No 1714
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juin 1999.
PROPOSITION DE LOI
visant à prévenir les situations de surendettement,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

présentée

par MM. Pierre HELLIER, René ANDRÉ, François d'AUBERT, Mme Sylvia BASSOT, MM. Léon BERTRAND, Claude BIRRAUX, Émile BLESSIG, Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, MM. Loïc BOUVARD, Dominique CAILLAUD, Pierre CARDO, Henry CHABERT, Georges COLOMBIER, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Claude DECAGNY, Yves DENIAUD, Franck DHERSIN, Renaud DONNEDIEU de VABRES, Dominique DORD, Charles EHRMANN, Jean-Claude ÉTIENNE, Jean-Michel FERRAND, Claude GATIGNOL, Hervé GAYMARD, Michel GIRAUD, Claude GOASGUEN, Robert LAMY, Édouard LANDRAIN, Jacques LE NAY, Maurice LEROY, Lionnel LUCA, Franck MARLIN, Christian MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Jacques MASDEU-ARUS, Pierre MICAUX, Yves NICOLIN, Bernard PERRUT, Jean Luc PRÉEL, André SANTINI, Guy TEISSIER, Michel VOISIN, Jean-Jacques WEBER et Pierre-André WILTZER,

Députés.

Politique sociale.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
De mars 1990 à janvier 1999, 730271 dossiers ont été déposés devant les commissions de surendettement, avec un fort accroissement ces deux dernières années.
Si le législateur a développé un important dispositif de traitement du surendettement, peu de dispositions permettent en revanche de prévenir de telles situations. Or, il semble que bien des situations de surendettement pourraient être aisément évitées avec un meilleur encadrement juridique de l'obtention des prêts.
Le surendetté est souvent victime d'un système pernicieux de stimulation de la consommation. Il s'endette au-delà de ses capacités financières par faiblesse face aux tentations de la société de consommation, manque d'expérience ou de discernement.
La publicité, les facilités du crédit, les pressions des vendeurs poussent en effet le consommateur à des achats inconsidérés et le surendettement est également souvent suscité par certains prêteurs accordant des crédits, d'un volume évidemment excessif au regard des ressources de l'emprunteur, sans contrôle suffisant.
Pour l'obtention des prêts, l'emprunteur, voire même l'intermédiaire chargé de constituer le dossier de demande de prêt, donne parfois des renseignements précontractuels erronés au prêteur : le passif est dissimulé ou minoré, les ressources sont fictives ou exagérées.
Certains prêteurs ne vérifient pas ces éléments qui sont pourtant déterminants pour l'attribution du crédit. Or, afin de remplir correctement son devoir de conseil, le prêteur doit se renseigner pour connaître la situation patrimoniale et financière de l'emprunteur et ne lui accorder le prêt demandé que s'il n'apparaît pas de disproportion entre l'endettement et la faculté contributive de l'emprunteur.
L'offre préalable de crédit devrait donc comporter systématiquement une clause d'agrément, le prêteur ne pouvant agréer la personne de l'emprunteur, et donc rendre possible la formation du contrat de crédit, qu'après avoir contrôlé certains points :
· L'exactitude des renseignements précontractuels fournis par l'emprunteur relatifs notamment à ses ressources et aux charges qu'il supporte. Le prêteur pourra exiger la production d'attestations certifiées conformes (contrat de travail, situation de famille...).
Afin de faciliter les démarches du prêteur, dans le cadre de la vérification des charges de l'emprunteur, il est institué un fichier national recensant les informations relatives aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels.
Ce fichier est géré par la Banque de France et son financement est assuré par les prêteurs qui pourront augmenter en conséquence les frais de dossier acquittés par les emprunteurs.
Un décret, pris après avis du Conseil national du crédit, détermine les seuils d'endettement, en fonction des revenus, au-delà desquels le prêteur devra refuser l'attribution du prêt sollicité.
· Si l'emprunteur est inscrit ou non au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers institué par l'article L. 333-4 du code de la consommation. Dans l'affirmative et si le débiteur n'a pas régularisé sa situation à l'égard de son ou ses créanciers, le prêteur doit refuser l'attribution du crédit sollicité.
En cas de manquement par le prêteur à l'une de ces obligations, il encourt alors une amende de 20000 F et la déchéance du droit aux intérêts (légaux et conventionnels), l'emprunteur n'étant alors tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi qu'il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Dans l'article L. 311-10 du code de la consommation, après les mots : " rappelle les dispositions des articles L. 311-15 à L. 311-17 et  311-32 ", sont insérés les mots : " ainsi que des articles L. 313-17 et L. 313-18 ".

Article 2

Dans l'article L. 311-15 du code de la consommation, les mots : " Lorsque l'offre préalable ne comporte aucune clause selon laquelle le prêteur se réserve le droit d'agréer la personne de l'emprunteur, le contrat devient parfait dès l'acceptation de l'offre préalable par l'emprunteur. Toutefois, " sont supprimés.

Article 3

Dans l'article L. 311-16 du code de la consommation, les mots : " Lorsque l'offre préalable stipule que le prêteur se réserve le droit d'agréer la personne de l'emprunteur, " sont supprimés et les mots : " dans ce même délai de sept jours " sont remplacés par les mots : " dans le délai de sept jours ".

Article 4

Dans l'article L. 312-8 du code de la consommation, après les mots : " rappelle les dispositions de l'article L. 312-10 ", sont insérés les mots : ", L. 313-17 et L. 313-18 ".

Article 5

Après l'article  313-16 du code de la consommation, il est inséré un article  313-17 ainsi rédigé :
Art. L. 313-17. - L'offre préalable de crédit comporte une clause d'agrément.
" L'établissement de crédit qui décide de donner une suite favorable à la demande de crédit formulée dans l'offre préalable doit notifier l'agrément à l'emprunteur avant l'expiration du délai de sept jours pour un crédit à la consommation, et de dix jours pour un crédit immobilier, délais pendant lesquels l'emprunteur peut exercer son droit de rétractation.
" Le silence gardé par l'établissement de crédit équivaut à un refus d'agrément. "

Article 6

Après l'article L. 313-16 du code de la consommation, il est inséré un article L. 313-18 ainsi rédigé :
Art. L. 313-18. - Pour agréer la personne de l'emprunteur, l'établissement de crédit doit pouvoir établir que ses ressources lui permettent de rembourser le prêt. Pour ce faire, il doit vérifier :
" 1° L'exactitude des renseignements précontractuels fournis par l'emprunteur relatifs à ses ressources et aux charges qu'il supporte. Il a recours au fichier national des crédits institué par l'article L. 313-19 afin de déterminer avec certitude le passif de l'emprunteur;
" 2° L'inscription éventuelle de l'emprunteur au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers institué par l'article L. 333-4. Dans l'affirmative et si le débiteur n'a pas régularisé sa situation à l'égard de ses créanciers, le prêteur doit refuser l'octroi du crédit sollicité;
" 3° Que les ressources de l'emprunteur lui permettent de rembourser le prêt sollicité. Un décret, pris après avis du Conseil national du crédit, fixe des seuils d'endettement, en fonction des revenus, au-delà desquels les établissements de crédit devront refuser tout contrat de crédit.
" En cas de manquement à l'une quelconque de ces obligations, le prêteur encourt une amende de 20000 F et la déchéance du droit aux intérêts, l'emprunteur n'étant alors tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû. "

Article 7

Après l'article L. 313-16 du code de la consommation, il est inséré un article L. 313-19 ainsi rédigé :
Art. L. 313-19. - Il est institué un fichier national recensant les informations relatives aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels. Ce fichier est géré par la Banque de France et les conditions de son financement sont fixées par décret. Il est soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
" Les établissements de crédit visés par la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit ainsi que les services financiers de La Poste sont tenus de déclarer à la Banque de France les termes de tout contrat de crédit qu'ils concluent, c'est-à-dire tout contrat en vertu duquel ils consentent à un consommateur un crédit sous la forme d'un délai de paiement, d'un prêt ou de toute autre facilité de paiement.
" Les établissements de crédit et les services financiers de La Poste ont seuls accès aux informations nominatives contenues dans ce fichier.
" La Banque de France est déliée du secret professionnel pour la diffusion, aux établissements de crédit et aux services financiers susvisés, des informations nominatives contenues dans le fichier.
" Il est interdit à la Banque de France, aux établissements de crédit et aux services financiers de La Poste de remettre à quiconque copie, sous quelque forme que ce soit, des informations contenues dans le fichier.
" Un règlement du comité de la réglementation bancaire, pris après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés et du comité consultatif institué par l'article 59 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, fixe les modalités de collecte, d'enregistrement, de conservation et de consultation de ces informations. "

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N° 1714.- PROPOSITION DE LOI de M. Pierre HELLIER et plusieurs de ses collègues visant à prévenir les situations de surendettement (renvoyée à la commission des lois).


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