mouvements sectaires, qui rejoint celle du Gouvernement. Cela laisse bien augurer de la suite de la discussion et de la mise en _uvre du texte qui sortira de vos travaux et qui sera examiné par le Sénat à l'automne.
Devant l'ampleur du phénomène, les méthodes utilisées, les souffrances des victimes et des familles, cette unanimité est nécessaire. Elle ne porte pas atteinte aux libertés fondamentales garanties par la République ; les liberticides sont ceux qui, au sein des sectes, font tomber des individus sous leur emprise. La liberté de conscience, la liberté d'expression, la liberté d'association sont protégées, mais leurs détournements doivent être poursuivis.
Les sectes s'attaquent non seulement aux plus faibles, mais aussi à des personnes d'un niveau social et intellectuel élevé, ne serait-ce que pour des raisons d'intérêt financier. Les débats que nous avons eu ici et les médias ont contribué à sensibiliser l'opinion ; le moment est maintenant venu de légiférer.
Cette proposition de loi, qui ne nous exonère pas d'une réflexion sur les moyens de mieux prévenir le mal, est une étape importante, non seulement pour notre pays mais au niveau européen et international, où nous devons contribuer à une prise de conscience généralisée : sur ce sujet, comme sur d'autres, il ne faut pas baisser les bras (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
M. Jean-Pierre Brard - Je me félicite de la réponse qu'a faite Mme la Garde des Sceaux à M. Doligé à propos de l'évaporation du dossier de l'Eglise de scientologie, et ce d'autant que le phénomène semble contagieux : il s'est produit aussi à Marseille, comme l'a rappelé M. Salles. En outre, les deux magistrats concernés semblent en relation... Dans la mesure où ces affaires portent atteinte au crédit de la justice, ne serait-il pas temps d'envisager des mesures disciplinaires ? Je m'inquiète d'ailleurs de constater que c'est au même magistrat parisien qu'on vient de confier l'enquête sur une affaire troublante, celle de M. Morel, ce magistrat qui, selon certains se serait donné la mort, selon d'autres aurait été suicidé, à Djibouti.
La discussion générale est close.
Mme la Présidente - J'appelle, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du Règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.
AVANT L'ARTICLE PREMIER
Mme la Rapporteuse - L'amendement 9 tend à réunir dans un chapitre premier les dispositions relatives à la « dissolution civile de certaines personnes morales ».
L'amendement 9, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté
ARTICLE PREMIER
M. Jacques Myard - Nous voterons bien évidemment cet article, qui résulte d'un constat unanime : le sectes croissent, hélas, en nombre et en influence et il faut donc agir. Pour autant, je ne puis que déplorer l'apathie de certaines administrations, particulièrement des préfectures et de la justice. Pour les premières, la situation commence à s'améliorer mais il reste encore beaucoup à faire. Quant à la seconde, elle n'a pas, pendant longtemps, pris au sérieux le phénomène sectaire et, aujourd'hui encore, elle doute souvent de la véracité des faits rapportés. Je serai donc tenté de dire : un peu d'audace, Messieurs les juges, regardez le monde dans lequel vous vivez !
J'ai aussi quelques interrogations à propos de ces dispositions. Par principe, je ne suis guère favorable à l'incrimination pénale des personnes morales, le délit supposant une intention qui ne peut être leur fait. Toutefois, si, à travers leurs dirigeants, elles ont porté atteinte à l'ordre public, il va de soi qu'elles doivent être dissoutes. Ce n'est cependant qu'une conséquence de l'action de leurs dirigeants, il faut le souligner nettement.
Mme le rapporteur propose que cette dissolution soit prononcée par le juge, au motif que le Conseil constitutionnel pourrait sanctionner une extension de l'application du décret-loi de 1936. Je ne partage pas cette crainte et, surtout, je redoute que cette disposition ne soit préjudiciable : en effet, cette dissolution judiciaire va prendre beaucoup de temps -des dizaines d'années peut-être. Il faudra constater les délits, puis attendre que la justice condamne, que le jugement devienne définitif, et cela par deux fois ! Pendant ce temps, le mal prospérera...
Notre société, d'autre part, a trop tendance à déléguer à d'autres -souvent aux juges, des responsabilités que les politiques devraient assumer. En l'occurrence, j'aurais préféré que, tout en ouvrant la possibilité d'une dissolution judiciaire des associations -qui existe d'ailleurs déjà dans certains cas-, le pouvoir politique, chargé de veiller au bien commun au nom du peuple souverain, assume ces responsabilités, bien évidemment sous le contrôle du juge.
Enfin, s'agissant du délit de manipulation mentale, on nous invite à la prudence. Celle-ci est bien sûr nécessaire mais nous savons aussi que ces manipulations existent : à la commission d'enquête, nous avons découvert des cas patents !
Ne nous faisons donc pas peur par avance et sanctionnons ce qui doit l'être ! On peut toujours être enclin à penser qu'un adversaire politique plus heureux a manipulé les électeurs (Sourires) mais enfin, chacun le comprend ici, cela n'a rien à voir avec les réalités souvent sordides que nous avons eu à constater.
Mme la Rapporteuse - Monsieur Myard, la commission n'est pas favorable à une loi d'exception, d'autant que nous ne disposons pas d'une définition des mouvements sectaires. D'autre part, la loi de 1936 visait à répondre à des urgences : or, tout en s'appuyant sur elle, le Sénat a tenu à exiger deux condamnations pénales définitives : n'y avait-il pas là quelque contradiction ?
M. Jacques Myard - On peut améliorer.
Mme la Rapporteuse - C'est ce que nous faisons. M. Doligé a évoqué un risque de partialité. De fait, en nous fondant sur la loi de 1936, nous aurions pu demander, il y a quelque temps, la dissolution du « département protection et sécurité » du Front national. Nous ne l'avons pas fait : notre volonté est de donner à la justice le temps de travailler et de trancher. En effet, quel que soit le délit, il faut une procédure contradictoire qui respecte les droits de la défense. Restons dans le droit commun : je suis certaine que les magistrats prendront leurs responsabilités ! L'amendement 10 a déjà été largement présenté.
M. le Ministre - Le Gouvernement y est favorable, Mme la Garde des Sceaux l'a déjà dit. La procédure de dissolution judiciaire est en effet préférable à la procédure administrative retenue par le Sénat car elle apparaît à la fois plus efficace et plus respectueuse des libertés individuelles.
Plus efficace : les condamnations pénales exigées pourront concerner un nombre plus important de délits, commis indifféremment par une personne physique ou par une personne morale.
Plus respectueuse des libertés individuelles : la procédure offre la garantie d'un débat judiciaire contradictoire alors que n'était prévu qu'un recours a posteriori, non suspensif. L'exercice des droits de la défense et du droit de recours étant ainsi reconnu, on peut être assuré que la dissolution sera décidée à bon escient. Nous pourrons ainsi combattre les groupements qui mettent à mal ces droits démocratiques en appliquant effectivement les principes démocratiques.
M. Eric Doligé - Je suis globalement pour ces dispositions mais je crains que nous ne puissions réagir en urgence devant des faits exceptionnellement graves. Attendre deux condamnations, ce sera souvent attendre dix ans ! Voilà une difficulté que nous ne pouvons négliger...
L'amendement 10, mis aux voix, est adopté et l'article premier est ainsi rédigé.
APRÈS L'ARTICLE PREMIER
Mme la Rapporteuse - L'amendement 11 tend à réunir dans un chapitre II les dispositions relatives à l' « extension de la responsabilité pénale des personnes morales à certaines infractions ». Il s'impose d'autant plus que la commission, le Gouvernement et M. Brard vont proposer de ne pas se limiter aux cas d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie.
L'amendement 11, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.
ART. 2
M. Jean-Pierre Brard - Selon l'Ordre national des médecins, quelque 3000 praticiens seraient en relation avec des mouvements sectaires. L'article 2 étend la responsabilité des personnes morales aux cas d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, mais ces délits relèvent en premier lieu de la responsabilité individuelle. Aussi proposé-je, par l'amendement 1, d'aggraver les peines encourues, et de viser les articles L. 372, L. 373 et L. 374 du code de la santé publique, qui définissent l'infraction, plutôt que son article L. 376, qui fixe les peines. Il convient d'écarter, en revanche, la possibilité de dissolution, excessive eu égard à la sévérité des sanctions déjà encourues par les personnes physiques reconnues coupables : nous montrerons ainsi que nous sommes soucieux des libertés publiques.
Mme la Rapporteuse - La commission approuve cette aggravation des peines, portées de trois mois à un an d'emprisonnement et de 60 000 F à 100 000 F d'amende.
M. le Ministre - C'est tout à fait justifié, car les peines actuelles sont insuffisantes, s'agissant d'actes de nature à mettre en danger la vie d'autrui.
L'amendement 1, mis aux voix, est adopté, et l'article 2 ainsi rédigé.
APRÈS L'ART. 2
M. le Ministre - L'amendement 2 étend la responsabilité des personnes morales aux délits de publicité mensongère et de fraude.
L'amendement 2, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.
Mme la Rapporteuse - Les amendements 12, 13 et 14 étendent la responsabilité des personnes morales aux infractions d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité de la personne.
Les amendements 12, 13 et 14, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
M. le Ministre - L'amendement 3 rectifié étend la responsabilité des personnes morales au délit de menaces.
L'amendement 3 rectifié, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.
Mme la Rapporteuse - Les amendements 15, 16 et 17 étendent la responsabilité des personnes morales aux viols et agressions sexuelles, aux infractions d'entrave aux mesures d'assistance et d'omission de porter secours, ainsi qu'à l'infraction de provocation au suicide.
Les amendements 15, 16 et 17, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
M. le Ministre - L'amendement 4 étend la responsabilité des personnes morales aux délits d'atteinte au respect dû au morts, délits dont sont coutumières certaines sectes « sataniques ».
L'amendement 4, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.
Mme la Rapporteuse - Les amendements 18 et 19 étendent la responsabilité des personnes morales à l'infraction d'abandon de famille et à celle de mise en péril des mineurs.
Les amendements 18 et 19, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
M. le Ministre - L'amendement 5 facilite le prononcé, par le juge répressif, de la peine de dissolution d'une personne morale déclarée coupable d'un crime ou d'un délit, en abaissant le plancher de cinq à trois ans d'emprisonnement. L'amendement 6 corrigé est analogue, et vise les cas de récidive.
Les amendements 5 et 6 corrigé, acceptés par la commission, successivement mis aux voix, sont adoptés.
AVANT L'ART. 3
Mme la Rapporteuse - L'amendement 20 crée un chapitre intitulé « Dispositions concernant la peine de dissolution encourue par les personnes morales pénalement responsables ».
L'amendement 20, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 3, mis aux voix, est adopté.
APRÈS L'ART. 3
Mme la Rapporteuse - Les amendements 21 et 22 rectifié prévoient des sanctions pénales, aggravées s'il y a récidive, en cas de reconstitution d'une personne morale ayant fait l'objet d'une procédure de dissolution.
M. le Ministre - Ils comblent opportunément une lacune du nouveau code pénal.
Les amendements 21 et 22 rectifié, successivement mis aux voix, sont adoptés.
Mme la Rapporteuse - L'amendement 23 crée un chapitre intitulé « Dispositions limitant l'installation ou la publicité des groupements sectaires ».
L'amendement 23, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
Mme la Rapporteuse - L'amendement 24 permet au maire d'interdire l'installation, à moins de 100 mètres d'établissements scolaires, hospitaliers ou médico-sociaux, de groupements sectaires ayant fait l'objet de condamnations pénales. Ce dispositif s'inspire de celui limitant l'installation de points de vente de publications interdites aux mineurs.
M. Jean-Pierre Brard - Je propose, par le sous-amendement 36, de doubler la distance minimum : si 100 mètres peuvent paraître suffisants dans une commune densément peuplée telle que la mienne, ce n'est pas le cas dans une ville de province plus aérée.
Mme la Rapporteuse - Je n'y vois pas d'inconvénient.
M. le Ministre - Je suis favorable à l'amendement, mais réservé sur le sous-amendement.
Une telle extension aurait pour effet d'interdire l'installation sur la totalité du territoire d'une commune. La disposition envisagée est excessive, et il convient de conserver le périmètre de 100 mètres, qui est appliqué aux « sex-shops ».
M. Eric Doligé - Il me semble au moins aussi important de protéger nos enfants que nos monuments historiques, lesquels bénéficient, eux, d'un périmètre de protection de 500 mètres ! Il n'y a donc rien que de normal dans la proposition de M. Brard.
J'aimerais par ailleurs avoir la certitude, avant la deuxième lecture, que les cimetières sont bien inclus dans la liste des secteurs à protéger, car on sait l'attirance des sectes sataniques pour ces lieux, et il y a fort à parier que certaines voudront s'installer à proximité.
M. Philippe Vuilque - Avec tout le respect dû au ministre, je dois dire que ses arguments ne m'ont pas paru convaincants. Deux cents mètres me semblent être la distance pertinente, et le groupe socialiste votera le sous-amendement.
M. Bernard Roman, président de la commission- La discussion en commission a été très ouverte, certains orateurs proposant même d'instituer un périmètre de protection de 300 mètres à l'intérieur duquel des « sectes-shops » ne pourraient s'installer. Les avis exprimés sur les divers bancs montrent que la proposition de M. Brard doit être adoptée.
M. Rudy Salles - Il y a, certes, des personnalités fragiles en tous lieux, mais porter la distance à 200 mètres me paraît le minimum que l'on puisse faire
M. Jean-Pierre Brard - Cette distance sera-t-elle applicable à l'Assemblée nationale ? (Sourires)
Le sous-amendement 36, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 24, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.
M. Rudy Salles - L'amendement 33 vise à donner aux maires la possibilité légale de refuser un permis de construire sollicité par un mouvement sectaire. En l'état actuel du droit, ils ne peuvent le faire sans être sanctionnés par les tribunaux administratifs, ce qui renforce encore les sectes. Cette possibilité est entourée des garanties nécessaires au respect des libertés publiques, puisqu'elle vise les seules personnes morales figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat. Une telle mesure est demandée avec insistance par les maires.
L'amendement 34 est de repli.
Mme la Rapporteuse - La commission a repoussé l'amendement 33, qui prévoit une liste fixée par décret en Conseil d'Etat, ce qui paraît prématuré, mais elle a retenu l'amendement 34, dont elle a précisé la rédaction par le sous-amendement 37, qui corrige une erreur de référence.
M. le Ministre - Même s'il comprend l'objectif de leurs auteurs, le Gouvernement ne peut être favorable à ces amendements. Une question aussi complexe ne peut être réglée dans la précipitation, au travers d'un amendement déposé la veille du débat, sans examen juridique approfondi. Comment, d'autre part, fixer par décret en Conseil d'Etat la liste des associations sectaires, comme y invite l'amendement 33 ? L'amendement 34 tourne la difficulté, mais sa rédaction, même corrigée par le sous-amendement 37, doit être précisée.
Je rappelle que le fait qu'un organisme soit de caractère sectaire ne permet pas de lui refuser un permis de construire, le droit ne permettant pas que l'on s'appuie, pour justifier un refus, sur des considérations étrangères à l'urbanisme. En revanche, la législation permet déjà que des condamnations soient prononcées pour violations des règles de l'urbanisme ; c'est ainsi que le temple du Mandarom a été détruit. Avis, donc, défavorable.
M. Rudy Salles - Ne nous renvoyez pas au code de l'urbanisme.
M. Eric Doligé - Telle n'est pas la bonne approche !
M. le Président de la commission - J'approuve sans réserve le principe qui sous-tend l'amendement. Les difficultés légales sont réelles, mais l'on peut décider de retenir l'amendement 34, quitte à améliorer la rédaction avant la deuxième lecture.
M. Eric Doligé - Quels que soient les obstacles juridiques, l'amendement doit être soutenu. Les maires sont actuellement impuissants, et la situation des élus de toutes petites communes, confrontés à des mouvements sectaires nationaux dotés de très gros moyens, est particulièrement insupportable. Ainsi de ce maire de ma circonscription, qui avait refusé aux témoins de Jéhovah la construction d'un lieu de rassemblement, et auquel le tribunal administratif a donné tort.
Pourquoi l'administration, qui ne prend pas de gants pour refuser tel ou tel permis de construire sans justification perceptible douterait-elle de l'esprit de responsabilité des élus ?
Adopter l'amendement n'empêcherait évidemment pas d'en préciser la rédaction lors de la deuxième lecture.
M. Jean-Pierre Brard - Je suis d'accord avec M. Salles. Les maires sont régulièrement confrontés à ce problème. La conscience devrait pouvoir prévaloir sur la réglementation, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui : les maires ayant refusé un permis de construire à une organisation sectaire sont condamnés par les tribunaux, ce qui est sans doute conforme au droit mais non à la morale.
Avec cette nouvelle disposition, le maire de Louviers aurait pu s'opposer à l'installation des témoins de Jéhovah, cette organisation criminelle qui conduit certains de ses membres à la mort par refus de la transfusion sanguine et a pourtant réussi à constituer dans cette ville une enclave bénéficiant quasiment d'un statut d'extra-territorialité, les autorités ayant pour le moins des comportements bizarres en matière de contrôle.
Le problème soulevé par notre collègue doit être réglé, aujourd'hui ou d'ici à la deuxième lecture.
M. Rudy Salles - Je retire l'amendement 33 mais maintiens le 34. Je remercie les collègues qui m'ont apporté leur soutien. Il est des cas où des maires, qui n'avaient pu légalement s'opposer à la délivrance d'un permis de construire, se sont trouvés accusés par leurs administrés de connivence avec les sectes. Il faut leur donner les moyens de refuser un permis de construire sollicité par un groupement sectaire : si le texte de cet amendement est imparfait, il sera toujours possible de l'améliorer au cours des navettes.
L'amendement 33 est retiré.
Le sous-amendement 37, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 34 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.
Mme la Rapporteuse - L'amendement 25 tend à sanctionner la diffusion de messages à l'intention de la jeunesse par des groupements sectaires ayant fait l'objet de condamnations pénales définitives.
M. le Ministre - Cette disposition est tout à fait justifiée. Une vigilance particulière s'impose en effet s'agissant des jeunes.
L'amendement 25, mis aux voix, est adopté.
Mme la Rapporteuse - L'amendement 26 tend à distinguer, dans un chapitre V, les dispositions du texte tendant à instituer un délit de manipulation mentale.
M. le Ministre - Avis favorable.
L'amendement 26, mis aux voix, est adopté.
Mme la Rapporteuse - L'amendement 27 tend à instituer un nouveau délit de manipulation mentale. En aucun cas ne sauraient être visés les groupements politiques ou professionnels. Si la réflexion doit se poursuivre sur ce point, cela se fera au cours des navettes.
M. le Ministre - Le Gouvernement comprend l'objectif recherché par cet amendement. Il existe en effet des lacunes dans l'arsenal répressif actuel. La plus grande prudence s'impose toutefois s'agissant d'une nouvelle incrimination pénale. Il faut notamment veiller à ne porter atteinte à aucune liberté garantie par la Constitution. Le Gouvernement consultera d'ailleurs la commission consultative des droits de l'homme.
L'amendement 27, mis aux voix, est adopté.
Mme la Rapporteuse - L'amendement 28 étend le champ des peines complémentaires prévues par l'article 225-19 du code pénal au nouveau délit de manipulation mentale.
L'amendement 28, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
Mme la Rapporteuse - L'amendement 29 tend à distinguer dans un chapitre VI les dispositions diverses du texte.
L'amendement 29, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
M. le Ministre - La loi renforçant la protection de la présomption d'innocence a inséré dans le code de procédure pénale un nouvel article 2-17 permettant aux associations de lutte contre les sectes de se constituer partie civile en cas d'infractions portant atteinte aux droits de l'homme. Il convient toutefois de limiter cette possibilité aux associations reconnues d'utilité publique, comme on l'avait reconnu lors du débat sur la loi précitée. Cette limitation n'avait toutefois pas pu être prévue dans l'article car celui-ci avait été voté en termes conformes par les deux assemblées. Tel est l'objet de l'amendement 7.
Mme la Rapporteuse - Avis favorable.
L'amendement 7, mis aux voix, est adopté.
Mme la Présidente - Voici donc la première modification apportée à la loi du 15 juin 2000...
Mme la Rapporteuse - L'amendement 30 tend à modifier l'article 2-17 du code de procédure pénale, issu de l'article 105 de la loi relative à la présomption d'innocence adoptée définitivement le 30 mai 2000 qui permet aux associations de lutte contre les sectes de se porter partie civile, par coordination avec les nouvelles dispositions de la présente proposition de loi.
La commission a repoussé le sous-amendement 32 de M. Salles.
M. Rudy Salles - Les associations ne peuvent pas aujourd'hui se porter partie civile à titre principal, ce qui limite singulièrement leurs possibilités d'action. Il faut leur ouvrir cette possibilité -c'est l'objet de mon sous-amendement 32- d'autant que tout risque d'inflation judiciaire est écarté, après l'adoption de l'amendement 7 du Gouvernement, relatif aux associations reconnues d'utilité publique.
M. le Ministre - Avis favorable à l'amendement et défavorable au sous-amendement qui remettrait en question l'équilibre de l'article 2-17 du code de procédure pénale. Il ne paraît pas opportun de donner à une association de droit privé, fut-elle reconnue d'utilité publique, le droit d'engager des poursuites. Il appartient aux parquets, et à eux seuls, de le faire. La Garde des Sceaux les a appelés par voie de deux circulaires à faire preuve d'une grande vigilance et d'une grande fermeté. Une troisième circulaire accompagnera le présent texte.
M. Jean-Pierre Brard - Je suis encore une fois d'accord avec M. Salles. Des associations comme le MRAP ou SOS Racisme peuvent se porter partie civile sans attendre l'action du parquet en cas de délits racistes. Il faut étendre une telle possibilité aux associations de lutte contre les sectes. L'affaire de l'Eglise de scientologie à Marseille montre d'ailleurs que mieux vaut prendre des précautions que de s'en remettre unilatéralement aux parquets !
M. Philippe Vuilque - Nous n'avons pas tous les éléments aujourd'hui pour trancher cette question. Reparlons-en au sein du groupe d'études sur les sectes.
M. Rudy Salles - Mon cher collègue, le problème n'est pas nouveau. Cette proposition figurait déjà dans les conclusions du rapport de la commission d'enquête de 1995. La Chancellerie s'y était alors opposée au motif qu'une inflation de plaintes pourrait s'ensuivre. La limite posée aujourd'hui par le Gouvernement permet de parer à ce risque.
L'amendement 7 du Gouvernement libère nos possibilités d'agir. L'action des associations est le moyen fondamental pour que ces affaires arrivent devant la justice. Les anciens adeptes sont tellement affaiblis et tellement menacés qu'ils ne peuvent pas engager ces procédures, c'est un véritable parcours du combattant pour eux.
De grâce, si on veut lutter contre les sectes, votons ces amendements, sinon il y aura très peu de plaintes devant les tribunaux et les sectes continueront de prospérer.
M. Eric Doligé - En ne retenant que les associations reconnues d'utilité publique, l'amendement du Gouvernement limite bien le risque d'inflation de plaintes. Ne soyons pas frileux et votons le sous-amendement 32. Mme la présidente faisait remarquer tout à l'heure que nous avons modifié une loi adoptée il y a seulement quelques jours.
Le sous-amendement 32, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 30, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.
M. Eric Doligé - Il n'est pas dans mon tempérament de vouloir créer des groupes ou des commissions à tout propos. Pour le suivi du problème des sectes, il existe la MILS et les structures spécifiques que peuvent créer les départements et les procureurs : mais sur le terrain on constate que l'objectif n'est pas atteint. Je souhaite donc que les deux assemblées du Parlement puissent mettre en place des délégations pour suivre l'évolution des textes et leur application. C'est l'objet de mon amendement 35.
Mme la Rapporteuse - La commission l'a repoussé. Il existe déjà un groupe parlementaire d'étude sur les sectes et une mission interministérielle. Votre proposition n'a pas sa place dans le texte examiné aujourd'hui, mais je n'exclus pas que nous y réfléchissions ensemble.
M. le Ministre - Le Gouvernement est réservé. La création de nouvelles délégations parlementaires ne peut se faire sans une réflexion approfondie et on peut se demander si celle-ci est vraiment nécessaire : les commissions d'enquête ont permis au Parlement de jouer tout son rôle dans le combat contre les sectes.
M. Philippe Vuilque - Je suis d'accord avec le Gouvernement et la rapporteuse sur le fait que cette proposition n'a pas sa place dans ce texte. Mais l'idée n'en est pas moins à creuser. Le travail parlementaire doit avoir une certaine permanence. Le groupe d'étude n'a pas les moyens matériels et humains pour assurer le suivi nécessaire. Une délégation parlementaire permettrait au Parlement de suivre les affaires sectaires de façon complémentaire à ce que fait la MILS.
M. Jean-Pierre Brard - Je suis d'accord avec M. Vuilque et je souhaiterais que l'amendement ne soit pas repoussé, mais retiré, pour que nous en discutions au sein du groupe d'étude.
Monsieur le ministre, nous avons déjà eu deux commissions d'enquête en trois ans, il est peu probable que l'Assemblée en crée une troisième dans un délai rapproché. Or il faut donner une suite à nos travaux.
M. Eric Doligé - Il y a un proverbe bantou qui dit : « Si tu avances, tu meurs. Si tu recules, tu meurs... » Dans ces conditions, ne craignant pas de mourir, je retire mon amendement (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
M. le Ministre - L'amendement 8 étend l'application de la loi à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie, aux îles Wallis-et-Futuna et à Mayotte.
Mme la Rapporteuse - Avis favorable.
L'amendement 8, mis aux voix, est adopté.
TITRE
Mme la Rapporteuse - Pour tenir compte des dispositions nouvelles introduites dans le texte, l'amendement 31 propose de modifier son intitulé qui deviendrait « Proposition de loi tendant à renforcer la prévention et la répression à l'encontre des groupements à caractère sectaire ».
L'amendement 31, mis aux voix, est adopté.
L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté à l'unanimité. (Applaudissements sur tous les bancs)
Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.
La séance est levée à 12 heures 40.
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