No 1560
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 avril 1999.
PROPOSITION DE LOI
tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et de l'accompagnement.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée
par MM. Jean-Louis DEBRÉ, Jean-Michel DUBERNARD et Renaud MUSELIER,
Députés.

Santé.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
L'allongement de la durée de la vie et les progrès techniques de la science posent aujourd'hui de façon de plus en plus criante la difficile question de l'accompagnement des malades et de leurs familles face à la douleur et à terme à la mort.
Notre pays est en ce domaine très en retard comme l'ont démontré tant les travaux organisés sur la douleur par le sénateur Lucien Neuwirth dès 1994 pour le Sénat, que son rapport d'information consacré aux soins palliatifs et à l'accompagnement adopté à l'unanimité par les membres de la commission des affaires sociales du Sénat le 10 février 1999.
De même, le rapport de M. Donat Decisier pour le Conseil économique et social a déploré l'état de notre système de santé en ce domaine et a appelé à une rapide réforme législative.
Ainsi, le sénateur Lucien Neuwirth a présenté au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, une proposition de loi intégrant les demandes faites par le rapport Decisier et correspondant manifestement aux demandes tant des malades, des familles que du milieu hospitalier.
Alors que ce texte a été adopté à l'unanimité par le Sénat le 7 avril dernier, le gouvernement a tardé à l'inscrire à l'ordre du jour de notre Assemblée.
Aussi, afin de permettre au plus vite l'adoption de ce texte tant attendu, nous avons décidé de redéposer cette proposition de loi sur le Bureau de notre Assemblée.
Elle permettra de donner une définition des soins palliatifs et du droit d'accès à ses soins pour tout malade, de lever les obstacles législatifs au développement de ces pratiques médicales, d'encourager la mise en place de structures de soins, d'enseignement et de recherche en ce domaine dans tous les centres hospitaliers universitaires, de prendre en charge forfaitairement les frais de formation et d'encadrement des bénévoles participant à de telles initiatives dans les établissements publics comme privés ainsi que de créer pour un membre de la famille du malade un droit à un congé d'accompagnement rémunéré.
Pour toutes ces raisons, il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, d'adopter la proposition de loi qui suit :

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Toute personne atteinte d'une maladie mettant en jeu le pronostic vital a accès à des soins palliatifs et d'accompagnement. Ces soins, dispensés par des équipes pluridisciplinaires en institution ou à domicile, visent à soulager la douleur physique et les autres symptômes et prennent en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle de la personne et de son entourage.

Article 2

Après l'article L. 712-3-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 712-3-1-1 ainsi rédigé :
"Art L. 712-3-1-1. - L'offre de soins palliatifs et la satisfaction des besoins sont prises en compte dans la carte sanitaire et le schéma d'organisation sanitaire et son annexe."

Article 3

L'article L. 174-10 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
"Les dépenses engagées pour la formation et la coordination de l'action des bénévoles par les associations qui assurent l'accompagnement des malades dans le cadre de soins palliatifs sont prises en charge par les organismes d'assurance maladie de manière forfaitaire et réglées directement aux associations. Ces associations doivent être agréées par les organismes d'assurance maladie dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat."

Article 4

L'article L. 712-10 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
"Les soins palliatifs constituent une discipline pour l'application du présent article."

Article 5

Des conditions particulières d'exercice des professionnels de santé exerçant à titre libéral ou qui sont salariés des centres de santé sont mises en _uvre pour délivrer des soins palliatifs à domicile. Ces conditions peuvent porter sur des modes de rémunération particuliers autres que le paiement à l'acte et sur le paiement direct des professionnels par les organismes d'assurance maladie.
Un contrat portant sur ces conditions est conclu entre les professionnels et les centres de santé et l'assurance maladie.

Article 6

Avant le 31 décembre 1999, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur la prise en compte des soins palliatifs par le programme de médicalisation du système d'information.

Article 7

Les deux premiers alinéas de l'article L. 710-3-1 du code de la santé publique sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
"Les établissements de santé, publics ou privés, et les établissements médico-sociaux mettent en _uvre les moyens propres à prendre en charge la douleur des patients qu'ils accueillent et à assurer les soins palliatifs que leur état requiert. Pour les établissements de santé publics, ces moyens sont définis par le projet d'établissement visé à l'article L. 714-1-1.
"Les centres hospitaliers et universitaires assurent, à cet égard, la formation initiale des médecins et diffusent en liaison avec les autres établissements de santé publics ou privés participant au service public hospitalier les connaissances acquises, y compris aux équipes soignantes, en vue de permettre la réalisation de ces objectifs en ville comme dans les établissements. Ils favorisent le développement de la recherche.
"Les établissements de santé et les établissements et services sociaux et médico-sociaux peuvent passer convention entre eux pour assurer ces missions."

Article 8

L'article L. 312 du code de la santé publique est complété par un 4° ainsi rédigé :
"4° La délivrance de soins palliatifs aux patients dont l'état le requiert."

Article 9

Les deuxième (1°) et troisième (2°) alinéas de l'article L. 791-2 du code de la santé publique sont ainsi rédigés :
"1° D'élaborer avec des professionnels, selon des méthodes scientifiquement reconnues, de valider et de diffuser les méthodes nécessaires à l'évaluation des soins, y compris palliatifs, et des pratiques professionnelles;
"2° D'élaborer et de valider des recommandations de bonnes pratiques cliniques et des références médicales et professionnelles en matière de prévention, de diagnostic, de thérapeutique et de soins palliatifs."

Article 10

Dans le chapitre V du titre II du livre deuxième du code du travail, il est créé une section 6 intitulée : "Congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie" qui comporte sept articles L. 225-14-1 à L. 225-14-7 ainsi rédigés :
"Art. L. 225-14-1. - Tout salarié dont un ascendant, un descendant ou une personne partageant son domicile fait l'objet de soins palliatifs a le droit, soit de bénéficier d'un congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie, soit de réduire sa durée du travail dans des proportions définies par décret, s'il justifie d'une ancienneté minimale d'un an à la date de sa demande.
"Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, le choix du congé ou de l'activité à temps partiel appartient à l'employeur.
"Le congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie ou la période d'activité à temps partiel ont une durée maximale de deux mois. Cette durée peut être, le cas échéant, fractionnée. Ils prennent fin au plus tard à l'expiration de cette durée ou, avec l'accord de l'employeur, dans les trois jours suivant le décès de la personne accompagnée.
"Un mois avant le début de son congé ou de son travail à durée réduite, le salarié informe son employeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de sa volonté d'accompagner une des personnes définies au premier alinéa; il doit lui transmettre un certificat médical attestant que la personne accompagnée fait l'objet de soins palliatifs."
"Art. L. 225-14-2. - Le salarié en congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie ou qui travaille à temps partiel ne peut exercer par ailleurs aucune activité professionnelle.
"Art. L. 225-14-3. - A l'issue du congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie ou de sa période d'activité à durée réduite, le salarié retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.
"Art. L. 225-14-4. - La durée du congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie n'est pas prise en compte dans la détermination des avantages liés à l'ancienneté. Le salarié conserve toutefois le bénéfice de tous les avantages qu'il avait acquis avant le début de ce congé.
"Art. L.225-14-5. - Toute convention contraire aux ar ticles L. 225-14-1, L. 225-14-3 et L.225-14-4 est nulle de plein droit.
"Art. L. 225-14-6. - L'inobservation par l'employeur des ar ticles L. 225-14-1 à L. 225-14-5 peut donner lieu à l'attribution de dommages intérêts au profit des bénéficiaires, en sus de l'indemnité de licenciement.
"En outre, lorsque, en application des dispositions précitées, le licenciement est nul, l'employeur est tenu de verser le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité.
"Art. L. 225-14-7. - Les modalités d'application des ar ticles L. 225-14-1 à L. 225-14-6 sont fixées par décret."

Article 11

Le rapport du Haut Comité de la santé publique mentionné à l'article L. 766 du code de la santé publique dresse un état des lieux des soins palliatifs sur l'ensemble du territoire.

Article 12

Les dépenses résultant de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une augmentation des droits de consommation sur les tabacs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
N°1560. - PROPOSITION DE LOI de MM. Jean-Louis DEBRÉ, Jean-Michel DUBERNARD et Renaud MUSELIER tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et de l'accompagnement (renvoyée à la commission des affaires culturelles)


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