N° 1268
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 décembre 1998.
PROPOSITION DE LOI

tendant à modifier la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique et visant à assurer une représentation équilibrée des femmes en politique.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée

par MM. Pierre ALBERTINI, Alain FERRY, Jean-Louis BERNARD, Emile BLESSIG, Jean BRIANE, Charles de COURSON, Henry JEAN-BAPTISTE, Edouard LANDRAIN, Jacques LE NAY, Jean-Antoine LÉONETTI, Maurice LEROY, Arthur PAECHT, Dominique PAILLÉ, Henri PLAGNOL, Jean-Luc PRÉEL, François ROCHEBLOINE, Michel VOISIN et Pierre-André WILTZER,

Députés.

Elections et référendums.

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La place faite aux femmes en politique, dans notre pays, est plus qu'insuffisante, indigne de ce qu'elles représentent dans la société civile. Les modestes progrès enregistrés aux élections législatives en 1997 ne sauraient masquer l'impressionnant retard accusé par rapport aux autres démocraties occidentales. Ainsi, la France occupe aujourd'hui l'avant-dernière position dans l'Union européenne.
En 1945, au lendemain de la Libération et au moment où le général de Gaulle leur accordait - enfin ! - le droit de vote, quelques grandes figures de la Résistance ont été élues députées. Elles devaient leur élection à leur action courageuse pendant les années noires de l'Occupation. Par la suite, à la lecture des statistiques publiées par notre assemblée, nous ne pouvons que constater une baisse du nombre des femmes élues, tout du moins jusqu'en 1997.
Pour corriger ce déséquilibre, le Parlement s'apprête à adopter, en Congrès, une disposition constitutionnelle destinée à rappeler l'objectif d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions. Cette révision renvoie au législateur ordinaire le soin d'en définir les modalités de mise en _uvre : il s'agit donc d'un principe à effets juridiques différés.
Parmi les obstacles que devra soigneusement éviter le Parlement figure le risque de catégorisation des électeurs et de manipulation des lois électorales dans le seul but d'accélérer la participation - plus que souhaitable - des femmes aux responsabilités politiques, nationales ou locales. L'égalité ne saurait servir d'alibi ou de camouflage à des intentions sans rapport avec l'objectif officiellement poursuivi.
Sous le bénéfice de cette réserve, quels moyens législatifs permettraient, sans encourir la sanction du Conseil constitutionnel, d'assurer une représentation plus équilibrée dans la vie politique ? Le plus efficace, à nos yeux, est l'incitation financière à présenter des candidates, qui n'est que la traduction concrète d'un principe simple : à financement public, contraintes publiques.
Dans cette perspective, la loi n° 86-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est la première à devoir être amendée. En effet, elle organise les conditions du financement public des partis et groupements politiques et dispose, dans son article 8, que le montant des crédits inscrits dans le projet de loi de finances est divisé en deux fractions égales : une première fraction destinée au financement des partis et groupements en fonction de leurs résultats aux élections à l'Assemblée nationale et une seconde fraction spécifiquement destinée au financement des partis et groupements représentés au Parlement. Quant à l'article 9, il précise que la première fraction est attribuée aux partis et aux groupements qui ont présenté des candidats dans au moins cinquante circonscriptions, lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale.
Comme on le voit, le dispositif législatif actuel subordonne le financement public à la présentation d'un certain nombre de candidats. Cette précision a été adoptée, par la loi du 29 janvier 1993, pour limiter, dans la mesure du possible, les candidatures fantaisistes ou ayant pour objet unique de bénéficier des fonds de l'Etat.
Aujourd'hui, une autre modification s'impose, en des termes plus solennels. En effet, il s'agit désormais de favoriser l'égal accès des hommes et des femmes à des mandats et à des fonctions électives sans pour autant mettre en place un système de parité stricto sensu contraire à notre conception de la République et de la liberté des suffrages. Dans cette perspective, il serait contraire à nos valeurs démocratiques de subordonner la totalité du financement public des partis et groupements politiques à l'application par eux de la parité homme/femme. En revanche, rien ne saurait nous interdire d'adopter une nouvelle disposition financièrement incitative complétant les dispositions régissant, depuis 1988, le financement des partis.
Il vous est donc proposé de créer une troisième fraction dans le montant des crédits inscrits dans le projet de loi de finances affectés au financement des partis et aux groupements politiques destinée à accorder une " prime " à ceux d'entre eux qui décident de mettre en _uvre, pour les élections législatives, l'objectif d'égalité entre les hommes et les femmes dans la vie politique, élevé au rang constitutionnel.
Le pourcentage de 30 % de femmes, présentées dans cinquante circonscriptions au moins, pourrait être retenu même s'il semble arbitraire. Il constituerait cependant un progrès sensible dans la voie de la diversité et un levier significatif pour les partis politiques.
Enfin, cette proposition, si elle était adoptée, devrait s'inscrire dans l'expérimentation : en effet, il ne s'agit là que d'une mesure volontariste et incitative, contribuant au changement des mentalités et des attitudes. Si celui-ci était acquis dans les prochaines années, la loi proposée n'aurait évidemment plus d'objet. Le pari sur lequel elle repose serait gagné !

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Le deuxième alinéa de l'article 8 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 est ainsi rédigé :
" Ce montant est divisé en trois fractions égales : "

Article 2

L'article 8 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
" 3° Une troisième fraction destinée au financement des partis et groupements qui auront présenté 30 % de femmes dans au moins cinquante circonscriptions lors du dernier renouvellement de l'Assemblée nationale. "

Article 3

Les dispositions visées aux articles 1er et 2 de cette proposition de loi seront appliquées, à compter de sa promulgation, aux deux élections législatives suivantes. Le Bureau de l'Assemblée nationale rendra compte, dans un rapport, de l'application de cette loi au terme de sa mise en _uvre.


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