N° 1857
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 1999.
PROPOSITION DE LOI
visant au transfert des cendres de Rouget de Lisle au Panthéon.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. Georges SARRE,
Député.

Cérémonies publiques et fêtes légales.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La République n'a que trop peu honoré la mémoire de Claude-Joseph Rouget de Lisle, créateur de la Marseillaise, notre hymne national. Écrit par un soldat, ce chant patriotique transcende nos frontières. Symbole de la France, partout dans le monde il incarne l'idéal de liberté.
Si Rouget de Lisle se destine très tôt à la carrière militaire, il n'en oublie pas pour autant son goût pour les arts et les lettres. Brillant élève de l'école du Génie de Mézières, dont il sort en 1784, c'est à Strasbourg qu'il se trouve au moment de la déclaration de guerre au roi de Bohème et de Hongrie le 20 avril 1792. Avec son bataillon les Enfants de la patrie, il se prépare au combat. La France n'est pas encore une République, mais la patrie est déjà en danger. Il lui faut des volontaires, il leur faut du courage. Dans la nuit du 25 au 26 avril 1792, Rouget de Lisle écrit un chant de lutte. Lié d'amitié avec le baron Dietrich, maire de Strasbourg, il l'interprète chez lui. Dietrich l'appelle immédiatement Chant de guerre pour l'armée du Rhin.
Ses mots sont simples et évocateurs. Ils savent trouver dans le c_ur des Français l'écho enthousiaste de son souffle sublime. Né dans un milieu d'officiers et de bourgeois patriotes, ce chant devient celui du peuple tout entier. Jailli de l'est de la France, c'est sur son rythme que les fédérés marseillais entrent à Paris le 30 juillet 1792. Le Chant de guerre de l'Armée du Rhin a déjà quitté le sort commun de ces nombreux chants qu'entonna notre Révolution. Du Nord au Midi, la Marseillaise est devenue la voix unique de la nation, consciente d'elle-même. Michelet l'écrit : " Au matin de Jemmapes, la Marseillaise tient lieu d'eau-de-vie. "
Si ce qui caractérise la musique dans sa puissance originelle, c'est la capacité d'émouvoir, il est certain que ce qui caractérise dès cette époque la Marseillaise c'est d'être l'expression vibrante du sentiment national. Elle s'oppose aux despotes. Elle appelle à la constitution d'une armée de citoyens remplaçant la vieille armée aristocratique de l'Ancien Régime. A l'Europe monarchique, elle oppose l'ambition de la nation française : vivre libre.
Devenu chant national de la République en 1795, la Marseillaise, proscrite sous la Restauration, retentit à nouveau sur les barricades. Le 2 décembre 1851, après le coup d'Etat du Prince-Président, elle est l'ultime refuge des opposants. Soixante ans après sa création, elle n'a rien perdu de sa vigueur : elle donne l'élan, double les forces, voile la mort, selon la belle formule de Lamartine. Avec la Commune, la Marseillaise est le chant de ralliement des patriotes. La République restaurée retrouve naturellement le 14 juillet 1879 le chant des soldats de l'an II et en fait l'hymne national. De la Bretagne à la Champagne, à Paris, dans les campagnes, c'est sur ses mots que les écoliers apprennent la langue française.
Peut-être est-ce pourtant hors de nos frontières que la Marseillaise trouve son plus grand hommage : l'hommage des combattants de la liberté. Modèle de tous les hymnes nationaux modernes, elle est entonnée par l'Europe pendant le printemps des peuples en 1848. Nul autre chant patriotique n'a eu cette postérité admirable : incarner aux yeux du monde entier la liberté et le refus de la tyrannie.
Cette postérité exceptionnelle, Rouget de Lisle ne la connut pas. Après avoir pris part à quelques opérations militaires, telle l'affaire de Quiberon, il se retira des armes. Emprisonné pour dettes, il connut la misère et l'oubli. Il reçut finalement une pension de Louis-Philippe peu avant de mourir en 1836 à Choisy-le-Roi. En 1915, le Président Poincaré proposa de transférer ses cendres de Choisy-le-Roi au Panthéon. Mais cet hommage tardif de la République tourna court devant l'opposition du Parlement. Les cendres de Claude-Joseph Rouget de Lisle se trouvent aujourd'hui dans le caveau des Gouverneurs, situé sous la crypte de l'église Saint-Louis aux Invalides.
La France n'a que trop tardé à saluer la mémoire de cet homme dont l'_uvre, si elle tient à quelques couplets, est de celles qui atteignent le génie. Rouget de Lisle mérite la reconnaissance que la patrie offre à ses grands hommes. La dernière fête nationale du siècle doit être marquée par un événement symbolique à sa mesure. Elle peut être l'occasion de transférer les cendres de Claude-Joseph Rouget de Lisle au Panthéon.
C'est pourquoi je demande à Mesdames et Messieurs les députés de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI
Article unique

Les cendres de Claude-Joseph Rouget de Lisle, créateur de la Marseillaise, sont transférées au Panthéon.

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N° 1857.- Proposition de loi de M. Georges Sarre visant au transfert des cendres de Rouget de Lisle au Panthéon (renvoyée à la commission des affaires culturelles).


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