N° 1858
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 1999.
PROPOSITION DE LOI
relative à la normalisation et à la prévention parasismiques.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Alfred MARIE-JEANNE,
Député.

Sécurité publique.

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi vise à remédier aux carences législatives concernant la prévention et la sécurité en cas d'événements sismiques.Ceux qui se sont déroulés en 1999 en Turquie, en Grèce et à Taïwan devraient donner à réfléchir. Le récent séisme du Mexique, de magnitude 7,5, a fait quelques dizaines de morts alors qu'au milieu des années 1980, un tremblement de terre de magnitude 8,1 en a fait des milliers.Entre-temps, que s'est-il passé?La plupart des bâtiments ont été construits selon les règles parasismiques, préservant ainsi des vies humaines.
En somme, c'est une volonté politique qui va favoriser une évolution de mentalités face à de telles catastrophes naturelles. Les législations applicables à Los Angeles, au Mexique ou au Japon ont fait leurs preuves.
Pourtant, l'histoire des DOM-TOM a été émaillée de tremblements de terre. Pour la Guadeloupe, les dates du 8 février 1843 et du 29 avril 1897 ont marqué.Il en va de même pour la Martinique du 11 janvier 1839. Ces îles sont sises sur des failles tectoniques.
Deux causes profondes expliquent les séismes dans cette région, la subduction de la plaque Amérique sous la plaque Caraïbe (phénomène interplaques) et les failles à l'intérieur de l'arc Caraïbe (intraplaque).Si la première peut être de forte intensité, la seconde bien que moins intense est tout aussi meurtrière si le phénomène est concentré sous une ville. Or, on sait que l'urbanisation croissante produit un effet amplificateur en terme de victimes!...
On comprend alors que l'accent a été mis sur les conséquences calamiteuses d'un éventuel tremblement de terre très intense aux Antilles par le rapport Gemitis publié en septembre 1999. Il faut bien avouer que l'absence d'obligations en matière de formation et le défaut de prise en compte des effets de site et de l'évolution de la science sur les questions sismiques ne permettent pas d'apaiser l'émoi dans les zones menacées.
Les effets de site sont les réactions du sol face aux séismes, en distinguant les sols souples et les sols rigides. Les sols souples limitent la propagation des ondes mais génèrent une liquéfaction susceptible de faire entrer les bâtiments sous terre, même partiellement.Les sols rigides favorisent par contre la propagation des ondes. Il convient de préconiser certaines mesures afin d'amortir la fréquence des ondes par des moyens techniques avancés.
Les phénomènes de fréquences doivent être étudiés en tenant compte des nombreuses répliques. La finalité reste la limitation de la catastrophe humaine et économique.
La formation en sismologie y contribue. Au Japon, dès les plus petites écoles, l'enseignement en la matière qui vise à garantir les conditions maximales de sécurité et de protection contre les séismes mérite une attention particulière. Outre la programmation scolaire, la formation professionnelle doit s'intéresser aux phénomènes sismiques.
Des dispositions sanitaires adaptées ont notamment pour objectif de sauver des vies de personnes qui, sous les décombres, sont amenées à subir de l'hémodialyse pour soigner le Crush Syndrom. Les deux centres qui existent en Martinique ne répondent pas aux normes de sécurité parasismique. Pour faire face à ces événements imprévisibles, il importe que la carte sanitaire et le schéma d'organisation sanitaire prennent en compte des données parasismiques, non seulement en matière de construction des établissements de soins mais encore de champ d'intervention, une fois le tremblement de terre survenu.
Les règles de passation des marchés doivent tenir compte des risques sismiques. S'il est vrai que le coût global supplémentaire qui s'imposerait à la collectivité publique ou aux propriétaires individuels serait supérieur de 10 % en cas de respect des règles antisismiques, la préservation des vies humaines vaut largement plus.
En dépit de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs (J.O. R.F. du 23 juillet 1987, p. 8199), modifiée par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement (J.O. R.F. du 3 février 1995, p. 1840), les mesures, telles que la mise en place de plans de prévention des risques naturels prévisibles, applicables notamment aux séismes, restent insuffisantes. Pourtant, la modification de l'article 41 de la loi n° 87-565 par l'article 16 de la loi n° 95-101 aurait pu être la base d'une généralisation de la protection parasismique des bâtiments, équipements et installations. En pratique, dans les zones exposées, il n'en est rien. Pour améliorer la situation, il faut compléter les dispositifs existants, en étendant notamment les pouvoirs des maires au titre de la sécurité publique.
En effet, l'élargissement des pouvoirs des maires peut rendre effective la généralisation de la protection sismique dans une zone à risque. Il s'agira d'interdire la délivrance d'un permis de construire en cas de non-respect des règles parasismiques et d'envisager une intervention éventuelle du maire en matière de normalisation parasismique.
L'ensemble des considérations préalable plaide en faveur d'un texte spécifique à la prévention des risques sismiques et de la sécurité civile en cas de tremblement de terre.
Le traitement de la normalisation et de la prévention parasismique est pluridisciplinaire. Il concerne la sécurité civile, l'éducation nationale, la formation professionnelle, la construction des bâtiments, le droit des marchés et la santé publique. On comprend alors que cette proposition de loi a plusieurs objectifs.
L'article 1er rappelle que la prévention des risques sismiques et la sécurité civile en cas de tremblement de terre sont des priorités qui s'imposent tant aux autorités nationales que territoriales.
Elles devraient être prises en compte dans plusieurs domaines, la construction et l'habitation, l'urbanisme, les règles de passation des marchés publics, l'enseignement et la formation.
Les conditions d'une intervention sanitaire la plus immédiate doivent être assurées sans préjudice des opérations d'assistance civile et militaire visant à venir en aide aux populations démunies à la suite d'un tremblement de terre, y compris dans le cadre de la coopération régionale ou transfrontalière, dans le respect des conventions internationales qui touchent à la prévention des risques naturels.
L'article 2 préconise un état des lieux des bâtiments, équipements et installations publics et de ceux des organismes chargés d'une mission de service public.
Les articles 3 et 4 précisent les personnes qui doivent respecter les règles parasismiques.
L'article 5 donne une base légale au refus d'un maire de délivrer un permis de construire en cas de transgression des normes parasismiques dans les zones à risque sismique.
L'article 6 en exige le respect pour les immeubles de grande hauteur tandis que les articles 7 à 9 en font de même pour les immeubles recevant le public.
Les articles 10 et 11 précisent l'action du maire en matière de normalisation parasismique.
Les articles 13 à 15 sont relatifs à l'enseignement et à la formation concernant les risques sismiques.
L'article 16 traite des effets de site.
L'article 17 conditionne la passation des marchés publics au respect des règles parasismiques lorsque cela est nécessaire.
L'article 18 garantit la prise en compte de données parasismiques dans le cadre de l'élaboration ou la révision de la carte sanitaire et du schéma d'organisation sanitaire dans les territoires considérés.

PROPOSITION DE LOI

TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PRÉVENTION
DES RISQUES SISMIQUES ET À LA SÉCURITÉ CIVILE

Article 1er

La prévention des risques sismiques et la sécurité civile en cas de tremblement de terre constituent des priorités qui s'imposent tant aux autorités nationales que territoriales.
Sans préjudice de l'article 41 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs, elles devraient être prises en compte en matière de construction et d'habitation, d'urbanisme, de passation des marchés publics, d'enseignement et de formation.
Les conditions d'intervention sanitaire la plus immédiate doivent être également assurées sans préjudice des opérations d'assistance civile et militaire visant à venir en aide aux populations démunies à la suite d'un tremblement de terre, y compris dans le cadre de la coopération régionale ou transfrontalière, dans le respect des conventions internationales qui touchent à la prévention des risques naturels.

Chapitre Ier
La prévention des risques sismiques
Article 2

Un état des lieux relatif aux bâtiments, équipements et installations publics ainsi que ceux d'organismes privés chargés d'une mission de service public s'impose. S'ils sont situés dans les zones exposées à un risque sismique, ils sont dotés d'équipements et matériels soumis à des règles parasismiques dont la liste évolutive en raison du progrès technique est définie par décret en Conseil d'Etat conformément à l'article 41 de la loi n° 87-565 du 23 juillet 1987 précitée.

Article 3

Dans le cadre de leurs compétences, les collectivités territoriales chargées d'ériger des bâtiments, équipements et installations au sens de l'article 41 de la loi n° 87-565 du 23 juillet 1987 précitée sur un territoire partiellement ou totalement concerné par les risques sismiques sont soumises à ces dispositions. Il en va de même des propriétaires, des responsables de construction comme les architectes, la direction départementale de l'équipement et les sociétés de construction, ainsi que des sociétés de gestion d'habitation à loyer modéré.

Article 4

La réhabilitation parasismique d'un immeuble est à la charge de son propriétaire. Si l'immeuble est géré par la copropriété, celle-ci prend les mesures qui s'imposent, conformément aux dispositions d'administration de la copropriété prévue par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 telle que modifiée par la loi n° 66-1006 du 28 décembre 1966, par la loi n° 85-1470 du 31 décembre 1985 et par la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994.

Chapitre II
Les pouvoirs du maire en matière de prévention
des risques sismiques

Article 5

Après le deuxième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
" Le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions et travaux sont conformes aux règles parasismiques dans l'une des zones visées à l'article 41, alinéa 1 de la loi n° 87-565 du 23 juillet 1987, que les locaux concernés soient ou non à usage d'habitation. "

Article 6

Après l'article L. 122-2 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article L. 122-3 ainsi rédigé :
" Art. L. 122-3. - Conformément à l'article 421-3, alinéa 3 du code de l'urbanisme, le permis ne peut être délivré que si les constructions et travaux sont conformes aux règles parasismiques dans une des zones visées à l'article 41, alinéa 1 de la loi n° 87-565 du 23 juillet 1987, que les locaux concernés soient ou non à usage d'habitation. "

Article 7

L'intitulé du chapitre III du titre IIdu livre Ier du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé : " Protection contre les risques d'incendie, de tremblement de terre et de panique dans les immeubles recevant du public ".

Article 8

Après le premier alinéa de l'article L. 123-1 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
" Conformément à l'article L. 421-3, alinéa 3 du code de l'urbanisme, les dispositions de ce texte rappelées à l'article L. 122-3 du présent code s'appliquent aux établissements recevant du public. "

Article 9

Après le premier alinéa de l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
" Les mesures complémentaires de sauvegarde et de sécurité contre les séismes peuvent être imposées par décret aux propriétaires, aux constructeurs et aux exploitants de bâtiments et établissements ouverts au public, dans les zones à risque sismique. "

Article 10

L'intitulé du livre cinquième du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé : " Bâtiments menaçant ruine ou insalubres, actions de normalisation parasismique ".

Article 11

Après le titre II du livre cinquième du code de la construction et de l'habitation sont insérés des intitulés et articles ainsi rédigés :

" TITRE III
" ACTIONS DE NORMALISATION PARASISMIQUE
" Chapitre unique

" Art. L. 531-1. - Le maire peut prescrire la normalisation parasismique des mûrs, bâtiments ou édifices quelconques sur le territoire de sa commune.
" Il peut faire procéder aux visites qui lui paraîtront utiles en y associant les services de la protection civile.
" Art. L. 531-2. - L'arrêté prescrivant la normalisation parasismique est notifié au propriétaire, qui prend les mesures qui s'imposent."

Article 12

I. - Le titre III du livre cinquième devient " Titre IV ".
II. - En conséquence, les articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de la construction et de l'habitation deviennent respectivement les articles L. 541-1 et L. 541-2 de ce même code.

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA FORMATION
ET À L'ENSEIGNEMENT

Article 13

Après consultations nécessaires et conformément à l'article 6 de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989, le ministre chargé de l'éducation nationale définit les programmes scolaires relatifs à la sismologie pour les établissements scolaires situés dans les zones visées à l'article 41 de la loi n° 87-565 du 23 juillet 1987.
Cet enseignement est dispensé conformément à la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989. Toutefois, en tant que de besoin, un personnel qualifié ou agréé peut assister l'équipe pédagogique, à la demande et sous la responsabilité de cette dernière.

Article 14

Dans le cadre d'une action concertée entre l'autorité responsable de la sécurité civile et les collectivités régionales concernées par les zones menacées, la formation professionnelle intègre la prévention des risques sismiques.
Les entreprises de construction situées dans les zones visées à l'article 41 de la loi n° 87-565 du 23 juillet 1987 doivent recevoir une formation qualifiante et certifiante relative à la sismologie et aux techniques de construction.
Les conditions d'application du présent article sont définies par décret.

Article 15

Un pôle de formation, de recherche et d'expérimentation sur la réduction de la vulnérabilité des bâtiments et sur les effets de site est créé dans les conditions fixées par décret.
Les experts, l'ordre des architectes et les entreprises de construction y sont associés. Les écoles d'architecture peuvent dispenser une formation sur la construction parasismique dans les territoires menacés.
Les universités, dans les zones visées à l'article 41, alinéa 1 de la loi n° 87-565 du 23 juillet 1987, peuvent dispenser des enseignements en matière de sismologie.

TITRE III
LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX EFFETS DE SITE
Article 16

Les constructions de bâtiments ainsi que la prise de mesures de sécurité tiennent compte des effets de site.
Les mesures envisagées évoluent en fonction du progrès scientifique et technique afin d'assurer une politique efficace en matière de sécurité.Elles varient selon la nature des sols en présence.
Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.

TITRE IV
LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX PASSATIONS
DE MARCHÉS FACE AUX RISQUES SISMIQUES

Article 17

Les entreprises candidates à un marché public doivent, dans les zones visées à l'article 41 de la loi n° 87-565 du 23 juillet 1987, garantir, sur la base d'un document intégré au dossier de consultation des entreprises, le respect des règles parasismiques en vigueur.
Les entreprises qui ne peuvent en garantir le respect sont écartées du marché, à moins de démontrer qu'il en serait autrement au début des travaux ou sous réserve que le marché ne nécessite une telle protection.
Un décret fixe les conditions d'application de cet article en matière de publicité des avis relatifs aux marchés publics et de capacité à satisfaire aux exigences du présent article.

TITRE V
LES MESURES PRISES FACE AUX RISQUES SANITAIRES
Article 18

Le troisième alinéa de l'article L.712-1 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :
" Elle prend aussi en compte le fait que la carte sanitaire et le schéma d'organisation sanitaire intéressent une zone à risque sismique. "

TITRE VII
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 19

Avant le 31 décembre 2004, le Gouvernement présente au Parlement un rapport relatif à la normalisation et à la prévention parasismique. Ce rapport présente les mesures prises en application de la présente loi et celles qui restent à envisager.

Article 20

Les dépenses résultant pour l'Etat de la présente loi sont compensées à due concurrence par les augmentations de droits sur les tabacs aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
N°1858. - PROPOSITION DE LOI de M. Alfred MARIE-JEANNE relative à la normalisation et à la prévention parasismiques. (renvoyée à la commission des lois)


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