N° 1627
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mai 1999.
PROPOSITION DE LOI

accordant aux présidents des conseils régionaux et généraux la possibilité de saisine pour avis des chambres régionales des comptes.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Jacques BLANC,
Député.

Collectivités territoriales.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Dressant un bilan de l'activité des chambres régionales des comptes à quelques mois du dixième anniversaire de leur création par la loi de décentralisation du 2 mars 1982, M. Pierre Arpaillange, alors Premier président de la Cour des comptes, soulignait, notamment, la nécessité de renforcer le rôle préventif des nouvelles juridictions et de leur permettre ainsi d'accroître les efforts qu'elles avaient d'ores et déjà accomplis vis-à-vis des élus pour que «la sentence cède le pas au dialogue».
La doctrine s'est également prononcée dans le même sens, un auteur ayant même préconisé que les collectivités locales disposent vis-à-vis des chambres régionales des comptes d'une procédure de rescrit comparable à celle qui existe pour les opérateurs financiers vis-à-vis de la Commission des opérations de bourse : depuis 1990, celle-ci peut en effet être interrogée par les professionnels intervenant sur les marchés à propos de la conformité par rapport à son règlement des opérations qu'ils envisagent d'effectuer.
Ainsi, tant le bilan de l'activité des chambres régionales des comptes que la doctrine ont témoigné de l'évolution concrète de la pratique de notre droit.
En particulier, l'affirmation de la décentralisation, la disparition de la tutelle et du contrôle a priori et la complexité grandissante des problèmes posés ont fait naître, pour les collectivités locales, un risque contentieux qu'il est utile de prévenir, la transparence sur les questions de droit étant un gage de démocratie.
Mais, si des réflexions convergentes ont été formulées en faveur de l'accroissement du rôle consultatif des chambres régionales des comptes, ces réflexions n'ont jusqu'à présent trouvé aucune véritable traduction législative en ce qui concerne l'exercice de ce rôle vis-à-vis des élus. De fait, la seule disposition législative en ce sens - qui résulte de l'article 47-III de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 codifiée sous l'article L. 234-1 du code des juridictions financières - réserve aux seuls préfets le droit de consulter les chambres régionales des comptes sur les conventions relatives aux marchés ou à des délégations de service public qui leur sont soumis pour contrôle de légalité.
Il nous paraît très souhaitable d'étendre de manière significative le rôle consultatif des chambres régionales des comptes confiant à certains élus locaux - les présidents de conseils régionaux et généraux - le droit de leur demander leur avis sur toute question de droit qui relève de leurs compétences. Ce droit s'inspire de celui dont disposent le Gouvernement vis-à-vis du Conseil d'Etat et les préfets vis-à-vis des tribunaux administratifs.
Les élus - notamment ceux qui viennent d'être cités - ont en effet des responsabilités dont le champ ne cesse de s'accroître depuis le vote des lois de décentralisation et l'exercice de ces responsabilités devient en lui-même de plus en plus difficile en raison de la complexité croissante de la législation. Cette saisine pour avis des chambres régionales des comptes répond aussi à un souci de respect de la légalité financière, pour une gestion exempte d'erreur grâce à un avis prospectif.
Cette « évolution » du rôle des chambres régionales des comptes a d'ailleurs été au c_ur des débats récents sur les juridictions financières tant lors du colloque « Démocratie locale et chambres régionales des comptes » qui s'est tenu à Paris le 27 juin 1997 que dans le cadre des travaux du Sénat qui ont donné lieu à la publication du rapport n° 520 « Chambres régionales des comptes et élus locaux : un dialogue indispensable au service de la démocratie locale».
Dernièrement, le président de l'Association des présidents des chambres régionales des comptes et président de la chambre régionale des comptes de la région PACA indiquait au journal le Monde, en date du 1er avril 1999, que « les CRC pourraient développer une fonction de conseil en amont auprès des collectivités. La législation européenne s'y opposerait s'il s'agissait de conseils officiels. Mais les CRC pourraient parfaitement diagnostiquer les forces et les faiblesses d'un programme d'investissements avant sa réalisation. Et se contenter de rendre un avis. Pour cela, il faudrait modifier la législation. »
Le moment est, à mon avis, venu de traduire au niveau de la loi cette volonté commune exprimée ici et là depuis deux ans par les élus, les juges financiers, la doctrine.
Cette disposition législative nouvelle pourrait, en outre, être utilement complétée par des dispositions d'ordre réglementaire qui permettaient aux exécutifs départementaux et régionaux de saisir les présidents de tribunal administratif :
- d'une part, pour avis sur toutes questions de droit relevant du cadre spécifique de la décentralisation, grâce à une modification des articles R. 242 et suivants du code des tribunaux administratifs ;
- d'autre part, aux fins d'éclaircissement sur les modalités d'exécution des décisions de justice, compte tenu des dispositions de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'exécution des décisions juridictionnelles, et ce, par une adaptation du code des tribunaux administratifs ou par une modification de l'article 58 du décret du 30 juillet 1963 portant élargissement de la voie ouverte aux ministres, en permettant auxdits exécutifs de solliciter la juridiction administrative locale sur les problèmes d'exécution de décisions intervenues dans le cadre spécifique de la décentralisation, comblant ainsi un vide juridique.
L'ensemble de ce dispositif permet de compléter utilement, d'une part, l'exercice du contrôle de légalité par les préfets et, d'autre part, l'intervention des juridictions administratives et des chambres régionales des comptes, contrôle et intervention qui se font depuis 1982 a posteriori, ce qui peut entraîner des incertitudes juridiques et des difficultés majeures d'exécution et de régularisation administrative.
Nous vous demandons en conséquence de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI
Article unique

Il est inséré, après l'article L. 235-1 du code des juridictions financières, un article L. 235-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 235-2 - Les présidents des chambres régionales des comptes peuvent être appelés à donner leur avis sur les questions qui leur sont soumises par les présidents des conseils régìonaux et des conseils généraux.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des dispositions du présent article. »
N°1627. - PROPOSITION DE LOI de M. Jacques BLANC accordant aux présidents des conseils régionaux et généraux la possibilité de saisine pour avis des chambres régionales des comptes (renvoyée à la commission des lois)


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