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visant à créer un contrat d'union civile et sociale.(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.) PRÉSENTÉE PAR MM. JEAN-PIERRE MICHEL, ANDRÉ ASCHIERI, Mme MARIE-HÉLÈNE AUBERT, MM. PIERRE CARASSUS, ROLAND CARRAZ, GÉRARD CHARASSE, BERNARD CHARLES, MICHEL CRÉPEAU, YVES COCHET, JEAN-PIERRE DEFONTAINE, Guy HASCOUËT, ROBERT HONDE, FRANÇOIS HUWART, JEAN-MARIE LE GUEN, NOËL MAMÈRE, JACQUES REBILLARD, JEAN RIGAL, GEORGES SARRE, ROGER-GÉRARD SCHWARTZENBERG, MICHEL SUCHOD et ALAIN TOURRET,Députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS MESDAMES, MESSIEURS, En une quinzaine d'années, le nombre de mariages célébrés annuellement en France a baissé de 30 % et le nombre de naissances hors mariage a plus que doublé. Aujourd'hui, plus d'un enfant sur quatre naît hors mariage. Ces évolutions témoignent d'un changement profond des attitudes et des comportements. Entre 1962 et 1985, le nombre de couples non mariés où l'homme est âgé de moins de trente-cinq ans a décuplé ; il a doublé pour ceux où l'homme est âgé de trente-cinq à soixante ans. Les démographes de l'Institut national d'études démographiques admettaient, dès 1991, l'existence en France de deux millions de couples non mariés et de plus d'un million de familles monoparentales. Lorsqu'une réalité sociale est en plein changement, les mots employés pour la décrire peuvent comporter bien des incertitudes. Les démographes des grands organismes d'État tels l'Institut national de la statistique et des études économiques et l'Institut national d'études démographiques avouent aujourd'hui les difficultés qu'ils rencontrent pour cerner la réalité, à travers les termes de cohabitation, concubinage, union libre ou couple non marié, souvent utilisés indifféremment malgré les diverses réalités qu'ils recouvrent. L' union libre a longtemps été perçue comme marginale. Dans les années 70, elle était le choix de couples généralement très jeunes ; actuellement, elle concerne aussi des hommes et des femmes plus âgés. Ainsi constate-t-on qu'aujourd'hui de nombreux couples vivent durablement une union de fait. Certains y trouvent une solution transitoire qui débouche le plus souvent sur le mariage, d'autres au sortir d'un divorce ou d'un deuil y voient une nouvelle forme d'union possible. Pour la majorité des couples, cela peut constituer en soi un choix de vie; pour les autres, c'est le seul choix. Cette union de fait concerne aussi les modes de vie homosexuels qui, spécialement dans les villes, tendent à prendre des formes stables de vie commune. On constate une aspiration accrue des homosexuels à une vie de couple. Parallèlement, le chômage et la précarité qui en découle, mais aussi l'apparition ou l'expansion de maladies sexuellement transmissibles, ont développé une recherche de stabilité dans la vie affective qui a amplifié cette évolution. Enfin, l'émergence de nouvelles formes de solidarité et d'entraide entre les individus concerne aussi les personnes âgées. Celles-ci trouvent dans la vie en commun le moyen de remédier à leurs difficultés économiques et sociales, et de lutter contre l'isolement. Face à cette inventivité de la société française quant à ses modes de vie, force nous est de constater un retard relatif dans l'élaboration législative. Jacques Toubon, alors garde des Sceaux, lors de sa communication au Conseil des ministres du 2 avril 1997, le soulignait en ces termes : " Des évolutions sociales profondes ont rendu nécessaire l'actualisation ou la rénovation de pans entiers de notre droit civil : le droit ne peut ignorer le choix de ceux - très nombreux de nos jours qui entendent se placer en dehors du modèle familial consacré par nos textes. " Or, en dehors du mariage, il n'y a pas de cadre juridique pour ces formes nouvelles de liens sociaux, qu'il s'agisse du droit civil (droit de la succession ou du patrimoine), des divers régimes d'assurance sociale, du droit du travail, du droit commercial, du droit administratif. Une jurisprudence étendue montre la fréquence des litiges concernant des couples non mariés, cherchant à obtenir pour leur compte l'application de dispositions prévues en faveur des époux. La Cour de cassation a toujours souligné qu'il appartenait au législateur de préciser son intention en ce domaine. Le système en place ne permet de régler de façon équitable ni les situations de crise ni les problèmes quotidiens de ceux qui sont liés par un projet commun de vie. Chaque compagne, chaque compagnon reste juridiquement étranger à l'autre. Les ruptures brutales créent des situations d'inégalités parfois dramatiques. En cas de décès, aucun droit de retraite ni de succession n'est reconnu au survivant, qui, souvent contre la volonté de la personne défunte, perd tout, y compris la possibilité de vivre sous le toit de la personne avec laquelle il parta- sa vie. La présente proposition de loi a pour objet de répondre à ces difficultés et de combler l'écart entre les modes de vie de plusieurs millions de Françaises et de Français et l'état du droit positif.
Il s'agit de promouvoir une loi d'égalité, applicable à un grand nombre de situations diverses. Nous pensons que le temps est venu de cette élaboration, dans les divers domaines évoqués ci-dessus. Ce faisant, la France montrera qu'elle reste le pays des droits de l'homme et du citoyen, manifestant une capacité d'innovation juridique à la mesure de l'évolution sociale. Aussi soumettons-nous à votre examen la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI Article 1er" Il est créé le contrat d'union civile et sociale. Le contrat d'union civile et sociale constate le lien unissant deux personnes physiques, quel que soit leur sexe, juridiquement capables au sens des articles 1123 et 1124 du code civil qui ont décidé d'établir entre elles un projet commun de vie.
Article 2 Les contractants de l'union civile et sociale se doivent soutien matériel et moral. Ils sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'entre eux dans le cadre de la vie courante.
Article 3 Les contractants de l'union civile et sociale bénéficient de tous les droits accordés par les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles relatives aux concubins ou aux personnes vivant maritalement.
Article 4 Il ne peut y avoir d'union civile et sociale entre ascendant et descendant en ligne directe. Une même personne ne peut être engagée à la fois dans le mariage et dans l'union civile et sociale ni dans plusieurs contrats d'union civile et sociale.
Article 5 Le contrat d'union civile et sociale fait l'objet d'une déclaration conjointe devant un officier d'état civil du domicile ou de la résidence
d'un des contractants, ou, à l'étranger d'un agent diplomatique ou d'un consul de France, qui enregistre cette déclaration. L'officier d'état civil informe les contractants des droits et obligations afférents au contrat d'union civile et sociale.
Article 6 Le contrat d'union civile et sociale prend fin par la volonté, le décès ou l'absence juridiquement constatée de l'un des contractants. Il ne peut volontairement être rompu dans les six mois qui suivent sa conclusion.
Article 7 Il est mis fin au contrat d'union civile et sociale par déclaration conjointe des parties ou à la demande de l'un, acceptée par l'autre, sur présentation d'une convention notariée réglant la répartition des biens immobiliers, devant un officier d'état civil du domicile ou de la résidence d'un des contractants. A défaut d'accord des contractants et à la demande de l'un, le juge prononce la rupture du contrat d'union civile et sociale et ordonne les mesures qui l'accompagnent.
Article 8 Les biens des contractants sont, à défaut de convention spéciale passée devant notaire, soumis au régime de la communauté réduite aux acquêts tel qu'il résulte des articles 1400 à 1491 du code civil. Le régime des biens peut être modifié en cours de contrat. Article 9 En cas de départ définitif par le locataire qui a conclu un contrat d'union civile et sociale, ou de son décès, le contrat de bail d'habitation continue au profit de son cocontractant.
Article 10 Les dispositions du code du travail relatives aux conjoints sont applicables aux contractants de l'union civile et sociale
Article 11 L'article L. 313-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé : " Le contractant de l'union civile et sociale de l'assuré ". Les dispositions relatives aux différents régimes de l'assurance veuvage, de l'assurance vieillesse et de l'assurance décès sont applicables au cocontractant de l'union civile et sociale d'un assuré social.
Article 12 Les contractants de l'union civile et sociale qui sont fonctionnaires bénéficient des dispositions de la loi du 30 décembre 1921 relative au rapprochement des conjoints; pour l'application de l'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 relatif aux mutations des fonctionnaires, le contractant de l'union civile et sociale est assimilé au conjoint.
Article 13 L'article 6 alinéa 13 du code général des impôts est ainsi complété : " Les contractants de l'union civile et sociale sont soumis à une déclaration et une imposition commune des revenus perçus par chacun d'eux. "
Article 14 Les dispositions du code civil relatives aux donations et legs entre époux (art. 1091 à 1100 du code civil) ainsi qu'aux successions (art. 765 à 767 du code civil) sont applicables aux contractants de l'union civile et sociale. Pour les successions concernant les exploitations agricoles, les dispositions des articles 832 à 832-4 du code civil sont applicables aux contractants de l'union civile et sociale.
Article 15 Un étranger peut conclure un contrat d'union civile et sociale et bénéficie des mêmes droits, en matière de séjour, que ceux accordés dans le cadre des dispositions relatives au mariage.
Article 16 Les pertes éventuelles de recettes pour l'Etat engendrées par les dispositions prévues ci-dessus sont compensées à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575-A du code général des impôts. Les pertes éventuelles pour la sécurité sociale engendrées par les dispositions prévues ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 885 U et 575 A du code général des impôts affectée aux organismes de sécurité sociale.
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